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ROYAUME DU MAROC ‫المملكة المغربية‬

Ministère de l'Education Nationale, de


la Formation
‫وزارة التربية الوطنية والتكوين المهني‬
Professionnelle, de l'Enseignement ‫والتعليم العالي‬
supérieur et de la
‫والبحث العلمي‬
Recherche Scientifique
‫جامعة سيدي محمد بن عبد للا‬
Université Sidi Mohamed Ben
Abdellah ‫كلية العلوم القانونية واالقتصادية واالجتماعية‬
Faculté des Sciences Juridiques ‫ فاس‬-
Economiques et Sociales - Fès

Département des Sciences Economiques et Gestion

Projet de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme de Licence en


Sciences Economiques et Gestion

Parcours : Economie et gestion

Sous le Thème :

LES APPROCHES DE LA PAUVRETE AU


MAROC

Préparé par : Sous la direction de :

Khaoula RADOUI Mme DEBBAGH Bouchra

Année universitaire : 2020-2021


REMERCIEMENT

Très ravis d’entamer notre projet de fin d’études par les expressions de remerciement les plus

chaleureuses et profondes au Dieu, en premier lieu, qui nous donne la patience, et le courage

durant ces longues années d’étude, et aux personnes qui nous ont permis de découvrir le

monde de recherche et de travail en nous encadrant dans le but d’améliorer nos

connaissances.

Ces remerciements vont tout d’abord au corps professoral et administratif de la Faculté des

Sciences Juridiques, Economiques, et Sociales-FES Univérsité SIDI MOHAMMED BEN

ABDELAH pour la richesse et la qualité de leur enseignement et qui déploient de grands

efforts pour assurer à leurs étudiants une formation actualisée.

Nous tenons à remercier tout particulièrement la directrice de ce projet Mme DEBBAGH

Bouchra d’avoir accepté d’encadrer ce travail, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses

judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter notre reflexion.

Enfin nous exprimons toute notre gratitude à tous nos proches et amis, pour leur soutien,

leurs conseils, et leurs encouragements sans limite au cours de la réalisation de ce projet.

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DEDICACE

Avec l’expression de ma reconnaisance, je dédie ce modeste travail à ceux qui, quels que

soient les termes embrassés, je n’arriverai jamais à leurs exprimer mon amour sincère.

A l’homme, mon précieux offre du Dieu, qui doit ma vie, ma réussite, et tout mon

respect, mon chèr père.

A celle qui m’a arrosé de tendresse et d’espoirs, à la source d’amour, qui m’a bénié

par ces prières, ma chère maman.

A mes chèrs frères .

A toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à l’élaboration de ce

travail.

A mes amis que j’ai connu tout le long de la période de mon étude

universitaire.

2|Page
SOMMAIRE

Introduction générale……………………………………………………………………………………………………………4

Chapitre 1 : Les fondements théoriques et conceptuels de la pauvreté…………………………………8

Section 1 : Le concept de la pauvreté……………………………………………………………………………………..9

Section 2 : Les diverses formes de la pauvreté………………………………………………………………………13

Chapitre 2 : Le triangle Pauvreté-Croissance-Inégalités…………………………………………………………20

Section 1 : L’approche microéconomique et économétrique du triangle pauvreté-croissance-

inégalité (PCI)………………………………………………………………………………………………………………………21

Section 2 : La lutte contre la pauvreté ………………………………………………………………………………27

Chapitre 3 : L’impact de Covid-19 sur l’évolution de la pauvreté………………………………………35

Section 1 : Analyse de l’impact économique et social de Covid-19 …………………………………….36

Section 2 : Impact de Covid-19 sur la pauvreté ……………………………………………………………………44

Conclusion générale………………………………………………………………………………………………………………50

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INTRODUCTION GENERALE
De nos jours, la pauvreté représente le fléau touchant le monde entier et constitue par ce
fait une préoccupation majeure, un défi à toutes les économies, et un souci lourd à gérer. Elle
est source de problèmes et contraintes qui paralysent d’une manière ou d’une autre le
développement durable. Ce phénomène n’est pas seulement lié à un revenu monétaire
inférieur à un certain seuil, mais elle est aussi définie par l’incapacité de satisfaire les besoins
socialement nécessaires.

L’étude des conditions de vie des individus est complexe non seulement du plan formel mais
aussi de par les dimensions sociales, spatiales et temporelles du phénomène. C’est pour cela
que la pauvreté ne concerne pas les populations pauvres mais elle est aussi un sujet
d’agitation des dirigeants, planificateurs, et économistes qui ne cessent pas de tenter de
combattre, lutter contre ce fléau, et essayer de faire sortir les pauvres se son emprise.

La pauvreté reste un phénomène complexe à appréhender dans ses fondements. La


littérature concernant ce phénomène montre qu’il n’existe pas un cadre théorique unique. En
effet, la diversité conceptuelle des approches de la pauvreté se révèle quand il s’agit de
mesurer le bien-être ou quand il s’agit de déterminer les indicateurs de la pauvreté. Souvent,
dans littérature de la pauvreté, on oppose le caractère monétaire ou non monétaire, ou le
caractère unidimensionnel ou multidimensionnel afin de faire les distinctions théoriques.

Cependant, le seul point commun est le fait de considérer comme pauvre, toute personne qui
n'atteint pas un minimum de satisfaction raisonnable d'une « chose » (Asselin et Dauphin,
2000).

En revanche, le débat est vif sur la manière de mesurer la pauvreté. Car pour « catégoriser »
et/ou « quantifier », il faut d’abord établir une définition, puis retenir un ou plusieurs critères
précis avant de « récolter » des données. Là où le discours politique peut rester général, la
statistique doit trancher par des choix précis. Mesurer la pauvreté, c’est donc d’abord choisir
et simplifier ce phénomène complexe.
À ce point de l’analyse, il est plus juste de préférer le terme de « quantification » à celui de «
mesure ». Comme Alain Desrosières le rappelle (2008), le second terme renvoie aux sciences

4|Page
de la nature et à une métrologie réaliste qui ne peut s’appliquer que très partiellement aux
faits sociaux. La quantification est en revanche une construction artificielle (exprimer sous
forme numérique un phénomène préexistant qualifié par des mots), subjective (opérée par
un acteur qui a ses intérêts propres) et relative (décidée dans un contexte de temps et de
lieu)1.

La pauvreté ne se limite pas au manque de revenus ou de ressources productives qui


garantissent des moyens de subsistance durables. Elle se manifeste aussi par la famine, la
malnutrition, l’accès limité à l’éducation et aux services de base, la discrimination sociale,
l’exclusion, ainsi que le manque de participation dans les prises de décision. Selon les données
les plus récentes, plus de 736 millions de personnes vivent en dessous du seuil international
de pauvreté. Environ 10 % de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême
pauvreté et se bat pour satisfaire des besoins élémentaires tels que la santé, l’éducation,
l’accès à l’eau potable et à un système sanitaire. 122 femmes âgées de 25 à 34 ans vivent
dans la pauvreté pour 100 hommes de la même tranche d'âge, et plus de 160 millions
d'enfants risquent de continuer à vivre dans l'extrême pauvreté d'ici à 2030.

Dans les pays du monde entier, l’un des défis majeurs du développement est de promouvoir
des politiques économiques et sociales susceptibles de combattre la pauvreté. Certes,
l’objectif d’éradication de la pauvreté n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau c’est
l’importance qu’on lui accorde aujourd’hui, notamment au niveau de la communauté
internationale. En particulier, le paradigme dominant du développement — mettant en
lumière plusieurs changements quant à la conception de la pauvreté, les acteurs de la lutte
contre cette dernière, et l’identification et le ciblage des groupes pauvres —, s’efforce
d’impulser une stratégie axée autour de trois éléments. Tout d’abord, une croissance
économique intensive en travail visant à accroître les actifs productifs, l’emploi et les revenus
des pauvres. Ensuite, un meilleur accès aux services sociaux afin que les pauvres bénéficient
d’une plus grande sécurité et réalisent pleinement leur potentiel. Enfin, la mise en place de
filets de sécurité efficaces pour protéger les pauvres contre les chocs soudains, garantir la
sécurité alimentaire et prévenir leur destitution. En réalité, malgré la prise en considération

1
http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour-quantifier-la-pauvrete?page=show

5|Page
de ces trois dimensions dans la mise en œuvre des politiques, l’aspect croissance économique
demeure privilégié.

Les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la pauvreté se sont souvent
heurtées à la nécessité de maintenir les incitations au travail. Le conflit potentiel entre ces
deux objectifs constitue une manifestation de l’opposition traditionnelle entre équité et
efficience : la redistribution des revenus des catégories les plus aisées en faveur des plus
défavorisées a généralement pour effet de diminuer l’incitation pour ces deux groupes de
population à se présenter en tant qu’offreurs sur le marché du travail et à faire preuve
d’initiative. Ce conflit est également connu sous le nom de « piège du chômage » ou de «
piège de la pauvreté ».

Cependant, le monde a été envahi par un ennemi presque invisible, un virus partout dans le
monde, « COVID-19 » un virus dont les dommages et la vitesse de propagation questionnent
les systèmes de santé, les stratégies politiques, les modes de travail, les modes de
consommation et la résilience des communautés, partout si peu préparées à voir leur
quotidien bouleversé si rapidement.

Dans le contexte de cette crise mondiale actuelle, l’OMS2 guide la réponse des Nations Unies
à l'échelle mondiale à mesure que la communauté internationale des donateurs et des
acteurs du développement de chaque pays organise ses efforts pour dépasser la crise.

La stratégie de certains pays d’augmenter progressivement sa capacité à tester la population


et à rechercher les contacts potentiels, de mettre en œuvre des restrictions de voyage puis de
fermer ses frontières, d’exiger des citoyens de limiter leurs déplacements et de porter un
masque, puis d’entrer et de rester en confinement, s'est avérée efficace pour limiter la
propagation du virus.

Or, ces règles de confinement de certains pays ont fait perdre de nombreux emplois et
freinent également les activités liées à l’économie informelle qui représentent une source
importante de revenus pour les ménages des pays en développement. La crise économique
déjà amorcée à l’échelle planétaire a des conséquences dramatiques sur les familles les plus
vulnérables.

2
OMS : Organisation Mondiale de la Santé

6|Page
A cet égard une question semble être d’une grande importance :

- Dans quelle mesure la crise sanitaire Covid-19 a impacté l’évolution de la pauvreté au


niveau mondial et surtout au niveau du MAROC ?

L’objectif de notre travail est donc d’analyser et de comparer l’évolution de la pauvreté avant
et après la crise ainsi de clarifier la relation ente la pauvreté, la croissance et les inégalités.

Afin d’apporter des éléments de réponse à cette problématique, notre travail sera structuré
en trois chapitres :

Le premier chapitre fera le point sur les aspects généraux du thème, à savoir les
différents concepts de base, ainsi que l’évolution du terme pauvreté à travers les
écoles.
Le deuxième chapitre sera consacré à lancer les premières questions sur la relation
entre la pauvreté, la croissance et les inégalités sous deux approches, une
macroéconomique et l’autre économétrique.
Quant au troisième et dernier chapitre, il aura comme objet l’analyse de l’impact de
la crise sanitaire Covid-19 sur l’économie mondiale et nationale dans un premier
temps, et ensuite clarifier son impact sur l’évolution de la pauvreté.

7|Page
Chapitre 1 : Les fondements théoriques et conceptuels de la pauvreté
La pauvreté dans le monde est de plus en plus perçue non seulement comme un fléau

économique et social grave pour ceux qu’elle touche, mais également un facteur potentiel

majeur de déstabilisation politique à l’échelle d’un pays voir du monde. La pauvreté détruit

les aspirations de millier de personnes, en limitant leurs capacités à prendre une part active

au développement d’une communauté. Ainsi, les gouvernements conscients de la gravité de

ce fléau, tentent de le remédier par la mise en place d’un ensemble de politiques et de

mesures.

La pauvreté est un terme global qui définit le fait de manquer de moyens pour subvenir à ses

besoins, mais la pauvreté peut prendre différentes facettes. Absolue, relative, transitoire, il

est aujourd’hui encore compliqué de trouver une mesure universelle pour établir l’ampleur

de la pauvreté dans le monde.

La complexité de la pauvreté vient de son caractère multidimensionnel. Ses dimensions

touchent de multiples aspects de la vie : santé, emploi, habitation, alimentation, transport,

éducation, réseaux personnels et institutionnels. La pauvreté peut se manifester aussi bien

par une mauvaise santé, que par des conditions de logement indécentes, l’absence de

confiance en soi, l’impossibilité de faire valoir ses droits ou encore l’instabilité d’emploi. Aussi,

il serait réducteur de l’aborder sous un seul angle, comme celui du revenu.

Dans ce premier chapitre, nous verrons dans un premier temps le concept de la pauvreté en

exposant les écoles qui ont traité le phénomène de la pauvreté et ensuite on essayera de

définir les différentes formes de la pauvreté.

8|Page
Section 1 : Le concept de la pauvreté
La littérature sur le concept de pauvreté est extrêmement abondante et caractérisée un
niveau d’ambiguïté très élevé dans son rapport à la théorie économique. Elle fournit plusieurs
façons de définir de la pauvreté, qui conduisent évidemment à une identification différente
des pauvres. Hagenaars et de Vos (1988) qui comparent l'impact de différentes définitions sur
les estimations et la composition de la pauvreté concluent leur étude de la façon suivante :

Le concept de la pauvreté reste globalement ambigu et imprécis. Il est ainsi difficile à définir,
à comprendre, à caractériser et donc à mesurer. Il existe alors plusieurs façons de définir la
pauvreté qui conduisent à des identifications différentes des pauvres. De façon générale, la
pauvreté correspond à une ou plusieurs situations jugées comme « inacceptables ou encore
"injustes" sur les plans économiques et sociaux ».

Cependant, la détermination de l'espace de référence à considérer pour identifier ce type de


situations est problématique et est sujet à plusieurs débats. Deux principales approches se
distinguent à ce niveau. Chacune considère son propre espace de référence. La première
retient ce que l’on appelle les ressources, alors que la deuxième considère un sous ensemble
de capacités identifiées comme étant des "capacités de base".

I. L’école Welfariste :

L'approche Welfariste semble être largement partagée au sein de la communauté des


économistes (Adjibade, 2004). Cette théorie reste jusqu'à ce jour l'approche la plus privilégiée
par certaines institutions de développement. A titre d'exemple, la Banque Mondiale est l'un
des leaders parmi les organismes qui soutiennent fortement la conception Welfariste de la
pauvreté (Asselin & Dauphin, 2000). Pour cette approche, la pauvreté est considérée comme
la résultante d'un manque et/ou d'une non-possession de revenu décent pour assurer sa
survie et ses besoins fondamentaux (Pnud, 2010 ; Insee, 2011). La condition de vie d'un
pauvre est l'expression de son mal être. Le concept de pauvreté trouve ses sources dans
l'approche microéconomique et découle de l'hypothèse selon laquelle le progrès social porte
sur la maximisation de l'utilité personnelle (Adjibade, 2004).

L’approche des ressources retient généralement une variable monétaire (revenu ou dépense
de consommation), puis fixe un seuil de pauvreté pour identifier les individus pauvres. Cette
approche tire ses origines principalement de la microéconomie classique qui considère que

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L’utilité (approchée par le revenu ou la consommation) est l’élément clef dans le
comportement et le bienêtre des individus.

Pour cette école, seule la consommation (ou possession) de biens et services (ou satisfaction
des désirs) procure à l'individu le bonheur, la joie et le plaisir ou la satisfaction. La satisfaction
est encore appelée « utilité » en microéconomie. L'utilité de l'individu est fonction de son
panier de consommation (quantités de biens et services destiné à la consommation). C'est
grâce au revenu que l'individu peut assurer son panier de consommation. Dans ce cas, si le
revenu de l'individu ne lui permet pas d'atteindre son niveau de consommation, donc il est en
dessous du seuil de la pauvreté. De même pour l'école, la satisfaction détermine la mesure du
bien-être et de la pauvreté (Adjibade, 2004)

Le welfarisme met au cœur du débat les préoccupations du bien-être. Suivant cette école de
pensée, le bien-être fait référence à ce qui est fondamental dans la vie, et donc à ce qui
recherche chaque individu. En outre l’individu du welfarisme est un individu rationnel,
pouvant utiliser au mieux les dotations factorielles pour atteindre le niveau le plus élevé
d’utilité. Dès lors la pauvreté se conçoit comme une différence dans la hiérarchisation des
préférences en vue du maintien d’un niveau du bien-être.

En pratique cependant, le bien-être économique des individus n’est pas directement


observable. Parce que les préférences varient de plus d’une personne à l’autre, cette
approche est amenée à formuler un premier principe : celui que les individus sont les seuls à
savoir ce qui est véritablement dans leurs intérêts. Par l’analyse classique de la “main
invisible” formalisée dans l’étude moderne du bien-être et des équilibres, un second principe
découle du premier : celui que l'état ne doit pas trop intervenir dans l'économie. C'est à dire
que ce qui doit être produit, comment et pour qui il doit l'être, doit être déterminé par les
préférences inconnues des individus. Cette approche préconise donc des politiques axées sur
l'augmentation de la productivité, de l’emploi, etc., et donc du revenu, pour alléger la
pauvreté. En conséquence l’approche Welfariste est associée à ce qui est appelé “l’approche
revenu de la pauvreté” (the income approach to poverty).

10 | P a g e
II. L’école des besoins de base :

Cette école est la deuxième en importance après l’école Welfariste. Quoique ses origines
remontent au début des années 1990 avec les études de Rowntree, elle n’a véritablement
pris forme que dans les années 1970, s’élevant en réaction à l’inattention portée aux besoins
des individus.
L'appréhension de la pauvreté se définit par un petit sous ensemble des biens et services
spécifiquement identifiés et perçus comme rencontrant les besoins de bases de tous les êtres
humains. Ils sont dits « de base » car leur satisfaction est considérée comme un préalable à
l'atteinte d'une certaine qualité de vie.
Ils ne sont pas perçus comme contribuant nécessairement au bien-être. Comme Lipton le dit,
on doit "être" avant "d'être bien"3. « Basic needs is not primarily a welfare concept »4. Au lieu
d’être sur l’utilité, l’accent est mis sur les besoins individuels relativement à des commodités
de base.
Dans l’approche traditionnelle des besoins de base, les commodités de base comprennent :
de la nourriture, de l’eau potable, des aménagements sanitaires, un logement, des services de
santé et d’éducation de base, et un service de transport public. Comme nous le voyons, ces
besoins vont au-delà des besoins nécessaires à l'existence, généralement appelés les besoins
minimaux, qui n'incluent qu'une nutrition adéquate, un logement et un habillement décents.
Avant même d’aborder la question de ce qui est “suffisant”, le sous-ensemble de commodités
de base est compris comme variant avec l’âge et le sexe : les enfants et les femmes
requièrent des services de santé particuliers, l’éducation de base pour un enfant de 7 ans
peut signifier d’aller à l’école primaire, alors qu’elle peut signifier l’alphabétisme fonctionnel
pour un adulte, etc.
Quoiqu’elle reconnaisse le bien fondé des politiques de lutte contre la pauvreté orientées
vers l’accroissement des revenus, cette approche privilégie plutôt des politiques ayant pour
objectif plus particulier la satisfaction des besoins de base.

3
Cité par N. Kabeers, "Beyond the Poverty Lines: Measuring Poverty and Impoverishing Measures" dans Reversed Realities, Gender
Hierarchies in Development Thought, 1994, Verso, London, p. 162.

4
8 Alejandro N. Herrin, "Designing Poverty Monitoring Systems for MIMAP", papier présenté au Second Annual Meeting of MIMAP,
1997, Mai 5-7, CRDI, Ottawa, p. 3.

11 | P a g e
Cette approche multidimensionnelle de la pauvreté est donc une approche synthétique qui
tente de dresser un vecteur de variables dont la relation serait déterminante dans la
reproduction de la pauvreté.

III. L’école des capacités :


L’approche dite des capacités en matière d’approche de la pauvreté est promue et
préconisée par Amartya Sen5 au cours des dernières vingt années. Elle s'appuie
principalement sur la théorie de la justice développée par Rawls en 1971. Ce dernier critique
l’approche utilitariste. Selon lui une société qui respecte le principe de justice sociale
procurerait à ses membres une équité fondée sur un ensemble d’éléments essentiels. Parmi
ces éléments, Rawls évoque ce qu’il appelle les biens premiers qu’il considère comme étant «
les biens utiles quel que soit le projet de vie Rationnel » 6Audard (1997), en d’autre termes «
les biens que tout homme rationnel est supposé désirer ».

Rawls distingue, aussi les biens premiers naturels et les biens premiers sociaux. Les premiers
sont les qualités innées dont disposent les individus, comme la santé et vigueur, L’intelligence
et l’imagination. Quant aux biens premiers sociaux, ils sont « identifiés par la question de
savoir ce qui est généralement nécessaire, en termes de conditions sociales et de moyens
polyvalents, pour permettre aux citoyens, tenus pour libres et égaux, de développer de
manière adéquate et d’exercer pleinement leurs deux facultés morales, ainsi que de chercher
à réaliser leur conception déterminée du bien » Audard (1997).

Même si, à la base, cette approche n’est pas orientée directement vers l’étude de la
pauvreté, elle fournit une base informationnelle et multidimensionnelle qui permet de
proposer une définition de la pauvreté concentrée particulièrement sur les biens premiers
sociaux.

Partant de cette théorie de la justice, Sen a développé son approche des capacités. Sen a
d’abord remis en cause les autres approches de la pauvreté. Il précise que celles-ci ignorent la
notion de diversité des êtres humains. En effet, deux individus dotés des mêmes ressources,

5
Amartya Kumar Sen est un économiste et philosophe indien. Ses travaux portent sur les théories du choix social
6
Audard. C., (1997), Théorie de la justice, Paris, Ed du Seuil, 2ème édition. Traduction en français .

12 | P a g e
peuvent atteindre des résultats différents en termes de bien-être. Assurément, ces deux
individus ne vont pas utiliser leurs ressources de la même manière. Ils auraient des
caractéristiques différentes (physiques et mentales), et donc même si les biens envisagés ont
des caractéristiques identiques, les niveaux de bien-être réalisés seraient différents.

Sen affirme ainsi que les ressources des individus ne peuvent pas suffire pour décrire leur
bien-être. Il s’agit alors d’évaluer ce que l’individu peut accomplir grâce à ses ressources. Il
définit alors ce qui est dit espace des capacités. Dans cette approche, un individu est pauvre
s’il n'a pas la capacité de transformer ses ressources en accomplissements. Bien que
l’approche de Sen soit stimulante et ait donné naissance à une littérature abondante, elle
demeure plutôt difficile à opérationnaliser. Elle décrit et propose des concepts à plusieurs
facettes qui ne sont ni directement observables ni facilement mesurable.

Pour conclure, à l’inverse de l’approche monétaire de la pauvreté, l’approche dite


multidimensionnelle, des capacités, définissent la pauvreté selon plusieurs critères. Elles
couvrent une analyse globale du phénomène de la pauvreté permettant de dépasser l’analyse
unidimensionnelle classique.

Section 2 : Les diverses formes de la pauvreté

On peut aborder le phénomène de la pauvreté de différentes manières. Cela vient du fait que
la pauvreté présente de nombreuses formes. Nous distinguons essentiellement la pauvreté
monétaire, la pauvreté des conditions de vie, la pauvreté de potentialités ou de capacités. Il
existe toutefois d’autres visages tels la pauvreté subjective, la pauvreté sociale, la pauvreté
structurelle...

I. La pauvreté monétaire ou de revenu :

L'approche monétaire de la pauvreté et des inégalités sociales exige l'usage du revenu ou des
dépenses de consommation comme indicateur de niveau de vie.

Une telle approche dépend largement des conventions adoptées, tant pour la définition du
revenu que pour la fixation du seuil. Ici comme usuellement, le revenu est défini comme le
revenu disponible monétaire, ce qui conduit à ignorer certaines composantes du bien-être
comme le patrimoine.
Cette approche place la conceptualisation du bien-être dans l’espace de l’utilité. Elle vise à

13 | P a g e
baser les comparaisons du bien-être, ainsi que les décisions relatives à l’action publique,
uniquement sur l'utilité des individus, c'est-à-dire sur les préférences de ces derniers
(Ravallion, 1994). Le degré de satisfaction atteint par un individu par rapport aux biens et
services qu’il consomme est supposé définir son bien-être. L’utilité n’étant pas directement
observable, les ressources (revenus–dépenses) sont utilisées pour l’approximation du bien-
être, dans cette approche. Les partisans de l’évaluation utilitariste de la pauvreté évitent de
formuler des jugements qui ne cadrent pas avec le comportement de l’individu dans
l’évaluation de son bien-être. L’approche utilitariste repose sur le concept d'un classement
des préférences pour les biens, que l'on considère généralement pouvoir être représenté par
une « fonction d’utilité », et dont la valeur est censée être un résumé statistique du bien-être
d'une personne. Les utilités forment alors la base des préférences sociales, y compris pour les
comparaisons de la pauvreté. Cette approche a donné lieu à de nombreuses applications
empiriques concernant divers aspects de l'action publique. La formulation du concept
fondamental du bien être peut aussi influer sur la manière dont la consommation est
mesurée.

L'approche utilitariste n'exige pas que la préférence soit systématiquement donnée à


l'emploi des prix du marché (même lorsque ceux-ci existent) pour procéder à l'agrégation des
15 biens et services consommés. Il est tout à fait admis que les prix ne décrivent pas
nécessairement les coûts d'opportunité sociaux (définis par l'effet exercé par un
accroissement de la quantité globale d'un bien sur le « bien-être social » qui est lui-même le
produit d'un regroupement quelconque des utilités des individus). Les prix du marché sont
néanmoins normalement utilisés pour procéder aux évaluations par les méthodes utilitaristes.
Cette approche fait donc de la pauvreté un état de revenu bas ou de faible pouvoir d’achat. Il
se caractérise par l’insatisfaction des besoins essentiels en matière de nutrition, logement,
formation, santé, emploi, loisirs, etc. et par l’accès très limité aux différents moyens matériels
et immatériels (terre, ressources financières, revenu, infrastructure physique sociale,
protection sociale) (Banque Mondiale, 1990, 1993 ; Ravallion, 1992).

Cette définition se réfère donc à une situation d’absence du bienêtre pour une frange de la
population dont la satisfaction des besoins est estimée incomplète et insuffisante. Toutefois,
cette définition implique la connaissance d’indicateurs du niveau de satisfaction. Les
indicateurs peuvent être choisis en termes monétaires (il s’agit alors de revenu ou le cas

14 | P a g e
échéant de dépense de consommation). Se pose alors le problème de la connaissance de la
frontière monétaire (seuil) qui permet d’établir une démarcation entre les pauvres et les non
pauvres.

On définit un seuil monétaire en dessous duquel on est considéré comme pauvre, et l’on
comptabilise le nombre de pauvres par référence à ce seuil (ligne de pauvreté). Ce seuil peut
être estimé soit à partir du revenu, très variable, soit de la consommation plus stable dans le
temps. Il est censé déterminé une pauvreté absolue (également appelée pauvreté extrême),
en considérant le revenu nécessaire à l’achat du panier minimal de biens alimentaires
indispensables à la survie quotidienne (qui correspond, selon les normes FAO, à 2.400 calories
pour la pauvreté et à 1.800 calories pour l'extrême pauvreté) auquel on ajoute le revenu
nécessaire à l’achat de biens non alimentaires indispensables (habillement, transport,
hygiène, eau, énergie, etc.).

Le seuil peut également être déterminé d’une manière relative en considérant, sur la
distribution des revenus ou de la consommation, un pourcentage de population : soit les 20%
de la population les moins riches, ou ceux qui ont un revenu inférieur à la moitié du revenu
médian ou moyen. On obtient alors une estimation de la pauvreté relative (également
appelée pauvreté générale).

En effet, une mesure de pauvreté absolue est plus adaptée dans les pays en développement,
où une part importante de la population vit autour du seuil de survie minimal, alors que dans
les pays développés, où la sécurité alimentaire est quasiment assurée, la pauvreté se fonde
davantage sur des comparaisons. De même, une mesure de pauvreté absolue est plus utile en
période de crise économique, car elle permet de suivre le nombre de personnes qui tombent
au-dessous d’un seuil objectif considéré comme détecteur de pauvreté, alors qu’en période
de croissance une mesure de pauvreté relative met en valeur les « laissés-pour-compte » de
la croissance.

Dans ce cadre, la mesure de la pauvreté s’appuie soit sur le revenu, soit sur la
consommation, traduite en valeur monétaire. Le référentiel de cette approche est la théorie
du bien-être. En effet, devant l’impossibilité de mesurer les utilités, elle s’appuie sur
l’utilisation du revenu (ou de la consommation) comme mesure de bienêtre. Un seuil
monétaire est ainsi défini en deçà duquel un individu/ménage est considéré comme pauvre.

15 | P a g e
Ce seuil peut être estimé soit à partir du revenu, très variable, soit de la consommation plus
stable dans temps. Il est censé déterminé une pauvreté absolue ou une pauvreté relative.
Cette approche monétaire est sujette à des critiques. En effet, il est possible de classer
comme pauvre un individu favorisé matériellement mais non comblé, et inversement comme
non pauvre un individu peu favorisé mais néanmoins comblé. De même, la satisfaction des
besoins ne dépend que du revenu ou de la dépense privée des ménages. En outre, la
composante non-alimentaire du seuil de pauvreté constitue une sorte de boîte noire, dont
nous ignorons la liste des biens qui la composent et nous n’en connaissons que le coût total
via une mesure empirique fondée sur le comportement des ménages en termes de
consommation alimentaire. La non prise en compte des avantages socio-économiques tirés
des services publics. D’autre part, cette approche reste largement dépendante de la
conjoncture économique. Utilité des individus, c'est-à-dire sur les préférences de ces derniers
(Ravallion 1994).

Deux principes essentiels ressortent de cette approche : les individus sont les seuls à savoir ce
qui est dans leur intérêt, ils ont donc des préférences différentes et l’Etat doit limiter ses
interventions dans l’économie, il doit mettre l’accent sur des politiques qui réduisent la
pauvreté, mais basées sur l’augmentation de la productivité, de et par conséquence du
revenu.

II. La pauvreté des conditions de vie « ou d’existence » :

La pauvreté peut également être perçue dans sa dimension d’exclusion par rapport à un
certain mode de vie matériel et culturel, résultant de l'impossibilité de satisfaire aux besoins
essentiels. L’analyse est élargie à l’ensemble des besoins qui permettent de mener une vie
décente dans une société donnée, ce qui renvoie à la notion d’intégration/exclusion sociale.
Cette « pauvreté des conditions de vie » ou « pauvreté d’existence », vision plus « qualitative
» de la pauvreté, traduit une situation de manque dans les domaines relatifs à l’alimentation
(déséquilibre nutritionnel), à la santé (non- accès aux soins primaires), à l’éducation (non-
scolarisation), au logement, etc. Mais la non satisfaction d’un besoin donné, jugé essentiel,
peut avoir des causes multiples (non-disponibilité d’un service, non-accessibilité, coût,
différences de perception du caractère essentiel du besoin, etc.) qui en fait une notion
relative à l’environnement socioculturel. D’où le difficile choix d’indicateurs pertinents pour
retracer la pauvreté des conditions de vie.
16 | P a g e
III. La pauvreté de potentialités « ou de capacités » :

Elle traduit le fait que l’on n’ait pas pu disposer des moyens (« différentes formes de capital »)
qui auraient permis de se soustraire de la pauvreté, de vivre correctement et de mettre en
valeur ses capacités individuelles. Cette insuffisante « accumulation de capital1 » engendre
une insuffisante mise en valeur des capacités individuelles (Herpin et Verger 1998).

Cette approche permet d'aborder la pauvreté à sa source en la considérant comme le résultat


d'une incapacité à saisir les opportunités qui se présentent en raison d'un manque de
capacités résultant d'une santé déficiente, d'une éducation insuffisante, de déséquilibres
nutritionnels, etc. Dans une vision dynamique, on devient pauvre du fait de modifications
dans le patrimoine (par faillite), dans le capital humain (handicap) ou dans le capital social
(exclusion ou rupture familiale).

IV. La Pauvreté subjective :

La dénomination de « pauvreté subjective » se retrouve dans la tradition de la littérature


internationale sur le sujet élaboré dans la lignée de l'école de Leyden. Cette approche
appréhende la pauvreté à travers les « difficultés à équilibrer son budget » c'est à dire est
pauvre celui qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois avec le revenu dont il dispose.

C’est une autre forme de la pauvreté. Elle se mesure à l’opinion de la personne enquêtée tant
à propos de ses revenus que de son bienêtre. Il s’agit de la pauvreté telle qu’une personne la
ressent. Sur la base des sondages, il est possible d’estimer les ménages qui déclarent vivre
avec difficultés et/ou ne pas avoir des problèmes de fin de mois

V. Pauvreté sociale (ou relationnelle) :

Elle s’apparente à l’isolement subi (plus que désiré), à la solitude (involontaire), à l’exclusion,

à la marginalisation. Les causes sont nombreuses : elles peuvent être liées à la famille

(divorce, décès et veuvage, parent isolé, …), à des conditions naturelles (inondations, …), à

des conditions politiques (conflits armés, attentat qui frappent les proches, …). Il n’est plus

permis de penser que les catastrophes naturelles sont réservées à certains pays même si les

PVD sont plus frappés que les pays industrialisés. Le risque naturel mérite une analyse précise

17 | P a g e
et rigoureuse car il a la particularité de frapper les peuples avec surprise, brutalité et sur une

grande échelle. Les conséquences sont douloureuses et, au-delà du nombre de morts suite

aux catastrophes, il convient de réfléchir à la prise en charge de toutes celles et tous ceux qui

ont tout perdu ou presque et qui peuvent de fait se retrouver pauvres. Il en va de même pour

celles et ceux frappés par les conflits armés, les attentats ou toute autre expression de force

physique.

VI. Pauvreté transitoire/structurelle :

La plus ou moins grande pertinence de l’approche à partir des ressources monétaires

instantanées doit aux yeux de certains s’apprécier à partir de la plus ou moins grande

permanence dans l’état de pauvreté.

Cette approche, nécessitant des méthodes de suivi individuel est encore peu exploité du fait

de la lourdeur du type d’enquêtes à mettre en œuvre. Elle est toutefois susceptible de

modifier les politiques et programmes, du fait des différences de traitement qu’impliquent

des pauvreté structurelles et transitoires (enjeu essentiel pour la politique sociale : si la

pauvreté et le plus souvent transitoire, elle ne nécessite pas la mise au point de politiques

spéciales pour son éradication, plutôt des politiques de « soulagement transitoire ».

➢ Pauvreté instantanée :

A la manière de Friedman, qui défendait le concept de revenu permanent, il est important de

différencier les pauvres permanents et ceux qui le sont de manière transitoire (étudiants par

exemple). En sacrifiant du revenu aujourd’hui pour accroître l’espérance de revenu sur le long

terme.

18 | P a g e
Conclusion du chapitre 1 :

La pauvreté est un phénomène qui a existé depuis toujours. A travers le monde, les

préoccupations des responsables étaient différentes de ce qu’elles sont actuellement vis-à-vis

de ce phénomène. Elles se focalisaient beaucoup plus sur les autres aspects du

développement et sur la croissance des agrégats macroéconomiques et beaucoup moins sur

la lutte contre la pauvreté. Par la suite, et depuis la fin des années quatre-vingt du siècle

précédent, le problème de la pauvreté a commencé à susciter un intérêt de plus en plus

grand auprès des chercheurs et des décideurs. Cette récente prise en considération de ce

phénomène s’explique par sa persistance (voire son accentuation) un peu partout à travers le

monde. Par ailleurs, la mise en place de politiques sociales pour contrer certains effets

négatifs des politiques de stabilisation macroéconomique contenues dans les programmes

d’ajustement structurel, que certains pays –comme le Maroc- ont connus, ont commencé à

mobiliser les politiciens et les économistes du monde entier. Ces politiques sociales laissent

par nature de la place à la lutte contre la pauvreté. Dans ce sens, et lors de l’Assemblée

Générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU), organisée le 8 septembre 2000, 189

pays dont le Maroc ont adopté à l’unanimité, la réduction de moitié de l’extrême pauvreté et

de la faim entre 1990 et 2015. Cet objectif est aujourd’hui érigé comme l’axe majeur des

Objectifs du Millénaire pour le Développement (O.M.D.). Théoriquement, l’identification des

pauvres et la mesure de la pauvreté semblent être une procédure séquentielle simple : la

sélection des indicateurs de mesure du bien-être, la définition d’un ou plusieurs seuils de

pauvreté et l’établissement des indices de mesure du degré de la pauvreté. Toutefois, dans la

pratique, l’opération se révèle très complexe et fait l’objet d’un large débat entre au moins

deux principaux courants de pensée l’approche Welfariste et l’approche des Capabilités.

19 | P a g e
Chapitre 2 : Le triangle Pauvreté-Croissance-Inégalités
Les relations implicites qui sous-tendent le triangle Pauvreté-Croissance-Inégalités sont
moins simples. Ainsi, à distribution constante, l’élasticité de la pauvreté par rapport à la
croissance n’est constante ni dans des pays ayant une distribution et des niveaux de
développement différents, ni d’une méthode de quantification de la pauvreté à l’autre. Ce
constat vaut aussi pour l’élasticité de la pauvreté par rapport à des indicateurs d’inégalités.

Le véritable enjeu de l’élaboration d’une stratégie de développement visant à réduire la


pauvreté réside davantage dans les interactions entre distribution et croissance que dans les
relations entre, d’une part, pauvreté et croissance et, d’autre part, pauvreté et inégalités, qui
restent essentiellement arithmétiques.

Les économistes conviennent de fait en général que la croissance est essentielle pour réduire
la pauvreté (-revenu), à condition que la répartition du revenu reste plus ou moins constante.
La réalité tend d’ailleurs à le confirmer. De même, les données montrent qu’une détérioration
de la distribution tend à augmenter la pauvreté.

Cependant, le vrai problème de l’élaboration d’une stratégie de développement est de savoir


si la croissance et la distribution sont indépendantes ou si, au contraire, elles sont
étroitement liées. Une croissance accélérée va-t-elle ainsi réduire les inégalités ou bien les
renforcer ? Des inégalités trop importantes dans un pays vont-elles ralentir la croissance ou
bien l’accélérer ? Plusieurs études micro-économiques récentes concernant les effets de la
croissance sur la répartition du revenu indiquent clairement que la relation est à la fois
robuste et complexe. Cela contredit les nombreuses régressions transnationales qui
n’établissent aucune relation significative entre croissance et inégalités et qui pourraient
amener à conclure que « la croissance (quelle qu’elle soit) est bonne pour les pauvres ». Les
analyses transnationales ne sont pas non plus très parlantes quant aux effets des inégalités
sur la croissance. De fait, il est difficile de réunir les variables explicatives micro-économiques
qui permettraient d’identifier cette relation.

Nous tenterons dans ce deuxième chapitre de clarifier la relation entre la pauvreté, la


croissance, et les inégalités dans deux approches : Une première microéconomique qu’on va
décrire dans la première section et ensuite on examinera la relation Pauvreté Croissance et
Inégalités sous l’approche économétrique.
20 | P a g e
Section 1 : L’approche microéconomique et économétrique du triangle
pauvreté-croissance-inégalité (PCI)

I. L’approche microéconomique :

Cette approche s ’intéresse au lien entre la croissance et les inégalités en analysant leurs
impacts sur la dynamique de la pauvreté au niveau microéconomique moyennant les données
sur le niveau de vie des ménages. Son objectif final consiste à étudier l’efficacité des
stratégies du développement sur l’incidence de la pauvreté. Dans une telle perspective, en
appréhendant la nature des liens qu’entretient la pauvreté avec les inégalités et la croissance,
Bourguignon7 (2003) a essayé de répondre aux questions suivantes : comment la croissance
et la pauvreté interagissent -elles et de combien intervient la croissance, positive soit elle ou
négative en termes réels, dans la baisse ou l’augmentation de la pauvreté ? Idem pour le lien
entre l’inégalité et la pauvreté. Les inégalités pourraient -elles agir de façon à ralentir ou
accélérer la croissance économique ?

1. Le triangle PCI de Bourguignon :

Figure 1 : Le triangle Pauvreté-Croissance-Inégalités de Bourguignon

La problématique consiste à mesurer le degré d’indépendance ou d’interaction entre


croissance et distribution de revenus et à identifier les canaux de transmission des différents
effets sur la pauvreté.

7
Bourguignon : Directeur de l'Ecole d'économie de Paris depuis octobre 2007 après avoir été économiste en chef et premier vice-président
de la Banque mondiale à Washington entre 2003 et 2007

21 | P a g e
La question relative aux effets de la croissance sur le niveau de vie, est principalement liée à
la réduction de la pauvreté absolue étant donné que la pauvreté relative pose des difficultés
de mesure et reste inhérente à la distribution des revenus. Et comme il a été montré que la
variation de la pauvreté est fonction de la croissance et de la distribution (Datt & Ravallion,
1992, Kakwani, 1993), ceci explique que la réduction de la pauvreté passe essentiellement par
la réduction des inégalités et d’une croissance économique forte.

Bourguignon (2003) a pu fournir une analyse rigoureuse des rapports existants entre ces trois
concepts. En effet, il a démontré que la croissance modifie la distribution de revenus, qui elle-
même détermine en partie la croissance, sa nature, son niveau et son impact sur la pauvreté.
Une variation dans la distribution de revenus peut être décomposée en deux effets. Le
premier effet se manifeste par un changement proportionnel dans le revenu, la distribution
de ce revenu étant inchangée (effet de croissance). Le deuxième effet se traduit par un
changement dans la distribution du revenu relatif, qui par définition est indépendant du
revenu moyen (effet distributionnel).

2. Effet de la croissance sur la pauvreté :

Figure 2 : Effet de croissance : translation du revenu

Pour expliciter l’effet de croissance sur la pauvreté, il importe de considérer la densité de la


distribution des revenus. Elle représente le nombre d’individus pour chaque niveau du revenu
sur une échelle népérienne. Elle définit l’incidence de la pauvreté comme l’espace situé en
dessous de la courbe de densité à gauche de la ligne de pauvreté. Sous l’hypothèse d’un
accroissement proportionnel similaire du revenu de la population (revenu moyen plus élevé)

22 | P a g e
et d’une distribution des revenus relatifs inchangée, la courbe de distribution se translate vers
la droite via un simple déplacement horizontal de la courbe initiale, pourvu que l’échelle
népérienne demeure inchangée. Pareille translation représente ainsi le « pur effet de la
croissance ». Cet effet se manifeste par une moindre incidence de la pauvreté puisqu’il y a
moins de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.

3. Effet de la distribution sur la pauvreté :

Figure 3 : Effet de distribution : Changement de l’écart-type de la distribution

En considérant le revenu moyen inchangé, un déplacement de la courbe initiale de


distribution vers la droite se produit par un changement dans la distribution des revenus
relatifs et représente ainsi « un effet de distribution ».

En d’autres termes, pour une croissance économique donnée (constante), l’effet de


distribution sur la pauvreté entraîne un changement dans la redistribution des revenus
relatifs (c’est-à-dire la plupart des revenus se sont concentrés autour du revenu moyen et
donc, ceci diminuera le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté).

23 | P a g e
4. Effets combinés de croissance et de distribution :
Dans la plupart des cas, avec un niveau d’inégalité initial constant, on peut observer le
changement dans la courbe de distribution et son effet sur la pauvreté en combinant les deux
effets (croissance et redistribution).

Dans une économie moderne, toute création de richesse s’accompagne nécessairement


d’une redistribution. Il est donc plus réaliste d’étudier les effets simultanés plutôt que
séparés, de croissance et de distribution. Cette situation considère généralement qu’un taux
de croissance élevé induit une hausse du revenu moyen. Avec une inégalité moindre, il
contribue à une réduction rapide de la pauvreté (moins de personnes vivant en dessous du
seuil de la pauvreté) d’un côté. De l’autre côté, la redistribution accroît la part relative dans la
distribution du revenu national des plus pauvres et donc une réduction plus rapide de
l’extrême pauvreté. On peut résumer les résultats dans le graphique suivant.

Figure 4 : Effet de distribution + effet de croissance

De par cette approche microéconomique, il apparaît que la croissance économique et les


changements dans l’inégalité jouent un rôle important sur les changements dans l’inégalité
jouent un rôle important sur les changements dans la pauvreté, et ce en fonction du niveau
initial du revenu et de l’inégalité. En outre, les effets de ces deux phénomènes sont relatifs et
24 | P a g e
peuvent différer selon les caractéristiques de chaque pays. Dans ce cadre, il importe de
souligner que la croissance économique n’agit pas de la même façon sur les inégalités en
raison entre autres, des structures des revenus. Généralement, il est relativement observé
que la croissance accroît les inégalités dans les pays pauvres alors qu’elle contribue à les
réduire dans les pays à revenu élevé.

II. L’approche économétrique de la relation pauvreté-inégalité-croissance (PCI) :

Cette approche est fondée sur la modélisation économétrique de la pauvreté. Son noyau dur
est l’utilisation des données de panel disponibles sur la croissance et la pauvreté au niveau
agrégé (pays, provinces…), ainsi que leur évolution concomitante, pour identifier la valeur de
l’élasticité du taux de pauvreté au revenu moyen et à la distribution des richesses.

Cette approche a permis de pallier les problèmes de modélisation établie sur des données
émanant des enquêtes transversales, notamment ceux dus au non contrôle des effets fixes
(crises économiques, sécheresses, niveaux de développement différents, différences dans les
structures démographiques…) (Ravallion, 1995 ; Kyosuke & Takashi, 2005).

D’emblée, différents travaux réalisés ont pu mettre en exergue d’autres déterminants


importants qui conditionnent le sort de la pauvreté. Ces déterminants sont généralement
introduits comme facteurs du contrôle, supposés agir sur le sort de la pauvreté notamment
via leurs interrelations avec la croissance du revenu et la répartition des richesses.
L’expérimentation de cette approche, suite notamment à la diffusion importante des données
émanant des enquêtes de type budget-consommation, a mis en exergue différents constats
empiriques, tantôt convergents, tantôt divergents.

Ainsi, Ravallion (1997, 2001), Chen et Ravallion (1997) ont cherché à prendre en compte
l’effet des inégalités sur la valeur estimée de l’élasticité pauvreté/croissance. Leurs travaux
ont consisté à régresser le taux de réduction de la pauvreté sur une liste de variables incluant
la croissance du revenu moyen, l’indice de Gini de la distribution des revenus, l’interaction
entre ces deux variables et leur carré. Il a montré que c’est l’interaction entre la croissance et
le coefficient (1-Gini), proxy variable mesurant l’équité, qui détermine le plus le taux de
réduction de la pauvreté.

25 | P a g e
De ce constat, il ressort que plus le coefficient de Gini est réduit, plus la réduction de la
pauvreté est importante, et, partant, plus est importante la valeur estimée de l’élasticité.
Bourguignon (2002) a également souligné l’importance de considérer le rapport entre le
revenu moyen et la ligne de pauvreté, variable mesurant le niveau du développement, dans le
modèle explicatif du taux de réduction de la pauvreté. Dans un contexte de croissance
positive, il a montré que plus ce rapport est faible, tout comme une inégalité des revenus plus
forte, plus la réduction de la pauvreté est moins rapide.

De ces constats, il ressort que la croissance agit positivement sur la réduction de la pauvreté,
mais tout dépend du niveau d’inégalité. Cependant, de cette conclusion, il ressort d’autres
questions aussi importantes que la nature du lien entre croissance et pauvreté. Quelle est la
vitesse de réduction de la pauvreté et de quoi dépend -t-elle ? En particulier, quel rôle peut
être attribué aux variations des inégalités ? (Dollar & Kraay, 2000) Par rapport à ces questions,
l’étude de Dollar & Kraay (2000), Growth is good for the poor, a apporté quelques éléments
de réponses. Elle a été établie sur des données émanant de 92 pays, pour lesquels le revenu
des pauvres ainsi que le PIB par tête et d’autres variables de contrôle sont observés pour
deux années distantes d’au moins 5 ans.

Généralement, durant les années de croissance positive, cette étude a montré que la
distribution des revenus ne s’est pas accompagnée de modifications significatives au
détriment ou en faveur des plus démunis. De telle sorte que le revenu moyen du premier
quintile de la population évolue, en moyenne au même rythme que le revenu moyen de la
population prise dans sa globalité. Pareils résultats insinuent que la croissance demeure plus
ou moins neutre en termes d’inégalités de revenus. Bien que ces résultats semblent être
corroborés par les conclusions des travaux de Deininger et Squire (1998) et de Chen et
Ravallion (1997), certains économistes y voient une position dans la relégation au second
plan, voire dans la mise à l ’écart, des politiques de redistribution. De surcroît, ces études ont
fait l’objet de vives critiques.

En somme, les résultats empiriques de l’approche économétrique renseignent sur la façon


dont ont évolué dans le passé croissance et inégalité, et leur conséquence en termes de
pauvreté à l’échelle spatiale. Nonobstant, ils ne disent rien sur les mécanismes de
transmission des unes aux autres. Cette approche analytique sera expérimentée sur les

26 | P a g e
données de panel aux niveaux de la commune et de la province. L’objectif est de déceler les
liens causaux, à l’échelle spatiale, entre la croissance, l’équité intercommunale/provinciale et
la pauvreté au niveau local. D’autres déterminants importants qui conditionnent le sort de la
pauvreté locale seront pris en compte pour l’enrichissement de ce questionnement via,
notamment, leurs interrelations avec la croissance du revenu et la répartition des richesses.

Section 2 : La lutte contre la pauvreté

La lutte contre la pauvreté constitue un axe majeur de la politique menée par les pouvoirs
publics, en témoignent l’importance du budget de l’Etat alloué aux secteurs sociaux et le
renforcement des mécanismes de protection et d’assistance sociale. Cette politique a eu un
impact positif sur l’évolution de la pauvreté dans toutes ses dimensions et sur la baisse des
inégalités sociales. Cependant, la consolidation de la baisse des inégalités, entamée entre
2007 et 2014, constitue un réel défi pour la pérennisation des réalisations dans le domaine.

En termes généraux, une politique efficace de lutte contre la pauvreté doit avoir un impact
positif soit sur la pauvreté monétaire, à travers l’augmentation directe ou indirecte des
revenus des ménages, soit sur la pauvreté des conditions de vie, par l’amélioration de la
satisfaction des besoins de base de la population, soit enfin sur la pauvreté des potentialités,
par l’amélioration de l’accès des ménages aux services de santé, d’éducation, de qualification
ou à un savoir-faire particulier. Sur cette base, les stratégies de lutte contre la pauvreté
doivent impérativement contenir soit des projets de nature économique, à retombées
directes ou indirectes sur les revenus (créations d’emplois et d’activités génératrices de
revenus) soit des projets sociaux (éducation, santé, habitat, ...), soit enfin des projets
d’infrastructure (routes, eau, électricité, …). Pour ces considérations, l’évaluation objective
d’une politique de lutte contre la pauvreté doit simultanément retenir, selon une approche
multicritères, l’ensemble de ces axes. Genèse, évolution et caractérisation des stratégies et
des politiques.

I. Défis majeurs en matière de lutte contre la pauvreté et l’inégalité :


Les tendances lourdes des conditions de vie de la population montrent que les pauvretés,
absolue, au seuil élevé, et multidimensionnelle, tendent vers l’éradication en milieu urbain et

27 | P a g e
restent, en dépit de leur forte baisse, assez notables en milieu rural. Elles s’opèrent dans un
contexte marqué par une inversion de la hausse des inégalités sociales et une incidence
notable de la pauvreté ressentie particulièrement parmi les classes modestes et
intermédiaires. Trois défis majeurs en découlent :

• Le premier défi est d’activer la baisse des inégalités sociales :

La baisse des inégalités, observée entre 2007 et 2014, constitue une première inflexion de sa
rigidité à la baisse enregistrée depuis les années 90 et constitue par là un acquis du Maroc
dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité. Cette baisse des inégalités
constitue non seulement un appui à la baisse de la pauvreté et de la vulnérabilité mais aussi
un élargissement et un renforcement des classes intermédiaires

• Le deuxième défi est d’atténuer la pauvreté ressentie en allégeant ses causes :

Dont celles attribuées aux faibles niveaux d’éducation-formation, à la précarité de l’emploi


et, au-delà, à l’insécurité financière et sociale. La proportion des Marocains qui se sentent
pauvres a été ces dernières années presqu’insensible aux changements quantitatifs et
qualitatifs que connaît le pays dans le domaine des conditions de vie, dont ceux évalués à
l’aune de la pauvreté monétaire ou multidimensionnelle. D’où l’intérêt d’une refonte de la
lutte contre la pauvreté, privilégiant, à côté du RAMED et de l’INDH, l’égalité de chances dans
le développement des aptitudes humaines, l’emploi décent, la protection sociale et la sécurité
financière.

• Le troisième défi est d’activer la cadence de la baisse de la vulnérabilité et des différentes


facettes de la pauvreté en milieu rural de façon à rendre socialement tolérable l’écart
urbain/rural dans le domaine des conditions de vie.

II. Axes de la lutte contre la pauvreté et l’inégalité :


Le recul de la pauvreté monétaire et multidimensionnelle entre 1990 et 2014 résulte aussi
bien du renforcement des investissements publics dans le développement social que du
ciblage géographique et social des programmes socio-économiques dédiés aux populations et
aux localités pauvres.

28 | P a g e
Sur le plan des investissements publics, la part des secteurs sociaux dans le budget général a
connu une hausse de 51,1% entre 1994 et 2014, passant de 36% à 54,4%. Cette hausse a plus
bénéficié aux secteurs de l’enseignement et de la santé, dont le budget a plus que triplé
durant la période.

Sur le plan des programmes socio-économiques ciblés sur les localités et les populations
défavorisées, il y a, entre autres, l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH)
et le Régime d’assistance médicale aux économiquement démunis (RAMED). En effet, le
lancement de l’INDH en 2005 et le processus de généralisation du RAMED en 2013 donnent
un nouvel élan à la dynamique du développement et au processus de lutte contre la pauvreté
absolue et humaine. L’INDH en est aujourd’hui à sa seconde phase 2011-2015, marquée par
la mobilisation d’un budget de 17 milliards de dirhams et par un élargissement du ciblage
pour couvrir 702 communes rurales et 532 quartiers urbains. Elle a été conçue pour renforcer
l’action de l’Etat et des collectivités locales et cibler, sur la base des cartes de la pauvreté
(HCP, 2004 et 2007), les communes rurales et les quartiers urbains les plus défavorisés. De
son côté, Le RAMED généralisé en 2013, consiste en une prise en charge totale ou partielle
d’actes médicaux dispensés, aux populations pauvres et vulnérables au sens du HCP, par les
hôpitaux et les établissements de santé publics.

Parallèlement, le Maroc a créé en 2012 le Fonds d’appui à la cohésion sociale visant à


financer et renforcer les actions sociales ciblant les populations en situation difficile (précarité
et exclusion sociale, soutien à la scolarisation et à la lutte contre l’abandon scolaire), la prise
en charge des personnes à besoins spécifiques et le financement du RAMED. De même, un
programme social de proximité a été adopté. Il consiste à financer des projets portés par des
associations et concerne essentiellement les activités génératrices de revenus et d’emploi et
l’infrastructure de base. D’autres programmes et stratégies sectorielles contribuent
aujourd’hui à la lutte contre la pauvreté. Citons le Plan Maroc Vert dont le Pilier II, dédié à
l’agriculture solidaire, envisage une approche orientée vers la lutte contre la pauvreté, en
augmentant significativement le revenu agricole des exploitants les plus fragiles,
particulièrement dans les zones défavorables à agriculture pluviale.

29 | P a g e
III. Actions à caractère social au profit des populations pauvres :
En plus des actions de type classique de lutte contre la pauvreté à long terme, comme la
gratuité de l’enseignement, l’accès aux services de santé ou encore la compensation des prix
des produits de base, d’autres mesures visent l’amélioration des infrastructures et l’insertion
économique des populations défavorisées. Dans ce sens, plusieurs actions diverses ont été
prises. Ainsi, et pour encourager la création d’emploi et la promotion d’activités génératrices
de revenus pour les populations défavorisées, les pouvoirs publics ont procédé, depuis
l'année 2000, à la mise en œuvre d’actions visant le renforcement des capacités
institutionnelles et financières des associations de microcrédits autorisées à exercer,
conformément aux dispositions de la loi relative au microcrédit promulguée en 1999. Selon
les données de 2007, le nombre total des bénéficiaires de microcrédits a atteint plus de
1350000. Près de 64% de cet effectif sont des femmes. Les bénéficiaires en milieu urbain
représentent 55,3% du total des bénéficiaires, contre 2% pour le milieu périurbain et 42,6%
pour le milieu rural. Le secteur de microcrédit mobilise quelques 5150 agents de terrain et
1550 cadres et employés hors terrain. Le nombre total des prêts distribués depuis la création
jusqu’à l’année 2007 a atteint 113 millions environ avec un montant de 19 milliards de
dirhams. En termes de qualité de portefeuille, le taux de remboursement s’est situé à 98%.
Par ailleurs, et afin de conférer le maximum d'efficacité à l'action sociale de proximité en
faveur des populations démunies, il a été procédé à la restructuration des institutions déjà
existantes. Ainsi, l'Entraide Nationale (EN), qui doit offrir des services de proximité au profit
des personnes défavorisées, a fait l’objet d’une restructuration pour mieux cibler ses actions
et les étendre vers le milieu rural et périurbain. En 1999, nous l’avons précisé plus haut, il y a
eu la création de l'Agence de Développement Social (ADS). Le rôle qui lui a été assigné a été le
renforcement du partenariat avec la société civile et le secteur privé, dans le cadre d’une
nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté. L’ADS a ainsi financé jusqu'en fin 2008, 1366
projets pour un montant de plus de 250 millions de dirhams correspondant à un
investissement global de 660 millions de dirhams.

IV. L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) :


Au cours de la dernière décennie, la réduction de la pauvreté et de la précarité a pris, nous
l’avons précisé, une grande importance au Maroc. C’est dans ce cadre où se place l’annonce
faite par le Roi Mohammed VI le 18 mai 2005 de l’Initiative nationale pour le développement

30 | P a g e
humain (INDH). Sur le plan de la conception, l’INDH essaye de s’attaquer aux problèmes liés à
la pauvreté à la base et non pas à leurs manifestations. Elle vise la mise en place d’une
dynamique nouvelle en la matière susceptible de réduire les écarts en termes sociaux
accumulés auparavant. Elle a constitué sans nul doute un tournant et un saut qualitatif dans
ce domaine. Sur le plan pratique, ce large programme de réduction de la pauvreté et de la
précarité cible plus de 250 quartiers urbains et 400 communes rurales parmi les
communautés les plus pauvres et les plus exclues. Elle a été annoncée au moment où se
terminait une revue approfondie du développement humain au Maroc, cinquante années
après l’indépendance. L’INDH est un programme de lutte contre la pauvreté très visible,
promu par la plus haute autorité du pays, piloté par le Premier Ministre et exécuté par le
Ministère de l’Intérieur, avec l’appui d’autres départements ministériels et une large
appropriation par les instances gouvernementales au niveau central, régional et provincial.
Depuis, l’INDH est devenue le principal programme du Gouvernement pour la réduction de la
pauvreté. Elle n’est cependant pas conçue pour se substituer aux programmes sectoriels ou
autres mécanismes qui ciblent la pauvreté et l’exclusion sociale (ADS, Fonds Hassan II,
Fondation Mohamed V, EN) mais cherche à devenir un mécanisme de mise en convergence
permettant d’améliorer la fourniture des services clés dans les zones ciblées. Cette Initiative
est conçue autour de la prise d’initiative au niveau local, une responsabilisation poussée et la
recherche d’une cohésion sociale. Elle repose par construction sur l’existence d’une société
civile dynamique qui a en effet connu un regain d’énergie depuis le lancement de l’INDH.
Définie de la sorte, cette dernière a également pour but de créer une nouvelle façon de gérer
le développement au niveau local en favorisant la participation et l’inclusion de tous. Dans sa
conception de base, l’INDH a le potentiel d’aider à atteindre certains des OMD au niveau local
puis national par agrégation. Les initiatives de projets sont successivement soumises pour
validation aux niveaux communal, provincial, régional et central. Ce fait positif a priori peut
par contre être source de lourdeurs administratives et de retards dans les réalisations. Dans
sa structure générale, l’INDH se base sur quatre axes de programmes prioritaires. Le premier
est relatif à la lutte contre la pauvreté en milieu rural et cherche plus d’équité économique et
sociale au niveau national. De façon spécifique, ce programme concerne 360 communes
rurales parmi les plus pauvres du pays couvrant une population potentiellement bénéficiaire
de plus de 3,5 millions d’habitants. Le deuxième programme vise la lutte contre l’exclusion
sociale en milieu urbain à travers le renforcement du capital humain et la cohésion sociale.

31 | P a g e
250 quartiers urbains parmi les plus défavorisés ont été retenus. Les projets à y mettre en
place bénéficieraient théoriquement à 1,5 million d’habitants. Ces deux premiers axes, conçus
pour qu’ils soient a priori intégrés, visent la mise en place de solutions locales aux problèmes
des populations. Ces solutions, à la fois curatives et préventives, vont de la construction
d’infrastructures pour assurer des services sociaux à la population au lancement d’activités
génératrices de revenus. Le troisième programme de l’INDH vise la lutte contre la précarité. Il
est destiné à assister les personnes vulnérables à travers des prises en charge dans des
centres spécialisés. Il est doublé d'une démarche d'accompagnement et d'insertion. Ce
programme cible a visé quelques 50000 personnes dans sa première phase en plus des
personnes déjà prises en 27 charge dans les différentes structures publiques ou associatives
actives dans le domaine. En termes d’actions, ce programme vise la mise à niveau des centres
existants (orphelinats, centres sociaux, …), l’insertion familiale, sociale et économique de
certaines personnes, la création de nouveaux centres polyvalents et spécialisés, …etc. Le
dernier programme de l’INDH est dit transversal. Il concerne l’ensemble des provinces et
préfectures du pays. Il a comme objectifs la lutte contre les facteurs de risques sociaux, la
création d’une dynamique locale de développement humain et le renforcement du capital
social. Ses principales actions portent sur le renforcement de la gouvernance locale,
l’amélioration de l’accès aux services sociaux, le soutien des projets à fort impact et
l’animation socioculturelle et sportive.

32 | P a g e
Conclusion du chapitre 2 :

Au Maroc, comme dans tous les pays du monde, la pauvreté sous ses différentes formes a

toujours existé. Aujourd’hui, le niveau de vie d’une partie non négligeable de la population,

mesuré de n’importe quelle façon, se trouve en dessous ou juste au-dessus du seuil de

pauvreté et se caractérise par une précarité ou par une grande vulnérabilité.

Selon les indicateurs usuels de mesure de la pauvreté monétaire, du développement humain

ou de la pauvreté humaine, la tendance générale de l’évolution de la pauvreté a été plutôt à

la baisse mais reste à des niveaux assez élevés. Le phénomène n’est pas spécifique à un milieu

de résidence ni à une région plutôt qu’à une autre, bien qu’il soit nettement plus répandu

entre les populations rurales. C’est malheureusement un phénomène généralisé qui touche

les deux sexes et toutes les catégories d’âges.

La persistance des niveaux assez élevés de ces formes de pauvreté peut s’expliquer par

plusieurs facteurs démographiques et économiques. Il s’agit par exemple des niveaux des

taux de croissance de la population, de ceux de la croissance économique des dernières

années et sa répartition entre la population et des différentes politiques économiques

entreprises. Il est cependant vrai que plusieurs efforts ont été entrepris, avec plus ou moins

de succès, dans le sens de la lutte contre toutes ces formes de pauvreté. Ceci est

particulièrement vrai dans les domaines de la santé, de l’éducation et du rattrapage entre les

niveaux des indicateurs (pertinents) entre les hommes et les femmes d’une part et entre le

milieu urbain et rural d’autres part.

Pour concrétiser cette tendance, les pouvoirs publics marocains ont élaboré et mis en place

une première stratégie de développement social (SDS). Elle avait comme objectif explicite la

33 | P a g e
réduction de la pauvreté, notamment en milieu rural. Cette stratégie, qui se voulait intégrée,

s’articule autour de plusieurs axes (économique, de développement du capital humain et

d’assistance sociale directe aux populations démunies). Les axes de cette stratégie ont

souvent été perçus de façon complémentaires.

Le véritable enjeu de l’élaboration d’une stratégie de développement visant à réduire la

pauvreté réside davantage dans les interactions entre distribution et croissance que dans les

relations entre, d’une part, pauvreté et croissance et, d’autre part, pauvreté et inégalités, qui

restent essentiellement arithmétiques.

34 | P a g e
Chapitre 3 : L’impact de Covid-19 sur l’évolution de la pauvreté

La pandémie Covid-19 a mis à mal très rapidement plusieurs économies à travers le monde.
C’est le cas du Maroc. Certains types de ménages se trouvent ainsi durement touchées. Alors
que chez certains ménages, la pauvreté se trouve accentuée, d’autres y tombent subitement
et de façon parfois dramatique. Plusieurs organisations internationales et centres de
recherche se sont rapidement mobilisés pour identifier, surveiller et mieux comprendre les
canaux de transmission par lesquels la pandémie affecte les économies et leur population.

Suite à la découverte des premiers cas d’infection au début du mois de mars 2020, le
gouvernement marocain a mis en place des mesures rapides et drastiques. La fermeture des
écoles et des frontières au début avec les pays européens les plus touchés puis avec tous les
pays ont été les premières mesures. Le 19 mars, l’état d’urgence sanitaire est déclaré
entrainant des mesures de confinement de la population. Plusieurs autres pays dans le
monde également touchés par cette pandémie prennent des mesures semblables. Tout ceci a
eu des impacts tant au niveau de l’économie marocaine que sur sa population pauvre.

Alors que le nombre de cas de COVID-19 continue d'augmenter, l'économie mondiale se


prépare à un choc d'une gravité et d'une complexité sans précédent, qui devrait déclencher
« la pire récession depuis la Grande Dépression ».

Dans un contexte déjà caractérisé par une croissance tendancielle lente, des inégalités
accrues et de fortes incertitudes politiques, la pandémie a déclenché des ondes de choc
simultanées de l'offre et de la demande, avec des répercussions directes dans la sphère
financière (Baldwin et Weder di Mauro 2020a, 2020b).

Pour les pays en développement, cela s'ajoute à la chute des prix des matières premières, à
la diminution des IDE (Investissements Directs à l'Etranger), et des envois de fonds, à
l'inversion des flux de capitaux et –dans de nombreux cas- au poids des vulnérabilités liées à
la dette.
S'il est trop tôt pour prédire l’ampleur et la durée de la crise, il est néanmoins clair que l'on ne
saurait trop insister sur son coût socio-économique.

35 | P a g e
Section 1 : Analyse de l’impact économique et social de Covid-19 :

I. L’impact économique de Covid-19


1. Au niveau mondial :

La pandémie du nouveau coronavirus a également asséné un dur coup à l’évolution de


l’économie au niveau mondial. Bien que les gouvernements des principaux pays qui ont été
secoués par la crise de la COVID-19 aient pris des mesures pour pallier le ralentissement
économique provoqué par ce virus, il est à prévoir que sa propagation peut avoir un triple
effet sur l’économie mondiale : impact direct sur les volumes de production au niveau global ;
interruptions et altérations au niveau des chaînes d’approvisionnement et de distribution ; et
impact financier sur les entreprises et les marchés boursiers.

a. Impact direct sur la production mondiale :

La production chinoise a déjà été substantiellement affectée par la fermeture des industries
de la province du Hubei et celles d’autres régions d’importance vitale pour les exportations de
composants chinois. En conséquence, le ralentissement chinois a eu un effet collatéral
immédiat sur les niveaux de production des principaux exportateurs de ce pays : États-Unis,
Hong Kong, Corée du Nord et Japon.
En parallèle, l’expansion de la contagion du coronavirus a fait que l’impact direct sur les
niveaux de production s’est également fait ressentir avec virulence sur le reste du continent
asiatique et dans les principaux pays d’Europe et en Amérique du Nord.
b. Interruption des chaînes d’approvisionnement et de distribution :
De nombreux producteurs et fabricants de biens de consommation dépendent des
composants et pièces importés de Chine et d’autres pays asiatiques touchés par la pandémie.
De plus, un grand nombre de sociétés dépendent également des ventes en Chine pour
atteindre leurs objectifs financiers.
Il est donc prévu que le ralentissement de l’activité économique et les restrictions sur le
transport dans les pays touchés par le coronavirus se répercuteront sur la production et la
rentabilité de certaines entreprises internationales. Principalement celles appartenant au
secteur de la manufacture et celles dépendant de l’obtention de matières premières pour
produire des biens de consommation.

36 | P a g e
Dans le cas des entreprises qui dépendent des composants intermédiaires des régions
touchées et qui ne peuvent pas facilement changer de sources d’approvisionnement,
l’ampleur de l’impact peut dépendre de la durée des mesures de paralysie de l’activité. Dans
ce scénario, les petites et moyennes entreprises auront plus de difficultés pour survivre aux
perturbations provoquées par le coronavirus.

La situation peut être particulièrement dramatique pour les entreprises liées au secteur
touristique, dont la capacité de manœuvre est limitée suite aux restrictions imposées par les
gouvernements du monde entier afin de freiner la contagion du coronavirus. Le secteur
prévoit que ses entreprises feront face à des pertes qu’elles ne pourront sans doute pas
récupérer.

c. Répercussions financières sur les entreprises :

Les perturbations temporaires dans la production de biens et de composants pourraient


mettre certaines entreprises en tension, en particulier celles n’ayant pas suffisamment de
liquidités. L’impact sur les marchés se matérialisera par des notes négatives et une
augmentation du risque. L’augmentation du risque se traduira à son tour par des positions
d’investissement qui ne seront pas rentables dans les conditions actuelles, ce qui affaiblira
encore plus la confiance dans les instruments et les marchés financiers.

Une possible conséquence de ce qui précède serait une perturbation importante des marchés
boursiers au fur et à mesure de l’augmentation de la préoccupation pour le risque de
contrepartie. De là, une diminution significative des cotisations en bourse et des obligations
d’entreprise serait plus que probable, car les investisseurs préfèreraient conserver les titres
d’État (en particulier ceux du Trésor Public des États-Unis) à cause de l’incertitude entraînée
par la pandémie.

2. Au niveau national (au Maroc) :

L’économie du Maroc est d’ores et déjà affectée par l’effondrement économique global, qui
touche notamment l’Europe, son principal partenaire commercial. Les mesures de
confinement pour faire face à la propagation de la pandémie montrent elles aussi des effets
négatifs rapides sur l’économie. Ces circonstances se traduisent par des défis sans précédent

37 | P a g e
pour le pays qui devait déjà faire face à une année agricole marquée par la sécheresse et
laisse entrevoir que l’économie marocaine devrait fortement souffrir de l’impact négatif de la
pandémie.
Selon le HCP, la croissance économique n’a pas dépassé 0,1% au premier trimestre de
l'année. Cette faible croissance est imputable à l'accentuation de la baisse de la valeur
ajoutée agricole à -5% et au ralentissement de l’industrie et des services marchands.
Au deuxième trimestre 2020, l’économie marocaine, sous confinement strict de la population
pendant près de 10 semaines sur 13, a été confrontée à une baisse de la demande intérieure.
La consommation des ménages, en volume, se serait repliée de 6,7%. Cette baisse aurait,
particulièrement, concerné les dépenses des ménages en biens manufacturés, notamment
celles de l’habillement et d’équipement ainsi que celles du transport, de la restauration et des
loisirs. La demande extérieure aurait également flanché, entraînant une baisse de 25,1% du
volume des exportations. Les importations se seraient, pour leur part, infléchies de 26,7%,
impactées par le recul des achats des biens d'équipement, des produits énergétiques, des
biens de consommation, des produits bruts et des demi-produits. Dans ces conditions, le repli
du PIB aurait atteint -13,8% par rapport à la même période de 2019.
Par branche d’activité, la baisse de la valeur ajoutée se serait établie à -6,1% au deuxième
trimestre 2020, dans l’agriculture, sous l’effet de la sécheresse.
▪ Le secteur tertiaire, principal moteur de la croissance économique, aurait régressé de
11,5%, pâtissant de la contraction des activités commerciales, de transport,
d’hébergement et de restauration.
▪ Dans le secteur secondaire, les valeurs ajoutées de la construction, de l’électricité, du
textile et des industries électriques et mécaniques auraient sensiblement diminué.
Cette situation aurait particulièrement pénalisé les activités des très petites et
moyennes entreprises. Selon l’enquête premier passage, réalisée par le HCP en avril
2020 auprès des entreprises, 72% et 26% respectivement des unités de production en
arrêt d’activité de façon temporaire ou définitive en avril ont été des TPE (très petites
entreprises) et des PME (petites et moyennes entreprises). En revanche, les
entreprises opérant dans les mines, l’agroalimentaire et les industries chimiques
auraient mieux résisté face aux effets de la pandémie.
▪ Les services non marchands auraient été également dynamiques, permettant ainsi
d’amortir partiellement la baisse des autres activités. Au troisième trimestre 2020, le

38 | P a g e
repli de l’activité s’atténuerait progressivement, pour se situer à - 4,1%, au lieu de -
13,8% au deuxième trimestre. Ce mouvement serait principalement attribuable à la
reprise des activités du commerce, du transport et des industries manufacturières.
Au mois de juillet 2020, la deuxième enquête réalisée par le HCP auprès des entreprises a
révélé que 86% de celles qui ont arrêté leurs activités pendant le confinement ont repris
totalement et/ou partiellement leurs activités après le déconfinement. La reprise d’activité en
rythme normal a concerné 40% des grandes entreprises, 35% des PME et 31% des TPE.
Sur l’ensemble de l’année 2020, l’économie marocaine devrait connaître une récession, la
première depuis plus de deux décennies, sous l’effet conjugué de la sécheresse et de la
pandémie. En effet, selon les prévisions annuelles du HCP, le PIB connaîtrait une contraction
de 5,8% qui serait accompagnée par un creusement du déficit budgétaire à 7,4% du PIB. Le
déficit courant devrait également s’aggraver, pour atteindre 6,9% du PIB. Le retour de la
croissance vers son sentier d’évolution s’opérerait progressivement à partir de 2021, avec
une hausse prévue du PIB de 4,4% par rapport à 2020.
Les activités non agricoles se redresseraient, affichant une progression de 3,6%, en ligne avec
la reprise de la demande intérieure et extérieure, alors que le retour des conditions
climatiques de saison favoriserait une hausse de la valeur ajoutée agricole.

II. L’impact social de Covid-19 :


« Comme certains l’ont fait remarquer, la pandémie est une radiographie qui rend visible ce
qui est habituellement caché. C’est une loupe qui met en relief nos défaillances sociales »8.
1. Au niveau mondial :

L’impact de la COVID-19 n’a pas été le même pour tous. Les personnes qui souffrent des taux
les plus élevés et des pires conséquences de l’infection sont celles qui souffraient de
discrimination, de marginalisation et de pauvreté bien avant la pandémie. Cet impact inégal
est ancré dans une réalité préexistante caractérisée par une injustice structurelle et des
iniquités colossales. Pour ceux qui ont choisi de fermer les yeux, la pandémie les oblige à les
ouvrir grands.
La solidarité était partout. Elle s’est exprimée par les professionnels de la santé et les
travailleurs essentiels, qui ont mis leur vie en danger et parfois payé de celle-ci pour s’occuper
des autres.

8
https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-06-07/les-impacts-sociaux-de-la-covid-19-place-a-la-solidarite-d-apres-crise

39 | P a g e
Elle s’est exprimée par des sacrifices individuels comme le fait d’être éloigné de ses proches,
de ne pas pouvoir en prendre soin, de voir ses procédures médicales reportées ou même par
des tragédies déchirantes pour ceux qui, à cause de la quarantaine, ont perdu un être cher
sans pouvoir lui dire au revoir. En solidarité, plusieurs ont perdu leur emploi et nous avons
tous payé un prix économique énorme pour réduire le nombre d’infections et de morts, et
protéger la capacité du système de santé à répondre aux besoins les plus urgents.
La pandémie éclaire douloureusement la situation persistante des groupes défavorisés et
vulnérables dont les souffrances permanentes sont aujourd’hui exacerbées : les personnes
âgées, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les groupes racialisés
et ethniques, les personnes incarcérées, les travailleurs migrants, les demandeurs d’asile, les
réfugiés, les personnes handicapées, les pauvres, les sans-abri, les femmes et les enfants
victimes de violence domestique.
Les populations qui souffrent toujours, mais souvent dans l’obscurité deviennent maintenant
plus visibles, parce qu’en cas de pandémie, notre interdépendance est plus explicite. Si elles
ne peuvent être soignées, le risque augmente pour nous tous. En ce sens, une pandémie
force presque la solidarité, parce que la chose la plus éthiquement appropriée devient aussi
une question d’autoprotection et de préservation.
L’impératif éthique de se soutenir mutuellement devient un impératif biologique de survie,
parce que le risque pour nous et nos familles est déterminé par la capacité de tous ceux qui
nous entourent à respecter les mêmes directives de santé publique. Une pandémie est donc
une occasion unique d’utiliser la visibilité de notre « connectivité épidémiologique » pour
examiner notre agenda social et nos engagements moraux.
Nos responsabilités et devoirs éthiques se situent au niveau local, envers les personnes
vulnérables de notre propre région, province et pays. Mais ils s’étendent également au-delà.
La pandémie nous a montré comment, dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, la
propagation du virus ignore les nations et les frontières. Cela signifie que – à long
terme – nous ne pouvons pas protéger nos intérêts nationaux sans tenir compte de ceux qui
nous entourent. Ainsi, en favorisant le bien-être des autres, nous nous protégeons nous-
mêmes.
Cette crise peut nous apprendre à faire tomber les murs entre « nous » et « eux » : les riches
et les pauvres, les vieux et les jeunes, mais aussi entre les pays à revenus élevés et faibles.

40 | P a g e
Mais cette leçon n’est pas évidente. Jusqu’à présent, dans certains cas, la pandémie a rendu
ces murs encore plus redoutables en éveillant le racisme et la peur. En diffusant des théories
de conspiration et en montrant du doigt l’origine du virus. Pourtant, nous devrions construire
un avenir axé sur la collaboration et les partenariats, et non pas façonné par la division. Cela
exige un engagement de chacun d’entre nous en tant que citoyen canadien engagé. Mais
également un leadership politique qui soit prêt à tirer parti de la position du Canada dans le
monde pour contribuer aux mécanismes de gouvernance internationale qui servent la justice
mondiale et favorisent le bien commun.
Des temps très difficiles nous attendent. Des temps où notre résilience sera mise à l’épreuve.
Nous serons soumis à des tensions économiques et nos désaccords pourraient s’aggraver.
Mais nous devons essayer de garder les leçons de cette pandémie près de nous, et maintenir
notre engagement de solidarité et de compassion afin de construire une société dans laquelle
chacun pourra s’épanouir.

2. Au niveau national (au Maroc) :


Durant le confinement, les ménages dirigés par des femmes ont davantage pâti que ceux
dirigés par leurs homologues hommes. Que ce soit au niveau des disparités dans l’accès aux
soins, à l’enseignement à distance (pour les enfants scolarisés) ou encore dans le maintien de
l’activité et des revenus et même dans le bénéfice des aides de l’Etat. Pour les soins, les
principales raisons tiennent aux difficultés de déplacement (notamment en milieu rural). En
effet en distinguant les maladies, il est à noter, par exemple, que pour les consultations pré et
post natales, les femmes appartenant à des ménages dirigés par les hommes disposent d’un
meilleur accès que celles relevant des ménages dirigés par des femmes.
Pour le suivi de l’enseignement à distance, les difficultés des enfants des ménages tenus par
des femmes tiennent à la moindre disponibilité des outils didactiques et aux faibles moyens et
disponibilités pour garantir leur accompagnement. Le plus faible accès des femmes aux aides
publiques dispensées par les autorités pour pallier la perte d’activité et de revenus, s’explique
par leur moindre fréquence d’enregistrement à la CNSS. Et de ce fait, elles sont plus
nombreuses à compter sur les transferts familiaux, qui sont plus aléatoires.
La capacité à retrouver une activité à la sortie du confinement s’est révélée moins élevée
pour les femmes. Nous avons par ailleurs observé que la plus forte précarité des femmes sur
le marché du travail a été corroborée par les données d’une enquête récente de la Banque

41 | P a g e
Mondiale auprès des entreprises. Cette situation d’instabilité contribue à élucider le fait que
les femmes ont plus souffert du poids des contraintes financières.
Enfin, comme conséquence de l’aggravation de ces diverses disparités, les femmes ont été
plus en proie à l’anxiété et aux troubles psychologiques.
o Niveau d’inquiétude, état psychologique et qualité de vécu des
ménages :

Figure 5 : Niveau d’inquiétude, état psychologique et qualité de vécu des ménages

42 | P a g e
D’après le tableau ci-dessus, on peut extraire ce qui suit :
▪ Les trois quarts des femmes actives occupées arrivent à concilier sans difficulté entre
leurs charges professionnelles et obligations domestiques pendant le confinement ;
En effet, Près des trois quarts (73,4%) des femmes actives occupées, ayant continué à
travailler pendant le confinement, arrivent à concilier facilement entre leurs activités
professionnelles et leurs obligations domestiques (travaux ménagers, soins des enfants et des
personnes âgées ou/et malades et courses), 18% difficilement et 8,7% très difficilement. Ces
proportions sont respectivement de 72,8%, 19,8% et 7,4% parmi les salariées en milieu urbain
et de 69,1%, 19,5% et 11,4% parmi les aides familiales en milieu rural.
Plus de sept femmes sur dix (74,7%), actives ou en arrêt d’activité et comptant reprendre
leurs activités après le confinement, ne prévoient aucune mesure pour alléger leurs charges
de travail, 13,1% comptent travailler à mi-temps ou à temps partiel, 6% faire appel à l’aide de
leurs proches pour la garde des enfants et 3,1% engager une aide domestique. Ces
proportions sont respectivement de 53,1%, 21,2%, 12,7%, 9,4% parmi les femmes en activité
et ayant déclaré avoir des difficultés à concilier entre leurs charges professionnelles et
domestiques.
▪ Un marocain sur dix souffre de tracas de voisinage pendant le confinement :
11% des marocains ont vécu des problèmes de voisinage (bruits, crispations…). Cette part est
plus élevée parmi les citadins avec 14% contre 7% parmi les ruraux, parmi les individus vivant
dans un appartement (15%), ceux vivant dans un logement précaire ou bidonville (16%).
▪ Un marocain sur trois souffre de différence des rythmes de la vie quotidienne avec les
autres membres du ménage :
Près d’un marocain âgé de 15 ans et plus sur trois (31%, 33% en milieu urbain et 27% en
milieu rural) déclare souffrir de différences de rythmes de la vie quotidienne avec les autres
membres du ménage. Cette proportion est de 35% parmi les individus vivant dans des
ménages composés de 5 personnes et plus contre 17% parmi ceux vivant dans des ménages
de 2 personnes et de 40% parmi les plus jeunes (15 à 24 ans) contre 24% parmi les personnes
âgées de 45 ans et plus.

▪ Les femmes et les jeunes sont les plus touchés par le sentiment de promiscuité ou de
manque d’intimité et les difficultés à exercer les activités quotidiennes durant le
confinement :

43 | P a g e
18,8% des marocains souffrent de la promiscuité ou du manque d’intimité pendant le
confinement. Ce sentiment concerne 20,4% des citadins, contre 15,8% des ruraux, 21% des
femmes, contre 16,4% des hommes, et 24,8% des individus vivant dans des ménages de 5
personnes et plus, contre 5,2% pour ceux vivant dans des ménages de 2 personnes. Près de
18% des marocains âgés de 15 ans et plus ont des difficultés à exercer leurs activités
quotidiennes (travail, étude, travaux ménagers…) en présence des autres membres du
ménage durant le confinement. Cette proportion est plus élevée parmi les femmes (23,3%
contre 11,9% parmi les hommes), parmi les jeunes âgées de 15 à 24 ans (27,9% contre 10,2%
parmi les personnes âgées de 45 ans et plus) et parmi les individus vivant dans des ménages
de 5 personnes et plus (20,4% contre 6,4% pour ceux vivant dans des ménages composés de
2 personnes).

L’analyse économétrique a permis de confirmer qu’être un chef de ménage femme accroît la


possibilité de déclarer subir des conséquences psychologiques ou encore subir des conflits
inhérents à la promiscuité.
D’autre part, l’inquiétude est plus forte lorsque dans les ménages seules les femmes sont des
actives occupées.
D’un autre côté, avoir des conflits au sein du ménage accroît la propension à subir des
conséquences psychologiques. Ces causalités transitives, combinées aux conclusions
susmentionnées, attestent que les femmes ont plus pâti de la pandémie Covid-19 que les
hommes.

Section 2 : Impact de Covid-19 sur la pauvreté :


I. Au niveau mondial :

Avant la pandémie de COVID-19, les pays émergents et les pays en développement ont connu
deux décennies de croissance constante, qui leur ont permis de faire des progrès
indispensables dans la réduction de la pauvreté et l’allongement de l’espérance de vie. La
crise actuelle risque de remettre en cause une grande partie de ces progrès et d’accélérer le
creusement des inégalités entre les riches et les pauvres.
Avant la pandémie, beaucoup de ces pays sont certes parvenus à réduire la pauvreté et à
allonger l’espérance de vie, mais ils ont eu du mal à faire baisser les inégalités de revenus.
Dans le même temps, une grande partie de la jeunesse de ces pays est restée durablement

44 | P a g e
plongée dans l’inactivité, c’est-à-dire sans emploi, éducation, ni formation ; les inégalités en
matière d’éducation sont considérables, et beaucoup reste à faire pour améliorer les
perspectives économiques des femmes.
La COVID-19 va sans doute creuser ces inégalités encore davantage que les crises
précédentes, car les mesures mises en œuvre pour enrayer l’épidémie touchent de manière
disproportionnée les travailleurs précaires et les femmes.
Le choc massif et brutal produit par la pandémie de coronavirus (COVID-19) et par les
mesures d’arrêt de l’activité prises pour l’enrayer plonge l’économie mondiale dans une grave
récession.
En effet, la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 et aux restrictions sanitaires a
fait grimper la pauvreté et mis un coup de frein à la progression des classes moyennes
observée depuis des décennies au niveau mondial.
La crise sanitaire a fortement accentué les inégalités sociales et économiques, entre les pays
les plus développés et les plus pauvres, mais aussi au sein même des nations les plus riches.
Grâce à des progrès majeurs entre 1999 et 2019, un milliard d’individus étaient considérés
comme sortis de l’extrême pauvreté. Mais tous ces efforts sont menacés par la pandémie de
COVID-19 qui pourrait se traduire par un retour de deux décennies en arrière.
La pandémie pourrait faire perdre son emploi à une personne sur deux dans le monde. D’ici
2030, au moins un milliard de personnes risquent de plonger dans l’extrême pauvreté en
conséquence de la pandémie. Les continents les plus touchés sont l’Afrique et l’Asie du Sud.
Les pays en développement ou en crise avant la COVID-19 sont les plus vulnérables. La baisse
de leurs recettes entraîne des difficultés croissantes à subvenir aux besoins fondamentaux de
leurs populations, notamment à cause des faiblesses institutionnelles et du manque de
moyens.
Dans les pays développés, on compte en moyenne 55 lits d’hôpital, 30 médecins et 81
personnels infirmiers pour 10 000 habitants. Selon des données du Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD), pour le même nombre d’habitants, les pays en
développement ne disposent que de 7 lits, 2,5 médecins et 6 personnels infirmiers et
manquent souvent également de produits de base comme le savon, l’eau potable, ou la
nourriture.
Ces pays souffrent également de la prédominance de l’économie informelle, un secteur
particulièrement affecté par les restrictions de mouvements liées à la pandémie. Dans le

45 | P a g e
monde, plus de 60% des actifs sont des travailleurs ou travailleuses du secteur informel qui ne
disposent ni d’assurance santé ni chômage.
La pandémie a aussi creusé les inégalités en matière d’enseignement accentuées par le
manque d’accès à internet et au matériel informatique pour les élèves comme pour les
enseignants. Ainsi, dans les pays pauvres, 86% des enfants ont été privés d’école d’après le PNUD,
alors que ce chiffre ne concerne que 20% des enfants dans les autres pays.

II. Au niveau national (Cas du Maroc) :

Le Maroc a enregistré son premier cas de COVID19, le 02 mars 2020. Les autorités
marocaines ont décrété l’état d’urgence sanitaire le 20 mars alors que le pays ne comptait
qu’une dizaine de cas. Depuis, la pandémie a suivi une évolution tendancielle maitrisée, avec
un taux de croissance quotidien moyen de l’ordre de 5,5%, une faible prévalence moins de 1%
et un taux de létalité moyen de 4% pendant la période de confinement. Après trois mois d’un
confinement strict, les indicateurs épidémiologiques ont favorisé un déconfinement
progressif par zone à partir du 10 juin 2020. Selon les données publiées par le Ministère de
Santé, le nombre d’infections s’est établi, à la veille du déconfinement, à 8508 cas confirmés
de coronavirus, dont 732 cas actifs et 211 décès. Le taux de létalité a atteint 2,48% et le
nombre des rétablis a poursuivi son amélioration, s’établissant à 89% des cas affectés. Ces
tendances ont été favorisées par une stratégie sanitaire et sécuritaire visant à contraindre
l’évolution de l'épidémie et maintenir un fonctionnement continu du dispositif sanitaire.
Après le déconfinement, la situation pandémique a évolué rapidement avec l’apparition d’un
ensemble de clusters industriels et familiaux, qui ont augmenté le taux d’incidence et induit
une hausse du nombre de cas cumulés depuis le début de la crise jusqu’au 30 juin à 12533 cas
confirmés.
Cependant, Les mesures de confinement pour faire face à la propagation de la pandémie
montrent elles aussi des effets négatifs rapides sur l’économie.
Assurément, la tendance de la pauvreté, de la vulnérabilité et des inégalités sociales a été
brisée par la pandémie COVID-19.

Sous l’effet de la crise sanitaire et sans les aides publiques, la pauvreté aurait été 7 plus
élevée et la vulnérabilité multipliée par 2, creusant profondément les inégalités.

46 | P a g e
Dans le contexte de la crise sanitaire, l’incidence de la pauvreté s’est multipliée par près de 7
à l’échelle nationale, passant de 1,7% avant cette crise à 11,7% au temps du confinement, de
5 fois en milieu rural, passant respectivement de 3,9% à 19,8%, et de 14 fois en milieu urbain,
respectivement de 0,5% à 7,1%.

De même, le taux de vulnérabilité a plus que doublé, passant de 7,3% avant le confinement à
16,7% pendant le confinement. Par milieu de résidence, ces proportions sont respectivement
de 4,5% et 14,6% en milieu urbain et de 11,9 % et 20,2% en milieu rural.

Dans ces conditions, les inégalités sociales se sont détériorées et ont dépassé le seuil
socialement intolérable (42%). L’indice de Gini a atteint 44,4%, contre 38,5% avant la crise
sanitaire.

Ces contrecoups majeurs de la pandémie COVID-19 sur le bien-être socioéconomique des


ménages obligent le Maroc à réagir en doublant les efforts et les mesures urgentes de lutte
contre l’exacerbation de la précarité afin d’endiguer l’augmentation de la pauvreté et des
inégalités sociales et de renforcer la résilience des ménages vulnérables à la crise sanitaire
pour renverser la tendance vers une société plus égalitaire.

Les aides publiques ont réduit l’incidence de la pauvreté de 9 points de pourcentage, la


vulnérabilité de 8 points et les inégalités de 6 points

L’impact des aides publiques destinées aux ménages bénéficiaires, pour contrecarrer les
répercussions économiques de la pandémie, sur le niveau de vie de la population a été simulé
sur la base du couplage des données de l’ENSR de 2019 et du deuxième panel de l’enquête
COVID-19 de 2020.

En somme, les aides publiques ont notablement atténué les effets du confinement sanitaire
sur les niveaux de vie des ménages :

- le taux de pauvreté absolue a été réduit de 9 points à l’échelle nationale, passant de


11,7% avant le transfert des aides publiques à 2,5% après le transfert, respectivement de
7,1% à 1,4% en milieu urbain et de 19,8% à 4,5% en milieu rural.

- L’indice de Gini, mesure synthétique des inégalités sociales, est passé de 44,4% sans
les transferts publics à 38,4% après réception des aides publiques.

47 | P a g e
➢ Situation de la pauvreté, de la vulnérabilité et des inégalités avant
et après les transferts publics (en %)

Au temps du
Mesures de la précarité Avant Après transferts des
confinement, sans
sociale confinement aides publiques
les aides publiques

Taux de pauvreté absolue


1,7 11,7 2,5
au seuil national (en %)

Taux de vulnérabilité (en


7,3 16,7 8,9
%)
Indice d’inégalités sociales-
38,5 44,4 38,4
Gini (en %)
Source : Evolution du niveau de vie des ménages et impact de la pandémie COVID-19 sur les inégalités sociales(HCP)

48 | P a g e
Conclusion du chapitre 3

La crise du COVID-19 qui a frappé le monde entier est d’abord une crise sanitaire mais son

impact va bien au-delà du secteur de la santé et les conséquences sont ressenties sur tous les

secteurs économiques et sociaux.

Cette pandémie a bouleversé des vies et des moyens de subsistance dans le monde entier.

Les pays en développement sont particulièrement vulnérables, puisque la crise sanitaire peut

engendrer des crises sociales et économiques durables.

Au cours des premiers mois de la pandémie, les gouvernements du monde entier se sont

concentrés à juste titre sur la gestion de la propagation de COVID-19, en s'appuyant souvent

sur des mesures strictes de contrôle de la transmission sans accorder un poids élevé à leurs

coûts économiques actuels et futurs. Maintenant que les coûts économiques et sociaux

importants sont plus clairs, les gouvernements se tournent de plus en plus vers un ensemble

plus large de politiques et introduisent des mesures fiscales et de protection sociale

atténuantes.

Les recherches d’impacts socio-économiques jusqu’à présent mettent en avant les

dimensions multisectorielles de la profondeur de la crise mais également les perspectives

d’un fort rebondissement avec la mise en place des politiques publiques adéquates qui

permettent la relance économique et sociale sur des bases plus solides, résilientes et

durables. Elles mettent en exergue l’importance de plans de gestion de chocs et crises, du

système de protection sociale, la sécurité alimentaire et sanitaire, le rôle des investissements

publics et privés et le besoin d’intervention étatique en appui aux PME pour assurer la

disponibilité des liquidités et pour rétablir la confiance en l’économie.

49 | P a g e
CONCLUSION GENERALE
Dans un monde où les richesses ne cessent de croître d’une manière exponentielle, la
pauvreté touche de plus en plus la population mondiale. En raison d’une mauvaise répartition
des ressources, ce fléau gangrène indistinctement les pays en développement et les pays
développés
Au terme de ce projet qui repose sur les approches de la pauvreté au Maroc, nous réalisons
avec encore plus d’acuité la complexité du phénomène devant lequel personne ne reste
indifférent.
La pauvreté éveille les sentiments bienveillants et trouble les consciences. Sa visibilité incite à
la mise sur pied d'actions caritatives et politiques susceptibles de l'atténuer, voire de
l'éliminer.
« La pauvreté a de nombreux visages. Elle change de lieu en lieu et avec le temps. Elle a été
décrite de maintes manières. Le plus souvent, la pauvreté est une situation à laquelle les gens
veulent échapper. La pauvreté est donc un appel à l’action – pour les pauvres comme pour les
riches –, un appel à l’action pour changer le monde pour que beaucoup plus de gens aient
assez à manger, un logement décent, accès à l’instruction, à des soins de santé et à la
protection contre la violence, ainsi qu’un mot à dire par rapport à ce qui se passe dans leur
collectivité »9.
Assurément, La pauvreté peut se manifester de manière multiple : par la faiblesse ou
l'absence d'un revenu, par un logement précaire, par une mauvaise santé, par une éducation
insuffisante, par la sous-alimentation ou un environnement dégradé...
Ces facteurs varient d'une région à une autre, d'un groupe de personnes à d'autres ce qui
complexifie la quantification du phénomène, néanmoins il est clair que la pauvreté est
multidimensionnelle.
Toutes les organisations internationales sont d'accord aujourd’hui pour affirmer que la
pauvreté ne doit pas être réduite à son expression monétaire autrement dit, la pauvreté
exprimée en fonction de l'insuffisance de ressources économiques pour vivre décemment.
La pauvreté n'est pas une condition universelle, sa définition s'attache aux différentes
caractéristiques qui la composent.

9 9
https://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/ministeres/sies/presentation/content/questce_quelapauvrete.html

50 | P a g e
Bien qu'il existe différentes définitions et approches pour mesurer la pauvreté, ce
phénomène est multidimensionnel et reste difficilement quantifiable.
La complexité réside dans la description des caractéristiques de ce phénomène : la pauvreté
comme un manque de ressources monétaires, un déficit d'éducation et santé, ou bien
l'absence de liberté, l'impossibilité de participer à une communauté ou le manque d'un
sentiment d'appartenance à une société donnée.
La pauvreté, les inégalités et l'injustice sont des problèmes structurels ancrés dans la société
des pays en développement principalement. La lutte contre la pauvreté est devenue une
priorité et un des principaux Objectifs du Millénaire du Développement pour avoir « un
monde plus pacifique, plus prospère et plus juste ».
Malgré les nombreuses définitions de la pauvreté, une chose est certaine : la pauvreté est un
problème de société complexe. Peu importe comment on la définit, on peut convenir qu’il
s’agit d’un problème qui requiert l’attention de tous. Il importe que tous les membres de
notre société travaillent ensemble pour que tous aient des possibilités de réaliser leur plein
potentiel.

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Liste des figures
Figure 1 : Le triangle Pauvreté-Croissance-Inégalités de Bourguignon.

Figure 2 : Effet de croissance : translation du revenu.

Figure 3 : Effet de distribution : Changement de l’écart-type de la distribution.

Figure 4 : Effet de distribution + effet de croissance.

Figure 5 : Niveau d’inquiétude, état psychologique et qualité de vécu des ménages.

Bibliographie

➢ Ouvrages :

- Destremau, B. et Salama, P., Mesures et démesures de la pauvreté, Paris, PUF, 2002.

- Hoggart R., La culture du pauvre. Etude sur le style de vie des classes populaires en

Angleterre (1957), Paris, Editions de Minuit, 1970.

- Simmel, G., Les pauvres, Paris, PUF, 1998 (1908).

➢ Publications universitaires :

- Bec C., « Les pauvres font bande à part », Déviance et Société, 2002/2, 26, p. 245-251.

- Lopez A., « Autour de l’insertion professionnelle : anciennes et nouvelles lignées de

pauvreté », Actes du colloque « Le devenir des enfants de familles défavorisées en

France », avril 2004.

➢ Documentation institutionnelle :

- Note stratégique _ Impact social et économique de la crise du Covid-19 au Maroc.

- Rapports sociaux dans le contexte de la pandémie COVID-19_ _ 2ème Panel sur

l’impact du coronavirus sur la situation économique, sociale et psychologique des

ménage (Version Fr).

- Synthèse Note stratégique_FR_28Aout2020.

- Note de synthèse sur les inégalités sociales et territoriales à la lumière des résultats de

l’Enquête Nationale sur la Consommation et les Dépenses des Ménages 2014.

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Table des matières :

Remerciement……………………………………………………………………………………………………………………………………1
Dédicace…………………………………………………………………………………………………………………………………………….2
Sommaire…………………………………………………………………………………………………………………………………………..3
Introduction générale…………………………………………………………………………………………………………………………4

Chapitre 1 : Les fondements théoriques et conceptuels de la pauvreté ..................................................8


Section 1 : Le concept de la pauvreté ...................................................................................................9
I. L’école Welfariste……………………………………………………………………………………………………………9
II. L’école des besoins de base……………………………………………………………………………………………11
III. L’école des capacités………………………………………………………………………………………………………12
Section 2 : Les diverses formes de la pauvreté……………………………………………………………………………13

I. La pauvreté monétaire ou de revenu…………………………………………………………………………………13


II. La pauvreté des conditions de vie « ou d’existence » ……………………………………………………….16
III. La pauvreté de potentialités « ou de capacités » ………………………………………………………………17
IV. La Pauvreté subjective ………………………………………………………………………………………………………17
V. Pauvreté sociale (ou relationnelle) ……………………………………………………………………………………17
VI. Pauvreté transitoire/structurelle………………………………………………………………………………………18
Conclusion du chapitre 1………………………………………………………………………………………………………………19

Chapitre 2 : Le triangle Pauvreté-croissance-Inégalités ......................................................................... 20


Section 1 : L’analyse microéconomique et économétrique de u triangle PCI .................................... 21
I. L’approche microéconomique .......................................................................................... 21
1. Le triangle PCI de Bourguignon…………………………………………………………………………………21
2. L’effet de la croissance sur la pauvreté……………………………………………………………………..22
3. L’effet de la distribution sur la pauvreté…………………………………………………………………..23
4. Les effets combinés de la croissance et de la distribution………………………………………..24
II. L’approche économétrique de la relation PCI………………………………………………………………25
Section 2 : La lutte contre la pauvreté…………………………………………………………………………………………..27
I. Défis majeurs en matière de lutte contre la pauvreté…………………………………………………27
II. Axes de la lutte contre la pauvreté……………………………………………………………………………..28
III. Actions à caractère social au profit des populations pauvres………………………………………30
IV. L’initiative nationale pour le développement humain (INDH)…………………………………….30
Conclusion du chapitre 2………………………………………………………………………………………………………………..33
Chapitre 3 : L’impact de Covid-19 sur l’évolution de la pauvreté…………………………………………………………35
Section 1 : Analyse de l’impact économique et social de Covid-19………………………………………………36
I. L’impact économique de Covid-19………………………………………………………………………………36
1. Au niveau mondial…………………………………………………………………………………………………36
a. Impact direct sur la production mondiale………………………………………………………………36
b. Interruption des chaînes d’approvisionnement et de distribution…………………………36
c. Répercussions financières sur les entreprises………………………………………………………37
2. Au niveau national………………………………………………………………………………………………….37
II. L’impact social de Covid-19………………………………………………………………………………………….39
1. Au niveau mondial………………………………………………………………………………………………….39

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2. Au niveau national………………………………………………………………………………………………….41
Section 2 : Impact de Covid-19 sur la pauvreté……………………………………………………………………………….44
I. Au niveau mondial…………………………………………………………………………………………………………44
II. Au niveau national…………………………………………………………………………………………………………46
Conclusion du chapitre 3…………………………………………………………………………………………………………………….49
Conclusion générale……………………………………………………………………………………………………………………………50
Liste des figures…………………………………………………………………………………………………………………………………..52
Bibliographie……………………………………………………………………………………………………………………………………….52
Table des matières………………………………………………………………………………………………………………………………53

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