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RENDEZ

VOTRE ENTREPRISE
PERFORMANTE !
Misez sur l’I.A :
une démarche innovante fondée sur
l’Intelligence de vos Acteurs.
NUMÉRO ISBN : 979 885 312 0198

Dépôt légal : Juillet 2023

©Bruno Loiret

Mise en page : Aurore Paris


Couverture : Aurore Paris - Alexdndz

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du Code de la propriété intellectuelle.
RENDEZ
VOTRE ENTREPRISE
PERFORMANTE !
Misez sur l’I.A :
une démarche innovante fondée sur
l’Intelligence de vos Acteurs1.

Bruno Loiret

1. Les acteurs sont tous les individus qui agissent dans l’entreprise.
Crozier, M., Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système. Seuil
Table des matières

Introduction ................................................. 9

Étape 1 : Lancement de la démarche ............... 25


1. Pour commencer, quels choix faire ? ........................ 28
2. Que faire des freins ? ............................................... 35
3. Que faire des émotions ?.......................................... 38
4. Comment gérer les risques ? ................................... 44
5. Quelle est votre vision ?............................................ 45
6. Quelle est votre stratégie ?....................................... 47
7. Vous avez d’autres projets ? ...................................... 59

Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise ...... 61


1. Pourquoi un diagnostic ........................................... 70
2. Présentation de l’entreprise .................................... 72
3. L’histoire de l’entreprise ........................................... 74
4. La culture de l’entreprise ......................................... 84
5. Les enjeux de l’entreprise ........................................ 91
6. Le fonctionnement de l’entreprise .......................... 93
7. Les activités de travail .............................................. 131
8. Mise en œuvre du diagnostic ................................... 153

Étape 3 : L’élaboration de scénarios................. 159


1. Préparation des ateliers............................................ 159
2. Atelier 1 : La compréhension du contexte et de
l’environnement .......................................................... 175
3. Atelier 2 : La compréhension des besoins des
utilisateurs.................................................................. 180
4. Atelier 3 : La compréhension des parcours
des utilisateurs ........................................................... 192
5. Atelier 4 : La proposition de scénarios
à mettre en œuvre ...................................................... 196
Étape 4 : Bilan des ateliers et
décision du scénario ..................................... 203
1. Bilan des ateliers et présentation des scénarios ........ 203
2. La décision du scénario ........................................... 204

Étape 5 : Mise en oeuvre du scénario décidé .... 211


1. Les contributions à ce projet .................................... 211
2. Le suivi de ce projet ................................................. 212
3. Le scénario est opérationnel .................................... 213

Étape 6 : Et après. Pour une transformation


durable ? .................................................... 217
1. Une veille permanente .............................................. 217
2. L ’amélioration continue .......................................... 218
3. L’innovation............................................................. 220
4. Entre amélioration continue et innovation ............... 222

Conclusion .................................................. 225

À propos de l’auteur ..................................... 233

Remerciements ............................................ 235

Bibliographie ............................................... 236


« Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde ».
Descartes3.

3. Descartes, R. (2000). Discours de la méthode. Fayard/Mille et une nuits.

7
Introduction

Dirigeant, très régulièrement, votre entourage profession-


nel vous recommande de transformer votre entreprise pour la
rendre plus performante.

Ce sujet vous interpelle probablement, car vous lisez ces lignes.

Avant de vous lancer dans un tel projet de transformation, vous


avez raison de vous questionner sur le besoin de cette transformation.

Aujourd’hui, que diriez-vous du « comportement » de votre


entreprise face à son contexte ?
Puis, je vous propose ensuite une réflexion distanciée.

« Elle fait face seulement à un trou d’air, c’est conjoncturel,


et les performances antérieures vont forcément revenir ».
Les expériences passées sont-elles toujours valides ?

« Les concurrents ne font pas notre métier, ce n’est pas Goo-


gle ou Amazon qui vont nous faire peur ! ».
Ces mastodontes de l’internet ont déjà « cannibalisés » cer-
taines activités. Si certains « cœurs de métiers » peuvent ne pas
être modifiés profondément, elles sont le plus souvent dépen-
dantes de plates-formes internet, grandes ou petites, interna-
tionales ou nationales, voire locales.

« D’après les études de notre secteur, on n’a pas à se


plaindre, pour d’autres c’est peut-être différent ».
Tous les secteurs sont concernés ! Certains secteurs sont au-
jourd’hui fortement impactés, tandis que d’autres sont moins
touchés, à ce jour…

« La plupart de nos clients ne vont pas sur internet, on n’est


pas concerné par cette cible ».

9
Introduction

Vos clients peuvent ne pas être utilisateurs d’outils internet


(personnes très âgées ou avec handicap…). Le plus souvent, ces
personnes dépendent, à un niveau ou à un autre, ou à un mo-
ment ou un autre, de personnes utilisant les outils internet ou
ayant de nouveaux besoins de services ou de produits.

« Si l’on doit changer, on fera ce qu’il faut, comme on l’a tou-


jours fait ».
Le plus souvent, en effet, les entreprises ont déjà vécu des
« crises » plus ou moins aigües. Si elles sont toujours là, c’est
qu’elles se sont toujours relevées.
Aujourd’hui, attendre trop longtemps peut être fatal. Les ré-
ponses d’hier ne sont pas toujours appropriées pour répondre
aux difficultés actuelles...

« On a trop investi maintenant, on ne peut plus se permettre


de changer quoi que ce soit, de tout remettre en cause ».
La réaction du dirigeant est tout à fait légitime. Toutefois, il
doit être très vigilant sur son contexte et son environnement.
Les investissements déjà réalisés peuvent être caducs si des
adaptations ne sont pas réalisées au moment propice.

Toutes ces réactions sont compréhensibles, car de nouveaux


enjeux, parfois importants, peuvent « déstabiliser » le dirigeant et
toute son entreprise. La Direction doit prendre très au sérieux les
baisses de performances et mener des réflexions approfondies.

En effet, des « difficultés ponctuelles » connues de l’entreprise


peuvent souvent devenir plus régulières, plus importantes. Le
dirigeant doit les considérer finalement comme structurelles.
La situation économique de son entreprise ne pourra probable-
ment pas, spontanément, évoluer vers un business performant
ou même pérenne. Pour cela, il devra désormais intervenir en
apportant des changements.

Les résultats de votre «business» sont déprimants. Vous recevez


des injonctions à innover, à «disrupter» votre marché, c’est-à-dire
à transformer votre entreprise. Ces propos ne vous rassurent pas!

10
Introduction

La transformation, c’est quoi ?


La transformation d’entreprise n’est pas une science, n’est
pas une injonction à se transformer parce que c’est ainsi, parce
que c’est la mode et que l’on ne peut pas s’y soustraire.
Cependant, la transformation doit être considérée par les
entreprises comme un moyen de bénéficier d’opportunité éco-
nomiques.

D’après de nombreuses études (McKinsey3, Gartner4,…), seu-


lement environ 30 % des projets de changement réussiraient.

La principale raison de ces échecs ?


La « résistance au changement », c’est-à-dire le (Putain de)
Facteur Humain5.

Les études montrent, en effet, la distance entre l’enga-


gement des managers et des dirigeants (plongés dans un
programme de changement incarnant la survie pour leur
entreprise) et l’incompréhension d’une majorité de leurs colla-
borateurs.
Comme la plupart de dirigeants ou managers, nous avons
tous vécu des projets qui ont été des échecs. Les raisons des
échecs :
• On a pris plus de temps que prévu.
• On a dépassé les budgets affectés.
• On n’a pas obtenu toutes les promesses du projet.
Il n’est pas rare, même, que ces 3 raisons soient cumulées !

Des études menées jusqu’en 20156 par le Standish Group


montrent que les 3 principaux facteurs du succès de projets sont :

3. McKinsey & Company. (October 29, 2018). Unlocking success in digital transfor-
mations, Survey https://www.mckinsey.com/capabilities/people-and-organizatio-
nal-performance/our-insights/unlocking-success-in-digital-transformations
4. Selon le cabinet d’études Gartner, de 55 % à 75 % des projets de transformation
n’atteignent pas leurs objectifs.
5. Reeves, H. (10 mars 2017). France Culture : Le putain de facteur humain.
[Vidéo en ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=bI-y743v6ss
6. The Standish Group. (2015). Factors of Success (FOS2015). Boston. The Standi-
sh GroupRapport Chaos 2015 du Standish Group : https://standishgroup.com/
sample_research_files/CHAOSReport2015-Final.pdf (CHAOS FACTORS OF SUC-
CESS : page 11)

11
Introduction

• Le dirigeant (ou groupe de dirigeants) porte pleinement


le projet jusqu’à son accomplissement.
• La maturité émotionnelle pour permettre le travail en
équipe.
• L’engagement de l’utilisateur dans les processus de dé-
cisions ainsi que dans la récupération d’informations is-
sues du projet.

Prendre en compte la dimension humaine est primordial


pour tout projet « technique », et incontournable lorsque le pro-
jet consiste à transformer une entreprise !

Nous analyserons et donnerons des réponses (pas des so-


lutions !) aux projets de transformations en prenant en compte
les enjeux humains au sein des entreprises.

Une transformation de l’entreprise n’est pas bonne en soi !

Certains changements peuvent au contraire être de mau-


vais choix et ajouter de nouvelles difficultés, voire créer de nou-
veaux problèmes.

La transformation de l’entreprise ne doit donc pas être une


fin en soi !

Un tel projet est donc tout, sauf anodin !


L’évocation seule de ce sujet peut être déjà difficile pour le
dirigeant concerné, en particulier, en raison de la complexité.
En effet, un tel projet inclut le choix de l’approche à utiliser ainsi
que sa mise en œuvre.

Dans les médias, la transformation la plus impérieuse, voire


dictatoriale, est la transformation digitale.
Vous avez peut-être cédé à ces injonctions pour améliorer
les performances, ainsi promises, de votre entreprise.
Pour cela, vous avez probablement mis en place des outils
pour faciliter la coordination et la coopération entre différents
services. Certains salariés se sont tout de suite approprié ces

12
Introduction

nouveaux outils technologiques que vous aviez déterminés.


D’autres, par contre, malgré la formation à l’utilisation, ne les
ont pas adoptés. Ainsi, les performances attendues ne sont pas
au rendez-vous. Pourtant, pour « inciter » à l’utilisation, vous
avez attribué des primes, amélioré le confort des salariés, mis
en place du télétravail, aménagé les horaires de travail…

Vous êtes d’autant plus déçu que vous en aviez profité pour
revoir vos processus, l’organisation des activités… pour optimiser
tous vos fonctionnements internes. Pour en vérifier l’efficacité,
vous aviez mis en place des indicateurs de performance.

Il est possible que vous soyez découragé car vous avez fait
tout ce que vous pouviez pour un résultat en deçà de vos at-
tentes.
De plus, en procédant à ces aménagements pourtant né-
cessaires, vous avez provoqué des désengagements de salariés
et de nouveaux conflits sont apparus.

Que s’est-il donc passé ?


Avez-vous fait de mauvais choix techniques ? Ou vous n’avez
pas su convaincre vos salariés que vos propositions étaient les
meilleures.

Et si vous n’aviez pas pris en compte l’ensemble de la com-


plexité de l’entreprise.

En effet, vous êtes intervenu de façon unilatérale et distincte


sur un ou des aspects comme l’organisation du travail, les outils,
la reconnaissance, le confort des salariés… De ce fait, des effets
collatéraux non prévus et pourtant plausibles sont apparus.
Pour répondre à ce type de situation, l’enjeu est donc de
prendre en compte simultanément tous les différents aspects
de l’entreprise.

Mais, comment faire ?


Les réponses sont nécessairement complexes.

13
Introduction

Les réponses « techniques » sont souvent privilégiées car


elles semblent « simples » à sélectionner et à mettre en œuvre,
mais il n’en est rien !
Une question va alors rapidement apparaitre : comment les
faire adhérer aux réponses décidées ? La solution est particu-
lièrement ardue puisque chaque salarié a des désirs et des be-
soins différents. Ils peuvent aussi l’appréhender de façons très
contrastées, en utilisant leur intelligence, pas toujours dans l’in-
térêt de l’entreprise !

Faire intervenir les individus c’est toujours amener de la


complexité mais ils sont incontournables pour assurer la perfor-
mance de l’entreprise.

Vous trouverez des éléments de réponses tout au long de ce


livre. En effet, les réponses ne peuvent être définitives, car elles
dépendent justement de la situation de votre entreprise, dans
ses différents aspects.

Ma démarche AICIA7 s’appuie sur différentes ressources


académiques des Sciences Humaines et Sociales et des dé-
marches d’innovation :

1. La sociologie des entreprises : Elle analyse, les modes d’or-


ganisations des activités avec la hiérarchie, les modes de
coordination, la posture des « acteurs » dans l’entreprise.
Elle aborde aussi des éléments non « visibles » tels que
le pouvoir, la culture, les représentations, essentiels à
l’identification de problèmes. En l’absence de cette ana-
lyse, des « causes racines » des problèmes sera difficile
et vous ne traiterez vraisemblablement que des symp-
tômes. Vos investissements ne seront pas alors optimisés.

2. L’ergonomie8 : Elle analyse les activités réelles des


salariés au travail, au-delà des procédures détaillées
et des fiches de poste. En effet, tout ne peut pas être
décrit et le salarié doit nécessairement s’adapter.

7. Accompagnement Innovant du Changement avec l’Intelligence des Acteurs.


8. Daniellou, F. (dir.). (1996). L’ergonomie en quête de ses principes. Débats épisté-
mologiques. Octarès Toulouse.

14
Introduction

Il aura besoin, pour cela, de marges de manœuvre


suffisantes à prendre en compte. Sinon, les salariés
peuvent être malades, se désengager ou quitter votre
entreprise. Sans associer les salariés, managers et
collaborateurs, le travail réalisé ne répondra pas aux
besoins de performance globale de votre entreprise.

3. Le « Design Management »9.


• Le Design Thinking10 : C’est un processus de cocréa-
tion permettant de définir une solution vraiment
adaptée aux utilisateurs à partir de problèmes, dont
ils ont conscience ou non. La créativité d’une équipe
transverse permet de trouver des solutions inno-
vantes.

• L’UX (User eXperience)11 : Elle répond aux réels be-


soins des Utilisateurs et pour qu’ils vivent une bonne
expérience. Ici, les utilisateurs sont tous les individus
de l’écosystème de l’entreprise : ses utilisateurs in-
ternes (Direction, managers et collaborateurs) ainsi
que les utilisateurs externes, travaillant avec l’entre-
prise (clients, fournisseurs…). De ce fait, les réponses
générées par toutes les parties prenantes permet-
tront de répondre aux vrais besoins de tous les utili-
sateurs. Ainsi, les solutions seront vraiment utilisées
et donc des investissements vraiment optimisés.

Pourquoi vouloir traiter de ce sujet « des transforma-


tions » dans les entreprises, bien qu’il soit déjà omniprésent
dans tous nos supports d’informations : TV, réseaux sociaux,
livres et magazines… ?
Ce sujet est souvent traité de façon « générique » et ne per-
met donc pas, pour un dirigeant d’entreprise, par exemple, de

9. Blum, G., Cova, V. (2018). Sciences du design N° 7, Design management. PUF


10. Brown, T . (2014). L’Esprit Design : Comment le design thinking change l’entre-
prise et la stratégie ? Pearson Education.
Et Mathieu, F., Hillen, V. (2016). Le design thinking par la pratique: de la rencontre
avec l’utilisateur à la commercialisation d’un produit innovant pour les seniors.
Eyrolles.
11. Lallemand, C., Gronier, G. (2015). Méthodes de design UX: 30 méthodes fonda-
mentales pour concevoir et évaluer les systèmes interactifs. Eyrolles.

15
Introduction

se l’approprier. Il voit tous les jours des entreprises qui ont réus-
si, qui se sont transformées, qui ont multiplié par 2 voire par 10
leur chiffre d’affaires. D’autres aussi, des petites entreprises aux
grands groupes, sont en difficulté, car elles n’ont pas réussi leur
transformation. Ce questionnement du dirigeant est légitime :
« Qu’en est-il pour mon entreprise ? ».

Des chercheurs, en sciences humaines et en économie, ont


aussi traité abondamment de ce sujet. Son traitement est réalisé
à partir de connaissances théoriques approfondies et sa diffusion
souvent limitée à un lectorat d’initiés. Même diffusée de façon
plus élargie, la lecture des documents n’est pas toujours facile
d’accès, de plus quand le domaine d’ « expertises » d’origine est
assez éloigné… Ces communications, souvent d’une très grande
richesse, ne peuvent malheureusement pas procurer la plus-va-
lue recherchée, pourtant profitable aux dirigeants d’entreprise.

Lors de mon parcours professionnel, j’ai mesuré les écarts


entre les différents niveaux hiérarchiques en ce qui concerne
la prescription et les résultats attendus. Ces « décalages » ne
peuvent pas assurer la meilleure performance globale de l’en-
treprise et ceci malgré des efforts menés à tous les niveaux de
l’entreprise.

À la lumière de ce constat, je cherche à exploiter des élé-


ments de théorie issus des sciences sociales. Pour cela, je les
intègre dans une démarche innovante très concrète et exploi-
table pour des non-experts.

Cette démarche n’est pas un outil, n’est pas une méthode.


Elle est un parcours que l’entreprise peut suivre lui évitant ainsi
des impasses ou des embuches potentielles.
J’aborderai des notions, parfois (un peu trop) « académiques »
dans mon propos. Il est toutefois souvent important de revenir
à l’essence même de certaines « vérités ». En effet, faire des rac-
courcis trop hâtifs (pour gagner du temps) c’est perdre en pro-
fondeur d’analyse, en réflexion, et passer à côté de l’essentiel :
pérenniser ou développer la performance de l’entreprise.

16
Introduction

Développer ce sujet avec sa dimension sociale présente une


grande complexité. Avec cette dimension, sont pris en compte
tous les individus dans leurs tâches et leurs interactions in-
ternes et externes à l’entreprise.

Pour faciliter la lecture, je vous propose des encadrés repé-


rés par les icônes suivantes :

Il s’agit de partager des questionnements à


destination du dirigeant.
Je mentionne aussi les apports quant à l’inté-
rêt des réponses.

Il s’agit des questions à poser directement


aux acteurs de l’entreprise, salariés et diri-
geants. Je mentionne aussi les apports quant
à l’intérêt des réponses.

Il permet le suivi d’échanges avec les actions


des parties prenantes de l’entreprise. Ce der-
nier est basé sur l’histoire de Jean-Pierre A.,
dirigeant fictif d’une PME inventée. Vous trou-
verez des éléments concrets que vous pourrez
associer à des situations vécues ou espérées.
Le but de ce récit est essentiellement péda-
gogique, pour illustrer la démarche.

Il indique que des éléments de théorie y sont dé-


taillés. Leur lecture n’est pas indispensable pour la
compréhension globale. Elles vous renseignent
si vous désirez des approfondissements.

17
Introduction

De plus, pour aider à la lecture de mon propos, voici quelques


définitions :
Le terme « entreprise » renvoie à l’organisation sociale : entre-
prise, association, syndicat, coopérative…
Le terme « dirigeant » renvoie à l’organe de Direction. Il sera
différent suivant la structure de l’organisation, sauf lorsque le
profil du dirigeant sera abordé. Dans ce cas, on trouvera la per-
sonne : Dirigeant, Président, Directeur, Patron…
Le terme d’utilisateurs s’adresse à toutes les parties pre-
nantes de l’entreprise. Les « utilisateurs internes » sont tous les
membres de l’entreprise : collaborateurs, managers et dirigeant,
les « utilisateurs externes » sont les clients, les prestataires, les
partenaires, les fournisseurs.

A de très nombreuses reprises dans ce livre, j’ai illustré mes


propos par des situations vécues personnellement et dans les-
quelles vous pourrez vous reconnaitre.

Vous découvrirez la présentation générale de la démarche


dans les pages suivantes.

18
LES 6 ÉTAPES 5. Mise en œuvre du
DE LA DÉMARCHE AICIA scénario décidé
• Les contributions
• Le suivi de la démarche
3. Élaboration de scénarios
• Le scénario est opérationnel
Préparation et animation d’ateliers
de co-construction avec utilisateurs
• Le contexte
1. Lancement de la dé- • Les besoins
marche • Les parcours
• Présentation par le dirigeant du
projet aux salariés concernés.
• Réflexions préliminaires, avec
vos premiers pas face à
l’incertitude 4. Bilan des ateliers
et décision du
scénario
• Les retours d’expérience
des ateliers.
• Présentation des scénarios
• Le dirigeant décide du scé-
nario à déployer.

2. Découverte de l’entreprise
• Diagnostic socio-organisationnel
(questionnaires et entretiens)
• Identification des acteurs clés 6. Et après…
Une transformation durable ?
• Veille permanente
• Amélioration continue OU innovation
Introduction

La démarche proposée ici se déroulera en plusieurs


étapes de la façon suivante :

Vous envisagez de procéder à des changements dans votre


entreprise, vous souhaitez désormais passer à l’action, mais
vous êtes déconcerté. Ce ressenti est tout à fait légitime, voire
salutaire !
La démarche proposée ici va vous aider à aborder votre pro-
jet de façon plus assurée et réduire les risques.

Dans un premier temps, l’Étape 1 vous immergera progres-


sivement comme dirigeant, à la barre de son entreprise. Vous
devez être attentif à votre équipage et à votre environnement,
faire les bons choix et prendre le bon cap. Nous parcourrons les
méthodes utilisées par le passé et leur pertinence dans le mi-
lieu actuel.
Puis, nous découvrirons plus loin l’importance de l’écoute et
aussi de ne pas se précipiter. En effet, si vous voulez aller vite,
sans vous écouter, sans écouter vos collaborateurs et votre
écosystème, sans mesurer l’importance de votre projet, vous
risquez d’aller à l’encontre de la transformation appropriée
pour votre entreprise. Suivant votre posture, vous pouvez aussi
prendre un risque très important d’échec.

La démarche proposée ici vous permettra de réduire vos


risques. Elle se prépare, pas-à-pas, en préservant au mieux les
préoccupations de toutes les parties prenantes de l’entreprise.

Comme nous venons de l’évoquer, ce projet est


particulièrement complexe ! Sa complexité provient bien sûr
de toutes les interactions, internes ET externes, à prendre en
compte. Ce n’est pas tout ! La complexité c’est aussi de pouvoir
« gérer » l’incertitude. Le problème c’est que l’on ne peut, par
définition, prévoir l’incertitude ! Alors, comment faire ?

Certains nous parlent d’une vision, le plus souvent celle du


dirigeant, et grâce à elle, l’entreprise saurait où elle doit aller.
Avoir une bonne stratégie permettrait de dépasser toutes les

20
Introduction

contraintes et mobiliser les individus. Les stratégies basées sur


des expériences passées dans des environnements « stables »
sont-elles toujours pertinentes aujourd’hui ?

À partir des conditions précédemment rappelées, quelle


posture doit adopter le dirigeant pour lancer un tel projet ?
Pour produire de la performance pour votre entreprise,
l’efficacité de la démarche sera possible si, et seulement si,
vous connaissez le fonctionnement intime de l’entreprise. Cette
compréhension ne pourra se faire qu’en associant les parties
prenantes internes, essentielle à la transformation. Nous verrons
que ce diagnostic n’est pas aussi évident que cela, même pour
les dirigeants proches de leur entreprise, même pour des
petites entreprises.

La découverte de l’entreprise, c’est précisément l’objet de


l’étape 2. Nous aborderons pour cela le contenu du diagnostic
approfondi. Plusieurs dimensions de l’entreprise y seront
passées en revue.

Nous nous intéresserons, dans un premier temps, à l’histoire


de votre entreprise, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui avec
les profils des dirigeants. Nous verrons aussi qu’il n’y a pas qu’une
seule histoire de l’entreprise. Nous appréhenderons ensuite sa
culture. Bien que trop souvent inexplorée, elle constitue un
sujet majeur dans la réussite des transformations.

Nous examinerons ensuite le fonctionnement interne


approfondi de l’entreprise. Nous vérifierons que certains
éléments comme les modes de management, d’organisation,
de coordination, de communication sont assez bien partagés.
S’en assurer est primordial. Les modes de reconnaissance et de
prise de décision sont aussi importants.

Dans un chapitre dédié précisément aux activités de


travail, nous verrons les modalités de réalisation des tâches
commandées par l’entreprise. Pour qu’ils puissent travailler
dans des conditions convenables pour eux, vous devrez laisser

21
Introduction

suffisamment d’autonomie à tous vos salariés. Trouver ce bon


espace permettra un collectif de travail de qualité avec de
bonnes relations de travail.

Ainsi, à l’issue du diagnostic, une analyse détaillée de


l’entreprise sera élaborée. Ces connaissances permettront
d’optimiser la mise en œuvre des séances de partage, que nous
appellerons « ateliers », réunissant des acteurs clés. Au cours de
ces ateliers, les dysfonctionnements et besoins seront identifiés,
puis des réponses seront apportées.

L’étape 3 consistera à élaborer des scénarios de transfor-


mation à partir d’ateliers. Ils pourront faire l’objet de quelques
ajustements à traiter en interne jusqu’à repenser le modèle
d’affaires de toute l’entreprise.
Pour que ces ateliers répondent aux enjeux de l’entreprise,
ils doivent être préparés. C’est une phase primordiale. Les in-
dividus ne coopèrent pas spontanément à un projet, qu’il soit
technique ou non.
Il ne peut y avoir de projets réussis, sans une équipe projet
forte. La force n’est pas déterminée par la seule volonté d’un
chef de projet ou par son charisme mais, c’est la force du collec-
tif de travail dans ses différentes dimensions.

Les conditions de mise en œuvre étant posées, les ateliers


pourront débuter.
Un premier atelier va permettre le partage du contexte
et de l’environnement. Si cela peut sembler évident, ce ne l’est
pas toujours. En effet, car chacun des acteurs de l’entreprise, le
plus souvent, n’en a qu’une vue segmentée.
Un second atelier sera consacré à identifier les besoins
des utilisateurs, internes et externes, ainsi que les difficultés
qu’ils rencontrent. Les connaitre, c’est identifier les points d’at-
tention auxquels l’entreprise pourra répondre.
Un troisième atelier, à l’image du second atelier, va abor-
der les sollicitations des utilisateurs de façon transverse. Le
traitement « par silo », répondant à un besoin « limité », peut en-
gendrer des difficultés ailleurs dans d’autres services de l’entre-

22
Introduction

prise. Cette approche transversale permet une prise en compte


globale à l’entreprise.
Un quatrième atelier conclut cette série d’ateliers. Des scé-
narios y seront élaborés à partir des informations collectées
durant les 3 premiers ateliers. Ces scénarios répondront ainsi
aux besoins de tous les utilisateurs. Pour effectuer un choix op-
timal, plusieurs scénarios seront proposés. Un ou des scénarios
« simples » et peu onéreux, qui nécessitent quelques améliora-
tions à la situation actuelle. D’autres scénarios ambitieux, plus
couteux et plus étendus, qui proposent des innovations, tech-
niques et organisationnelles. Un scénario hybride pourra aussi
émerger.

L’étape 4, c’est le moment de la présentation des scé-


narios au dirigeant (ou au comité de Direction). À l’issue de
cette présentation, le choix du scénario sera réalisé par le(s)
décideur(s). Les critères de la décision seront partagés aux
co-concepteurs lors des ateliers. La pertinence du nouveau mo-
dèle d’affaires correspondant devra être confirmée.

L’étape 5, c’est la mise en œuvre. Des réponses, techniques


ou non, ont été décidées. Des partenaires, des prestataires,
peuvent vous aider quand vous ne disposez pas des ressources
en interne. Pour une réorganisation interne, l’entreprise peut la
mener seule ou avec un coach, pour le déploiement d’un outil
technologique, un intervenant externe peut être utile, voire in-
dispensable.
La solution est mise en œuvre de façon concrète et opéra-
tionnelle par les équipes, elle répond à vos attentes. C’est la fin
du projet… ?
Non !

Pour que la solution déployée, efficace aujourd’hui et le


reste encore demain, l’étape 6 s’assure régulièrement de
son adéquation. Si ce n’est plus le cas, elle devra alors faire les
« adaptations » nécessaires voire aussi, éventuellement, revoir
ses produits, ses cibles, son modèle d’affaires !

23
Introduction

Cette étape n’a donc pas de terme ! Si vous constatez des


écarts, il vous suffira alors de reprendre l’ensemble des ateliers
dans l’ordre, de définir les nouvelles réponses adaptées et de les
mettre en œuvre.

Ainsi, la performance de votre entreprise sera vraiment


durable !

24
Étape 1
Lancement de la démarche

Oui, mon entreprise a besoin de se transformer ! Mais, que


dois-je faire maintenant ?

Cette question trotte dans la tête de la plupart des dirigeants,


vous n’êtes pas le seul dans cette situation, et vous le savez !

Vous savez aussi que, parmi vos pairs, nombre d’entre eux
n’ont pas atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés, des dirigeants
ont même perdu, partiellement ou totalement, leur entreprise.

Vous avez l’intention de décider de votre projet de transfor-


mation à partir de votre idée, de votre intuition, de votre vision
de l’avenir souhaité pour votre entreprise. Puis, une fois votre
décision prise, l’intendance suivra…12.
Exemple : Vous avez décidé d’investir dans une nouvelle ma-
chine pour améliorer la productivité. Vous pensez que, sponta-
nément, les salariés vont suivre ce que vous avez décidé pour
eux, qu’ils vont « normalement » l’utiliser.

Cette approche a été très observée pendant ces dernières


décennies par les directions d’entreprise dans des secteurs
d’activité et de dimensions différentes. Les résultats obtenus
ont été considérés comme des réussites même si l’intendance
n’a probablement pas toujours suivi comme attendu…
On peut penser à de nombreux projets nationaux, de
multiples décisions politiques, qui ont été « ralentis » car les
acteurs sur le terrain n’étaient pas prêts ou déjà engagés sur
d’autres priorités. En effet, les décisions sont prises « hors-sol »,

12. On attribue cette célèbre formule « L’intendance suivra » au général De Gaulle,


durant sa campagne présidentielle de 1965, expression qu’il niera avoir pronon-
cée et même pensée. Ce serait Napoléon qui l’aurait prononcée à ses généraux
à la veille d’une bataille. Malgré des plans bien définis, des projets, comme des
batailles, n’obtiennent pas toujours les succès prévus…

25
Étape 1 : Lancement de la démarche

décorrélées de la réalité du terrain, et les décideurs estiment


qu’il y aura bien quelqu’un qui suivra leurs dossiers …
Bien sûr, nous avons tous été, à un moment à un autre, per-
suadé que notre intention était bonne et qu’elle allait répondre
aux besoins ou aux problèmes perçus. Pour s’en convaincre, il
suffit de regarder le passé et se dire que nos décisions n’étaient
pas si mauvaises que cela, après tout !

Mais, les réussites passées présagent-elles des réussites


futures ?
Les conditions de réussite des entreprises n’ont-elles pas
changé ? Notre monde n’a-t-il pas changé ?

Des approches nouvelles permettent aux entreprises de


mieux répondre à ces évolutions rapides et imprévisibles
caractérisant notre ambiance actuelle. Elles n’essaient pas de
répondre principalement à des besoins externes, mais plutôt
faire en sorte que l’entreprise soit suffisamment souple et
robuste. On pourrait qualifier l’entreprise d’anti-fragile13, ce
terme est utilisé par Nassim Talleb.
L’approche que je vous propose est donc résolument celle-ci.

Elle vous évitera d’investir dans des solutions techniques


ou procédés qui fonctionnent de moins en moins. Ces genres
de réponses peuvent même produire des résultats qui vont
à l’encontre de vos intentions d’un meilleur avenir pour votre
entreprise.

La mise en œuvre d’une telle approche n’est pas simple !


D’ailleurs, elle ne peut pas être simple. Elle est nécessairement
singulière, personnalisée à chaque entreprise et complexe.

Des éléments nécessaires à la bonne transformation vont


vous être proposés dans les chapitres suivants. Vous pourrez, bien
évidemment, les mettre en œuvre seul dans votre entreprise !

13. Taleb, N. N. (2013). Antifragile : Les bienfaits du désordre. Belles Lettres.

26
Étape 1 : Lancement de la démarche

L’intérêt de vous faire accompagner d’un consul-


tant « externe ».
Cet intervenant peut appartenir à une autre entité
du Groupe, par exemple. Ce consultant pourra vous
décharger de la mise en œuvre de la démarche. Ainsi,
vous vous concentrerez sur vos activités « business »
habituelles pour lesquelles vous avez une très forte
plus-value.

Sa situation « d’externe » lui permettra d’avoir da-


vantage de recul sur l’entreprise avec tous ses acteurs.

Au cours de la démarche, le diagnostic de l’entre-


prise est établi en sollicitant les salariés. Si l’anonymat
est attendu, il sera ainsi favorisé, permettant une ex-
pression plus qualitative des acteurs internes de l’en-
treprise. Suivant les attentes et le contexte culturel
de l’entreprise, l’identification des salariés peut être
recherchée.

À la genèse d’une démarche de transformation interne


de l’entreprise, il y a souvent une difficulté importante, voire
critique. Des tentatives de corrections ponctuelles et localisées
ont déjà pu être tentées avec des résultats souvent « mitigés ».
Ces insuccès peuvent être dus à un manque d’identification du
problème originel. Un manque de prise en compte du contexte
interne précis de l’entreprise peut aussi en être à l’origine.

27
Étape 1 : Lancement de la démarche

1. Pour commencer, quels choix faire ?

Commençons à échanger avec le dirigeant d’entreprise.

Jean-Pierre A. est dirigeant de DECOR SALON, une


PME industrielle de 150 personnes. L’entreprise est spé-
cialisée dans la menuiserie pour équipements de la
maison : Tables, chaises, canapés, bibliothèques…

P A : Ma comptable, Monique, vient de me trans-


mettre les derniers éléments financiers de l’entreprise.
Je ne m’attendais pas à de si mauvaises nouvelles. Les
comptes financiers sont désormais préoccupants. Les
prochains achats de marchandises aux fournisseurs
vont être très compliqués. Je mesure que cette situa-
tion ne va pas s’améliorer spontanément, qu’elle n’est
pas conjoncturelle. Je vais devoir prendre rapidement
des décisions correctives.

Je vais pour cela devoir faire des choix difficiles. Les-


quels des postes de dépense vais-je devoir supprimer,
ou à minima réduire ?
L’année dernière, j’ai déjà investi dans un logiciel
de traitement des commandes dont le ROI (Retour sur
Investissement) n’a pas encore été tout à fait atteint.

Dois-je au contraire faire des investissements plus


limités, mais plus rentables à court terme ?
Si je dois faire quelques investissements, lesquels
devrais-je faire ?

28
Étape 1 : Lancement de la démarche

̵ Dans de nouvelles machines automatisées, pour


répondre plus vite à la demande de nos clients ?
̵ Dans de nouveaux outils digitaux de suivi de pro-
duction pour mieux répondre aux clients ?
̵ Dans un outil digital de marketing pour atteindre
de nouveaux clients, d’autres marchés, et disposer
des compétences associées ? Ce domaine n’a ja-
mais été notre point fort ! Ce peut être une raison
de nos difficultés actuelles.

Les choix d’investissement et son montant sont en


effet essentiels. Ils peuvent peser sur l’avenir de l’entre-
prise. Ne pas investir peut tout aussi précipiter la perte
de l’entreprise.

Je peux réduire ma charge salariale en « remer-


ciant » quelques personnes. Je n’aime pas faire cela,
mais si je dois en passer par là…

Je peux aussi arrêter certains produits qui ne sont


pas suffisamment rentables aujourd’hui. Ils seront
peut-être plus rentables demain… ? Il faudrait que je
fasse l’analyse précise.

Quels choix dois-je faire parmi toutes ces options ?

Et puis, quand j’aurai fait mon choix, il faudra que


les salariés suivent, et ça, ce n’est pas gagné ! Déjà
qu’ils n’ont pas écouté les propositions que je leur ai
déjà faites !

Je suis à la croisée de chemins, ou dans une ornière,


comme on voudra !

En situations délicates, économiques ou non, les dirigeants


d’entreprises doivent faire des choix difficiles.

29
Étape 1 : Lancement de la démarche

Dirigeant, parmi plusieurs réponses possibles,


quels choix devez-vous faire ? :

- Aller vers une plus grande productivité avec les


produits actuels ?
- Aller vers de nouveaux marchés ?
- Recruter des salariés avec de nouveaux profils ?
- Acheter de nouveaux outils ?
- Acquérir de nouvelles « ressources » par la crois-
sance externe ?
- Améliorer la qualité de service vue par les clients ?
- Améliorer la qualité de fonctionnement interne ?
- Améliorer les conditions de travail ?
- Réduire les charges salariales ?
- Autres

Connaitre les principaux choix envisagés va indi-


quer les « domaines » privilégiés par le dirigeant. De
plus, le nombre de ces choix ou un choix « inhabituel »
montera son degré d’ouverture.

Lors de la démarche, au cours du premier atelier


« présentation du contexte et de l’environnement »,
le dirigeant pourra émettre ses suggestions. Les
salariés pourront ou non les reprendre et ils feront
leurs propositions.

Pour aider dans la démarche de recherche de réponses, le


dirigeant peut partager ses interrogations avec son environne-
ment proche.

30
Étape 1 : Lancement de la démarche

Le dirigeant est conscient de la situation financière


de son entreprise ET il a la vive intention de trouver des
réponses pour maintenir son entreprise. Ce n’est pas le
cas de tous les dirigeants.

JP A. se souvient : Mon confrère (Marcel B.) à la tête


d’une entreprise de métallurgie qui n’a pas « voulu »,
« pu » ou « su », relever son entreprise. Finalement, il
a dû céder les clients de son entreprise à un grand
groupe national en laissant « sur le carreau » ses 75 sa-
lariés.

JP A. réunit son CODIR pour les informer de la situa-


tion de l’entreprise et connaitre leurs avis et leurs pro-
positions de solution.

Chacun des participants donne son avis et tous ont


des avis différents !
La réunion achevée, il est déstabilisé !

JP A. : Quelles décisions prendre ?


Il faut certainement changer quelque chose, mais
quoi changer, et comment effectuer les change-
ments ?

Le dirigeant est face à une situation complexe.

Le dirigeant doit faire preuve de vigilance sur des influences


dont il peut être l’objet, et ceci sans s’en rendre compte.
Demander des avis à son réseau personnel ou professionnel
est en soi une bonne idée. Vous pourrez ainsi bénéficier de

31
Étape 1 : Lancement de la démarche

suggestions auxquelles vous n’avez pas pensé et bénéficier


d’expériences.
Que ces réseaux sociaux soient physiques ou virtuels, vous
pouvez être victime de pression sociale.

Vous pouvez être victime du « Paradoxe d’Abilene 14».


Pour partager très rapidement sur ce paradoxe, son
auteur Jerry Harvey décrit l’histoire suivante :
Quatre membres d’une famille se retrouvent dans la
maison familiale durant un week-end. Ils sont en train
de jouer aux dominos quand l’un d’entre eux propose
d’aller à Abilene, ville située à 80 km. Toutes les autres
personnes acceptent, à tour de rôle, cette proposition.
Le trajet est fatigant et le séjour sur place est décevant.
Après plusieurs heures, ils rentrent à la maison.
En échangeant ensuite entre eux, il s’avère que per-
sonne finalement ne voulait vraiment y aller (y compris
l’auteur de la suggestion !). En fait, chacun avait accep-
té, car l’autre, les autres, avait accepté et ils voulaient
faire plaisir à celui ayant fait la suggestion.

Pour faire plaisir, pour ne pas décevoir, nous pouvons


être amenés à accepter n’importe quelles propositions,
avec des conséquences pouvant être importantes.

D’autres formes de pressions sociales existent :


̵ Le conformisme : Salomon E. Asch15, psychoso-
ciologue, témoigne à travers une expérience

14. Harvey, J. (1988), The Abilene Paradox and other Meditations on Management.
Lexington Books.
15. Asch, S. E. (1952). Social Psychology. Englewood Cliffs, NJ : Prentice Hall

32
Étape 1 : Lancement de la démarche

que des individus se conforment à la majorité


même s’ils savent qu’ils ont raison.

Dans l’expérience dite d’Asch16, Solomon Asch invite


un groupe d’étudiants à participer à un supposé test de
vision. Les participants doivent comparer les longueurs
de 3 traits de longueur très différente à un autre trait
de référence. Tous les participants étaient en fait des
complices de l’expérimentateur, sauf un (la personne
« test »). Le but de l’expérience était de savoir comment
la personne « test » allait réagir face au comportement
des autres participants.
Dans l’expérience, la personne « test » fait donc la
même réponse que les autres participants, même si
elle était pourtant convaincue de connaitre la bonne
réponse, d’avoir raison.

Vous voulez faire comme les autres, pour ne pas pa-


raitre ridicule. On pourra se référer alors à l’économiste
Keynes17. Pour lui : « la sagesse universelle enseigne
qu’il vaut mieux pour sa réputation échouer avec les
conventions que réussir contre elles ».

̵ La soumission à l’autorité : Le psychologue Stan-


ley Milgram18, élève de S. Asch, montre à travers
une expérience qu’un individu peut agir contre
son gré lorsqu’une « autorité » lui demande
d’agir. L’autorité est souvent représentée par un
expert de son domaine.

Le prétexte de l’expérience19 est une banale enquête


sur l’apprentissage et la mémoire. Milgram a réalisé
une expérience avec des personnes « test » pour obtenir

16. Expérience de Asch (23 février 2023). Dans Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/


wiki/Exp%C3%A9rience_de_Asch
17. Keynes, J.M. (1975). Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie.
Petite bibliothèque Payot
18. Milgram, S. (1994). Soumission à l’autorité. Calmann-Levy.
19. Expérience de Milgram (7 mai 2023). Dans Wikipédia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram
33
Étape 1 : Lancement de la démarche

des réponses à des questions simples posées à des com-


plices. En cas de mauvaise réponse, l’autorité donne
l’ordre à l’individu « test » d’envoyer des décharges élec-
triques de plus en plus violentes à une innocente vic-
time (le complice simulant une souffrance de plus en
plus grande liée à des décharges, en définitive, fictives).
Nombreuses ont été les personnes « tests » qui ont obéi
à l’autorité. Les personnes étaient-elles alors respon-
sables de leurs actes ou soumises à l’autorité, en l’oc-
currence en la personne d’un scientifique ?
À notre insu, nous pouvons être influencés et com-
mettre des actes potentiellement graves, comme dans
le cadre de cette expérience.

D’autres expériences similaires ont été décrites par les


chercheurs en psychologie sociale : Beauvois et Joule20.

La pression sociale peut provenir de sources très diverses.


Je vous propose des situations concrètes que vous avez pro-
bablement déjà expérimentées dans votre entreprise :

1- Le dirigeant ne sait pas comment répondre à un problème


qu’il a identifié. Il propose, par exemple, à son équipe de direc-
tion, la mise en place d’une formation. Les membres de l’équipe
de Direction vont exprimer, ouvertement ou par un silence
« assourdissant », leur accord, pour faire plaisir au dirigeant, bien
qu’ils trouvent tous que ce n’est pas la réponse adaptée.

2 - Plusieurs membres d’une équipe de direction proposent


de mettre en place un outil qui va permettre aux salariés de
travailler plus efficacement. Un membre de l’équipe n’est pas
d’accord avec cette réponse et sait que ce n’est pas la réponse
adaptée au problème. Pour ne pas vivre un désaccord et de-
voir s’expliquer, il acceptera le choix du reste de l’équipe.

20. Joule, R. V., Beauvois, J. L., & Deschamps, J. C. (1987). Petit traité de manipulation
à l’usage des honnêtes gens. Presses universitaires de Grenoble.

34
Étape 1 : Lancement de la démarche

3 - Le dirigeant exprime un besoin de réorganiser les équipes


opérationnelles. Il souhaite répondre à un problème de pro-
ductivité. Les membres de l’équipe de direction savent que
cette réponse ne va pas répondre aux attentes du dirigeant.
Ils vont se soumettre à la proposition du dirigeant, car c’est
lui qui a l’autorité, c’est lui qui décide ! Ils lui obéiront.

Cette pression sociale prend des formes différentes suivant


le profil du dirigeant, la culture de l’entreprise et ses modes
de fonctionnement. Nous verrons plus en détail ces différents
points dans l’Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise.

2. Que faire des freins ?

Produire des changements, c’est toujours faire apparaitre


des freins. On peut tous le vérifier dans notre environnement
professionnel, mais aussi personnel. Certains parlent alors de
« résistance aux changements » de la part des salariés.

Dirigeants, quels sont les freins à aménager pour


un changement dans votre entreprise ?

La peur du changement dans les équipes à travers


leur résistance à vouloir changer,
Votre propre peur des conséquences du changement
Le manque de clarté dans notre stratégie
La culture d’entreprise inadaptée
Les nouveaux usages et les nouvelles technologies

Le financement de ce projet
Le manque d’accompagnement
Autres freins

35
Étape 1 : Lancement de la démarche

Connaitre les freins permet d’identifier les points de


vigilance, vus par le dirigeant.
Les freins identifiés par le dirigeant ne sont pas né-
cessairement partagés avec les salariés. Les freins des
salariés identifiés par le dirigeant ne sont pas néces-
sairement ceux des salariés eux-mêmes.

Avec la démarche proposée, les freins seront par-


tagés et réduits, car les salariés seront associés à la
définition du changement et à sa mise en œuvre.

La présence de freins dans votre entreprise ne doit pas vous


faire renoncer à réaliser les changements nécessaires à la survie
ou à la performance de votre entreprise.
Si en effet certains salariés vont « résister au changement »,
d’autres aussi seront vos partisans, même vos ambassadeurs.
Cette « résistance » n’est généralement pas une obstruction
par principe. En fait, pour les salariés, il peut s’agir de fournir
des efforts supplémentaires. Ils peuvent aussi ne pas voir un
intérêt ou il va à l’encontre de leur intérêt même rationnel. La
rationalité des acteurs est toujours limitée, nous rappellent
March et Simon21. Ils n’obéissent donc pas rationnellement aux
demandes et font preuve d’intelligence.

21. March, J. G., & Simon, H. A. (1979). Les organisations (1958), préface de Michel
Crozier. Dunod.

36
Étape 1 : Lancement de la démarche

JP A : Tous ces freins sont présents dans mon entre-


prise, à un moment ou un autre, avec des niveaux d’im-
portance différents.
Moi aussi, j’ai mes propres freins. Comment ne pas en
avoir quand on ne sait pas comment vont réagir les sala-
riés sur mes choix et sur la mise en œuvre opérationnelle ?

Je vois souvent les freins de la part de mes salariés,


même pour des petits changements, alors une transfor-
mation complète… !
C’est d’autant plus compliqué que chacun a ses
propres freins. Certains accepteraient de changer de
poste de travail, pour d’autres, il ne faut surtout rien
changer de leurs routines !
Pour ne pas avoir à gérer leurs réticences, je leur ai
laissé de l’autonomie pour qu’ils s’organisent différem-
ment pour ne pas perdre de temps entre la fabrication et
la livraison. Il faut bien que je leur exprime mes attentes,
car ils ne le feront pas spontanément ! Leurs réponses
n’ont pas été à la hauteur de mes espérances, mais ça a
permis d’aller dans le bon sens. C’est déjà ça !

J’ai parfois l’impression qu’ils ne comprennent pas ce


que je leur demande, et en quoi ça va mieux répondre
aux clients. Ils devraient eux-mêmes proposer spontané-
ment des améliorations.

Je n’ai pas le temps de voir toutes les équipes tous les


jours. Je dois rester au bureau, car je dois gérer nos four-
nisseurs, le suivi de certaines commandes et leurs livrai-
sons, la comptabilité, les salaires des salariés.

37
Étape 1 : Lancement de la démarche

3. Que faire des émotions ?

Lors de changement, parmi les premiers freins, on rencontre


les peurs22. Elles sont tout à fait légitimes.
Pour le dirigeant, c’est la peur :
- De perdre des contrats de clients vitaux
- De perdre la confiance des financeurs et des actionnaires
- D’être critiqué par ses confrères, car considéré comme un
mauvais gestionnaire, un mauvais dirigeant.

Pour les salariés,


- La peur, voire l’angoisse, des effets des réorganisations
précédentes des activités.
Exemple : Un salarié a l’habitude de travailler avec un col-
lègue qu’il apprécie avec un outil dont il est habitué. Après
une réorganisation, il devra travailler avec une personne qu’il
n’apprécie pas, ou qu’il ne connait pas encore, avec un nou-
vel outil.

- La peur des pulsions, des comportements excessifs, à


la suite de débordements émotionnels d’individus, voire de
la colère. Ils peuvent se sentir agressés que ce soit à titre in-
dividuel ou en collectif.
Exemple : Après avoir beaucoup investi dans ses tâches,
ces dernières sont supprimées au profit d’un nouvel outil.
Le changement nécessite qu’ils s’investissent dans d’autres
tâches et devra tout recommencer, tout réapprendre.

- La peur de l’inconnu. Chaque changement induit tou-


jours une part d’inconnu et d’angoisse.
Exemple : Avant chaque changement, il y a souvent des
annonces officieuses plusieurs semaines plus tôt qui ren-
forcent la peur de l’inconnu.

- La peur des autres. Chaque changement révèle


des conflits latents ou peut en provoquer de nouveau.

22. Enriquez, E. (2003). L’organisation en analyse. Presses universitaires de France.

38
Étape 1 : Lancement de la démarche

Les rivalités apparaissent dans toute structure organisation-


nelle. Chacun des acteurs de l’entreprise a ses propres inté-
rêts et certains ont des intérêts divergents. (Nous évoque-
rons plus loin les sources de pouvoir.)
Exemple : Un salarié veut préserver certaines de ses ac-
tivités ou protéger certaines informations. Il pourra être en
conflit avec celui qui en a un besoin crucial.

- La peur de la liberté de parole. Des salariés peuvent


s’exprimer sur le projet de changement. Cette libre expres-
sion peut être considérée comme distrayante et potentiel-
lement détourner certains individus des enjeux de l’entre-
prise.
Exemple : Les salariés considèrent ce projet de change-
ment comme prioritaire sur leurs activités habituelles. Ainsi,
ils sont moins productifs.

- La peur de la pensée créative. Les entreprises s’efforcent


de normaliser les comportements sous la forme de routines,
de procédures et de processus. Ainsi elles cherchent à cana-
liser l’énergie créatrice des personnes pouvant proposer des
réponses, poser des questions.
Exemple : Les salariés vont garder pour eux leurs «as-
tuces» qui pourraient bénéficier à l’entreprise

Ces deux dernières peurs limitent délibérément l’expression


des salariés. Dans un projet de changement, qui les concerne
directement, ne pas les écouter c’est potentiellement déployer
un projet dont les solutions ne seront pas adoptées par les sala-
riés. De plus, elles ne répondront pas aux besoins de l’entreprise.

Il n’y a pas que des émotions « antagonistes » au projet de


changement. D’autres émotions telles que l’enthousiasme et
l’excitation peuvent aussi être présentes chez le dirigeant. Telle
que l’envie que son entreprise soit performante et lui permettra
d’en tirer une grande fierté.

39
Étape 1 : Lancement de la démarche

Des émotions « adhérentes » peuvent aussi émerger chez les


salariés. On pourra reprendre les mêmes points partagés pré-
cédemment.

• Les réorganisations des activités précédentes peuvent


se réjouir grâce à une occasion favorable de faire d’autres
activités.

• Des échanges vifs, des conflits latents basés sur des in-
térêts divergents, peuvent potentiellement permettre
d’aborder des «sujets qui fâchent», pouvant soulager en
permettant une forme de sérénité.

• L’inconnu peut rendre des acteurs enthousiastes, car de


nouvelles formes de travail seront possibles, une source
d’ouverture.

• Parler d’un projet de changement peut rassurer, per-


met d’être plus à l’aise, on n’est pas tout seul. À court
terme, une baisse de productivité est possible, mais de
ce partage peut émerger ou se renforcer dans un solide
collectif.

• Exprimer sa pensée créative peut ravir ceux qui n’ont


pas la chance de s’exprimer, d’exprimer des idées, de
proposer de nouvelles façons de travailler.

Dans la société, comme dans l’entreprise, on rencontre né-


cessairement des opposants et des alliés.
• Les opposants, souvent accaparés par un sentiment de
peur, vont résister à toutes formes de changement, pe-
tits ou grands. Ils sont convaincus, parfois à juste titre,
qu’ils ont plus à perdre qu’à gagner. Leur posture est
tout à fait compréhensible, même logique.

• D’autres, au contraire, sont les alliés, les moteurs de


toute proposition de changement. Ils sont convaincus
qu’ils vont ainsi changer le monde, à commencer par

40
Étape 1 : Lancement de la démarche

l’entreprise ! Un excès de passion peut aussi perturber


le projet.

• Entre ces deux groupes, on rencontre les «déchirés»23. Ils


ne savent pas se positionner et peuvent à tout moment
basculer dans un camp ou un autre.

• Comme pour les freins, la présence de salariés vivant


des émotions d’opposition dans votre entreprise ne doit
pas vous faire renoncer à votre projet de changement.

Nous venons d’aborder seulement deux émotions extrêmes


pour appréhender l’importance de prendre en compte les
émotions et leurs conséquences dans un projet de transforma-
tion. Il existe, bien évidemment, toute une gamme d’émotions
qui peuvent parcourir tous les acteurs de l’entreprise. Le plus
souvent, des émotions « freinant » et d’autres « encourageant »
le projet vont se mêler. Malgré la difficulté de les appréhender,
la prise en compte des émotions des salariés est nécessaire, et
donc ne pas les considérer comme insensibles ?

23. Fauvet, J. C. (1997). La sociodynamique, L’approche humaine des organisations.


Éditions d’Organisation.

41
Étape 1 : Lancement de la démarche

Pour vous, dirigeant, quelles sont les émotions que


va produire un changement dans votre entreprise ?

• Tout d’abord, quelles sont vos principales


émotions ?

• Quelles émotions vous semblent les plus


importantes dans l’entreprise ? Dans quelles
équipes ? Sur quels postes de travail ?

• Avez-vous identifié des alliés/opposants/


déchirés vis-à-vis du projet ? Dans quelles
équipes ? Sur quels postes de travail ?

Il est important de repérer, même à priori, les sa-


lariés dont leurs émotions vont à l’encontre de votre
projet. Ainsi, vous serez en alerte sur leurs potentielles
réactions par rapport au projet.

Connaitre la posture de chacun des acteurs sera


essentiel. Ainsi, des actions préparatoires pourront
être prévues.
L’émotion et la posture du dirigeant permettront
la réussite ou l’échec du projet. Son manque d’en-
thousiasme, ou au contraire son exaltation pourront
nuire au bon déroulement de la démarche proposée.

42
Étape 1 : Lancement de la démarche

JP A : Lorsque l’on met en œuvre une telle dé-


marche, je sais qu’il y aura nécessairement de nom-
breuses oppositions.
Certains salariés ont peur d’être licenciés, sont
stressés, ont des comportements agressifs quand on
leur fait une remarque.

Bien sûr, comme tout le monde, j’ai moi aussi peur,


à un moment ou un autre. J’ai peur que les banques
ne me suivent plus, car j’ai dû réduire les marges pour
absorber le cout des matières premières.

J’ai fait intervenir un consultant pour la gestion de


stress. Je pense qu’ils ont apprécié sur le moment. Je
suppose qu’ils ont pu exprimer leurs trop-pleins d’émo-
tions. De nouvelles prestations de ce type pourraient
leur être probablement utiles. Je vais y réfléchir.

Certains salariés sont optimistes et m’ont fait part


d’amélioration possible dans leur travail. Ils sont même
enthousiastes !
Je suis parfois obligé de calmer leur ardeur sinon ce
serait le désordre dans l’entreprise.

Je serai aussi heureux d’emmener mes équipes vers


un meilleur épanouissement, de meilleures conditions
de travail. Parfois, je suis impatient que cela arrive.

Je sais qu’il faut que je gère toutes ces différentes


émotions, les miennes et celles de mes salariés !

43
Étape 1 : Lancement de la démarche

4. Comment gérer les risques ?

Changer, c’est prendre le risque de perdre ce que l’on a…


Mais c’est aussi bénéficier de choses dont on ne disposait pas
avant. Nous verrons dans les pages suivantes qu’il est possible
de faire cheminer l’entreprise en prenant des risques mesurés
et de l’adapter plus facilement aux incertitudes.

Pour vous, dirigeant, quels risques voyez-vous pour


votre entreprise et pour vous ?

Aucun risque, car tout est sous contrôle


Des risques de désengagement ou de démission
de salariés
Des risques de perte de productivité circonscrite
Des risques de performance globale
Autres

Si aucun risque n’est identifié par le dirigeant, cela


ne veut pas dire qu’il n’y ait aucun risque !
Connaitre les risques permet d’identifier les points
de vigilance, vus par le dirigeant !

Des risques considérés élevés par le dirigeant


peuvent le faire hésiter au début du projet ou se
désengager au cours du cheminement. Cette dé-
marche va justement lui permettre de prendre des
risques mesurés.

44
Étape 1 : Lancement de la démarche

JP A : En tant qu’entrepreneur, le risque est inhérent


à la fonction, je pense, même si, bien sûr, on essaie de
le limiter au maximum.
Pour limiter les risques, j’ai mis en place des procé-
dures pour que l’on maitrise au maximum les risques.
Il ne faut pas leur laisser trop d’autonomie sinon cha-
cun fait ce qu’il veut !

5. Quelle est votre vision ?

Votre environnement est de plus en plus incertain, ce n’est


pas un scoop !
Alors maintenant, où devez-vous aller ?

« Il me faut UNE vision », pensez-vous !

Et si vous n’aviez pas besoin de Vision.


« Votre organisation n’a pas besoin de vision claire pour
se transformer. Au contraire, on peut même défendre l’idée
qu’avoir une vision est contre-productif et entravera la transfor-
mation24. »
On peut reconnaitre le ton provocateur de l’auteur Philippe
Silberzahn, professeur de stratégie dans une business school.
Reprenons les différents points qu’il évoque :

a. La notion même de vision induit son propre


échec :
Il faut bien le reconnaitre que, le plus souvent LA vision
est portée, mais surtout définie, par la seule Direction. Cette
24. Silberzahn, P. (2021). Bienvenue en incertitude! survivre et prospérer dans un
monde de surprises. Diateino.

45
Étape 1 : Lancement de la démarche

dernière est alors surprise que sa merveilleuse vision ne soit pas


mise en œuvre par les collaborateurs !

b. La vision est dictatoriale :


Elle est tout simplement imposée aux équipes qui doivent
l’accepter et la traduire en actions. Cette méthode, bien que lar-
gement encore utilisée, marche de moins en moins bien…

c. La vision n’empêche en rien l’échec :


L’entreprise peut investir dans une vraie stratégie sur la base
d’une vision claire. Mais cette vision ne l’empêche pas d’être
prisonnier du « dilemme de l’innovateur »25. Par exemple, la peur
de perdre son produit « vache à lait ». De grandes entreprises
(par exemple, KODAK), ont raté leur transformation en voulant
tirer le maximum de leur produit rapportant beaucoup au
détriment d’un nouveau produit innovant. Mais, en tardant
trop, ils se sont fait dépasser par un concurrent avec son propre
produit innovant.

d. la vision est distractive :


En étant trop fixé sur la vision, on en arrive à ne plus prêter
attention à l’environnement qui change très vite et se laisser
déborder, sans l’avoir remarqué. Comme le point précédent, on
se laisse distraire. On n’est pas vigilant sur les signaux faibles,
parfois très faibles sur un concurrent hors de notre spectre ha-
bituel : une start-up américaine concurrence votre activité.

e. la vision est une excuse pour ne rien changer :


Le dirigeant décide d’une vision ambitieuse. Les salariés ten-
teront de faire « au mieux », mais finalement peu de changement.
Il y a eu une vision qui n’a produit que peu d’effets. Au-delà de la
communication de la vision, le manque d’évolution du contexte
du travail ne permet pas d’obtenir les changements attendus.

25. Christensen, C. M. (2021). Le dilemme de l’innovateur: Lorsque les nouvelles


technologies sont à l’origine de l’échec de grandes entreprises. VALOR

46
Étape 1 : Lancement de la démarche

De plus, en période de fortes incertitudes, une vision définie plu-


sieurs années plus tôt peut s’avérer contre-productive. Qu’en est-il
de la valeur de LA vision définie au début d’année 2020, et 2022 ?

Alors que faire ?

« Il me faut alors une stratégie ! », laquelle ?

6. Quelle est votre stratégie ?

Pour établir votre stratégie, vous pouvez investir, dans des


conseils en stratégie. Plusieurs études sont possibles :

• Une étude de marché, pour vous dire qu’un nouveau


produit ou service concurrent est en cours de conception
dans une start-up et va arriver sur votre marché dans
moins d’un an ? Si elle peut vous donner des indications,
l’étude de marché ne garantira pas vos investissements.
Ses réponses seront-elles adaptées à votre contexte
précis ? Par exemple : Vous n’avez plus certaines
compétences en interne, il vous manque des ressources
matérielles, votre secteur géographique ou d’activité est
très spécifique… Quelle est la validité de cette étude si
elle date de quelques années, voire quelques mois ?

• De la même façon, un Business Plan ne pourra proba-


blement pas vous servir de guide à votre business. Sa va-
lidité ne peut prendre en compte les évolutions « inima-
ginables » aujourd’hui, car l’environnement est incertain.

• Le modèle des « cinq forces de Porter26 » a été proposé en


1979 par le professeur de stratégie Michael Porter. Selon
Porter, cinq forces déterminent la structure compétitive
d’une industrie de biens ou de services. Elles sont au-
jourd’hui challengées :

26. Porter, M. (1979, mars-avril). How Competitive Forces Shape Strategy. Harvard
Business Review.

47
Étape 1 : Lancement de la démarche

•Le pouvoir de négociation des clients : leur vo-


latilité et leur cout d’acquisition sont une dif-
ficulté.
• Le pouvoir de négociation des fournisseurs :
la multiplicité des acteurs et des réglemen-
tations internationales qui ne dépendent pas
des entreprises
• La menace des produits de substitution : au
profit de service se substituant
• La menace d’entrants potentiels sur le mar-
ché : des start-up ubérisant vos activités
• L’intensité de la rivalité entre les concurrents :
de plus en plus vive, avec des concurrents
émergents très rapidement
• Une sixième, l’État avec l’environnement poli-
tique et la législation : sous des pressions inter-
nationales.
Les forces évoquées ci-dessus dépendent de moins en moins
des entreprises elles-mêmes, mais plutôt de leur environnement !
Ce modèle peut, bien sûr, être utilisé, mais avec précaution.

̵ La matrice BCG27 (issue de la société de conseil amé-


ricaine : Boston Consulting Group): Il s’agit bien d’une
pure matrice d’analyse stratégique puisqu’elle définit
les règles d’une allocation de ressources. S’il s’agit d’un
produit « poids mort » (faible part de marché et faible
croissance), il faut désinvestir ; s’il s’agit d’un produit
« vache à lait » (forte part de marché, mais peu de crois-
sance). Il faut tirer le maximum de rente en investissant
au minimum (ce n’est pas la position la plus agréable).
Les dilemmes sont la raison de tous les débats : faut-il
faire croître sa part de marché actuelle (et donc inves-
tir massivement) pour faire des produits «stars»? Ou
au contraire, les considérer comme de futurs produits
« poids morts » et les abandonner ?

27. La matrice BCG. (11 octobre 2022). Dans Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/


Matrice_BCG

48
Étape 1 : Lancement de la démarche

• La matrice SWOT28 : Cette matrice SWOT dont l’acro-


nyme est dérivé de l’anglais pour Strengths (forces),
Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités)
et Threats (menaces).
Cette méthode permet de passer de l’observation à l’ac-
tion, en regroupant dans un tableau à quatre cases, les atouts
et points faibles, d’une entreprise, d’un projet, d’une équipe …
Dans ce modèle, l’entreprise est pensée globalement, comme
un tout, et non découpée en produits-marchés. De plus, elle ne
prend pas en compte la temporalité de mise en œuvre et les
autres acteurs de l’écosystème. Elle doit alors être enrichie avec
d’autres modèles.

Vous avez probablement déjà utilisé ces modèles et ils ne


vous ont pas donné entièrement satisfaction.

Vous pouvez aussi consulter de grands stratèges : sur les ré-


seaux sociaux ou dans les journaux spécialisés, de nombreux
articles mentionnent régulièrement de très nombreux entre-
preneurs dont la réussite fait rêver.
Des entrepreneurs ont eu des « visions » (voir le chapitre pré-
cédent abordant la vision), mais combien se sont trompés ?
Une vigilance au biais de confirmation devra être observée !
Le biais de confirmation est notre tendance instinctive à
rechercher en priorité les informations qui confirment notre
manière de penser, et à négliger tout ce qui pourrait la remettre
en cause. Nous en reparlerons plus loin lorsque nous aborderons
les biais dans l’Étape 2, chapitre 6.2 : Ses processus de décision.
En effet, on ne retient QUE ceux qui ont réussi. Mais, d’autres
entreprises, sans doute nombreuses, se sont trompées dont aucun
journaliste ne parle et qui sont aussi absentes des réseaux sociaux… ?

Certains « experts » se sont en effet trompés :


• « Tout ce qu’on peut inventer a été inventé ». C’est le
propos de Charles Duell, directeur de la Commission des
Brevets, 1899

28. La matrice SWOT. (14 octobre 2022). Dans Wikipédia.


https://fr.wikipedia.org/wiki/SWOT_(m%C3%A9thode_d%27analyse)

49
Étape 1 : Lancement de la démarche

• « Le cheval restera, alors que la voiture n’est qu’une


nouveauté sans lendemain, une lubie ». C’est le conseil
du Directeur d’une banque à Henri Ford de ne pas
investir dans la Ford Motor Company, 1903 .
• « Je pense que la demande mondiale en ordinateurs
n’excèdera pas cinq machines. ». C’est l’annonce de Tho-
mas Watson, 1943, fondateur d’IBM
• « Il n’y a aucune raison pour qu’un individu quelconque
possède un ordinateur chez lui. » C’était la prévision de
Kenneth Olsen, président fondateur de Digital Equip-
ment, 1977.

De la même façon, qu’en sera-t-il demain de certaines


technologies promises aujourd’hui à un grand avenir… ?

- Le benchmarking, une stratégie comme une autre :


C’est, par exemple, l’idée qu’un confrère a probablement eu
une meilleure idée, une meilleure solution que moi et que je
vais pouvoir la copier.

Derrière cette stratégie se cache le « désir mimé-


tique29 » proposé par le philosophe René Girard :

29. Ladwein, R. (2015). René Girard et la triangulation du désir mimétique. Éditions


EMS

50
Étape 1 : Lancement de la démarche

Médiateur

Sujet Objet
Désire plus que tout

Dans notre situation :


Le Sujet (ici le dirigeant) souhaite détenir l’Objet (ici
la « bonne » stratégie) du Médiateur (ici un confrère, qui
détient, réellement ou potentiellement, cette « bonne »
stratégie). Le Sujet le désire d’autant plus que d’autres
confrères sont aussi intéressés par l’Objet.

Au paroxysme de la crise mimétique, la violence du


sujet se détourne « heureusement » sur un bouc émis-
saire30 : le manque d’argent, par exemple.
Exemple : Un confrère a inventé un produit génial !
Notre dirigeant en est jaloux (il s’identifie à lui), car il
veut absolument son produit (ce qu’il désire, comme
d’autres aussi). Deux suites sont possibles :

̵ Le dirigeant parvient à « acheter » le « produit


» désiré qui finalement n’est pas aussi génial
qu’espéré. Il le voulait, car tout le monde le trou-
vait génial !

̵ Il ne parvient pas à l’acquérir, car il est trop cou-


teux. Le bouc émissaire est sa banque. C’est à
cause d’elle qu’il n’a pas pu développer son

30. Girard, R. (1986). Le Bouc émissaire. Livre de poche.

51
Étape 1 : Lancement de la démarche

entreprise. Ce n’est pas de sa faute, c’est la faute


de la banque !

Ce que vous voyez de vos concurrents n’est pas tou-


jours ce que vous imaginez. Le bouc émissaire, finale-
ment, vous aura évité de faire un mauvais investisse-
ment, car c’était finalement un « mauvais » produit !

Ne vous laissez pas tenter d’imiter vos concurrents en vous


disant : « ils ont fait cela et ça a bien fonctionné pour eux, je vais
faire la même chose ! ».

Ceci ne doit pas vous empêcher d’étudier ce que font vos


concurrents, sans pour autant les copier. Les expériences pas-
sées, les vôtres ou celles des autres confrères ne doivent pas
vous laisser distraire. Pourquoi ne pas préférer certaines de
leurs pratiques sans pour autant les copier ?

Et si votre stratégie vous rendait prisonnier de la norme so-


ciale, si vous étiez victime de la honte. Décider seul de faire au-
trement, de se distinguer des confrères, c’est prendre le risque
de vous isoler. C’est vrai !

̵ Si votre projet échoue, vous serez tenu pour personnel-


lement responsable, car vous avez voulu vous différen-
cier par « orgueil », par égocentrisme, vous allez être la
risée de vos pairs et peut-être mettre votre entreprise en
difficulté. Vous aurez la honte sur vous.
̵ Si votre projet réussit, vous avez « l’occasion » d’être recon-
nu dans les médias, d’être jalousé par vos confrères, qui
tenteront à leur tour de vous imiter. Vous deviendrez ainsi
leur bouc émissaire !

Dans tous les cas, votre décision aura des répercussions sur
vous, sur l’image de votre entreprise, sur votre marque. Donc,
favorable ou défavorable, votre choix n’est pas neutre. On peut
rappeler ici à l’emblématique entreprise Kodak qui, à la suite

52
Étape 1 : Lancement de la démarche

d’un mauvais choix stratégique, a sombré. Elle avait inventé un


appareil photo numérique avant ses adversaires et elle n’aurait
pas « sauté l’obstacle » assez tôt car biberonnée à sa vache à lait,
le développement de la photo argentique !

Par peur de prendre le risque, la solution de facilité est de


faire comme les autres, et donc si leurs projets échouent, le
vôtre échouera probablement aussi. Vous penserez pouvoir
alors compter sur la « solidarité dans l’erreur ». Cela signifiera
qu’il était difficile de faire autrement (par manque de connais-
sance…), la preuve, tout le monde s’est trompé !

OUI ! Vous avez en effet besoin d’une stratégie, mais pas


n’importe laquelle !

Nous venons de voir plusieurs modèles de stratégie dite


« stratégie délibérée ».

Finalement, elles ne répondent pas tout à fait aux environ-


nements actuels, particulièrement complexes, évoluant rapide-
ment et de façon imprévue. Ainsi, comme pour la vision, ces
modèles de stratégie, bien que pouvant être utiles, ne consti-
tuent plus aujourd’hui une réponse vraiment satisfaisante.

Le plus souvent, lorsqu’une stratégie est mise en œuvre,


l’entreprise va tenter de suivre au mieux la trajectoire précé-
demment déterminée. Lorsque les conditions du contexte évo-
luent, elle va devoir changer ses prévisions. Certaines prévisions
seront revues à la baisse, voire supprimées, tandis que d’autres,
non prévues, vont être encouragées !
Finalement, la stratégie prévue initialement, quelques an-
nées, voire quelques mois plus tôt, est très différente de celle
réellement exécutée.

Comme Christophe Collomb souhaitant découvrir les Indes, il


va finalement découvrir les Amériques, ce qu’il n’avait pas prévu.
Même si la destination a changé, le projet s’est avéré être un succès.

53
Étape 1 : Lancement de la démarche

Mais comment faire sans stratégie délibérée ?


Comment avancer sans stratégie anticipée ?

Pourquoi ne pas mettre en place une stratégie à l’image de


ce que propose l’effectuation31, approchée à partir de l’entrepre-
neuriat et de l’innovation ?

Les 5 principes de l’effectuation présentés par Phi-


lippe Silberzahn32 :

Premier principe : « un tien vaut mieux que deux tu


l’auras ». On démarre avec ses propres ressources dis-
ponibles. C’est à partir d’eux que l’on établit des buts,
ce que l’on peut faire.

Connaissez-vous toutes les ressources de votre en-


treprise ?
Certains salariés peuvent détenir des compétences
que vous n’utilisez pas aujourd’hui, de même, du maté-
riel « obsolète » peut répondre à des besoins « simples »
et finalement être plus économique. Vos anciens ré-
seaux de partenaires, de clients, peuvent être réactivés…

Recenser vos ressources disponibles en interne c’est


découvrir de nouvelles utilités de produits ou services,
de nouvelles façons de travailler… Vous pourrez aussi les
solliciter plus tard quand vous en aurez besoin.

31. Sarasvathy, S., Germain, O. (2011). Effectuation: A Pragmatic and Pragmatist Ap-
proach to Entrepreneurship. Review of Entrepreneurship.
32. Silberzahn, P. (2020). Effectuation: les principes de l’entrepreneuriat pour tous. Pearson.

54
Étape 1 : Lancement de la démarche

Deuxième principe : « raisonner en perte accep-


table ». En investissant ce que l’on est prêt à perdre, si
ça ne marche pas.

Pour ne pas prendre le risque d’investir dans des


solutions qui ne marcheront peut-être pas, vous n’in-
vestissez que ce que vous êtes prêt à perdre. Si vous
n’obtenez aucun résultat économique, vous aurez
probablement appris et vous pourrez capitaliser ces
connaissances à un autre endroit, à un autre moment.
Ces « petits » investissements peuvent vous per-
mettre de tester quelques produits ou services.

Troisième principe : « le patchwork fou ». À l’image


d’un « patchwork », diverses contributions provenant
de plusieurs acteurs, des parties prenantes,
coconstruisent le projet.
À partir de ressources identifiées, et avec des
moyens limités, proposer à plusieurs personnes, salariés
et managers, de se réunir pour qu’ils proposent des
idées d’offres en laissant libre cours à leur imagination.
Ces propositions pourraient intéresser potentiellement
vos clients.

Quatrième principe : « la limonade ». Détecter et ti-


rer parti des opportunités qui se présentent et savoir
pivoter quand c’est nécessaire.
Ce n’est pas ici tant l’idée qui est importante, mais
la capacité à agir ! En restant en veille, en scrutant l’en-
vironnement de l’entreprise, des aubaines pourront se
présenter. Ne pas s’y positionner trop rapidement et
proposer une offre « irrésistible » !

55
Étape 1 : Lancement de la démarche

L’adhésion de clients à votre invention évitera


d’investir dans un produit ou un service « que tout le
monde va vouloir s’arracher »… et qui, finalement, n’in-
téressera personne !

Cinquième principe de l’effectuation : « le pilote


dans l’avion ». L’entrepreneur est à la manœuvre pour
déboucher sur un projet viable.
Ça y est, vous tenez l’offre « révolutionnaire ». L’offre
seule n’est pas suffisante. Il vous faudra la vendre et
voir si le modèle d’affaires est pertinent aujourd’hui et
qu’elle sera son évolution potentielle demain…

Cette approche de l’effectuation peut susciter beaucoup d’en-


thousiasme. Vous êtes ainsi débarrassé des freins tel que le cout
lié à l’innovation, le poids de la prise de risque, la perplexité des
salariés, l’exigence de la découverte d’un produit « magique »…

Pour une entreprise installée, cette approche peut être uti-


lisée sur une typologie de ses produits ou de ses services, de
façon concomitante avec les activités existantes. Si un produit
viable émerge, il pourra se substituer à un produit existant.
La phase de substitution à l’ensemble de l’existant devra
être menée avec beaucoup de précautions pour la propager à
l’ensemble de l’entreprise.
Votre produit viable à un certain moment peut aussi être
challengé par un produit de vos concurrents ! Les salariés
peuvent être fragilisés, car devant « utiliser » simultanément
plusieurs processus et procédures, une nouvelle organisation…

Cette stratégie est dite « stratégie émergente ».

En effet, à partir de l’écoute de votre marché (et marchés


connexes) et de vos clients (actuels et potentiels), des solutions
émergentes peuvent répondre aux besoins de votre entreprise
et orienter votre stratégie.

56
Étape 1 : Lancement de la démarche

Comme nous venons de voir avec la stratégie délibérée, les


entreprises doivent renoncer à l’idée que dans ce monde mouve-
menté, les conclusions stratégiques peuvent être prédéfinies et
qu’un avantage compétitif durable peut être élaboré et obtenu.

Entre stratégie délibérée et stratégie émergente, laquelle


choisir ?
Ne choisissez pas, prenez les deux !

Faites le choix de la stratégie chemin faisant33.

Cette stratégie réalisée « chemin faisant » est séduisante,


mais comment la mettre en œuvre ? ! Et, en particulier, com-
ment mobiliser tous les salariés sachant que la stratégie risque
de changer régulièrement ?

Stratégie
Intention
réalisée
stratégique
« chemin faisant»

Stratégie Stratégie
non réalisée émergente

D’après les différents types de stratégie de Mintzberg et Waters34.

Nous allons voir dans le détail, dans la démarche d’interven-


tion innovante proposée ici, les différentes étapes et les précau-
tions à prendre pour obtenir la meilleure performance globale
et durable de l’entreprise.

33. Avenier, M. J. (1997). Une conception de l’action stratégique en milieu complexe:


la stratégie tâtonnante. La stratégie chemin faisant. Economica.
34. Mintzberg, H. Waters, J. A. (1985). Of strategies, deliberate and emergent.
Strategic management journal, vol. 6, no 3, p. 257–272.

57
Étape 1 : Lancement de la démarche

Vous mesurez probablement déjà que l’I.A. (Intelligence


des Acteurs) va être déterminante.
Les salariés vont devoir être particulièrement « adaptables »
et donc vous ne pourrez pas faire sans eux, sans leur inventivité
dans leur nouvelle façon de travailler, de se coordonner !
Certains projets peuvent nécessiter d’être planifiés sur plu-
sieurs années. Il faudra donc être particulièrement vigilant pour
qu’ils ne soient pas trop spécifiques… pour pouvoir bifurquer, le
cas échéant et au moment propice.
Des modèles économiques, tels que le partenariat, comme
certaines opérations de croissance externe, peuvent répondre
à certains besoins sans investissement trop onéreux pouvant
mettre en danger votre entreprise.

Dirigeant, que pensez-vous de l’actuelle straté-


gie de votre entreprise ?
Demain, quelle stratégie pensez-vous suivre ?

La réponse donnée par le dirigeant permettra de


mesurer sa posture vis-à-vis de l’importance de la défi-
nition de la stratégie et de sa mise en œuvre.

La démarche proposée nécessite de prendre en


compte davantage son environnement pour assurer
la durabilité de l’entreprise.

58
Étape 1 : Lancement de la démarche

JP A : Je me rends compte, désormais, de l’impor-


tance de la stratégie. C’est vrai, on a une stratégie en
tête puis on a tendance à s’en éloigner lorsque des évè-
nements, le plus souvent imprévus, apparaissent. Par-
fois, j’ai l’impression de naviguer sans boussole, d’être
dans la réaction permanente. Ainsi, la stratégie n’est
pas formalisée, car elle change, il faut l’ajuster en per-
manence.
Je mesure désormais la difficulté pour les équipes
de comprendre là où je veux les amener, là où je veux
emmener l’entreprise.

7. Vous avez d’autres projets ?

Comme nous venons de l’évoquer, vous avez probablement


des intentions, des plans, des « projets », que vous ferez demain,
un jour peut-être, dans 1 an ou dans 10 ans. C’est la vie normale
d’une entreprise !

Pour que la démarche proposée ici réponde efficacement à


vos enjeux, elle ne doit pas être « parasitée » par d’autres « projets »,
informels ou non, que vous désirez mettre en place rapidement.
S’ils sont urgents, priorisez-les. Vous pourrez engager ce projet un
peu plus tard lorsque de meilleures conditions seront réunies.
Attention toutefois, car si vos projets prioritaires sont « dé-
ceptifs », vous risquez de désengager vos salariés dans ce projet
de transformation.

Même si vos projets ne sont pas réellement lancés, mais déjà


dans la tête de vos salariés, ils peuvent aussi créer chez eux des
perturbations, de la confusion.

59
Étape 1 : Lancement de la démarche

De la même façon, pour les projets déjà réalisés, il y a


quelques jours ou dans les années précédentes, les vécus des
salariés peuvent rester importants.
Par exemple, une nouvelle organisation a été mise en place
il y a quelques mois. Ce projet a été vécu douloureusement par
vos salariés à cause de « problèmes » de coordination, de com-
munication avec une nécessité de travailler différemment.
La mise en place (encore) d’un nouveau projet peut rendre
les salariés très circonspects… et se désengager dans ce pro-
jet-ci.

Une charge de travail exceptionnelle, liée à vos activités, doit


être respectée pour que toutes les parties prenantes soient plus
disponibles. On peut penser bien sûr à vos périodes commer-
ciales, par exemple.

Dirigeant, avez-vous des projets en cours dans l’en-


treprise, petits ou grands, formalisés ou non, à court
ou moyen terme ?

Quels sont les projets, petits ou grands, qui ont


laissé des traces dans les têtes de vos salariés ?

Les vécus des parties prenantes aux projets de l’en-


treprise informeront sur leur niveau d’engagement (ou
de désengagement).

Les expériences similaires décevantes vécues par


les parties prenantes peuvent les détourner de cette
démarche.
Prioriser ou temporiser la démarche en cas de
projet concomitant.

60
Étape 2
La (re)découverte de l’entreprise

Comme nous l’avons évoqué précédemment, un projet, de


transformation ou non, ne doit pas être, ne doit plus être, exigé
d’en haut, imposé par la Direction.
La « bonne » intention d’aller plus vite, et donc de gagner de
l’argent, n’est plus une bonne réponse aujourd’hui35. Déjà hier,
dans les années 80, le sociologue Michel Crozier affirmait : « On
ne change pas la société par décret36».

Une évidence : pour répondre à des problèmes et à des


besoins, il est nécessaire de les identifier !
Pour y répondre, il faut comprendre le contexte et l’envi-
ronnement de l’entreprise.

Poser la question suivante au dirigeant : « Connaissez-vous


bien votre entreprise ? » ne va-t-elle pas lui paraitre incongru ?
C’est possible…

JP A : Pourquoi cette question ?


Je connais bien mon entreprise ! Je la connais
comme ma poche. Je la dirige depuis de longues an-
nées, et avant moi mes parents. Mon entreprise, c’est
toute ma vie.

Je souhaite donc qu’elle se développe, ou au moins


qu’elle reste pérenne.

35. D’ailleurs, pas sûre qu’hier ce fut de bonnes réponses aux gains de temps et
d’argent. Personnellement, j’ai pu mesurer que les gains attendus n’étaient pas forcé-
ment au rendez-vous ! Dans la suite du livre, j’apporterais des éléments de précision.
36. Crozier, M. (1979). On ne change pas la société par décret. Fayard.

61
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Vous connaissez probablement votre entreprise à partir de


son organisation interne, de sa gestion économique et finan-
cière, des principaux outils informatiques et de ses processus
opérationnels essentiels.
Vous connaissez aussi probablement vos principaux fournis-
seurs, partenaires, et vos clients les plus importants à travers vos
relations « contractuelles ». Vous avez identifié les enjeux asso-
ciés à la performance.
En effet, ces connaissances sont nécessaires, mais sont-elles
suffisantes ?

Pas facile d’appréhender la situation « réelle » de l’entre-


prise. Chacun des acteurs de l’entreprise ne voit pas les mêmes
choses :
̵ La Direction voit les chiffres : indicateurs opérationnels
et financiers, les éléments qui arrivent jusqu’à elle, tels que
des évènements à forts impacts et la nécessité de prendre
des décisions à forts enjeux.
̵ Les salariés voient les problèmes opérationnels qu’ils
doivent résoudre ou contourner.

Vos salariés ou vos clients ne voient pas la même réalité que


vous !
Le dirigeant ne voit, le plus souvent, que des symptômes.
Ainsi, vous risquez de décider de solutions non pertinentes de
façon globale, car les solutions peuvent :
̵ Corriger les « défauts » constatés, mais faire émer-
ger d’autres difficultés « collatérales » non appréhendées.
̵ Répondre très partiellement à des besoins plus vastes,
mais non identifiés.
Dans ces cas, vous avez investi dans des solutions non
optimales…

Pour connaitre de façon approfondie votre entreprise, vous


devez connaitre les activités37 de vos collaborateurs au quotidien,
dans leur situation de travail ! Je parle ici de toutes les actions, les

37. Leplat, J. (2000). L’Analyse psychologique de l’activité en ergonomie. Octarès,


Toulouse.

62
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

échanges, les informations… dont ils ont besoin très précisément


pour « bien faire leur travail38 ». Des écarts à ce niveau peuvent
mettre en difficulté vos collaborateurs et impacter négative-
ment votre business. Des problèmes de qualité ou de délais de
réalisation peuvent en être les conséquences. La Qualité de Vie
au Travail (QVT39) de vos salariés peut aussi être impactée. Vous
le savez probablement, car vous en êtes aussi responsable. Nous
aborderons de façon plus détaillée cet aspect avec la QVCT40
dans l’Étape 2, chapitre 7 : Les activités de travail.

Si vous voyez vos collaborateurs comme des contraintes, ils


peuvent aussi être de précieux alliés ! Nous l’avons vu lorsque
l’on a évoqué la mise en œuvre de la stratégie.

En effet, le plus souvent, ils connaissent des informations


précieuses concernant vos clients. À titre d’exemple, ils vivent
quotidiennement les besoins et les contraintes, les désirs et
les inquiétudes, de vos « utilisateurs externes » : clients, fournis-
seurs…
Vos « utilisateurs internes » peuvent aussi déceler des be-
soins et des «petits» dysfonctionnements…

Vous me répondrez que vous ne pouvez pas être partout


et tout connaitre de ce qui se passe dans l’entreprise !
Et vous avez tout à fait raison !

En tant qu’individus, nous sommes tous immergés dans


la société et nous ne voyons pas tous les mêmes choses. Nous
avons tous une représentation différente de ce qui nous entoure.

38. Clot, Y., Bonnefond, J. Y., Bonnemain, A., & Zittoun, M. (2021). Le prix du travail
bien fait: La coopération conflictuelle dans les organisations. La Découverte.
39. La qualité de vie au travail ou QVT désigne le dispositif permettant d’améliorer
la vie au travail des collaborateurs. Il a été défini dans l’Accord National Interpro-
fessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (ANI) du 19 juin
2013.
40. La QVT de l’ANI de 2013 est devenue QVCT en 2020 (ANI, 9 décembre 2020),
pour Qualité de Vie et des Conditions de Travail. Sont désormais inclus, les condi-
tions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer
et à agir sur le contenu de celui-ci.

63
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

De même, dans l’entreprise, dirigeant ou salarié, tous sont


immergés de longues journées dans leurs activités pour ré-
pondre aux enjeux de l’entreprise.

Pour reprendre la métaphore bien connue de l’iceberg, sa


partie immergée n’est pas toujours « visible » par tout le monde !

De plus, ce que l’on voit n’est pas toujours LA réalité, celle qui
serait la même pour tous…

À l’image de l’allégorie de la Caverne de Platon41, ac-


céder à l’extérieur de la « caverne » n’est pas facile d’accès.

Schéma du concept de l’allégorie de la caverne de Platon.


Source: nicostella, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

41. Platon (1975). La République – Œuvres complètes : Livre VII. Les Belles Lettres.
L’allégorie de la caverne de Platon (15 mai 2023). Dans Wikipédia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/All%C3%A9gorie_de_la_caverne

64
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

À l’intérieur de l’entreprise, à l’image de l’intérieur de


la Caverne, ce que l’on voit semble représenter LA réali-
té, mais ce ne sont peut-être que des ombres projetées
sur les murs.
Sortir de la caverne, c’est accepter de voir d’autres
choses. C’est accepter que ce que l’on a régulièrement
sous les yeux ne soit pas forcément LA réalité. Cette réa-
lité qui serait nécessairement partagée par tous.

On a tous vécu cette situation : un évènement im-


probable, une actualité invraisemblable… On se dit : « Je
n’aurais jamais imaginé que cela soit possible… ». Pour
autant, c’est LA réalité, on l’a sous nos propres yeux !

Pour cela, « sortir » du quotidien est essentiel, même


si ce n’est pas facile, pour « vivre » des « moments de
réalité ». Si ces connaissances ne vont pas forcément
améliorer demain les performances de l’entreprise, elles
pourront possiblement ouvrir à de nouvelles façons de
travailler et de réfléchir. Ainsi, qui sait, elles pourront
influencer le devenir de votre entreprise…

Nous, êtres humains du XXIe siècle, nous sommes submer-


gés dans des flots quotidiens et continus d’information. On est
sensé tout absorber tout en tentant de stocker et de contrôler
toutes les informations reçues la veille. Ainsi, nous avons ten-
dance, par nécessité le plus souvent, à simplifier tout ce qui ne
nous semble pas essentiel. Comment savoir si c’est essentiel,
aujourd’hui ou demain ? Comment savoir si ces informations ne
sont pas fausses (fake news) et ne vont pas vous induire des er-
reurs de jugement ?

Vous en apprendrez davantage dans les chapitres suivants.


Je vous donne un indice ici : les êtres humains, les acteurs de
votre entreprise, par exemple, sont tous différents et donc ont
tous des « sensibilités » différentes. Tous ne voient pas la même
réalité, n’ont pas les mêmes jugements, les mêmes essentiels !

65
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Accepter de ne pas tout savoir de son entreprise n’est pas


toujours facile pour de nombreux dirigeants. Nous aborderons
plus loin les profils de dirigeants.
Aujourd’hui, et encore davantage demain, les métiers de
TOUS les secteurs d’activité nécessitent l’acquisition de connais-
sances techniques approfondies, mais aussi des connaissances
sur leur contexte.

Pour l’élaboration d’un diagnostic vraiment pertinent de l’en-


treprise, la démarche consiste à réaliser les actions suivantes :
̵ Les salariés vont répondre à un questionnaire, et éven-
tuellement participer à un entretien bilatéral, pour éta-
blir un diagnostic global de l’entreprise.
̵ Quelques-uns pourront, sur la base du volontariat (donc,
en sortant de l’anonymat), contribuer à des groupes de
travail (les ateliers) en exprimant les difficultés qu’ils
éprouvent et les propositions d’amélioration avec des
idées nouvelles.
̵ Toutes les personnes dans toutes les équipes seront mo-
bilisées. Ceux ne faisant pas partie des groupes de travail
pourront faire remonter leur avis par leur représentant.

JP A : J’ai besoin de savoir où en est réellement mon


entreprise. J’ai besoin d’un diagnostic approfondi avec :

̵ Quelles sont ses difficultés internes majeures ?


̵ Quels problèmes dissimulés y a-t-il ?
Je connais bien cette entreprise, je la connais depuis
mon arrivée il y a plus de 20 ans. Une grande majorité
des salariés y travaillent encore ! J’ai recruté pour rem-
placer certains partis à la retraite !

66
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

J’ai de plus en plus conscience de ne pas tout savoir


de ce qui se passe dans l’entreprise, on me cache
des choses. J’apprends, souvent par hasard, que les
procédures ne sont pas toujours respectées, que les
chiffres opérationnels qui me sont communiqués ne
sont pas toujours vérifiés…

J’ai besoin de savoir ce qui se passe dans mon


entreprise !
J’aimerais ne pas me tromper, prendre les
meilleures décisions !

Je décide de lancer ce projet de transformation à


partir de cette démarche.
Pour cela, je vais le communiquer à l’ensemble de
mes salariés. Je veux qu’ils me confient leurs avis, leurs
idées, leurs préoccupations.
Ce n’est pas ma façon de faire, car d’habitude
je prends seul les décisions. Ici, je suis confronté à
plusieurs dilemmes et je ne sais comment m’en sortir,
comment sortir mon entreprise de l’ornière.
Si je prends de mauvaises décisions, mes meilleurs
salariés vont partir…
Je n’ai, de toutes les façons, plus rien à perdre. Sauf
peut-être mon pouvoir, mon autorité, et la remise en
cause de mon identité. Je sais, ce sera très difficile pour
moi !

Monique, la comptable : Attention, il ne faut pas


tout dire ! On ne peut pas tout dire ! On ne peut pas
être totalement transparent42.

JP A : Oui, je sais. Certaines informations sont


confidentielles !

42. Pingeot, M. (2016). La dictature de la transparence. Robert Laffont.

67
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Mais comment puis-je demander aux salariés


d’être transparents avec nous sur leurs besoins, sur
leurs envies, si nous-mêmes, nous ne le sommes pas… !

Isabelle, de la communication : Je me charge du


contenu de la communication, avec les informations
communicables ! Je vais voir avec Monique. (Certaines
informations peuvent mettre en difficulté l’entreprise
en les rendant accessibles à des concurrents ou à des
« investisseurs »).
Comment communique-t-on ? En CODIR ? Au
management ? À tous les salariés ?

JP A : On communique à tous !

Isabelle : Je m’occupe de la communication à tous


les salariés. Je vais leur annoncer qu’une présentation en
physique du contexte actuel de l’entreprise aura lieu pro-
chainement. En espérant le plus large rassemblement !

JP A : Tu as raison. Le sujet est tellement important,


j’ai besoin de tout le monde sur le pont !

Isabelle : Bien sûr, tous ne pourront être présents,


mais l’important c’est d’exprimer ta volonté de parta-
ger la situation et de faire preuve d’humilité quant aux
réponses à fournir !
Surtout, en effet, il ne faut surtout pas donner des
solutions définitives, ce qui signifierait que tu n’as pas
besoin de leur avis, puisque tu as déjà tranché ! Dans
ce cas, il suffirait d’envoyer un mail à tous et de dire : j’ai
décidé… et vous n’avez plus qu’à exécuter ce que je vous
demande !
Il faut exprimer clairement ce que l’on attend de
chacun d’eux.

JP A : Oui, tu as raison. Peux-tu m’organiser ça au


plus tard d’ici trois mois ?

68
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Plusieurs semaines plus tard…

Lors d’une réunion, le dirigeant communique aux


salariés présents (la grande majorité des salariés) le
contexte de l’entreprise et ses difficultés face à l’envi-
ronnement social et économique. Il souhaite prendre
les meilleures décisions pour l’entreprise et ses sala-
riés. Pour cela, il affirme avoir besoin de connaitre de
façon approfondie le fonctionnement interne « réel » de
l’entreprise. Pour cela, il a besoin des apports de cha-
cun, quelle que soit sa position dans l’entreprise et son
poste de travail.

Il explique la mise en œuvre du diagnostic et les


contributions aux groupes de travail qu’il souhaite
mettre en place. Cette action doit permettre à l’entre-
prise d’être plus adaptable face aux évolutions de l’en-
vironnement fluctuant et de bénéficier de salariés fi-
dèles à l’entreprise.

À l’issue de la réunion, un temps d’échange est en-


suite laissé pour que les salariés prennent la parole et
expriment leurs satisfactions et leurs inquiétudes.

À ce moment, quelles que soient les réactions, c’est


déjà un premier pas vers la reconnaissance des salariés
dans leurs activités, dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils
sont.

Cette phase est primordiale, car si le projet n’est pas « bien


lancé », la coopération autour du projet risque d’être difficile !

Le message principal ici, c’est l’ouverture et l’humilité ! Ce


n’est pas toujours ce qui caractérise les dirigeants. Nous verrons
les différents profils de dirigeant à l’Étape 2, chapitre 3.1 : Le pro-
fil du dirigeant.

69
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

(Un consultant spécialisé dans ce type de communication


peut accompagner la Direction lors de la préparation et la mise
en œuvre de cette communication.)

1. Pourquoi un diagnostic

Dans la vie d’une entreprise, des diagnostics ont déjà pu être


réalisés.
Le plus souvent, ils concernent un domaine particulier tel
que : les finances par un expert-comptable, sur certains mé-
tiers manuels lors d’un accident de travail par un inspecteur du
travail, sur un produit ou un service « qui ne marche pas » par un
expert marketing...

Ces diagnostics sont souvent très utiles, mais ne permettent


pas d’établir un diagnostic à la fois précis quant à son origine et
à la fois transverses à toutes les équipes ! Nous sommes alors ici
face à un dilemme, entre Exploitation (de l’existant) et Explora-
tion (de nouveautés).

Ce type de situation a déjà été étudié par l’écono-


miste américain James March43 :

• L’exploitation : Exploiter ce que l’on connait, et


faire mieux avec ce que l’on sait faire.
Vous analysez toutes vos informations dispo-
nibles, de façon approfondie pour chacune des
équipes de l’entreprise ! Combien de temps vous
faudra-t-il pour les collecter sachant que cer-
taines ne sont pas accessibles par tout le monde ?

43. March, J. G. (1991). Exploration and exploitation in organizational learning. Or-


ganization Science, Vol. 2, No.1.

70
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

En effet, des salariés peuvent cacher, que ce soit


délibérément ou non, des informations primor-
diales. Toutes ces informations ainsi collectées,
même incomplètes, permettront de définir une
meilleure organisation et une coordination plus
efficace. Les réponses ainsi fournies seront da-
vantage adaptées aux situations réelles de travail.

• L’exploration : C’est trouver mieux à faire, en ex-


plorant ce que l’on ne connait pas encore.
Vous pouvez trouver des idées originales, inven-
ter de nouveaux produits ou services pour sé-
duire de futurs clients. Comment allez-vous en-
suite les « intégrer » dans vos activités actuelles ?
Vous pourrez éventuellement les « faire vivre » à
proximité des activités existantes et réduire ainsi
vos risques…

Pourquoi alors devriez-vous choisir entre les deux propo-


sitions ?

Dans notre démarche, le diagnostic consiste à « exploiter »


des informations provenant des destinataires du questionnaire.
Ces destinataires sont tous les acteurs de l’entreprise (collabo-
rateurs, managers ainsi que le dirigeant).
Ces informations issues du diagnostic seront aussi essentielles
pour élaborer les conditions de mise en œuvre des ateliers. Ce que
vous verrons en détail à l’Étape 3, chapitre 1 : Préparation des ateliers.
Lors des ateliers, les informations seront « exploitées » puis
des évolutions seront « explorées » pour élaborer des scénarios
innovants. Ce que nous verrons en détail à l’Étape 3, chapitre 5 :
Atelier 4 : La proposition des scénarios à mettre en œuvre.

Les réponses attendues au questionnaire sont issues de


situations vécues, favorablement ou non. Les acteurs partagent
leurs expériences dans leur contexte de travail, dans leur

71
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

environnement au sens large. Ainsi collectées, on disposera


de bonnes connaissances de l’organisation et des activités
concrètes de travail, de la culture, des conditions de réalisation
du travail.

Bien sûr, toutes les informations collectées peuvent être


anonymisées pour obtenir une vue détaillée, exhaustive, des si-
tuations de travail. Elles constitueront une base suffisamment
robuste pour tirer le meilleur parti de la démarche.
Bien qu’imparfaites, les informations collectées représenta-
tives de situations vécues permettent une meilleure compré-
hension. Elles permettront ainsi de prendre de meilleures déci-
sions en réduisant les risques.

Suivant la culture de l’entreprise, ou à la demande du diri-


geant, le non-anonymat peut être justement une façon d’abor-
der et de traiter collectivement, les « sujets qui fâchent ». Nous
aborderons la notion de culture un peu plus loin à l’Étape 2,
chapitre 4 : La culture de l’entreprise.

Se passer de ce diagnostic interne de votre entreprise, c’est


prendre le risque de donner « vos meilleures réponses » qui fina-
lement seront mal comprises par les utilisateurs. Car éloignées
de leurs besoins, elles ne pourront donc pas générer la plus
grande plus-value à l’entreprise.

2. Présentation de l’entreprise

Pour établir le contenu de ce diagnostic, commençons le


questionnaire par « la carte d’identité » de l’entreprise.

Ces informations sont le plus souvent lisibles sur le site in-


ternet de votre entreprise, sur ses réseaux sociaux, sur ses pla-
quettes commerciales.

On pourrait penser que tous les répondants aux question-


naires vont renseigner les mêmes informations. Pas si sûr !

72
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Pour l’ensemble des salariés, c’est l’occasion de partager un


niveau minimal de connaissances sur leur entreprise.

Le secteur d’activité :
Le nombre de salariés :
Le nombre de sites :

Ses clients :
Ses fournisseurs :
Son environnement réglementaire :
Son environnement social :
Son environnement économique :

Chacun des salariés connait probablement certains


éléments, mais pas tous. C’est ici l’occasion de mesurer
des manques dans certains services, sur certains sites,
pour certains postes de travail…

La situation d’une entreprise de plusieurs cen-


taines de salariés répartis sur plusieurs sites dans
de grandes villes ne sera pas abordée de la même
façon qu’une PME de 150 salariés sur un seul site
dans une seule ville de 15 000 habitants. Elle va donc
conditionner la mise en place de la démarche.

73
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

3. L’histoire de l’entreprise

Pourquoi parler ici de l’histoire de l’entreprise ici ? Son


histoire, c’est le passé !
Oui, mais le passé n’est jamais totalement absent de
nos comportements individuels ou collectifs, dans nos vies
personnelles ou professionnelles… On va retrouver la même
chose pour l’entreprise !

Depuis les conditions de sa création jusqu’à aujourd’hui, et en


passant par toutes les épreuves, petites et importantes, l’entre-
prise est toujours singulière et doit être approchée comme telle !

En tant que clients, de façon le plus souvent inconsciente, nous


agissons différemment en fonction de l’histoire de l’entreprise.
̵ Si l’entreprise est « historique », on pourra la voir comme
solide. En effet, pour être encore présente sur le marché,
elle a dû passer des épreuves difficiles. La même entre-
prise pourra être vue comme vieillotte, qui ne propose
pas des services innovants.
̵ Si l’entreprise est « une Start-Up », on pourra la voir
comme innovante. En effet, elle vient d’arriver sur le
marché avec un produit révolutionnaire. La même en-
treprise pourra être vue comme fragile, car elle n’a pas
encore beaucoup de clients et elle vit sous perfusion fi-
nancière.

Client ou salarié, comme nous venons de voir, nous avons


une image de l’entreprise, parfois très différente. Cette image
est toujours importante ! Nos représentations vont alimenter
cette image. Nous aborderons les représentations à l’Étape 2,
chapitre 7.2 : Les dispositions de l’individu.

74
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quelle importance attribuez-vous à l’histoire de


l’entreprise ?
D’après vous, quelle importance les clients et les
fournisseurs attachent-ils à l’histoire de l’entreprise ?

Que toutes les parties prenantes de l’entreprise


se retrouvent autour d’une histoire commune « mini-
male » va contribuer à les rassembler.

Vous pourrez exploiter les contenus pour mobili-


ser vos parties prenantes à travers vos contenus de
communications.

Pour étudier l’histoire de l’entreprise, nous allons maintenant


nous intéresser aux dirigeants, fondateurs ou non. La personna-
lité du fondateur est fondamentale ! En créant l’entreprise, il a
donné nécessairement ses propres valeurs, avec sa culture, ses
modes de représentations…

3.1 - Le profil du dirigeant

Je vous propose, parmi beaucoup d’autres études, celle pro-


posée ci-dessous. Elle identifie plusieurs profils types de diri-
geants (non exhaustifs ici) regroupés en 3 « têtes » (vocable uti-
lisé par le sociologue et économiste Michel Bauer, l’auteur de
cette étude44) :

44. Bauer, M., Monassier, B., & Cazalet, R. L. (1993). Les patrons de PME entre le pou-
voir, l’entreprise et la famille. InterEditions.

75
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Les dirigeants de PME sont le plus souvent vus comme des


« homo-economicus » dans la presse qui leur sont consacrés.
L’auteur de l’étude identifie plusieurs profils d’homo-economi-
cus et d’autres portraits plus rarement partagés.
(Sont résumés ici quelques éléments en reprenant
précisément les noms des profils utilisés par l’auteur.)

Homo-Economicus :

̵ Le profiteur : Il n’est pas « entrepreneur », car il s’implique


peu dans la direction et la stratégie de l’entreprise. Il est
intéressé par le patrimoine en mettant l’accent sur le
rendement, la valeur économique de l’entreprise.
̵ La vieille couturière : Il se contente de conserver sa routine.
Il n’est pas à la recherche de clients ou d’une innovation.
̵ Le génial technicien : Il est « entrepreneur » et il met l’ac-
cent sur l’innovation technique. Il s’intéresse peu aux as-
pects patrimoniaux.
̵ Le bâtisseur : Il est à la fois entrepreneur et implique une
stratégie d’innovation. Il s’intéresse à la performance
économique de son entreprise.
̵ L’occupant de la maison familiale : Il est à l’intersection
des quatre profils précédents.

Homo-Politicus

̵ Il dispose d’un pouvoir très centralisé qu’il pratique de


façon solitaire.
̵ Il incarne un pouvoir très centralisé à la tête de
l’entreprise, mais le pouvoir est partagé avec une équipe
fonctionnant autour de lui.
̵ Il exerce le pouvoir de façon solitaire sans pouvoir
entrepreneurial. Il a peu d’influence sur son entreprise.
̵ Le pouvoir est réparti et pratiqué par une équipe. Le
système de pouvoir est dit « décentralisé ».

76
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Pater Familias45

̵ Sa famille et l’entreprise se confondent : son nom, son


histoire, son capital.
̵ Le chef de la dynastie. Il rêve de la création d’une véri-
table dynastie.
̵ L’égalitariste. Il est attaché à la répartition égalitaire de
son patrimoine.

Le modèle de représentation tel que celui présenté ci-des-


sus, et comme tout modèle, il est bien sûr caricatural. Il ne dé-
crit pas LE profil du dirigeant.
Le profil peut être constitué d’un profil dominant et d’un ou
plusieurs profils complémentaires. Le tiraillement entre diffé-
rents profils peut intervenir dans le processus de décision. Nous
le reverrons à l’Étape 2, chapitre 6.2 : Ses processus de décision.

Ne voyez pas dans ces propos comme un jugement de


valeur. En effet, ce qui construit chacun de nous provient de
notre histoire personnelle, de notre contexte familial et social.
Si modifier son profil est souvent difficile, des variations sont
possibles suivant le vécu des évènements.
Que le dirigeant actuel soit ou non le fondateur, après plusieurs
années, il est possible qu’il ne dirige plus l’entreprise tout à fait de
la même façon que lors de sa création ou de sa prise de fonction.
Des évènements majeurs, internes ou externes, ont pu influer sur
des pratiques anciennes. Des postures centralisées ont pu « se
décentraliser » et des expertises historiques du dirigeant ont dû
céder la place aux collaborateurs disposant de compétences très
récentes. Des conflits internes ou des évènements familiaux ont
aussi influencé son mode de gouvernance, donc son profil…

Repérer son propre profil n’est pas aisé. Nous pensons que
nous sommes comme cela et finalement nous sommes perçus
parfois diversement.

45. Bpifrance Le Lab (26 novembre 2021). Chef.fe d’entreprise, chef.fe de famille :
le défi des dirigeants de PME-ETI https://bigmedia.bpifrance.fr/etudes/cheffe-
dentreprise-cheffe-de-famille-le-defi-des-dirigeants-de-pme-eti

77
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Mieux identifier son « vrai » profil de dirigeant, c’est recon-


naitre ce que nous induisons dans nos interactions avec les
autres parties prenantes de l’entreprise. Ainsi, grâce à votre pro-
fil bien reconnu, vos interlocuteurs répondront mieux à vos at-
tentes et à vos besoins.

Dirigeant, que vous soyez fondateur ou non, votre posture


est un facteur majeur de succès au quotidien et à toutes les
étapes de la démarche.

Vous avez un rôle incontournable dans la réussite de vos


projets de façon générale. Vous devez les promouvoir, les suivre
régulièrement et vérifier leur performance.
À ce titre, vous devez être proche de vos équipes et procéder
avec eux à de nécessaires ajustements. Nous verrons plus loin
comment les concrétiser.

À titre d’exemple, des situations possibles :


̵ Pour « la vieille couturière », des efforts conséquents de
changement de posture devront être réalisés pour que
la démarche engendre une réelle plus-value. Sinon, à la
suite des ateliers, la qualité des livrables ne sera pas au
rendez-vous. Dans ce type de situation, un travail prépa-
ratoire pourra être mené avec le dirigeant.
̵ Si le pouvoir est centralisé, les actions menées dans le
cadre de la démarche pourront faire l’objet de davan-
tage de reportings. Le temps passé au contrôle des
contenus échangés peut être rallongé.

Dirigeant, de quel(s) profil(s) vous sentez-vous le


plus proche ?

78
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

D’après vous, quel(s) profil(s) ont de vous vos salariés?

Repérer et prendre en compte SON profil c’est


mieux appréhender certaines « incompréhensions » de
la part de vos salariés.

Réduire les incompréhensions entre dirigeant et


salariés c’est améliorer la qualité des échanges au
cours de la mise en œuvre de la démarche.

3.2 - La création de l’entreprise et son fondateur

Les conditions de la fondation de l’entreprise nous ren-


seignent sur les valeurs :
̵ Fondée par un autodidacte : la valeur de la détermination
individuelle sera importante, l’abnégation…
̵ Fondée depuis plusieurs générations : la valeur de la
transmission des savoirs, de la famille sera prépondé-
rante…
̵ Fondée par plusieurs personnes : la valeur du réseau, de
l’entraide, du collectif sera importante…

Ces valeurs ont bien sûr pu s’ajuster, à la suite des crises que
l’entreprise a dû traverser depuis sa création.
Quel que soit son profil, le fondateur est un héros, encore en
vie ou non, toujours à la tête de l’entreprise ou non. C’est grâce
à lui que l’entreprise existe ! Sans lui, nous ne serions pas là pour
en discuter !

79
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quelles valeurs de l’entreprise vous semblent les


plus importantes ?

Vous pourrez exploiter ces contenus dans vos com-


munications, internes et externes. Ces contenus sont
des facteurs d’engagement autour d’un collectif, ici, les
parties prenantes de l’entreprise.

Les valeurs défendues par le dirigeant peuvent


être différentes de celles partagées par les salariés.
Comme pour le profil du dirigeant, des incompré-
hensions peuvent être à la source de conflit (ouvert
et fermé).
Se mettre d’accord sur quelques valeurs permettra
de constituer des points de convergence autour de la
démarche.

De même, les « marchés » adressés par l’entreprise depuis sa


création sont aussi importants :
̵ Elle s’adresse à une typologie de client : des produits
de luxe pour des clients riches, ou des produits très peu
chers pour les personnes à « faible revenu ».
̵ Des actionnaires : les enjeux essentiellement financiers,
ou au contraire des enjeux sociaux.
̵ Des missions : pour répondre à des enjeux sociaux de
proximité ou des enjeux sociétaux plus larges, plus éloi-
gnés.

Si vos marchés changent, les salariés seront impactés « in-


tellectuellement » et donc des conséquences néfastes peuvent
survenir sur les performances de l’entreprise.

80
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Par exemple : les salariés vous disent : « Avant, on faisait de


beaux produits et les clients étaient très contents. Maintenant,
on nous demande de faire de la camelote. Ils ne veulent plus
de salariés comme nous avec des savoir-faire. Qu’ils demandent
alors aux Chinois de faire le boulot ! ».

Pour engager les salariés dans un projet, ils doivent se re-


trouver autour de son dirigeant, avec ses valeurs. Pour renforcer
l’engagement de tous les salariés, ils doivent faire partie d’un
même voyage, d’une même histoire.

Quel est le marché et quelle est sa place pour l’en-


treprise ?

Connaitre le marché et le partager c’est se mettre


d’accord sur les enjeux et sur le profil des clients, celui
auquel l’entreprise s’adresse.
La place qu’il occupe aujourd’hui permettra d’esti-
mer les conséquences pour les salariés si l’entreprise
devait aller sur un autre marché.

Les scénarios proposés à la fin de la démarche


peuvent remettre en cause des façons de travailler :
B2B -> B2C ou B2C -> B2B.

3.3 - L’histoire officielle et les autres

Au moment de présenter l’entreprise, c’est l’histoire officielle


que l’on peut consulter généralement sur le site internet de l’entre-
prise, sur ses réseaux sociaux ou sur ses plaquettes commerciales.

81
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

On y lira les évènements récents de l’entreprise, avec ses


crises et ses bons moments dans le domaine économique et so-
cial, dans lesquels elle a dû faire face et en est sortie vainqueure.
Racontée façon storytelling, elle peut en effet attirer des clients
et des candidats pour postuler dans votre entreprise !

Bien que l’histoire officielle soit le plus souvent vraie, elle n’est
pas nécessairement celle mémorisée par les salariés, qu’il l’ait
vécue ou non. C’est l’histoire « intégrée », de façon consciente ou
non, qui fera que les salariés adhéreront aux projets de l’entre-
prise : l’histoire qui fera sens pour eux.

On va rencontrer ainsi deux histoires principales : l’histoire


officielle, promue par la Direction et les fonctionnels, et l’histoire
vécue par les opérationnels.

Une forte divergence des deux histoires peut représenter pour


les salariés une incohérence, une confusion, un manque de sens.

Par exemple :
̵ L’histoire officielle de l’entreprise relate son souci d’être
toujours à la pointe de la technique, d’être en perma-
nence à l’écoute des besoins de ses salariés et de ses
clients.
̵ L’histoire vécue au quotidien par les salariés est toute
autre. Ils disposent d’outils récents, certes, mais pas tou-
jours optimisés à leurs besoins et non finalisés en ma-
tière de développement. Ils doivent finalement passer
plus de temps qu’avant ! Ils n’ont pas été écoutés, car la
Direction devait choisir un fournisseur avec lequel l’en-
treprise avait déjà un contrat pour aller plus vite !

Comme nous l’avons vu précédemment, l’histoire vécue par


les salariés n’est pas uniforme. Pour certains salariés, l’entre-
prise ne les écoute pas du tout, voire les méprise. Par contre,
pour d’autres, ils seront plus compréhensifs sur les raisons qui
poussent l’entreprise à agir comme elle le fait.

82
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Connaitre les histoires de l’entreprise c’est disposer de clés


de compréhension des individus qui la composent. Ainsi, c’est
mieux saisir quelles sont leurs représentations, leurs images.
On reconnaitra comment ils raisonnent, comment ils appré-
hendent leur environnement, comment ils réagissent parfois
inconsciemment.

Connaitre l’histoire retenue par les acteurs de l’entreprise va


permettre de construire un récit et de se retrouver autour d’une
histoire commune « minimale », mais partagée !

Quelle histoire retenez-vous de votre entreprise ?

Connaitre l’histoire de l’entreprise vue par vos sala-


riés c’est estimer son importance dans leur engage-
ment. L’histoire de l’entreprise fait-elle sens pour eux.
De quelle histoire font-ils partie ?

Si l’histoire vécue par vos salariés est trop éloignée


de l’histoire officielle, une réunion de préparation
dédiée pourrait être réalisée pour « intégrer » les his-
toires vécues dans l’histoire officielle.

83
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

4. La culture de l’entreprise

Les choix réalisés par le fondateur, le profil du fondateur et


ses valeurs, le contexte de la création de l’entreprise vont consti-
tuer la fondation de la culture de l’entreprise.
Les successeurs à la tête de l’entreprise ont probablement
superposé leurs touches successives, mais il est peu probable
que la culture fondatrice ait été effacée complètement.

Aborder la culture est souvent incontournable même si elle


n’est pas assez souvent prise en compte !

« À l’issue d’une fusion entre deux entreprises indus-


trielles, un dirigeant de la nouvelle entreprise racontait
l’histoire suivante : quand j’ai besoin d’une nouvelle
pièce, je peux demander à quelqu’un de l’entreprise
A de s’en occuper : il rentrera dans sonbureau et je ne
le reverrai pas de deux mois, mais il reviendra avec un
dossier de 2,5 kg contenant tous les plans, croquis et
dessins possibles de la pièce en question, des machines
permettant de la fabriquer, des ateliers et des usines
nouvelles pour installer les machines. Face à ce même
problème, quelqu’un de l’entreprise B ira immédiate-
ment chercher un sous-traitant dans les pages jaunes
de l’annuaire. »

Texte d’introduction du livre « La culture d’entreprise » de


Maurice Thévenet, Délégué général de la Fondation natio-
nale pour l’enseignement de la gestion (FNEGE) et Professeur
à l’Essec.46

46. Thévenet, M. (2015). La culture d’entreprise. Que Sais-Je.

84
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

C’est ainsi que l’on pourrait illustrer la culture d’entreprise !


Bien que caricaturale, elle montre que les intentions dans la
demande ne sont pas toujours interprétées conformément à
nos attentes. En effet, en fonction de sa culture de référence, le
salarié agira différemment.

Pour aborder la culture d’entreprise, des études ont


été menées par différents auteurs :

̵ Geert HOFSTEDE47, psychologue néerlandais,


montre les différences de nos rapports avec la dis-
tance hiérarchique, l’individualisme et le commu-
nautaire, le contrôle de l’incertitude, le masculin et
le féminin.

̵ Philippe d’IRIBARNE48, ingénieur des mines, éco-


nomiste et anthropologue français, aborde diffé-
rentes cultures et les logiques associées :
• La culture anglo-saxonne (logique du contrat) :
Aux États-Unis, la culture est basée sur
l’échange libre et équitable. On la retrouve dé-
sormais sous la forme du management par ob-
jectifs associée à d’importants moyens. Ainsi, le
subordonné travaille pour son manager, et une
chaine continue se forme de bas en haut de la
hiérarchie. Pour chacun des niveaux, chacun
fixe ses attentes à ceux qui travaillent pour lui.

47. Hofstede, G., Hofstede, G. J., Minkov, M. (2010). Cultures et organisations: Nos
programmations mentales. Pearson Education France.
48. D’Iribarne, P. (2015). La logique de l’honneur. Gestion des entreprises et tradi-
tions nationales. Seuil.

85
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

La culture néerlandaise (logique du consen-


sus) : L’individu a une place importante. Cha-
cun a sa place définie et respectée dans l’en-
treprise. À chaque niveau hiérarchique, les
responsabilités sont décrites. La ligne hiérar-
chique est respectée.
• La culture française (logique de l’honneur) : Le
salarié n’aime pas que ses chefs lui imposent
des règles. Le salarié est fier du travail bien
fait49. Ainsi s’installe une relation très affective
au travail. Si on a des comptes à rendre, c’est
avec sa conscience, son sens de l’honneur.
Chaque ligne hiérarchique a en charge des
responsabilités précises. On ne franchit pas
simplement les lignes, il faut être “initié”, à la
suite d’une promotion, par exemple.

Nous évoquons ici des études parmi les plus


connues. De nombreuses autres ont été menées sur ce
thème. Il n’est pas possible ici de rentrer dans les dé-
tails, mais ce sujet doit être pris avec de grandes pré-
cautions.

Je vous propose maintenant le modèle de Cameron et


Quinn50 qui vous permettra d’avoir quelques repères.
Chacun des 4 cadres répond à des orientations, des modes
de management, des valeurs prépondérantes avec ses critères
d’efficacité différents.

49. Clot, Y., Bonnefond, J. Y., Bonnemain, A., & Zittoun, M. (2021). Le prix du travail
bien fait: La coopération conflictuelle dans les organisations. La Découverte.
50. Cameron, K. S., Quinn, R. E. (2011). Diagnosing and Changing Organizational
Culture. John Wiley & Sons Inc.
86
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Flexibilité

Type de Type de
culture
CLAN culture
ADHORATIE

Orientation : Collaboration Orientation : Créativité

Facilitateur Innovateur
Leader : Leader :
Mentor Visionnaire

Engagement Produits innovants


Facteurs Communication Facteurs Transformation
de valeurs : Développement de valeurs : Agilité

Théorie du Théorie de
développement l’innovation et
Efficacité : humain et Efficacité : nouvelles
participation ressources

Type de Type de
HIERARCHIE culture MARCHE
culture

Orientation : Contrôle Orientation : Compétition

Coordinateur Pilote solide


Leader : Leader :
Organisateur Compétiteur

Opportunité Facteurs Part du maché


Facteurs
Cohérence et Atteinte des objectifs
de valeurs : de valeurs :
Uniformité Rentabilité

Théorie de la
Théorie du contrôle
Efficacité : Efficacité : concurrence
avec des processus
agressive et
performants
orientation client

Stabilité

Le modèle de Cameron et Quinn

Comme nous venons de le voir à travers les différentes


études, on appréhende bien sûr ici la difficulté de faire travailler
des collaborateurs de cultures différentes.

Typiquement, le cas d’une entreprise “se rapproche” d’une


autre à l’étranger (hors France). Les acteurs, salariés ainsi que
les dirigeants, n’ont pas forcément la même façon de voir les

87
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

évènements, les situations et les conséquences de certaines


décisions.
Par exemple, des «incompréhensions» peuvent apparaitre
lors de réorganisations, lors de recrutement de collaborateurs
ou de managers.
De nombreuses opérations dans le cadre de croissance ex-
terne avec des entreprises étrangères n’ont pas obtenu les ré-
sultats attendus à cause d’une prise en compte insuffisante de
la dimension culturelle51.

Des « fusions nationales » ne font pas exception. Comme


nous l’avons vu précédemment, l’histoire de l’entreprise et le
profil du dirigeant joueront un rôle prépondérant dans le choix
pour l’entreprise « à vendre » ou « à acheter » et la mise en œuvre
de leur rapprochement.
Par exemple : Une PME « traditionnelle » a besoin de com-
pétences techniques de pointe et décide de travailler avec une
start-up ayant mis au point un procédé innovant. Les façons de
travailler seront différentes, voire opposées, et pourtant, elles
devront travailler ensemble !

Suivant l’entreprise dans laquelle on se trouve, on est tou-


jours immergé dans une culture. Cette culture est ainsi d’autant
plus difficile à discerner.

L’entreprise a une culture, nous avons tous, à titre individuel,


notre propre culture. Nos différences culturelles ne sont pas
simples à aborder, car notre culture nous a conditionnés et est
en grande partie inconsciente. Ainsi, nous ne nous rendons pas
compte de nos propres façons d’agir, de vivre les évènements.
Ainsi, nous pensons que tous les autres pensent comme nous !

Notre culture provient de nos histoires et de nos expériences


personnelles et professionnelles. Si nous sommes nés en France
51. Laboratoire d’idées pour les PME-ETI – La croissance externe à l’échelle des PME
(27 janvier 2023). Témoignage de Nicola Mirc et Audrey Rouziès, fondatrices du ré-
seau de recherche European M&A Institute – Miser sur la culture d’entreprise pour
réussir sa fusion-acquisition. https://lelab.bpifrance.fr/Etudes/croissance-externe-
la-grande-ambition-des-petites-et-moyennes-entreprises/miser-sur-la-culture-d-
entreprise-pour-reussir-sa-fusion-acquisition

88
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

ou à l’étranger, dans une famille modeste ou aisée, nous aurons


des comportements différents. De même, si nous avons eu un
parcours professionnel « Grand Groupe » ou dans une PME ou une
Start-Up, nous nous appuyons sur des référentiels très différents.

Prendre en compte la culture de l’entreprise, c’est nécessai-


rement faire un travail d’introspection sur son histoire, sur ses
valeurs, ses rites et ses symboles. C’est aussi prendre la distance
indispensable pour la formaliser, pour la transmettre. En interne,
sa communication renforcera les collectifs de travail. En externe,
elle rapprochera votre entreprise de vos futurs collaborateurs, car
ils seront sensibles à votre culture. S’ils vous rejoignent, c’est qu’ils
sont en accord avec ce qu’ils interprètent à partir de ce que vous
leur donnez à voir. Par contre, dès qu’ils constateront un manque
de cohérence, ils vous quitteront très vite !
Certains salariés, au contraire, peuvent quitter votre entre-
prise à cause de sa culture, de ses valeurs, vécues en désaccord
avec les leurs. De plus, ils ne seront pas encouragés à rester si
l’histoire, dans laquelle vous voulez les embarquer, n’est pas
« authentique » à leurs yeux.
D’autres éléments, tels que les modes de fonctionnement de
votre entreprise, seront aussi essentiels pour qu’ils franchissent
le pas de postuler à un de vos postes ouverts au recrutement.

Il suffirait alors, « tout simplement », de décider de changer


la culture de l’entreprise pour que les candidats tant espérés
sonnent demain à la porte de votre entreprise.
Désolé de vous décevoir, mais ce n’est pas aussi simple !

Bien sûr, vous pouvez décider qu’un changement culturel


dans votre entreprise serait avantageux, pour vos salariés
(actuels et futurs) et pour vos clients.

La culture est souvent vue comme une fierté52, car ce qui a


fondé l’entreprise ne doit pas être remise en question. Ainsi, ce
peut être facilitant ou bien devenir un frein à tout changement,
à toute évolution interne. Si vous devez lever ce frein, vous devrez

52. Thévenet, M. (2015). La culture d’entreprise. Que Sais-Je.

89
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

être patient… Comme on l’a vu précédemment, la culture de


l’entreprise s’est construite depuis la création de l’entreprise
avec tous ses acteurs.

Pour provoquer un changement de culture, il faut que les


salariés aient la possibilité de remanier leurs habitudes, leurs re-
présentations… Ils auront besoin pour cela de temps. Cette mo-
dification ne pourra se faire que sur une longue période.

À partir des études et le modèle présenté ci-des-


sus, quels seraient les « traits » culturels les plus pré-
pondérants de votre entreprise ?

En quoi vos « traits » culturels constitueraient-ils un


allié pour votre entreprise ou, au contraire, un obsta-
cle dans vos projets ?

Bien que la culture soit difficile à identifier de l’in-


térieur, des faits constatés ou des comparaisons avec
d’autres entreprises peuvent vous aider à comprendre
vos différences culturelles.

Situer le modèle culturel de votre entreprise per-


met de préparer la mise en œuvre de la démarche et
d’engager les acteurs associés autour de valeurs et
de pratiques partagées.

90
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

5. Les enjeux de l’entreprise

Des enjeux de votre entreprise ont pu être déterminés impli-


citement lors de la création de l’entreprise, par vous, le dirigeant
actuel, par sa culture fondatrice.

Les enjeux ne sont pas toujours explicités et donc non par-


tagés avec les salariés. Comme pour la culture, le partage des
enjeux favorisera la création ou le développement des coopéra-
tions et des collectifs de travail.

Les enjeux de l’entreprise et les enjeux du dirigeant.

L’environnement de l’entreprise peut évoluer lors de crises,


par exemple. Les enjeux initiaux de l’entreprise devraient alors
évoluer, s’ajuster. Ainsi, les enjeux « initiaux » du dirigeant de-
vraient donc changer… Comment va réagir le dirigeant si les
enjeux ne sont pas les mêmes ? Le dirigeant devra donc, pour
cela, procéder à un arbitrage entre ses propres enjeux et ceux
de son entreprise.

Par exemple,
L’enjeu principal pour votre entreprise est désormais de
fournir un service innovant à ses clients. En effet, sans un ser-
vice renouvelé, les clients pourtant fidèles pourraient aller à la
concurrence.

L’enjeu pour le dirigeant, en fonction de son profil (Voir


Étape 2, chapitre 3.1 : Le profil du dirigeant), va être différent :
̵ Si Homo-economicus, le dirigeant pousse l’enjeu d’in-
novation pour développer la valeur économique de son
entreprise
̵ Si Homo-politicus, le dirigeant s’assure que cette inno-
vation ne va pas échapper à son pouvoir.
̵ Si Pater-familias, le dirigeant se concerte, avec sa fa-
mille, pour décider de la pertinence de l’innovation et
les risques associés.

91
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Les enjeux du dirigeant et les enjeux du salarié ne sont pas


toujours les mêmes !

̵ Pour le dirigeant, la valeur financière de l’entreprise et la


redistribution de dividende vers les actionnaires peuvent
être un enjeu pour rester à la tête de son entreprise.
̵ Pour le salarié, son principal enjeu sera l’obtention de
primes, pour améliorer son « confort familial » ou d’être
autonome dans ses activités.
̵ Les deux enjeux ne sont pas incompatibles, ils sont
même cohérents ! Sans bénéfice financier suffisant,
l’entreprise ne pourra verser des primes ou devra se sé-
parer du salarié.

Pour que votre entreprise réponde à ses enjeux, elle doit me-
ner des actions très concrètes. Elle va devoir, de façon générique,
animer un écosystème qui va répondre à des besoins de clients à
partir de ressources provenant de ses fournisseurs. Pour cela, cet
écosystème doit être performant pour assurer le développement
de l’entreprise ou à minima assurer sa pérennité.

Quels sont les enjeux de votre entreprise ?

Les enjeux ont-ils évolué depuis sa fondation ?


L’entreprise fait-elle face à de nouveaux enjeux ?
Les enjeux de l’entreprise sont-ils en phase avec
votre propre enjeu ?
Les enjeux actuels ont-ils été partagés avec tous
les acteurs de l’entreprise ?

92
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Les enjeux Entreprise-Dirigeant doivent être cohé-


rents pour que les actions des salariés ne soient pas
dispersées et ainsi perdre en performance. Les salariés
mesureront aussi comment les enjeux raisonnent à
leurs propres enjeux

Sans aucun point de convergence entre les diffé-


rents enjeux, la démarche proposée n’engagera pas les
salariés. Ils ne sauront pas les enjeux auxquels ils de-
vront répondre et ils ne pourront pas répondre à tous !

6. Le fonctionnement de l’entreprise

Nous connaissons désormais mieux l’entreprise, à travers


son histoire et sa culture. Nous connaissons aussi les enjeux, ce
dont elle a donc besoin de faire pour répondre à ses besoins
de performance. Alors, les questions suivantes se posent main-
tenant : qui décide du travail à faire? Comment ce travail est-il
décidé ? Qui fait le travail et comment le travail doit-il être fait?

Dirigeant, ou manager, vous avez tous vécu une demande


de travail faite à un salarié, collaborateur ou manager, qui soit
sans effet, ou qui ne réponde pas précisément avec le résultat
attendu. Lorsque la demande consiste à changer sa façon de
travailler, de prendre un autre poste, on dira que le salarié « ré-
siste aux changements ». Nous détaillerons ce point plus loin.

Quelle raison vous êtes-vous donnée pour expliquer cette


situation ?
Parmi ces raisons, peut-être :
̵ Nous n’avons pas fait suffisamment de pédagogie, il
faut mieux leur expliquer.
̵ Ils n’avaient pas les compétences, il faut leur donner une
formation.
̵ Ce sont des fainéants, il faut leur donner une prime pour
qu’ils travaillent.

93
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ Ils font ce qu’ils ont envie de faire, il faut les convaincre


que c’est dans leur intérêt de travailler comme on leur
demande.
̵ On leur a demandé pourquoi ils ne voulaient pas suivre
nos sollicitations, ils n’ont jamais rien répondu ou nous
ont proposé de faire autrement, ce n’était pas le type de
réponse attendue.
Vous pouvez être alors désemparé.

Dans les pages suivantes, nous allons aborder ces situations


en livrant des éléments de compréhension.

6.1 - Ses pouvoirs, ses autorités et ses légitimités

En théorie, la Direction décide en raison de son pouvoir. Par


le lien de subordination, les managers ont le pouvoir ensuite
de demander à leurs salariés de réaliser les tâches requises. En-
suite, les salariés doivent réaliser les tâches conformément à la
demande initiale.
En pratique, ce n’est pas aussi simple !

L’intendance ne suit pas toujours : il ne suffit pas de décider


pour que les choses se fassent comme attendu. Autrement dit,
il ne suffit pas de décréter un ordre pour qu’il se réalise immé-
diatement.

Attendez-vous de vos salariés qu’ils vous obéissent « aveu-


glement » ?
Cette obéissance peut être « confortable » pour celui qui
donne l’ordre. En effet, il sait que l’ordre sera effectué, quelles
que soient la situation et les conditions de réalisation.
Cette cécité à ne pas prendre conscience des conséquences
d’un ordre peut finalement être préjudiciable au demandeur, à
la société entière.

94
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

L’histoire de notre société l’a parfois montré tragi-


quement.

On sous-entend ici le thème de l’obéissance traité


par la philosophe Hannah ARENDT comme étant « la
banalité du mal53 » ! Elle fait référence à l’officier nazi
Adolf Eichmann qui, en organisant la déportation de
millions de personnes vers les camps de la mort, n’a fait
qu’obéir aux ordres qu’on lui avait donnés ! Il ne s’était
pas posé la question du bien et du mal… Ce propos a
été tenu par l’accusé lors de son procès à Jérusalem
auquel participait l’auteure. Ce procès a commencé le
11 avril 1961. Reconnu coupable de tous les chefs d’accu-
sation portés contre lui : de crimes contre le peuple juif
à crimes contre l’humanité. Il a été exécuté par pendai-
son, en Israël, le 31 mai 1962.

Toutefois, toute proportion gardée… !


Soit, les ordres donnés dans l’entreprise ne sont pas
du même ordre, mais l’absence d’échanges autour
d’un ordre donné peut avoir des conséquences dom-
mageables imprévues.

Vous avez probablement déjà demandé d’exécuter une ac-


tion et, pour ne pas vous décevoir, votre collaborateur l’a réali-
sée et finalement ce n’était pas une bonne chose. Donner l’oc-
casion à la personne qui reçoit un ordre de donner son avis peut
limiter des conséquences fâcheuses, comme un problème
dans l’exécution.

53. Arendt, H. (1997). Eichmann à Jérusalem. Galimard

95
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Ce n’est pas parce que vous avez le pouvoir que vous devez
l’exercer de façon dictatoriale.

Il existe plusieurs pouvoirs. Les spécialistes du pouvoir iden-


tifient deux types de ressources de pouvoir :
̵ Formel (dit, rationnel-légal) : conformément à votre sta-
tut, vous avez le pouvoir de sanctionner ou de récom-
penser, et aussi de mettre fin au contrat de subordina-
tion. Votre Conseil d’Administration, vos actionnaires,
ont aussi le pouvoir de vous démettre de vos fonctions.
̵ Informel : grâce à votre autorité « personnelle », vous
donnez envie de vous suivre, grâce à votre charisme.

Le sociologue Michel Crozier54 a déterminé que le pouvoir


était une relation dans laquelle celui qui a le pouvoir contrôle
une ressource clé, une « zone d’incertitude ». Il s’agit d’une
marge de liberté que les acteurs vont chercher à contrôler afin
de gagner, ou ne pas perdre, du pouvoir.

Quels sont les pouvoirs et les zones d’incertitudes ?

̵ L’expert : Celui qui dispose d’une connaissance, d’un


savoir-faire, d’une ressource (énergie : carburant, élec-
tricité…), pas nécessairement technique (transport…),
le rendant incontournable. Il a le pouvoir de dire non,
même à sa hiérarchie (voire même le gouvernement !).
La rareté de l’expertise sera prépondérante.

54. Crozier, M., Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système. Seuil

96
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ Le marginal sécant (le portier) : Celui qui a connais-


sance d’un réseau, interne ou externe à l’entreprise
et peut faire jouer ses relations. Ces interventions
peuvent être un soutien à l’entreprise, mais aussi agir
au détriment de cette dernière.

̵ Communication d’information : Celui qui détient


une information cruciale dont il est seul à disposer.
Même s’il en a l’obligation, il peut décider de dé-
tourner ou de bloquer sa communication.

̵ L’application des règles : Elle peut être variable en


fonction du statut de celui qui donne les ordres
auxquels il faut obéir, aux processus exigés. Le don-
neur d’ordre peut délibérément refuser de respec-
ter les consignes données à la lettre et les adap-
ter. De même, ceux recevant les ordres peuvent
les adapter, les contourner, les détourner ou au
contraire les respecter rigoureusement : le cas de
la grève du zèle.

Les sources de pouvoir se cachent partout. Il faut les débus-


quer AVANT tout changement, même mineur. La non-prise en
compte des pouvoirs peut avoir des conséquences importantes
sur les résultats attendus.
Par exemple, vous avez probablement déjà mené des chan-
gements dans votre entreprise. Vous avez, par exemple, modifié
un processus, introduit un nouvel outil, réorganisé un service.
Ainsi, vous avez modifié ces zones d’incertitudes ! Des change-
ments « mineurs » peuvent modifier, voire bouleverser les acti-
vités précédentes des salariés, leurs relations de pouvoir anté-
rieures.

Les acteurs vont donc rivaliser d’ingéniosité, d’intelligence,


pour conserver les zones d’incertitude qu’ils maitrisent, car

97
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

elles lui accordent un pouvoir. Ainsi, ils « résisteront aux chan-


gements ! ».

Ce pouvoir ayant été acquis depuis longtemps ou ayant né-


cessité beaucoup d’effort pourra être défendu âprement par
leurs détenteurs.
Pour qu’ils acceptent de lâcher leurs pouvoirs, l’entreprise
devra leur attribuer d’autres zones d’incertitudes, d’autres
marges de manœuvre, une reconnaissance significative… !

Par exemple : Vous souhaitez que vos informations détenues


par vos salariés soient mieux partagées « gratuitement ». Vous
décidez d’introduire un CRM ou un réseau social interne dans
votre entreprise. La source de pouvoir liée à la détention d’in-
formation va ainsi disparaitre. L’ex-propriétaire d’information,
désormais distribuée, va vivre douloureusement cette situation,
car il ne sera plus incontournable ! Ce dernier va donc « résis-
ter » (à ce changement)… par la rétention de l’information, par
l’agressivité envers le responsable de ce changement, l’obstruc-
tion systématique à toute sollicitation, le conflit…
Cette situation met en évidence que la mise en place d’une
action « simple et évidente » (comme l’introduction d’un outil di-
gital) ne l’est pas forcément pour tous les acteurs… ! Ainsi, votre
meilleure intention avec ce projet, le partage d’informations en
interne, ne permettra pas de réunir les informations espérées et
va potentiellement affecter des relations internes.

Les acteurs concernés peuvent être : des experts, des com-


merciaux, des managers… qui n’ont pas intérêt à partager, cha-
cun pour des raisons différentes. Dans tous les cas, partager
c’est perdre son pouvoir, et aussi perdre potentiellement son
image sociale, sa place dans l’entreprise, son poste !
On peut repérer ici les outils industriels, tels les robots, mais
aussi des outils digitaux, qui peuvent inquiéter certains de vos
salariés. Ils pensent que ces outils vont se substituer aux postes
qu’ils occupent. Ces derniers vont alors le plus souvent tenter
de résister…

98
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Nous aborderons ce point en détail plus loin, lorsque l’on


abordera les dispositifs de l’entreprise, les conséquences liées
à l’utilisation des outils techniques. Il n’est pas question ici de
remettre en cause la digitalisation, l’automatisation mais d’être
attentif à tous les effets collatéraux liés à leur introduction dans
les postes de travail.

Dirigeants, quels sont les opposants potentiels qui


contrôlent une zone d’incertitude ?

Quelle(s) zone(s) d’incertitude, les salariés


contrôlent-ils ? Dans quels secteurs ? Dans quels mé-
tiers ? Quelles équipes ? Quels profils de salariés ?

Connaitre les freins ou les blocages potentiels limi-


tera les risques sur vos projets et les conflits internes.

Veillez à impliquer les salariés « ayant du pou-


voir » assez tôt dans la phase d’élaboration. Ainsi, les
nommer comme acteurs clés c’est « négocier » avec
eux, en amont, leurs zones d’incertitudes. Vous bé-
néficierez ainsi de vos investissements dans un dé-
lai raisonnable… S’ils ne sont pas associés, la mise
en œuvre opérationnelle de la démarche risquera
d’être « entravée » !

Vous allez me dire que vous avez le pouvoir de licencier un


salarié s’il ne réalise pas le travail demandé. En effet, comme
évoqué précédemment, c’est le pouvoir formel. Il existe formel-
lement un lien de subordination entre vous et le salarié. À ce
titre, vous avez le pouvoir de mettre fin au contrat de travail

99
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

quand une négociation n’a pu aboutir.

Toutefois, attention, le salarié dont vous voulez vous séparer


a-t-il encore du pouvoir, détient-il une zone d’incertitude : une
expertise, des informations essentielles, par exemple ? Son dé-
part de l’entreprise peut ainsi avoir des conséquences impor-
tantes, comme un cout élevé pour l’entreprise…
Si oui, ce salarié a donc toujours un pouvoir sur vous, le dirigeant.

Si vous vous séparez de ce salarié, vous devrez investir (temps


et argent) pour recruter un autre salarié avec les compétences
similaires, ou pour en former un autre, avec une baisse de pro-
ductivité avant sa complète opérationnalité.

Nous aborderons plus loin « l’expérience collaborateur » pour


fidéliser ces salariés.

Quand un salarié ne répond pas à votre demande, est-ce


une question de pouvoir ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’autorité ?
L’autorité cherche à obtenir le consentement et non pas à im-
poser comme dans le pouvoir. Des situations dans lesquelles l’au-
torité est légitime, car elle fait « loi », peuvent influencer, comme :

̵ La légitimité traditionnelle : la culture, l’histoire, les ha-


bitudes, l’âge.
Ex. : Pour que le dirigeant soit suivi par ses collabo-
rateurs, qu’il soit légitime pour eux, il doit respecter
la culture de l’entreprise.
Ex. : Un technicien a traditionnellement été soli-
daire de ses collègues, il est légitime qu’il soit aidé
dans ses difficultés. La solidarité est une valeur in-
carnée de l’entreprise.

̵ La légitimité par les compétences : les compétences re-


connues, les expériences techniques, son niveau d’étude.
Ex. : Un dirigeant doit respecter le parcours acadé-
mique attendu pour être légitime.
Ex. : Ce technicien a déjà mis en place certains ser-

100
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

vices pour des clients, il est légitime pour partici-


per à des réunions sur des thématiques similaires.

Sur quelles légitimités l’entreprise est-elle fondée ?

Quelle est la légitimité du dirigeant ?

Quelles sont les légitimités des groupes et des individus ?

Identifier les légitimités, issues souvent de la culture


de l’entreprise, c’est comprendre les jeux d’acteurs au
sein de l’entreprise. Ainsi, vous éviterez des erreurs de
casting !

La légitimité des participants aux ateliers de la dé-


marche est essentielle pour qu’ils soient les porte-pa-
roles des collaborateurs dans les équipes et que leurs
actions au sein des ateliers soient reconnues.

Dans le cadre de notre démarche, nommer des participants


aux ateliers parmi les personnes qui ont « un pouvoir formel »
sur d’autres participants des ateliers peut limiter l’obtention de
résultats qualitatifs et ils pourront même mettre en risque la
constitution du groupe. Si leur présence est indispensable, des
règles formalisées de fonctionnement du groupe devront être
respectées.
Exemple : Un manager pourra influencer le groupe pour qu’il
ne parle pas de « sujets qui fâchent ». Les collaborateurs n’ose-
ront pas s’exprimer par peur d’être sanctionnés. Pour éviter ce

101
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

type de situation, tous les participants au groupe s’engageront


à respecter scrupuleusement les règles définies.

6.2 - Ses processus de décision

Pour faire face aux très nombreuses incertitudes, vous devez


prendre des décisions urgentes ou non, importantes ou non.
Le processus de décision utilisé est aussi très important.

Le premier processus de décision, en tous les cas, celui qui


est le plus spontané, est le processus dit « classique ».

Les principales phases d’un processus « classique » de


prise de décision :

Phase 1 : Prise en compte d’un besoin


Analyse de l’évènement et de son contexte à l’origine du
besoin.

Phase 2 : Collecte et d’analyse


Recherche des informations nécessaires.
Analyse des réponses déjà en place pour un besoin com-
parable.

Partage avec plusieurs acteurs pour une meilleure ana-


lyse et une meilleure décision.

Phase 3 : Prise de décision


La prise de décision collégiale
Ses indicateurs de succès
L’évaluation des risques

Phase 4 : Mise en œuvre des actions consécutives à la


prise de décision
Définition du projet : constitution de « l’équipe projet »,
définition des jalons et des indicateurs de suivi…

102
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Phase 5 : L’évaluation des résultats


Réalisation d’un bilan des actions réalisées et prévues
Identification des points d’amélioration

Phase 6 : Pérennisation de la décision


Régulièrement, la décision prise est évaluée pour s’as-
surer qu’elle est toujours bonne malgré des évolutions de
contexte.

Ce processus rationnel pouvait fonctionner, plutôt


bien, lorsque l’environnement était peu changeant, pour
des décisions importantes et non urgentes.
L’avez-vous, au moins une fois, rigoureusement
respecté ?
Par exemple, le contexte a-t-il été analysé, les décisions
ont-elles été vraiment collégiales, les résultats ont-ils été
évalués (le ROI dépend-il exclusivement de la prise de dé-
cision ?) ? Souvent, ça n’a pas été possible par manque de
ressources, de temps, celui de vos salariés et le vôtre !

Aujourd’hui, comment prendre alors des décisions dans


un environnement complexe et changeant ?

La prise de décision est soumise aujourd’hui à plusieurs


contraintes à toutes les étapes du processus de décision :

̵ La multiplicité des acteurs : Le processus est de plus


en plus imbriqué. Vous devez vous appuyer sur un ré-
seau de nombreux acteurs disposant chacun de com-
pétences spécifiques. C’est le cas, des expertises tech-
niques, des connaissances de réseaux d’influence…

̵ Les intérêts personnels des acteurs : Certains colla-


borateurs peuvent avoir intérêt à ne pas partager, pour
préserver, par exemple, leurs marges de manœuvre.
Nous verrons en détail ce point lorsque nous aborderons
les activités de travail dans le chapitre 7 de l’étape 2.

103
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Exemple : un manager : « si je donne mon accord pour


changer notre logiciel, car je pense que c’est une bonne
idée, la plupart des collaborateurs dans mes équipes
vont se désengager. Alors, je ne pourrais plus respecter
mes indicateurs de productivité. Ainsi, je préfère m’op-
poser à ce changement. »

̵ La complexité des organisations : Les différentes


équipes de l’entreprise ont toutes leurs raisons pour fa-
voriser ou non certaines décisions. Comment donner
satisfaction à certaines personnes, à certaines équipes,
sans (trop) en décevoir d’autres ? Cette situation peut
être à l’origine de conflits.
Exemple : Deux managers : L’un, « je ne veux pas que l’on
modifie de nouveau la procédure que l’on a élaborée
récemment avec des fournisseurs, on y a déjà dépensé
beaucoup d’énergie». L’autre « avec le nouveau logiciel,
je suis obligé de tout revoir, car sinon on va perdre du
temps à multiplier les procédures avec les risques d’er-
reurs possibles. » Des conflits peuvent alors apparaitre.

Pour limiter l’importance et le nombre de conflits, dans le prin-


cipe de la démarche proposée ici, il y a une situation partagée par
le plus grand nombre. Cette situation consiste en un accord mini-
mal sur les aspects économiques et la raison d’être de l’entreprise.
Les acteurs individuels ne sont pas rationnels, leur rationalité
est limitée55 et sont soumis à des biais (voir ci-dessous). De même,
en collectif, l’intelligence d’un collectif a ses propres pièges.
Vous trouverez plus en détail les symptômes de la pensée de
groupe à l’Étape 3, chapitre 1.2.3 : Le partage entre les acteurs.

La prise en compte des biais dans un processus de décision


est essentielle, mais pas assez souvent réellement effective !
Bien sûr, cela nécessite un peu plus de ressources, mais ren-
table économiquement. Prendre une décision avec un risque
financier important nécessite bien d’investir quelques res-
sources, non financières.

55. March, J. G., & Simon, H. A. (1979). Les organisations (1958), préface de Michel
Crozier. Dunod.

104
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quels que soient les niveaux hiérarchiques, nos expériences


ou nos compétences, nous sommes tous soumis individuelle-
ment à des biais, bien connus et tout à fait normaux.

De très nombreux biais56 (dits psychologiques) existent.


Parmi les plus courants, on peut relever ceux-ci :

̵ Trop d’informations, on filtre


» On mémorise les informations répétées régu-
lièrement. On ne retiendra que les informations
familières, même si d’autres, plus ponctuelles et
plus pertinentes, se présentent à nous.
» On ne va retenir que les informations qui ren-
forcent nos croyances. Toutes les informations en
accord avec nos valeurs, qui nous sont familières,
seront légitimes à nos yeux. Toutes les autres se-
ront ignorées totalement.
À l’image des réseaux sociaux qui déversent une quantité
monumentale d’informations, lorsque nous les parcourons,
nous filtrons, celles qui nous plaisent, si elles sont répétées, elles
signifient qu’elles sont justes, et celles qui ne vont pas nécessi-
ter de remettre en cause nos représentations.

Nous aborderons les « représentations » dans l’Étape 2, cha-


pitre 7.2 : Les dispositions de l’individu.

̵ Manque de sens
» On va remplir ce qui nous manque avec nos repré-
sentations, nos aprioris, quitte à simplifier «pour
que ça nous plaise». Ce que vous aimez a plus de
valeurs et permet de trouver de la cohérence.
Quel que soit le sens donné, la cohérence per-
met de rendre le travail acceptable.

- Besoin d’agir vite


» On va se rassurer en se disant que cela a un

56. Liste des biais et le codex des biais cognitifs (31 mars 2023).
Dans Wikipedia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_cognitif

105
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

impact faible. Si l’on commet des erreurs, elles


ne vont pas changer profondément les choses et
de toutes les façons, il sera toujours possible de
procéder à des modifications plus tard.
» On va poursuivre ce que l’on a commencé.
Puisqu’on en est là, on continue sur la lancée. On
ne va pas remettre en cause ce qui a été fait pré-
cédemment, même si l’on persiste dans l’erreur…

Des décisions prises, mêmes petites, peuvent avoir des


conséquences importantes. Puis, lorsque l’on voudra corriger
ce qui n’a pas marché, on fera des ajustements sans remettre
en cause la décision initiale. On est dans l’escalade de l’enga-
gement. On le retrouvera dans l’amélioration continue. Voir à
l’Étape 6, chapitre 2 : L’amélioration continue.

- Renforcer les souvenirs


» On mémorise seulement quelques éléments,
d’une conférence par exemple. On ne peut pas
se souvenir de tout, on mémorisera ce qui nous
parle, émotionnellement, par exemple.
Ces biais produisant des effets, en voici quelques-uns, parmi
les plus fréquents :

̵ Biais d’excès de confiance. Pourquoi changer ce qui a


toujours marché ?
Exemple : On a toujours fait comme cela, et ça a toujours bien
marché, donc ça va marcher. Il ne peut y avoir de problème, car
nous sommes tous des experts dans notre domaine… ! Pourquoi
changer une équipe qui gagne ?
On prête à Steve Jobs, Dirigeant d’Apple, l’expression sui-
vante : « Il faut toujours changer une équipe qui gagne ». Car, si
elle gagne aujourd’hui, qu’en sera-t-il demain ?

̵ L’effet de halo. C’est le principe du préjugé.


Nous avons une première impression sur un sujet ou une
personne et nous émettons rapidement une opinion, favorable

106
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

ou défavorable. Nous étendons alors notre avis à toutes les ca-


ractéristiques du sujet ou de la personne, par un effet d’amalga-
me, de généralisation, de confusion entre le tout et les parties
qui composent ce tout.

» Exemple 1 : Ainsi, un ancien collaborateur avec


qui nous avons eu des difficultés plusieurs an-
nées auparavant. Il est pourtant le candidat idéal
pour mener un nouveau projet.
▶ Pour prendre la meilleure décision, regar-
dons comment il a évolué et ses compé-
tences actuelles.

» Exemple 2 : Un prestataire avec lequel tout s’est


très bien passé lors d’un ancien marché est sé-
lectionné. Des manquements récents et avérés
vous sont présentés.
▶ Pour prendre la meilleure décision, ne res-
tons pas sur bonne impression et confron-
tons-nous à la réalité.

̵ Le biais de confirmation : Nous ne sélectionnons que


les informations qui confirment notre hypothèse ou nos
croyances.
Ce biais intervient dans la perception des informations col-
lectées, par le tri, ainsi que notre interprétation de celles-ci. On
va chercher à leur donner le sens qui nous convient, en accord
avec notre choix préalable.
Pour prendre la meilleure décision, regardons le sujet à trai-
ter à partir de plusieurs points de vue et à partir de sources dif-
férentes. Puis, communiquer les conclusions de façon neutre.

» Exemple : Vous rencontrez, dans votre réseau de


professionnels, un éditeur de logiciel qui vous
propose un produit qui pourrait résoudre un de
vos problèmes. L’échange était agréable et son
produit semble intéressant. Vous en parlez lors

107
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

d’un CODIR. Il en conclut « pourquoi pas ? ». Vous,


dirigeant, demandez la confirmation de l’achat à
un membre de l’assemblée. Ce dernier va confir-
mer que ce produit répond au problème sans re-
chercher un autre produit plus adapté et moins
cher. Pour ne pas vous décevoir, ne pas frustrer le
chef, il donnera son accord.

̵ L’escalade de l’engagement : Reconnaitre que l’on s’est


trompé peut-être souvent vécu comme une souffrance.
Pour cela, on va persister dans une mauvaise direction plutôt
qu’admettre nos erreurs. Nous continuons ainsi à prendre de
mauvaises décisions en cascade pour justifier les précédentes
et pour rester cohérents à nos yeux, et à ceux des autres. Plus
nous avons investi (temps, efforts…), plus il nous est difficile et
couteux de nous remettre en question. En effet, nous devrons
avouer et assumer que l’on s’est trompé à un moment donné !
Si de grands Groupes, des institutions, peuvent ne pas re-
mettre en cause ces biais lors de leurs prises de décisions, qu’en
restera-t-il de votre entreprise, moins robuste, dans les pro-
chaines années ? La pression sociale peut renforcer cette situa-
tion.
Exemple : Vous avez fait l’acquisition d’une solution logicielle
il y a quelques années qui a nécessité de nombreux investis-
sements (temps et argent). Aujourd’hui, le cout des licences à
l’utilisation a augmenté très significativement et vous consta-
tez que ce n’était pas forcément le produit logiciel le plus adap-
té à vos besoins. Que faire ? Devez-vous changer à nouveau de
logiciel et finalement admettre que votre choix initial n’était
pas le bon, ou continuer avec ce produit ? Le plus souvent, la
seconde option est privilégiée, plus « simple », mais plus « cou-
teuse » financièrement.

̵ L’illusion de l’infaillibilité du chef. Le chef ne peut pas


se tromper, car c’est lui le chef !
Comme nous venons de le voir dans l’escalade de l’engage-
ment, accepter de ne pas avoir toujours raison est une marque

108
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

de courage. Prendre les décisions nécessaires pour son entre-


prise n’est-il pas le rôle du décideur ? Comme nous l’avons vu
dans le chapitre précédent, le pouvoir et l’autorité jouent un
rôle essentiel, sans oublier son profil.

Lorsque vous décidez d’investissement, il est habituel que


le ROI (Return On Investment) soit au centre de vos préoccu-
pations. Pour cela, vous étudiez attentivement l’investissement
afin d’en vérifier son opportunité. Cette étude n’est pas toujours
aisée et le sera de moins en moins. En effet, il n’est pas toujours
possible de prendre en compte toutes les « externalités » avec
leurs impacts positifs ou négatifs à court terme, et de plus à
moyen terme.
Les incertitudes, du contexte et l’environnement, ces « tran-
sactions » liées aux externalités produisent des couts57, rédui-
sant ainsi la performance de l’entreprise.
L’économiste américain Oliver Williamson58 a développé et
formalisé une approche des organisations économiques.
Ces externalités sont des couts de transaction représentés
par les couts engendrés par tout le processus de fabrication d’un
produit ou d’un service, sans oublier les couts de commercialisa-
tion. On y retrouvera l’ensemble des couts liés de l’énergie néces-
saire à sa confection, au transport physique pour assembler les
composants et les livraisons ou au stockage, par exemple.
Des couts de transaction vont aussi apparaitre lors d’une ac-
tion d’externalisation : lors de la recherche du prestataire, de la
négociation du contrat, les prestations de conseils juridiques et
fiscaux…
Ainsi, calculer le ROI semble vain, et sans compter le cout
lui-même de réalisation du calcul de ce ROI !

Et si vous regardiez aussi le RONI (Risk Of Non Investment).


Et si vous n’investissiez pas, que se passerait-il ?

57. Bensebaa, F. (2009). Oliver Williamson. De l’économie des couts de transaction


au «williamsonisme». Éditions EMS.
58. Williamson, O. E. (1985). Les institutions de l’économie, InterEditions, trad. fran-
çaise par Régis Cœurderoy et Emmanuelle Maincent de The Economic Institu-
tions of Capitalism.

109
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Vous pouvez reprendre les mêmes arguments que pour le ROI!


Il n’existe pas de véritables solutions, techniques ou non,
pour répondre à cette question plutôt des conseils :

̵ Investir ponctuellement et de façon restreinte à cer-


taines thématiques de votre entreprise (Qualité du
service client, l’innovation de produit, l’acquisition de
compétences…). Ce thème a déjà été abordé dans l’ef-
fectuation. Consulter le paragraphe consacré à l’Effec-
tuation avec « investir en perte acceptable » à l’Étape 1,
chapitre 6 : Quelle est votre stratégie ? C’est le cas, par
exemple, lorsque vous ne souhaitez pas prendre trop de
risques dans une nouveauté, sans avoir une « garantie »
d’un retour « intéressant ».
̵ Lors d’investissement « significatif », partager les risques
avec partenaires ou confrères lors d’opération de crois-
sance externe.
̵ Associer des clients à votre investissement peut aussi ré-
duire la prise de risque.

Pour une meilleure décision, il faut s’entourer d’un collectif


et permettre les conditions d’un vrai partage. Nous aborderons
cet aspect avec ses limites dans l’Étape 3, chapitre 1.2.3 : Le par-
tage entre les acteurs. Nous verrons les difficultés et les intérêts
à travailler ensemble (à faire collectif).

Pour prendre les bonnes décisions, les premières vigilances


à observer :

̵ La non-réponse des contributeurs à la décision vaut un


accord. Chacun des participants, ayant de bonnes raisons
de ne pas parler, ne va pas exprimer son point de vue.
̵ L’objectif et la question posée ne sont pas toujours clai-
rement partagés.
̵ La réponse de celui détenant le plus de pouvoir est retenue.

110
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Dans « les décisions absurdes »59 de Christian Morel,


sociologue français, il identifie les 3 rôles d’acteurs sui-
vant qui ont provoqué des incidents graves :

• Le dirigeant dispose du pouvoir hiérarchique. Son


pouvoir lui permet de choisir les outils et les méthodes
à prendre en considération et les livrables qui seront
ensuite communiqués aux utilisateurs décideurs.
Risque : Il détient le pouvoir de « vie ou de mort » sur
les individus, sur l’organisation.

• L’expert détient une connaissance approfondie


dans un domaine spécifique qu’il a acquis par la
formation et l’expérience. Les autres acteurs ne
possèdent pas, à priori, cette connaissance.
Risque : Il détient le pouvoir de « la connaissance »60.
La tentation de l’auto-expertise peut s’avérer risquée,
en matière de risque technique, de délais et couter
très cher.

• Le candide qui n’est pas expert sur le sujet abordé.


Risque : Il ne s’exprime pas, car il n’est pas compé-
tent ! S’il intervient, il n’est pas crédible ou pas écouté.
Le biais de conformité est souvent présent, car il est
souvent en minorité numérique.

59. Morel, C. (2012). Les décisions absurdes: Comment les éviter ? Gallimard.
60. Friedberg, E. (2015). Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée. Seuil

111
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Un processus de décision venant d’une poubelle !

Le modèle de la poubelle (Garbage Can Model 61) est


posé par l’économiste, sociologue et universitaire amé-
ricain James MARCH. Ce modèle fait suite à des études
qu’il a menées sur les prises de décision dans de nom-
breuses entreprises aux USA. Le principe de ce modèle
est le suivant :

1. Vous êtes dirigeant, vous avez toujours des pro-


blèmes, des difficultés à résoudre ! Cet ensemble
se situe dans la poubelle identifiée A.

2. Des solutions, réponses connues et utilisées, sont


disponibles dans la poubelle B.

3. Le décideur va prendre, au hasard, à un moment


donné, un problème dans A et une solution dans B.
Le hasard faisant bien les choses, le problème trouve-
ra sa solution !

Cette description parait simpliste, voire « offen-


sante », pour le décideur. Finalement, en analysant soi-
même la méthode utilisée dans les entreprises, on en
est assez proche ! C’est souvent par manque de temps
que l’on adopte ce modèle et, bien sûr, sans nous en
rendre compte !

61. Cohen M., March J., Olsen J. (1972), A Garbage Can Model of Organizational
Choice. Administrative Science Quarterly, Vol 17 n° 1

112
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Par exemple : la productivité est en baisse depuis


plusieurs semaines, car des salariés sont absents de
leur poste (problème dans A). La réponse donnée (so-
lution dans B) on trouve une formation à la gestion du
stress, une prime au temps de présence sur site…

Ces actions peuvent répondre ponctuellement à un


besoin supposé avec une légère augmentation du taux
de présence. En cas de réduction des impacts, on met
davantage de formation, on augmente les primes… Les
résultats se dégradent et les salariés se désengagent,
sont stressés car ils ne peuvent plus suivre les cadences
demandées et ceci malgré les primes !

Résultat, la réponse donnée n’était pas la bonne. Il


aurait fallu analyser la cause, un problème, sur une ma-
chine, sur la qualité des demandes entrantes…

Pour des objectifs opérationnels, court terme, et


pour une décision immédiate, sans prise de risque ma-
jeur, ce principe fonctionne plutôt bien, dit l’auteur !
On se rapproche ici du Système 162 avec lequel on
prend tous les jours des décisions (sans réfléchir), le
Système 2 (avec réflexions) doit être utilisé lorsque les
risques sont significatifs.

Alors, comment faire pour prendre les meilleures


décisions ?

Quelques suggestions :
̵ Se mettre dans la position quand vous aviez pris la déci-
sion et que vous soyez 5 ans plus tard et que la décision
fût finalement mauvaise. Pourquoi cette décision a-t-elle
été un échec terrible ?

62. Daniel, K. (2012). Système 1/Système 2: Les deux vitesses de la pensée. Éditions
Flammarion.

113
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ Prendre plus de temps et écouter les personnes concer-


nées.
̵ Rechercher la contradiction : ce qui ferait que mon idée
n’est pas bonne. S’il n’y en a vraiment pas ! Votre décision
est probablement la bonne !
̵ Des critères explicites sont avancés et discutés.
̵ Tous les membres de l’équipe expriment librement leur
désaccord
̵ Tous les membres de l’équipe discutent librement de
l’incertitude

Bien sûr, c’est le dirigeant qui décide, in fine.

Une décision « directe », sans une justification du décideur,


sera vécue comme arbitraire. Elle ne pourra donc pas être dis-
cutée, ajustée.

Une décision « très prudente » sera vécue comme hésitante


et incertaine. Sa pertinence pourra être remise en cause.

L’histoire de l’entreprise avec sa culture est un élément de


contexte à prendre nécessairement en compte.

Dirigeant, vous prenez des décisions, petites et


grandes, presque tous les jours.

Quelles décisions sont traitées dans vos équipes et


celles arrivant jusqu’à vous ?

114
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quelles décisions déléguez-vous ?


Les décisions sont-elles prises au bon niveau selon vous ?
Quel est votre processus de décision ?
Que pensez-vous de la qualité de vos décisions ?

Ainsi, vous mesurerez les marges de manœuvre


laissées aux différents niveaux hiérarchiques. On en
déduira le niveau de confiance accordé sur tels sujets
et à tels acteurs.

La confiance dans les salariés, lorsqu’ils vous pro-


posent leurs scénarios, est essentielle. La démarche
proposée implique une prise de décision définitive à
partir de propositions formulées par les parties pre-
nantes. Le risque dans la prise de décision sera ainsi
fortement réduit.

6.3 - Son mode de management

Le management représente ici tous les niveaux, y compris


celui de la Direction. Pour certains, les managers seraient inu-
tiles63. Pour ma part, je ne le pense pas. Par exemple, sans mana-
ger, tous les collaborateurs ayant la même autorité et la même
légitimité, qui décide et comment sont prises les multiples déci-
sions du quotidien, qui est garant des finalités des actions...

Historiquement, le manager assure ou contribue, suivant son


niveau hiérarchique, aux actions « classiques » suivantes :
̵ L’organisation des activités au sein de ses équipes.
̵ La coordination. Pour répondre au mieux aux objectifs, il
accompagne la mise en place d’outils, de processus et de
procédures. Pour que les salariés collaborent.
̵ Le contrôle de la réalisation des activités conforme aux
prescriptions données et aux règles admises. Il vérifie
que les valeurs des indicateurs de performance soient en
accord avec celles attendues.

63. Getz, I., & Carney, B. M. (2012). Liberté & Cie: Quand la liberté des salariés fait le
bonheur des entreprises. Fayard.

115
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ La communication au moment des réunions entre les


principales fonctions et les activités de l’entreprise.
̵ L’attribution de reconnaissance et de sanction.
̵ La prise de décision pour arbitrer entre telle ou telle action.

Ces missions du manager, présentées sommairement, ont évolué!


En effet, les besoins et les attentes de vos salariés (managers
ou collaborateurs de proximité) n’ont-ils pas changé ?

Dès aujourd’hui, et encore davantage demain, la posture du


manager doit se rénover.
Avec des organisations plus transversales pour mieux ré-
pondre aux enjeux de l’entreprise, le manager ne peut plus ap-
préhender parfaitement la compréhension des activités réalisées
par ses collaborateurs. En effet, ils sont devenus des « experts »,
en disposant des connaissances les plus récentes, dans leur do-
maine. Ces derniers travaillent le plus souvent directement, sans
sollicitation hiérarchique, avec d’autres collègues dans d’autres
équipes internes ou externes : leurs relations de travail sont dé-
sormais basées sur une collaboration ou sur une coopération.

Le manager doit désormais mettre en place les conditions


de partage transverse aux entités de l’entreprise.
̵ Le manager intervient en support (coach) lors de diffi-
cultés émises par les salariés.
̵ Le manager pourra assurer, par exemple, le sponsoring
auprès d’autres Départements ou Services pour négo-
cier des ressources, des délais, en lien avec la Direction
pour arbitrer des priorités…
Pour le manager, ce nouvel exercice peut être « inconfortable »
pour lui, comme abordé précédemment pour le dirigeant.

Ce changement de posture du manager ne peut pas être


mené seul. L’ensemble de l’entreprise doit être mobilisée :
̵ Les salariés n’attendent plus de leur manager qu’il leur
donne des ordres, mais qu’il formalise un cadre. Quelle
est la largeur du cadre et à quel risque s’exposent-ils
quand ils outrepassent le cadre ?

116
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ La Direction ne peut plus exiger, comme avant, une exé-


cution aux ordres.
Nous aborderons cette situation de façon détaillée dans le
chapitre consacré aux « activités de travail ».

Que diriez-vous du management dans l’entreprise ?


Un cadre est-il défini et partagé ?
Quelles sanctions si le salarié se retrouve en de-
hors du cadre ?
Comprendre comment le management est perçu
permet de mesurer la distance entre le management
et le salarié, le niveau de confiance, la qualité des rela-
tions sociales avec les niveaux hiérarchiques…

La liberté de parole est essentielle dans les ate-


liers de co-construction. Les participants seront invi-
tés à dépasser leur cadre habituel de travail lors de
séances de créativité.

6.4 - Son mode d’organisation

Pour que l’entreprise réponde aux besoins de ses clients,


elle doit s’organiser ! On pense alors spontanément à la mise en
place de structures.

Les types de structures,


̵ Une structure fonctionnelle : coordination au niveau
de la structure globale. De nombreux niveaux hiérar-
chiques peuvent ralentir la mise en œuvre d’actions.
̵ Une structure « divisionnelle » : une souplesse de fonc-

117
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

tionnement interne dans la division. Il sera difficile de


travailler au niveau global lorsqu’une transversalité sera
nécessaire.
̵ Une structure matricielle64 : rattachement fonctionnel
et hiérarchique pour optimiser certaines ressources
rares. L’individu doit « servir » à la fois 2 chefs et impacter
sa productivité et sa santé mentale lors de va-et-vient
permanents.
̵ Plusieurs structures peuvent apparaitre dans l’entre-
prise lorsque la structure globale est importante : le
nombre de salariés supérieur à 10 000, l’empreinte géo-
graphique supérieure à 10 sites (en France et internatio-
nal), des marchés différents.
Ces structures, bien qu’indispensables, présentent toutes
des avantages et des inconvénients. Il sera important de bien
les identifier lorsque des coordinations devront être installées.

De façon concrète, le plus souvent, structurer consiste à


mettre en place un nouvel organigramme !
Si l’organigramme peut être utile pour se repérer dans l’en-
treprise, il ne dit pas comment les tâches sont organisées de
façon opérationnelle.
Certaines tâches, rattachées officiellement à un service,
peuvent être réalisées ailleurs dans l’entreprise en fonction de
certaines compétences disponibles dans certains lieux à cer-
tains moments.

Une attention particulière est à prendre lors d’un projet de


transformation. Une intervention sur une partie de la structure
de l’entreprise va très probablement en impacter d’autres. Les
conséquences peuvent être limitées ou majeures.
Les organisations « anciennes » sont souvent encore pré-
sentes dans la tête de salariés. Pendant ce temps, les nouvelles
réorganisations se succèdent et elles sont souvent perçues,
comme déconnectées du terrain, en changeant trop vite et fi-
nalement ne sont pas comprises. Elles n’impliqueront donc pas
les changements attendus sur le terrain.

64. Galbraith, J. (1973). Designing complex organizations. Reading, Mass.

118
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Comment l’organisation des activités est-elle décidée?

Comment percevez-vous l’organisation de vos ac-


tivités ?

Une décision « descendante » de l’organisation à


travers la communication d’un organigramme ne per-
met pas toujours de repérer les différentes missions de
chacun des acteurs.
L’organisation peut être perçue comme incompré-
hensible si les raisons et l’objectif ne sont pas partagés.

La connaissance de l’organisation des activités


va permettre d’identifier toutes les étapes traver-
sées par un produit ou un service. Ce sera indispen-
sable pour élaborer un scénario pertinent.

6.5 - Son mode de coordination

On ne travaille jamais seul.

Pour réaliser les activités de travail, les salariés ont besoin de


se coordonner. Vous l’avez déjà probablement remarqué, cette
coordination est rarement spontanée, même lorsque le mode
d’organisation est connu et compris.

Pour améliorer la coordination, vous avez introduit des pro-


cessus et des outils dans votre entreprise pour mieux répondre
aux besoins de performance (quantité, qualité cout ou délais).

119
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Pour cela, grâce à des processus industriels, vous avez stan-


dardisé la productivité. Au-delà des seuls secteurs industriels,
certains services publics se sont emparés de ces processus et
de ces outils…
Dans certains secteurs d’activité, pour certaines typologies
de produits ou services, les vôtres peut-être, le rendement at-
tendu en ce qui concerne la volumétrie et la cadence est tel
que des machines automatiques, des robots par exemple, ont
supplanté le travail humain.

Le travail humain n’a pas pour autant disparu, car c’est l’hu-
main qui a lui-même conçu ces outils et programmé les tâches
à réaliser. Ainsi, les actions humaines précédentes ont dû évo-
luer pour s’adapter aux automatisations.

De façon peut-être contre-intuitive, la multiplication et


l’omniprésence des outils peuvent être préjudiciables à la per-
formance économique, mais aussi sociale. Ainsi, les « coordi-
nations » sont faites essentiellement aux moyens de disposi-
tifs « techniques ». Ce mode de coordination est très valorisé et
amplement utilisé dans les entreprises, pas seulement indus-
trielles. S’il fonctionne bien dans la majorité des situations, il
trouve ses limites lorsqu’un évènement inattendu survient : une
demande spécifique de clients non envisagée, un problème
technique sur un matériel, une petite erreur ou un oubli, peut
avoir des conséquences importantes…

Malgré les expertises des concepteurs d’outils et de proces-


sus, ils ne peuvent pas tout prévoir, surtout dans un monde de
plus en plus incertain !
Des demandes spécifiques provenant de vos clients ou four-
nisseurs peuvent aussi nécessiter une coordination « manuelle ».

Des coordinations « humaines » sont alors incontournables.

120
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quels modes de coordination ont été mis en place ?


Comment les modes de coordination ont-ils été décidés ?
Comment percevez-vous les modes de coordination ?

Une coordination décidée d’en haut et essentielle-


ment basée sur les outils peut altérer les relations sociales.
La prise en compte insuffisante des relations sociales
peut rendre plus difficile la mise en place des collectifs
de travail.

La qualité des relations sociales permettra d’éla-


borer des scénarios efficaces et précis dans lesquels
les acteurs mesureront leurs actions et leurs consé-
quences dans les autres équipes.

6.6 - Son mode de contrôle de réalisation et de


formalisation

Les outils et processus sont une aide, voire une nécessité,


pour se coordonner… mais aussi pour contrôler !

Vous cherchez évidemment à perdre le moins de temps


possible, car vous devez rentabiliser vos outils de production et
optimiser le temps de travail des salariés. C’est tout à fait com-
préhensible.
Pour cela, vous définissez le plus précisément possible le
contenu du travail à réaliser. Vous allez donc le rationaliser puis
le contrôler, le mesurer, pour le quantifier.

121
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Il est légitime que l’entreprise vérifie la réalisation du travail


de façon quantitative et qualitative, ainsi que le respect des pro-
cédures…
Ce contrôle peut aussi provoquer des conséquences
contraires à vos meilleures intentions !

De plus en plus, les tâches incluses dans les proces-


sus sont visibles dans des outils-métiers pouvant être eux-
mêmes fédérés dans des outils de « supervision ». Ainsi, on
peut, par exemple, suivre toutes les étapes d’un processus de
production de biens ou de services. On va ainsi pouvoir contrô-
ler toutes les étapes qui n’ont pas été traitées comme prévu…

Des indicateurs de performance par tâches ou par étapes


sont définis pour s’assurer que les résultats finaux seront bien
conformes aux attendus. La conception de ces indicateurs est
couramment réalisée par des ingénieristes, dans les bureaux
d’étude, par des fonctions support, en interne ou à travers des
prestations externes.
Par exemple, pour obtenir un niveau de performance (pro-
duction, qualité, fiabilité) attendu, des processus et des pro-
cédures sont conçus comme « The One Best Way65 ». Puis, un
indicateur de performance (KPI) est fixé avec la valeur de per-
formance estimée. Les chiffres de la performance « réelle » se-
ront surveillés pour s’assurer qu’elle est au-dessus de la valeur
de performance attendue.
Exemple : Pour calculer la productivité, un indicateur sur le
nombre d’objets fabriqués est défini. Cet indicateur estime la
rentabilité. La mesure permet la gestion « économique » sur la
fabrication du produit en question.

« Il faut tout mesurer pour s’assurer que tout est bien sous
contrôle ». C’est la demande des gestionnaires. Si, gérer des
tâches, des outils, des investissements et des individus peut
être approprié, l’excès de gestion peut être contre-productif.
Pour le sociologue Vincent de Gaulejac, la société (ici, l’entre-

65. Taylor, F. W. (1919). The principles of scientific management. Harper & Brothers.

122
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

prise en particulier) serait malade de sa gestion66, car elle est


atteinte par la quantophrénie, qualifie l’auteur.

Si LA mesure quantitative peut être utile, elle ne permet pas


d’estimer la charge de travail nécessaire par les salariés pour at-
teindre la valeur attendue de l’indicateur. Nous verrons plus loin
l’importance de « l’activité de travail » réalisée par les salariés, et
que tout ne peut pas se mesurer.
Les valeurs chiffrées ne représentent pas la valeur qualita-
tive, difficilement mesurable et néanmoins importante.
Les chiffres des tableaux de bord constitués de KPI ne sont
pas toujours justes ! Vous êtes surpris, vraiment ?
Pourquoi ne seraient-ils pas justes ? À savoir, le chiffre com-
muniqué représente-t-il la valeur ATTENDUE ou la VRAIE valeur ?

Pourtant, le chiffre indiqué semble correct, il correspond


bien à celui attendu. Vous considérez donc que la performance
attendue est bonne ! Avez-vous mis une « pression » sur les
équipes pour qu’ils obtiennent de bons résultats, l’attribution
d’une prime, par exemple ? Les salariés ont donc le choix : don-
ner le chiffre attendu pour obtenir la prime ou, quand la valeur
est inférieure, donner la vraie valeur et donc ne pas bénéficier
de la prime. Quels choix vont-ils faire, même s’ils ne sont pas
seulement des Homo-economicus ?

Et si le chiffre « réel » est très largement conforme aux at-


tentes, ont-ils, pour autant, un intérêt à le communiquer ? Les
salariés seraient alors tellement insensés de ne pas le faire ! Pas
si sûr ! En effet, en communiquant un très (trop) bon chiffre,
cela signifie que la valeur initiale de l’indicateur n’était finale-
ment pas assez élevée, qu’elle peut alors être réaugmentée.
Et vous, vous l’augmenteriez ? Percevez-vous désormais le mo-
tif de réticence, ou plutôt de prudence, de la part des salariés ?
Accroitre la valeur augmentée de l’indicateur revient à l’obli-
gation d’atteindre ce nouvel objectif pour obtenir la prime.

66. De Gaulejac, V. (2009). La Société malade de la gestion : Idéologie gestionnaire,


pouvoir managérial et harcèlement social. Seuil.

123
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Ainsi, une charge de travail accrue sera nécessaire, avec des


conséquences sur la qualité de leur vie au travail et la qualité du
travail fournie !

Les acteurs sont décidément intelligents !

Que souhaitez-vous voir dans vos tableaux de bord ?


̵ La valeur attendue, car elle vous rassure, même si elle ne
représente pas forcément la réalité…
̵ La valeur réelle « déceptive », car vous devrez en analyser
la cause. Est-elle liée vraiment à un manque d’engage-
ment des salariés.
̵ La valeur réelle « merveilleuse », car vous devrez aussi en
analyser la cause. La situation peut être, par exemple,
conjoncturelle ?
Une prise en compte de la valeur vraiment réelle vous per-
mettra de prendre de meilleures décisions opérationnelles et
aussi stratégiques !

De plus, d’autres informations essentielles peuvent toutefois


être pertinentes. Des indicateurs « qualitatifs » peuvent être plus
pertinents. Par exemple, mesurer les moyens, les ressources,
pour que les valeurs d’indicateurs attendues correspondent
bien à des valeurs réelles.

Les indicateurs, comme tous les moyens de contrôle, doivent


être réalisés avec les intéressés. Si ce n’est pas possible, la néces-
sité de partager :
1. Pourquoi ces mesures sont-elles attendues ? Pour
quelles raisons l’entreprise veut-elle ces mesures ?
Par exemple, parce que l’on pourrait identifier où se
situent tels dysfonctionnements, où l’on doit faire des
ajustements, lesquels devons-nous faire… ?
2. Pour quoi ces mesures sont-elles attendues? Quel est le
but que l’on souhaite atteindre en possédant ces mesures ?
Par exemple, nous devons nous assurer que les ma-
chines sont bien réglées pour que nos produits soient plus
qualitatifs pour nos clients.

124
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Sans compréhension de la raison et des attentes, les salariés


peuvent s’en désintéresser. Comme on l’a vu précédemment,
ils pourront même aussi les détourner s’ils sont vécus comme
des contraintes.

Certaines activités nécessitent une formalisation très pointue.


Pour cela, on peut évoquer la sécurité aérienne ou nucléaire, par
exemple. Même dans ces situations « délicates », la formalisation
peut être excessive comme on peut le voir dans le contrôle aé-
rien. Par exemple : lorsque les contrôleurs du ciel respectent ri-
goureusement la formalisation, c’est la grève du zèle !
Pour les autres activités, le degré de formalisation est plus
faible, mais bien sûr variable suivant les contextes : les activités
de production industrielle peuvent être plus formalisées que les
activités de service, par exemple.

Le degré de formalisation du travail : va indiquer le niveau de


marges de manœuvre dont les salariés disposent pour faire leur
travail, pour bien faire leur travail67. Nous y reviendrons lorsque
nous aborderons les activités de travail.

Quels modes de contrôle ont été mis en place ?


Qui décide des modes de contrôle ?
Comment les modes de contrôle ont-ils été définis ?
Comment les modes de contrôle ont-ils été perçus ?
Quel est le niveau de formalisation attendu ?
Qui décide du niveau de formalisation ?
Comment les niveaux de formalisation ont-ils été décidés ?
Comment les niveaux de formalisation ont-ils été perçus ?

67. Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux.
La Découverte

125
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Ces réponses permettront de mesurer le niveau de


confiance accordé aux salariés.

Un faible niveau de confiance limitera l’expres-


sion et la créativité des salariés lors des échanges
au cours des ateliers de la démarche.

6.7 - Son mode de communication interne

La communication transite souvent par la voie hiérarchique,


même dans certaines petites structures ! La culture de l’entre-
prise a bien sûr une incidence.

La communication directe entre direction et salariés peut


être très efficace, car elle réduit les « distorsions », mais doit se
faire dans un cadre partagé avec les niveaux intermédiaires. Si-
non, des conflits pourraient apparaitre, avec ces derniers, car ils
se retrouveraient ainsi « court-circuités » et ainsi n’auraient plus
le pouvoir de contrôler les informations échangées.

Pour les commanditaires, dirigeants et managers, cette plus


grande proximité, bien que nécessaire, n’est pas facile. En effet, des
« héritages culturels » basés sur la mise à distance des niveaux hié-
rarchiques peuvent être bien établis et donc difficiles à modifier…
Pour certains profils de dirigeants, comme vu précédem-
ment, le challenge reste important. Un accompagnement per-
sonnalisé peut lui procurer une aide précieuse.

Attention : Informer, ce n’est pas communiquer !


Communiquer, c’est mettre le contenu des échanges en
commun.
̵ L’information est le contenu que l’on transmet. C’est, par
exemple, l’envoi d’un mail, la publication sur un réseau
social…

126
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ La communication est un contenu élaboré dans un « lieu


de partage ». C’est celle qui aura cours dans les séances
d’ateliers, à l’image des EDD68 (Espaces De Discussions
sur le travail).

Comment sont transmis les messages importants ?


Comment est rédigé le contenu des messages ?

C’est permettre de connaitre le niveau de proximi-


té entre le dirigeant et les salariés de première ligne,
ainsi que le rôle du dirigeant dans la transmission
d’informations.

À cette occasion, on mesurera aussi la proximi-


té accordée aux collaborateurs par le dirigeant et la
confiance dans leur participation aux ateliers.

6.8 - Ses modes de reconnaissance

Vous valorisez certainement vos ressources : vos outils, votre


portefeuille-client, votre trésorerie et… vos salariés. Quels sont
les critères de valorisation de vos salariés ?
̵ La compétence : celle qu’il a déjà acquise ou celles qu’ils
s’engagent à développer incessamment ou à élargir
continuellement.
̵ La productivité : la quantité des produits et des services
délivrés est généralement facilement mesurable. Par

68. Detchessahar, M. (2001). Quand discuter, c’est produire… Pour une théorie de l’es-
pace de discussion en situation de gestion. Revue française de gestion, 132, 32-43.

127
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

contre, leur qualité, plus difficilement chiffrable, mais


souvent avec des impacts collatéraux négatifs, doit être
prise en compte.
̵ Leur niveau d’engagement dans l’entreprise : par leur
participation aux actions internes (séminaires…) et ex-
ternes de l’entreprise (évènements sponsorisés…)
̵ Leur niveau d’autonomie et leur niveau d’engagement
dans les collectifs de travail. Par sa capacité à travailler
seul et son implication dans des projets où il bénéficie-
rait d’une grande plus-value.

Comment reconnaissez-vous vos salariés ?

Il y a de nombreuses manières de reconnaitre les efforts des


salariés. Le premier signe de reconnaissance est une prime.
D’autres signes sont possibles comme : les avantages en na-
ture, des formations, des promotions internes.

Avec votre meilleure intention du monde, vous avez très


certainement reconnu un salarié méritant dans une équipe. Et,
contre toute attente, l’ambiance dans l’équipe de ce salarié s’est
dégradée.
Que s’est-il passé ?

Une proposition : Le reste de l’équipe a vécu cette situation


comme une injustice. Chacun a pu se dire : « Pourquoi lui, et
pourquoi pas moi, pourquoi pas nous ? ».
Souvent, sans explicitation de la hiérarchie, l’injustice vécue
a « brouillé » toutes les relations entre le méritant et le reste de
l’équipe.

L’injustice évoquée ci-dessus a été décrite par le sociologue


français François Dubet à travers 3 principes69 :

̵ Le mérite : « Il est juste d’être rémunéré en fonction du


travail réellement effectué ». Je suis reconnu, car je fais

69. Dubet, F., Caillet, V., Cortéséro, R., Mélo, D., & Rault, F. (2006). Injustices: l’expé-
rience des inégalités au travail. Seuil.

128
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

bien mon travail.


̵ L’autonomie : « Mon travail me permet de me distinguer
des autres collègues, d’affirmer ma singularité, de me
réaliser ». Je suis reconnu pour ce que je suis.
̵ L’égalité : « Une société juste ne doit pas faire de diffé-
rence, car on est tous égaux ». Je suis reconnu, parce que
je fais partie d’un collectif.

Autonomie

Mérite Égalité

Ces principes semblent irréconciliables, chacun allant à l’en-


contre des deux autres. Alors, comment faire ?
À partir de la culture de l’entreprise, les critères et les modes
de reconnaissance doivent être constitués et partagés. Sans un
réel partage entre les salariés, ils peuvent être mal compris et
créer des conflits internes !

129
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Comment êtes-vous reconnu ?

Les critères et les formes de reconnaissance sont-


ils partagés ?

Comment vivez-vous la reconnaissance dans l’en-


treprise, dans les reconnaissances individuelles et col-
lectives ?

Partager les critères d’attribution de reconnaissance


avec les salariés, c’est l’occasion à chacun de se positionner.
Les reconnaissances individuelles peuvent défaire les
collectifs de travail.

Suivant la culture de l’entreprise, engager des sa-


lariés à répondre à un questionnaire ou à participer
à des ateliers peut nécessiter une reconnaissance.

7. Les activités de travail

Réaliser des activités de travail, c’est répondre aux enjeux de


l’entreprise.

Comme nous l’avons déjà vu précédemment, pour qu’une


tâche soit réalisée, il ne suffit pas d’énoncer « Je te demande
de réaliser cette tâche ». C’est aussi prendre en compte son
contexte. Nous avons vu aussi que les salariés ont le pouvoir de
dire non.

Autrement dit : Salariés, comme dirigeant, on ne fait jamais


ce qu’on nous demande de faire !

130
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Prenons maintenant un petit temps de réflexion.


Lorsque l’on nous demande de faire une action, nous allons
la réaliser, au mieux, en fonction de plusieurs paramètres :
̵ Le temps : Une durée suffisante pour la réaliser avec la
qualité attendue, la nécessité de gérer simultanément
d’autres actions avec différentes priorités…
̵ Notre état physique et émotionnel : Notre fatigue phy-
sique ou psychique, notre niveau de satisfaction ou mé-
contentement…
̵ Nos compétences : Si nous sommes débutants dans
l’activité ou si nous sommes experts avec une forte ex-
périence.

En fait, nous ne faisons jamais précisément ce qu’on nous


demande de faire !

Cette expression peut surprendre, mais elle s’adresse à tout


individu dans notre vie personnelle ou professionnelle.

Exemple : On nous commande de préparer un repas pour


une soirée en famille ou entre amis (le travail demandé). Pour
cela, on nous donne une liste de course (le processus).
Finalement, on n’a pas respecté la demande. En effet, nous
n’avons pas acheté certains produits, car non disponibles dans
le magasin, et l’on a acheté d’autres articles qui n’étaient pas
dans la liste !
Notre repas sera certainement différent de celui prévu ini-
tialement. Des éléments prévus ne sont pas « accessibles » et
d’autres ont « émergés » ! Le repas sera préparé avec des « res-
sources disponibles ». À l’image du sujet de « l’effectuation »
dans l’Étape 1, chapitre 6 : Quelle Stratégie ?

Abordons maintenant le travail « opérationnel », ce que j’ap-


pellerai ici l’activité70 dans sa définition de l’ergonomie. Ces acti-
vités sont possibles entre les dispositions des acteurs, les dispo-

70. En ergonomie, l’activité renvoie à la réalisation concrète du travail. Elle corres-


pond à l’ensemble des modes opératoires et les « stratégies » individuelles réelle-
ment et précisément mises en œuvre lorsqu’un individu réalise une tâche.

131
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

sitifs organisationnels et la culture de l’entreprise.

̵ Les dispositions des acteurs : Ce que les acteurs


peuvent faire avec ce qui dépend d’eux, les moyens (au
sens large) qu’ils ont à leur disposition.

̵ Les dispositifs techniques et organisationnels de l’en-


treprise avec le mode d’organisation, les processus et les
outils, le mode de contrôle…

̵ La culture de l’entreprise avec son environnement,


dans laquelle se situe l’entreprise, en partie inconsciente,
mais toujours très présente. Ce point a été abordé à
l’Étape 2, chapitre 4 : La culture de l’entreprise.

Culture
de l’entreprise

Dispositifs Dispositions
de l’entreprise

L’organisation comme système des 3 sphères71

L’activité, à l’intersection de ces 3 sphères, n’est pas la mis-


sion, la tâche, celle qui est mentionnée dans la fiche de poste.
Si le contenu de cette fiche peut être utile, il ne doit pas être

71. Bailly, F. A., Bourgeois, D., Gruère, J. P., Raulet-Croset, N., Roland-Lévy, C., & Tran, V.
(2006). Comportements humains et management. Ed. Pearson Education France.
L’organisation : Pages 52 et suivantes, changement culturel : 273 et suivantes)

132
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

confondu.

Pour aborder ces notions, je vous propose le modèle de la cap-


tation72 qui vise à organiser des dispositifs s’appuyant sur des dis-
positions pour influencer, orienter, diriger le comportement.

À ce modèle, je superpose le modèle des régulations de JD


Raynaud73.

(travail prescrit)

Les activités de travail représentées à partir de plusieurs modèles.

72. Cochoy, F. (2004). La captation des publics: c’est pour mieux te séduire, mon
client... Presses Univ. du Mirail.
73. Reynaud, D. (1989). Les Règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale.
Armand Colin, coll. « U »

133
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Comme nous venons de le voir, la demande de travail (le tra-


vail prescrit) est toujours différente du travail réellement réalisé
(travail réel) par le salarié (manager ou collaborateur).

Comment faire alors pour que le résultat attendu soit le plus


proche possible du travail réel, celui dont vous avez besoin ?

La réponse n’est évidemment pas simple. C’est tout l’objet


de ce chapitre.
Toutefois , je vous apporte déjà ici de premiers éléments.
Pour répondre à cette attente, vous devrez mettre en place
ou favoriser les conditions pour que l’activité de travail puisse
être réalisée au plus proche de vos attentes. Ces meilleures
conditions sont celles pourvues par l’entreprise et aussi celles
considérées comme suffisamment satisfaisantes par ceux réali-
sant précisément l’activité.

Si ces conditions de réalisation du travail ne sont pas réunies,


elles pourront être très éloignées de vos attentes, et finalement
votre entreprise perdra en productivité, en performance.

Tout individu dispose d’une culture, d’une « identité sociale »,


comme le dit Claude DUBAR74, qui lui est propre. Elle provient
de son histoire et de ses choix réalisés, consciemment ou non,
lors de son parcours personnel et professionnel. Ce sont les DIS-
POSITIONS mises en place par chaque individu. Nous l’avons
déjà évoqué plus haut lorsque l’on a abordé l’histoire de l’entre-
prise et sa culture.

Dans l’entreprise, l’individu est en présence d’outils, de tech-


niques (procédures), une organisation (responsable hiérar-
chique, collègues…), mais aussi des relations externes (des four-
nisseurs, des clients…), ce sont des DISPOSITIFS. Nous venons
de les parcourir depuis le début de cette Étape 2.

74. Dubar, C. (2000). La socialisation. Construction des identités individuelles et col-


lectives. Armand Colin

134
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Ces dispositifs sont eux-mêmes d’ailleurs introduits par des


individus !

Des évènements sociétaux influencent les dispositifs (nou-


velles règles du droit commercial ou du travail…) et aussi les dis-
positions (changement « spontané » de modes de vie…).

Une intervention sur les SEULS dispositifs (outils technolo-


giques, processus, QVCT…) OU une intervention sur les SEULES
dispositions (leadership, motivation…) risque de désengager les
individus et pouvant finalement impacter la performance glo-
bale de l’entreprise.

À titre d’exemple :
̵ Si l’on change les outils ou les procédures, les salariés
peuvent être déstabilisés dans leurs activités quoti-
diennes et les livrables seront moins qualitatifs. Le tra-
vail réalisé sera ainsi perçu comme moins qualitatif par
les acteurs75.
̵ Si l’entreprise intervient sur les seules conditions de ré-
alisation du travail, sans remettre en cause les moyens
de réaliser le travail, ce sera vu comme une façon de les
faire adhérer, coute que coute, à des dispositifs imposés
par l’entreprise. Une négociation pourrait être à mener
avec les partenaires sociaux.

Les conditions de travail ou les conditions de réalisa-


tion du travail ?

75. Clot, Y., Bonnefond, J. Y., Bonnemain, A., & Zittoun, M. (2021). Le prix du travail
bien fait: La coopération conflictuelle dans les organisations. La Découverte.

135
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Les conditions de travail :


Nous avons déjà abordé, au début de l’Étape 2, les
Conditions de Travail lorsque l’on a approché la QVCT
(Qualité de Vie et Conditions de Travail). La QVCT a été
promue par les partenaires sociaux français.
Les Conditions de Travail sont les dispositifs acces-
sibles aux entreprises souhaitant améliorer les condi-
tions de travail des salariés : en réduisant la pénibilité
du travail, en offrant des perspectives d’évolution pro-
fessionnelle et en rendant ses emplois attractifs. Ainsi,
Les entreprises renforceront leur compétitivité.

Les conditions de réalisation du travail :


Ces conditions sont toutes les conditions permettant
aux salariés de bien faire leur travail. Nous verrons qu’ils
ont besoin de suffisamment d’autonomie pour cela.

Nous avons déjà abordé la culture de l’entreprise, nous al-


lons nous intéresser maintenant en particulier aux deux autres
« domaines », les dispositifs et les dispositions et les différentes
régulations.

7.1 - Les dispositifs de l’entreprise

Depuis le début de cette étape 2 (re)découverte, nous avons


parcouru de nombreux dispositifs à travers le fonctionnement
de l’entreprise, dans son propre contexte et dans son environ-
nement, au sens large.

Ces dispositifs peuvent être vus comme des règles à suivre


pour une performance optimisée. Ce sont des règles formelles,
auxquelles s’ajoutent de nombreuses « règles » informelles76.

76. Terssac, G. de. (2002). Le travail : une activité collective. Recueil de textes. Oc-
tarès.

136
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ Les règles formelles sont les « ordres » que les salariés


doivent suivre comme un règlement, une procédure.
̵ Les règles informelles sont généralement issues d’habi-
tudes, de principes moraux et de valeurs. Elles sont ap-
prises dans l’équipe, le service ou l’entreprise. Si elles ne
sont pas respectées, il peut y avoir des conséquences sur
la cohésion du groupe.
Par exemple : si tu ne fais pas comme cela, tu vas poser des
problèmes aux autres équipes et ils vont t’en vouloir… Donc il est
préférable de suivre la règle, même si elle n’est écrite nulle part !
Comme nous l’avons évoqué dans le mode de contrôle et de
formalisation, des dispositifs technologiques sont mis en place.
Parmi ces dispositifs, de nombreux outils vont aider les salariés
dans la réalisation de leurs tâches.

De façon générique, on va retrouver les principaux


outils digitaux suivants :

• Le Web-Marketing et les Réseaux So-


ciaux, pour trouver de nouveaux clients et les fidé-
liser.
• Un ERP (Entreprise Resources Plan-
ning), pour optimiser et fluidifier l’ensemble de
vos ressources. Vous améliorerez la gestion de vos
stocks, l’optimisation des processus internes et des
ressources humaines…
• Un CRM (Customer Relationship Mana-
gement), pour une relation client personnalisée et
efficiente tout au long de son parcours avec l’en-
treprise.

137
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Au-delà de ces outils, on retrouvera bien évidem-


ment aussi tous les outils « industriels » de produc-
tion de service, tels les usinages, les chaines de mon-
tage, et, ceci, sans oublier toutes les « manipulations »
plus ou moins automatisées par des robots.

Ces outils technologiques sont le plus souvent nécessaires,


voire indispensables, mais trop souvent vus comme des solu-
tions, en tant que telles. Cette méthode est le solutionnisme
technologique77. Il suffirait donc simplement d’installer des ou-
tils performants pour que la productivité augmente spontané-
ment. Nous verrons plus loin que ces seuls outils ne sont pas
suffisants.

De façon concomitante à l’industrialisation poussée, les


clients souhaitent davantage de personnalisation dans les pro-
duits ou services et dans leurs relations avec l’entreprise.
Par exemple : chaque salarié sur son poste de travail saisit,
ou consulte, des informations dont il a besoin pour réaliser ses
activités. Chacun est finalement isolé. Pour répondre à une de-
mande personnalisée, à une difficulté, ou à une urgence, des
relations sociales en physique doivent se mettre en place. Bien
que des processus et procédures soient définis précisément, il y
a toujours des évènements problématiques imprévus qu’il faut
résoudre rapidement où les outils ne peuvent pas répondre.
Le travail réel sera donc différent du travail prescrit.

Ces dispositifs sont vus comme une régulation de contrôle.


C’est-à-dire, ils vont contraindre l’individu à faire des actions.

Ces solutions techniques ne sont pas « passives » dans les


activités réalisées par les salariés. Elles obligent souvent les uti-
lisateurs à s’adapter pour qu’ils puissent faire leur travail. Elles
peuvent prendre davantage de temps qu’un traitement ma-

77. Morozov, E. (2014). Pour tout résoudre, cliquez ici: l’aberration du solutionnisme
technologique. Fyp.

138
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

nuel, tout en facilitant largement d’autres activités connexes. Si


les outils techniques ne sont pas évalués sur l’ensemble du pé-
rimètre de l’entreprise, ils peuvent même s’avérer contre-pro-
ductifs. Les investissements réalisés et le temps passé à leur
utilisation permettent-ils le retour sur investissement attendu
ou une amélioration… ?
Pour accompagner à l’utilisation des outillages, des forma-
tions sont proposées par le fournisseur, ou l’éditeur de l’outil.
Souvent nécessaires, elles ne sont pas toujours suffisantes…
Par exemple : La formation « technique » prend-elle suffi-
samment en compte le contexte de l’entreprise, les pratiques
métiers, le traitement des situations inhabituelles ?

Quels outils techniques ont été choisis ?


Comment leurs choix ont-ils été réalisés ?
Comment ont-ils été déployés ?
Et quels en ont été les succès et les difficultés ?

Y répondre, c’est mesurer le niveau d’écoute des


besoins des salariés. L’imposition de choix effectués
par des fonctionnels ou experts est une potentielle
source de désengagement des salariés.

Si les choix et les déploiements antérieurs n’ont


pas été concertés, il pourra être difficile pour le diri-
geant, suivant son profil, d’associer les utilisateurs
ici dans cette démarche.

139
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

7.2 - Les dispositions de l’individu

Chaque individu vit des situations (de travail) différemment


même si elles sont « identiques » pour tous. Remplacer un sala-
rié sur son poste de travail par un autre collègue peut produire
des résultats différents. L’individu est unique, il n’est pas subs-
tituable, c’est peut-être un désagrément ou… une chance ! On
en reparlera plus loin dans l’Étape 3, chapitre 1.2 : Le collectif de
travail.

Pour modifier les dispositions des acteurs, vous avez mis en


place des dispositifs permettant aux acteurs de « se motiver ». La
« motivation financière », souvent mise en avant comme mode
de reconnaissance, n’est pas forcément suffisante même si elle
peut être nécessaire. (Voir à l’Étape 2, chapitre 6.8 : Ses modes
de reconnaissance.

L’homme n’est pas qu’un « homo-economicus » !

Depuis environ un siècle, l’homme au travail serait avant


tout un homo-economicus, donc il est sensible essentiellement
aux conditions matérielles résultant de son travail, c’est-à-dire à
sa rémunération.
Dans les années 30 aux États-Unis, des chercheurs de l’école
des relations humaines constatent que le comportement de
l’individu au travail est moins prévisible qu’il n’y parait.

140
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Elton MAYO (1880-1949) s’est intéressé aux relations


entre la productivité et le moral de salariés avec les
rapports sociaux à l’intérieur des équipes, et entre les
équipes elles-mêmes.

Il est connu par l’expérience qu’il mena entre 1924 et 1933


à la «Western Electronic Hawthorne Works» à Chicago.
Son expérience78 a consisté à modifier à plusieurs
reprises les conditions de réalisation du travail de
six ouvrières d’un atelier. Les principales modifica-
tions étaient : l’éclairage, le temps de repos, la rémuné-
ration, les horaires… Les raisons du changement proposé
ont systématiquement été expliquées et elles ont toutes
donné leur accord. À chaque modification, la productivi-
té du travail a augmenté, même après le sixième chan-
gement, même au retour à la situation initiale !

La découverte : Ce qui compte le plus c’est l’atten-


tion et la considération.
Il en déduisit quelques principes :
• La somme de travail accompli par un ouvrier n’est
pas déterminée par sa capacité physique, mais par sa
capacité sociale.
• Les rémunérations non financières jouent un rôle
important dans la motivation des ouvriers.
• La parcellisation des tâches n’est pas la forme la
plus efficace de la division du travail.
• Les travailleurs se sentent membres d’un groupe
et c’est en fonction du groupe qu’ils réagissent aux di-
rectives de la hiérarchie.

78. Mayo, E. (2014). The social problems of an industrial civilisation. Routledge.

141
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les disposi-


tions sont tout ce qui construit l’individu, et à partir desquelles il
va agir, il va passer à l’action.

Passons en revue les différentes étapes inspirées de Maurice


Thévenet dans la culture de l’entreprise79.

La culture de l’individu issue de son par-


cours personnel (familial, scolaire…) et de son
parcours professionnel (les entreprises dans
lesquelles il a travaillé). Ce que nous avons vu à
l’Étape 2, chapitre 4 : La culture de l’entreprise

Chaque individu se réfère inconsciemment


à des schémas mentaux construits autour de
ses valeurs. C’’est ce que l’individu voit de son
environnement, ici l’image qu’il a de l’entreprise,
du travail attendu et possible. (Voir ci-après)

Chaque individu va ressentir des émo-


tions différentes suivant le contexte du tra-
vail : la peur lors de conflits internes hostiles
ou du plaisir quand il est en accord avec ses
propres références. Ce que nous avons vu à
l’Étape 1, chapitre 3 : Que faire des émotions ?

Chaque individu ajustera sa posture en


fonction des émotions ressenties et des
moyens à sa disposition telle que ses « res-
sources internes » ainsi que son contexte im-
médiat. Nous verrons au chapitre 7.3 suivant.

Chaque individu mettra en œuvre des actions


adaptées de son point de vue. Il pourra être hostile
aux actions demandées ou, au contraire, apporter
une aide spontanée à un collègue en difficulté.

79. Thévenet, M. (2015). La culture d’entreprise. Que Sais-Je.

142
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Nous n’avons pas encore évoqué les représentations.


Qu’est-ce qu’il faut entendre, ici, par les représentations, par
les images ?

La représentation : « C’est une synthèse cognitive dotée des


qualités de globalité, de cohérence, de constance, de stabilité »,80
nous dit le sociologue français Edgard Morin. Il poursuit : « La
représentation ne présage pas qu’elle est vraie ou fausse, c’est-
à-dire qu’elle est une image du réel ! »

Canard ! Lapin !
Livre de Amy Krouse Rosenthal et Tom Lichtenheld81

Nous construisons dans notre esprit une « image » à partir d’élé-


ments venant de notre réalité, de nos histoires personnelles avec
nos propres représentations. Elles font que l’on privilégie certaines
perceptions et qu’on laisse les autres de côté. De même, on va en
encourager certaines en fonction de valeurs que l’on s’est forgées.

80. Morin, E. (1986). La méthode. 3, La connaissance de la connaissance: 1. Anthro-


pologie de la connaissance. Seuil.
81. Rosenthal Krouse, A. et Lichtenheld, T. (2009), Canard ! Lapin ! Kaléidoscope.
Le psychologue américain Joseph Jastrow a repris et commenté une image si-
milaire pour montrer l’importance de la préconception dans la perception des
images ambigües.
Le philosophe Ludwig Wittgenstein a montré l’importance des associations dans
la perception.

143
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Suivant le « positionnement » de chaque individu, il va ad-


hérer plus ou moins à l’image qu’il a de l’entreprise, si elle est
bonne ou mauvaise, pour lui.

En tous les cas, la représentation est particulièrement dif-


ficile à (faire) changer. C’est une difficulté majeure lors de l’ac-
compagnement au changement. Les représentations considé-
rées « négatives » par l’entreprise peuvent être classées parmi
les « résistances aux changements ».

L’étude des représentations82 ne permet pas de faire une


analyse précise des entreprises, mais elle montre leurs com-
plexités vues par les individus qui la composent. L’image de
l’entreprise n’est pas bonne ou mauvaise en soi, elle ne définit
pas l’entreprise. Elle représente l’image vécue par un salarié de
l’entreprise. Une entreprise peut présenter des images diffé-
rentes chez ses salariés.
Par exemple : L’entreprise est vue différemment comme
une machine par 2 de ses salariés : tandis que l’un va trouver
l’entreprise archaïque, l’autre va la trouver « simple », car chacun
sur son poste sait précisément ce qu’il a à faire. Chacun a donc
des valeurs différentes…

Gareth Morgan83 décrit 8 images (métaphores) d’entre-


prise. Je vous propose 2 vécus différents :

82. Perret, V. et Ehlinger, S. (1995), Les représentations organisationnelles : source


de reproduction ou de régénération du modèle organisationnel, in Actes de la
4ème Conférence Internationale de Management Stratégique.
83. Morgan, G. (1999). Images de l’organisation. Presses Université Laval. Éditions
Eska.

144
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

̵ Machine :
• Je sais précisément ce que j’ai à faire.
• Je ne suis qu’un rouage.

̵ Organisme vivant :
• Je suis l’entreprise qui doit s’adapter pour
subsister.
• J’ai des difficultés à suivre, ça change tout
le temps.

̵ Cerveau :
• J’apprends toujours, je développe mes savoirs.
• J’en ai marre de toujours avoir à réapprendre.

̵ Culture :
• Je m’adapte pour coopérer avec d’autres
cultures.
• Je ne veux pas changer mes habitudes.

̵ Arène :
• Je me bats pour obtenir certains pouvoirs.
• Je ne cherche pas à obtenir des avantages.

̵ Prison du psychisme :
• J’influence les autres en répondant à leurs désirs.
• Je n’ai pas envie de me faire manipuler.

̵ Flux et transformation :
• J’aime travailler dans un environnement
complexe.
• Je ne peux pas répondre à tout le monde.

̵ Instrument de domination :
• Je dois m’imposer pour être écouté.
• Je me fais exploiter dans cette entreprise.

145
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Quelle image avez-vous de l’entreprise ?

Cette image est-elle en accord avec la représenta-


tion que vous avez d’une « bonne » entreprise ?

L’image de l’entreprise comme la « bonne » entre-


prise n’est pas la même pour chacun. La réponse in-
dique comment l’individu « vit » l’entreprise et ce qu’il
attend d’une entreprise.

Lors des ateliers, l’écoute des différentes « repré-


sentations » de l’entreprise sera des richesses pour
trouver des réponses satisfaisantes pour tous.

7.3 - Les conditions de réalisation du travail

Nous venons de voir les dispositions (de l’individu) et les dis-


positifs (de l’entreprise).
Entre dispositifs et dispositions : les conditions de réalisation
du travail.

Comme le décrit le schéma page 134, les individus au travail


sont soumis à des forces multiples et contradictoires. Ils vont
devoir concilier les deux impératifs. Pour cela, le salarié devra
bricoler pour obtenir le résultat le plus satisfaisant, pour l’entre-
prise et aussi pour lui-même.
« Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches
diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne
pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’ou-

146
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

tils, conçus et procurés à la mesure de son projet »84. Claude


Levi-Strauss, ethnologue et anthropologue français.

L’analyse des activités de travail85, ici au sens de l’ergonomie,


va permettre d’identifier les actions contribuant à la perfor-
mance de la chaine de valeur.
On va aborder ici de façon précise le thème des acteurs et
leurs distances par rapport au travail, entre travail prescrit et tra-
vail réel.
En ergonomie : lorsqu’une prescription (travail prescrit) arrive
au collaborateur, il va devoir « s’ajuster » à la demande faite pour
réaliser son activité. Une fois réalisé, le travail est le travail réel.
Le « travail prescrit » est TOUJOURS différent du « travail
réel »86. Même dans le cas d’une procédure rigoureuse, le colla-
borateur va l’adapter, va s’adapter, même de façon minime, à la
procédure, à la demande initiale.
L’acteur va en permanence devoir trouver un chemin
entre régulation de contrôle et régulation autonome : la régula-
tion conjointe. Voir le schéma page 134.

Comment faire alors pour que le travail soit fait comme


attendu ?
Pour obtenir la meilleure performance globale, il est néces-
saire que vous partagiez vos attentes en ce qui concerne les li-
vrables attendus aux personnes concernées. Si les conditions
d’échange le permettent, ils vous diront à leur tour les activités
(les contenus précis du travail à réaliser) et les conditions de ré-
alisation possibles et les risques afférents.
Bien sûr, une négociation doit avoir lieu en abordant les
risques à faire et à ne pas faire.
C’est dans ces échanges qui vont permettre la constitution
du collectif de travail et des processus de coopération87.

84. Lévi-Strauss, C. (1962). La pensée sauvage. Plon. Agora. Paris. Page 27


85. Dessors, D. (2013). De l’ergonomie à la psychodynamique du travail. Erès.
86. Clot, Y. (2004). 19. Travail et sens du travail. In Ergonomie (pp. 317-331). Presses
Universitaires de France.
87. Sainsaulieu, R. (1987). Sociologie de l’organisation et de l’entreprise. Presses de
la Fondation nationale des sciences politiques.

147
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Pourquoi cela ? Comment cela ?


L’acteur a besoin de marge de manœuvre, d’autonomie
pour préserver sa « zone de confort », pour « se préserver », pour
ne pas se sentir empêché de faire son travail88, comme le pré-
cise Yves Clot, professeur en psychologie du travail.
Il faut entendre ici que ce n’est pas pour se sentir « libre » de
faire ce qu’il veut, mais « tout simplement » pouvoir faire un tra-
vail de qualité89, comme il doit être fait, et cela d’après lui. C’est
la représentation qu’il a du travail que lui SE doit de fournir à son
employeur, il en va de son honneur 90. Ce travail vécu comme
non qualitatif peut impacter la santé du salarié et celle de l’en-
treprise à travers le turn-over, par exemple. L’entreprise devra
alors investir dans de nouveaux recrutements, temporaires ou
de longues durées. Les conditions qualitatives de travail seront
aussi majeures pour attirer de nouveaux candidats à rejoindre
votre entreprise !

Si ce besoin d’autonomie n’est pas suffisamment satisfait,


l’acteur a :
- le pouvoir de détourner, de contourner, certaines règles
(qui ne sont pas ou moins contrôlées) avec des impacts négatifs
imprévus sur la productivité… dans le meilleur des cas !
- de même, il en a le devoir, vis-à-vis de lui-même, pour pré-
server sa santé par exemple.
Dans le pire des cas, les valeurs de l’indicateur de perfor-
mance (KPI) peuvent être « maquillées » ! Ainsi, les tableaux de
bord de reporting seront faux et de mauvaises prises de déci-
sions en seront la conséquence ! (Voir dans l’étape 2, chapitre
6.6 : Le contrôle et la formalisation)

Cette difficulté à faire co-exister la « nécessité » de répondre


simultanément à des critères contradictoires, le besoin de
contrôle et la nécessité d’autonomie pour l’acteur n’est pas nou-
velle. En effet, elle a été étudiée par plusieurs chercheurs depuis

88. Pour Yves Clot, la souffrance au travail vient avant tout de « l’activité empêchée».
89. Clot, Y., Bonnefond, J. Y., Bonnemain, A., & Zittoun, M. (2021). Le prix du travail
bien fait: La coopération conflictuelle dans les organisations. La Découverte.
90. D’Iribarne, P. (2015). La logique de l’honneur. Gestion des entreprises et tradi-
tions nationales. Seuil.

148
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

de nombreuses années. Plus récemment, Vincent de Gaulejac,


parle d’« injonctions paradoxales »91 dans un de ces derniers ou-
vrages. Ainsi, on va exiger des salariés le respect des procédures
pour répondre aux normes de qualité (critères sur lesquels ils
sont évalués). En même temps, ils auront l’obligation de s’adap-
ter, au quotidien, à la complexité et à l’incertitude du terrain.

Les différents vécus des acteurs concernés sont un élément


essentiel. C’est ainsi que l’on pourra mieux approcher la ré-
alité des situations. Ainsi, à partir d’une situation difficile, une
meilleure compréhension donnera lieu à une réponse plus ap-
propriée à toutes les parties prenantes. Chaque individu, par-
tageant sur une même situation, pourra livrer ses idées, être
créatif et faire émerger des inventions, pouvant déboucher sur
des innovations.
C’est cette approche que je vais vous proposer dans la dé-
marche.

Comme nous venons de le voir, les conditions dans les-


quelles le travail est organisé sont fondamentales. Je choisis ici
de ne pas aborder le point de vue de la santé au travail
(RPS92, TMS93), mais du travail réalisé au plus proche de celui at-
tendu par sa hiérarchie.

Vous avez constaté que certains de vos salariés avaient

91. De Gaulejac, V., & Hanique, F. (2015). Le capitalisme paradoxant. Un système qui
rend fou. Seuil Collection Économie humaine
92. INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des ac-
cidents du travail et des maladies professionnelles). Dossier : Risques Psycho-So-
ciaux. Ce qu’il faut retenir. (08/11/2021). Troubles de la concentration, du sommeil,
irritabilité, nervosité, fatigue importante, palpitations… Voici quelques-uns des
symptômes liés à des risques psychosociaux. Le phénomène n’épargne aucun
secteur d’activité. Indépendamment de leurs effets sur la santé des individus, les
risques psychosociaux ont un impact sur le fonctionnement des entreprises (ab-
sentéisme, turnover, ambiance de travail…). Il est possible de les prévenir. https://
www.inrs.fr/risques/psychosociaux/ce-qu-il-faut-retenir.html
93. INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des
accidents du travail et des maladies professionnelles). Dossier : Troubles Muscu-
lo-Squelettiques. Ce qu’il faut retenir. (04/02/2015). Les troubles musculo-squelet-
tiques (TMS) des membres supérieurs et inférieurs sont des troubles de l’appareil
locomoteur pour lesquels l’activité professionnelle peut jouer un rôle dans la ge-
nèse, le maintien ou l’aggravation. Les TMS affectent principalement les muscles,
les tendons et les nerfs, c’est-à-dire les tissus mous. https://www.inrs.fr/risques/
tms-troubles-musculosquelettiques/ce-qu-il-faut-retenir.html

149
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

besoin d’être aidés, d’être « motivés », d’être accompagnés.


Pour cela, vous avez sollicité des « intervenants extérieurs » dans
l’entreprise auprès d’eux.

Pour répondre à des « difficultés personnelles », ou


considérées comme telles, pour certains de vos salariés
sur leur poste de travail, vous pouvez faire appel à des
consultants spécialisés tels que :

̵ Un ergonome pour aider à élaborer des dispo-


sitifs avec les collaborateurs pour qu’ils soient
plus efficaces et travaillent en santé.
• Ce partenaire peut aider les salariés (mana-
gers ou collaborateurs) dans la réalisation de
certaines activités au sein d’une organisation
de travail. Cette intervention peut être menée
lors de problématiques de santé telles que les
RPS ou TMS, par exemple. Votre entreprise
doit s’engager de façon réglementaire à as-
surer de bonnes conditions de travail pour
l’ensemble de ses salariés. La réglementation
doit être appliquée sinon l’entreprise peut
être sanctionnée.

̵ Un coach94 en « développement personnel95 ».


• Ce partenaire peut aider les salariés (managers
ou collaborateurs), ainsi que le dirigeant dans
une difficulté « personnelle » en intervenant
sur leur comportement. Ce soutien peut être

94. Brunel, V. (2016). Les managers de l’âme: le développement personnel en en-


treprise, nouvelle pratique de pouvoir ? La découverte.
95. De Funès, J. (2019). Le développement (im) personnel. Éditions de l’Observatoire.

150
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

très utile à un certain moment et dans un


contexte très précis. Il ne pourra probable-
ment pas vous accompagner sur l’ensemble
d’un projet de l’entreprise, pour toutes les
équipes.

De nombreux autres types de consultants peuvent


intervenir ponctuellement pour un salarié ou une
équipe dans une situation de travail particulière.

Que diriez-vous de vos conditions de travail ?

Diriez-vous que vous avez suffisamment « d’es-


pace » pour faire votre travail ?

La qualité des conditions de travail vécue par les


acteurs s’appréciera comme l’écart entre le travail
prescrit et le travail réel.

Des conditions déjà dégradées pour réaliser les


activités de travail « habituelles » vont rendre diffi-
ciles les contributions, directes ou indirectes, à la dé-
marche proposée.
Certains pourront toutefois prendre plaisir à par-
tager, et à vivre de nouvelles expériences, et à quel
prix…
Pour d’autres salariés, résignés, ils ne feront au-
cun effort supplémentaire pour l’entreprise qui, de
leur point de vue, « ne le mérite pas » !

151
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

7.4 - Des salariés co-auteurs du changement ?

Salariés : si vous étiez coauteur des changements dans l’en-


treprise :
̵ Vous n’êtes pas satisfait du travail que vous réalisez ou
des conditions dans lesquelles vous le faites.
̵ Vous souhaitez partager vos idées d’amélioration ou de
nouvelles façons de faire le travail dans les meilleures
conditions.

Les acteurs clés participants aux ateliers seront sélectionnés


à partir de cette liste de critères partagés :
̵ Sur la base du volontariat. Critère indispensable pour
des contributions qualitatives.
̵ Légitimé par l’entreprise. Sinon, l’entreprise peut ne
pas reconnaitre les scénarios proposés à la fin de la dé-
marche, même s’il s’agit d’une co-construction…
̵ Reconnus légitimes dans leur équipe, ainsi ils seront le
relais pour les salariés en contribuant de façon indirecte
aux ateliers.
̵ L’ensemble des participants doit « couvrir » les différents
services de l’entreprise.
̵ Des profils de « non-managers » doivent être intégrés,
car ils connaissent les activités (au sens de l’ergono-
mie) au quotidien. Dans une configuration mixte, une
attention particulière sera observée permettant l’émer-
gence d’expressions libres. La présence de managers
dans le groupe de participants aux ateliers peut limiter
les échanges sincères à cause du pouvoir et de l’autorité
dont ils disposent habituellement.

Ils doivent respecter la diversité :


̵ De genre (homme et femme), si possible d’obtenir la parité.
̵ Les salariés handicapés pouvant avoir des approches
différentes dans la réalisation du travail.
̵ De l’ensemble des salariés : membres du CSE.
̵ …

152
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Accepteriez-vous de participer à un atelier dans le-


quel vous feriez remonter vos besoins, ainsi vous pré-
senteriez des idées d’amélioration de l’existant ou des
propositions innovantes.

Le nombre de volontaires permettra de mesurer le


niveau d’engagement et d’ouverture des salariés.

Parmi eux, le dirigeant sélectionnera, sur la base de


critères partagés, les participants aux différents ateliers.

8. Mise en œuvre du diagnostic

Nous venons de parcourir, dans les chapitres précédents,


quelques ressources issues des sciences sociales. Des sugges-
tions de questions vous ont aussi été proposées avec leurs ex-
ploitations potentielles. Vous devrez les adapter à votre contexte.
Toutefois, ne pas interroger une thématique peut vous faire
perdre des informations précieuses.

Votre consultant « externe » peut vous aider à élaborer ce


questionnaire. Voir le premier encadré de l’Étape 1.

JP A : Les questions posées brossent un très large


spectre de l’entreprise, même elles le dépassent parfois.

153
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Je mesure aussi la complexité nécessaire à prendre en


compte pour donner les meilleures chances de réus-
site du projet.

Ce diagnostic vous donnera un état des lieux plutôt qualita-


tif et quantitatif de votre situation de départ ! Bien sûr, il s’agit
d’informations déclaratives de la part des répondants. Les ré-
ponses apportées à certaines questions pourront être détour-
nées ou contournées. C’est vrai ! Pour reprendre un point déjà
abordé précédemment, cette demande peut être considérée
comme un travail, une activité à part entière, une activité sup-
plémentaire ! Une reconnaissance de leur disponibilité pourra
être évaluée.

Pour obtenir les réponses de meilleure qualité, les conditions


de leur mise en œuvre seront très importantes. Par exemple, ré-
pondre aux questionnaires est-il pris sur leur temps de travail ?
Ne pas négliger l’intervention d’un consultant « externe » per-
mettant ainsi le respect de l’anonymat, s’il est attendu.

Pour engager les salariés à répondre au diagnostic, ques-


tionnaires et entretiens, le rappel du contexte, les raisons, les
attentes situées dans l’histoire de l’entreprise seront un plus.

8.1 - Les questionnaires

Le questionnaire doit être envoyé à tous les acteurs de l’entre-


prise. La transmission de cette information (sa communication)
devra « engager » les salariés à répondre de façon authentique.

La qualité des réponses est recherchée davantage que le


délai des réponses. Il faudra être vigilant à ce qu’un maximum
de salariés réponde de façon qualitative. Par exemple, tenir
compte des salariés en déplacement, en repos.

154
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

Pour compléter les réponses aux questionnaires, des


échanges bilatéraux seront proposés. Les éléments de l’étape 2 :
« la (re)découverte de l’entreprise » serviront de support à ses
échanges. Les échanges d’une durée d’environ 30 min permet-
tront d’avoir des réponses plus détaillées, des précisions quali-
tatives. Les questions devront être exprimées de façon ouverte.
Le non verbal sera bien sûr très important, tant du point de vue
de l’interviewer que de l’interviewé.

JP A : Les questionnaires sont désormais prêts. Tu


peux les envoyer à tous les salariés.

Isabelle, de la communication : Je fais l’envoi, je leur


précise qu’un temps sera prévu par leur manager sur
leur temps de travail pour répondre individuellement
aux questionnaires. Un moment collectif, tel qu’une
réunion, ne sera pas approprié, même si bien sûr ils
peuvent se réunir entre eux à titre personnel.

Je préciserai que la qualité de leur réponse est im-


portante pour qu’ils puissent en fin de compte bénéfi-
cier de meilleures conditions de travail.

JP A : Pour les engager à apporter des réponses


pertinentes, quelles sont tes propositions ?

Isabelle : Je propose que chacun des répondants


reçoive la synthèse des réponses et l’analyse réalisée
à partir de ces données. L’analyse sera exploitée pour
travailler à l’amélioration de la performance globale
de l’entreprise. Ainsi, ils seront davantage engagés à
apporter des réponses vraiment qualitatives. De plus,
un climat de confiance s’installera.

155
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

JP A : Excellent. Dis-leur aussi qu’ils pourront être sé-


lectionnés pour un échange bilatéral avec le « consul-
tant externe ».

Isabelle : D’accord, j’ajoute cela à l’envoi des ques-


tionnaires.

D’autres acteurs peuvent aussi être clé suivant votre activité.


Dans tous les cas, leurs contributions peuvent être précieuses.
Je parle ici de vos « utilisateurs » externes. De qui s’agit-il ? :
̵ Évidemment, vos clients ! Ils achètent vos produits ou
vos services et constituent votre chiffre d’affaires.
̵ Et aussi vos fournisseurs, vos partenaires, ils sont en
contact régulier avec votre entreprise…

Ils peuvent vous dire ce qu’ils pensent de votre entreprise, de


ce qu’ils vous achètent, de ce qu’ils vous vendent ?
S’ils peuvent exprimer leurs difficultés, ils peuvent égale-
ment vous proposer des évolutions, des innovations, dans leurs
intérêts et aussi dans celui de votre entreprise.

De façon générale, et dans la mesure du possible, il est im-


portant de les associer, au minimum de les écouter.

8.2 - La consolidation des réponses

L’état des lieux sera réalisé par la consolidation de


toutes les réponses aux questionnaires et aux échanges
bilatéraux.
Les conclusions seront élaborées, et anonymisées
par le consultant « externe » si telle est la demande. Elles
seront transmises vers tous les contributeurs (Direction,
managers, collaborateurs) au diagnostic.
Ainsi, l’entreprise montre son ouverture et la confiance
dans ses salariés. La confiance est un élément clé dans ce
type de démarche. Tout signe dans ce sens ne doit pas
être négligé, il doit même être recherché.

156
Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise

« Avoir confiance en quelqu’un qui est digne de


confiance, ce n’est pas de la confiance, mais du calcul
économique. Aimer un être aimable n’est pas de l’amour,
mais de l’économie.»96 James March.

96. March, J. G., compte-rendu rédigé par Garel, G., Godelier, E., Weil, T. (1999). Les
mythes du management. Annales de l’École de Paris, 5.

157
Étape 3
L’élaboration de scénarios

Afin d’apporter les meilleures « solutions », il faut avoir bien


identifié les « problèmes » à résoudre !
Je parle bien ici du problème, et pas du symptôme, comme
le rappelle François Dupuy dans son livre « La Faillite de la
pensée managériale »97.

Le symptôme est souvent pris comme le problème et donc


la solution finalement investie et mise en œuvre n’est pas
adéquate.
François Dupuy dit que l’identification du problème
nécessite aussi un investissement, mais celui-ci est intellectuel,
plus difficile et plus douloureux… !

En mettant en place la démarche proposée, il s’agit


précisément de répondre aux problèmes !

1. Préparation des ateliers

JP A reçoit, comme tous les répondants, la synthèse


et l’analyse du consultant « externe ». Il recueille aussi la
liste des volontaires pour participer aux ateliers de la
démarche.

97. Dupuy, F. (2015). La faillite de la pensée managériale: lost in management 2. Seuil.

159
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

JP A : Je suis très satisfait du nombre de répon-


dants. Je vais analyser les conclusions du diagnostic.
Je sélectionne, suivant les critères partagés (cf.
Étape 2, chapitre 7.4 : Des salariés co-auteurs du chan-
gement), les 8 membres qui participeront aux ateliers.
Je leur fais confiance pour contribuer à trouver des ré-
ponses pertinentes pour NOTRE entreprise.

Les acteurs clés rejoignant maintenant les ateliers sont dé-


sormais identifiés.
Construire un collectif ne se décrète pas, des conditions
doivent être mises en place pour qu’il s’installe et se développe.
On peut rapprocher cette structure d’un mode projet. Les
acteurs ne se connaissent pas nécessairement et n’ont pas
identifié précisément les rôles des uns et des autres dans l’en-
treprise ainsi que leur place dans la chaine de valeur.

Au sein de l’entreprise, tous les acteurs (à titre individuel ou


en groupe) ont leurs propres enjeux. Chaque acteur évalue ses
comportements et ses actions à travers des alliances, des chan-
gements de postures.

On ne travaille jamais seul !

Une coopération doit pouvoir s’installer…


Coopérer, ce n’est pas collaborer !

La mise en place d’espace de discussion (EDD98) ou de dia-


logue est la condition pour que de réels échanges autour du
travail puissent avoir lieu. C’est dans ce cadre que se situent nos
ateliers.

De façon générale, les ateliers doivent :


̵ Impliquer le dirigeant dans la mise en place de ces ateliers.

98. Detchessahar, M. (2001). Quand discuter, c’est produire… Pour une théorie de l’es-
pace de discussion en situation de gestion. Revue française de gestion, 132, 32-43.

160
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Sinon, les acteurs vont rapidement s’en désengager. En


effet, si le patron ne se sent pas concerné, pourquoi moi
je m’engagerais !
̵ Se mettre d’accord sur les intentions attendues (pas sur
des prétextes). Sinon, chacun des participants proposera
ses idées, mais ne débouchera pas sur des réponses
partagées.
̵ Construire un climat de confiance : la confiance ne se
décrète pas, elle se met en place progressivement, en
écoutant et en respectant chacune des propositions,
même si toutes ne pourront être retenues.

Le déroulement pratique de la démarche :


La démarche se déroulera sous la forme de plusieurs ate-
liers de demi-journées (ou journées) répartis sur maximum 4 à
6 mois.

Les salariés contribuent ainsi aux ateliers tout en préser-


vant au mieux leurs activités quotidiennes. La répartition sur
plusieurs semaines permet un temps de mûrissement des ré-
ponses pour qu’elles soient les plus pertinentes. Entre les ate-
liers, des échanges formels et informels au sein des équipes ou
entre les équipes seront encouragés pour permettre de collec-
ter des retours d’expériences à partager au sein des sessions
d’ateliers.

Malgré l’urgence, raccourcir les délais favoriserait des « solu-


tions spontanées » pas forcément qualitatives.

L’utilisation de cette démarche optimisera vos investisse-


ments (pas seulement financiers).

- Le chef de projet

Dans les conditions de réussite du projet, le chef doit être lé-


gitimé, s’il ne l’est pas déjà, par le dirigeant qui lui accordera des
pouvoirs rationnels légaux. Mais, au-delà et surtout, il devra être

161
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

légitime pour les participants aux ateliers. Pour ces derniers, la


légitimité vient le plus souvent de la culture de l’entreprise. La
légitimité peut venir du niveau hiérarchique, de la compétence
technique, de l’expérience sur des projets similaires, comme de
l’ancienneté dans l’entreprise.

Dans les Grands Groupes, ou dans les entreprises plus pe-


tites, on voit fleurir de nombreux projets. Chaque action à
mettre en place devient un projet, à la tête duquel il faut mettre
un chef de projet. Comme l’affirme le sociologue François Du-
puy, « La multiplication des chefs de projet est une catastrophe
managériale majeure »99. Ils insistent sur le fait que tous ne sont
pas soutenus par leur responsable, ne disposent pas des com-
pétences et de l’autorité, de la légitimité parfois, nécessaires à
la fonction.

La fonction de chef de projet ne se limite donc pas aux seules


compétences en gestion de projet.

Si le chef de projet a une fonction spécifique au sein du


groupe projet, il en fait partie ! À ce titre, il est concerné aussi
par les propos suivants !

- Le collectif de travail

Un collectif de travail n’est pas une collection d’individus100 !


L’équipe projet est surtout un collectif de travail.

Pour mettre en évidence les différentes dimensions du


collectif de travail, je m’inspire ici de « La rose des vents » de
Jean-Pierre Boutinet101, psychosociologue et professeur émérite.
Nous allons passer maintenant en revue toutes ces dimen-
sions à partir des deux axes.

99. Bys, C. (16 Janvier 2015). « La multiplication des chefs de projet est une
catastrophe managériale majeure », affirme le sociologue François Du-
puy. L’usine nouvelle. https://www.usinenouvelle.com/article/la-multiplica-
tion-des-chefs-de-projet-est-une-catastrophe-manageriale-majeure-af-
firme-le-sociologue-francois-dupuy.N307730
100. Clot, Y. (2008). Travail et pouvoir d’agir. PUF, coll.« Le travail humain ».
101. Boutinet, J. P. (2010). Grammaires des conduites à projet. Presses Universitaires
de France.

162
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Pôle technique
(action - réalisation)

Créativité Réalisations
et collectives

Pôle individuel Pôle collectif


(Construction (Organisation)
identitaire et
représentation)

Motivation Partage
et entre
les acteurs

Pôle existentiel
(Valeur - sens donné - légitimité)

Inspiré de la «rose des vents» par JP Boutinet

- Entre individu et équipe projet

Représenté par l’axe acteurs individuels et organisation du


collectif.

Lorsque l’acteur individuel, le salarié, arrive dans une équipe


projet, il apporte son histoire personnelle, ses valeurs, ses en-
jeux, ses représentations.
Le collectif du groupe projet jouera aussi un rôle important
sur chacun de ses membres. Chacun pourra décider de s’enga-
ger, ou pas, dans le projet, en fonction de ce qu’il va y trouver et
ce qu’il recherche consciemment, ou non.
Par exemple : si le groupe est très structuré, il pourra limiter
l’engagement du salarié qui cherche de l’ouverture, du partage
ouvert.

163
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

L’individu vient aussi avec ses expériences qui auront un im-


pact sur ce projet : une expérience vécue dans un projet pré-
cédent similaire aura un impact sur son niveau d’engagement.
Par exemple, la réaction d’un salarié : La dernière fois, on a été
en retard sur le projet, car le chef de projet n’a pas compris ce
qu’on lui a dit et que l’on a perdu du temps… De plus, un expert
dans le projet n’était pas souvent à l’heure lors de nos réunions
et n’avait pas avancé sur ses actions pourtant prioritaires. Je vais
voir comment je vais m’engager dans ce projet…

Le chef de projet est aussi un individu du collectif de projet.


À ce titre, il ne doit pas imposer les actions à mener, s’imposer,
au sein du groupe. Il doit trouver des compromis. Bien sûr, il a
une fonction particulière, mais, isolé, il ne pourra répondre effi-
cacement au demandeur, au sponsor du projet.

- Entre sens et réalisation

Représenté par l’axe : sens et réalisation de l’action


L’action à réaliser, « l’objet » à concevoir ne peut pas se faire
sans le sens, celui donné par le salarié (à titre individuel) et aussi
par le collectif (l’équipe projet).
Cette tension n’est pas toujours prise en compte dans l’en-
treprise, car focalisée sur l’action. Une difficulté à ce niveau peut
mettre à mal la qualité de l’action et son délai de réalisation.
Comprendre ce qui est à l’origine du projet, son histoire,
pourquoi ce projet, pour quoi ce projet, doit être partagé pour
que chacun puisse donner du sens, et donc s’engager dans l’ac-
tion.
Par exemple, la réaction d’un salarié : Tu m’as demandé de
faire cela, mais je ne comprends pas pourquoi. À quoi cela va-t-il
servir ? On aurait pu faire plus simple si tu nous avais dit…

Le livrable du projet : la réalisation d’une « œuvre collective »,


au sens de « l’homo faber » d’Hanna Arendt102, doit répondre

102. Arendt, H., Fradier, G., & Ricoeur, P. (1983). Condition de l’homme moderne.
Presses Pocket, Collection : Agora.

164
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

aux enjeux de l’entreprise. Pour cela, elle sera cocréée par les
membres de l’équipe projet. À l’opposé de « homo faber » (la fa-
brication d’une œuvre), l’« l’homo laborans » est le travail routi-
nier, à l’image du laboureur préparant son champ.
Une fois l’œuvre réalisée, les membres de l’équipe seront
fiers de l’œuvre produite.
Cette fierté les engagera dans la mise en œuvre concrète de
ce projet. Les collaborateurs seront plus favorables à contribuer
à vos prochains projets.

- Le partage entre les acteurs

La nécessité de partager des fondements communs, ce qui


va faire qu’il y a un collectif, une équipe, une entreprise. Sans
partage sur ce que l’on fait ensemble et sur ce que fait chacun
pour contribuer au projet, il y aura confusion sur les rôles et les
« livrables » attendus pouvant aboutir à des conflits. Le chef de
projet doit mettre en place les conditions pour qu’un réel par-
tage ait lieu. Ces conditions ne pourront pas se limiter à la mise
en place d’outils digitaux. Les outils de gestion de projet, espace
sur un Réseau Social interne ou externe, sont souvent utiles,
mais rarement suffisants !

Cantonner dans son silo, sur son poste de travail, avec une
cadence importante de production, il n’est pas toujours facile,
voire possible, de partager ses difficultés et ses besoins dans ses
activités.
Comme abordé précédemment, des espaces de discussions
du travail permettront de mieux comprendre le sens de ce que
l’on fait, de l’intérêt pour soi et pour les autres membres.

165
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Je vous présente la pertinence à partager au sein


d’un collectif avec le visuel suivant : la fenêtre de Jo-
hari103. Joseph Luft (Jo) et Harrington (hari) Ingham en
1955 aux USA ont développé cet outil pour aider les per-
sonnes à mieux comprendre leur relation avec elles-
mêmes et avec les autres.

Je vous propose de passer en revue les différents


quadrants :

Zone d’ouverture

1. Zone d’ouverture : « Connu de soi-même, connu


des autres. »
Ce secteur représente toute l’information que vous
partagez librement autour de vous. Les informations
sont divulguées simplement en passant du temps
avec vous. Nous pensons parfois que « tout le monde »

103. Luft J and Ingham H. (1955). The Johari Window: a graphic model for interperso-
nal relations, University of California Western Training Lab.

166
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

connait certaines informations « courantes » que per-


sonne ne peut ignorer… Il faut parfois s’en assurer !
L’objectif est, ici, d’augmenter cette zone, en dimi-
nuant les trois autres secteurs. Cette zone doit être la
plus large possible.

2. L’angle mort : « Inconnu de vous-même, connu


des d’autres »,
Vous pouvez diminuer votre angle mort en cher-
chant activement des retours, des réactions de la part
de votre entourage.
On va retrouver ici les informations que vos
collaborateurs connaissent, car ils les manipulent
régulièrement, mais « trop opérationnelles » pour
que, par exemple, le chef de projet, le dirigeant, les
connaisse. Certaines informations peuvent enrichir les
réflexions. Il est alors nécessaire d’être à leur écoute. En
effet, il peut s’agir de signaux faibles ou de « non-dits »
qui en disent long, parfois !

3. Zone cachée : « Connu de vous-même, inconnu


des autres ».
Il est probable qu’il vaut mieux taire certains « dos-
siers » dont vous n’êtes pas fier. Il est bien évident que
certaines informations doivent rester confidentielles (fi-
nancières ou juridiques, par exemple) que le dirigeant
détient. Le dirigeant doit toutefois partager largement,
avec ses salariés, ses expériences, ses connaissances.
Sans tomber dans la dictature de la transparence, de
nombreuses informations sont « communicables ». À
ce moment-là, c’est le premier acte de confiance émis
par le dirigeant envers ses salariés (managers ou non).
Cette communication peut nécessiter des efforts im-
portants, des modifications profondes avec des pertes
de pouvoirs.

167
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

4. Zone inconnue : « Inconnu de vous-même, incon-


nu des autres ».
Grâce à des échanges, lors de groupes de travail ou
de réunions, c’est l’occasion de partager pour que cette
zone se réduise.

C’est à cette occasion que, grâce à l’intelligence du


collectif de travail, la zone d’ouverture s’élargit. C’est
surtout la quantité et la qualité d’échange d’expériences,
des connaissances, ainsi disponibles, à partir desquelles
des idées nouvelles sur l’organisation du travail peuvent
émerger. Ces idées pourront aboutir à des procédures
inédites, voire des inventions de produits et services,
pouvant déboucher sur des innovations.
C’est justement l’objet des ateliers de la démarche.

Pour cela, un collectif de travail doit être mis en place. Ce


n’est pas si simple ! Quelques précautions comme la pensée de
groupe peuvent rendre l’équipe projet peu efficace, voire in-
fructueuse.

Au début de notre parcours, nous avons déjà abordé la pres-


sion sociale avec Asch. Au sein d’un groupe, on va retrouver aus-
si un conformisme, que l’on appelle la pensée de groupe.

L’effet Janis, ou Groupthink (la pensée de groupe104)


survient lorsque des individus se rallient à la décision
d’un collectif, et ceci, quelle que soit leur propre opinion.

104. Janis, I. (1972). Victims of groupthink: Psychological studies of policy decisions and
fiascoes. Houghton Miflin Company.

168
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Les huit symptômes de la pensée de groupe identi-


fiés par Irving Janis sont divisés en trois types.

Premier type : surestimations du groupe


̵ L’illusion de l’invulnérabilité. Nous avons déjà
vécu des situations bien plus difficiles. En-
semble, nous ne pouvons que réussir !
̵ La confiance aveugle en la moralité inhérente
au groupe. Tous les moyens sont bons pour
obtenir ce qu’on veut, quelles qu’en soient les
conséquences.

Deuxième type : l’étroitesse d’esprit


̵ La recherche de la rationalisation évite de repé-
rer des alertes. On se concentre sur ce que l’on a
décidé, on ne se disperse pas !
̵ L’image des autres est dégradée. Il faut les igno-
rer. Ils ne nous empêcheront pas de parvenir à
nos fins.

Troisième type : la pression de la conformité


̵ L’autocensure par rapport au consensus du
reste du groupe. Si le reste du groupe le dit, c’est
qu’ils ont raison.
̵ L’illusion partagée de l’unanimité. Personne n’ose
exprimer son désaccord, « le silence vaut accord ».
̵ La pression directe sur les membres qui expriment
des arguments solides et précisent clairement leur
désaccord. Vous avez intérêt à vous taire!
̵ L’émergence de gardiens de la pensée, consis-
tant à protéger le groupe proposant des infor-
mations contraires. Pour qui il se prend, lui, à dire
des choses que l’on ne veut pas entendre ici !

169
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Lorsqu’un groupe présente la plupart des


symptômes de la pensée de groupe, les conséquences
peuvent être graves : l’explosion de la navette
Challenger105, en est une des illustrations flagrantes.

Se conformer aux autres peut arriver à tout le monde, même


aux plus grands !

Pour obtenir « la meilleure réponse» au sein d’un groupe, on


peut vouloir chercher à mettre tout le monde d’accord, et on va
chercher à trouver un consensus. Cette solution qui convient à tout
le monde n’est pas forcément une « bonne» réponse! Pourquoi ?

Chacun des membres du groupe ne souhaite pas s’investir


dans le projet, pour des raisons de disponibilité, de perte
de « confort ». Le plus souvent, c’est la peur de partager ses
précieuses informations (voir le chapitre 6.1 Ses pouvoirs), la peur
des réactions des autres participants, la peur de commettre
une erreur. Il peut aussi ne pas avoir à défendre sa position ou
ses idées…
Ainsi, le silence de tous valant un accord, la proposition origi-
nale est considérée comme validée par l’ensemble de l’équipe
projet.

Comme cela a été indiqué plus haut, les conditions de par-


tages : l’expression libre, le droit à l’erreur, le respect de la parole
des autres… doivent être prépondérants dans tous les échanges.
Ces conditions sont à la charge du chef de projet.

- La motivation et la reconnaissance.

Chaque individu doit nécessairement être motivé pour


apporter le meilleur au projet. Pour cela, le projet doit faire sens
pour chacun d’eux. Les contributions au projet doivent être

105. Reverdy, T. (2021). Antimanuel de management de projet: composer avec les


incertitudes. Dunod.

170
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

« suffisamment » en accord avec leurs propres représentations,


leurs valeurs, comment ils les perçoivent. En cas de désaccord,
les contributions seront moins qualitatives, et elles pourront
impacter l’ensemble du projet. Dans ce cas, un minimum
d’adhésion devra être poursuivi sinon rechercher un autre
contributeur au projet. Comme nous l’avons vu dans les modes
de reconnaissance, les récompenses matérielles ne sont pas
forcément la bonne réponse. La fierté d’avoir fait partie d’un
collectif qui a contribué à résoudre un problème, à apporter
une réponse vraiment qualitative est une reconnaissance d’une
grande valeur, une œuvre. Comme déjà abordé plus haut.

- La créativité et les compétences

Le chef de projet s’assure que les membres de l’équipe


projet disposent des compétences attendues, techniques ou
non. Si elles sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. Les
conditions de réalisation du projet doivent permettre à l’indivi-
du d’être une force de proposition, d’initier des inventions, qui
deviendront peut-être des innovations.

La posture des salariés, entre « légaliste » et « innovateur »106.


Lorsque l’on a abordé les activités de travail, nous avons
vu que, à travers les dispositifs, l’entreprise va demander à
ses salariés, dans ses activités quotidiennes, de respecter les
processus et les procédures. Ce type de sollicitation de la part
de l’entreprise apporte le plus souvent de bons résultats, en
particulier dans les secteurs « industriels », mais aussi dans les
« services de masse ». Dans ce cas, et pour augmenter davantage
la productivité, des outillages numériques (comme les robots,
par exemple) se substituent progressivement aux individus.

C’est, le plus souvent, la posture «légaliste» qui est attendue de la


part de ces salariés à qui l’on demande de respecter strictement les
règles, les normes, les processus et les procédures. Pour cela, ils doivent
accepter d’être contrôlés, au moyen d’indicateurs, par exemple.

106. Alter, N. (2000). L’innovation ordinaire. PUF, coll. Sociologies.

171
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Dans le même temps, l’entreprise demande à ses salariés


de s’adapter pour apporter le meilleur service à ses clients,
et souhaite qu’ils soient des « innovateurs ». En effet, avec la
personnalisation des produits et des services et les besoins
urgents et imprévus, le salarié doit faire preuve d’imagination,
d’invention, de créativité, d’intelligence…
Les innovateurs vont chercher à trouver des inventions pour
améliorer les conditions dans lesquelles ils réalisent leurs acti-
vités pour bénéficier de davantage de marges de manœuvre.
Ils peuvent aussi désirer développer leurs compétences ou faire
un travail de meilleure qualité, de leur point de vue. Ils peuvent
proposer aussi des améliorations de procédures, de nouveaux
modes de coordination ou d’organisation.

Comme nous l’avons vu précédemment dans les conditions de


réalisation du travail (Étape 2, chapitre 7.3 : Les conditions de réalisa-
tion du travail), l’individu doit combiner, conjoindre, «réguler de façon
conjointe» entre la «régulation de contrainte»107 imposée par les dis-
positifs (ici, la légalité) et la «régulation autonome» (ici, son inventivité).

Dirigeants, ou managers, vous avez peut-être déjà sanction-


né ces salariés qui ont fait preuve de trop de créativité, pris trop
de risques, commis des erreurs. L’entreprise estime-t-elle l’erreur
commise par l’innovateur comme une faute professionnelle ? Si
la faute est avérée, une sanction peut, en effet, être appliquée.

Au moment de l’élaboration de leur « invention », les inno-


vateurs vont devoir éventuellement ne pas respecter certaines
règles et donc s’opposer aux légalistes. Les pouvoirs des léga-
listes sont ainsi menacés en réduisant certaines de leurs marges
de manœuvre et donc de les défavoriser.
Par exemple : les légalistes peuvent vivre comme une « in-
justice » qu’eux s’attachent à respecter les consignes, tandis que
d’autres, les déviants, s’en affranchissent. Certains seront même
récompensés grâce à leur invention… !

107. Reynaud, J. D. (1988). Les régulations dans les organisations: régulation de


contrôle et régulation autonome. Revue française de sociologie.

172
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Les « innovateurs » peuvent être considérés par la Direction


comme des « déviants108 », terme utilisé par le sociologue Nor-
bert Alter, comme dangereux car mettant en péril l’entreprise…

À l’image des salariés dans ses activités de travail, l’entreprise


est prise dans un dilemme : faire comme on a toujours fait pour
limiter les risques mais ne répond pas aux besoins actuels…
ou procéder différemment en inventant d’autres façons de
travailler pouvant déboucher sur des conflits. En effet, faire
autrement c’est créer de nouvelles zones d’incertitudes. Les
acteurs concernés vont donc rechercher de nouvelles zones
d’incertitude comme source de nouveaux pouvoirs.

Pour répondre à ce type de conflit, l’entreprise va devoir in-


tervenir auprès :
̵ Des « légalistes » en instituant de nouvelles règles pour
qu’ils restent légitimes.
̵ Des « innovateurs » en les faisant reconnaitre à travers
leur innovation bénéficiant à l’entreprise. Sans interven-
tion explicite de l’entreprise, les individus risquent de se
désengager.

La situation sera différente en fonction aussi de la culture de


l’entreprise, le droit à l’erreur qu’elle soutient réellement dans
l’entreprise. Cette flexibilité accordée peut être très différente
de celle mentionnée dans la communication officielle !

Les réponses « innovantes » ne sont pas nécessairement tech-


niques, même si elles sont supportées par des outils digitaux : co-
voiturage, réseaux sociaux, rénovation et ventes de produits d’occa-
sion… Les innovations peuvent être dans la façon de se coordonner,
de s’organiser, de procéder pour réaliser un geste technique…

« L’innovation diffère de l’invention, en ce sens où elle repré-


sente la mise en œuvre de cette invention et son intégration
dans un milieu social »109.

108. Alter, N. (2000). L’innovation ordinaire. PUF, coll. Sociologies.


109. Alter, N. (2000). L’innovation ordinaire. PUF, coll. Sociologies.

173
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Dans le cadre d’un projet, comme dans les ateliers de la dé-


marche, il sera demandé aux participants d’être créatifs ! C’est-
à-dire, on attend d’eux qu’ils fassent, ce que d’habitude on leur
demande de NE PAS faire, d’être des déviants !
Même si ces nouvelles consignes sont claires et partagées, la
mobilisation de l’intelligence des acteurs n’est pas immédiate !

- Les capacités de réalisation collective

Les moyens adaptés doivent être mis en place. On trouvera


par exemple des procédures et moyens de coordination. Des
espaces d’échanges de proximité entre personnes physiques
seront un facteur facilitant.
La technologie ne permet pas de façon simple les messages
oraux, le plus souvent informels.
Le chef de projet devra être vigilant sur ces aspects.

- Ce projet : la mise en place de la démarche

Un projet de transformation est davantage qu’un « simple »


projet, car :
̵ Il nécessite de prendre en compte la complexité interne
de l’entreprise, son contexte ainsi que les changements
souvent rapides et imprévus, de son environnement.
̵ Il n’a pas de fin, car l’environnement change de façon
continue. Voir l’Étape 6 : Pour une transformation durable.
Pour que les actions collectives se réalisent, leurs finalités
doivent être partagées. Sinon chacun investit ses seuls objec-
tifs personnels et les objectifs collectifs assurant la cohérence
globale seront mis à mal. Si le projet ne fait pas sens pour le
collaborateur, il contribuera à minima et n’apportera pas son
intelligence, sa « perspicacité ». Sans compétence effective, il ne
pourra contribuer efficacement au projet sur ses dimensions
« techniques » ou non.

La finalité de tout projet est de réaliser une action détermi-

174
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

née avec un objectif défini dans un délai imparti, même si elle


peut évoluer à tout moment… En effet, le projet, tel que la mise
en place de cette démarche, étant « sans fin », la finalité devra
évoluer en fonction de modification de l’environnement de
l’entreprise et pour que la performance soit durable.

2. Atelier 1 : La compréhension du contexte


et de l’environnement

La phase de préparation des ateliers a permis d’identifier


les points de vigilance pour permettre des échanges suffisam-
ment libres pour être fructueux. Sans liberté de parole, vous
ne pourrez identifier, au moins en savoir plus, sur les situations
réelles de travail rencontrées par vos salariés, ce qu’ils n’ont pas
eu l’occasion de vous dire, depuis ces dernières années parfois…

L’atelier 1 va établir ce que les participants font ensemble, ce qui


doit inspirer leurs actions, pas les guider! Guider signifierait utili-
ser les « indications » données par le dirigeant à suivre comme des
règles. Suivre les règles, être légaliste, ne permettra pas d’inventer,
de créer des réponses pouvant déboucher sur des innovations.

Le cadre prévu par le dirigeant peut être élargi, doit être élar-
gi, pour ne pas se restreindre et devoir se limiter à une cible de
marché ou à un service trop proche de la situation actuelle.
En effet, l’intention, l’ambition du dirigeant doit être écou-
tée, mais ne doit pas limiter l’Exploration qui sera menée lors
des prochains ateliers !

Cet atelier 1 va donner le cadre des futures discussions à cha-


cun des contributeurs, directes et indirectes, dans les ateliers
suivants. Cet atelier a pour but d’appréhender et de partager
le contexte, économique, social, réglementaire…, de votre en-
treprise. Ainsi, un premier état des lieux de l’environnement se
dessinera, même si tous les participants ne verront possible-
ment pas tous, tout à fait, le même dessin à la fin de la séance !
Si pour le dirigeant, il est difficile d’appréhender complète-

175
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

ment et parfaitement son environnement, il en est de même


pour les salariés. Au quotidien, chacun, sur son poste de travail,
dans son « silo », connait son environnement immédiat. Par
manque de temps le plus souvent, et aussi par manque d’in-
térêt, ils n’ont pas d’occasion favorable, de « disponibilité », de
s’extraire de leur quotidien, de « sortir de la Caverne de Platon »
(voir au début de l’Étape 2 : La (re)découverte de l’entreprise).
C’est-à-dire, la nécessité de prendre du recul, de recontextuali-
ser l’entreprise et de mettre en perspective ses enjeux.

Pour mettre en perspective ce que fait aujourd’hui l’entre-


prise, regardons dans le rétroviseur ce qu’elle a fait pour en arri-
ver à sa situation actuelle.
En effet, depuis sa création, au cours de son histoire, l’entre-
prise a probablement connu de nombreuses évolutions, des pe-
tits et de grands changements, des succès ou des revers. C’est
ce qui a fondé sa culture (voir Étape 2, chapitre 4 : La culture de
l’entreprise).

Partager le récit de l’entreprise avec ses acteurs c’est les ras-


sembler dans un référentiel commun, c’est appartenir à une
même famille, à un même destin.

Quels que soit les changements dont l’entreprise a dû faire


face, ils ont impacté les salariés dans leur vécu :
̵ Les conséquences ont pu être favorables pour les sala-
riés. Ils ont pu bénéficier d’activités plus intéressantes,
de leur point de vue, ou accéder à des fonctions plus va-
lorisantes, qui leur accordaient davantage de pouvoir ou
de légitimité.
̵ Pour d’autres salariés, les conséquences ont pu être dé-
solantes. Ils ont dû se replier sur des activités ennuyeuses
ou se contenter de fonctions dévalorisantes, de leur point
de vue, avec des pertes d’avantage ou de pouvoir.
C’est grâce aux partages de ces expériences, bonnes et
mauvaises, mais exprimées, que des échanges qualitatifs pour-
ront être générés.
Une telle organisation peut sembler simple, voire simpliste,

176
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

mais ce n’est en rien évident. En effet, elle nécessite l’accord,


l’encouragement et l’implication forte du dirigeant. De plus, re-
prendre l’histoire de l’entreprise avec ses zones d’ombre n’est
jamais simple.

Effectivement, c’est potentiellement pour le dirigeant une


épreuve difficile, car il peut la vivre comme une perte (totale)
de son pouvoir et de sa légitimité ! Ce qui était son rôle principal
hier est mis aujourd’hui entre les mains de ses salariés (de ses
subordonnés).
De même, pour les salariés, ce peut être très déstabilisant,
car on leur a toujours demandé d’exécuter les ordres sans les
discuter !

Disposer de connaissances de la réalité proche du réel de


l’environnement permettra d’identifier les problèmes, et pas les
symptômes, et donc de prendre de meilleures décisions.

Associer les parties prenantes, en particulier internes, c’est les


considérer, les reconnaitre, c’est un véritable gage de confiance.

De part et d’autre, si la confiance ne peut pas être totale, la


méfiance doit se réduire au maximum.

À cette étape, la situation de l’entreprise aussi précise que


possible est partagée avec tous les acteurs de l’entreprise.

177
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

JP A : Lorsque j’ai dû procéder à des changements


internes, j’ai décidé moi-même des modifications à ap-
porter, c’était plus simple et plus rapide ! Je reconnais
que l’on pouvait probablement faire mieux, mais je ne
le regrette pas ! J’ai en particulier simplifié certaines
procédures trop couteuses en temps et en argent.

Je m’en rends compte, que, tout seul, je ne peux


plus tout faire même si cela a toujours été le cas par le
passé. En faisant ainsi contribuer mes salariés j’avoue
que cela me dérange, même me bouleverse !

L’environnement est tellement complexe, imprévi-


sible et soudain. Je crois que je n’ai plus vraiment le
choix, je ne peux plus tout maitriser tout seul.

L’état des lieux que je fais de l’entreprise est le suivant :


̵ Nous perdons des parts de marchés sur nos
marchés actuels.
̵ Nos produits sont trop chers
̵ Nous ne répondons pas assez vite à nos
clients potentiels.
Pour que notre entreprise subsiste, nous devons
faire quelque chose.
Nous devons, je pense, réduire nos couts et délais in-
ternes et nous devons faire davantage de communication.
Nous devrions peut-être proposer de nouveaux pro-
duits ou services, mais lesquels choisir, nous ne pou-
vons pas nous tromper !

Nos produits sont vraiment plus qualitatifs que nos


concurrents.
Je suis à l’écoute des propositions de mes salariés.

178
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Déroulement de l’atelier 1 :

L’animateur de l’atelier pose la question suivante :


Comment voyez-vous le contexte et l’environne-
ment de l’entreprise pour laquelle vous travaillez ?

Le dirigeant et les salariés présents s’expriment :

̵ Il y a beaucoup de concurrence. On connait


bien sûr les géants internationaux. Ils disposent
de surfaces de vente immenses. Leur accès est
facilité pour que les clients viennent rapide-
ment. On ne peut pas rivaliser !
̵ Il y a aussi tout ce que l’on voit sur internet avec
d’autres géants. Ils vendent de tout, pas seule-
ment des meubles, avec des prix défiant toute
concurrence avec une livraison rapide ! Que
peut-on faire ?
̵ Il y a aussi la difficulté d’accès aux matières
premières, le bois. On constate la rareté de cer-
taines essences, due aux limites des importa-
tions à la suite des évènements géopolitiques.
La moindre quantité de bois disponible nous
oblige à réduire les volumes et ceci à la suite aux
incendies de forêt, et pas seulement en France !
̵ Les couts d’importation augmentent pour nos
approvisionnements, et ils vont aussi augmen-
ter pour les meubles finis, montés ou non.
̵ Nos couts de fabrication sont plus chers, c’est
normal, on est payé plus cher que les Chinois et
les Indiens, heureusement !
̵ Les clients veulent toujours ce qui est le moins cher.
̵ Les clients veulent tout, tout de suite

179
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Si l’on ne trouve pas d’issue, l’entreprise devra… mal-


heureusement… fermer !

Face à une situation financière « délicate », l’enjeu


pour l’entreprise c’est de mettre toutes ses ressources
au service de ses clients. Elle doit apporter des change-
ments, elle doit se transformer complètement !

Le paysage est triste, qu’allons-nous devenir, nous


les salariés ?

Nous devons tous nous mobiliser pour redresser


NOTRE Entreprise, c’est le principal enjeu. On est atta-
ché à notre emploi autant qu’à cette entreprise. C’est
toute notre histoire qu’il y a là, toute notre vie.

Une sortie d’une triste situation sera possible si l’on


répond mieux aux clients, en comprenant mieux leurs
attentes !

3. Atelier 2 : La compréhension des besoins


des utilisateurs

Nous avons vu dans les chapitres précédents, la valeur qu’ap-


porte l’écoute de vos salariés, « vos utilisateurs internes ». En contact
avec « vos utilisateurs externes » : vos clients, vos fournisseurs, vos
partenaires… ils disposent d’informations que le dirigeant ne
connait pas et parfois pourtant essentielles pour construire des
réponses vraiment pertinentes pour toutes les parties prenantes.

Dans cet atelier 2, après le partage du contexte et des en-


jeux, il est maintenant nécessaire d’identifier les « points dou-
loureux », les difficultés, qui épuisent tous les « utilisateurs »,
internes et externes. Ils n’apportent évidemment pas de per-
formance à l’entreprise, ils sont même contre-productifs. Nous
verrons ensuite les besoins à combler pour y répondre.

180
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Dirigeant, lorsque vous rencontrez une difficulté, les choix


suivants s’offrent à vous ! Vous vous dîtes :
̵ C’est peu de choses finalement et ça va s’arranger spon-
tanément. Et en effet, il peut arriver que la situation
s’arrange « spontanément ». En fait, elle a été résolue, ou
contournée, par vos salariés.
̵ Elle mérite une attention particulière. Vous la traitez di-
rectement ou vous la confiez à un manager, ou à un col-
laborateur.
Dans nos vies personnelles et professionnelles, lorsque nous
souhaitons répondre vraiment à une difficulté rencontrée,
nous la considérons comme un problème à résoudre. Mais, si
ce n’était après tout qu’un symptôme ? Le traitement du symp-
tôme ne va pas corriger le problème !

Pour illustrer ce propos, je vous propose l’histoire vécue par


des acteurs concernant un problème de communication dans
les équipes :

- Le dirigeant : j’ai acheté plusieurs licences du nouveau


logiciel qui permet tout type d’échanges entre les collabora-
teurs. C’est, je pense, ce dont on avait besoin. J’ai fait ce que j’ai
pu, j’ai fait ce que je devais faire ! Nous devions répondre rapi-
dement à une situation récurrente et personne n’avait la ré-
ponse, il fallait bien que je prenne une décision ! Ce n’est peut-
être pas la meilleure, mais je devais apporter une réponse.

- Manager : Si on avait été mieux organisé, on aurait pu


mieux partager la difficulté dans les équipes, on aurait proba-
blement trouvé l’origine du problème. Dans mes équipes, j’ai
des experts et l’on peut compter sur eux.

- Collaborateur : Lorsque l’on rencontre ce type de diffi-


culté, on trouve toujours des solutions sur le terrain, on compte
sur notre « réseau interne vraiment social ». J’ai l’impression
que le chef découvre aujourd’hui nos soucis quotidiens depuis
des années. On en a assez de tous ces logiciels, pourquoi ne
pas afficher le tableau de service en permanence. C’est moins

181
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

cher, c’est plus simple, et c’est plus efficace ! Pour les collègues
à distance, un tableau dans un logiciel partagé sur le réseau
internet interne de l’entreprise serait largement suffisant, plus
économique et plus efficace !

Vous avez probablement vécu de type de situation : tout le


monde a de bonnes idées, mais personne ne les partage.

Pour identifier le problème, il faudra bien évidemment s’en


assurer en sollicitant, les équipes concernées de l’entreprise. Ce
n’est pas une garantie d’identifier LE problème, mais éviter des
investissements rapides et inappropriés. La réponse est rare-
ment immédiate et n’est pas détenue par une seule personne,
même pas par le dirigeant.
Si le dirigeant peut avoir une bonne connaissance de son
marché actuel, il n’est pas toujours possible pour lui de détec-
ter des signaux faibles110. Des signes peuvent être « seulement »
perçus par vos salariés à travers leurs relations avec vos « utilisa-
teurs externes », par exemple.

C’est grâce au partage avec les contributeurs directs et indi-


rects que l’identification sera possible. Comme nous l’avons vu
dans les chapitres précédents, le partage n’est pas spontané.
Certains acteurs peuvent, que ce soit intentionnel ou non, ne
pas donner des informations cruciales. La perte de sources de
pouvoir chez les utilisateurs internes peut amener des compor-
tements non coopératifs.

Des utilisateurs externes disposent aussi d’informations


qu’ils préfèrent dissimuler pour ne pas desservir leurs intérêts.
Par exemple : Un fournisseur ne souhaite pas donner cer-
taines informations, car il a en cours des échanges prometteurs
avec d’autres clients…
Et si répondre à un problème n’est pas nécessairement la
bonne réponse.
Et si l’on regardait le besoin, parfois sous-jacent.

110. Taleb, N. N., & Rimoldy, C. (2008). Le cygne noir: la puissance de l’imprévisible. Les
belles lettres.

182
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Un exemple « simpliste » : le client a un problème, car il ne


parvient pas à rentrer en contact avec votre entreprise. Le pro-
blème, c’est un manque de disponibilité de la secrétaire. Ré-
pondre au problème serait de « recruter » une autre personne
pour répondre au téléphone. Si l’on étudie attentivement son
besoin : que cherche à faire (à savoir…) le client ? Il a besoin d’une
information, de prendre un rendez-vous ? La réponse à son be-
soin peut être accessible sur votre site internet.

Répondre à un besoin ne doit donc pas être décidé dans


l’urgence, la demande, formalisée ou non, doit être étudiée
avec les parties prenantes.
Répondre immédiatement, c’est prendre le risque de faire
des investissements non adaptés et de provoquer des effets col-
latéraux sur d’autres postes de travail connexes non identifiés.
Il faudra obligatoirement prendre en compte l’ensemble de
la chaine de valeur.

L’écoute des « utilisateurs externes » ne doit pas être négli-


gée. Dans la mesure du possible, pourquoi ne pas les inviter à
participer à certains ateliers ? Ainsi, vous comprendrez mieux ce
qu’ils ressentent à l’utilisation de vos produits et services. Il peut
être aussi très intéressant de connaitre leur vécu lorsqu’ils sont
en relation avec votre entreprise. Par exemple, que font-ils lors-
qu’ils commandent vos produits, lorsqu’ils les utilisent ou lors
d’un défaut de fonctionnement ? Sans la présence de tous ses
« utilisateurs », l’entreprise n’existerait pas !

Regardons maintenant, avec chacun des contributeurs aux


ateliers, la façon dont l’entreprise répond aujourd’hui à son envi-
ronnement, à ses « utilisateurs », internes et externes. Exemples
de questions :
̵ Quel effort accordez-vous à leur satisfaction ? Sans in-
térêt à leur satisfaction, l’entreprise risque de voir ses
clients et ses collaborateurs la quitter.
̵ Quel effort accordez-vous pour anticiper leurs besoins? Les
anticiper, c’est pouvoir réagir rapidement pour y répondre
qualitativement. Éviter ainsi que vos utilisateurs vous quittent.

183
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

̵ Quel effort accordez-vous pour la personnalisation des


services et de ses relations ? Vos utilisateurs attendent
que l’on réponde spécifiquement à ses besoins, pas à
ceux de son voisin.
̵ Quel effort accordez-vous pour l’amélioration de la qua-
lité de ses produits et services ? Des produits non quali-
tatifs risquent de décevoir vos utilisateurs. Sauf si vous
visez une cible « low cost », votre modèle d’affaires devra
probablement être revu.

Le niveau d’effort accordé indiquera la marge à combler


avec les efforts associés pour que l’entreprise soit vraiment à
l’écoute des besoins de ses utilisateurs.

La réponse peut être vue par le seul angle économique : le


Chiffre d’Affaires, par produits et services dans les reportings
des derniers mois, les dernières années. L’importance de la qua-
lité des relations et les délais peuvent être primordiaux. Ce que
vivent vos utilisateurs est de plus en plus important et n’est pas
forcément quantifiable.
On connait cette approche sous la forme d’eXperience Utili-
sateurs (UX) : l’expérience client et l’expérience « collaborateur »
ou « salarié ».

Nous vivons tous, dans notre vie personnelle ou profession-


nelle, des expériences qui vont nous inciter à revenir (dans le
magasin, sur le site internet) ou à rester (dans l’entreprise, client
de l’entreprise), c’est la fidélisation.
Savez-vous pourquoi ils vous sont encore fidèles ?

Et si vous investissez pour répondre à de mauvaises raisons,


à des symptômes et pas au problème ?
Il peut y avoir des causes différentes, certaines visibles et
d’autres cachées.
La nécessité, donc, d’écouter TOUS VOS utilisateurs n’est pas
une option.

184
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Il ne s’agit pas ici de répondre aux besoins des utilisateurs, in-


ternes et externes.
« Ce n’est pas aux clients de savoir ce dont ils ont besoin ! ».
Ce propos est rapporté de Steve Jobs. En 2000, personne n’a
dit « j’ai besoin d’un smartphone ! », car le smartphone n’existait
pas encore !
En fait, il s’agit de comprendre ce que les utilisateurs vou-
laient faire.
En reprenant l’exemple ci-dessus, les clients voulaient « seu-
lement » pouvoir téléphoner, écouter de la musique et prendre
des photos.

Vous avez probablement des idées sur les raisons de leur fi-
délité ou leur infidélité, mais qu’en est-il vraiment ? Et si vous
leur posiez directement la question ?
Ce n’est pas toujours facile… soit !
Vos collaborateurs, ceux qui sont en proximité de façon quo-
tidienne avec vos utilisateurs « externes », peuvent répondre sur
les différentes interfaces suivantes :
̵ L’avant-vente : ils ont une connaissance de l’origine du besoin
du client, de son contexte… Ce que souhaiterait faire le client,
en recherchant une solution à ses difficultés, ses envies.
̵ La vente : ils ont une connaissance de budget du client,
de son besoin de crédit, de la livraison chez lui… Ce qui
est prioritaire pour le client, en fonction de ses arbitrages
budgétaires.
̵ La production : ils ont une connaissance des besoins et
contraintes des fournisseurs… Ce que le fournisseur at-
tend en matière de réassortiment.
̵ Le SAV : ils ont une connaissance des contraintes les plus
fortes du client à partir de la qualité des réponses, les
délais des réponses, le type et les délais de réparations
ou de remplacement…
Ces connaissances sont essentielles. Ce sont des avis très
qualitatifs et souvent informels, encourageants ou déceptifs.
Des informations remontées lors de la phase de diagnostic à
travers les questionnaires ou échanges bilatéraux peuvent être
très utiles.

185
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Comme nous l’avons vu à l’étape 2, chapitre 7 : les activités


de travail, et dans les modes de contrôle (l’étape 2, chapitre 6.6),
les salariés peuvent avoir intérêt à ne pas dire ce qu’ils vivent, de
donner des détails sur leurs activités, les contournements qu’ils
doivent mener.

Les salariés sont pris dans un dilemme :


̵ Exprimer ce que la hiérarchie de l’entreprise attend
comme réaction. Ainsi, rien ne changera ! Il ne faut
pas parler de sujet «qui fâche» ou «que tout le monde
connait, mais que personne ne veut voir».
̵ Exprimer au manager ce qu’ils vivent au quotidien au
risque d’avoir une réponse telle : ce sujet n’est pas de
mon niveau, je n’ai pas le temps, je te laisse le traiter ! La
charge retombe ainsi sur le salarié qui a osé exprimer
une difficulté. La prochaine fois, il n’en parlera pas et se
débrouillera, comme d’habitude !
̵ Se mettre en retrait. Ne rien exprimer. Les salariés
obéissent, bêtement, simplement, tout en se désenga-
geant émotionnellement.

JP A : En tant que dirigeant, tout le monde me


soumet des problèmes, des petits à faible impact et
des plus importants avec des impacts possiblement
conséquents, voire difficiles à estimer.

Je reconnais que le plus souvent une réponse toujours


urgente est attendue pour résoudre le problème posé.

Je reconnais aussi ne pas prendre suffisamment de


temps pour remonter aux besoins sous-jacents et je ne
réponds peut-être qu’aux symptômes.

186
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Pour cela, je devrais chaque fois interpeller toutes


les personnes concernées, et je ne peux pas me le per-
mettre, je n’ai pas le temps pour tout ça !

Je comprends bien évidemment la nécessité d’être


vigilant sur la trésorerie de l’entreprise. Dépenser de
l’argent pour ne pas répondre au problème auquel on
souhaite apporter une réponse, c’est tout à fait ridicule.

Cet atelier est l’occasion de faire un point sur la si-


tuation actuelle, avec les problèmes courants que je
connais, et probablement tous ceux aussi dont je n’ai
pas connaissance…

En effet, travailler sur les besoins, c’est répondre aux


VRAIES demandes, exprimées ou non, par les intéres-
sés. C’est aussi mieux cibler et mieux prioriser nos ef-
forts, et donc mieux les traiter. Traiter les symptômes,
c’est beaucoup d’investissements, et pas seulement
financiers. D’autant que, pour certains d’entre eux, ils
vont réapparaitre ailleurs, à un autre moment, avec
d’autres investissements à faire…

Ainsi constitué, ce groupe de travail pourra m’être


très utile pour avoir un VRAI retour d’expérience terrain.

La pertinence d’associer des « utilisateurs externes »


me contrarie. Je pense toutefois que les associer nous
permettrait en effet d’aller plus vite et de proposer des
produits attirants pour eux et qu’ils nous achèteront.
On optimisera ainsi nos dépenses en travaux de re-
cherche et de tests.

Déroulement de l’atelier 2 :

L’animateur de l’atelier pose les questions suivantes :

187
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Quels besoins et difficultés rencontrez-vous comme salariés ?


Les salariés présents représentant les différents ser-
vices s’expriment :

- L’avant-vente : je me renseigne auprès de nos


fournisseurs les essences de bois disponibles, je dois
réagir très vite pour réserver ce dont j’aurai probable-
ment besoin. Pour moi, c’est difficile, car je passe les
commandes dès que le commercial reçoit la confir-
mation du client, pour limiter le stock.
- Le vendeur : les budgets du client se réduisent ré-
gulièrement. Ils ont souvent recours au crédit, au paie-
ment échelonné. Dès qu’ils ont décidé, ils veulent être
livrés chez eux le lendemain !
- La fabrication : on doit s’adapter en permanence.
Il manque toujours une pièce, quand ce n’est pas un
panneau entier.
- Le SAV : les clients nous appellent pour un défaut
vraiment mineur d’aspect, pour retarder leur échéance
de paiement. Ils nous appellent pour avoir des conseils
pour le nettoyage ou le transport de leurs meubles.

Quels besoins et difficultés rencontrez-vous comme


clients ou fournisseur ?

Des fournisseurs présents s’expriment :

Nous ne pouvons pas faire mieux pour vous servir.


Quand vous nous interrogez, nous vous répondons
avec les informations dont nous disposons. Avec la
majorité de nos clients, ça se passe comme cela. Cer-
tains de nos clients peuvent consulter notre base de
données où sont disponibles toutes les informations
mises à jour en temps réel.

Si vous le souhaitez, on peut vous obtenir un accès !


Pour toutes les commandes, vous devrez toujours pas-
ser par nous, par téléphone ou par mail.

188
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Aucun salarié de notre entreprise n’avait connais-


sance de cette fonctionnalité ! Ils pourront ainsi gagner
du temps.
̵ Sinon, il y a des bois moins nobles disponibles
plus facilement. Pour les autres, il faut être pa-
tients et disposer de plus de budget… !

Des clients présents s’expriment :


̵ Pour le prix, on s’attend à ne pas avoir de sur-
prise à la réception. Il y a des imperfections, des
tâches, des coloris des tissus « ternis ».

̵ Il y a toujours des retards dans la livraison. On


est prévenu seulement la veille du retard. On
ne peut pas s’organiser du jour au lendemain.
Livrez à l’heure et à la date prévue ou préve-
nez-nous plus tôt.

̵ Vos gammes de produits évoluent peu et sont


assez classiques. Pour de grosses chaines
concurrentes, c’est compréhensible. Pour vous,
une petite entreprise, proportionnellement, on
pourrait s’attendre à des produits plus origi-
naux, que l’on pourrait personnaliser en fonc-
tion des pièces de la maison.

̵ Un vendeur de DECOR SALON. Oui, je sais pour


la personnalisation, on me l’a déjà dit. J’en
avais d’ailleurs déjà parlé à Mr JP A., mais il m’a
dit qu’on serait obligé de monter nos prix, et nos
couts seraient alors encore trop élevés.

̵ Un client : Moi, j’ai des meubles anciens,


très anciens, à la maison. Ils étaient à mes
grands-parents ! Je voudrais les mettre dans
mon salon, mais ils sont en mauvais état.
Pourriez-vous faire quelque chose ? Vous
connaissez le bois, les produits, le savoir-faire ?

189
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

̵ Un salarié : Je suis ébéniste depuis l’âge de


18 ans, mon père aussi était ébéniste. Je connais
bien l’entretien de meubles, j’ai commencé
mon métier comme cela. Je ne me sers pas
beaucoup, aujourd’hui, de ces compétences…
Depuis ces dernières années, je ne fais que du
mobilier neuf !

̵ Un client : Moi, j’ai des meubles anciens, très


anciens et très solides. Ils sont dans mon ga-
rage et prennent beaucoup de place. Je pense
qu’ils sont trop abimés pour être cirés ou ver-
nis. Ne pourrait-on pas les peindre, tout simple-
ment, tout en bleu, en gris, en orange même,
pour faire moderne ? Certains repeignent leurs
meubles de cuisine, comme cela ! Personnel-
lement, je n’en voudrais pas, mais ça pourrait
intéresser certaines personnes… Qu’en pen-
sez-vous ?

̵ Un salarié : oui, bien sûr, on peut les peindre


pour vous ! Si vous voulez, on pourrait aussi vous
vendre les produits nécessaires et vous le faites
vous-même.

̵ Un client : On n’a pas tous la même utilisation


d’un meuble. Un meuble pour ranger, pour po-
ser, pour remplir simplement un espace… Un
peu comme ce que font certains cuisinistes. On
pourrait vous envoyer des plans du meuble que
l’on souhaiterait.

̵ Un salarié : On reçoit des plans de nos gros don-


neurs d’ordre lors de changement de série, de
saisons…

190
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

̵ Un client : Que faites-vous de vos déchets de


bois ? Si vous n’en faites rien, je serai intéressé
pour alimenter mon poêle à bois.

̵ Un salarié : Ces déchets sont revendus pour être


transformés en granulés pour les poêles à bois.
À voir si vous pourriez avoir des tarifs préféren-
tiels si vous êtes client…

Tous les utilisateurs ont des besoins très différents.


Il ne s’agit pas ici de répondre de façon exhaustive
à tous les besoins. La ou les solutions proposées
doivent répondre, d’une façon ou d’une autre, à la
majorité des besoins, pour fidéliser vos clients. Elles
peuvent aussi répondre seulement à quelques be-
soins de « grande rentabilité ». En effet, des « petites »
choses peuvent répondre à des besoins auxquels
les clients acceptent de payer plus cher pour les
obtenir. Les clients actuels ne seraient pas nécessai-
rement concernés, mais pour de nouveaux clients,
non ciblés aujourd’hui. Par exemple, des architectes
d’intérieur pourraient être intéressés par une offre
de personnalisation…

Les besoins exprimés sont ainsi recensés ainsi que


les non-dits, les expressions informelles : leur impa-
tience, leur plaisir, leurs inquiétudes, leurs espoirs…

191
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

4. Atelier 3 : La compréhension des par-


cours des utilisateurs

Des « dysfonctionnements » et des « réponses » ont mainte-


nant été identifiés en fonction des besoins exprimés. Prise de fa-
çon dissociée, les « bonnes » réponses peuvent s’avérer néfastes,
car impactant d’autres activités plus loin dans la chaine de valeur.

Une fois identifiées des réponses aux besoins, elles doivent


être étudiées de façon transverse, soit l’ensemble du « parcours
client » (utilisé dans les approches UX Design) : par exemple, à
partir de l’achat d’un produit avec sa commande par le client
jusqu’à sa livraison et la prise en compte du SAV…

Très souvent, la tentation est grande de supprimer des acti-


vités « inutiles » pour simplifier, raccourcir les délais…
Une grande vigilance doit être accordée lorsque des pro-
cessus ou procédures doivent être « corrigés ». Parfois, en effet,
certaines actions ne sont plus justifiées, voire obsolètes, mais
historiquement elles étaient utiles. La mise en place de nou-
velles techniques, d’outils peut les rendre inutiles, totalement
ou en partie. La simplification pouvant consister à supprimer
certaines actions, mais aussi d’en ajouter de nouvelles !
Exemple : on supprime une activité dans une procédure, dé-
sormais prise en charge par le nouvel outil, sans s’assurer qu’elle
n’est pas utile à quelqu’un d’autre… Une petite modification
sur la prise de commande peut avoir des conséquences sur le
poste de travail chargé de la livraison. De nouvelles procédures,
liées à l’arrivée de nouveaux outils, sont mises en place.

Comme pour l’analyse des besoins, le collaborateur peut


garder ces informations pour lui, car jugées non suffisamment
importantes pour être transmises vers le manager.
Des informations remontées lors de la phase de diagnostic,
à travers les questionnaires ou les échanges bilatéraux, peuvent
s’avérer très utiles.

192
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Comme abordé précédemment, certains de vos salariés


connaissent mieux ces utilisateurs externes que le dirigeant,
voire les managers. Certains salariés peuvent aussi être en inter-
face avec un seul segment de clientèle, de fournisseurs, et à peu
près ignorer les autres. D’autres salariés dans des entités fonc-
tionnelles et transverses n’ont pas toujours une bonne percep-
tion des « clients » de l’entreprise.
Pour pouvoir identifier les points de contact avec l’entreprise
lors du parcours client, chacun des acteurs internes à l’entreprise
doit connaitre sa place dans la chaine de valeur. Ainsi, il sera pos-
sible de repérer les impacts potentiels pour toutes les équipes.

JP A : Quand je demande à ce que l’on prenne en


compte de nouveaux besoins à un niveau dans une
équipe, je ne me rends pas toujours compte des consé-
quences pour les autres équipes. Je me dis que, de
toutes les façons, ils trouveront un arrangement pour
que tout fonctionne. Ils se connaissent, ils ont quand
même l’habitude de travailler ensemble… !
Et le responsable d’équipe doit s’assurer que tout
est sous contrôle. C’est son boulot, non !

Déroulement de l’atelier 3 :

Entre cet atelier et le précédent, des partages ont


eu lieu dans les équipes et entre les équipes pour re-
censer s’ils voyaient d’autres besoins ou difficultés, les
leurs et ceux des clients et des fournisseurs.

Les salariés présents représentant les différents ser-


vices reformulent les apports de l’atelier précédent :

193
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

̵ Salarié 1 : un constat général, les clients veulent


davantage de proximité avec nous, ils souhaitent
mieux connaître ce que l’on fait et mieux savoir
les services que l’on pourrait leur proposer.
̵ Salarié 2 : ils sont demandeurs aussi de presta-
tions personnalisées pour la fabrication et l’en-
tretien de leurs meubles.
̵ Salarié 3 : Ce devrait être possible de fournir des
prestations d’entretien puisque l’on a déjà des
expertises en interne.
̵ Salarié 4 : Si les clients nous donnent les plans
des meubles qu’ils veulent, on peut les faire,
même si ça nécessite d’avoir à rerégler plus sou-
vent les machines. Ce sera plus intéressant pour
nous, on ne travaillera plus à la chaîne, mais
par contre on passera plus de temps. Donc, ils
coûteront plus cher. Certains sont prêts à payer
pour avoir cela.

L’animateur de l’atelier pose la question suivante :


Comment vous, les salariés, devriez-vous vous orga-
niser pour répondre aux différents besoins, exprimés
ou suggérés ?

Après de nombreux échanges,

Les salariés conviennent qu’il faut quelqu’un qui


centralise les différentes demandes. Il y a 2 types de de-
mandes :
A. Les demandes « historiques » : celles qui nous
font vivre aujourd’hui. Donc, ne pas les lâcher !
B. Les demandes « personnalisées » : peut-être
notre future principale cible. Il faut vraiment se
différencier de nos concurrents et jouer sur la
proximité physique, mais pas seulement.

194
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Les demandes A doivent être surveillées. Quelqu’un


doit en assurer le suivi au quotidien. En fonction de la
date prévisionnelle de disponibilité, il faudrait proposer
plusieurs créneaux horaires pour que le client puisse
s’organiser pour la livraison.

Les demandes B sont plus compliquées. Elles


doivent être bien orientées. Quelqu’un doit centraliser
les demandes et une personne dans chaque équipe
sera l’interlocuteur privilégié.
̵ S’il s’agit de simples conseils, on peut mettre sur
notre site internet une rubrique « nos conseils »
où ils pourront trouver de premières informa-
tions.
̵ Pour des conseils plus précis, il faut qu’une
équipe d’experts soit disponible pour répondre
au téléphone, ou par mail, pendant les heures
ouvrables.
̵ Pour les demandes de fabrication de meubles
personnalisés, il faut que les clients nous en-
voient leurs plans par mail. Puis, nous leur en-
voyons des devis et des délais prévisionnels de
disponibilité. Plusieurs devis en fonction du bois
utilisé et la date de disponibilité seront commu-
niqués. Pour des meubles en bois « courant », le
meuble peut être livré sous quelques semaines.
Bien évidemment, pour des meubles en bois
« précieux », le meuble peut être livré dans plu-
sieurs semaines et sera plus cher… Ainsi, cha-
cun, en fonction de son budget et de son ni-
veau d’exigence, fera son choix.

La diversité des demandes nécessite un point de


centralisation, mais aussi de coordination. Un aiguil-
lage permettra de mobiliser les expertises internes cor-
respondantes pour répondre de façon personnalisée
aux clients.

195
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

De cette façon, un suivi centralisé des disponibilités et


des livraisons permettra de donner des dates fiables de
réception des meubles aux clients.

À la suite de cet atelier, les salariés n’ont pas seulement pris


pleinement leur rôle d’acteurs (personnes agissant), mais ils
sont désormais auteurs (personnes initiant).

5. Atelier 4 : La proposition de scénarios à


mettre en œuvre

Des parcours utilisateurs ont été définis avec toutes les par-
ties prenantes.
Des scénarios prenant en compte l’ensemble des parcours
avec les réponses techniques, organisationnelles… doivent dé-
sormais être co-construits.

L’ensemble des processus transverses doit être élaboré sous


forme de scénarios.
Exemple : Qui fait quoi ? Quand ? Avec quoi ? Avec qui ? Et à
quel moment ?… Chacun des acteurs de la chaîne de valeur va
s’assurer, de la faisabilité, et aussi que le résultat final réponde
aux attentes initiales.

Des scénarios minimalistes seront proposés avec des perfor-


mances et des couts limités.
Des scénarios plus « riches » seront aussi proposés avec les
performances accrues, mais avec des financements plus élevés.
Ce peut être, par exemple, l’achat de nouveaux outils, des inves-
tissements dans de nouvelles compétences…

Pour mesurer la pertinence des scénarios étudiés, pourquoi


ne pas les tester en interne, et aussi avec des utilisateurs
externes !

196
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

L’expérimentation des principales tâches avec vos procé-


dures internes permettra de vérifier la bonne prise en compte
par toutes les parties prenantes. Des ajustements, non prévus
dans les discussions, vont nécessairement apparaitre. C’est
souvent quand on est dans la situation précise de travail, que
l’on s’approche du travail réel, que l’on découvre des difficultés.
C’est l’occasion de les ajuster, de les corriger.
Plus le scénario présenté sera précis, meilleure sera la déci-
sion prise car elle sera vraiment adaptée.

JP A : J’ai, à plusieurs reprises, souhaité mettre en


place de nouveaux services, mais toujours reculé, car
je n’étais pas sûr de faire les meilleurs choix, mais sur-
tout, que les salariés refusent mes propositions et se
désengagent.
J’aurais ainsi tout perdu !

Qu’ils soient eux-mêmes, maintenant, une force de


proposition me rassure. En effet, cela signifie que les
solutions proposées seront « cohérentes » (à voir en-
suite leur viabilité économique). De plus, co-auteurs
de ces propositions, ils se les approprieront plus facile-
ment et donc seront davantage engagés à les utiliser,
à les faire évoluer, même !

Déroulement de l’atelier 4 :

Entre cet atelier et le précédent, des partages ont


eu lieu dans les équipes et entre les équipes pour re-
censer s’ils voyaient d’autres façons de s’organiser, de
se coordonner.

197
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

L’animateur de l’atelier pose la question suivante


Comment vous, les salariés, voyez-vous des scéna-
rios qui pourraient intéresser vos clients, et pourraient
devenir des offres commerciales ?

Les salariés présents représentant les différents ser-


vices s’expriment :

En scénario 1 :
A. Les demandes « historiques » : Chaque de-
mande sera surveillée rigoureusement dans un
« outil digital de suivi ». Il pourrait être envisagé
que les clients puissent avoir une visibilité (pas
tout !) sur l’état de sa commande. En fonction
de la date prévisionnelle de disponibilité, il fau-
drait proposer plusieurs créneaux horaires pour
que le client puisse s’organiser pour la livraison.
On pourrait imaginer que l’installation soit of-
ferte si les horaires n’ont pas été respectés ou à
partir d’une certaine valeur de commande.
B. Les demandes « personnalisées » : Elles feront
aussi l’objet d’un suivi « permanent » pour une
plus grande proximité avec nos clients.
̵ Pour des conseils personnalisés, des « fiches
conseils » sont proposées sur notre site web.
Le site web devra être refait, car il n’est pas
lisible correctement sur smartphone, il n’est
pas assez « moderne ».
̵ Pour des conseils plus précis, une perma-
nence tournante sera assurée avec tous nos
« experts » pendant les heures ouvrables. Un
expert affecté répondra par mail, et au té-
léphone (sur un numéro dédié, pour ne pas
perturber l’accueil « standard »).
̵ Pour les demandes de fabrication de meubles
personnalisés, l’expert de l’accueil réception-
neralesplansquelesclientsnoussoumettront

198
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

pour obtenir un devis. L’expert pourra ré-


pondre par mail au client dans les quelques
jours suivants, avec plusieurs devis. Pour don-
ner le choix aux clients sur la qualité du bois
utilisé et les délais de livraison, on peut pro-
poser des devis plus chers et moins chers.
Pour des meubles en bois « courant », le
meuble sera moins cher et peut être livré
sous quelques jours. Bien évidemment, pour
des meubles en bois « précieux », le meuble
peut être livré dans plusieurs semaines et
sera plus cher…

Pour tous les types de demandes, pour que nos clients


nous soient toujours fidèles, il faut que l’on soit présent
sur les réseaux sociaux. Ainsi, de nouveaux clients pour-
ront nous connaitre. Ils pourront venir sur notre nouveau
site web pour voir toutes les prestations qu’on peut leur
proposer, qu’ils ne connaissent pas encore.

En scénario 2 :

A. Les demandes « historiques » : Toutes les demandes


sont transmises dans un « outil digital » accessible
à partir de notre site web. À partir de l’émission de
leur demande, leur seront proposés plusieurs devis
avec des variantes sur le prix avec les différentes
qualités et les délais de disponibilités afférents.
Après accord du devis souhaité par le client, il
pourra suivre au quotidien l’état de sa commande.
Une date prévisionnelle de disponibilité leur sera
communiquée par mail et/ou SMS. Plusieurs cré-
neaux horaires pour la livraison seront proposés
au client afin qu’il puisse s’organiser. Si nous ne
respectons pas les délais, l’installation sera offerte
si les horaires n’ont pas été respectés. L’installation
est offerte à partir d’un certain budget.

199
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

B. Les demandes « personnalisées » : Les demandes


seront aussi transmises dans l’« outil digital » ac-
cessible à partir de notre site web. Notre site web
devra être refait pour être lisible sur smartphone, et
avoir la possibilité d’effectuer des achats (comme
sur de très nombreux sites de commerce en ligne,
aujourd’hui).

Pour mieux orienter les clients à partir du site web,


une assistance via un Chatbot peut être mise en place.
• Pour des conseils, des « fiches conseils » sont pro-
posées dans une rubrique réservée sur notre site
web.
• Pour des conseils plus précis, une permanence
tournante sera assurée avec tous nos « experts »
pendant les heures ouvrables. L’expert affecté ré-
pondra par mail, et au téléphone (sur un numéro
dédié, pour ne pas perturber l’accueil « standard »).

̵ Des demandes de conseils peuvent déboucher sur


des besoins spécifiques :
• Demande de produits professionnels pour res-
taurer des meubles anciens abîmés
• Demander une prestation de restauration de
leurs meubles.

Ces prestations seront commandables sur le site web.

̵ Pour les demandes de meubles personnalisés, le


client modélise son projet sur un logiciel 3D. Il sera
accessible gratuitement à partir de notre site web.
Une fois la modélisation terminée, une demande
de devis est transmise. L’expert de l’accueil récep-
tionne la demande du client et lui propose rapi-
dement plusieurs devis par mail. Pour donner les
choix aux clients sur la qualité du bois utilisé et les
délais de livraison, on peut proposer des devis plus
chers et moins chers. Pour des meubles en bois

200
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

« courant », le meuble sera moins cher et peut être li-


vré sous quelques jours. Bien évidemment, pour des
meubles en bois « précieux », le meuble peut être li-
vré dans plusieurs semaines et sera plus cher…

Un scénario hybride, intégrant des fonctionnali-


tés du scénario 1 et du scénario 2, peut bien sûr être
construit avec les parties prenantes.

Quel que soit le scénario retenu, et pour que nos


clients nous soient toujours fidèles, il faut que l’on soit
présent sur les réseaux sociaux. Ainsi, de nouveaux clients
pourront nous connaitre. Ils pourront venir sur notre nou-
veau site web pour voir toutes les prestations qu’on peut
leur proposer, qu’ils ne connaissent pas encore.

Des tâches devront probablement être externalisées


pour assurer la mise en œuvre du scénario retenu ?
̵ Développement d’un site web avec des activités
de commerce en ligne
̵ Développement d’un outil de suivi et de coor-
dination
̵ Développement ou « intégration » d’un outil de
conception 3D
̵ Action de communication pour faire connaitre
vos nouveaux produits et services proposés par
votre entreprise. Une communication devra être
faite de façon différente. Vos clients qui étaient
historiquement en BtoC pourraient se substi-
tuer, ou être complétés, par des clients en BtoB.

Les scénarios devront ensuite être examinés pour


confirmer la pertinence du modèle d’affaires.

Pour « tester » des scénarios, les mettre en œuvre sur


une petite partie de l’activité permettra de réduire les
risques.

201
Étape 3 : L’élaboration de scénarios

Ainsi, le dirigeant admettra la détermination et l’inventivité


de ses salariés et la nécessité de compter sur eux, aujourd’hui et
demain. Quel signe de reconnaissance !
C’est aussi, et surtout pour le dirigeant, une confiance accrue
dans des investissements ajustés qu’il doit décider, maintenant.

202
Étape 4
Bilan des ateliers
et décision du scénario

1. Bilan des ateliers et présentation des


scénarios

Le consultant externe communique à toutes les contribu-


teurs aux questionnaires et aux entretiens, le document de bi-
lan comprenant le journal des principaux échanges des diffé-
rents ateliers à toutes les étapes du parcours avec les scénarios
élaborés.

Les participants aux ateliers présentent au dirigeant les scé-


narios qu’ils ont co-élaborés.

Parmi les scénarios proposés, le dirigeant doit désormais dé-


cider du scénario qu’il retiendra pour être déployé. Le scénario
retenu peut consister en un « assemblage » à partir de plusieurs
scénarios. Il faudra s’assurer alors de la cohérence de ce nou-
veau scénario hybride. En effet, des adaptations pourront être
nécessaires afin d’« ajuster » à un modèle d’affaires pertinent.
Des activités couteuses, « chronophages » ou nécessitant des
couts élevés d’acquisitions ou de maintenance, pourront être
réduites, voire supprimées.
Le scénario retenu pourra aussi être évalué en situation
« opérationnelle ».

Avant toute approbation définitive, il est indispensable de


s’assurer, jusqu’au bout, de la performance économique et « sur
le terrain ».

Après validation du modèle d’affaires, la solution retenue par


le dirigeant de l’entreprise va être déployée. Elle apportera ra-

203
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

pidement des améliorations, qualitatives ou quantitatives, car


coconstruites avec les intéressés et donc mieux appropriées par
eux et répondra aux enjeux de l’entreprise.

JP A : J’ai lu et écouté très attentivement les propo-


sitions de scénarios qui m’ont été faites. J’ai été impres-
sionné par leurs engagements et la richesse de leurs
idées.

Je dois voir désormais avec ma comptable de l’op-


portunité des investissements en vérifiant le modèle
d’affaires. Nous devrons pour cela vérifier le volume
des ventes de nos produits et de nos services ainsi que
nos marges

2. La décision du scénario

Le choix du scénario n’est pas facile, car il nécessite toujours


des investissements, plus ou moins substantiels. On pourra se
reporter à l’Étape 2, chapitre 6.2 : Ses processus de décision.

Le scénario décidé devra être largement partagé, mais aussi


les critères.
L’absence de partage des critères de décision n’est pas anec-
dotique !
• À court terme, vos collaborateurs peuvent la vivre
comme un manque d’écoute, un non-respect de leurs
investissements tout au long des ateliers auxquels ils
ont contribué activement.

204
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

• À moyen et long terme, vos collaborateurs se désenga-


geront lorsque vous souhaiterez les associer à de nou-
veaux travaux collectifs.

Le décideur ne doit pas se défausser sur ses salariés : en cas


de difficultés, faire reporter le poids de la décision sur les au-
teurs des propositions. En faire des boucs émissaires, comme
nous l’avons vu à l’Étape 1, chapitre 6 : Quelle est votre stratégie.
Le décideur reste la personne responsable de ses choix.

Les scénarios ont été présentés au décideur.

JP A échange directement avec Monique, la comptable.

JP A à Monique : je te présente les différents scéna-


rios que l’on m’a proposés.

Monique : Le scénario 1 me parait assez ambitieux. Il


implique beaucoup de changement dans les équipes.
Une « configuration » minimale de ces outils sera
privilégiée pour tester les outils et les nouvelles organi-
sations et méthodes de travail. Il faut être très prudent,
surtout en ce moment ! Nous pourrons aussi évaluer
les évolutions du CA (Chiffre d’Affaires) provenant des
demandes « historiques » et des demandes « person-
nalisées ». À cette occasion, on pourra coter davantage
certaines demandes « personnalisées ».

Là où l’on doit vraiment investir, c’est vrai, c’est dans


notre communication. Je pense, bien sûr, en particulier aux
réseaux sociaux, à notre présence sur internet de façon gé-
nérale.Si l’on ne le fait pas aujourd’hui, tout ce que l’on aura
investi dans notre organisation interne ne servira à rien !

205
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

Qu’en penses-tu ?

JP A : Tout à fait d’accord avec toi !

Monique : Le scénario 2, je le vois comme des pistes


d’amélioration potentielles. On pourra les étudier, dans
plusieurs mois, en fonction des retours de la première
phase.
Ainsi, nous réduirons les risques si nous n’atteignons
pas les résultats financiers attendus.

Ce dernier organise une réunion avec les contribu-


teurs aux ateliers, directs ou indirects et volontaires,
Monique (la comptable) et Isabelle (de la communica-
tion) sont présentes. Le décideur, avec son équipe de
direction, explicite sa position.

JP A : Tout d’abord, je voulais vous remercier de


votre engagement dans ce projet et des propositions
que vous avez étudiées et formalisées.
Nous devrons, je pense, et comme vos travaux l’ont
montré, développer de plus en plus nos prestations
« personnalisées » et notre « proximité ». Les clients en
BtoC n’ont plus envie de consommer de nouveaux
produits, mais de « recycler » leurs objets, comme on
le voit aujourd’hui pour le prêt-à-porter. Toutefois, nous
devons le confirmer, pour ne pas nous engager trop
vite et trop fort sur un mauvais chemin.

Après avoir échangé avec Monique, nous propo-


sons de mettre en place le scénario 1 pour tester notre
fonctionnement interne et vérifier nos hypothèses.

Avec Monique, nous pensons aussi investir dans notre


présence sur internet. Si nous ne finançons pas ça, tout
ce que l’on aura fait en interne n’aura servi à rien !

206
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

Nous allons donc investir dans un nouveau site web


et dans notre présence sur les réseaux sociaux. Ainsi,
comme vous l’avez mentionné dans votre proposition,
nous gagnerons en proximité avec nos clients fidèles
et nous donnera de la visibilité pour nos futurs clients.

Nous devrons pour cela externaliser ces opérations


vers un prestataire. Je pense en particulier aux outils
digitaux. On commencera par des périmètres réduits
sur les offres personnalisées que l’on va vraiment cibler
dans un premier temps. On les étendra au fur et à me-
sure, quand on aura pris nos marques !

JP A s’adresse aux salariés présents : Qu’en pen-


sez-vous ?

Salarié 1 : Je mesure la nécessité de ne pas prendre


trop de risques financiers. Mais nos concurrents pra-
tiquent déjà ce que l’on a proposé dans le scénario 2
! La mise en place d’un ChatBot ne doit pas être trop
onéreuse…

Monique : OK, je vais regarder le cout de cet outil.

Manager 1 : Le scénario 1 n’est pas gagné. Il va


nécessiter en particulier des repositionnements de
tâches, de nouvelles coordinations dans les équipes et
la mise en place de nouveaux outils digitaux. Ce sera
déjà un gros travail pour tout le monde et il nous fau-
dra du temps, même si je vois que vous êtes nombreux
à être mobilisés. Cette période « d’apprentissage » peut
être réduite, à condition que tout le monde joue le jeu !

Salarié 2 : Nos concurrents n’ont peut-être pas les


mêmes ressources que nous ? Je comprends la pru-
dence

207
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

Monique : Nous, nous n’avons de gros actionnaires


derrière nous.

Salarié 3 : Il faut aussi nous démarquer d’eux.


Comme on l’a précisé dans la restitution, il faut jouer
sur notre proximité avec nos clients. On doit aussi
montrer notre professionnalisme dans le travail du
bois et de la décoration. On pourrait organiser des évè-
nements « porte-ouverte » ?

Isabelle : On peut en effet en organiser quelques-


uns dans l’année. Je vais voir çà.

Monique : De plus, ça ne devrait pas nous couter


trop cher... !

JP A : J’en profite maintenant pour vous dire que


nous compterons sur vous pour être nos ambassa-
deurs sur nos réseaux sociaux en partageant vos belles
réalisations.

Isabelle : Effectivement, sur vos propres réseaux so-


ciaux, vous pouvez parler de votre entreprise, de cette
démarche à laquelle vous venez de contribuer.
Bientôt, nous vous solliciterons pour élaborer des
contenus qui seront publiés sur les réseaux sociaux de
l’entreprise. Réfléchissez à des produits que l’on pour-
rait mettre en visibilité ainsi que des « situations » en
interne à l’entreprise montrant notre proximité.

Manager 2 : Je pense aux jeunes que l’on a accueillis


lors de leur parcours de découverte des métiers. Une
contribution de leur part peut être intéressante et
nous donnera encore plus de visibilité.

JP A : Le scénario 2 est très intéressant mais il de-


mande des investissements que l’on ne peut pas sup-
porter pour l’instant. Quand on sera rodé avec la pre-
mière phase, ou pourra aller plus loin.

208
Étape 4 : Bilan des ateliers et décision du scénario

Monique : JP A vous tiendra régulièrement informé


de nos prestations « intéressantes » et celles pour les-
quelles l’obsolescence est envisagée.

Isabelle : N’hésitez pas à partager à votre manager


les dysfonctionnements que vous percevez, les vôtres
et ceux de nos clients et de nos fournisseurs.
De la même façon, si vous voyez apparaitre de
nouveaux besoins potentiels, partagez-les dans votre
équipe, avec votre manager.

Monique : La veille me parait essentielle pour plani-


fier nos futurs investissements.

Salarié 4 : Nous avons déjà restitué, dans ces ate-


liers, de nombreuses préoccupations et désirs. Il y en
aura certainement d’autres dans les prochains mois… !

Manager 3 : On pourrait prévoir tous les mois, par


exemple, une réunion de partage pour faire le point
sur vos difficultés, de nouveaux besoins…

JP A : Je tiens à vous remercier de nouveau infini-


ment pour le travail que vous avez réalisé collective-
ment. Ce résultat va nous permettre de travailler tous
ensemble, aujourd’hui et dans le futur, dans de bonnes
conditions et de répondre à nos clients.
Pour cela, le scénario, que nous venons de convenir
ensemble, doit désormais être mis en œuvre dans les
équipes.

209
Étape 5
Mise en oeuvre du scénario décidé

Le consultant externe (ou un salarié désigné par le Dirigeant)


pilotera le déploiement du scénario retenu par la démarche.
Si le chef de projet n’est pas le consultant intervenu précé-
demment, les contenus du chapitre 1 : préparation des ateliers,
de l’Étape 3 pourra être partagé avec lui.

Le Dirigeant, dans sa fonction de « sponsor » du projet, reste


le garant de la réussite de cette démarche. Il attribue et priorise
les ressources nécessaires. Ce rôle est tout à fait essentiel dans
le succès de tout projet, et donc de cette démarche.

1. Les contributions à ce projet

Le scénario retenu peut consister à introduire des (nou-


veaux) outillages industriels et/ou des (nouveaux) outils digitaux
(CRM, ERP…) et/ou des outils de marketing et réseaux sociaux…
De nouvelles compétences et expertises peuvent faire partie du
scénario et donc nécessiter des recrutements, des expertises de
prestataires. Des « prêts » de compétences ou des opérations de
croissance externe peuvent aussi répondre aux besoins.

Le déploiement du scénario peut donc nécessiter l’interven-


tion d’experts :
̵ Des prestataires informatiques pour identifier et dé-
ployer de nouveaux logiciels.
̵ Des prestataires en communication pour faire connaitre
votre entreprise et vos nouveaux services (à partir de
votre site web, de vos réseaux sociaux…)
̵ Un coach en management pour des situations particu-
lières et limitées.

211
Étape 5 : Mise en oeuvre du scénario décidé

̵ Un ergonome lors de la mise en place de nouveaux ou-


tils de production industrielle (machines…).
̵ D’un expert dans des opérations de croissance externe.

À la demande du sponsor, le chef de projet est alors chargé


de la sélection d’outils et de prestataires. Pour que son choix
soit pertinent, qu’il prenne les meilleures décisions, il doit être
vigilant sur son processus de décision. Pour cela, il associera les
utilisateurs concernés et ceux ayant des compétences dans le
domaine concerné. Le choix est ensuite validé par le sponsor.

Le chef de projet assure les coordinations entre les différents


prestataires et les équipes de l’entreprise.

2. Le suivi de ce projet

Le chef de projet assure toutes les phases de mise en œuvre


du projet. Il vérifie que toutes les actions sont bien déployées et
appropriées par les utilisateurs concernés.
Des ajustements itératifs à la solution retenue permettant
la meilleure adéquation aux besoins des utilisateurs peuvent
être identifiés. Au besoin, ils sont présentés au décideur pour
validation.
Exemple : une nouvelle proposition de services, de nouvelles
fonctionnalités d’un logiciel, une nouvelle personne recrutée
propose d’autres méthodes…, peut nécessiter une nouvelle vali-
dation par le sponsor (le dirigeant). Il est responsable de la per-
formance globale du projet ! La délégation de la décision peut
avoir des impacts !
Certains « ajustements » peuvent toutefois être décidés « lo-
calement », mais le sponsor en restera toujours informé.

212
Étape 5 : Mise en oeuvre du scénario décidé

3. Le scénario est opérationnel

Le scénario ainsi déployé est opérationnel. Les utilisateurs,


internes et externes, se sont approprié les nouvelles procédures,
les nouvelles méthodes de travail…
Les résultats attendus se révèlent et tous les acteurs sont
satisfaits de la pertinence et de la qualité de tous les investisse-
ments réalisés, et pas seulement financiers !

Mais l’aventure ne s’arrête pas tout à fait là… !

Plusieurs mois plus tard, le scénario validé par le diri-


geant est désormais opérationnel. Chacun des salariés
a trouvé de nouveaux repères.

JP A réunit de nouveau les contributeurs aux ate-


liers, directs ou indirects et volontaires, Monique (la
comptable) et Isabelle (de la communication) ainsi que
le chef de projet et les contributeurs au projet de dé-
ploiement.

JP A : Tout d’abord, je voulais tous vous remercier de


votre engagement dans la mise en œuvre du scénario
que nous avions convenu.
Nous avons déjà constaté des évolutions.
L’entreprise a amélioré sa performance en propo-
sant des services que les clients actuels ne connais-
saient pas grâce au nouveau site web.

213
Étape 5 : Mise en oeuvre du scénario décidé

Grâce aux réseaux sociaux, nous avons vu de nou-


veaux clients qui ont souhaité que l’on réalise des
prestations particulières sur leurs anciens meubles. Ils
veulent conserver leurs anciens meubles car ils y sont
attachés mais veulent les « rénover » pour les installer
dans leur salon…
Pour obtenir ce résultat, je sais que vous avez dû
paralléliser vos tâches habituelles avec les actions de
mise en place de nouvelles règles de fonctionnement.

Comment avez-vous vécu cette situation ?

Salarié 1 : Si nous n’avions pas échangé entre nous


avant et que nous ne nous étions pas mis d’accord
sur des principes de base, rien n’aurait été possible.
Je pense même qu’il y aurait eu des conflits. La com-
préhension de l’importance de mes activités quoti-
diennes, leurs utilités aux collègues, à l’entreprise, m’a
permis de mesurer que nos efforts ne pouvaient être
que collectifs.

Salarié 2 : Nous nous sommes organisés en établis-


sant un planning commun à toutes les équipes pour
avoir une présentation vraiment transverse et com-
plète. Pour étendre la période d’ouverture, en dehors
de l’ouverture de la fabrication, chacun s’est alors po-
sitionné avec ses priorités, ses contraintes. Des clients
peuvent avoir besoin de nous appeler tôt le matin ou
tard le soir, en semaine et aussi et surtout le samedi.

Manager : J’ai juste mis en place les conditions


pour qu’ils puissent se coordonner. Que ce soit des
réunions transverses, du partage de fichiers de
planning, de ressources documentaires pour assurer
la permanence.
Certains étaient très volontaires car demandeurs de
davantage de souplesse dans leurs horaires de travail.

214
Étape 5 : Mise en oeuvre du scénario décidé

JP A : Je constate en effet que tout s’est bien passé !


Dans les prochains mois, en fonction de l’évolution
des différentes ventes, nous arbitrerons pour renforcer
certains produits et services. Nous nous appuierons sur
les propositions émises dans le scénario 2.
Vos managers et moi-même, nous vous tenons infor-
mé de la suite...
De votre côté, n’hésitez pas à nous tenir informés
de nouvelles difficultés, de nouveaux besoins, dans
notre secteur d’activités mais aussi dans des activités
connexes.

Merci encore à chacun d’entre vous pour votre


engagement.

215
Étape 6
Et après ...
Pour une transformation durable ?

Quelle est la durabilité des réponses apportées par ce projet ?

Toutes les actions mises en œuvre ont répondu aux attentes et


aux besoins identifiés aujourd’hui ! Mais demain, qu’en sera-t-il ?
De nouveaux concurrents, des crises : sanitaires, géopoli-
tiques, financières, écologiques, énergétiques…, peuvent im-
pacter fortement tous les travaux réalisés précédemment !

Pour que l’entreprise reste performante, elle devra «s’ajus-


ter», seule ou accompagnée, aux nouvelles situations rencon-
trées ou anticipées.

Que faire pour une performance durable ?


Ajuster ou tout recommencer à zéro ?

1. Une veille permanente

Tout d’abord, vous devez faire une veille permanente.


Des situations imprévues et imprévisibles peuvent émerger
(voir à l’Étape 1, chapitre 6.1 : Quelle est votre stratégie ?).
Les changements peuvent être « massifs » et donc très lar-
gement visibles, mais d’autres peuvent apparaitre « subreptice-
ment », comme un « signal faible », par exemple.
Une vigilance permanente doit donc être menée !
La survie de l’entreprise et vos investissements récents en
dépendent !

217
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

« Toutefois, comme le souligne Midler (1986)101 avec prudence,


évoquer le problème du changement « réel » ou « factice » ren-
voie à une définition implicite du référentiel par rapport auquel
on va mesurer le changement : tel observateur soutiendra que
rien n’a évolué parce qu’il constate que les variables qu’il pri-
vilégie dans sa représentation de l’entreprise sont inchangées,
alors que pour tel autre, au contraire, la même innovation pour-
ra constituer un changement notable »102.

Nous avons vu qu’à partir de nos représentations, issues de


notre culture, nous ne voyons pas tous la même réalité !

À défaut de se mettre d’accord sur le niveau du change-


ment, regardons la prévisibilité et les conséquences de ces
changements.

2. L ’amélioration continue

Les conséquences des changements sont prévisibles, et


seuls des ajustements sont nécessaires, une amélioration
continue peut-être suffisante, car les fondamentaux ne sont pas
impactés, à priori. On appellera cela l’Amélioration Continue.

Ce n’est pas un scoop, l’Amélioration Continue est plébiscitée


dans les entreprises, même si l’environnement est chahuté avec
donc des conséquences importantes sur le modèle d’affaires de
l’entreprise.

Comme on l’a vu à plusieurs reprises depuis le début de


notre propos, de petits changements peuvent modifier de
façon notable les postures de nombreux acteurs. On pense, par
exemple, aux biais de l’escalade de l’engagement (Reconnaitre
que l’on s’est trompé peut être vécu comme une souffrance),
rendant difficile la remise en cause des décisions passées.

101. Midler, C. (1986). La logique de la mode managériale. Gérer et comprendre, n° 3.


102. Canivenc, S. (2022). Les nouveaux modes de management et d’organisation.
Presses des Mines, 2022.

218
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

Si la prudence peut se comprendre, ne pas prendre les


moyens pour éviter la perte de performance de son entreprise,
c’est espérer encore que le pire n’est pas certain !

L’innovation peut être salutaire.

JP A : À la suite des évènements géopolitiques


récents (évènement fictif), de nouveaux clients
nous sollicitent, car les produits « à bas cout » qu’ils
achetaient auparavant ne sont plus disponibles, il ne
trouve même plus des meubles pourtant « basiques ».

À la suite de cette rupture de chaine d’approvision-


nement, nous avons collectivement décidé de lancer
une production industrielle de meubles à monter, à
l’image de ce que faisaient les précédents fabricants.

Nous avons dû nous réorganiser, entre nous, ainsi


que l’installation de machines dans les nouveaux lo-
caux de l’extension du bâtiment. Nous avons dû recruter
quelques personnes sur de nouvelles machines dédiées.

Pour réduire notre facture énergétique, nous avons


fait l’acquisition d’une petite centrale électrique fonction-
nant avec nos déchets de bois. Rien n’est perdu !

219
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

Notre métier n’a pas fondamentalement changé.


Nous nous sommes adaptés très rapidement, car les
équipes avaient déjà travaillé ensemble lors de la dé-
marche !

Sans avoir utilisé précédemment cette démarche, les salariés


auraient probablement vécu comme imposés par le dirigeant,
la mise en place de ces nouveaux fonctionnements dans son
entreprise…
Cette situation est, malheureusement, fréquente. Lorsque
les salariés ne sont pas associés, ils peuvent se sentir piégés,
la vivre comme une injustice ou ne pas comprendre ce
changement brutal d’orientation. Préparer les salariés à de
prochaines évolutions, imprévisibles et soudaines, c’est réduire
les désengagements des salariés et donc gagner en réactivité.

3. L’innovation

Les conséquences des changements sont imprévues (on n’a


jamais vu ça avant !). Il sera probablement nécessaire de revoir
notre proposition de valeur, ou inventer de nouveaux produits,
avec les ressources existantes (ou accessibles) pour atteindre un
nouveau marché. On pourra s’approcher de l’Effectuation. Voir
l’Étape 1, chapitre 6 : Quelle est votre stratégie ?
Dans ce cas, vous pourrez reprendre la même démarche, à
partir de l’atelier 1, en considérant des besoins encore inédits à
partir des évolutions du contexte ainsi que de l’environnement.

Nous avons vu que l’innovation ne se décrète pas ! On ne


peut pas dire (sérieusement) : « Nous avons besoin d’innover !
Vous avez 4 heures ! »

Pour que l’innovation soit possible, il faut que les conditions


de son élaboration soient favorables, par exemple :
̵ Vous devez laisser du temps, plusieurs mois.
̵ Les individus doivent individuellement s’autoriser à ex-
primer des idées, même « farfelues ». Pas facile, quand

220
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

culturellement ils n’ont pas eu l’autorisation. De plus,


quand, dans leur milieu professionnel, on leur demande
d’exécuter les ordres.
̵ Un collectif dont les individus ne seront pas censurés,
par d’autres individus, des participants ou l’animateur.
Chacun des membres rebondit sur les idées des autres…

JP A : Nos activités « historiques » sont concurrencées


par de nombreux concurrents, en Chine, et en Inde.
Nous ne pouvons pas rivaliser avec leur cout de main-
d’œuvre et des matières premières. Nous devons axer
notre développement vers les commandes vraiment
spécifiques.
Certaines demandes personnalisées de nos clients
sont difficiles à réaliser, car l’usinage est compliqué.
Une start-up a développé une imprimante 3D avec
des particules de bois.

L’utilisation d’une telle machine n’est pas évidente.


Nous avons dû demander à la start-up de venir nous
accompagner.
Ce n’est pas facile, nous n’avons pas la même
culture… Ils voulaient faire des tests, des expériences, ils
se sont amusés. Nous, on voulait des produits vraiment
commercialisables. Ils fabriquaient des petits objets.

D’ailleurs, il est possible qu’on les mette dans notre


catalogue, ce serait par exemple des « goodies » (objets
promo). Il faudrait pour cela tenir une cadence de

221
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

production très forte, ce qui n’est pas encore le cas


aujourd’hui.

Ce sera peut-être un prochain marché, un autre


segment de marché.

Notre métier aura, pour le coup, profondément changé.


Grâce aux équipes précédemment rodées sur la
démarche, elles se sont très vite adaptées. Elles ont
même proposé des objets décoratifs.

L’innovation ne veut pas dire qu’il faut tout revoir dans l’en-
treprise. L’innovation peut se mettre en place sur un secteur
d’activité, sur un type de produit ou de service limité.

4. Entre amélioration continue et innovation

Le choix, entre la relative sécurité de l’amélioration continue


et les promesses liées à l’innovation, ne doit pas être négligé.
Cette dernière peut être différenciante et atteindre des cibles
non encore explorées, à l’image de la stratégie Océan Bleu103.
Existe-t-il encore des « océans bleus » parmi tous les océans
rouges… ?

Pour obtenir le bénéfice des deux, pourquoi ne pas faire de


l’amélioration continue ET de l’ innovation? À l’image de ce que l’on
a vu dans le chapitre consacré à la stratégie, avec la stratégie che-
min faisant, entre stratégie délibérée et stratégie émergente… ?

Avant de s’orienter sur l’Amélioration Continue, il est néces-


saire de s’assurer que l’on n’est pas victime d’un biais, celui de
l’escalade de l’engagement, par exemple, et que l’on a l’autorité
et la légitimité pour investiguer sur son opportunité. Cette amé-
lioration répond-elle à un vrai besoin aujourd’hui et quelle est
l’origine du besoin ?

103. Kim, W. C., Mauborgne, R. (2015). Stratégie océan bleu: comment créer de nou-
veaux espaces stratégiques ? Pearson.

222
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

Ainsi, il est nécessaire de s’assurer que ce que l’on améliore est


toujours pertinent, que les ressources mobilisées répondent tou-
jours aux besoins des clients et à la performance de l’entreprise.

JP A : Sans prendre en compte la durabilité de


la performance de l’entreprise, nous aurions fait
exclusivement de l’amélioration continue. Nous
aurions revu notre productivité pour développer notre
Chiffre d’Affaires. Pour cela, on serait intervenu sur
tous nos processus en tentant de simplifier le plus
possible, par ajustements pour optimiser les flux. Nous
aurions mis en place de nouveaux outils, de nouvelles
interfaces. Pendant ce temps, les gains attendus d’une
meilleure productivité ne seraient pas ce que l’on
espérait, ce que nos clients attendaient.
Malheureusement, comme de nombreux confrères,
ils ont ainsi fait subir des cadences très élevées à tous
les salariés.

Pour DECOR SALON, nous avons choisi de nous


adapter à notre environnement pour la survie de
NOTRE entreprise.

Ainsi, nous avons déployé des ressources pour


absorber un marché qui a émergé suite à une crise.
En réduisant les couts de transports et l’opportunité de
disposer de matières premières devenues accessibles.

223
Étape 6 : Et après... Pour une transformation durable ?

Suite à des demandes spécifiques de clients aux-


quelles il était fructueux de pouvoir y répondre, nous
avons choisi de faire un partenariat avec une start-
up. Notre rentabilité n’a pas été immédiate mais nous
avons beaucoup appris. À partir de ces nouvelles
connaissances, nous proposerons bientôt des presta-
tions qualitatives avec de fortes marges…

Nous restons bien sûr en veille permanente pour


profiter d’opportunités et délaisser certaines activités.

Sans tous les salariés, à titre individuel et collectif,


tout cela ne serait pas possible, même envisageable.

Je les remercie tous, de nouveau, pour leur ardeur


et leur enthousiasme..

224
Conclusion

Après la lecture de ces pages, vous trouvez que le chemin


est long, tortueux, et vous prévoyez qu’il soit laborieux à mettre
en œuvre. En effet, transformer une entreprise n’est pas simple,
d’ailleurs c’est particulièrement complexe !

Si vous avez déjà apporté des changements en interne dans


votre entreprise, vous vous êtes probablement aperçu de cette
complexité. Cette dernière provient autant de la définition du
changement à réaliser que de sa mise en œuvre opérationnelle
dans les équipes.
Vous avez constaté que des actions que vous aviez décidées
puis déployées dans votre entreprise n’étaient pas toujours
bien adaptées au contexte. Il est aussi possible qu’elles ne ré-
pondaient pas vraiment aux problèmes à résoudre mais elles
tentaient de répondre au moins à des symptômes.
Vous vous dites que, finalement, vos actions ont plutôt bien
marché… !

Les actions « qui ont marché » marchent, et marcheront,


de moins en moins bien car tout notre environnement, à tra-
vers plusieurs crises profondes et concomitantes, change. Vous
l’avez peut-être déjà constaté dans votre entreprise en devant
faire face à des situations imprévues et complexes.

Ces actions de changement pour répondre aux enjeux de


l’entreprise sont encore très souvent basées sur des méthodes
dites « gestionnaires ». Elles sont critiquées par de nombreux so-
ciologues depuis ces 50 dernières années !
Plus récemment, à la fin des années 90, l’économiste, socio-
logue et universitaire américain James March114 les décrit de fa-
çon synthétique sous la forme de 4 mythes :
114. March, J. G., compte-rendu rédigé par Garel, G., Godelier, E., Weil, T. (1999). Les
mythes du management. Annales de l’École de Paris, 5.

225
Conclusion

Le mythe de la rationalité : considère que le comportement


des individus est rationnel, qu’ils suivront les procédures qu’on leur
assignera. La rationalité économique est toujours omniprésente : il
suffit de donner une bonne prime pour que l’individu s’investisse,
corps et âme, dans une activité ennuyeuse ou pénible.
On a pu voir les limites, à de nombreuses reprises au cours de
cet ouvrage, avec ses impasses et ses aspects contre-productifs.

Le mythe de l’innovation « incrémentale » : consiste systé-


matiquement à poursuivre l’existant sans le remettre en cause,
car cela pourrait laisser à penser que l’on a commis des erreurs
dans le passé. En fait, le choix fait par le passé, basé sur des élé-
ments de l’époque, et était probablement tout à fait pertinent.
Aujourd’hui, les environnements (sociaux, sociétaux, écono-
miques, réglementaires, technologiques…) ont fortement chan-
gé et il est vraisemblablement nécessaire de repenser complè-
tement le modèle à partir d’éléments contemporains.
À l’image de l’amélioration continue, la remise en cause du
passé est encore perçue comme la remise en cause personnelle
de celui qui a pris les décisions précédentes. On préférera donc
surajouter de nouvelles actions sans s’assurer que les actions
antécédentes sont toujours opportunes.
Pour des raisons d’économie, de temps et d’argent, on préfé-
rera en rajouter un peu plus, plutôt que de s’atteler à une tâche
probablement plus longue et plus couteuse même apportant
de bien meilleures performances !

Le mythe de la hiérarchie : suppose que l’on réponde plus


efficacement à un problème en le décomposant de façon hié-
rarchique. Il suffirait de découper un problème en petits mor-
ceaux pour pouvoir y répondre complètement. La complexité
n’est alors pas prise en compte. Il est courant de voir un « pro-
blème compliqué », réparti entre plusieurs acteurs, chacun pre-
nant un morceau du problème, façon puzzle. Assembler ainsi
toutes les pièces permettrait de reconstituer l’ensemble de la
photo, mais il n’en est rien. En parcourant les différents cha-
pitres, vous avez pu remarquer la complexité et donc l’ineffica-
cité d’une telle segmentation.

226
Conclusion

Le mythe du leadership : considère qu’un bon leader fé-


dèrera toutes les forces autour de lui. À l’image du dirigeant, ou
du chef (de projet), disposant d’un charisme, cela fera que tout
le monde va le suivre. Comme nous l’avons vu, ce n’est pas si
simple. Il ne faut pas oublier les pouvoirs, l’autorité, et la légiti-
mité des parties prenantes.

Il faut comprendre ici le mythe comme une approche qui a


lui seul va répondre aux difficultés rencontrées. Il fait partie des
« évidences », des vérités… Elles sont utilisées par tout le monde,
mais peu de personnes ont vérifié la réelle pertinence !

De façon générale, certaines évidences encore actuelles


doivent être réinterrogées :
̵ Vos expériences réussies passées sont-elles toujours
pertinentes ? Attention à la capitalisation des bonnes
pratiques ! Elles peuvent limiter les démarches inno-
vantes, et ne pas répondre à une situation nouvelle.

̵ Les bonnes performances de chacune de vos équipes


n’occultent-elles pas les enjeux collectifs de votre orga-
nisation ? Les bonnes évaluations individuelles (ou petits
collectifs) ne constituent pas de bonnes performances
collectives (pour de plus grands collectifs).

̵ La fidélisation des personnes dans les équipes perfor-


mantes n’est-elle pas préjudiciable aux nécessaires fu-
tures mobilités ? Les personnes ainsi sécurisées auront
moins envie d’explorer d’autres postes, d’autres fonctions.

̵ Les ressources financières et humaines sont-elles mo-


bilisées de façon récurrente sur les mêmes produits ou
équipes ? Par habitude, les ressources sont très souvent
reconduites (voire un peu ajustées), mais leur pertinence
est rarement réévaluée régulièrement.

Aujourd’hui, pour obtenir la meilleure performance de


votre entreprise, voire pour assurer sa pérennité, vous devez

227
Conclusion

nécessairement appréhender les différentes dimensions


abordées dans ce livre. Elles interviennent toutes, à un moment
ou à un autre, comme vous l’avez probablement perçu, dans la
démarche de transformation proposée.

Comme mentionné à l’étape 1, avoir LA vision et disposer de


LA stratégie ne suffisent pas pour faire prospérer votre entre-
prise. Une fois que vous les avez définies, il ne suffit pas de dire
simplement à vos salariés : « je sais ce qu’il faut faire, vous devez
faire comme ceci, comme cela… » et savourer la réponse : « OK
chef ! On va faire comme vous dites ! ». Et ils réaliseront rigoureu-
sement ce que vous avez décidé. Bien sûr…
Pas si sûr !

Avez-vous pensé aux conséquences de vos solutions sur


vos salariés dans leurs activités, à leur réelle adhésion, à leur
engagement… ?

Nous avons vu dans l’étape 2 la nécessité d’avoir une bonne


compréhension des fonctionnements en interne de l’entre-
prise. Ces derniers sont souvent issus d’un héritage historique
et culturel, d’habitude. Ce sont les acteurs internes d’hier qui
les ont construits. Les acteurs internes d’aujourd’hui les recons-
truisent toujours et encore, en incorporant ce qu’ils vivent dans
leur environnement social, professionnel et personnel. Actuelle-
ment, cette dimension individuelle prend de plus en plus d’im-
portance avec la mise à distance du travail : le travail à distance
et l’équilibre de vie, entre vie professionnelle et vie personnelle.
L’entreprise ne peut plus fonctionner sans associer ses ac-
teurs à la définition de travail et aux conditions dans lesquelles
ils réalisent leur travail.

Permettre des conditions acceptables de réalisation des ac-


tivités de travail, en accord avec toutes les parties, est essentiel.
Sinon, ne soyez pas surpris par votre taux élevé de désengage-
ment et de démission. De plus, vous n’attirerez pas de nouveaux
postulants sur les postes devenus vacants.

228
Conclusion

Parmi des conditions, favoriser les collectifs de travail, c’est


permettre des relations de travail apaisées et mieux répondre
aux enjeux de l’entreprise.

A l’étape 3, vous ont été présentés les différents ateliers


consécutifs au cours desquels les utilisateurs, internes et ex-
ternes, partagent sur leurs difficultés et proposent leurs idées
pour apporter des réponses vraiment adaptées à l’entreprise et
qu’ils adopteront ainsi plus facilement.
Pourquoi se priver de personnes qui vous aide à identifier les
problèmes pour mieux y répondre !

C’est à l’étape 4 que vous prendrez la décision de réponse


qui vous parait la plus adaptée à votre entreprise, en particulier
son financement. Ainsi, vous ne perdez pas la main. C’est tou-
jours vous, le chef !

Pour bénéficier des travaux menés précédemment, il faut


les mettre en œuvre dans les équipes ! C’est l’étape 5.

L’étape 6 permettra à votre entreprise de mieux affronter les


éléments extérieurs, elle doit pouvoir, suivant les besoins, modi-
fier sa trajectoire. L’objectif est que l’entreprise soit globalement
plus performante, c’est-à-dire mieux adaptée à son environne-
ment externe : son marché actuel et futur, comme à son envi-
ronnement interne, avec son organisation, son management,
et la Qualité de Vie et Conditions de Travail.

Vous êtes éventuellement d’accord avec le bien-fondé de la


mise en place de ces conditions, mais leurs mises en œuvre, de
façon concrète et opérationnelle, vous interpellent ! En même
temps, vous ne devez pas réduire les performances actuelles.
Vous avez raison ! De plus, le temps, le vôtre et celui de toutes
vos équipes sont comptés.

C’est à ce dilemme que le parcours proposé depuis le début


de ce livre, la démarche, cherche à répondre.

229
Conclusion

Pour optimiser VRAIMENT vos investissements, les finances


de l’entreprise et le temps de tous les acteurs, y compris le vôtre,
j’ai proposé cette démarche.

Elle se veut avant tout pratique et interactive avec la partici-


pation de toutes les parties prenantes dans des mises en situa-
tion, en particulier lors des ateliers.

À l’issue de l’ensemble de cette démarche d’intervention,


grâce à la mise en place de condition interne favorable, votre
entreprise :
̵ Bénéficie d’une meilleure compréhension de son fonc-
tionnement interne grâce à un diagnostic. Elle connait
ainsi les postures des différents collectifs de travail,
̵ Identifie les vrais besoins de son marché actuel et fu-
tur grâce à un partage croisé avec tous les acteurs en
lien direct ou non avec les clients et les fournisseurs. Il
élabore ainsi des réponses business (externes) et orga-
nisationnelles (internes), adaptées à son contexte lors
d’étapes de co-construction grâce à la contribution de
tous les acteurs,
̵ Ajuste les réponses apportées pour obtenir la solution
globale la plus pertinente. La solution intègre l’organi-
sation des activités, les moyens nécessaires pour réaliser
le travail. Ainsi partagée, cette solution est adoptée par
les utilisateurs, car coconstruite par eux-mêmes. La mise
en œuvre de la solution retenue apportera la meilleure
performance globale.

Les conditions de réussite de l’intervention vues du dirigeant.


̵ Son engagement est essentiel pour la réussite de ce
projet.
̵ Il informe du projet, tous ses salariés pour leur meilleure
compréhension de leur environnement et l’importance
de leur rôle dans la chaine de valeur de l’entreprise.
̵ Il maitrise tous les choix finaux, même si les salariés contri-
buent de la conception à la mise en œuvre des scénarios.

230
Conclusion

̵ Il met à disposition les conditions nécessaires au bon dé-


roulement de la démarche en associant ses salariés, ma-
nagers et non-managers, concernés directement ou non.

À l’issue de ce parcours, vous savez maintenant, après avoir


fait confiance en vos équipes, que vous pouvez compter sur
elles, car elles sont vraiment engagées. Les équipes repré-
sentent TOUS les acteurs de l’entreprise : Direction, Manage-
ment, Collaborateurs.
Vous pourrez désormais adapter « plus facilement » votre en-
treprise aux environnements changeants.

Ainsi,
Votre entreprise obtiendra une performance vraiment
durable car elle a mené jusqu’au bout la démarche.

BRAVO !

231
L’Intelligence Artificielle n’a pas contribué à l’écriture de ce livre.
Seule l’Intelligence d’un Acteur-Auteur en est à l’origine !

232
À propos de l’auteur

Lors de ma carrière, en tant que manager d’équipes et de


projets, puis consultant interne, j’ai pu identifier et mesurer la
quantité et la qualité des dispositifs, organisationnels et tech-
niques. Ils sont souvent inadaptés aux besoins des collabora-
teurs, ceux qui réalisent effectivement le travail, pour répondre
au business de l’entreprise. Pourquoi ?
Ces dispositifs étaient, et sont encore très souvent, conçus
par des fonctionnels, esseulés, par rapport aux besoins des opé-
rationnels.
Pour que ce ne soit plus une fatalité, j’ai cherché à analyser
ces différents dispositifs en me formant à la sociologie des orga-
nisations. De plus, pour mieux appréhender le comportement
des utilisateurs internes à l’entreprise, je me suis ensuite formé
à l’ergonomie.
Pour qu’une façon de travailler renouvelée soit possible, je
me suis intéressé aux méthodes d’innovation à travers les pro-
cessus de créativité et d’identification des réels besoins avec
toutes les parties prenantes de l’entreprise.

Pour intervenir efficacement, et obtenir les meilleures per-


formances globales et durables, il est nécessaire de disposer de
connaissances nécessaires dans ces différents domaines. En
effet, en intervenant sur un seul « domaine » de l’entreprise, on
risque d’impacter un autre endroit de la chaine de valeur, à un
moment ou un autre. Ainsi, vos investissements sont réalisés
de façon parfois inopportune. Si de Grands Groupes peuvent
« assumer » certains « dysfonctionnements », il n’en est rien des
structures plus petites, moins « robustes ». C‘est principalement
à elles que je m’adresse.

Appréhender la complexité socio-organisationnelle, c’est


répondre aux problèmes, et non aux symptômes, c’est donc
optimiser vos investissements, et pas seulement financiers.

233
A propos de l’auteur

Je suis régulièrement à l’écoute des apports dans les


sciences humaines et des méthodologies d’interventions pour
générer le meilleur accompagnement des transformations des
entreprises dans leurs « spécificités » …

234
Remerciements

Ce livre est une œuvre collective à laquelle ont contribué


plusieurs personnes intervenant à un moment ou un autre.
Sans elles, le livre que vous avez entre les mains n’aurait pas
existé.

Je remercie tout d’abord à Typhaine Guy-Moyat qui m’a


suggéré de partager mes connaissances et mes analyses à
travers un livre.

Je remercie Véronique Plouvier qui m’a guidé dans la rédac-


tion du livre.
Je remercie Aurore Paris pour la conception afin que la lec-
ture vous soit plaisante malgré certains concepts abordés.

Pas de livre sans un contenu de qualité :


Je me suis inspiré de mes lectures et de mes « formations »
en sciences humaines et sociales reçues par : Dominique
Christian, Irène Gaillard et Jacques Rollin, parmi les principaux.
Grâce à mes expériences à partir du terrain que j’ai vécu
pendant près de 40 années à travers des collaborateurs, des
managers et des directeurs, issus d’entités opérationnelles ou
fonctionnelles. J’en ai rapporté dans le livre certains exemples
et certaines situations.

Je remercie aussi tous ceux qui ont fait une lecture attentive
du manuscrit et m’ont apporté leurs suggestions. Virginie,
Marie-Isabelle, Annick, Sylvie, Bernard et Jean-Marie.

235
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241
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245

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