Tribune de Genève | Mardi 20 juillet 2021
Humour et produits du terroir
L’artiste valaisanne promet un spectacle plein d’humour et de musique dans un endroit inhabituel. GIANLUCA COLLA
Un pique-nique
musical insolite
Sandrine Viglino interagit avec les spectateurs dans un
domaine viticole de Dardagny et au château de Laconnex.
Philippe Muri
Un spectacle où l’organisateur
précise «N’oubliez pas le tire-bou-
chon!», on est preneur. Ce show
à la bonne franquette existe:
lancé l’été dernier par Sandrine
Viglino, le «Picnic Tour» revient
cette année mêler l’ambiance feu
de camp avec le bonheur d’un
rendez-vous aussi festif que cultu-
rel. À son public, l’artiste valai-
sanne promet une soirée pleine
d’humour et de musique, dans un
lieu insolite, en petit comité – pas
plus d’une quarantaine de per-
sonnes. Le tout couplé avec un pi-
que-nique composé de produits
du terroir. Après avoir tourné
dans les cantons du Valais, de
Vaud et de Neuchâtel, le «Picnic
Tour» prend ses quartiers à Ge-
nève les 21 et 22 juillet, au Do-
maine des Hutins, à Dardagny,
puis au château de Laconnex.
Nouveau spectacle
«Le concept reste le même que
l’an dernier, mais le spectacle est
nouveau à 100%, explique San-
drine Viglino. C’est une sorte de
revue estivale, mais à ma façon.
J’évoque notamment l’astronaute
français Thomas Pesquet, l’Euro-
foot ou la pub tournée par Roger
Federer avec Robert De Niro. Je
parle aussi du Covid en Suisse,
un peu à l’image de notre pays,
relativement neutre. Sans oublier
un medley des chansons de Pa-
trick Juvet, revisitées façon 2021.»
Sa guitare et sa bonne humeur
en bandoulière, l’intéressée
n’hésite pas à improviser selon
les circonstances. «Je me re-
trouve sans filet, sans possibilité
d’utiliser des artifices tels qu’un
jingle ou une extinction des lu-
mières entre deux sketchs. Avec
les spectateurs, on se trouve vrai-
ment les yeux dans les yeux. Ils
savent que cela va être un mo-
ment un peu magique et me font
confiance. Je leur parle, les en-
courage à se lâcher. Ils peuvent
prendre des photos. La dyna-
mique se révèle très différente de
celle d’une salle de concert, il y
a un côté plus interactif, d’autres
codes. Cela dit, je suis tout de
même un fil rouge qui me per-
met de repartir sur un sketch ou
une chanson après avoir dia-
logué avec les gens.»
À l’évidence, le public appré-
cie ce côté pro mais décontracté:
90% des dates agendées ont été
réservées. «J’ai beaucoup de
Un petit frère qui séduit
U Maudit Covid! Quand, en
2020, le coronavirus est venu
bouleverser ses plans, Sandrine
Viglino a vacillé. L’humoriste
et musicienne révélée sur le
plateau de l’émission radiopho-
nique «La soupe est pleine»
venait de lancer un nouveau
solo, «Road Trip», et s’apprêtait
à enchaîner les dates dans toute
la Suisse romande. Au cours
de ce show destiné à être joué
en salle, elle évoquait les rêves
et les envies de M. et Mme Tout-
le-Monde avant un départ en
voyage. Les petites galères aussi.
«La dynamique
se révèle très
différente de celle
d’une salle de
concert, il y a un
côté plus interactif,
d’autres codes.»
Sandrine Viglino
Artiste
trentenaires qui viennent entre
potes. Il y a aussi des couples
d’amoureux, des gens invités par
leurs amis, qui ne me connaissent
pas forcément. Ce qui m’a fait
plaisir cette année, c’est que
beaucoup de spectateurs pré-
sents l’an dernier sont revenus.»
La Valaisanne a dû revoir sa
copie. En deux temps trois
mouvements, elle a réécrit un
nouveau spectacle, en y incluant
quelques-uns des thèmes
initiaux, tout en évoquant la
période éminemment spéciale
du confinement. Présenté
initialement comme le petit frère
de «Road Trip», «Picnic Tour»
a séduit le public. À tel point
que l’intéressée envisage très
sérieusement de renouveler
le rendez-vous chaque été,
avec un contenu à chaque fois
différent. PMU
Culture & Société 15
NICOLAS BRODARD
Le bonus de ces séances
conviviales? Un panier pi-
que-nique savoureux compris
dans le prix du billet, valorisant
les produits du terroir de tous les
cantons romands. «On y trouve
notamment des abricots sous
forme de compote ou de jus, du
vacherin et du gruyère, de la
viande, des bonbons et des
chips. De l’eau minérale égale-
ment. Le vin change selon les ré-
gions visitées. J’essaie toujours
de prendre un cépage local. À
Genève, ce sera le pinot noir du
Domaine des Hutins.»
Météo et plan B
Créé pour pallier les aléas de la
situation sanitaire imposée par
le coronavirus, le «Picnic Tour»
se déroule exclusivement en
plein air. Sauf quand la météo
chaotique impose un plan B.
«Les deux obstacles, ce sont la
pluie et le froid. Récemment, je
devais me produire sous les
arbres centenaires du Royal Sa-
voy, à Lausanne. Finalement, on
s’est rabattu dans un des salons
de cet hôtel. Un pique-nique cinq
étoiles. Et les plus belles toilettes
de toute la tournée, à mon avis!»
Sandrine Viglino, «Picnic Tour»
Mercredi 21 juillet au Domaine des
Hutins, à Dardagny, 19 h-21 h,
jeudi 22 juillet au château de
Laconnex, 19 h-21 h.
En cas de météo défavorable,
le spectacle aura lieu à couvert.
Infos et réservations:
www.sandrineviglino.ch
Prix: 75 fr. par personne, incluant
le pique-nique. Places limitées
Véronique Gens en action durant ses master classes.
L’art retrouvé de la
mélodie française
Verbier Festival
La soprano Véronique
Gens anime avec passion
des master classes qui
font surgir les beaux traits
d’un genre mésestimé.
Dans les coulisses du cinéma de
Verbier, on les repère au premier
coup d’œil. Certains chauffent
discrètement leur voix, d’autres
attendent patiemment leur tour,
des feuilles volantes de partitions
entre les mains et une bonne dose
de trac nichée dans le plexus.
Quelques minutes plus tard, ces
jeunes cantatrices et chanteurs,
en montant sur la scène, vont se
frotter à un art redoutable, celui
de la mélodie française. Ils mesu-
reront l’étendue des défis qu’il
pose aux côtés d’une des grandes
interprètes du genre, la soprano
Véronique Gens. L’artiste fran-
çaise n’est bien sûr pas là pour
piéger ces interprètes en herbe. Si
elle a fait le déplacement dans la
station valaisanne à l’invitation de
la direction du Verbier Festival,
c’est précisément pour les accom-
pagner l’un après l’autre, une de-
mi-heure durant, dans un très
court parcours pédagogique.
Ces master classes au format
lyophilisé ne prétendent pas se-
couer en profondeur la technique
de chant des uns et des autres.
Pour cela, il faudrait des mois de
travail. Véronique Gens se
contente donc du peu qu’elle peut
faire sans nier pour autant une
frustration certaine «face à telle
participante, à tel chanteur, pour
lesquels on comprend vite qu’on
aurait pu aller beaucoup plus
loin». Il n’empêche, ces instants
de passation de savoir livrés avec
entrain et une touche de théâtra-
lité contagieuse, parviennent à gé-
nérer de petits miracles, à corri-
ger l’essentiel ou à remettre sur
les rails une voix quelque peu per-
due. Car, on s’en rend très vite
compte dans la salle, il y a de quoi
s’égarer face à ce répertoire truffé
de subtilités. Cela commence par
la langue, par ses sonorités na-
sales qu’un chanteur coréen ne
parvient pas à enchaîner. Par ses
Björk sur
instruments
baroques
Concert Guitariste naviguant du
jazz à la musique expérimentale,
David Chevallier se passionne
également pour la musique ba-
roque. Des cordes, des vents,
des percussions ainsi que la
voix, voilà ce que le musicien
français a réuni pour donner
une relecture originale du réper-
toire de Björk. Viole de gambe et
saqueboute sauront-elles rendre
les arrangements extraordi-
naires dont la chanteuse islan-
daise est coutumière? Pour ce
qu’on en a entendu, les interpré-
tations de Maurice Chevallier et
son orchestre Le SonArt se
glissent comme de juste dans cet
univers qui n’a par essence rien
d’ordinaire. FGO
défilés de voyelles et de consonnes
dans une mélodie de Ravel qu’une
Norvégienne peine à rendre intel-
ligible. Par ces «r» qui ne roulent
pas assez dans la bouche d’une
anglophone.
La foulée d’un héron
Face ces premiers écueils, qui
sautent aussitôt aux oreilles, Vé-
ronique Gens réagit avec des sou-
rires complices et beaucoup de
bienveillance. Elle écoute la pièce,
nichée parmi le public, elle radio-
graphie l’interprète et sa courte
performance, puis, d’une foulée
de héron, elle traverse la salle et
se poste aux côtés du piano pour
reprendre tranche par tranche la
mélodie. Tout un savoir-faire se
dévoile alors. La place du corps,
le mouvement d’une mâchoire, le
placement de la voix et de la res-
piration: tout y passe avec légè-
reté, pas mal d’humour et beau-
coup de sérieux. Un leitmotiv re-
vient pour chaque participant:
l’attention qu’il faut apporter aux
mots. «Tout est dans le texte, in-
siste la soprano, si on s’attache au
sens et à l’articulation, alors le
chant viendra plus facilement.»
Il y a aussi la beauté de ces pé-
pites musicales, qu’il faut rendre
sans tergiverser, avec une énergie
constante, dès la première note.
«On ne chante pas une mélodie de
Debussy comme si on s’attaquait
à un air de «La Bohème». Ici, il n’y
a pas de temps à perdre, les
œuvres ne font que quelques mi-
nutes. Ce sont des fulgurances.
Alors, il faut tout donner tout de
suite.» Le cours terminé, Véro-
nique Gens s’attarde avec le pia-
niste, évoque encore un détail,
puis elle s’en va en chantonnant
un air particulièrement entêtant.
Avant de filer, elle nous avoue
trouver là, dans ce rôle éloigné
des scènes d’opéra, une source de
bonheur. «Je suis touchée de voir
combien ces jeunes s’emploient à
suivre mes indications. On ne
trouve pas cette attitude ail-
leurs.» Rocco Zacheo
Verbier Festival
Jusqu’au 1er août.
Rens. www.verbierfestival.com
L’orchestre du SonArt paré
pour jouer Björk à la mode
baroque. DR
«Emotional Landscape»
Björk par Le SonArt,
Conservatoire et Jardin
botaniques, mardi 20 juillet, 21 h.
Gratuit