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LA POLYPHONIE ENONCIATIVE

La notion de polyphonie, associée aux noms de Mikhaël Bakhtine et d’Oswald Ducrot,


« désigne, de manière très générale, la présence dans un énoncé ou un discours de
« voix » distinctes de celle de l’auteur de l’énoncé » [3]. Elle est une remise en cause du
postulat de « l’unicité du sujet parlant » qui pose que le responsable de la production de
l’énoncé, c’est-à -dire, des activités physiologiques et psychologiques dont dépend cette
production, est aussi responsable des « positions » exprimées par l’énoncé. Pour
Bakhtine, « dans le parler courant de tout homme vivant en société, la moitié au moins
des paroles qu’il prononce sont celles d’autrui (reconnues comme telles), transmises à
tous les degrés possibles d’exactitude et d’impartialité (ou plutô t de partialité) »,
(Bakhtine, 1978 : 158). Vue sous cet angle, la polyphonie est la multiplicité des instances
de prise en charge énonciative qui émaillent le discours. Dans un texte comme celui de
Césaire, certaines marques morphologiques telles les guillemets, les parenthèses, les
tirets, etc. signalent la diffusion des voix qui traversent l’écriture, comme dans cet extrait
du Cahier...

« Et quels galops !quels hennissements ! quelles sincères urines !quelles fientes


mirobolantes ! « un beau cheval difficile au montoir ! » - « Une altière jument sensible à la
molette ! » - « Un intrépide poulain vaillamment jointé ! » (Cahier : 37)

Les guillemets « introduisent » comme une deuxième voix qui apporte une
information supplémentaire, une explication qui vient éclairer le sens de l’énoncé
premier avec des épithètes évaluatives - beau, altière, intrépide - associées aux
substantifs cheval, jument, poulain, qui explicitent ainsi le sens des mots galops,
hennissements et fientes. Ce discours émane-t-il de la même source locutoire qui
abandonne pour un temps son propos initial pour souligner une réflexion au sujet du
propos ? Quoi qu’il en soit, ces guillemets produisent un effet de dialogue entre le
locuteur et un double qui lui est associé et qui suit son propos. Il ya dans tous les cas un
changement sur le plan discursif qui est l’irruption d’un nouveau locuteur dans le
discours.

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