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Les échos, Par Camille Wong

Publié le 14 avr. 2023 à 8:07Mis à jour le 14 avr. 2023 à 9:56

INTERVIEW

Les fonds de capital-risque se mettent


au label B Corp
Ce label indépendant américain, populaire chez les start-up, a aussi la cote chez les
investisseurs français. C'est le cas de Blisce qui vient de boucler Blisce/2, une poche
d'investissement à 225 millions d'euros.

En France, près de 300 entreprises ont le label B Corp. (Francois Henry/REA)


Il n'est plus si rare de croiser une start-up labélisée B Corp, à l'inverse de leurs
financeurs, les fonds de capital-risque. Certains prennent peu à peu le pli. C'est le
cas de Blisce, B Corp depuis 2020, qui annonce le bouclage de son fonds Blisce/2,
pour un total de 225 millions d'euros.

Cette certification américaine à but non lucratif analyse et audite l'impact positif du
modèle économique des entreprises et leur fonctionnement opérationnel sur des
critères sociaux, environnementaux et de gouvernance (soutien à l'entrepreneuriat
social, faire appel à des fournisseurs vulnérables, embauches ciblées, sobriété des
ressources utilisées…)

Les entreprises sont notées sur 200 points. Pour obtenir la certification, qui doit être
renouvelée tous les trois ans, il en faut au minimum 80. « Des milliers d'entreprises
ont ouvert un compte pour se frotter au référentiel. Leur moyenne tourne autour de
50 points. Pour arriver à 80, c'est complexe et, parfois, même décourageant », glisse
Thomas Breuzard, coprésident de B Lab France, qui audite les entreprises.

Savoir où s'améliorer

Blisce, de son côté, compte 91 points. « C'est un outil qui permet de représenter ce
que tu fais et pas ce que tu dis. Nous voyons la finance comme un moyen plutôt que
comme une fin », détaille Alexandre Mars, fondateur du fonds. Axé sur la croissance
(série B ou C), le fonds mise sur des pépites qui sont leader de leur marché et
réalisent entre 10 et 100 millions de dollars de revenus.

Il a par exemple financé Too Good To Go (antigaspi), Welcome To The Jungle


(recrutement) ou Talkiatry (santé mentale). Côté impact, les équipes versent 20 %
de leur « carried interest » (prime de surperformance) à des causes sociales. Au-
delà de l'outil de communication, ce label permet au fonds d'avoir une photographie
de sa situation, mais aussi de savoir où il est nécessaire de s'améliorer. Blisce a
renforcé, par exemple, la parité au sein du fonds, en nommant sa directrice
financière associée.

Des fonds surtout à impact

« L'une des raisons pour lesquelles nous sommes très bien notés sur la partie client
est liée à notre 'carried', qui est aligné à 50 % sur la performance financière d'une
entreprise et à 50 % sur sa performance sociale et/ou environnementale », indique
Laurence Méhaignerie, cofondatrice de Citizen Capital, un fonds à impact qui fait
partie de la première promotion labélisée par B Corp en France, dès 2015.

Et de préciser : « A notre création, nous avions du mal à nous positionner : soit on


gagnait de l'argent, soit on faisait de la philanthropie. B Corp est arrivé avec l'idée
que c'est l'économie qui doit contribuer à relever les défis sociaux et
environnementaux. »

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par le référentiel B Corp »

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Mars

Les fonds labellisés en France sont surtout des fonds à impact. C'est le cas
d'Eutopia, de Mirova, de Citizen Capital ou encore d'Investir & +, qui remporte la
palme, avec 155 points. Quelques fonds généralistes peuvent aussi se targuer
d'avoir le précieux label, comme Daphni ou Founders Future (98 points), qui l'a
annoncé en même temps que son fonds d'amorçage consacré à la « tech for good »
doté de 30 millions d'euros.

Accompagner les pépites au portefeuille

« C'est un gage de sérieux dans un monde ou plein de choses se racontent », glisse


Marc Menasé, fondateur de Founders Future. Le label permet aussi aux fonds de
pousser eux-mêmes la certification auprès de leur portefeuille. « Cela nous permet
d'ajouter une corde à notre arc et d'accompagner nos start-up sur une trajectoire
d'impact, dont B Corp fait partie », poursuit-il. Sept de ses start-up sont en cours de
certification.
Une aide bienvenue, alors que la labellisation est un processus souvent long et
parfois tortueux pour les entreprises. « Il faut faire de l'archéologie dans les pièces
comptables », sourit Marc Menasé, qui, bout à bout, a mis deux ans avant de
recevoir le label. Les fonds détachent souvent une personne sur le sujet,
généralement les associés « impact » des fonds.

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elles dans la jungle de labels à impact ?

De son côté, B Corp prévoit de réévaluer son référentiel dès l'année prochaine. « On
a un trou dans la raquette : vous pouvez être B Corp même en étant peu mature sur
certains critères. En 2024, il y aura 12 thématiques (climat, diversité, inclusion…)
dans lesquelles il sera nécessaire d'avoir un niveau de maturité minimum, sinon
vous ne serez plus éligible », glisse Thomas Breuzard, de B Lab France.

L'autre grand débat qui anime le label en ce moment : la volonté d'intégrer


davantage les entreprises « qui sont le coeur du problème aujourd'hui » pour les
accompagner et « les faire bouger », poursuit-il. Avec, à la clé, massifier les
labélisations… « quitte à perdre en exigence ? » s'interrogent certains fonds.

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Camille Wong

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