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Histoire de la BBZ

Trois mois. C’est le temps qu’il aura fallu à une équipe de consultants en stratégie d’entreprise parisiens
pour mener à terme une mission de réduction des coûts au sein d’un groupe de médias français. Ce dernier,
dont le nom n’est pas dévoilé par nos sources, est tenu de réduire ses structures de coûts pour répondre à un
changement de modèle économique commun à tout le secteur : la baisse du lectorat sur papier. 
Huit consultants sont missionnés à plein temps. Après avoir établi un mapping fin des activités du groupe,
l’équipe identifie plusieurs leviers de réduction des coûts.
En commençant par le grammage du papier, le nombre de salariés, la suppression de certaines activités ou
automatisation, l’outsourcing, la mutualisation de certaines rédactions du groupe… : résultat des courses,
l’équipe de consultants et son partner référent identifient une réduction importante des coûts actionnable
sur une période trente-six mois maximum. Charge ensuite au client de mettre en œuvre ces propositions de
réductions de coûts. Des propositions qui peuvent aller très loin parfois, au terme de revues au peigne fin
éprouvantes pour les consultants comme les commanditaires.
Autre entreprise, cette fois un groupe de services qui missionne Roland Berger après s’être rendu compte
qu’un changement important d’environnement réglementaire va substantiellement diminuer ses revenus,
d’environ 20%. Cette fois, ce sont cinq consultants qui sont dépêchés pendant trois mois et travaillent par
itérations successives avec le PDG, le directeur financier et le responsable du projet.
Aux consultants d’identifier les « unités décisionnelles » actives au sein du groupe, c’est-à-dire les équipes
et les coûts effectivement à l’œuvre au-delà de l’organigramme, et voir comment mieux faire fonctionner
chacune d’elle en remettant tout à plat.
Un vieux machin

Cette méthode a un nom : budget base zéro, communément appelé « BBZ ». Son principe est aussi simple
que radical a priori : au lieu de définir les budgets de chaque département d’une entreprise sur la base de
celui de l’année précédente, on demande aux managers de justifier de chaque dépense pour la nouvelle
année. Ce qui implique d’interroger le bien-fondé de ces dépenses et de se donner des opportunités plus
fréquentes de les couper si elles ne sont plus nécessaires.
Et le BBZ ne date pas d’hier : plutôt des années 1960. C’est un comptable américain de Texas Instruments,
Pete Pyhrr, qui en a eu l’idée, avant qu’elle ne soit reprise puis popularisée dans le secteur public par le
gouverneur de l’État fédéral de Géorgie, un certain Jimmy Carter.
Puis moins de lumière pour un outil qui est cependant resté en usage. Mais la crise lui réussit. Dans des
périodes de tension sur les coûts, le « BBZ » est redoutablement séduisant pour les directions d’entreprises.
En France, l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) sonde chaque
année des directeurs administratifs et financiers (DAF) d’une vingtaine de pays européens et extra-
européens. Il en ressort que tout secteur et toute taille confondus un nombre croissant d’entreprises ont
recours au « BBZ ».
« Un retour en grâce »

« On note un regain d’intérêt depuis trois ou quatre ans. Il est souvent demandé à l’initiative d’une direction
générale et appliqué de manière très verticale, sur trois à quatre mois dans de grands groupes », appuie
Frédéric Doche, président du groupe Contrôle de gestion de la DFCG.
« Un retour en grâce », pour Ambroise Lecat, associé de Roland Berger à Paris qui, depuis ses débuts au
sein du cabinet en 2006, dit avoir toujours vu cet outil « activement promu par le cabinet ». «
Normalement, c’est l’outil par excellence des fins de cycle de croissance. En période de croissance, il peut
aussi être très utilisé dans des secteurs en difficulté, comme l’acier ou la métallurgie, ou dans des secteurs
qui connaissent de l’inflation du fait par exemple d’une consommation énergétique importante », détaille
Ambroise Lecat.
Ce regain d’intérêt – dont témoigne le nombre importants de publications sur le sujet (voir notre
infographie) – est aussi motivé par certains colosses mondiaux qui se sont fait les chantres de la pertinence
et de l’efficacité du « BBZ ».
À commencer par la société de capital-investissement 3G Capital qui a initié pas moins de 470 milliards de
dollars d’acquisitions depuis 1997. Des acquisitions dans la bière (Anheuser-Busch, SAB Miller) ou dans
les biens de grande consommation (Heinz, Kraft, Burger King, Tim Hortons…) que 3G Capital a financées
par une dette à faible prix, puis remboursées en réduisant drastiquement les coûts et en augmentant les
excédents de trésorerie des entreprises acquises – selon le principe du LBO.
Dans le sillage d’une pareille effervescence, les cabinets de conseil en stratégie ne se trompent pas sur les
opportunités commerciales que recèle le « BBZ ». Encore récemment, L.E.K. Paris a déployé cette
méthode dans le secteur des matériaux de construction.
Monitor Deloitte a même structuré des équipes dédiées au BBZ. « Il y a trois principaux cas de figure dans
lesquels les cabinets de conseil sont sollicités pour conduire un budget base zéro : la réduction des coûts à
court terme, la remise à plat récurrente des processus d’une entreprise et le dégagement de marges de
manœuvre nouvelles en amont d’opérations de croissance externe », indiquait Grégory Morel, un associé
parisien du cabinet, dans une interview à Consultor en juillet.
Réduction des coûts bête et méchante, recherche de nouveaux business models, concurrence d’un nouvel
entrant : quelles qu’en soient les raisons, le « BBZ » constitue un relais d’activité certain pour le secteur du
conseil en stratégie.
Un consultant pour 100 salariés

D’autant plus qu’ « avant 2009, on gérait la croissance puis la réduction des coûts alternativement.
Désormais on fait les deux à la fois », explique Yoram Bosc-Haddad, associé chez Ylios. Deux fois plus de
raisons d’y recourir simultanément. « C’est une part rentière de notre activité », appuie Grégory Morel,
sans préciser la part exacte que le « BBZ » représente dans les missions conduites chaque année par le
cabinet en France.
Comptez environ un consultant pour 50 à 100 salariés équivalents temps plein dans l’entreprise où un
cabinet de conseil est mandaté. Voire 150 si la mission est demandée directement par le directeur général
avec un accès privilégié aux informations stratégiques de l’entreprise.
Roland Berger est l’acteur historique du « BBZ » en France, aux dires de nos sources. D’ailleurs le cabinet
va jusqu’à marketer son propre Budget Base Zéro Accéléré. Et promet à ses prospects qu’ils retrouveront «
rapidement jusqu’à 25% d’agilité », avec plaquette et mail dédiés à l’appui pour s’y essayer.
« La grande vertu du ”BBZ” est de s’affranchir de la subjectivité des managers et de donner une vision
froide et objectivée des coûts. C’est ce qui fait son succès », dit Ambroise Lecat. Tous les cabinets
proposent désormais plus ou moins activement leur « BBZ ». Rarement vendu seul, il est quasi
systématiquement rattaché à des prestations plus globales d’amélioration de la performance.
Ce qui ferait presque oublier les désavantages du baume magique. Car l’outil est beaucoup plus
chronophage que la simple reconduction d’un budget d’année en année, passe par du flicage à la
photocopieuse, des licenciements de large échelle, limite la croissance organique de l’activité et appelle des
acquisitions répétées comme chez 3G Capital.
« Le ”BBZ” en période de croissance est plutôt facile à exécuter par des réorganisations. Mais quand il
passe par des plans de départs, un sujet de ressources humaines complexe doit être traité en parallèle », dit
Yoram Bosc-Haddad. « Il ne suffit pas de dire “j’ai fait la liste des activités, voici l’objectif de réduction de
coût” », s’amuse Frédéric Doche.
La responsabilité incombe aux commanditaires de la mission de faire œuvre de pédagogie en amont pour
expliquer le bien-fondé du programme de réduction des coûts envisagé. Quant aux consultants, ils doivent
être fort humainement. Car souvent le « BBZ » prend, concrètement, la forme de discussions intimes et
parfois rugueuses entre un manager de 10 à 20 personnes et un consultant qui vient comprendre comment
ce noyau fonctionne et comment il pourrait mieux fonctionner. Jouer la mouche du coche n'est pas
nécessairement évident.
Ne pas tomber dans les marchandages

« Il faut coller à la méthode et éviter à tout prix de rentrer dans des marchandages de tapis sur le mode
‘donne-moi 200 000 euros ici et je te rendrais 50 000 euros là. C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire et
c’est parfaitement contre-productif », défend Ambroise Lecat.
Évidemment, certains « BBZ », une minorité du fait de la mobilité et des possibilités de réaffectation des
grands groupes, aboutissent aussi à des départs. « On n’a rien sans rien. Mais ce n’est pas un travail dont on
a à rougir. Je n’ai jamais vu des “BBZ” qui visaient à servir des retraités californiens et n’avaient pas de
justification industrielle ou de compétitivité », tranche Ambroise Lecat.
Des vagues de départs, le cas échéant, que les consultants en stratégie peuvent également assister en
définissant les modalités de réduction des effectifs (départs volontaires, pré retraites, création
d’entreprises…) dans la continuité d’un « BBZ ». « Aucun client ne se lance dans la démarche de gaieté de
cœur. D’autant moins que les coûts sociaux, en avocats et en consultants sont possiblement lourds »,
complète Ambroise Lecat.
Profils un peu douillets s’abstenir. Sur ces missions priorité aux consultants solides analytiquement et
humainement.

Histoire du tableau de bord


Kaplan et Norton ont rendu célèbre le tableau de bord dans un article de
1992, publié dans le Harvard Business Review : « The Balanced Scorecard
: Measures That Drive Performance ». Ce texte est issu de la volonté des
deux chercheurs de mesurer les facteurs à l'origine de la performance
d'une institution. Selon un credo partagé avec Lord Kelvin, physicien
britannique de la fin du 19ème siècle :

If you cannot measure it, you can't improve it.

Le tableau de bord s'articule donc comme un outil de gestion regroupant un


ensemble de mesures qui offrent au gestionnaire l'information nécessaire à
la bonne prise de décision dans l'organisation. Autant pour les
gestionnaires que pour les scientifiques, une prise de mesure adéquate,
ciblée et précise est essentielle. La publication du texte en 1992 a entrainé
l'adoption du tableau de bord par plusieurs organisations publiques ou
privées pour l'implémentation de leur stratégie. Toutefois, le tableau de
bord en tant qu'outil de gestion et de mesure de la performance n'est pas
une idée nouvelle au début des années 1990, puisque d'autres
organisations avaient déjà adopté un modèle semblable auparavant.

Parmi les pus anciens modèles de tableaux de bord, certains se trouvent


en France. À l'époque, le tableau de bord était surtout le fruit du travail
d'ingénieurs, dont la volonté était d'offrir un outil aux dirigeants et aux
ingénieurs pour ne pas qu'ils perdent de vue leurs organisations, et pour
leur permettre de les observer et de les analyser de la manière la plus
efficace et efficiente possible (Lebas, 1994). Cet outil est venu modéliser ce
qui

n'était pas visible, permettant ainsi de représenter et synthétiser la réalité


de l'organisation. Selon Pezet (2007), à partir de la seconde moitié du
19ème siècle, les dirigeants élaborent un système d'information de gestion
présentant les données, pour l'essentiel sous forme narrative, au travers
d'un « rapport hebdomadaire » ou « journal de marche ». La révolution
industrielle entraine la croissance de la taille des entreprises et leur
complexité. Le besoin des gestionnaires de plus d'informations statistiques
descriptives de la réalité opérationnelle se fait de plus en plus important. En
1936, Robert Satet (Pezet, 2007) propose un contrôle budgétaire
permettant la direction rationnelle des affaires. À travers son contrôle
budgétaire, il propose l'adoption d'une « documentation appropriée », ou ce
qu'il définit aussi comme des « statistiques dont une sélection judicieuse
est de rigueur pour atteindre le but que l'on se propose ». Par exemple,
Satet considère dans le cas d'une organisation textile trois groupes de
statistiques : statistiques commerciales et économiques, statistiques
industrielles et statistiques financières. Ce système de gestion, que Satet
regroupe dans un contrôle budgétaire, semble déjà définir les fondements
de ce qu'on appellera plus tard le tableau de bord.

Un modèle plus proche de la conception actuelle du tableau de bord


remonte au début des années 1950, avec le projet de General Electric (GE)
de développer les mesures de performance de ses unités d'affaire (Kaplan
et Norton, 2001). Pour ce faire, l'équipe en charge du projet développa huit
axes financiers et non financiers de mesure de la performance tels qu'ils
apparaissent dans cette liste :
Définitons selon l’auteur Selon D. BOIX & B. FEMINIER, « le Tableau de Bord est un outil
destiné au responsable pour lui permettre, grâce à des indicateurs présentés de manière
synthétique, de contrôler le fonctionnement de son système en analysant les écarts
significatifs afin de prévoir et de décider pour agir

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