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UNIVERSITE LIBRE DU BURKINA FASO

Cours
Filière communication (Licence II et III)

NOUVELLE ECONOMIE
DES MEDIAS
NUMERIQUES
Dr BAGARE Marcel

ANNEE 2019-2020

1
Table des matières
INTRODUCTION ............................................................................................................................. 4
I-Connaissance et principe de l’économie..................................................................... 6
I.1-Qu’est-ce que l’économie?.......................................................................................... 7
I.2- Objets économiques ...................................................................................................... 8
I.3-Les agents de l’économie .......................................................................................... 10
II- Économie numérique, nouveaux modèles économiques............................. 13
II.1-La diffusion des TIC dans les différents secteurs d’activité :
l’économie numérique ......................................................................................................... 13
II.2-La presse écrite : une économie de plateforme......................................... 18
II. 3- Interaction des marchés et pluralisme ........................................................ 23
II.4- Vers un nouveau modèle d’affaires ? ............................................................. 25
II.5- Vers un nouveau défi : la gratuité comme modèle dominant .......... 27
III-Médias, nouveaux médias : approches théoriques de la question ....... 30
III.1-Les caractéristiques économiques du bien informationnel .............. 32
III.2-L’offre des medias numériques : ex la presse en ligne ..................... 37
III.3-Internet crée des usages nouveaux auxquels la presse ne peut
répondre ...................................................................................................................................... 39
III.4-Le numérique fragilise le modèle économique sur lequel la presse
s’est bâtie .................................................................................................................................... 41
III.5-La presse en passe de devenir le seul média d’information payant
........................................................................................................................................................... 42
IV-Industrialisation du contenu du journal imprimé et transposition de
l’image institutionnelle ........................................................................................................... 45
IV .1-La professionnalisation des journalistes de la presse en ligne ..... 46
IV.2-La question de l’écriture journalistique ........................................................ 48
V- Presse en ligne et industries culturelles et informationnelles ................. 50
V.1-La diversification des modes de production de l’information ............ 51
V.2-La stratégie financière et le modèle économique ...................................... 52
VI- la diffusion de la presse en ligne : la question de l’espace et du
temps ................................................................................................................................................. 53
VI.1-Les dimensions spatiales de la presse en ligne ........................................ 54
VI.2-Les temporalités des sites de presse en ligne ........................................... 54
VII- Publics et usages de la presse en ligne .............................................................. 55
VII.1- Les lecteurs usagers selon les acteurs de la presse en ligne ....... 56
VII.2-Approche générale des pratiques de lecture et de réception de la
presse en ligne ......................................................................................................................... 57

2
VII. 3-L’individualisation des pratiques de consommation des sites de
presse ............................................................................................................................................ 59
CONCLUSION ................................................................................................................................. 60

3
INTRODUCTION
La numérisation modifie fondamentalement la production, la
distribution et la consommation des médias et de leurs contenus.
Aujourd'hui, la population burkinabè a un accès toujours plus aisé à
toujours plus de contenus. Les produits audio et audiovisuels sont
désormais facilement accessibles grâce à de nombreuses chaînes de
radio-TV numériques et d'offres de TV payantes d'entreprises de
télécommunication, des services TV internet et des services de
streaming (Netflix, Amazon Prime, Spotify, etc.). Des plateformes
vidéo (p. ex. YouTube) et des réseaux sociaux (Facebook, Twitter,
Snapchat, Instagram, etc.) proposent aussi de nouvelles possibilités
d'information, de discussion et de participation. Toutefois, cette
diversité de canaux et de plateformes laisse-t-elle aussi espérer la
production et l'utilisation de contenus variés, qui plus est en lien avec
la burkina? Et s'agissant de la formation de l'opinion – en dehors de
la disponibilité des opinions elles-mêmes –, qu'en est-il d'une
sélection professionnelle, telle que la hiérarchisation des opinions et
des événements, ou des forums qui permettent une médiation entre
différents points de vue? Les médias journalistiques jouent
traditionnellement un rôle essentiel au bon fonctionnement de la
société. Les sociétés démocratiques dépendent de processus ouverts
de formation de l'opinion. Les médias assument ces fonctions en
contribuant de manière régulière et solide à l'information, à
l'orientation et aux échanges des individus et des organisations. Dans
le débat scientifique, deux fonctions des médias sont soulignées, à
savoir la fonction d'orientation sociale et le rôle de forum
d'information et d'opinions. Aujourd'hui, tant les médias traditionnels
que les nouveaux fournisseurs de contenus journalistiques ont
cependant de plus en plus de difficulté à refinancer leurs offres

4
d'information sur le marché. La numérisation se répercute sur la
rentabilité des fournisseurs bukinabè de contenus de médias et affecte
le rôle et l'efficacité des médias dans notre Etat de droit démocratique.

L'objectif du présent document est de montrer quelles sont les


spécificités des médias, dans quelle mesure ces caractéristiques sont
encore valables à l'ère de l'internet et quelles sont les options au
niveau politique permettant de maintenir un paysage des médias
performant.

Les médias présentent toute une série de spécificités, dans une


perspective aussi bien économique que socio-politique.

 Du point de vue économique, les spécificités des médias sont


nombreuses, malgré la numérisation: vu que la disponibilité à
payer pour des produits de médias est limitée, les médias sont
aussi actifs sur le marché de la publicité. Celle-ci qui contribue
cependant toujours moins au financement du journalisme.
Malgré la monétisation des contenus (pay wall), les contenus
coûteux à produire ne peuvent être que difficilement refinancés
sur de petits marchés. Les économies d'échelle et d'envergure
favorisent les concentrations.
 La numérisation modifie peu les arguments avancés dans une
perspective socio-politique: les contenus d'information des
médias sont nécessaires en raison de leur importance politique,
sociale et culturelle. Vu la montée en puissance des nouvelles
plateformes sur l'internet et les changements de modes
d'utilisation des médias, la production de contenus
journalistiques ne permet toutefois pas de garantir leur
accessibilité et leur utilisation. Il convient dès lors de se

5
demander comment la politique pourra façonner le paysage des
médias à l'avenir.

Trois domaines de mesures peuvent être distingués:

 Aide aux médias tournée vers l'avenir: La réticence à payer pour


des contenus journalistiques et le transfert de la publicité vers
de nouveaux acteurs sur l'internet rendent le financement des
offres de médias privées plus difficile.
 A l'ère numérique: Une majorité des medias doit s'adapter aux
nouvelles réalités numériques. Cela ne signifie cependant pas
qu'elle doit tout offrir. Une organisation de médias publique doit
se démarquer des fournisseurs purement commerciaux. Dans un
avenir où les médias seront diffusés via l'internet à large bande
et principalement consommés à la demande, cette adaptation
doit être pensée de manière conséquente de A à Z
 Autodétermination dans l'utilisation des médias: L'introduction
de règles sur l'accès au réseau, la neutralité du réseau et les
algorithmes devrait garantir que la population continue à
bénéficier d'une offre en médias complète et diversifiée. En
même temps, la numérisation pose des exigences élevées en
termes de compétence médiatique des utilisateurs. Cette
dernière ne doit pas être comprise uniquement dans un sens
passif en tant qu'utilisation compétente des médias.

I-Connaissance et principe de l’économie


Maitriser les définitions de l’économie, Connaître les méthodes
économiques et porter un éclairage sur les concepts de base de
l’économie sont les objectifs de ce chapitre premier.

6
I.1-Qu’est-ce que l’économie?

Nous devons d’abord distinguer entre :

L’économie politique L'expression est créée au début du XVIIe


siècle et employée à l'origine selon Charles Gide 1 pour décrire «
l'étude de la production économique, l'offre et la demande de biens
et services et leurs relations avec les lois et coutumes; le
gouvernement, la distribution des richesses et la richesse des nations
incluant le budget ». Ce terme d’économie politique conduit à deux
problématiques liées : l'approche économique (comment produire
davantage ?) et l'approche politique (comment mieux répartir ?).
Antoine de Montchrestien, dans son « Traité de l'Economie
Politique » paru en 1615, est considéré comme l'un des premiers à
employer ce vocable. L’Économie politique permet de : Décrire les
mécanismes économiques, analyser la situation actuelle et prévoir
l’avenir et aider à la prise de décisions.

La politique économique : On définit la politique économique


comme l'ensemble des moyens mis en œuvre par l'Etat pour atteindre
les objectifs qu'il s'est fixés dans le but d'améliorer la situation
économique générale du pays. Plusieurs raisons peuvent justifier
l'intervention de l'État dans la sphère économique, parmi lesquelles
la nécessité de maintenir la cohésion sociale, l'équilibre des marchés
ou le libre exercice de la concurrence.

La science économique : peut être défini selon l’analyse


économique. Cette dernière tient compte du fait que les hommes
éprouvent des besoins illimités, quels qu’ils soient. Cependant, les
ressources sont limitées et donc rares. Par exemple, le temps, l’argent
ne sont pas inépuisables. Ceci engendre l’obligation de choix dans
l’allocation des ressources, et donc un choix dans les besoins que l’on

7
va satisfaire. La science économique se donne pour objectif de
résoudre le problème de la rareté des ressources .De manière
générale, toute théorie économique manipule des concepts de base
qui définissent :

 Des objets économiques2 : les constituants de la richesse


matérielle et des moyens de la créer et de la faire circuler :
marchandises, biens, travail, monnaies, titres, informations.
 Des actes économiques : production, échange, consommation,
épargne, par lesquels se créent, circulent et sont détruits les
objets économiques.
 Des acteurs économiques, ce sont des sujets, individuels ou
collectifs, qui commettent les actes économiques en manipulant
les objets économiques. Les acteurs se caractérisent par leurs
comportements à l’égard des objets économiques.

I.2- Objets économiques

Les objets économiques sont les constituants de la richesse dont nous


avons emprunté la définition à Smith : « l’étendue des nécessités, des
commodités et des agréments de la vie humaine dont un homme peut
jouir », ainsi que les moyens de la créer et de la faire circuler.

 Les marchandises : Il faut tout d’abord distinguer, parmi les


objets économiques, celles qui sont des marchandises et les
autres. Est une marchandise tout objet économique
appropriable, c’est-à-dire sur lequel existe un droit de propriété
privé. Ce droit permet à son détenteur d’interdire à tout autre
l’usage de cet objet. Ce droit est aliénable. Il peut être transféré,
en échange d’un droit sur un autre objet, par exemple. Une
marchandise est donc échangeable.

8
 Les biens et les services : Les biens sont les artefacts
constituant la richesse et ou permettant de la créer. En pratique,
on utilise souvent la notion : « biens et services ». Mais la notion
de service est en réalité très mal fondée et recouvre des objets
économiques très hétérogènes. Simple combinaison d’artefacts
vendus ensemble : un repas au restaurant, une semaine dans
un club de vacances ; déplacement dans l’espace d’artefacts :
transport, commerce ; formes particulières d’usage d’une force
de travail : consultations diverses, ménage, etc.

 Les ressources naturelles : Tout Bien est issu de ressources


naturelles qui fournissent matière et énergie. La terre étant un
objet à dimensions limitées, toutes les ressources naturelles
sont, d’une façon ou d’une autre "épuisables". Toute production
matérielle dégrade l’énergie qu’elle utilise (second principe de la
thermodynamique) et produit des déchets.

 Les monnaies : Le mot monnaie désigne tous les moyens de


paiement dont les agents économiques disposent. C'est un bien
économique, car il a une utilité et il doit être produit (on ne le
trouve pas dans la nature) par un agent économique spécifique.
C'est aussi un actif qui permet à son détenteur d’acquérir un
bien ou un service.

 Les forces de travail : La force de travail, l’ensemble des


facultés physiques et morales dont l’homme dispose et qu’il met
en action lorsqu’il produit des biens matériels, quelle que soit la
forme de la société, est un élément indispensable de la
production. Dans une société d’hommes juridiquement libres, la
« force de travail » (le terme est de Marx) est appropriable :

9
chacun est en effet l’unique propriétaire de sa force de travail,
ce qui n’était pas le cas des esclaves, ni même des serfs dans le
féodalisme, qui n’étaient que très partiellement propriétaires de
leur force de travail.

 Les titres : Un titre financier se caractérise par une série de


flux futurs de trésorerie qui sont plus ou moins risqués. On
distingue les titres représentatifs de capitaux propres (les
actions), les titres représentatifs de l'endettement (obligations,
billets de trésorerie, certificats de dépôt, bons du Trésor,...) et
les titres optionnels ou conditionnels (options).

 Les informations : Absent des premiers modèles économiques,


le concept d’information est omniprésent dans les modèles
contemporains. Les informations que l’on considère en économie
sont celles dont ont besoin les acteurs pour effectuer des actes
économiques : produire, acheter, vendre, épargner ou se
financer. Il faut en distinguer deux types : l’information
codifiable et l’information tacite.

I.3-Les agents de l’économie

Les fonctions assurées par ces agents. Chacun de ces agents exerce
une fonction bien spécifique :

 Les ménages : Leur fonction principale est


de consommer c'est-à-dire détruire des biens ou des services
par l’usage dans le but de satisfaire leurs différents besoins.
Dans ce cas-là, leur consommation est dénommée finale.

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 Les entreprises : Elles produisent des biens ou des services
marchands. Pour ce faire, elles investissent (utilisent du matériel
appelé capital fixe comme des machines, des outils…) et elles
consomment des biens ou des services dans le but de les
transformer et produire leurs propres biens (du capital
circulant comme des matières premières par exemple), dans ce
cas on parle de consommations intermédiaires.

 Les administrations publiques : Elles produisent des services


non marchands comme l’éducation, la protection sociale. Ces
services doivent être accessibles à tous de manière égalitaire
pour limiter les inégalités et fournir des services indispensables.

 Les institutions à but non lucratif : L’objectif est de fournir


des services marchands ou non mais sans faire de bénéfices.
Elles sont importantes pour le lien social, l’organisation de la
société.

11
TABLEAU DE SYNTHESE

ACTEUR FONCTION AUTRES CARACTERISTIQUES


ECONOMIQUE
PRINCIPALE

MENAGES CONSOMMATION La consommation est limitée


par les revenus - Les ménages
(Personnes sont offreurs de travail
partageant le même
domicile + unité de
consommation et de
revenus)
- Les entreprises sont très
diverses (taille, produits,
ENTREPRISES PRODUCTION DE BIENS clients, ...) - Les entreprises ont
ET SERVICES besoin de capitaux et de main-
MARCHANDS d'œuvre fournis par les autres
acteurs

PRODUCTION DE BIENS
ET SERVICES COLLECTIFS
NON-MARCHANDS - Les ressources de l'État
proviennent des autres agents
ÉTAT ET Collectif = pouvant être économiques sous forme
ADMINISTRATIONS consommé par plusieurs d'impôts, taxes et prélèvements
personnes à la fois Non- sociaux
marchand = gratuit ou
quasi-gratuit - L'État participe à la
redistribution des revenus
ex : équipements
collectifs, éducation,
sécurité, justice, etc...

BANQUES
FINANCER les besoins des Rôle d'intermédiaire entre
agents économiques épargnants et emprunteurs

Regroupe tous les acteurs


RESTE DU MONDE économiques (Administrations,
Toutes opérations ménages, entreprises et
banques) situés à l'étranger.

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II- Économie numérique, nouveaux modèles
économiques

II.1-La diffusion des TIC dans les différents secteurs


d’activité : l’économie numérique

Tous les secteurs de l’économie ont adopté les TIC pour accroître leur
productivité, créer de nouveaux débouchés sur les marchés et réduire
leurs coûts d’exploitation. Cette adoption des TIC est illustrée par la
diffusion de la connectivité haut débit, qui dans presque tous les pays
de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) est universelle dans les grandes entreprises et atteint ou
dépasse 90% dans les entreprises de moindre dimension. L’adoption
généralisée des TIC, conjuguée à la baisse rapide des prix et à
l’amélioration des performances de ces technologies, a contribué au
développement de nouvelles activités dans le secteur privé comme
dans le secteur public. Ensemble, ces technologies ont ouvert de
nouveaux débouchés et fait baisser les coûts, et elles ont permis le
développement de nouveaux produits et services. Elles ont aussi
changé les modalités de production et de livraison de ces produits et
services, ainsi que les modèles économiques des petites et moyennes
entreprises et des startups. Elles sont aussi devenues le support des
activités des particuliers et des consommateurs et ont eu pour
conséquence la création de nouveaux mécanismes de paiement, et
notamment de nouvelles formes de monnaie électronique. L’Internet
a entraîné d’importants changements tout d’abord dans les secteurs
du divertissement, de l’information, de la publicité et du commerce de
détail, où les premiers grands acteurs du numérique sont d’abord
partis de modèles économiques traditionnels, qu’ils ont adaptés à un
meilleur équipement des utilisateurs finals (à l’intérieur et à l’extérieur

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des organisations) et à une interconnexion plus large permise par
l’Internet.

Ainsi, les détaillants en ligne ont initialement adapté le modèle


d’entreprise des magasins traditionnels en vendant des biens
physiques traditionnels (par exemple des livres) par voie numérique.
Une autre catégorie d’acteurs apparue dans les premiers temps est
celle des intermédiaires en ligne qui permettaient aux utilisateurs de
découvrir, de vendre et d’acheter des biens et des services, par
exemple des véhicules, des biens immobiliers ou des emplois.
D’autres acteurs du numérique se sont spécialisés dans la vente en
ligne de services traditionnels (par exemple, les courtiers d’assurance
en ligne). Les détaillants ont alors commencé à vendre des produits
et des services numériques, par exemple de la musique et des films
en téléchargement ou en diffusion en flux, du code exécutable, des
jeux, ou des services de traitement de données, si bien que la
distinction entre biens et services est devenue de plus en plus floue à
mesure que ces activités ont continué à se développer. De même, la
publicité en ligne a d’abord suivi les modèles traditionnels, pour
s’affiner à mesure que le potentiel des technologies numériques
s’intégrait pleinement dans l’industrie. De nouveaux services en ligne
permettant l’essor d’une économie de partage et de services sont
aussi apparus, et les gens ont pu louer leur logement, leurs véhicules
ou leurs compétences à des tiers.

À mesure que les technologies progressaient et que les coûts des TIC
continuaient à chuter, les TIC se sont imposées comme des
technologies polyvalentes intégrées aux modèles économiques des
entreprises des différents secteurs de l’économie. Dans tous les
secteurs, les entreprises sont maintenant en mesure de concevoir et
de mettre en place leurs modèles d’exploitation en fonction de

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capacités technologiques, afin de devenir plus flexibles et plus
efficientes et d’accroître leur présence sur les marchés mondiaux.

Dans tous les secteurs, elles ont transformé leurs activités en tirant
parti des progrès des communications et des possibilités que leur offre
le traitement des données pour réduire leurs coûts de transaction et
renforcer leur présence sur les marchés mondiaux. Ces avancées,
conjuguées à la libéralisation de la politique commerciale et à la
réduction des coûts de transport, ont permis aux entreprises de tous
les secteurs de tirer parti des chaînes de valeur mondiales dans
lesquelles les processus de production pouvaient être répartis
géographiquement en diverses régions du monde afin de profiter des
particularités des marchés locaux. Ainsi, dans les secteurs très
dépendants des technologies et de la recherche-développement, la
conception et la production peuvent être gérées de façon centralisée
tandis que l’assemblage peut être fractionné entre différents pays
pour tirer parti de la main d’œuvre qualifiée et des ressources locales.
Des secteurs aussi variés que le commerce de détail, la logistique et
l’enseignement ont été transformés et continuent d’être transformés
par suite de la diffusion des TIC :

 Le commerce de détail : L’économie numérique a donné aux


détaillants la possibilité de proposer à leurs clients de
commander en ligne (la commande étant souvent traitée par un
magasin local) et leur a permis de plus facilement recueillir et
analyser des données relatives à leurs clients, afin de
personnaliser leurs services et leur publicité.

 Les transports et la logistique : Le secteur de la logistique a


été transformé par l’économie numérique, qui permet le suivi
des véhicules et des marchandises à travers les continents, la

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fourniture d’informations à la clientèle et le développement de
nouveaux processus opérationnels comme les livraisons en flux
tendu dans le secteur manufacturier. La télémétrie permet aussi
de maximiser la rentabilité du carburant, d’utiliser le réseau de
transport de la façon la plus efficiente et d’appuyer les activités
d’entretien du parc.

 Les services financiers : De plus en plus, les banques, les


compagnies d’assurance et d’autres sociétés, y compris les
prestataires de services de paiement non traditionnels,
permettent à leurs clients de gérer leurs finances, d’effectuer
des transactions et d’accéder à de nouveaux produits en ligne,
même si elles continuent à utiliser leurs agences pour effectuer
une partie des opérations.

 Le secteur manufacturier et l’agriculture : L’économie


numérique a amélioré les activités de conception et de
développement, ainsi que la capacité de contrôler les processus
de production dans les usines, de même que les robots, ce qui
a permis d’atteindre une plus grande précision dans la
conception, le développement et le perfectionnement continu
des produits.

 L’enseignement : Avec la généralisation de l’économie


numérique, les universités, les services de soutien scolaire et
autres prestataires de services éducatifs peuvent dispenser des
cours à distance sans que le face-à-face pédagogique reste
nécessaire, grâce à des technologies comme la vidéoconférence,
la vidéo en continu et les portails de collaboration en ligne, ce
qui leur permet de proposer leurs programmes au monde entier

16
et de mettre en valeur leurs marques d’une manière qui n’était
pas envisageable auparavant.

 Les soins de santé : L’économie numérique est en train de


révolutionner le secteur de la santé – diagnostic à distance,
amélioration de l’efficacité des systèmes et du vécu du patient,
dossiers médicaux électroniques. Elle ouvre aussi des
possibilités pour la publicité concernant les médicaments et
autres traitements, par exemple.

 La radiodiffusion et les médias : L’économie numérique a


considérablement transformé l’industrie de la radiodiffusion et
des médias. L’essor de l’accès haut débit, en particulier, a ouvert
de nouvelles possibilités de fourniture de contenu pour les
acteurs traditionnels des médias, tout en permettant aussi la
participation aux médias d’information de nouvelles sources non
traditionnelles et en élargissant la participation des utilisateurs
aux médias par le biais du contenu généré par l’utilisateur et des
réseaux sociaux. L’économie numérique permet aussi aux
entreprises de mieux collecter et exploiter l’information
concernant les habitudes d’écoute et les préférences de leurs
clients, et ainsi, de mieux cibler leur programmation.

À mesure que l’économie intègre la technologie numérique, il devient


de plus en plus difficile de segmenter l’économie numérique. En
d’autres termes, celle-ci se confondant de plus en plus avec
l’économie en général, il serait pratiquement impossible de dissocier
l’une de l’autre. Tenter d’isoler l’économie numérique pour en faire un
secteur séparé supposerait inévitablement que des frontières
arbitraires soient tracées entre ce qui est numérique et ce qui ne l’est
pas. Par conséquent, la meilleure façon d’identifier les enjeux fiscaux
17
soulevés par l’économie numérique et d’y répondre, est d’analyser les
structures existantes adoptées par les entreprises multinationales en
même temps que les nouveaux modèles économiques, d’examiner les
principales caractéristiques de l’économie numérique et de déterminer
celles qui posent ou aggravent des problèmes fiscaux, et de mettre
au point, enfin, des méthodes pour résoudre ces problèmes.

II.2-La presse écrite : une économie de plateforme

Après avoir évoqué les caractéristiques économiques du bien


informationnel, il convient à présent d’en comprendre les
conséquences : bien non rival, expérientiel, éphémère aux coûts fixes
élevés, chaque trait de l’information en estampille la singularité
économique, d’où le concept de « nœud d’imperfections ».

 Non-rivalité, agrégation des préférences et incitation à la


production

La non-rivalité de l’information, qui rappelons-le, implique que la


consommation d’un bien par un agent ne diminue pas la
consommation de ce même bien par un autre agent, se traduit
économiquement par la considération d’une consommation uniforme
du bien par tous les agents. Dans le cas d’un bien privé (rival et avec
exclusion), l’acquittement d’un prix pour un produit par un
consommateur définit sa préférence. Dans le cas d’un bien distribué
gratuitement, il n’existe plus d’indicateur de préférences, le bien n’est
plus véritablement choisi, au sens de l’économie traditionnelle. Dès
lors, comment connaître les préférences des consommateurs ?
Comment ajuster la quantité offerte à celle demandée, dans la mesure
18
où la demande n’est pas affichée ? Le principe de non-rivalité implique
de trouver un « indicateur de préférences sociales » qui comprend les
préférences des agents, n’écarte pas les goûts des minorités et prend
aussi en considération la diversité des préférences. Cette question a
été posée et approfondie par Kenneth Arrow en 1951, co-titulaire avec
John Hicks du prix Nobel d’économie. L’auteur démontre que les
règles pour établir un choix collectif ne peuvent répondre à quelques
critères issus d’un système d’axiomes « raisonnables ». Il montre qu’il
est impossible de définir l’intérêt général à partir des choix individuels,
et qu’en dehors de la règle de choix dictatorial, il n’existe aucun
indicateur satisfaisant de préférence sociale (théorème du choix
social). De plus, la non-rivalité de l’information pose aussi des
difficultés en termes d’incitation à la production : sans prix payé par
les consommateurs, les producteurs ne peuvent plus dégager des
ressources, et ne sont donc plus incités à produire. Des règles doivent
être mises en place si l’on souhaite favoriser l’incitation à la production
(exclusivité, droit d’auteur, etc.) (voir Bomsel, 2007).

 Signalisation des biens et dépenses de marketing

Nous l’avons vu, la presse écrite est un bien d’expérience, ce qui


impose à son producteur d’engager de fortes dépenses en termes de
procédures de sélection, de signalétique, d’image de marque, de
dépenses en marketing ou encore de promotion des produits. Ces
dépenses le contraignent à s’organiser pour faire connaître son
produit auprès des consommateurs le plus tôt possible et à mobiliser
très rapidement les ressources de l’appropriation, pour éviter
notamment que l’incertitude liée à la nature du bien ne se retourne
contre lui. Enfin, il lui faudra déclencher des processus

19
d’agglomération autour de son produit, processus souvent rendus
possibles par le fait que la satisfaction d’un utilisateur de contenu
dépend du nombre d’utilisateurs du même contenu : abonnements,
promotions à bas prix pour le lancement de nouveaux biens ou
services, etc. Ici aussi, les entreprises de grande taille sont
privilégiées, notamment les groupes qui disposent de moyens
financiers importants pour investir dans des campagnes
promotionnelles.

Double financement, plateformes d’échanges et effets de réseaux

La structure de coûts atypique conduit les firmes de grande taille à


bénéficier des économies d’échelle et de gamme. Ces dernières se
définissent ainsi : il est moins coûteux économiquement qu’une seule
entreprise fabrique deux produits, plutôt que deux entreprises
fabriquent chacune un seul produit. En diversifiant son activité, par la
production de différents biens par exemple, l’entreprise éditoriale
bénéficie des synergies de coûts (effet de taille, économie de gamme)
et des synergies de revenu, où le développement d’une activité sert
au développement d’une autre : la valeur de plusieurs activités
combinées est supérieure à la valeur de ces activités prises
séparément.

À cette structure de coûts se greffe le caractère non rival de


l’information qui conduit à ce que le coût entraîné pour servir un
consommateur supplémentaire (coût marginal) soit quasiment nul.
Cet argument vaut d’autant plus que le nombre d’exemplaires
fabriqués est grand. Or, la tarification au coût marginal est celle qui
garantit l’allocation optimale des ressources, dans le cas de biens
rivaux. Dans l’économie des médias, servir les lecteurs au coût

20
marginal signifie les servir à un prix nul, avec l’assurance alors pour
l’éditeur d’un déficit budgétaire ! En effet, en situation concurrentielle,
on considère que le prix mesure l’utilité du dernier consommateur qui
achète le produit à ce prix. Dès lors, l’égalité du coût marginal à ce
prix garantit la valeur des ressources détournées pour satisfaire la
demande de ce consommateur et est exactement égale à l’utilité
retirée de la satisfaction de cette demande. Reprenons l’exemple
donné par Gabszewicz et Sonnac (2006, p. 97) : « Si le coût marginal
était strictement inférieur au prix, il y aurait socialement avantage à
accroître la production d’au moins une unité : le gain de satisfaction
ainsi obtenu en servant un consommateur supplémentaire ferait plus
que compenser la valeur des ressources nécessaires à produire cette
unité (le coût marginal).

L’allocation des ressources ne serait alors pas efficace. L’égalité du


prix de vente et du coût marginal, condition réalisée spontanément
par le marché concurrentiel, conduit à une affectation efficace des
ressources entre les entreprises et les consommateurs ». L’éditeur,
en tarifant son prix de vente au coût marginal (donc à zéro), se voit
contraint de se tourner vers d’autres sources de financement, tels la
subvention publique, le sponsoring ou le financement publicitaire.
C’est la genèse du double financement de la presse. Faire appel aux
consommateurs et aux annonceurs inscrit le modèle d’affaires de la
presse écrite dans un schéma plus général de celui de l’économie des
plateformes, appelé marché à deux versants (Two-sided markets).
Une plateforme est un intermédiaire qui rend possible et facilite les
interactions de deux groupes d’agents qui ont des gains à interagir.
Ainsi, les bénéfices d’un agent appartenant à un groupe dépendentils
du nombre d’agents de l’autre groupe. Ce phénomène correspond à
un « effet de réseau simple ».

21
Cet effet apparaît en particulier dans les industries ouvrant des
possibilités nouvelles en matière d’échange d’informations entre les
individus. L’exemple le plus connu est celui du réseau de téléphone
où plus le nombre de consommateurs connectés au réseau est élevé,
plus l’intérêt pour un consommateur d’y être abonné s’accroît, lui
donnant la possibilité de communiquer avec un plus grand nombre
d’individus. S’agissant de la presse écrite, ce sont des effets de
réseaux croisés qui coexistent : la satisfaction d’un consommateur
pour un bien vendu sur un marché dépend de la taille de la demande
pour un autre bien sur un marché différent, et vice versa. Ici, l’éditeur
constitue la plateforme d’informations, qui facilite l’interaction entre
deux groupes d’agents, les annonceurs et les lecteurs.

Les premiers achètent d’autant plus d’espaces publicitaires que la


taille du lectorat est grande, l’impact du message publicitaire croît
avec la taille de l’audience ! Les seconds, de leur côté, se déplacent
sur la plateforme pour le contenu intrinsèque des médias, mais aussi
prennent en considération la présence de la publicité dans le média

22
consommé. Cette appréciation de la publicité se traduit en termes
économiques par deux types d’externalités3 possibles : des
externalités positives si les lecteurs sont publiphiles, ils seront
d’autant plus satisfaits de la consommation de leur titre si la quantité
de publicité y est importante (la publicité est considérée alors comme
informative) ou encore, l’externalité sera considérée comme positive,
si le prix d’accès à l’information est nul. Le désagrément causé par la
présence de publicité dans le titre est compensé par la gratuité
d’accès. Les externalités peuvent être aussi négatives dans le cas de
lecteurs publiphobes, la publicité est considérée alors comme
persuasive et constitue une véritable nuisance. Chacune des deux
relations (annonceurs - médias et médias - lecteurs) engendrent des
effets de réseaux croisés.

II. 3- Interaction des marchés et pluralisme

Le modèle économique de la presse écrite repose donc sur une


économie de plateforme et d’interactions stratégiques entre le marché
des médias et celui de la publicité. Trois questions relatives à cette
interaction se posent. La première concerne d’abord la structure de
prix adoptée par l’éditeur de presse : quelle sera la combinaison du
mode de financement qu’il choisira ? Ensuite, quel niveau des prix
sera évalué, prix de vente et tarif publicitaire ? Enfin, quel ratio «
volume de publicité / contenu médiatique » sera préféré. En d’autres
termes la question est relative au choix de l’espace « physique » du
journal ou du périodique (nombre de pages) consacré à la publicité ?
En effet, un éditeur peut décider de n’inclure aucune publicité au sein
de son titre et facturer l’intégralité de son coût de production aux
lecteurs. Ceux-ci doivent alors être en mesure de payer un prix à
23
l’exemplaire obligatoirement élevé (en tout cas, plus élevé que celui
qu’ils devraient acquitter s’ils n’étaient pas seuls à payer). Au
contraire, l’éditeur peut décider de laisser une large place à la publicité
dans son journal et pratiquer un prix de vente facial aux lecteurs très
faible, voire nul. C’est le cas de la presse gratuite d’information, où
les annonceurs sont les seuls à assurer la couverture intégrale des
coûts.

La situation intermédiaire est celle qui est adoptée par la majorité des
titres de presse, à savoir que l’éditeur affiche une structure tarifaire
qui repose sur le double financement. Ici, la structure des prix et le
niveau des prix sont étroitement liés : selon la structure choisie, le
niveau des prix sera déterminé. De même, dans la mesure où les
préférences des consommateurs sont corrélées en partie au volume
publicitaire du média (les lecteurs peuvent être publiphiles ou
publiphobes), le ratio volume publicitaire/contenu médiatique dépend
lui-même du niveau des prix pratiqués sur les deux marchés. Dans la
détermination de ces prix, le choix de la meilleure stratégie par
l’entreprise médiatique dépend en partie de la sensibilité du lectorat
au prix (élasticitéprix de la demande pour le journal) et du ratio
publicité/contenu. Enfin, elle dépend aussi de la sensibilité de la
demande des annonceurs au tarif publicitaire : combien sont-ils prêts
à payer pour une large diffusion ou une diffusion ciblée ?

La structure de marché a évidemment de fortes incidences sur


l’économie du secteur. D’abord, dans un marché à deux versants tel
que nous l’avons défini, le contenu médiatique peut être influencé par
le désir de propriétaires des médias d’offrir un vecteur qui touche le
plus grand nombre possible d’annonceurs et de consommateurs ; il
existe alors un biais potentiel dans la sélection d’informations.
Ensuite, dans les marchés traditionnels, les consommateurs ont une

24
disponibilité à payer affichée pour les produits qu’ils souhaitent
consommer. Et ils sont seuls à le faire. Dans le secteur de la presse
écrite, le pouvoir des consommateurs est en partie transféré aux
annonceurs qui ont la possibilité, en tant que principal financeur,
d’imposer un certain « type » d’informations que les éditeurs se
doivent d’offrir aux lecteurs. Le rôle de la publicité peut aussi dépasser
celui de la seule influence possiblement exercée sur le contenu. C’est
ce que nous allons à présent traiter.

II.4- Vers un nouveau modèle d’affaires ?

L’Internet – et tout particulièrement le Web – est devenu l’outil de


référence de l’ère numérique : « 83 % des internautes européens ont
déclaré ne pas pouvoir vivre sans au moins une activité en ligne ; 32
% d’entre eux affirment ne pas pouvoir se passer de la messagerie
électronique et 96 % admettent moins pratiquer une autre activité à
cause de l’Internet . » Ces chiffres à la hausse sont particulièrement
éloquents pour la population d’âge comprise entre 16 et 24 ans, où
l’on observe pour la première fois que les jeunes passent 10 % de
temps supplémentaire à naviguer sur l’Internet plutôt qu’à regarder
la télévision . Cette possible substitution entre un média émergent et
les médias traditionnels est un phénomène totalement nouveau : «
71 % des internautes français pensent délaisser les autres médias
pour l’Internet, 51 % admettent regarder moins la télévision, 39 %
moins lire la presse écrite et 30 % écouter la radio moins
fréquemment . » Dans cette déferlante numérique, se greffe la
situation particulière de la presse écrite. Selon une étude InfoCom
(2008), plusieurs tendances méritent d’être soulignées en Europe de
l’Ouest : d’abord, il existe une corrélation négative entre le taux de

25
pénétration des titres de presse et les usages de l’Internet ; ensuite,
la diffusion des quotidiens payants décroît entre 2002 et 2006 : moins
12,5% au Royaume-Uni, moins 11,1% au Danemark, moins 5,7% en
France, moins 4,5% en Italie, etc. ; enfin, cette diminution des ventes
coïncide avec une baisse des revenus publicitaires qui s’est poursuivie
en 2007 en Europe : moins 2,8%. En France, la situation semble être
encore plus marquée.

Entre 2000 et 2007, la presse quotidienne régionale payante a chuté


de 8,5 %, tandis que la presse quotidienne nationale de 11,3 % (étude
Xerfi, 2008). Pour autant, la presse gratuite d’information (Métro,
20Minutes) bénéficie, quant à elle, d’une diffusion de 560 millions
d’exemplaires en 2007, alors qu’elle n’est présente sur le territoire
hexagonal que depuis 2002. Prenant conscience de l’impact de
l’Internet, de l’érosion de leurs ventes, et de l’attrait privilégié que
représente le Web aux yeux des annonceurs et des consommateurs,
les éditeurs ont choisi de décliner leur offre en ligne. Avant de mettre
en évidence les différents modèles d’affaires et le nouvel
environnement concurrentiel des éditeurs, il convient d’abord de
présenter les différentes plateformes que l’on peut trouver sur
l’Internet. Evans, Hagiu et Schmalensee (2005) en distinguent trois :
1. les plateformes d’échanges qui renvoient aux places de marché
électroniques (tels Amazon.fr ; ebay.fr, etc.), aux sites de
référencement, aux comparateurs de prix ou encore aux sites de
rencontres. Leur objectif est la mise en relation des différents agents
pour procéder à des transactions directement ou non ; 2. les
plateformes d’exploitation, comme Linux ou Windows, ont pour objet
de fournir à des utilisateurs finaux l’accès à plusieurs applications ; 3.
les plateformes d’audience comprennent les moteurs de recherche
(Google), les portails (Yahoo, MSN) et les sites en ligne des médias

26
traditionnels (radios, TV, sites de journaux – lefigaro.fr, lemonde.fr,
etc.).

Ces plateformes permettent la mise à disposition d’audiences


quantitatives et qualitatives auprès des annonceurs (voir Greffe &
Sonnac, 2008). Les auteurs soulignent qu’à chaque plateforme
correspond un modèle d’affaires et une dynamique propre, son succès
tenant en sa capacité à structurer ses utilisateurs en communautés et
à leur proposer des services et des outils qui faciliteront leurs
interactions sociales virtuelles. Les éditeurs de presse en ligne ont
commencé par transcrire leur modèle d’affaires papier sur le Net en
faisant payer aux lecteurs un abonnement mensuel ou annuel, ou
encore, en mettant en place un système de paiement à l’acte
d’archives ou d’articles à l’unité (New York Times, El Païs, etc.).

Pour la plupart d’entre eux, ces pratiques se sont soldées par des
échecs, c’est le cas d’Irish Times, qui a vu une chute de 95 % de son
audience en ligne suite au passage à un modèle payant en 2003
(Idate, 2008). Rapidement, les éditeurs ont donc dû adapter leur
modèle traditionnel de presse aux nouvelles exigences de l’internaute,
qui marque nettement sa préférence pour un accès et une
consommation gratuites de l’information.

II.5- Vers un nouveau défi : la gratuité comme modèle


dominant

L’accès gratuit à de nombreux contenus, souhaité par les entreprises


médiatiques (presse gratuite d’information, télévision généraliste,
radio) ou imposé (comme le piratage dans l’industrie du disque, par
exemple) conduit l’ensemble des acteurs du monde des médias à

27
reconsidérer leur modèle d’affaires, qui s’appuie sur le mécanisme de
la plateforme d’échanges.

La gratuité constitue une dimension essentielle dans l’ère du


numérique, même si elle ne représente pas un phénomène nouveau
pour les médias de masse. En effet, les biens informationnels n’ont
pas toujours été payés par leurs utilisateurs directs : mis sous tutelle
pour des raisons politiques et sociales, prescripteurs publics, mécènes
privés, parrains, publicitaires, etc., sont toujours intervenus dans
leurs financements. D’ailleurs, le financement des médias par la
publicité n’est pas récent, puisque le secteur de la presse écrite s’est
tourné vers le marché des petites annonces au 17e siècle et vers celui
de la publicité au 19e . Cette dernière s’est rapidement développée
avec l’essor de l’économie et a joué un rôle non négligeable dans le
rapprochement de la presse avec les circuits marchands. Il revient à
Émile de Girardin d’avoir théorisé le rôle de la publicité en lançant La
Presse en 1836, énonçant de fait pour la première fois l’existence d’un
double marché, avec l’idée selon laquelle si le journal est vendu deux
fois, alors il pourra être moins cher pour les lecteurs, et voir ainsi sa
diffusion augmenter plus rapidement.

La publicité comme seconde source de financement crée le bénéfice


du journal. Pour autant, ce modèle connaît deux évolutions majeures
récentes : dans un premier temps, l’appel aux recettes publicitaires
en complément d’un premier financement – généralement celui des
consommateurs – s’est répandu à l’ensemble des médias de masse ;
ensuite, le modèle économique des médias s’est concentré sur une
source unique de financement, le versant publicitaire : l’ère du « tout
gratuit » a sonné comme une véritable révolution culturelle et
sociologique, offrant la possibilité aux usagers de biens
informationnels de ne plus payer pour les consommer : journaux en

28
ligne, musique, films, vidéos, etc. Soulignons que si la gratuité ne
signifie pas l’absence de valorisation économique, pour autant élargie
à l’ensemble des biens informationnels, elle implique des mécanismes
de révélation et de mobilisation des valeurs économiques différents et
plus complexes. C’est ce que nous allons tenter de mettre en
évidence. Dans ce nouvel environnement, les éditeurs ont compris
qu’ils ne pouvaient plus se considérer comme de « simples »
entrepreneurs aux produits spécifiques, mais comme de véritables
intermédiaires d’échanges.

Nous venons de le montrer, les médias sont des marchés à deux


versants depuis leur origine, qui jouent le rôle d’interface entre deux
groupes d’agents distincts : les annonceurs et les lecteurs. Ces deux
groupes constituaient, jusqu’à présent, deux sources de revenus
potentiels pour eux, liés par des effets de réseaux indirects positifs ou
négatifs, selon les réactions des lecteurs vis-à-vis de la publicité. Dans
cette analyse, et ce point a fait l’objet de notre deuxième section, on
a mis en évidence que, d’une part, l’éditeur prend en considération
les comportements des lecteurs et l’inclut dans sa structure tarifaire ;
d’autre part, que cette structure tarifaire a des incidences sur les
contenus médiatiques et sur la diversité des produits offerts, par voie
de conséquence, sur la concentration du secteur. Le fait que la
nouvelle structure tarifaire soit totalement asymétrique – un seul
versant du marché paie – accentue l’ensemble des effets
précédemment identifiés. Deux conséquences apparaissent comme
essentielles : la question de la monétisation de l’audience et les
conséquences des effets « boule de neige » qui placent les éditeurs
dans un nouvel environnement concurrentiel.

29
III-Médias, nouveaux médias : approches
théoriques de la question
Il s’agit ici de présenter quelques données scientifiques issues des
sciences de l’information et de la communication (SIC) afin de préciser
l’approche transversale et partielle sur laquelle est fondée notre
analyse des nouveaux médias. Il n’est rien de très original dans cette
démarche si l’on se réfère aux nombreux auteurs qui fondent leurs
travaux sur la problématique de l’industrie de l’information et de la
culture. Nous faisons référence ici à Bernard Miège, Philippe
Bouquillion, Jean-Guy Lacroix, Pierre Moeglin et Gaëtan Tremblay.
Suivant l’exemple des chercheurs que nous venons de citer, nous
tenterons de mettre en relation, d’articuler un certain nombre de
données hétérogènes (techniques, économiques, sociologiques, etc.)
de façon à établir le sens d’une évolution dans le secteur de la presse.
Nous considérons ici que « les productions de l’esprit dans le style de
l’industrie culturelle ne sont plus aussi des marchandises, mais les
sont intégralement toutes les activités de production, distribution et
diffusion de produits culturels symboliques organisées selon les
principes de séparation producteur-produit et conception et dans
lesquelles on trouve une exécution et une division technique du travail
(parcellisation des tâches) » (Lacroix, 1986, p.9).

Ce cours s’attachera à la compréhension du cadre de fonctionnement


des journaux en ligne et à une analyse matérialiste des médias selon
les termes d’Yves de la Haye (De La Haye, 1984). Suivant ainsi la
définition proposée par Patrice Flichy, selon laquelle « un média
trouve sa définition dans l’articulation d’une technique, d’un mode de
financement et d’un contenu » (Flichy, 1993, p. 976), nous
essayerons de voir comment cette définition est valable ou non dans
le cas de la presse en ligne. Ainsi, pour nous limiter aux aspects cités

30
et qui définissent un média, notre analyse prend en compte des
facteurs tels que la spécialisation des journalistes, le modèle
économique des sites de presse étudiés, qui peuvent jouer un rôle
primordial dans la mise en place des stratégies de diffusion des
médias électroniques.

Enfin, le fait qu’on s’intéresse aux nouveaux médias signifie que l'on
accepte de s’intéresser à un processus de production et de
consommation de biens culturels et informationnels, tout en
reconnaissant leur spécificité mais aussi la relation d’association aux
médias d’origine. Pour notre part, nous avons décidé de combiner
l’aspect de la production et celui de la réception. En d’autres termes
nous croyons que « dans la contradiction production/consommation
l’aspect principal est la production » (De La Haye et Miège, p.162) et
que si l’émetteur-producteur n’est pas omniprésent, il influe
néanmoins nettement sur les comportements et il modèle, ou du
moins tente de modeler, la demande.

Ainsi, si l’on accepte avec André Gaudereault et Philipe Marion « qu’un


média naît toujours deux fois », on peut aussi rapprocher notre
analyse de la presse en ligne de ce que ces deux auteurs nomment sa
naissance intégrative. Selon eux, « les possibilités nouvelles d’un
média en restent ainsi à un stade de complémentarité, de dépendance
ou bien de continuité à l’égard de pratiques génériques et médiatiques
plus anciennes et bien établies. Cette phase fusionnelle se caractérise
par une sorte d’intermédialité spontanée. En termes jakobsoniens, le
média s’immisce dans la chaîne syntagmatique des genres et des
représentations médiatiques culturellement installées. Dépourvu de
réelle épaisseur paradigmatique, il se contente de s’agglomérer à
d’autres unités de la chaîne des médias et des genres socialement
pratiqués. Intermédiallement intégré, il intègre aussi, en lui même,

31
cette intermédialité qui le ceint. Bref, il y a de l’intermédialité hors de
lui et en lui. En outre, son identité propre lui échappe encore »
(Gaudereault et Marion, p. 21).

A travers ces éléments, nous constatons que tout média repose sur
une combinaison de plusieurs composantes : une technique de
traitement de l’information, un support de diffusion, un contenu et
une mise en forme de ce contenu (avec différents modes
d’organisation et de présentation de l’information). A travers cet
article, nous allons voir comment ces éléments ont connu des
évolutions par le passage de tel média vers l’Internet. En effet, ces
différents éléments qui composent un média ont connu des évolutions
majeures au fil du temps. Aux techniques de l’écrit (pour la
presse), du son (pour la radio) et de l’image (pour la
télévision), ont succédé de nouvelles techniques de traitement
et de diffusion de l’information liées au développement de
l’informatique et des supports électroniques.

En ce sens, la presse électronique apparaît comme le fruit d’une


double évolution : une évolution au niveau des supports de diffusion
de l’information, avec le passage du support papier aux supports
numériques, et une évolution au niveau du contenu même, à savoir
l’information de presse, et ses modes d’organisation, de présentation,
de diffusion et même de réception.

III.1-Les caractéristiques économiques du bien


informationnel

 L’information : un bien non rival et sous tutelle

32
Pour justifier l’intervention de l’État dans la consommation, la
production ou la mise à disposition des biens aux consommateurs,
l’économiste Paul Samuelson établit en 1964 une classification entre
les biens, distinguant biens privés et biens publics. La rivalité et
l’exclusion sont les deux principes sur lesquels s’appuie cette
taxinomie : la rivalité est un principe en vertu duquel la consommation
d’un bien par agent diminue la quantité disponible de ce même bien
par un autre agent ; l’exclusion conduit à écarter de la consommation
d’un bien un individu, qui ne pourrait pas ou ne voudrait pas payer,
pour jouir de la consommation de ce bien. Un bien privé répond à ces
deux principes, à l’inverse du bien public pur. En effet, le caractère
non rival de l’information :

 caractère partagé par l’ensemble des produits de contenu


(musique, édition, télévision, etc.)
 signifie qu’elle peut être consommée simultanément par un
nombre arbitraire de consommateurs : la lecture par un individu
des informations comprises dans un journal ne peut pas priver
les autres individus de la possibilité de les lire à leur tour. De
plus, dans le cas d’un accès gratuit (comme pour la radio ou la
presse gratuite d’information), l’information se définit comme un
bien public pur.

Cependant, lorsque le contenu – l’information – s’inscrit sur un


support payant, où le consommateur est dans l’obligation d’acquitter
un prix pour accéder à l’information, cette dernière est transformée
en marchandise. Dès lors, le média écrit – contenu médiatique et
support physique – s’est transformé en un bien public avec exclusion,
appelé bien semi public. La presse gratuite est donc un bien public
pur, tandis que la presse payante un bien public avec exclusion. Mais
toutes deux partagent le caractère de non-rivalité

33
Ainsi, et comme nous venons de le souligner, c’est sur la base de ce
caractère non rival d’un bien que se justifie économiquement
l’intervention de l’État, cette intervention prenant des formes diverses

Selon les catégories éditoriales dans l’organisation générale des


entreprises de presse. Cet argument se trouve renforcé par le
caractère tutélaire du produit de presse (merit goods).
Instruments potentiels du développement culturel, politique,
informatif, de divertissement, etc., la nature et la diversité des
contenus médiatiques sont susceptibles d’exercer une influence non
négligeable sur la formation du système des valeurs de la
communauté. Ce rôle de véhicule de l’information et de la culture dans
les sociétés modernes européennes dérive de la nécessité d’atteindre
des objectifs de cohésion sociale, de démocratie, de liberté
d’expression ou encore de diversité culturelle. Ainsi, dans la volonté
de préserver cet espace public, l’État encadre, participe au
financement, alloue des aides – directes ou indirectes ¬ aux
entreprises de presse.

L’État joue, en d’autres termes, un rôle de garant de l’accessibilité


pour tous à une information diverse et plurielle. Soulignons ici que
cette considération de l’État comme garant de la liberté n’est pas un
modèle universel. En effet, pour la presse anglosaxonne par exemple,
la presse s’est posée elle-même comme un « pouvoir » quasi
institutionnel de l’opinion publique d’où découlent les fondements de
sa liberté et la garantie de son indépendance, notamment à l’égard
de l’État. Son indépendance, rappellent Le Floch et Sonnac (2005, p.
8-9) « n’est pas octroyée par l’État : elle lui préexiste […] La garantie
de l’indépendance n’est pas accordée, mais conquise par la liberté
d’entreprendre, garantissant elle-même la liberté d’expression. »

34
(voir notamment Gabszewicz & Sonnac, 2006 et Toussaint-
Desmoulins, 2008).

 L’information : un bien expérientiel

Une autre caractéristique, qui n’est pas sans conséquences sur le


modèle d’affaires de la presse écrite, réside dans le caractère
expérientiel de l’information. C’est ainsi que la qualifie Richard Caves
dans son ouvrage Creatives Industries (2002). Dans la mesure où la
valeur des contenus ne peut être évaluée comme les autres produits
avant l’acte d’achat, ils requièrent d’être testés : ainsi, on ne connaît
la valeur de l’information qu’après l’avoir consommée car il réside une
incertitude sur sa qualité intrinsèque jusqu’à sa consommation
effective (Nobody knows). Cette caractéristique impose aux
entreprises médiatiques des procédures de sélection et de
signalisation capables de susciter le désir d’expérience.

Ces procédures sont intenses dans le cas de biens informationnels et


s’appuient sur l’identification de composantes connues : titre de
presse, nom des journalistes, marque du groupe, etc. La capacité
d’expérience des individus étant limitée, une concurrence sur la
signalisation va s’exercer entre les biens : les mieux signalés seront
consommés les premiers (Bomsel, 2007). Ce phénomène a pour
incidence majeure pour les entreprises de presse d’engager de fortes
dépenses en marketing, en promotion des produits, et contraint les
producteurs à s’appuyer sur une marque ou sur une réputation, nous
y reviendrons dans notre deuxième point.

L’information : un produit éphémère aux coûts fixes élevés

35
L’information est par essence éphémère, et ce caractère périssable
oblige l’éditeur de la chaîne de valeur à mettre en place une
infrastructure de production coûteuse. C’est notamment le cas des
quotidiens dont la périodicité est courte, comparativement à celle des
magazines. Ceci se traduit notamment par l’embauche d’un nombre
suffisant de journalistes pour collecter l’information, la traiter.
L’imprimer puis la diffuser rapidement suppose l’installation de
rotatives pour assumer la reproduction du titre en un nombre
d’exemplaires qui permettra de couvrir la demande (Le Floch &
Sonnac, 2005). Il en résulte que le coût du premier exemplaire, coût
du titre produit chaque jour, considéré comme le prototype, apparaît
comme un coût fixe. Il est extrêmement élevé et doit être consenti,
quel que soit le nombre d’exemplaires produits. En revanche, le coût
unitaire de production, très élevé quand le nombre d’exemplaires
produits est faible, diminue considérablement quand celui-ci
augmente : les charges qui correspondent à la production du
prototype sont de mieux en mieux réparties. C’est le phénomène
d’économies d’échelle. Dès lors, le rapprochement entre entreprises
de presse va permettre la non- duplication de ces coûts fixes si élevés,
et

Les entreprises de grande taille seront ainsi favorisées au nom d’une


plus grande efficacité économique. Cette structure de coûts atypique,
notamment dans le différentiel qui oppose coûts fixes élevés et coûts
de reproduction faibles, privilégie, nous venons de le voir, les
entreprises des grandes tailles ou les rapprochements entre les
entreprises qui souhaitent bénéficier de ces avantages. La
concentration du secteur constitue donc un argument d’efficacité
économique, mais qui n’est évidemment pas sans poser des
problèmes en termes de pouvoir de marché ou de risques engendrés

36
par une information placée entre les mains de quelques-uns. Ce sont
toutes ces caractéristiques économiques qui spécifient et distinguent
l’activité de presse des autres activités ou services, et traduisent le
particularisme de son modèle d’affaires.

Le principe économique du marché réside dans l’appropriation d’une


partie de la valeur économique créée par son producteur. Dans un
modèle d’économie traditionnelle, aucun producteur ne se
présenterait sur le marché s’il n’était pas certain qu’en y cédant son
bien ou son droit à utilisation de son service, il pourrait récupérer une
valeur monétaire. La manière dont on s’approprie cette valeur
constitue un modèle d’affaires. Dans le cas des industries de presse,
mais aussi pour l’ensemble des autres industries médiatiques, compte
tenu des caractéristiques économiques soulevées, le modèle d’affaires
diffère du modèle traditionnel. C’est l’objet de notre deuxième point.

III.2-L’offre des medias numériques : ex la presse en


ligne

Le développement de la presse du papier vers l’électronique remonte


à la fin des années 90. Il s’agissait en effet des journaux imprimés
préexistants et mis en ligne. Ils ont été créés souvent à l’initiative des
éditeurs des grands journaux à parution régulière (quotidiens,
hebdomadaires, mensuels) et de langues différentes (arabes,
français, anglais, etc.). La diffusion électronique des titres de presse
s’est faite différemment d’un pays à un autre. Mais à partir de 1998,
la majorité des entreprises de presse se sont mobilisées pour la
création de leurs sites web. Ce développement vers le web été pensé
comme une stratégie de positionnement sur l’Internet. Les premiers
développements sont confiés à des journalistes travaillant déjà sur le

37
journal papier. La période est perçue comme transitoire, présentée
comme une étape nécessaire dans l’utilisation du support numérique
par les professionnels et pour une possibilité de constituer une équipe
spécialiste. Cette période caractéristique des débuts du processus
pourrait être rapprochée de la phase « objet valise » (Flichy, 1994,
p.5). Ce moment transitoire, repérable notamment aux multiples
incertitudes qui l’accompagnent, a cédé ensuite la place à la phase «
objet frontière » qui correspond à l’étape de mise sur le marché de la
presse sur l’Internet.

Pour essayer de présenter une cartographie de l’offre d’information


de presse en ligne il convient plutôt de chercher à travers les
stratégies des acteurs de la presse électronique. Cette démarche
fondée sur une approche communicationnelle des nouveaux médias,
nous aidera à bien saisir les logiques sociales qui traversent
l’industrialisation du contenu de la presse. Pour nous ces logiques
sociales sont « un ensemble de règles qui orientent la structuration et
le fonctionnement d’un secteur industriel, qui déterminent les
caractéristiques et l’articulation des fonctions de création, de
production, de mise à disposition et de consommation des produits
culturels » (Tremblay 1997, p. 14).

Cette démarche nécessite aussi une mise en évidence des stratégies


d’acteurs qui s’activent dans le secteur, à savoir « la dynamique des
acteurs qui poursuivent certains objectifs propres et mettent en place
une série de moyens d’action pour les atteindre » (Tremblay 1997, p.
16). Sans prétendre répondre aux questions, nombreuses, sur l’avenir
des journaux imprimés et électroniques, l’analyse qui suit voudrait
poser les termes des discussions qui agitent le monde des
professionnels de la presse. Comme le remarquent Nicolas Pélissier et
Nicolas Romain, « chaque fois que des nouvelles technologies

38
viennent bouleverser les données en matière de production ou de
diffusion de l’information, craintes, doutes, et remises en question
sont au rendez-vous » (Pélissier et Romain, 1998, p.44).

III.3-Internet crée des usages nouveaux auxquels la


presse ne peut répondre

D’après le classement CybereStat de Médiamétrie, le site français le


plus visité en décembre 2006, a été le site de Skyrock avec près de
137 millions de visites au cours du mois, soit presque deux fois plus
que le deuxième site du classement. Au niveau mondial, les différents
sites de Skyrock se classent au 31ième rang des sites les plus visités,
ce qui est considérable, surtout pour des sites intégralement en
français. L’activité de création et d’édition de blogs constituent le
principal attrait de ces sites : il existe ainsi plus de 6,5 millions de
blogs, environ 15 000 nouveaux sont créés chaque jour et 1,2 millions
d’articles sont publiés chaque jour. Les sites skyrock.com sont ainsi la
première destination des internautes de 15 à 24 ans.

Le succès des sites de Skyrock reflète l’engouement des internautes


pour une des caractéristiques d’Internet : les possibilités d’échanges
et d’expression personnelle. Ce nouvel usage qu’apporte Internet
tranche par rapport aux médias traditionnels qui fonctionnent
principalement dans une logique verticale et descendante et ne
permettent que marginalement la réaction et la participation de leurs
consommateurs. Sur Internet, le consommateur de média peut donc
quitter une attitude passive et devenir directement un acteur du
média et un producteur de contenu.

39
De fait, les sites Internet qui proposent à leurs internautes de
s’exprimer et de participer à des discussions attirent une audience
beaucoup plus large que les sites de presse qui, sur les mêmes sujets,
proposent simplement la consultation de contenus. Deux sites de pure
players de l’Internet figurent ainsi dans les 15 premiers sites français
en nombre de visiteurs uniques en novembre 2006, à savoir
Auféminin.com et Doctissimo Network, qui traitent respectivement de
sujets proches de ceux de la presse féminine ou des magazines santé,
mais qui proposent, de surcroît, de nombreux forums et possibilités
de discussions sur ces sujets.

Cette logique participative constitue l’essence même d’Internet mais


elle a été encore démultipliée avec l’arrivée du Web 2.0 et de plusieurs
outils qui facilite la prise en main du média par l’Internet et son
expression personnelle. Le phénomène des blogs a déjà été
mentionné mais on peut y rajouter le développement des wikis – site
Web dont tout individu peut modifier les pages à volonté, à l’instar de
l’encyclopédie en ligne Wikipédia, l’explosion des sites «
communautaires » et de partage comme MySpace, Wat, Dailymotion
ou YouTube. Ces sites constituent autant de zones où un internaute
est le producteur des contenus consultés par les autres internautes et
non plus un journaliste.

De plus, l’impact d’Internet va au-delà et enlève à la presse et aux


rédactions un des éléments fondamentaux de leur rôle : la capacité à
organiser et à hiérarchiser l’information transmise aux lecteurs. Déjà,
avec les moteurs de recherche, il était possible, pratiquement dès
l’origine du Net, de contourner l’architecture voulue par les
concepteurs des sites et aller directement sur la page Web souhaitée.
Le Web 2.0 va encore plus loin, puisque l’internaute, loin d’être obligé
de suivre l’ordre et les choix éditoriaux d’une rédaction, peut choisir

40
les informations qu’il veut consulter en fonction de ses propres
préférences – par exemple, en personnalisant une page d’accueil avec
Netvibes – ou bien en fonction des préférences exprimées par d’autres
internautes, par exemple à travers des sites comme Digg ou Wikio,
voire en fonction de l’analyse par un algorithme des informations les
plus importantes avec Google Actualités.

Pour résumer, lorsqu’un lecteur achète un journal ou un magazine, il


achète un produit fini, à la production duquel il n’a pas participé, ni
dans le choix de sujets, ni dans le contenu des articles et à propos
duquel il ne peut manifester son opinion qu’en écrivant au journal,
avec une chance aléatoire d’être publié ou bien en ne renouvelant pas
son achat. A l’inverse, sur Internet, un internaute peut participer à la
production de contenus, soit en apportant des informations ou des
avis, soit en créant lui-même son propre contenu (blogs, sites
Internet, Wiki…), il peut aussi choisir les sujets sur lesquels il veut
être informé en priorité, il peut réagir directement aux contenus qu’il
lit, en écrivant ses commentaires et connaître l’avis des autres
internautes. On mesure donc à quel point Internet vient
concurrencer la presse écrite en termes d’attention et de
temps disponible du consommateur mais aussi de services et
d’usages qui peuvent lui être rendus. De surcroît, Internet offre
des possibilités d’interaction inégalées et confère aux internautes une
liberté de choix chaque jour plus large.

III.4-Le numérique fragilise le modèle économique sur


lequel la presse s’est bâtie

41
En simplifiant, le modèle économique de la presse écrite repose sur la
rentabilisation d’un ensemble de coûts à peu près fixes – entretien
d’une rédaction, outil industriel de production, réseau de distribution
– grâce à deux sources de revenus : la vente du journal ou du
magazine et la publicité qui figure dans celui-ci. Il existe certes des
exceptions à ce modèle : des journaux entièrement gratuits, sur
lesquels nous reviendrons, ou encore des journaux entièrement
exempts de publicité comme Le Canard Enchaîné ou encore Charlie
Hebdo. En dehors de ces cas, qui sont loin de constituer la majorité
des titres, le reste de la presse tire ses recettes à la fois de la vente
(57 % du chiffre d’affaires en 2004) et de la publicité (43 %). Or,
l’impact de l’arrivée d’Internet et des médias numériques a des
conséquences négatives sur chacune des deux catégories de recettes,
alors que les coûts fixes sont complexes à réduire, ce qui conduit à
s’interroger sur les perspectives économiques du secteur.

III.5-La presse en passe de devenir le seul média


d’information payant

Les débats sur le prix de la presse sont marqués par des positions
divergentes. Pour certains, « la France se situe dans la moyenne
européenne et (…) certains pays à forte diffusion vendent leurs
quotidiens au moins aussi chers que dans notre pays ».

D’autres soutiennent, au contraire, que « la France fait partie des pays


industrialisés où le prix des quotidiens est le plus élevé ». S’il est
difficile de trancher ce débat, qui mériterait probablement une analyse
plus fine par catégorie de presse, une tendance apparaît cependant
incontestable : les prix de la presse ont progressé beaucoup plus vite

42
que celui des autres produits. Pour reprendre les chiffres fournis par
le rapport du Conseil économique et social, alors que les prix à la
consommation ont été multipliés par 5,7 entre 1972 et 2002, ceux
des magazines ont été multipliés par 7,4 et ceux des journaux par 11
! Ainsi, les journaux et les magazines sont devenus, depuis les années
1970 et en termes relatifs, plus chers que les autres produits de
grande consommation. Or, dans le même temps, les médias
disponibles gratuitement se sont fortement développés :
augmentation du nombre de chaînes de télévision hertziennes,
développement des radios libres à partir de 1980 – et cette tendance
s’est encore accrue avec l’arrivée d’Internet et du numérique dont une
très grande partie des contenus sont gratuits.

Certes, la gratuité de l’Internet n’est parfois qu’apparente dans la


mesure où il est nécessaire d’avoir un abonnement pour pouvoir s’y
connecter. Cependant, le coût de cet abonnement est resté
relativement raisonnable voire décroissant tout en offrant une palette
de services et de contenus de plus en plus large, comme le montre
l’exemple des offres triple play (Internet, téléphone et télévision sur
les réseaux IPTV).

De plus, contrairement à la presse, pour laquelle il est nécessaire de


payer à chaque fois que l’on veut actualiser l’information fournie, le
coût marginal de l’information supplémentaire sur Internet est nul :
quel que soit le nombre de consultations d’un site d’informations au
cours du mois, le prix final reste le même. Le Web créée donc une
apparence et une habitude de gratuité pour les consommateurs, si
bien qu’il devient de plus en plus difficile de justifier le fait d’avoir à
payer pour les contenus et les services auxquels la presse donnait
traditionnellement accès, surtout si ceux-ci sont disponibles
gratuitement par ailleurs. Cette évolution ne peut donc que générer

43
une sensibilité au facteur-prix beaucoup plus forte et donc pénaliser
la presse, en tout cas lorsqu’elle reste payante. Il est vrai que tout
n’est pas gratuit sur Internet. Sur certains segments du marché, des
éditeurs ont pu développer une offre payante, tout particulièrement
la presse spécialisée technique et professionnelle et plus
généralement les titres qui s’adressent à certains acteurs
économiques à la recherche d’une information précise et à valeur
ajoutée pour leur activité professionnelle. De plus, il apparaît que,
pour certains types d’informations ou de contenus, les
consommateurs sont, dans certains cas, prêts à payer : information
originale et enrichie, services à forte valeur ajoutée (base de données,
archives…).

Néanmoins, même si les modèles économiques dans le numérique


sont loin d’être finalisés, le modèle de la gratuité financée grâce à la
publicité est aujourd’hui largement dominant, tout particulièrement
en ce qui concerne l’information politique et générale et le
divertissement où l’offre gratuite est abondante et diversifiée. En
termes de diffusion, le numérique a donc plusieurs impacts.

Le premier porte sur l’arbitrage des consommateurs en termes de


temps : l’arrivée d’un nouveau média réduit l’attention et le temps
consacrés aux autres. Le second effet concerne l’arbitrage des
consommateurs en termes de dépenses : là encore, les
consommateurs auront tendance à privilégier les médias qui leur en
donnent le plus pour leur argent, ce qui, dans le contexte du
numérique, ne peut que jouer en défaveur de la presse.

44
IV-Industrialisation du contenu du journal
imprimé et transposition de l’image
institutionnelle

Dans le cadre de la transposition d’un support à un autre, deux cas


de figure se présentent : la transposition intégrale dont le but est de
mettre la totalité du titre et la transposition partielle impliquant une
sélection des informations tout en restant fidèle aux journaux papier
et sans vouloir désorienter les publics. Une comparaison entre les
deux versions (papier/électronique) a montré que la stratégie oscille
entre la transposition totale et la transposition partielle. Une étude de
l’affichage des noms des journaux sur le site web a montré d’une part
que les éléments graphiques de la page écran renforcent les éléments
connus de l’imprimé, mais que d’autre part, la présence est réitérée
sur les autres pages, contrairement à l’édition papier. Il s’agit dans
un premier temps de garantir la présence de la marque du journal, au
même niveau que n’importe quelle entreprise qui affiche sur son site
les signes institutionnels de reconnaissance. Et bien que le
rattachement au journal papier soit marqué, la difficulté de
positionner l’édition électronique par rapport à l’édition imprimée
conduit à présenter un produit informationnel semblable à la version
d’origine. Étant donné le fait que les stratégies ne sont pas encore
bien définies et que les équipes sont en voie de constitution, la
question du positionnement identitaire reste à préciser et à
déterminer dans le cas de journaux francophones sur l’Internet.

Ainsi il existe un certain attachement au journal papier, mais dans


tous les cas ce n’est ni l’autonomie, encore moins l’indépendance du
journal en ligne qui prime. A partir de l’analyse des formes et de
l’identité du journal quotidien sur le web, Annelise Touboul souligne à

45
cet égard que : « sur la page d’accueil des sites de presse, l’identité
de l’émetteur, loin d’être disparate, s’affiche à contrario avec force.
Soit le journal papier est présenté comme le seul énonciateur et le
site de presse apparaît comme un produit dérivé de l’imprimé, soit le
site du journal est relégué au rang du simple rubrique qui, plus qu’une
autre, cependant, apporte par sa seule présence une certaine
crédibilité à l’ensemble du portail » (Touboul, 2002). Ce que cette
chercheuse en SIC a remarqué à propos de certains sites de la presse
sur le web dans plusieurs pays du monde, nous l’avons vérifié sur les
sites de la presse francophone. Nous avons remarqué que la volonté
de faire apparaître un lien entre le journal en ligne et l’entreprise de
presse est claire ce qui signifie une stratégie de protection de la
marque et de l’identité du titre. Le référent explicite que constitue
l’édition papier fait que le nom du journal conserve le même rôle et la
même mise en page sur les deux supports.

Pour mieux expliquer, nous pensons que le nom du journal est un


énoncé qui remplit plusieurs fonctions sur le site : il est à la fois le
nom, la signature et aussi l’institution lui-même (Mouillaud et Tétu,
1989).

IV .1-La professionnalisation des journalistes de la presse


en ligne

S’intéresser aux évolutions actuelles des pratiques journalistiques, au


sein d’une industrie culturelle telle que la presse en ligne, suppose
donc de s’interroger à la fois sur le savoir-faire des journalistes et
leurs pratiques professionnelles. Cette tâche n’est pas simple car elle
doit prendre en compte l’hétérogénéité d’une activité qui, selon les

46
intérêts que rencontre sa coopération, s’adapte aux différents
contextes historiques. Comme l’ont montré Rémy Rieffel et Denis
Ruellan, le caractère inachevé de la structuration de cette profession
la prédispose à des échanges permanents avec d’autres univers
professionnels (Ruellan, Lacan, Palmer, 1994, p. 154). Si cette
spécificité peut être sa force, elle peut également être sa faiblesse. En
effet, le fait qu’il soit dans la nature même du journalisme de s’ouvrir
à des pratiques et à des conceptions professionnelles différentes rend
celuici sujet à diverses influences. Sa perméabilité en fait une activité
qui, certes, s’habitue sans cesse aux changements, mais qui reste
simultanément très malléable.

Nous considérons ici que le développement de la logique marchande


de la presse et l’implication croissante des services gestionnaires dans
la réalisation du journal sont susceptibles de modifier la pratique de
ce métier. Cette évolution serait d’autant plus sensible et comme le
remarque, Jean-Marie Charon, « si le marketing possède une bonne
connaissance de l’entreprise de presse et de l’activité de rédaction,
l’inverse n’est pas vrai. Les journalistes ignorent trop souvent tout de
cette spécialité et de ses méthodes de travail. Les relations entre ces
deux univers de compétences s’en retrouvent déséquilibrées »
(Charon, 1991, p. 353). Afin de répondre à la question concernant la
presse en ligne comme nouveau média ou non, nous allons nous
efforcer de saisir les changements identitaires que constitue la
juxtaposition du support papier et du support électronique en presse
écrite. Ce passage suscite de nombreuses questions : Quels sont les
enjeux organisationnels ? Quels sont les changements sur la manière
de pratiquer le métier de journaliste ? Cette mise en ligne entraîne-t-
elle une spécialisation ou une généralisation des compétences
journalistiques ?

47
Dans cette analyse plusieurs éléments ont conduit notre démarche
afin d’aboutir à une typologie des différents modes d’organisation des
équipes de professionnels travaillant sur le journal en ligne. Ces
éléments organisationnels ont trait à la composition de l’équipe c’est-
à-dire le nombre de journalistes et les profils professionnels. Avec
l’introduction des NTIC au sein des entreprises de presse une
modification de la chaîne de production apparaisse. Des métiers
disparaissent et d’autres apparaissent et avec lesquels les journalistes
doivent composer, collaborer : infographistes, maquettistes,
informaticiens, webmestres

IV.2-La question de l’écriture journalistique

L’Internet permettra t-il aux journalistes de produire une information


plus complète et plus fiable ? Deux problèmes apparaissent : celui de
l’écriture et celui de la fiabilité des sources. Concernant l’écriture,
quelques principes ont été détaillés par certaines écoles de
journalisme aux États Unis et en France. Le principe général de
l’écriture journalistique est celui de la pyramide inversée, guidée par
les cinq questions, dites les « 5W ». A ces principes, se substituent
les liens hypertextes, conduisant à divers niveaux de l’information, et
à différents angles dans un même article.

Si le journalisme assisté par ordinateur n’est pas nouveau, la


multiplication des sources potentielles et leur utilisation suscite deux
types de réactions de la part des professionnels. Les uns considèrent
que cette multiplication permettrait aux journalistes de retrouver des
fonctions de mise en présence et de confrontation des opinions qui
vont de pair avec le journalisme d’investigation. Mais d’autres

48
soulignent que toutes les sources sur l’Internet ne se valent pas, et
concourent à noyer le journaliste dans le flot de l’information. En
général, les journalistes soulignent l’importance de s’appuyer sur des
enquêtes de terrain, sur des sources fiables qui peuvent se compléter
par des recherches sur l’Internet. Certains soulignent aussi l’existence
de normes spécifiques pour l’écriture aux deux supports que nous
pouvons résumer dans le tableau suivant :

Ainsi l’Internet est évoqué parfois en tant que support concurrent.


Une explication réside probablement dans le jugement plutôt réservé
sur les diverses expériences de la presse en ligne. Ces journaux ne
soulèvent qu’un enthousiasme limité des rédacteurs, même s’ils
reconnaissent que certaines ont une démarche innovante et
intéressante, qui va au delà de la transposition du support papier. De
ce fait, les journalistes attachés à ce support traditionnel ne voient
pas dans les médias en ligne une réelle source de concurrence qui
obligerait à une profonde remise en cause. L’information électronique
est perçue comme un prolongement voire une extension considérable
du support papier. Donc en s’interrogeant sur la nature du métier du
journaliste face à l’Internet, nous pouvons dire que « l’Internet ne

49
bouleversera pas le métier du journaliste et la substance de son
activité professionnelle, cet outil accompagne le changement mais il
ne le produit pas » (Zouari, 2005).

Plusieurs journalistes entretiennent une relation dépassionnée, plutôt


neutre avec ce qu’ils considèrent comme un outil avant tout
fonctionnel, un outil de diversification complémentaire aux sources
traditionnelles d’information (enquêtes, interviews, documentation
papier…). Enfin, nous considérons que malgré l’euphorie largement
répandue par rapport au rôle des technologies de l'information et de
la communication dans le domaine du journalisme, l’Internet reste un
sujet de débat dans les médias (Badillo, 2006), et que l’incidence des
NTIC sur la diffusion de l’information et l’idée du déterminisme
technique est à remettre en question.

V- Presse en ligne et industries culturelles et


informationnelles

Le constat d’une transformation des modes de production et de


diffusion de l’information dans le cadre des sites Internet de presse
s’est construit à partir des travaux des chercheurs traitant de
l’industrialisation de la culture et de l’information. Nous souhaitons
comprendre en quoi le passage de la presse vers l’Internet constitue
une accélération et un accompagnement de certaines mutations déjà
engagées dans les pratiques de diffusion de l’information et comment,
dans le même temps, les acteurs, aux différents niveaux de
l’organisation médiatique, agissent et réagissent dans cette période
transitoire.

50
V.1-La diversification des modes de production de
l’information

La ré-exploitation des informations sous différentes formes et sur


différents marchés est le phénomène marquant et l’aspect
prépondérant, depuis quelques années, du développement de
l’information de presse en ligne en général. Le noyau de production
centrale reste celui de l’édition imprimée du journal, c’est elle qui
fournit la matière première. Les informations connaissent ensuite des
traitements pour être adaptées aux différents supports (aspects
techniques), aux différentes formules de diffusion (sélection et
traitement de l’information). Les entreprises de presse semblent avoir
renoncé assez tôt à la création de rédactions en ligne qui produiraient
de manière indépendante et adaptée les informations du site Internet.

« Ainsi le journal va être décomposé pour être ensuite vendu à


l’article (partiellement ou en totalité). Ce qui conduit donc à étudier
l’information sous un autre angle : non plus comme un produit fini,
c’est-à-dire le journal auquel on va s’abonner ou que l’on va acheter
à son kiosque, mais comme une matière première qui va pouvoir être
ensuite réexploitée selon plusieurs stratégies donnant lieu à différents
produits vendus sur différents marchés (l’information-journalistique,
l’information-documentation) » (Toullec, 2002, p. 39). Ce qui
caractérise le développement de l’information de presse en ligne c’est
que les efforts, qu’ils soient stratégiques ou financiers, portent
davantage sur la diffusion que sur la production de l’information : la
relation producteur/consommateur s’articule désormais sur les seuls
modes de diffusion définis principalement selon des logiques du
marketing. Bernard Miège écrit dans ce sens : « L’accent mis sur la
diffusion ne doit pas faire oublier que, ce qui est mis en jeu c’est la

51
relation producteurs/consommateurs, non la simple circulation des
produits si même leur valorisation, mais la formation de liens les plus
étroits possibles avec les consommateurs, de façon à garantir une
certaine permanence de la consommation de produits, à chaque fois
différents mêmes s’ils sont élaborés à partir de schèmes récurrents »
(Miège, 2000, p. 87-88).

La presse en ligne semble parfaitement adaptée à cette mutation que


l’auteur relève et qu’il nomme « le caractère stratégique de la diffusion
des produits ». Sur l’Internet, le diffuseur/distributeur est moins
apparent que pour la presse papier et le site ne fait apparaître que
l’éditeur et éventuellement le groupe auquel il appartient.

V.2-La stratégie financière et le modèle économique

En l’absence de données précises, il nous est difficile de considérer


que la presse en ligne a atteint un nombre considérable d’utilisateurs
suffisant pour constituer réellement une masse critique à la
stabilisation de son modèle économique. Cependant certaines
tendances semblent se dessiner. La presse en ligne paraît s’orienter
vers le financement par la publicité, la rémunération de services
spécifiques (diffusion de demandes d’emploi, édition de pages web ou
de bannières publicitaires, etc.) et la vente de certains contenus
(annonces, archives classées, etc.). Les acteurs ajoutent à ces modes
de financement les recettes de la presse papier qui contribuent
directement aux coûts de la construction de sites surtout au début de
l’expérience de la diffusion électronique.

Beaucoup d’incertitudes se font de jour en jour en cette période où la


presse vit une situation difficile, beaucoup de tâtonnements mais

52
aussi beaucoup d’attentes. La presse en ligne est envisagée comme
une réponse possible à de nombreux problèmes et handicaps de la
presse imprimée (en jouant notamment sur la temporalité, la
diversification des informations proposées, l’interactivité et la
communication multimédia…). Sur le plan stratégique, certaines
orientations semblent vouloir se dessiner : l’implantation des journaux
sur le web se fait dans le cadre d’une stratégie de diversification
multimédia dont on a pu constater qu’il s’agit d’une tendance majeure
ces dernières années. Autre point important, après quelques années
d’hésitation, les éditions en ligne semblent préférer le réseau Internet.
Ce développement a pour conséquence de permettre un accès gratuit
à la majeure partie des contenus, ce qui relance la question de la
rentabilité économique des journaux sur le web

VI- la diffusion de la presse en ligne : la question


de l’espace et du temps

Les notions de temps et d’espace dépassent beaucoup celles que nous


mobilisons ici et renvoient à des questionnements plus larges. Nous
souhaitons esquisser les éléments de différenciation ou de similarité
entre le support imprimé et le support électronique qui affectent d’une
part le statut d’un média et déterminent le degré de visibilité et sa
place par rapport aux médias existants. A côté de cela, ces deux
éléments (les dimensions spatiales et temporelles du support et les
modes de production et de diffusion de l’information de presse
francophone) affectent les processus d’appropriation par le public et
dessinent aussi les conditions de résistance de tout « nouveau média
» face aux médias traditionnels.

53
VI.1-Les dimensions spatiales de la presse en ligne

Les professionnels des sites de presse considèrent le support en ligne


comme sans contraintes temporelles et spatiales. Sur l’Internet, toute
action est possible : de l’information en temps réel et en continu, à la
publication de textes très longs dans leur intégralité. Pourtant si tout
est possible, il faut alors se demander pour quelles raisons les sites
Internet sont si semblables ? Pourquoi l’innovation s’y fait rare et
quels sont les freins à toutes ces possibilités ? La question des limites
et des frontières est inhérente à toutes les productions discursives
traitant d’Internet. Dans le cadre de la presse, le papier est alors vu
comme un élément physique restrictif, fortement contraignant.

Mais les techniques numériques ont tendance à être définies comme


libératrices alors qu’elles n’en sont pas moins contraignantes. La
dématérialisation de l’information, qui ne signifie pas l’absence de
support physique, a tendance à faire disparaître toutes les contraintes
inhérentes à la production et à la diffusion d’informations. Les logiciels
et les matériels qui servent à produire ou à concevoir de l’information
sont aussi des cadres qui formatent l’information elle-même à travers
le cadrage des pratiques de production et de réception. On ne peut
pas considérer qu’un logiciel de navigation n’a aucune influence sur la
manière de parcourir des pages web

VI.2-Les temporalités des sites de presse en ligne

Dans la presse imprimée, les relations que le journal entretient avec


les questions de temporalité sont d’abord identifiables à travers la

54
périodicité ou encore les rythmes de parution. D’une certaine façon,
les rendez-vous programmés de la télévision fonctionnent aussi sur le
mode d’un temps qui revient régulièrement. L’avènement récent de
ce que certains discours sur la société de l’information et du
cyberculture dont parmi eux Alain Bron et Pierre Lévy appellent «
l’information en temps réel » introduit une nouveauté en termes de
rythmes de diffusion avec la notion de flux. En dehors de cette
temporalité de parution ou d’apparition en quelque sorte, la question
du temps qui sépare la présentation de l’information du moment où
cela se passe distingue radicalement la presse imprimée des médias
radio ou télédiffusés dont le dispositif technique autorise le direct. On
considère que la presse met l’évènement à distance du fait de sa
parution nécessairement différée, du fait aussi des spécificités de sa
mise en forme à partir de textes et d’images fixes assemblés de façon
mosaïque, du fait enfin des processus cognitifs à mettre en œuvre
pour accéder aux contenus, la lecture nécessite des compétences et
un travail intellectuel peu propice à un rapport fusionnel avec
l’information. Entre les rythmes réguliers de la périodicité et le flux
programmé, entre la mise en relief de l’événement à la une et le
contact fusionnel que semble offrir, la presse en ligne se situe comme
un nouveau support qui permet une extension des formes de diffusion
traditionnelles.

VII- Publics et usages de la presse en ligne

L’une des questions que l’on peut poser au sujet d’un média est celle
qui concerne son public et ses formes d’usages. Pour savoir si la
presse sur l’Internet peut être considérée comme un média à part

55
entière ou non, il faut se poser la question du public et des usages :
qui sont les lecteurs réels ou potentiels des journaux électroniques ?
Quelles sont la taille et la structure de ce lectorat ? A quels besoins
précis cette presse électronique peut-elle répondre par rapport à la
presse écrite ?

VII.1- Les lecteurs usagers selon les acteurs de la presse


en ligne

A travers notre étude, il nous paraît que c’est à partir des lieux de
connexions, mais également à partir de leur expérience en matière de
la presse papier, que les éditeurs construisent des catégories de
lecteurs usagers. Ces catégories pensées par les professionnels, loin
d’être originales, ne proposent pas un découpage de la population,
mais plutôt des types d’internautes : les personnes apparentant à la
région de diffusion et les autres, les personnes actives qui se
connectent depuis leurs lieux de travail, les étudiants qui se
connectent à partir de leurs universités. Une catégorie est également
présente dans les discours, mais absente dans les statistiques, il s’agit
des personnes se connectant à partir de leur domicile, les usages dits
domestiques d’Internet.

En effet, une confusion certaine règne entre l’analyse du lectorat et


la présentation des cibles de l’édition en ligne qui justifie les contenus
d’un point de vue stratégique. Cette confusion entre des catégories
de personnes qui se connectent et des cibles visées dans les
développements stratégiques du journal en ligne, montre l’ambiguïté
du recours aux outils de mesure d’audience. Il ne s’agit pas
simplement d’avoir recours à des chiffres pour justifier tel ou tel

56
positionnement stratégique, mais il s’agit d’une manière plus
complexe de construire une figure du lecteur sur l’Internet avec
quelques chiffres dont les rédactions disposent, surtout avec des
catégories de personnes identifiées par leurs lieux de connexion. Les
lieux de connexion permettent alors d’identifier l’internaute et sa
proximité par rapport au journal et à la zone de diffusion, mais ils
permettent en même temps de l’identifier par rapport à des activités
sociales comme le travail ou les études.

VII.2-Approche générale des pratiques de lecture et de


réception de la presse en ligne

Les recherches scientifiques qui analysent les processus de


développement et d’insertion sociale d’innovations techniques et des
nouveaux médias insistent sur le temps nécessaire au passage de
l’ancien vers le nouveau, sur les phases où se côtoient pratiques
héritées et pratiques nouvelles. Ainsi, le développement de l’usage
d’une technique apparaît comme un phénomène cumulatif, en ce sens
que l’usage d’une technique s’appuie sur les usages d’une technique
antérieure. Pierre Moeglin écrit dans ce sens que pour qu’une nouvelle
technologie d’information et de communication devienne un produit
marchand correspondant à des usages sociaux et une demande
solvable « il faut que l’impulsion donnée aux ingénieurs à l’origine de
l’innovation soit relayée par des circonstances favorables. Il faut par
exemple, qu’apparaissent des filiations d’usages hérités d’un médium
précédant qui faciliteront l’adoption de celui-ci et lui permettront,
progressivement, de se définir à lui-même sa propre « niche », ses
usages spécifiques et son marché » (Moeglin, 1990, p. 47).

57
Nous constatons que le recours à l’Internet ne mènerait pas
systématiquement à une moindre consommation des sources
traditionnelles d’information, telles que la presse écrite ou la
télévision. L’Internet émerge, selon nous, comme un complément et
non un substitut des sources traditionnelles d’information. Ainsi l’acte
de lecture du journal sur l’Internet est considéré comme un acte
associé à la lecture du journal imprimé et non une substitution. Les
termes utilisés lors des réponses aux questions que nous avons
adressées lors de l’enquête pour décrire les similitudes ou les
différences entre les deux éditions sont rarement identiques. Ils
permettent de situer la réception du journal électronique entre deux
notions : identité et altérité, que nous reprenons dans le tableau
suivant :

D’une manière générale, nous constatons que les journaux en ligne


ne sont pas lus dans leur ensemble : la lecture se fait en deux temps,
avec un parcours rapide, puis la recherche d’articles précis. Les
réponses récoltées confirment la prédominance de cette pratique : le
site est le plus souvent survolé, puis la lecture est approfondie sur un
thème. Le site est rapidement parcouru puis des textes sont
sélectionnés en fonction de critères personnels : centres d’intérêt,
besoins professionnels. Si la connexion aux sites des journaux et la
lecture ne se font pas par hasard, les lecteurs internautes semblent
se préserver une marge de liberté face au journal : ils ne sont que

58
rarement abonnés. Beaucoup achètent de manière régulière la version
papier ce qui explique l’attachement à l’imprimé et le prolongement
du journal papier par son associé le journal sur l’Internet.

VII. 3-L’individualisation des pratiques de consommation


des sites de presse

Aux quatre modèles existants qui constituent un prolongement de la


thèse de Jürgen Habermas sur l’espace public et qui s’organisent sous
l’impulsion successivement de la « presse d’opinion », de « la presse
commerciale de masse », des « médias audiovisuels de masse » et
des « relations publiques généralisées », Bernard Miège, l’auteur de
ces modèles, avance l’hypothèse d’un cinquième modèle. Ce « futur
» modèle communicationnel est « profondément marqué par les
techniques de l’information et de la communication et dont les
caractéristiques seraient : l’individualisation des pratiques
informationnelles et communicationnelles, l’extension de la«
médiatisation », leur inscription dans de nouveaux territoires, et leur
sélectivité sociale » (Miège, 2003, p. 76).

Pour mieux comprendre le positionnement des techniques de


l’information et de la communication dans les sociétés, ce chercheur
invite à l’étude de ce cinquième modèle communicationnel qui, selon
lui, « s’ajoute et ne substitue pas aux modèles qui ont émergé
antérieurement à savoir la presse d’opinion, la presse commerciale de
masse et des médias de masse » (Miège, 2003, p. 77). Selon nous,
cette actualisation des modèles de communication est très pertinente
et trouve son ampleur dans le cas de la consommation des sites de
journaux (Zouari 2005). En effet, nous avons pu remarquer que les

59
usagers utilisent le site pour leur besoin informationnel, ainsi la
lecture du journal se fait de façon individuelle à l’encontre de la presse
imprimée qui se lit la plupart du temps dans le cocon familial ou avec
des amis. S’agissant de la lecture du journal sur Internet, ce modèle
est largement dominant, même si un individu peut faire coexister les
deux modes en fonction de ses objectifs et de la nature des textes
lus. Le texte est offert à la « consommation individuelle » et fait l’objet
d’une déconstruction. Le lecteur rassemble, recueille et sélectionne
les informations qui les intéressent. L’acte de lecture reste valide,
mais cette lecture est plus fragmentée. Le mode extensif est le plus
courant. La lecture, en tant que décodage suivi et prolongé d’un seul
et unique texte, est réservée à un second temps, lorsque la sélection
a été faite de ce qui semblait devoir être identifié par le lecteur. Le
lecteur décide, par les textes qu’il récolte, de continuer vers les
profondeurs du texte ou de rester à sa surface. Cette liberté de
déplacement correspond au mouvement d’individualisation des
pratiques de communication.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse sur les nouveaux médias et avant de


conclure nous souhaitons rappeler au lecteur de cet article les
conditions que nous avons suivies : - une volonté d’inscrire notre
analyse dans la longue durée et l’attention prioritaire aux
changements « structuraux » affectant les pratiques sociales et
culturelles, l’espace public (Habermas 1989), les échanges

60
d’information et la question des usages dans le cas de la presse en
ligne ; - le souci de ne pas isoler la presse en ligne de l’ensemble du
système de « communication » auquel elle participe, dans le but de
réitérer des approches fonctionnalistes ; - ainsi nous avons mis
l’accent sur des questionnements généralement négligés dans les
recherches en sciences humaines et sociales comme l’inscription de la
presse en ligne dans des « espaces publics partiels » et les modalités
de construction de son public et de ses formes d’usages ; - nous avons
essayé ainsi de suivre une approche transversale. Cette démarche est
pertinente à notre sens pour la compréhension du phénomène
concerné, celui de la presse francophone en ligne. Pour se faire, nous
avons traité ce sujet du point de vue de la production (les stratégies
des acteurs) et de la consommation (la réception par le public) ; -
étant conscient de l’interdisciplinarité des sciences de l’information et
de la communication, nous nous sommes appuyé sur des
méthodologies intersciences comme des méthodes issues de la
sémiologie, de la sociologie et de l’économie. Ces conditions nous ont
permis de constater qu’à l’heure actuelle, la presse francophone en
ligne apparaît avant tout comme un média associé à la presse papier.
A l’instar de la radio et de la télévision, qui se sont imposées comme
médias de masse, sans pour autant provoquer la disparition
inéluctable de la presse écrite, la presse numérique ne conduira pas
au déclin de la presse écrite et des médias audiovisuels.

La presse en ligne est pour l’instant loin d’être un média à part entière,
et ce pour la raison majeure que certaines caractéristiques
essentielles de tout média lui font encore défaut. Ce qui manque aux
journaux en ligne c’est un véritable modèle économique, un public
bien défini et clairement identifiable. L’autre caractéristique
importante qui fait encore défaut à la presse en ligne pour être un

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média à part entière, c’est l’existence d’un véritable marché,
notamment au niveau de la distribution de ces journaux auprès du
grand public. A l’heure actuelle, la presse en ligne ne répond pas à la
définition d’un média de masse. En revanche, elle donne lieu à
l’émergence d’une industrie culturelle et informationnelle sur
l’Internet qui se vérifie à travers un circuit de production, de diffusion
et de production de l’information en ligne. Pour finir, nous considérons
cette analyse sur les nouveaux médias comme une contribution à un
ensemble plus vaste des travaux sur le multimédia, l’analyse des sites
Internet (Dacheux, Goujon, Zouari, 2008) et l’industrialisation
numérique de la culture et de l’information. C’est d’ailleurs
probablement une des richesses majeures des sciences de
l’information et de la communication à savoir l’interdisciplinarité, la
pluralité des regards, des approches et des méthodes qu’elles
autorisent.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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