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Électrochimie

Préliminaires à l’étude de l’électrolyse


par Bernard TRÉMILLON
Ingénieur ESPCI
Professeur honoraire des universités
Ancien directeur de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris
et Gérard DURAND
Docteur ès sciences
Professeur à l’École Centrale Paris
Directeur du Laboratoire de Chimie et Génie des Procédés de l’ECP

1. Types de réactions électrochimiques................................................. J 1 602 - 2


1.1 Réactions en milieu homogène.................................................................. — 2
1.2 Réactions avec changement de phase....................................................... — 3
2. Systèmes électrochimiques à l’équilibre.
Concept de potentiel d’électrode........................................................ — 4
2.1 Relation thermodynamique caractéristique
de l’équilibre électrochimique .................................................................... — 4
2.2 Potentiels d’électrode. Formule de Nernst ................................................ — 5
2.3 Propriétés des potentiels normaux (ou standard)
des systèmes électrochimiques ................................................................. — 8
3. Production des réactions électrochimiques .................................... — 9
3.1 Condition de production d’une réaction électrochimique ....................... — 9
3.2 Principe du dispositif d’électrolyse ............................................................ — 9
3.3 Loi de Faraday et cinétique réactionnelle.................................................. — 10
3.4 Transport de matière associé à la production
des réactions électrochimiques.................................................................. — 10
4. Les électrolytes ........................................................................................ — 11
4.1 Solutions ioniques aqueuses et non aqueuses......................................... — 11
4.2 Sels fondus................................................................................................... — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. J 1 610

n processus électrochimique est constitué par l’ensemble des phénomènes


U associés à la production d’un transfert de charge électrique à travers l’inter-
face formée par la mise en contact d’une « électrode » avec un « électrolyte »,
c’est-à-dire d’un conducteur électronique (métal, graphite...) avec un conduc-
teur ionique (conducteur par migration d’ions, au lieu d’électrons : solutions
ioniques aqueuses ou non aqueuses, sels fondus ionisés, certains solides ioni-
ques). On désigne en conséquence ce type d’interface par l’appellation d’inter-
face électrochimique.
Un tel transfert de charge, qui correspond au passage d’un courant électrique
à travers l’interface électrochimique, a pour principal effet de produire une
transformation chimique appelée réaction électrochimique (ou réaction d’élec-
trode). En effet, l’électrolyte étant un milieu dans lequel il n’existe pas d’élec-
trons « libres », le transfert d’électrons (e–, charges élémentaires négatives), de
l’électrode à l’électrolyte, nécessite qu’une substance située à proximité de
l’interface capte les électrons cédés par l’électrode et les fixe, ce qui correspond

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à la réduction de la substance accepteur d’électron (oxydant). Cette transforma-


tion peut être symbolisée par :
oxydant + n e– → forme réduite
Pour qu’un transfert d’électrons ait lieu en sens contraire, de l’électrolyte à
l’électrode, les électrons doivent à l’inverse être fournis, cédés à l’électrode, par
une substance agissant comme donneur d’électron (réducteur), située égale-
ment près de l’interface. Ce processus correspond à une oxydation, que l’on
peut symboliser par :
réducteur → forme oxydée + n e–
(ou : réducteur – n e– → forme oxydée)
Les substances (oxydants ou réducteurs) qui réagissent de cette manière sont
dites électroactives.

Nota : pour les « Notations et symboles » se reporter à l’article introductif [J 1 600].

1. Types de réactions Mais, plus souvent, l’oxydation ou la réduction se traduit par une
modification sur le plan chimique plus importante qu’une simple
électrochimiques variation de charge. Ainsi, dans les exemples de réaction suivants,
intervient un changement d’atomicité :
2H+ + 2e– = H2
1.1 Réactions en milieu homogène 2Hg2+ + 2e– = Hg 2
2+

Cl2 + 2e– = 2Cl–


Dans le cas le plus simple, l’addition (réduction) ou la soustraction
(oxydation) d’électron(s) se traduit par la seule modification de la –
I 3 + 2e– = 3I –
charge portée par la substance électroactive, sans modification de
sa composition atomique (système électrochimique de simple 2–
S 2 + 2e– = 2S2–
transfert de charge ). Ces oxydations ou réductions sont représen-
tées par le schéma réactionnel simple :
H2O2 + 2e– = 2OH–
( réduction ) (formulation générale de ces systèmes : a Ox + n e– = b Red).
Ox + n e– → Red Par ailleurs, une différence de composition chimique entre forme

oxydée et forme réduite entraîne la consommation ou l’apparition
( oxydation )
d’autres espèces : ion hydrogène, molécule d’eau (le solvant,
lorsqu’on opère en solution aqueuse), etc. ; par exemple :
où Ox/Red désigne le couple oxydant/réducteur (ou couple rédox),
c’est-à-dire le couple accepteur/donneur d’électrons, intervenant à –
MnO 4 + 5e– + 8H+ = Mn2+ + 4H2O
l’électrode. Les systèmes suivants, par exemple, correspondent à ce
cas : H3AsO4 + 2e– + 2H+ = H3AsO3 + H2O
Fe3+ + e– = Fe2+
2–
Cr 2 O 7 + 6e– + 14H+ = 2Cr3+ + 7H2O
Tl3+ + 2e– = Tl+
RR ’CO + 2e– + 2H+ = RR ’CHOH
Sn4+ + 2e– = Sn2+
O2 + 4e– + 4H+ = 2H2O
2+ +
UO 2 + e– = UO 2 [formulation générale de ces systèmes : a Ox + n e – + m H +
+ = b Red (+ q H2O)].
ferricinium Fe ( C 5 H 5 ) 2 + e– = ferrocène Fe (C5H5)2
De même, les réactions suivantes consomment ou produisent
3– 4– (selon le sens de réaction), en même temps que la forme Ox ou Red,
Fe ( CN ) 6 +e =–
Fe ( CN ) 6 des ions Cl– ou OH– :
– –
O2 + e – = O 2 Cu2+ + 2Cl– + e– = Cu Cl 2 (1)
(Ox est la forme qui possède la charge positive la plus élevée ou la 2– –
charge négative la plus faible). Sn O 3 + 2H2O + 2e– = HSn O 2 + 3OH–

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Ces espèces « auxiliaires » (H+, OH–, Cl–...) n’interviennent pas à Le dépôt d’un métal, ou inversement la « dissolution » électrochi-
l’électrode en tant que donneurs ou accepteurs de e–, c’est-à-dire en mique du métal formant l’électrode ou déposé sur celle-ci, constitue
tant qu’espèces électroactives (dans ces exemples), mais leur pré- un autre cas qui correspond, dans les conditions de milieu électroly-
sence est néanmoins nécessaire pour permettre la transformation tique les plus simples, à des réactions électrochimiques du type :
des espèces électroactives. Ainsi, des ions H+ (ou un donneur d’ion

H+) sont nécessaires pour réduire MnO 4 en Mn2+, ou pour réduire M z + + z e– → M ↓
une cétone en alcool ; les ions OH– sont nécessaires pour oxyder
– 2+ en CuCl – , etc. En Par exemple :
HSnO 2 en SnO 2– –
3 , les ions Cl pour réduire Cu 2
corollaire, un changement de réaction peut avoir lieu selon qu’une Ag+ + e– → Ag↓
telle espèce auxiliaire est présente ou non à la surface de l’électrode,
ce qui constitue un moyen d’action sur les réactions électrochimi- Cu2+ + 2e– → Cu↓
ques. Par exemple, la réduction de Cu2+, qui s’effectue selon la réac- Dans le sens de la réduction, l’ion M z+ est déchargé à la surface de
tion (1) en présence de Cl–, s’effectue en l’absence de cet anion l’électrode (par l’arrivée d’électrons à la surface de l’électrode) et se
selon la réaction Cu2+ + 2e– → Cu. dépose à l’état d’atome métallique sur cette surface, en formant pro-
gressivement un revêtement de métal M sur l’électrode-support. La
■ Rappelons que la notion de degré d’oxydation consiste à
surface d’électrode active change (puisque celle-ci reste en perma-
caractériser, dans l’oxydant ou le réducteur considéré, l’élément qui
nence l’interface conducteur électronique/électrolyte).
est supposé subir le transfert électronique par un nombre qui serait
la charge de l’atome de cet élément si on le séparait des autres élé- Lorsque l’électrode-support est un métal liquide (cas du mercure
ments qui lui sont associés. Les variations de degré d’oxydation cor- à température ordinaire), le métal M déposé peut s’y dissoudre (for-
respondent aux nombres d’électrons mis en jeu dans les mation d’un « amalgame », de cuivre, de plomb, de cadmium, par
transformations par oxydation ou par réduction. Le degré d’oxy- exemple). Une dissolution de M dans une électrode solide de M ’
dation zéro est attribué conventionnellement au corps simple. La correspond à la formation d’alliages M-M ’ (processus peu facile à
considération des degrés d’oxydation permet de formuler symbo- température ordinaire, mais beaucoup plus à haute température).
liquement les transferts électroniques des réactions électrochi- Dans le sens de l’oxydation, des atomes M de l’électrode métalli-
miques en les écrivant, par exemple : que se chargent à la surface (par départ d’électrons) et passent dans
l’électrolyte à l’état de cations (solvatés, dans le cas d’une solution).
Fe(III) + e– = Fe(II)
Dans des conditions de milieu électrolytique où la forme oxydée du
As(V) + 2e– = As(III) métal n’est pas un cation métallique simple mais une forme compo-
sée (complexe), les réactions font intervenir des espèces auxiliaires.
Cr(VI) + 3e– = Cr(III) Par exemple :

Mn(VII) + 5e– = Mn(II) Cu↓ + 2Cl– – e– → Cu Cl 2
2–
Sn(IV) + 2e– = Sn(II) Zn↓ + 4OH–– 2e– → Zn ( OH ) 4

O(0) + 2e– = O(–II) L’oxydation du métal M en présence de ces espèces auxiliaires


(Cl–, OH–) donne naissance, par réaction chimique consécutive du
cation M z+ formé dans une première étape avec la substance auxi-
On peut ainsi définir une réaction électrochimique comme liaire en solution, à une forme complexe solubilisée. Mais l’oxyda-
une élévation, dans le cas de l’oxydation, ou un abaissement, tion de M peut également conduire à une forme composée très peu
dans le cas de la réduction, du degré d’oxydation d’un élément. soluble (oxyde, hydroxyde, sel métallique), dont la formation se tra-
duit alors par la précipitation à la surface de l’électrode :
■ Pour la formulation correcte des réactions complètes, il
convient de vérifier que la résultante des charges électriques (y Fe + 2OH– – 2e– → Fe(OH)2↓
compris les électrons e–) est la même dans les deux membres de la
réaction. 2Ag + 2OH– – 2e– → Ag2O↓ + H2O

Ag + Cl– – e– → AgCl↓
Dans ce cas, lorsque le précipité reste bien adhérent à la surface
1.2 Réactions avec changement de phase du métal M, il vient former un dépôt qui, s’il recouvre parfaitement
l’électrode et s’il est isolant, interrompt l’oxydation en supprimant le
contact qui permet le transfert de charge entre électrolyte et métal.
De nombreuses réactions électrochimiques font apparaître des
La couche déposée est alors dite « passivante ». Si le recouvrement
produits insolubles dans l’électrolyte (et dans l’électrode) ou peu-
du métal est inhomogène, l’oxydation peut au contraire se poursui-
vent consommer des substances électroactives insolubles (formant
vre dans les zones de contact de ce dernier avec l’électrolyte. De
une phase distincte de la phase électrolytique et devant être présen-
même, si le dépôt est perméable aux espèces ioniques participant
tes à l’interface électrode/électrolyte).
au processus.
La production de substances gazeuses par oxydation ou réduc-
La précipitation peut aussi être consécutive à l’oxydation ou à la
tion électrochimique en est un premier cas. Par exemple, en solu-
réduction d’une forme électroactive en solution :
tion aqueuse :
2H+ + 2e– → H2↑ 2Tl+ + 3H2O – 4e– → Tl2O3↓ + 6H+

2Cl– – 2e– → Cl2↑ Cu2+ + Cl– + e– → CuCl↓

2H2O – 4e– → O2↑ + 4H+ Il arrive qu’un composé insoluble formé sur une électrode et
recouvrant totalement celle-ci soit conducteur électronique. Dans ce
Peu solubles dans l’eau, H2 , Cl2 , O2 saturent rapidement la solu- cas, si l’oxydation du métal se trouve encore stoppée dès lors
tion au voisinage de l’électrode, dès qu’ils commencent d’être pro- qu’une couche homogène est formée, l’électrode reste susceptible
duits, et forment alors des bulles de gaz qui se dégagent à partir de de fonctionner pour la production d’autres réactions électrochi-
la surface de l’électrode. miques (à l’interface composé conducteur/électrolyte). C’est ainsi

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qu’une électrode de platine se recouvre, par oxydation en solution les espèces chargées électriquement ces grandeurs sont désignées
aqueuse, d’un film d’oxyde PtO2 (ou PtO2–x , avec x compris entre 0 par le terme de potentiel électrochimique (Guggenheim, 1929).
et 1), conducteur électronique, qui permet à l’électrode de continuer
Le potentiel électrochimique µ̃i d’une espèce chargée, de nombre
de fonctionner pour produire des réactions électrochimiques
de charge zi , au sein d’une phase α dont le potentiel électrique
comme si le métal était resté inaltéré (c’est pourquoi cette électrode
interne, dit potentiel de Galvani, est φα (par rapport au vide à
est qualifiée d’inattaquable).
l’infini, où φ = 0 par convention), comprend un terme d’énergie
Le composé conducteur peut également provenir d’un dépôt par potentielle électrique égal au travail effectué pour transférer une
réaction électrochimique à partir d’une espèce en solution ; par mole de cette espèce chargée du vide à l’infini au sein de la phase
exemple : α, soit le produit ziFφα (le produit ziF est la charge électrique corres-
Pb2+ + 2H2O – 2e– → PbO2↓ + 4H+ pondant à 1 mole de l’espèce, la constante F, appelée constante de
Faraday, désignant la charge électrique correspondant à 1 mole
Ce3+ + 2H2O – e– → CeO2↓ + 4H+ d’électron). La différence µ̃ i – ziFφα représente par définition le
potentiel chimique µi de l’espèce. Ainsi, le potentiel électrochi-
On forme ainsi une électrode de dioxyde de plomb (sur un sup- mique peut se mettre sous la forme :
port de platine, par exemple ; l’interface électrochimique est l’inter- µ̃i = µi + ziFφα (2)
face PbO2/solution). Une telle électrode est inoxydable, mais
réductible (selon la réaction inverse de celle écrite ci-dessus). L’expression de la relation d’équilibre qui correspond à un sys-
tème électrochimique selon la formulation générale écrite au début
du paragraphe étant la suivante :

2. Systèmes électrochimiques ∑ ( νi µ̃Ai ) + n µ̃e


El
= 0 (3)

à l’équilibre. Concept le remplacement des différents termes µ̃ par leur expression (2)
conduit, en tenant compte au surplus de l’équilibrage des charges
de potentiel d’électrode du système, ∑(νi zi ) = n, à la relation thermodynamique caractéris-
tique de l’équilibre des systèmes électrochimiques :

Un système électrochimique constitué par un système rédox dont 1 El


(φ El – φ sol)eq = ∆φeq = ------- [∑(νi µAi ) + nµ e ] (4)
tous les constituants, y compris e– (de l’électrode), sont présents à nF
l’interface entre une électrode et un électrolyte, considéré isolé-
ment, peut donner lieu à l’établissement d’un équilibre, analogue à (El désigne l’électrode et sol la solution électrolytique, plus généra-
un équilibre chimique, que l’on représentera en écrivant le système lement tout électrolyte).
rédox avec le symbole ⇔. Par exemple :
— pour un système de simple transfert de charge : On voit donc que l’établissement d’un équilibre électro-
chimique a pour effet de déterminer, entre l’électrode et
Ox + n e– ⇔ Red
l’électrolyte, une différence de potentiel électrique interne (diffé-
(Ox et Red dans l’électrolyte, e– dans l’électrode) ; rence de potentiel de Galvani, prise par convention dans le sens
φ El – φ sol) reliée à l’état énergétique chimique des constituants
— ou pour un couple cation métallique/métal :
du système rédox (y compris e– de l’électrode) qui détermine cet
équilibre.
M z + + z e– ⇔ M
(M z+dans l’électrolyte, e – dans l’électrode constituée de M ou
contenant M ). Pour un système Ox + n e– ⇔ Red (Ox et Red en solution), on a
ainsi :
La présence de tous les constituants du système rendant possi- 1 sol sol El
ble, dans les deux sens, le transfert de charge à l’interface électro- ∆φeq = --------- [ µ Ox – µ R + nµ e ] (5)
nF
chimique, l’état d’équilibre correspond à la compensation exacte du
transfert dans un sens par le transfert dans le sens opposé, de sorte Pour une électrode d’un métal M électroactif au contact d’un élec-
que le transfert de charge net est nul (pas d’évolution chimique du trolyte contenant les ions M z+ (résultant de l’oxydation de M ), sys-
système, en conséquence). tème M z+ + z e– ⇔ M :

1 sol M M
∆φeq = -------- [ µ z+ – µ M + zµ e ] (6)
zF M
2.1 Relation thermodynamique
caractéristique de l’équilibre Certains des potentiels chimiques qui entrent dans les expres-
électrochimique sions ci-dessus peuvent correspondre à des constituants à l’état pur
(par exemple M, dans le cas de l’électrode métallique électroactive).
Ces potentiels chimiques sont alors fixés (à une température
El
De façon générale, on peut représenter tout équilibre électrochi- donnée) ; on les représentera par µ*. En ce qui concerne µ e , celui-
mique par la relation : ci ne dépend que de la nature chimique de l’électrode (et de T ) et sa
∑(νi Ai ) + n e– ⇔ 0 valeur est également fixée.
Pour les constituants en solution, le potentiel chimique peut
les constituants consommés par réduction (dont la forme Ox du sys- être relié à la concentration [molarité, exprimée en nombre de
tème) étant affectés de coefficients stœchiométriques νi positifs, et moles par litre de solution (mol · L–1, unité représentée par le sym-
les constituants produits par réduction (dont la forme Red du sys- bole M), ou molalité, exprimée en nombre de moles par kg de sol-
tème) de coefficients νi négatifs. La condition thermodynamique de vant (mol · kg–1)] suivant les expressions :
l’état d’équilibre, dGT,P = 0, s’exprime, comme pour tout équilibre
chimique, par une relation entre les enthalpies libres molaires par- o o
tielles des constituants (y compris celle de e– de l’électrode). Pour µi = µ i + RT ln ai = µ i + RT ln γi ci (7)

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où ai représente l’activité du constituant considéré, dont la concen- en adoptant l’un des deux systèmes (celui indiqué à gauche) comme
tration est ci , et γi un coefficient d’activité, tel qu’à dilution infinie on système de référence. On a ainsi la possibilité de comparer à celui-
ait ai = ci (soit γi = 1). ci tous les autres systèmes.
La relation (5) prend alors la forme (en remplaçant ln par 2,3 lg et Dans le schéma, le symbole : indique la jonction électrolytique
en désignant les concentrations de Ox et de Red respectivement par entre les deux solutions (celle du système de référence et celle du
[Ox] et par [Red]) : système confronté), dont les compositions sont généralement diffé-
rentes et qui doivent rester inchangées, sans mélange appréciable,
o 2,3 RT a Ox tout en étant néanmoins en contact. On utilise généralement pour
∆ φ eq = ∆ φ + ---------------- lg ------------
nF a Red réaliser cette jonction une paroi poreuse, appelée diaphragme ou
(8) séparateur, dont les pores, se remplissant de chaque liquide de part
o 2,3 RT γ Ox [ Ox ] et d’autre, sont suffisamment fins pour ne laisser qu’un flux négli-
= ∆ φ + ---------------- lg -----------------------
nF γ R [ Red ] geable de substances traverser par diffusion.

dans laquelle : La ddp globale, désignée par E (en volt), est la résultante des
diverses ddp interfaciales qui se forment dans la cellule
o 1 o sol o sol El potentiométrique :
∆ φ = --------- [ µ Ox – µ R + nµ e ] (9)
nF
E = φ Cu – φ Cu’ (13)

RT = (φ Cu – φ El) + (φ El – φ sol) + (φ sol – φ sol.réf.) + (φ sol.réf. – φ El.réf.)


Le coefficient 2,3 RT/F (plus précisément -------- ln 10) a pour
F
valeur 0,05915 V à la température de 25 oC (0,058 V à 20 oC ; + (φ El.réf. – φ Cu’)
0,060 V à 30 oC, etc.).
= (∆φ Cu/El + ∆φ El/sol) + ∆φJ – (∆φ El.réf./sol.réf. + ∆φ Cu’/El.réf.)

Pour un système M z+ + ze – ⇔ M (pur), la relation (6) devient : = U + ∆φJ – URéf


2,3 RT
o z+
∆ φ eq = ∆ φ + ---------------- lg ( γ z + [ M ] ) (10)
zF M La ddp U (apportée par un seul système électrochimique) est
désignée par le terme de potentiel d’électrode absolu (non
avec : mesurable). La ddp E (mesurable) est appelée potentiel d’élec-
o 1 o sol * + zµ El ] trode relatif, par rapport à l’électrode de référence adoptée
∆ φ = -------- [ µ M z + – µ M e (11)
zF (conventionnellement) pour réaliser la mesure (on désigne en
effet couramment le système de référence par l’appellation
L’expression générale de la relation d’équilibre peut être d’électrode de référence ).
formulée :

∆ φ eq = ∆ φ + ---------------- · ∑ [ ν i lg ( γ i [ A i ] ) ]
o 2,3 RT
(12) Au potentiel de jonction électrolytique ∆φJ près, une valeur posi-
nF
tive de E signifie que le potentiel absolu U du système considéré est
supérieur à celui de l’électrode de référence (URéf) ; une valeur
négative, que U < URéf (il suffit que ∆φJ reste sensiblement invaria-
Les constituants Ai figurant dans le second terme du second
ble pour que l’on puisse l’englober dans la valeur de URéf ; on peut
membre étant uniquement les constituants en solution, dont les
alors dire que E représente la différence entre U et URéf).
variations de concentration influent sur la valeur de la ddp de
Galvani (la constante ∆φ o contient les potentiels chimiques stan-
dard de tous les constituants de l’équilibre, solubles ou non).
2.2.2 Électrodes de référence

Pour les solutions aqueuses, l’électrode de référence adoptée par


2.2 Potentiels d’électrode. convention internationale pour exprimer les potentiels d’électrode
Formule de Nernst relatifs est l’électrode normale à hydrogène (désignée en abrégé par
ENH), correspondant au système électrochimique 2H+ + 2e– ⇔ H2
dans les conditions normales, c’est-à-dire : solution de pH = 0, satu-
rée d’hydrogène gazeux sous la pression de 1 atm (1,01325 bar),
2.2.1 Potentiels d’électrode absolu et relatif électrode de platine (recouvert de platine divisé pour que le système
se trouve en état d’équilibre).
La vérification expérimentale des relations théoriques précéden-
tes, que l’application des lois thermodynamiques permet d’établir, Dans la pratique, l’électrode normale à hydrogène étant d’une
se heurte au problème de l’impossibilité de mesurer, non seulement utilisation difficile, on a été conduit à lui préférer des électrodes de
le potentiel électrique interne φ d’une phase, mais aussi la ddp élec- référence « opérationnelles », basées sur d’autres systèmes électro-
trique ∆φ s’établissant entre deux phases contiguës. La mesure chimiques plus commodes que celui de l’hydrogène. Pour les solu-
d’une ddp correspondant à des systèmes électrochimiques néces- tions aqueuses, les deux principales sont l’électrode de référence au
site ainsi la mise en jeu de deux électrodes (chacune reliée à une calomel, constituée par le système calomel (chlorure mercureux)/
borne de l’instrument de mesure, par l’intermédiaire d’un conduc- mercure + chlorure de potassium [Hg2Cl2↓ + 2e– ⇔ 2Hg↓ + 2Cl–]
teur métallique, en cuivre par exemple), donc la mise en opposition (lorsque Cl– correspond à une solution saturée de KCl, l’électrode
de deux systèmes électrochimiques (chacun pouvant se trouver à est désignée en abrégé par ECS), et l’électrode de référence au chlo-
l’état d’équilibre). On constitue de cette façon une chaîne potentio- rure d’argent, constituée par le système chlorure d’argent/
métrique (dans une cellule du même nom), schématisée : argent + chlorure de potassium [AgCl↓ + e– ⇔ Ag↓ + Cl–], dont les
valeurs de potentiel ERéf par rapport à l’ENH sont rappelées dans le
Cu’ |Électrode de référence| solution de référence : solution |Électrode| Cu tableau 1.

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Tableau 1 – Valeurs de potentiel (en V) des électrodes de référence usuelles en solution aqueuse par rapport à l’ENH,
d’après : D.J.G. Ives et G.J. Janz, Reference Electrodes, Academic Press (1961)
À la température normale de 25 oC

ERéf ERéf
Électrode Électrode
(en V) (en V)
Ag/AgCl(sat)/KCl 1 M.......................................... 0,2343 Ag/AgCl(sat)/KCl(sat) ......................................... 0,197
Hg/Hg2Cl2(sat)/KCl 1 M [ECN]............................ 0,2801 Hg/Hg2Cl2(sat)/KCl(sat) [ECS]............................ 0,2444
Hg/Hg2Cl2(sat)/NaCl(sat) .................................... 0,2360 Hg/Hg2SO4(sat)/K2SO4(sat) ............................... 0,64
Hg/HgO(sat)/NaOH 0,1 M................................... 0,926
À diverses températures

ERéf ERéf
Température
Hg/Hg2Cl2(sat)/KCl(sat) (ECS) Ag/AgCl(sat)/KCl 1 M
(oC) (en V) (en V)
0 + 0,2602
15 0,2509 + 0,2405
20 0,2477 0,2375
25 0,2444 0,2343
30 0,2411 0,2310
35 0,23 0,2276
50 0,2272 0,216
95 0,177
100 0,1885

Pour déduire des valeurs de ddp mesurées avec une de ces élec- La constante E o, caractéristique du système électrochimique
trodes de référence, les valeurs de potentiel E par rapport à l’ENH, il considéré (constituants dans les conditions normales), est le poten-
suffit d’ajouter à la valeur mesurée la valeur ERéf du potentiel de tiel normal (ou standard) du système.
l’électrode de référence utilisée par rapport à l’ENH.
Ces relations, qui expriment les valeurs de Eeq en fonction de la
composition du système (concentrations des constituants en solu-
tion), constituent les expressions usuelles de la formule de Nernst
2.2.3 Expressions usuelles de la formule de Nernst (datant de 1893).

Dans une chaîne potentiométrique, toutes les ddp interfaciales ■ On notera que dans ces expressions, lorsqu’on a affaire à un
autres que celle entre El et la solution étant invariables, on peut constituant gazeux faiblement soluble (comme l’hydrogène), on a
écrire : le droit de remplacer son activité en solution par sa fugacité dans la
phase gazeuse en équilibre avec la solution (fugacité qui se
E = ∆φ El/sol + Cte = U + Cte (14)
confond, pour un gaz parfait, avec la pression partielle P ), moyen-
(les constantes restant évidemment indéterminées). Par suite, le nant un changement de valeur de E o correspondant au changement
potentiel d’électrode (relatif) Eeq correspondant à un équilibre élec- d’état normal (de a = 1 à P = 1 atm, état normal courant pour les
trochimique obéit, en substituant E o à ∆φ o, aux mêmes relations corps gazeux).
que ∆φ eq : Ainsi, pour le système de l’hydrogène [2H+ + 2e– ⇔ H2(g)] à
— pour Ox + n e– ⇔ Red : 20 oC :

2,3 RT a +
o 2,3 RT γ Ox [ Ox ] H
Eeq = ---------------- lg ------------ = – 0,058 pH – 0,029 lg PH2 ⁄ atm (18)
E eq = E + ---------------- lg ----------------------
- (15) F P 1⁄2
nF γ R [ Red ] H2

— pour M z+ + z e– ⇔ M↓ : (ici, E o = 0 par convention).


D’autre part, dans le cas d’un système M z+ + z e– ⇔ M, lorsque le
o 2,3 RT z+
E eq = E + ---------------- lg ( γ z + [ M ] ) (16) métal M n’est pas le constituant unique de l’électrode mais entre
zF M
dans la constitution de celle-ci comme alliage avec un autre métal
(ou à l’état d’amalgame), on tient compte des possibilités de varia-
— pour ∑(νi Ai ) + n e– ⇔ 0 :
tion de son potentiel chimique en écrivant :
o 2,3 RT
E eq = E + ---------------- ∑ ( ν i lg γ i [ Ai ]) (17) El o
µ M = µ M + 2,3 RT lg aM
El
(19)
nF

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D’où : Lorsque la valeur de a est de l’ordre de 0,3 nm (3 Å), d’où Ba = 1,


z+ sol on peut admettre l’expression simplifiée [équation de Güntelberg
o 2,3 RT
( γ z+ [ M ] ) (1926)] :
M
E eq = E + ---------------- lg --------------------------------------
El
- (20) 1⁄2
zF a 2 Ic
M lg γ i = – 0,5 z i -------------------
1⁄2
(25)
1 + Ic
o
[si µM n’est pas celui du métal pur, la valeur de Eo de cette formule
Ces expressions ne fournissent des valeurs en bon accord avec
est différente de celle de la formule établie dans le cas où l’électrode les résultats expérimentaux que pour Ic ne dépassant pas 0,1.
est constituée de M pur].
Pour le calcul des coefficients d’activité à force ionique pouvant
aller jusqu’à 0,5 (écart maximal de 10 % entre les valeurs théorique
et expérimentale de γi ), une équation empirique a été proposée
2.2.4 Valeurs des coefficients d’activité [équation de Davies (1938)] :
1⁄2
Rappelons que, d’une manière générale, les relations de la ther- 2  Ic 
modynamique font intervenir, en ce qui concerne les constituants lg γ i = – 0,5 z i  ------------------- – 0,3 I c (26)
 1 + I c1 ⁄ 2 
en solution, leurs activités ai ; mais, sur le plan pratique, c’est de
relations entre leurs concentrations ci (exprimées en mol · L –1, sym- D’autres équations ont été proposées. Ainsi, l’expression (25) a
bole M) que l’on a besoin pour établir le système algébrique carac- été complétée par l’adjonction de la somme ∑fij (Ic )cj , pour tenir
téristique de l’état du système chimique. On convient donc : compte des interactions entre ions différents (quel qu’en soit le
— en premier lieu, de donner conventionnellement la valeur nombre), cj étant la concentration de chaque ion j (≠ i ) et fij (Ic ) une
unité à l’activité des constituants pour lesquels il ne se produit pas fonction caractéristique des espèces i et j, ne dépendant que de la
de variation de cette activité : le solvant (H2O), d’une part, et les force ionique [Scatchard (1936)]. Cette fonction est de la forme :
corps qui sont à l’état de saturation (solides en excès en équilibre
fij (Ic ) = aij + bij F (Ic ) (27)
avec la solution), d’autre part ;
— ensuite, de relier l’activité des solutés (non saturants) à leur avec aij et bij coefficients caractéristiques du couple i-j et indépen-
concentration par : dants de Ic .
a i = γi c i (21) F (Ic ) a pour expression [selon Pitzer (1973)] :
où γi représente un coefficient dit d’activité tendant vers l’unité à 1⁄2
1 – ( 1 + 2I c – 2 I c )exp ( – 2I c )
1⁄2
dilution infinie (solution dite idéale). F ( I c ) = ------------------------------------------------------------------------------------
- (28)
4I c
L’expérience montre que les valeurs des coefficients d’activité des
solutés non ioniques restent très peu différentes de l’unité (à quel- Suivant toutes ces formules, γi diminue (donc également ai , à
ques pour-cent près) jusqu’à des concentrations relativement éle- concentration fixe) lorsque la force ionique augmente (jusqu’à
vées, de l’ordre de 1 M. En se limitant à cet ordre de grandeur de Ic = 0,5 tout au moins). Par ailleurs, pour une force ionique donnée,
concentration maximale, on peut donc, pour les espèces non char- la valeur de lgγi est proportionnelle au carré de la charge de l’ion ;
gées, confondre leur activité avec leur concentration avec une les écarts entre activité et concentration sont donc d’autant plus
bonne approximation. En revanche, les coefficients d’activité des importants que l’on a affaire à un ion de charge plus élevée.
ions diffèrent notablement de l’unité dès que la concentration ioni-
que totale de la solution n’est pas très petite.
Sur le plan expérimental, les coefficients d’activité ioniques
Cet effet étant imputable aux interactions électrostatiques que les ne peuvent pas être déterminés individuellement, des coeffi-
ions exercent les uns sur les autres, la théorie de ces interactions cients d’activité moyens ( γ +– ) d’électrolytes étant seuls accessi-
[théorie de Debye et Hückel (1923), complétée et affinée ensuite] bles [ γ +– = (γ +γ –)1/2 pour un électrolyte constitué de deux ions de
conduit à des expressions algébriques qui permettent de calculer même charge en valeur absolue].
des valeurs approximatives des coefficients d’activité ioniques en
fonction d’une grandeur appelée force ionique, définie par :
Ceci exclut la possibilité de connaître d’une manière rigoureuse
2 l’activité d’un ion lorsqu’on en connaît la concentration (pour le
Ic = 0,5 ∑ ( z i ci ) (22) développement de ces considérations, se reporter à un ouvrage de
thermodynamique des solutions, cf. « Pour en savoir plus »
(somme étendue à tous les ions présents, de charge zi et de concen- [Doc. J 1 610]).
tration ci ). Dans le cas des ions simples usuels, en solution aqueuse
à la température « normale » de 25 oC, ces expressions sont les sui- ■ Dans le cas des solutions ioniques très concentrées (solu-
vantes. L’équation de Debye et Hückel, établie en supposant les ions tions de force ionique supérieure à 1), assez fréquemment rencon-
ponctuels (équation dite équation-limite ) : trées dans les opérations chimiques pratiques et notamment
industrielles, les théories évoquées précédemment deviennent inu-
2 1⁄2 tilisables. Suivant une approche différente, Ryazanov et Vdovenko
lgγi = – 0,51 z i I c (23)
(1968) ont proposé la relation :
n’est valable que pour les très faibles valeurs de force ionique γi = fi (a H2 O )/σ (29)
(Ic < 0,001). En tenant compte des dimensions des ions, la théorie
conduit à l’expression plus complète : où fi est une fonction (empirique) de l’activité de l’eau dans la solu-
tion (a H2 O = 1 pour l’eau pure, mais << 1 pour les solutions très
1⁄2
2 Ic concentrées), caractéristique de l’espèce ionique i considérée
lg γ i = – 0,51 z i -----------------------------
1⁄2
- (24) (« fonction d’hydratation », Ly, 1984) ; σ est la concentration totale
1 + Ba I c
des espèces chimiques effectivement présentes dans la solution (en
dehors de H2O). La fonction fi (a H2 O ) ne peut être déterminée pour
où a est un paramètre dimensionnel de l’ion, correspondant à la dis-
tance minimale d’approche d’un autre ion. Le coefficient B a pour un ion individuellement, mais seulement pour un électrolyte (fij ). La
valeur 0,33 × 1010 m–1, en solution aqueuse à 25 oC. variation de fij en fonction de a H2 O (mesurée) permet de déduire, à

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l’aide de la relation de Ryazanov-Vdovenko, le coefficient d’activité 2.3 Propriétés des potentiels normaux
moyen du même électrolyte (ij ) en présence d’autres électrolytes
concentrés (pourvu que l’activité de H2O de ces mélanges soit (ou standard) des systèmes
connue, ainsi que la concentration totale σ des espèces effective- électrochimiques
ment présentes en solution).

2.3.1 Relation entre le potentiel normal


2.2.5 Application de la formule de Nernst et les caractéristiques thermodynamiques
à force ionique (pratiquement) constante de la « réaction de cellule »
En tenant compte de la valeur de la ddp de contact entre l’élec-
Si, tout en envisageant de faire varier les concentrations des subs- trode El (métal pouvant varier) et le conducteur qui relie cette élec-
tances électroactives, on peut admettre que la force ionique va res- trode à l’appareil de mesure (conducteur de cuivre, par exemple),
ter pratiquement inchangée, on peut alors appliquer la relation de valeur qui se déduit de la condition d’équilibre pour le transfert élec-
Nernst en l’écrivant (pour un système ∑νi Ai + ne– ⇔ 0) : tronique entre ces deux conducteurs de type métallique :
2,3 RT 2,3 RT Cu El Cu ⁄ El 1 Cu El
Eeq = E o + ---------------- ∑ (νi lg γi ) + ---------------- ∑ (νi lg [Ai]) (30) µ̃ e = µ̃ e ⇒ ∆ φ = --- [ µ e – µ e ] (34)
nF nF F
2,3 RT on peut exprimer les potentiels d’électrode absolus Ueq comme les
= Cte + ---------------- ∑ (νi lg [Ai ]) ddp de Galvani ∆φeq en remplaçant simplement, dans l’expression
nF
El Cu
c’est-à-dire, comme si les constituants en solution se comportaient de ces dernières, µ e par µ e . Ainsi :
idéalement, permettant de faire intervenir leur concentration à la
place de leur activité. La constante qui regroupe le potentiel normal 1 o 1 o Cu
U o(ENH) = --- µ H+ – --- µ + µ e (35)
E o et le terme comprenant les coefficients d’activité (qui reste inva- F 2 H2
riable dans la mesure où la force ionique ne varie pas) est appelée
potentiel normal « apparent » (ou « formel »). 1 o o Cu
U o(Ox/Red) = ------- [ µ Ox – µ Red + nµ e ] (36)
nF
C’est cette grandeur que désignera par la suite le symbole E o (en
o On en déduit (en négligeant le potentiel de jonction électroly-
désignant par E 0 le potentiel normal vrai, « thermodynamique ») : tique) que :
o 2,3 RT E o(Ox/Red) = U o(Ox/Red) – U o(ENH)
E o = E 0 + ---------------- ∑ (νi lg γi ) (31)
nF o
1 o o o n o ∆G
= ------- µ Ox – µ Red – n µ + + --- µ H2 = – ----------- (37)
On a par exemple (à 25 oC) : nF H 2 nF
— pour un système Ox + n e– = Red : ∆G o représente la variation d’enthalpie libre standard correspon-
dant à la réaction rédox Ox + n/2H2(g) → Red + n H+ (réaction de
o 0,059 γ Ox cellule : c’est la réaction d’échange d’électrons susceptible de se
E o = E 0 + --------------- lg ----------- (32)
n γ Red produire par mélange des deux solutions mises en jeu dans la cel-
lule électrochimique et conduisant à l’équilibre d’oxydoréduction
o
— pour un système M z+ + z e– = M : caractérisé par la constante d’équilibre lg K redox = – ∆G o/2,3RT ).
On en déduit également, dans le cas de deux systèmes rédox
o 0,059 z+ o o
E o = E 0 + --------------- lg γ M (33) Ox1/Red1 et Ox2/Red2, de potentiels normaux respectifs E 1 et E 2 ,
z pour lesquels la réaction de cellule susceptible de se produire est :
o
a Ox2 + c Red1 → b Red2 + d Ox1 (pour un échange de n électrons),
Quelques écarts entre E o et E 0 calculés à diverses forces ioni- la relation :
ques sont reportés dans le tableau 2, permettant de constater la fai- o
ble ampleur de ces variations (à condition que les effets de force o o 2,3 RT o ∆G
E 2 – E 1 = ---------------- lg K rédox = – ----------- (38)
ionique soient bien seuls en cause). nF nF

2.3.2 Variation avec la température


Tableau 2 – Variation (calculée) de potentiels normaux
La variation que subit le potentiel normal d’un système électrochi-
apparents E o, en solution aqueuse à 25 oC, mique par passage de la température standard 25 oC à une autre
en fonction de la force ionique Ic température θ (en oC) = T (en K) – 273,15 peut être exprimée au
moyen de l’expression (développement en série) :
o
E o – E 0 (en mV) pour : oθ o 25 °C dE
o
1d E
2 o
2
Systèmes rédox E =E + ---------- ( θ – 25 ) + --- ------------
- ( θ – 25 ) + ... (39)
dθ 2 dθ 2
Ic = 0,1 Ic = 1
Faute de connaître les coefficients intervenant dans les termes
Fe3+ + e– = Fe2+ – 21 – 71 d’ordre supérieurs à l’unité (d2E o/dθ 2, etc.), on se contente généra-
Ce4+ + e– = Ce3+ – 26 – 103 lement de la relation approchée linéaire :
3– – 4– o
Fe ( CN ) 6 + e = Fe ( CN ) 6 + 20 oθ o 25 °C dE
E =E + ---------- ( θ – 25 ) (40)
Sn4+ + 2e– = Sn2+ – 23 – 87 dθ

Ag+ + e– = Ag –7 – 20 Le coefficient de température dE o/dθ, dit « isotherme » (car sa


définition implique que l’électrode considérée et l’électrode de
Cu2+ + 2e– = Cu – 12 – 32 référence sont à la même température), a pour ordre de grandeur de

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1 à quelques mV par oC (par exemple : 1,000 mV/oC pour le système 3.2 Principe du dispositif d’électrolyse
Ag/Ag+ en solution aqueuse). Les relations de la thermodynamique
permettent de le relier aux autres caractéristiques thermodynami-
ques de la réaction de cellule, la variation d’enthalpie standard ∆H o Pour pouvoir imposer le potentiel d’électrode, le faire varier et pro-
et la variation d’entropie ∆S o (∆G o étant reliée à la valeur de E o duire ainsi des réactions électrochimiques, il faut opérer dans une
seul), par les équations dites de Helmholtz : cellule d’électrolyse comportant deux électrodes auxquelles un cir-
o o o o
cuit extérieur se trouve connecté (formant avec la cellule un circuit
 dE ∆S E + ( ∆ H ⁄ nF )
-----------= ---------- = ----------- = -------------------------------------------p
o dE fermé). La solution devant subir la transformation électrochimique
(41)
 dθ  dT nF T est placée dans cette cellule. Le circuit électrique extérieur permet
d’imposer entre les deux électrodes une tension d’électrolyse V, dif-
■ On notera que la variation des potentiels normaux avec la tem- férente de la ddp en circuit ouvert Vo (la tension V peut éventuelle-
o
pérature suit celle des potentiels chimiques standard µ i (ou µ *i ) qui ment être nulle, correspondant au court-circuit de la cellule).
les composent.
Comme dans le cas de la cellule potentiométrique évoquée précé-
demment (§ 2.2.1), la cellule d’électrolyse peut être subdivisée en
deux compartiments, afin d’isoler les effets d’électrolyse produits à
chacune des deux électrodes. Ces compartiments, reliés par un
3. Production des réactions séparateur formant jonction électrolytique, peuvent alors recevoir
des électrolytes de compositions différentes.
électrochimiques Le potentiel E de l’électrode principale où doivent être opérées les
réactions que l’on désire produire, électrode dite opérative (ou
encore, électrode de travail), peut être contrôlé (c’est-à-dire à la fois
3.1 Condition de production fixé et mesuré) avec l’aide d’une électrode de référence placée
auprès (le potentiel de la contre-électrode n’ayant en général pas
d’une réaction électrochimique besoin d’être lui-même contrôlé). Le dispositif d’électrolyse est
schématisé sur la figure 1.
La production d’une réaction électrochimique nécessite la réa- L’électrolyse se manifeste par la circulation d’un courant électri-
lisation de conditions qui rendent le potentiel d’électrode différent que (flux d’électrons dans les conducteurs du circuit extérieur et
du potentiel d’équilibre, c’est-à-dire l’établissement d’un « surpo- dans les électrodes), dont l’intensité I peut être mesurée sur le cir-
tentiel » (ou « surtension ») d’électrode, η = ∆φ – ∆φeq = E – Eeq ≠ 0. cuit extérieur.
Cette différence, en créant un déséquilibre du système, provoque
une évolution (plus ou moins rapide) tendant au rétablissement À tout instant, l’intensité du courant est la même en toute sec-
d’un nouvel état d’équilibre. tion du circuit. Notamment, elle est la même à travers les deux
Si l’on a affaire à un système Ox/Red en solution, tel qu’avant éta- interfaces électrochimiques, mais avec des sens opposés en ce
blissement du surpotentiel on ait : qui concerne les transferts d’électrons opérés (le sens de cir-
culation des charges restant le même dans tout le circuit).
o
2,3 RT c Ox
Eeq = E o + ---------------- lg ----------
- (42) Celle des deux électrodes qui est traversée par le courant dans le
nF o
c Red sens correspondant à un processus de réduction est désignée par le
terme de cathode (dans le cas représenté figure 1, il s’agit de l’élec-
l’imposition de E ≠ Eeq oblige la composition de la solution à se
trode opérative contrôlée). L’autre électrode (la contre-électrode du
modifier au contact de l’électrode pour tendre à réaliser la relation :
schéma), traversée par le courant dans le sens qui correspond à un
c Ox* processus d’oxydation, est désignée par le terme d’anode. Une
o 2,3 RT
- → E imposé
E + ---------------- lg ----------- (43) inversion du sens du courant dans le circuit (au cours de la variation
nF *
c Red de V ) intervertit les rôles des deux électrodes (l’anode devient
soit : cathode et réciproquement).
* o
c Ox c Ox nF
lg ----------- - + ------------------- η
- → lg ---------- (44)
*
c Red c
o 2,3 RT Source de tension électrique
Red
V
c* désignant les concentrations au contact de l’électrode et c o les Ampèremètre
concentrations initiales.
Cellule électrolytique
Ceci implique que :
— si η > 0 (Eimposé > Eeq), le rapport c Ox
* /c *
Red va croître, ce qui se
EO
réalise par le transfert d’électrons dans le sens sol → El, c’est-à-dire
par la production de l’oxydation électrochimique Red – ne – → Ox ; ER
CE
— si η < 0 (Eimposé < Eeq), l’évolution est en sens contraire, c’est-
à-dire transfert d’électrons dans le sens El → sol et production de la E EO − E ER
réduction électrochimique Ox + ne– → Red pour faire décroître le
* /c *
rapport c Ox Red .
Voltmètre

Le potentiel d’électrode E (plus exactement, le surpotentiel η) CE contre-électrode


apparaît ainsi comme le facteur de production des réactions EO électrode opérative (contrôlée) ou électrode de travail
électrochimiques (en le faisant varier, soit dans le sens de l’élé- ER électrode de référence
vation pour obtenir une oxydation, soit dans le sens opposé
Figure 1 – Schéma de principe d’un circuit d’électrolyse à potentiel
pour obtenir une réduction).
d’électrode contrôlé

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La cathode est donc le siège d’un surpotentiel ηc < 0, tandis que Pour pouvoir comparer des effets électrochimiques produits à des
l’anode est celui d’un surpotentiel ηa > 0. électrodes dont les aires A peuvent être extrêmement différentes,
on considère la densité de courant à l’électrode, j = I/A (à condition
La tension d’électrolyse V est composée de la différence des
que j soit la même en tout point de l’électrode ; sinon, plus généra-
potentiels d’électrode (différence des potentiels absolus, d’où égale-
lement j = dI/dA ).
ment différence des potentiels d’électrode relatifs |Ea – Ec|), aug-
mentée de la ddp due à la résistance électrique interne Rcell de la
cellule ; soit, selon la loi d’Ohm, le produit I · Rcell que l’on appelle La caractéristique essentielle des processus électrochimiques
chute ohmique de tension dans la cellule : réside dans la variabilité de leur vitesse en fonction du sur-
potentiel η (ou du potentiel E) de l’électrode où ils se
V = |Ea – Ec| + I · Rcell (45) produisent, variation exprimée par la relation courant-potentiel,
I (ou j ) = f (η ou E ). C’est dans cette relation que réside la différen-
ciation des réactions électrochimiques entre elles. Le choix des
conditions permettant de réaliser des réactions d’une manière
3.3 Loi de Faraday et cinétique sélective découle donc de sa connaissance.
réactionnelle

La production d’une réaction électrochimique obéit à une loi 3.4 Transport de matière associé
quantitative, dite loi de Faraday (1834), reliant les quantités (nom- à la production des réactions
bres de moles) des substances électroactives transformées électrochimiques
(consommées ou produites) à une électrode El à la charge électrique
totale ayant été transférée pour cela à travers l’interface El/sol. Cette
relation correspond à l’application de la loi des proportions stœchio-
métriques des réactions. Elle s’exprime, pour un système Ox + n e– Réaction localisée à la surface de contact entre l’électrolyte et
→ Red : l’électrode, une réaction électrochimique ne peut se poursuivre
que si la substance électroactive mise en jeu continue d’être pré-
Q sente à cette surface (ainsi que, éventuellement, les autres subs-
N Ox = N Red = --------- (46)
nF tances participant à la réaction).

La constante F, que l’on appelle constante de Faraday, corres-


pond à la charge électrique (en valeur absolue) équivalente à une Cette condition implique, dans le cas d’une substance dissoute,
« mole d’électrons » (aussi bien qu’à une mole de protons) ; sa que celle-ci arrive à la surface de l’électrode par transport au sein de
valeur, exprimée avec la même unité que la charge Q, est la l’électrolyte (ou, quelquefois, de l’électrode) dans lequel elle se
suivante : trouve initialement répartie de façon homogène.
F = 96 484,56 ± 0,27 coulombs par mole (C · mol–1) (47) Différents modes de transport de matière sont possibles :
— dans le cas des espèces ioniques, l’existence d’un champ élec-
(environ 96 500 à moins de 0,02 % près, et 105 à 3,5 % près). Cette trique (gradient de potentiel électrique) produit le phénomène
charge électrique correspond au faraday. d’électromigration ionique ;
— la consommation d’une substance dissoute à la surface d’une
électrode entraîne d’une manière générale l’apparition, au voisi-
Le rapport Q/F est donc le nombre de faradays mis en jeu dans nage de celle-ci, d’une variation de concentration, dont découle la
la réaction électrochimique, et la loi de Faraday peut s’exprimer production d’un effet de diffusion vers l’électrode, permettant ainsi
en disant que la réaction électrochimique Ox + ne– → Red, ou à la réaction électrochimique, qui consomme cette substance, de se
Red – ne– → Ox, nécessite l’échange à l’électrode de n faradays poursuivre. Inversement, les substances solubles produites par la
par mole de Ox et par mole de Red (consommée ou produite). réaction à l’électrode diffusent à partir de cette dernière, en raison
de leur surconcentration locale (variation de concentration en sens
Plus généralement, pour un processus représenté par ∑ (νi Ai ) contraire de celui des espèces consommées). Liée aux variations de
+ n e– = 0 : concentration résultant de la production de réaction électrochimi-
que, la diffusion est un mode de transport naturel des solutés parti-
νi Q cipant à ce type de réaction (comme l’est l’électromigration pour les
N Ai = ---- ---- (48)
nF espèces ioniques mobiles, participant au passage du courant dans
l’électrolyte) ;
Le courant électrique qui traverse l’interface électrochimique tra- — avec les électrolytes liquides, il existe au surplus la possibilité
duit la vitesse du processus électrochimique à chacune des deux de provoquer un transport par convection, mouvement d’ensemble
électrodes. En effet, par dérivation par rapport au temps t de chaque du fluide électrolytique dû aux forces mécaniques (convection par
membre de la loi de Faraday [relation (46)], on obtient (puisque agitation ou écoulement de l’électrolyte, ou par mouvement de
I = dQ/dt ) : l’électrode ; la convection peut également être thermique, due à des
d NO d N Red gradients de température apparaissant dans la cellule). Cette action
I
--------------x = – ----------------
- = ------- (49) fait tendre à la réhomogénéisation du liquide appauvri en substance
dt dt nF électroactive près de l’électrode et supprime donc, en grande partie,
cet appauvrissement.
L’intensité du courant d’électrolyse et la vitesse de transfor-
mation de Ox en Red ou inversement sont par conséquent pro- Au total, par ces différents modes de transport, il s’établit en
portionnelles. cours d’électrolyse des flux massiques, vers l’électrode pour la
Un signe algébrique est adopté, tel que I > 0 correspond à substance électroactive (et les autres substances dissoutes
l’oxydation (dNRed /dt < 0) et I < 0 correspond à la réduction (il consommées en même temps), et à partir de l’électrode pour les
s’agit d’une convention internationale ). On distingue ainsi les produits de réaction solubles (stables, ou présentant une durée
deux sens possibles du transfert électronique. d’existence suffisamment longue).

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En régime permanent, il s’établit une balance entre ces flux et réseau cristallin rigide (à température plus ou moins haute par rap-
celui des charges électriques transférées à travers l’interface élec- port à la normale) justifient l’observation de « superconducteurs »
trochimique pour réaliser la réaction d’électrode. ioniques solides (notamment, l’alumine-β, la zircone cubique stabi-
lisée...) qui ont reçu quelques applications. Celles-ci étant néan-
moins pour la plupart extérieures au domaine des procédés
Cette balance se traduit par une relation entre les densités de électrochimiques (sinon en ce qui concerne le domaine des batte-
flux massique Ji et la densité de courant j (flux de charge électri- ries), nous laisserons de côté ces électrolytes solides dans la des-
que) correspondant à la réaction électrochimique, relation qui cription suivante, en renvoyant à des ouvrages plus spécialisés pour
implique que la vitesse globale du processus électrochimique une description de ces applications (cf. « Pour en savoir plus »
est dépendante, non seulement de la cinétique de la réaction à [Doc. J 1 610])
l’électrode, mais également de la cinétique du transport de
Les électrolytes exploitables le plus couramment sont donc des
matière.
milieux liquides, que l’on peut ranger en deux catégories :
— les solutions ioniques, constituées d’un solvant dans lequel
Il peut donc se faire que cette vitesse globale soit contrôlée par ce ont été dissous un ou plusieurs composés qui s’y trouvent dissociés
dernier, limitée par lui plutôt que par la première. en ions (des anions et des cations, l’ensemble respectant la règle de
Les lois des différents modes de transport de matière intervien- neutralité électrique). Le solvant le plus usuel est évidemment l’eau,
nent ainsi dans l’établissement de la relation exprimant la vitesse mais de nombreux autres solvants ont pu être utilisés pour consti-
globale effective, cette relation devant changer, non seulement avec tuer des électrolytes (solutions non aqueuses) ;
le système électrochimique considéré, mais aussi avec les condi- — les composés ionisés à l’état fondu (sous la condition qu’ils ne
tions de réalisation du transport massique [J 1 604]. se décomposent pas aux températures plus ou moins élevées
nécessitées par la fusion). Il s’agit en général de sels métalliques,
également d’hydroxydes voire d’oxydes métalliques, utilisés seuls
ou plus fréquemment en mélanges.
4. Les électrolytes Un simple aperçu des principales caractéristiques de ces deux
sortes d’électrolytes est fourni ci-après, le lecteur étant renvoyé à
des ouvrages plus approfondis pour compléter son information (cf.
Si, grâce à la mise en jeu d’une oxydation anodique à l’une des « Pour en savoir plus » [Doc. J 1 610]).
électrodes et d’une réduction cathodique à l’autre électrode, le cou-
rant peut franchir les deux interfaces terminales d’un électrolyte (ou
d’une chaîne d’électrolytes), c’est un autre phénomène qui est mis
en jeu pour son passage à travers le milieu électrolytique : il s’agit
4.1 Solutions ioniques aqueuses
de la migration d’ions (les porteurs de charge électrique) sous l’effet et non aqueuses
du champ électrique :
E = – grad φ (50) L’emploi de l’eau comme solvant pour la constitution de solutions
qui s’établit pour cela dans le milieu. Les signes opposés de leur électrolytiques est largement familier à tout chimiste ou électrochi-
charge font que les deux types d’ions, anions et cations, ont des miste. On peut concevoir cet emploi sous l’angle de la possibilité de
sens de migration opposés : les anions (qui circulent dans le même placer des réactifs (et notamment des ions) au sein d’un milieu
sens que les électrons dans les électrodes et le circuit extérieur) liquide homogène (monophasé) dans une gamme de température
migrent en direction de l’anode et les cations en direction de la englobant la température ambiante. L’eau n’étant pas le seul liquide
cathode (c’est l’origine de leurs dénominations). susceptible de jouer le même rôle, les solutions électrolytiques peu-
vent être définies d’une manière plus générale (que les seules solu-
Cette migration ionique a pour résultat global de maintenir l’élec- tions aqueuses ioniques) comme un milieu homogène constitué
troneutralité en régime de circulation de courant : au transfert élec- d’un support de molécules d’un constituant largement prédomi-
trochimique de la charge Q à l’anode et – Q à la cathode correspond nant, formant le solvant, au sein duquel sont dispersées d’autres
le transfert concomitant, par électromigration ionique, de la même espèces chimiques diluées (solutés). Dans la formation d’une solu-
charge Q du compartiment anodique au compartiment cathodique tion ionique, plusieurs phénomènes fondamentaux interviennent.
(à travers la jonction électrolytique). Chacun des deux comparti-
ments reste ainsi électriquement neutre.
4.1.1 Phénomènes de solvatation
Tous les ions mobiles présents dans une phase électrolytique
subissent l’effet du champ électrique qui provoque leur migra- Au sein d’une solution, tout soluté ionique se trouve environné
tion et participent ainsi au transport du courant à travers l’élec- d’un très grand nombre de molécules de solvant (désignées par S ).
trolyte (indépendamment de leur participation, ou non, aux
réactions aux électrodes).
La solvatation correspond aux interactions énergétiques qui
s’exercent entre le soluté et l’ensemble des molécules de sol-
La condition à laquelle un milieu condensé doit ainsi satisfaire vant qui l’environnent (interactions soluté-solvant).
pour pouvoir être utilisé comme électrolyte est la présence dans sa
constitution d’espèces ioniques (atomes chargés par ionisation ou
groupes d’atomes liés entre eux de façon covalente et porteurs glo- On définit l’énergie de solvatation comme l’énergie mise en jeu
balement de charge électrique), qui de surcroît jouissent de mobilité par l’opération (hypothétique) de transfert de l’ion soluté, de l’état
au sein du milieu (possibilité de déplacement par rapport à d’autres isolé dans le vide (état gazeux, sans interaction), au sein du solvant
espèces constitutives de celui-ci). D’emblée, cette condition de (état solvaté).
mobilité semble exclure les solides ioniques (non conducteurs élec- La molécule de la plupart des solvants étant assimilable à un
troniques) dont les ions sont en principe fixés dans leurs positions dipôle, il s’établit par conséquent entre chaque ion soluté et molécu-
définies par le réseau cristallin indéformable. Toutefois, l’existence les environnantes des interactions de nature électrostatique (inte-
de défauts dans les structures cristallines et surtout celle de structu- ractions ion-dipôle). L’énergie de solvatation dépend donc en
res particulières de solides dans lesquelles certains ions occupent premier lieu de la force de ces interactions électrostatiques. Pour rai-
des positions interstitielles leur permettant de migrer au sein d’un son de proximité, cette force est la plus élevée avec les molécules S

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de solvant qui sont au contact de l’ion soluté, formant une coquille mation de liaisons de coordination entre molécules de solvant
de solvatation dite primaire constituée d’un nombre défini de molé- « donneur » et solutés accepteurs (cations métalliques), ou entre
cules S. Plus l’ion est petit et sa charge élevée, et plus l’énergie molécules de solvant « accepteur » et solutés donneurs (anions).
d’interaction est grande. Mais des interactions s’exercent encore Pour en caractériser la force (qui n’a pu être exprimée et évaluée au
avec les molécules S plus éloignées (solvatation secondaire), leur moyen d’une relation mathématique comme dans le cas des inte-
force s’atténuant progressivement en raison inverse du carré de la ractions électrostatiques), des classements empiriques de « pouvoir
distance entre le centre de l’ion et les molécules S (interactions à donneur », d’une part, et de « pouvoir accepteur », d’autre part, ont
longue distance). Par ailleurs, pour un ion donné, la solvatation par été établis pour les molécules de la plupart des solvants usuels.
interaction électrostatique est d’autant plus énergique que le Qualitativement, ces pouvoirs se classent de la façon suivante :
moment dipolaire µs du solvant est plus élevé. Les solvants désignés (a) pouvoir donneur : NH3 et amines aliphatiques > HMPT >
comme solvants dipolaires [l’eau, en particulier, mais plus encore les DMSO > DMF > THF > méthanol > H2O > acétone > carbonate de
nitriles, les amides, les composés nitrés, le diméthylsulfoxyde propylène > MeCN > sulfolane > MeNO2, PhNO2 > benzène, CCl4,
(DMSO), la tétraméthylènesulfone (TMS ou sulfolane), le carbonate dichloroéthane (pour ce dernier, pouvoir donneur nul par
de propylène (CP), le tétrahydrofuranne (THF), etc.] sont ainsi les convention) ; (b) pouvoir accepteur : CF3CO2H > H2O > CH3CO2H >
solvants (organiques) qui solvatent les ions le plus fortement. alcools, amides > MeNO2 > DMSO > MeCN > dichloroéthane > acé-
Une évaluation « macroscopique » de l’énergie de nature élec- tone > HMPT > THF, benzène, CCl4 > n-hexane.
trostatique intervenant dans la solvatation d’un ion (de charge z et
de rayon r, en le supposant sphérique) a été proposée sur le modèle 4.1.1.1 Relation entre la solubilité et la solvatation
de la théorie physique de Born, assimilant le solvant à un milieu
Lors de la mise en solution d’une substance, on peut distinguer
continu dont la permittivité relative a la valeur ε. Suivant le modèle
plusieurs cas de devenir de cette dernière :
de Born, le travail électrostatique à effectuer pour transférer une
sphère de rayon r et de charge z du vide à un milieu de constante (a ) la substance est constituée de molécules qui se dissolvent par
diélectrique ε est exprimé : solvatation individuelle ;
2 2
(b ) la substance est un composé ionophore, c’est-à-dire constitué
WBorn = – ---------------  1 – ---
q z 1
(51) d’espèces ioniques [comme Na+Cl– ou (Na+)2 SO 2– 4 ] qui, après dis-
8π rε 0 ε solution, sont solvatées individuellement ;
(c ) la substance est constituée de molécules ionogènes, c’est-à-
avec q charge élémentaire du proton,
dire susceptibles de se dissocier (sous l’action du solvant) en for-
ε0 permittivité du vide. mant des espèces ioniques (solvatées individuellement) ;
(d ) enfin, la substance dissoute réagit chimiquement avec des
Ainsi, l’énergie mise en jeu par interaction électrostatique de molécules de solvant, faisant apparaître de nouvelles espèces résul-
l’ion avec le solvant serait d’autant plus grande que la constante tant de la recombinaison de produits de dissociation de la substance
diélectrique de ce dernier est plus élevée. dissoute avec des produits de dissociation des molécules S réagis-
santes. D’où le nom de solvolyse donné à ce phénomène, où la sol-
Mais l’expression (51) apparaît inexacte en raison du fait que le vatation n’entre pas seule en jeu.
modèle de Born ne correspond pas exactement à la réalité physique En ce qui concerne la relation entre la solvatation et la solubilité
des ions en solution. En effet, si ce modèle peut convenir pour des (intrinsèque, c’est-à-dire dans le solvant pur, sans intervention
sphères de rayon assez grand par rapport aux dimensions molécu- d’une action chimique de solubilisation par réaction acide-base ou
laires, il n’en est pas de même pour un ion dont le très petit rayon formation de complexes), ce sont les substances correspondant au
(0,1 à 0,2 nm) implique qu’un champ électrique intense règne dans cas (b ) qui permettent de l’établir. On montre en effet (par la réalisa-
son voisinage immédiat. Ce champ est responsable d’une variation tion d’un cycle de Born) que, si l’on a affaire à un composé du type
de la permittivité relative « microscopique » autour de l’ion (jusqu’à AB :
une valeur limite correspondant à un effet de saturation diélectri-
o o o o
que). L’expression (51) doit donc être considérée seulement comme ∆ G dissol (AB ) = ∆ G solv (A z+) + ∆ G solv (B z–) – ∆ G crist (AB ) (52)
une relation de première approche.
o
D’autres interactions, non prises en compte dans le modèle élec- avec ∆ G dissol (AB ) variation d’enthalpie libre molaire de
trostatique, sont appelées interactions spécifiques pour les distin- dissolution de AB, dont la valeur
guer de celles décrites par le modèle électrostatique (d’application conditionne la solubilité dans le solvant
générale) et du fait qu’elles sont liées à la nature chimique particu- considéré,
lière des solutés et du solvant. Ces interactions peuvent être consi- o
dérées comme des liaisons chimiques qui s’établissent entre le ∆ G solv (A z+)
soluté et les molécules S. Ce sont donc des interactions de contact o
et ∆ G solv (B z–) variations d’enthalpie libre molaires de
(interactions de solvatation primaire), à courte distance, à la diffé-
solvatation des ions A z + et B z– respecti-
rence des interactions à longue distance que sont les interactions
vement,
électrostatiques. Leur intervention vient renforcer, quelquefois con-
sidérablement, les effets électrostatiques. o
∆ G crist (AB ) énergie réticulaire (molaire) du cristal
Dans cette catégorie sont rangées les liaisons hydrogène qui (qui, pour un composé ionophore, peut
s’établissent entre les molécules des solvants protiques (eau, être calculée par sommation des interac-
alcools, amines, amides non N-disubstitués, acides carboxyliques) tions coulombiennes entre les ions A z+
et les anions qui sont des donneurs de doublet électronique. Les et B z– dans la disposition structurale du
anions halogénures, par exemple, sont nettement plus fortement réseau cristallin considéré).
solvatés dans les solvants dipolaires protiques que les cations de La forte solubilité d’un sel ionisé dans un solvant nécessite donc
charge unité de même taille, tandis que cette différence n’existe pas que la somme des énergies de solvatation des ions qu’il fournit sur-
dans les solvants dipolaires aprotiques (THF, DMSO, carbonate de passe (en valeur absolue) l’énergie réticulaire du cristal. Par exem-
propylène, acétone, etc.). ple, c’est à cause d’une valeur (absolue) très élevée de cette dernière
Plus généralement que les liaisons hydrogène, peuvent être que le chlorure d’argent est pratiquement insoluble dans l’eau (mal-
mises en jeu des interactions de type accepteur-donneur de doublet gré la solvatation énergique de l’anion Cl–) ; mais ce sel devient
électronique (ou « acide-base » de Lewis), correspondant à la for- soluble dans d’autres solvants qui possèdent vis-à-vis du cation Ag+

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un pouvoir solvatant beaucoup plus énergique que l’eau (solvants dans un solvant S est plus ou moins forte, d’une part selon la stabi-
aminés, de pouvoir donneur plus élevé que celui de l’eau). lité de la liaison H-B (force intrinsèque de l’acide), et d’autre part sui-
vant le pouvoir accepteur de proton de la molécule S (force basique
■ On remarquera que la solubilité d’un sel étant liée à la somme de celle-ci), qui constitue son pouvoir solvatant de H+. La constante
des énergies de solvatation des deux ions, une conséquence impor- de dissociation KA (ou pKA = – lgKA ) dépend ainsi des effets de sol-
tante est que la solubilisation d’un ion faiblement solvaté peut être vatation sur les trois espèces en équilibre, notamment sur l’ion H+.
obtenue en l’accompagnant d’un ion de charge opposée au La dissociation d’un même acide peut ainsi varier considérablement
contraire très fortement solvaté. Ainsi, l’anion Cl– qui, sous forme de d’un solvant à un autre. Des changements dans l’ordre des pKA pro-
NaCl ou de LiCl, n’est pas solubilisé dans le carbonate de propylène viennent des effets spécifiques de solvatation des formes acide et
(CP), peut l’être sous forme de chlorure de tétraméthylammonium base conjuguées, l’effet de solvatation du proton étant évidemment
Me4NCl (ou tétraalkylammonium, R4NCl, d’une manière plus géné- le même pour tous les couples acide-base dans un même solvant.
rale). Malgré sa faible énergie réticulaire (par rapport aux sels précé-
dents), ce sel est néanmoins assez peu soluble dans l’eau car la
solvatation de l’ion Me4N+ par l’eau est peu énergique, s’agissant 4.1.2 Effets de solvolyse
d’un cation de rayon cristallographique élevé (0,35 nm) par rapport
à ceux des cations Li+, Na+ et K+ (0,06 ; 0,1 et 0,13 nm, Avec certains solvants (l’eau en particulier), la dissolution de cer-
respectivement) ; d’où, des interactions ion-dipôle plus faibles que taines substances ne fait pas seulement intervenir le phénomène de
pour ces derniers. En revanche, le moment dipolaire du CP, plus solvatation (de la substance et de ses produits de dissociation si elle
élevé que celui de l’eau, et des interactions spécifiques plus fortes est dissociable) mais une réaction avec des molécules de solvant,
se traduisent par une solvatation du cation Me4N+ plus énergique subissant elles-mêmes une dissociation. L’établissement de nouvel-
dans le solvant organique. Celui-ci, ainsi, solubilise bien les chlo- les liaisons conduit alors à l’apparition d’espèces (solvatées) diffé-
rures d’alkylammonium (malgré l’affaiblissement de la solvatation rentes du corps initial et variables selon le solvant. Ce phénomène
de l’anion Cl–). constitue une solvolyse, que l’on peut définir comme un effet spéci-
fique du solvant lié au caractère dissociable des molécules de ce
dernier.
On peut obtenir de cette manière, en solvant organique, des
solutions concentrées d’un ion inorganique faiblement solvaté 4.1.2.1 Solvolyse ionique analogue à l’hydrolyse.
(donc plus réactif qu’en solution aqueuse). Solvants amphiprotiques
Dans le cas des solutions aqueuses, on sait que la dissociation qui
■ On notera également que la connaissance absolue des énergies intervient dans les réactions d’hydrolyse est la dissociation ionique
de solvatation se heurtant à la difficulté d’avoir à connaître les éner- H2O → H+ + OH–. Ainsi, une réaction d’hydrolyse peut se produire
gies réticulaires des cristaux, on peut se contenter de la connais- dans les cas où la substance dissoute introduit un accepteur soit du
sance de la variation d’énergie de solvatation par changement de cation H+, soit de l’anion OH–.
solvant, caractérisée par l’enthalpie libre molaire de transfert d’un
solvant S à un autre solvant S’ (par exemple, transfert de l’eau à un 4.1.2.1.1 Accepteurs du cation H+
solvant organique). Le premier cas est celui des bases (B, non ioniques ou ioniques),
dont la réaction d’hydrolyse est la suivante :
4.1.1.2 Déplacement des équilibres de dissociation ionique
par changement de solvant B + H2O ⇔ HB + ΟH–
En règle générale, tous les équilibres mettant en jeu des espèces correspondant à la dissociation d’une molécule H2O par transfert de
en solution sont affectés par les changements de solvatation de ces H+ de celle-ci au soluté B. L’apparition des espèces HB (solvaté) et
dernières. OH– (solvaté) est le résultat de cette réaction, ces espèces coexistant
avec B solvaté (une base étant dite forte si la réaction est prati-
quement totale, la concentration de B subsistant étant alors négli-
La constante d’un même équilibre (à la même température) geable).
diffère de valeur selon le solvant dans lequel cet équilibre est
établi. L’ion OH– apparaît comme la base la plus forte pouvant exister en
solution aqueuse, puisque toute base B plus forte que OH– s’y
trouve pratiquement totalement hydrolysée.
Dans le cas de l’équilibre de dissociation d’un composé covalent Des réactions similaires de solvolyse des bases se produisent
AB soluble (équilibre AB ⇔ A + B, espèces ioniques ou non), l’équi- dans les autres solvants qui possèdent comme l’eau le caractère
libre se trouve déplacé dans le sens de la dissociation si, par chan- d’acide, c’est-à-dire dont la molécule, symbolisée par HS, peut se
gement de solvant, la solvatation des produits A et B subit un dissocier suivant :
renforcement, tandis que celle du composé AB est au contraire affai-
HS → H+ + S –
blie. Ainsi apparaissent des différences de l’état d’ionisation dans
lequel se trouvent les composés moléculaires ionogènes lorsqu’on La solvolyse des bases dans de tels solvants, dits amphiprotiques
les met en solution dans des solvants différents : l’ionisation est (les alcools, les acides carboxyliques, H2SO4, HF, NH3, les amines,
d’autant plus importante que la solvatation des ions formés est plus les amides non N-disubstitués, etc.), s’effectue suivant l’équilibre
énergique (et que celle de la molécule AB l’est moins). Par exemple, général :
FeCl3 ou AlCl3, qui sont totalement ionisés et donc dissociés en B + H S ⇔ HB + S –
leurs ions constitutifs en solution aqueuse, sont des complexes pra-
tiquement indissociés dans d’autres solvants (le sulfolane, par Suivant le même raisonnement que pour les solutions aqueuses,
exemple) qui solvatent beaucoup moins fortement que l’eau les l’anion S – est, dans le solvant HS, la base la plus forte, toute autre
ions Fe3+, Al3+ et Cl–. En revanche, un complexe comme Hg(CN)2, base plus forte s’y trouvant pratiquement totalement solvolysée.
qui est très stable dans l’eau, voit sa stabilité considérablement Le solvant amphiprotique est lui-même l’objet d’une autosolvo-
diminuée dans des solvants dont le pouvoir solvatant vis-à-vis de lyse, puisqu’il peut agir à la fois comme acide et comme base
l’ion Hg2+ est particulièrement fort, comme l’éthylènediamine ou (échange d’un ion H+ entre deux molécules HS ) :
l’éthanolamine.
2HS ⇔ H2S + + S –
Il en est de même pour la dissociation des acides (composés iono-
gènes par définition) : la dissociation ionique d’un acide B dissous où H2 S+ représente ici le proton solvaté.

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C’est cet équilibre qui est responsable de l’auto-ionisation du sol- pérature supérieure à celle du point de fusion, θF = 82,3 oC). Le sys-
vant pur. La constante qui le caractérise est la constante d’autosol- tème d’autosolvolyse :
volyse (ou constante d’auto-ionisation, ou encore produit ionique +
du solvant) : 2AcNH2 ⇔ AcNH 3 + AcNH– (pK AcNH2 = 14,6 à 98 oC)
KH S = a + a – = [H2 S +][S –] (53) confère aux accepteurs de l’ion acétamidure AcNH– le caractère
H2 S S
d’acides soit forts, comme dans le cas des cations Hg2+ et Bi3+ :
en admettant une valeur pratiquement invariable de aHS , que l’on +
prend égale à 1 comme pour un corps pur. Hg2+ + 2AcNH2 → Hg(AcNH)+ + AcNH 3
+ +
■ On remarquera que dans le cas d’un solvant mixte, constitué par Bi3+ + 4AcNH2 → Bi ( AcNH ) 2 + 2AcNH 3
exemple d’un mélange hydro-organique, le solvant est amphiproti-
(réactions pratiquement quantitatives), soit faibles, comme dans le
que lorsque l’un au moins des constituants est lui-même amphipro-
cas de Pb2+ et de Cu2+ :
tique. C’est alors celui-ci qui, dans l’équilibre d’autosolvolyse, cède
H+ à celle des molécules constituantes qui est la plus basique. Lors- Pb2+ + 2AcNH2 ⇔ Pb(AcNH)+ + AcNH 3
+
que les constituants sont tous deux amphiprotiques, le plus acide
des deux cède H+ au plus basique des deux. Ainsi, dans le cas des Cu2+ + 4AcNH2 ⇔ Cu(AcNH)2 + 2AcNH 3
+
mélanges eau + éthanolamine ou eau + hydrazine, H2O est plus
acide mais moins basique que la molécule (HS ) de l’autre solvant. ou encore de Ag+ et de Cd2+, mais dans ce dernier cas les acétami-
On peut alors écrire l’équilibre d’autosolvolyse : dures sont insolubles et précipitent :
H2O + HS ⇔ H2S + + OH– Ag+ + 2AcNH2 ⇔ Ag(AcNH) ↓ + AcNH 3 ,
+

La constante d’autosolvolyse du mélange a pour expression : +


Cd2+ + 4AcNH2 ⇔ Cd(AcNH)2 ↓ + 2AcNH 3
K ’ = [H2S +][OH–] (54)
Les acétamidures insolubles, à l’instar de certains hydroxydes
puisque les activités respectives de H2O et de HS, si elles ne sont insolubles dans l’eau, sont solubilisés non seulement par acidifica-
pas égales à celles de chaque solvant pur, sont néanmoins pratique- tion mais également en présence d’un excès de base forte AcNH–,
ment constantes pour un mélange de proportion donnée. Cette sous forme de complexes supérieurs :
constante K ’ doit naturellement être plus grande que K H2O d’une

part et que K HS (du solvant HS pur) d’autre part (échange de H+ plus Ag(AcNH) ↓ + AcNH– ⇔ Ag ( AcNH ) 2
important entre les deux molécules H2O et HS qu’entre deux molé-
2–
cules H2O ou deux molécules HS ). Cd(AcNH)2 ↓ + 2AcNH– ⇔ Cd ( AcNH ) 4
Dans un cas comme celui des mélanges eau + DMSO, c’est l’eau
qui subit seule l’autodissociation, car le DMSO est à la fois moins ■ On remarquera que les cations les plus fortement accepteurs
basique et moins acide que H2O. On observe par conséquent une de S – subissant, comme on vient de le voir avec certains exemples,
valeur de pK ’ un peu plus élevée que dans l’eau pure, à cause de la une solvolyse totale, une partie (au moins) de leurs composés se
dilution de celle-ci par le second solvant. Ce dernier cesse d’être trouvent détruits par le solvant considéré (cas principalement des
inerte du point de vue de l’autosolvolyse quand sa teneur dans le cations non métalliques et fortement chargés). C’est ainsi que le
mélange approche de 100 %. composé BCl3 , mis en solution dans l’eau, subit une hydrolyse
complète suivant la réaction :

4.1.2.1.2 Cations possédant un pouvoir d’accepteur BCl3 + H2O → B(OH)3 + 3(H+ + Cl–)
de l’anion S –
Ce sont donc les propriétés du composé B(OH) 3 — c’est-à-dire
Le second cas de solutés donnant lieu à solvolyse est celui des H3BO3 puisque ce composé se comporte lui-même en acide faible
cations possédant vis-à-vis de l’anion S – un pouvoir d’accepteur, (l’acide borique, faiblement dissocié selon l’équilibre

plus ou moins fort (formation de liaisons de coordinence plus ou H3BO3 ⇔ H2BO 3 + H+) — et non celles de BCl3 que l’on peut obser-
moins stables). On sait que, dans l’eau, les cations métalliques ver en solution aqueuse. Avec, comme solvant, l’ammoniac liquide,
subissent pour la plupart un effet d’hydrolyse, représenté par les la solvolyse est également pratiquement complète, mais conduit à
réactions : un composé différent, le triamidure B(NH2)3 :
M z+ + i H2O ⇔ M (OH)i + i H+ BCl3 + 3NH3 → B(NH2)3 + 3(H+ + Cl–)
qui confère à ces cations un caractère « apparent » d’acides [on a Le bore (III) a ainsi des propriétés totalement différentes dans
aussi généralement M (OH)z ↓]. l’eau et dans l’ammoniac. Ce n’est que dans un solvant sans effet de
Le même phénomène peut avoir lieu dans les autres solvants solvolyse, par exemple le sulfolane (tétraméthylène-sulfone), que
amphiprotiques, mais alors les réactions de solvolyse : l’on pourra observer les propriétés de BCl3 dissous, comme un
complexe plus ou moins stable (selon l’effet ionisant de la solva-
M z+ + i HS ⇔ MSi + i H+ tation sur les liaisons B-Cl).
conduisent à d’autres espèces dissoutes (ou éventuellement préci- ■ On remarquera également que les solvants amphiprotiques ne
pitées) que les hydroxydes : alcoolates dans les solvants du type sont pas seuls à donner des effets de solvolyse. D’autres dissocia-
alcool, amidures dans l’ammoniac liquide, acétamidures dans l’acé- tions ioniques de la molécule de solvant sont possibles, comme par
tamide liquide, fluorures dans HF liquide, acétates dans l’acide acé- exemple dans le cas de l’oxychlorure de phosphore (V) ou du tri-
tique anhydre, etc. Par suite, les forces acides apparentes des ions chlorure d’antimoine fondu :
métalliques diffèrent considérablement d’un solvant à un autre
— oxychlorure de phosphore (V) :
(dépendant de la stabilité des complexes avec S –, de la constante
+
d’autosolvolyse KHS et de l’effet ionisant du solvant lié à son pou- 2POCl3 ⇔ PO Cl 2 + Cl–, POCl3 (Cl– solvaté) ;
voir de solvatation).
— trichlorure d’antimoine :
Considérons à titre d’exemple le cas des cations métalliques en + –
solution dans l’acétamide (AcNH2, utilisable comme solvant à tem- 2SbCl3 ⇔ Sb Cl 2 + SbCl 4 (Cl– solvaté).

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Dans ces solvants, la solvolyse est produite, d’une part, par Le taux de dissociation τ du composé AB, à la concentration
les accepteurs de l’anion Cl–, d’autre part, par les accepteurs du totale c, est relié à Kpi (τ est la solution positive de l’équation
cation S + (le solvant étant représenté par S Cl), au lieu de H+ dans le Kpi cτ 2 + τ – 1 = 0) dont la valeur théorique est exprimée, en pre-
cas des solvants amphiprotiques. Les accepteurs de S + sont les mière approximation, par la formule de Denison et Ramsey (1955) :
« bases », suivant la conception générale de Lewis, ce qui conduit à
envisager une généralisation des concepts d’acidité et de systèmes a zA zB 1
lg Kpi = --------------------------- --- + b (56)
« acide-base ». 2,3 k B Td m ε

(le coefficient a/2,3kBT valant environ 24 nm à température ordi-


4.1.3 Formation de paires d’ions dans les solvants naire). Le terme en 1/ε correspond à l’énergie électrostatique à four-
de faible permittivité relative nir pour séparer les deux ions appariés, c’est-à-dire pour les
éloigner de leur distance minimale d’approche dm jusqu’à l’infini. Le
Jusqu’ici, nous avons admis que tous les composés ionophores terme b (terme d’effet entropique correspondant au passage d’une
en solution se comportent en électrolytes forts, complètement dis- espèce à deux espèces) est négligeable en première approximation.
sociés en leurs ions (solvatés) qui n’exercent les uns sur les autres
que des interactions électrostatiques faibles justiciables de la théo-
rie de Debye et Hückel (étendue). Mais il a été observé, dans un cer- De la relation (56), on déduit que les constantes de formation
tain nombre de solvants, que ces composés obéissent aux lois de paires d’ions pour des ionophores constitués d’ions de
observées pour les électrolytes faibles, c’est-à-dire incomplètement même charge ne diffèrent, dans un même solvant, que par les
(voire très peu) dissociés. Un tel comportement ne peut être inter- distances minimales d’approche des ions, et sont ainsi du même
prété que par l’existence d’une agrégation des ions entre eux, fai- ordre de grandeur.
sant par conséquent diminuer la concentration des ions libres par
rapport à ce que devrait fournir la dissociation totale, ce qui entraîne La figure 2 représente, à titre d’exemple, les valeurs de lg Kpi dans
l’affaiblissement de la conductivité ionique. Ces agrégats ioniques, divers solvants pour deux ionophores courants (le sel organique
et en particulier les plus simples, les paires d’ions (un cation et un présente l’intérêt d’une solubilité assez grande dans tous les sol-
anion associés) électriquement neutres, ne sont pas des complexes vants organiques, ce qui n’est pas le cas de KCl). Ces valeurs sont
car aucune liaison covalente n’y est mise en jeu : il ne s’agit que portées sur le graphe en fonction de la permittivité relative des sol-
d’interactions électrostatiques coulombiennes (ion-ion). vants, en même temps qu’une courbe correspondant à la relation
Il a été montré (N. Bjerrum, 1926), que la cause de ce phénomène théorique (56) (pour dm = 0,65 nm et b = 0). Compte tenu du fait que
est la faible permittivité relative du solvant. En effet, deux ions de dm est variable, non seulement d’une paire d’ions à une autre, mais
charges contraires se trouvent soumis, dans un milieu de permitti- également, pour la même paire d’ions, d’un solvant à un autre (cor-
vité relative ε, à deux sollicitations qui s’opposent : respondant à des changements des coquilles de solvatation, en
interpénétration plus ou moins grande), les valeurs expérimentales
— l’attraction coulombienne, dont l’énergie potentielle est pro-
sont en accord satisfaisant avec la loi en 1/ε.
portionnelle au produit des deux charges, inversement proportion-
nelle à la distance dm entre les centres des deux ions, et
inversement proportionnelle à la permittivité relative ε (le solvant
étant assimilé à un milieu continu) ;
— l’agitation thermique, qui joue au contraire le rôle d’une action
dissociante, puisqu’elle tend à éloigner les uns des autres les ions lg Kpi
rapprochés électrostatiquement.
16,75
C’est lorsque l’attraction coulombienne devient plus forte que
l’agitation thermique, donc en dessous d’une certaine valeur de la 15
permittivité relative du milieu, que des ions peuvent être maintenus
Solvant : Benzène

Chlorobenzène

au contact ou au voisinage l’un de l’autre sans effet de dissociation


Acide acétique

par l’agitation thermique.


Une approche théorique du phénomène a été proposée (Denison
et Ramsey, 1955) sur des bases thermodynamiques, en restreignant
le concept de paire d’ions aux couples d’ions situés au voisinage 10
Dichloroéthane

immédiat l’un de l’autre. De ce point de vue, plusieurs sortes de


paires d’ions ont dû être distinguées (Fuoss, 1954) :
— les paires d’ions solvatés : les ions de charge opposée sont 7,7
Pyridine

accouplés en conservant individuellement leur coquille de solvata- 6,9


Acétonitrile
Éthanol

Méthanol

tion (dm est alors relativement grande) ; ε


Acétone

5,8
— les paires d’ions de contact : les ions associés sont au contact 5
direct l’un de l’autre, sans interposition de molécules de solvant ;
c’est donc la paire des ions accolés qui se trouve solvatée, c’est-à- 3,65
dire entourée d’une coquille de molécules de solvant (dm est alors la 2,9
2
plus faible, égale à la somme des rayons des ions « secs ») ; 1,4 1,2
1,65
— enfin, les paires d’ions à couche de solvatation dite partagée, 1,15 1,15
cas intermédiaire dans lequel des molécules de solvant restent 0
interposées entre les deux ions appariés, en faisant partie de leurs 0 10 20 30 ε
deux coquilles de solvatation à la fois. Picrate de tétrabutylammonium
La formation d’une paire d’ions obéit à la loi des équilibres Chlorure de potassium
(A + + B – ⇔ A +B –, par exemple) et peut donc être caractérisée (for- La courbe est la représentation de l’équation théorique (56) pour
mellement, comme pour un complexe) par une constante de forma-
36,9
tion de paire d’ions : d m = 0,65 nm et b = 0 ( lg Kpi = )
ε
+ –
[A B ]
Kpi = -----------------------
+ –
(55) Figure 2 – Constantes de formation de paires d’ions en fonction
[A ][B ] de la permittivité relative ε

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À partir des valeurs expérimentales de Kpi , il est possible de cal- favorable à la stabilité du milieu (et en même temps, en rend la
culer les divers taux de dissociation τ des ionophores dissous, selon manipulation plus aisée). Les sels mélangés sont, le plus souvent,
leur concentration totale (τ augmentant avec la dilution). Par exem- des sels à anion commun et à cations différents. Trois types peuvent
ple, le taux de dissociation calculé pour KCl en solution 0,1 M dans être distingués selon l’anion :
l’acétonitrile (ε = 36,2, lg Kpi = 1,2) est de 53,7 % : presque la moitié — les halogénures, essentiellement les chlorures et les fluorures,
du sel est donc sous forme de paires d’ions. La valeur de τ s’élève à ainsi que les pseudohalogénures (thiocyanates alcalins) ;
98,5 % pour la concentration 10–3 M. Le même sel en solution dans — les sels à oxyanion (et cation alcalin, principalement) : les
l’acide acétique (ε = 6,2, lg Kpi = 6,9) présente un taux de dissocia- carbonates, les nitrates et nitrites, les sulfates, hydrogénosulfates
tion calculé de 1,1 % en solution 10–3 M et de 0,1 % seulement en (« bisulfates ») et disulfates (« pyrosulfates »), les phosphates, les
solution 0,1 M. Dans ce dernier cas, les paires d’ions sont donc très borates, les silicates, etc., ainsi que les hydroxydes (qui sont, du
largement prédominantes (99,9 %) et l’on est en droit de considérer point de vue qui nous intéresse, assimilables aux sels fondus) ;
la dissociation ionique comme un phénomène mineur, même en — les sels à anion organique, tels que les formiates et les acé-
solution diluée. tates.
En résumé, la formation des paires d’ions, phénomène prati- Dans le cas des mélanges binaires, la courbe de liquidus du dia-
quement inobservé (sauf cas d’ions très petits et fortement char- gramme d’équilibre des phases définit, en fonction de la composi-
gés) pour ε > 50 environ (cas de H2O, ε = 78, du formamide, tion du mélange, la température minimale d’existence de la phase
ε = 110, de l’acide sulfurique, ε = 101, du carbonate de propy- liquide seule. Quelques exemples sont représentés sur la figure 3
lène, ε = 65, du DMSO, ε = 46, etc.), devient appréciable pour [pour d’autres systèmes, consulter : Physical Properties Data
ε < 30 environ (cas de l’éthanol, ε = 25, de l’ammoniac liquide, Compilations Relevant to Energy Storage - IV. Molten Salts, par
ε = 22, de l’acétone, ε = 21, de l’éthylènediamine, ε = 13, etc.) et G.J. Janz et R.P.T. Tompkins, N.B.S. Publ. (U.S.), (1981)].
prépondérante (pratiquement plus de dissociation ionique) pour Trois cas se présentent :
ε < 10 (cas du THF, ε = 7,6, du diméthoxyéthane, ε = 7,2, de — le cas où les deux composants forment, en toute proportion,
l’acide acétique, ε = 6,2, du chloroforme, ε = 4,8, du benzène, une solution solide à l’état cristallisé : cela se traduit quelquefois par
ε = 2,3, du dioxanne - 1,4 et du tétrachlorure de carbone, ε = 2,2, une variation monotone du liquidus entre les températures de
etc.), en raison de l’importance que prennent dans de tels fusion des deux composants (mélanges KCl-RbCl, par exemple),
milieux les interactions coulombiennes. Dans ces derniers sol- mais plus souvent par l’apparition d’un minimum, pour une compo-
vants, il devient ainsi pratiquement impossible de réaliser des sition qui est la plus favorable pour opérer, dans le mélange consi-
électrolyses, malgré l’existence de composés ionophores pré- déré, à la plus basse température possible (mélanges KCl-NaCl,
sentant une forte solubilité, ou alors au prix d’une résistivité éle- LiBr-NaBr, KNO3-NaNO3, KBO2-NaBO2, etc.) ;
vée de la solution « électrolytique », se traduisant par une forte — le cas où les deux composants cristallisent, à partir d’un
chute ohmique de tension (d’où une déperdition d’énergie mélange fondu, chacun à l’état pur (ou presque : solution solide
considérable par effet Joule). limitée) : il se forme alors un eutectique, dont la composition corres-
pond également à une température minimale de solidification du
mélange (mélanges LiCl-KCl, LiF-KF, NaF-KF, LiBO2-NaBO2, NaOH-
KOH, CaCl2-LiCl, PbCl2-NaCl, etc.) ;
4.2 Sels fondus — le cas où il se forme entre les deux constituants une ou
plusieurs combinaisons définies solides, à fusion congruente
(CaCl2-KCl, 2PbCl2-KCl, AlF3-3NaF et AlF3-NaF...) ou non congruente
Les sels ionisés à l’état fondu constituent une autre classe d’élec- (PbCl2-2KCl, MgCl2-NaCl et MgCl2-2NaCl, 3AlF3-5NaF...). Les pre-
trolytes, fortement conducteurs du fait qu’ils sont constitués exclu- mières correspondent à des maximums du liquidus ; des eutecti-
sivement d’ions (sans molécules de solvant), mais dont la ques apparaissent alors pour des compositions intermédiaires.
température d’emploi peut être beaucoup plus élevée que la nor-
male. On peut aussi les considérer comme une nouvelle classe de L’existence d’un composé défini à l’état solide correspond généra-
solvants, les solvants ionisés (par distinction des solvants lement à celle d’une espèce complexe se formant entre l’un des
moléculaires) : dans ces liquides comme dans les autres solvants cations métalliques et l’anion. Par exemple, le complexe PbCl 2–
4 cor-

précédemment considérés, on peut également dissoudre diverses respond au composé PbCl2 - 2KCl, Al Cl 4 à AlCl3 - NaCl, etc. Les
substances et les faire réagir entre elles, suivant des réactions en mélanges fondus de même composition (et au voisinage de celle-ci)
solution (à haute température) analogues à celles réalisées en solu- contiennent également cette espèce complexe (partiellement dis-
tion aqueuse ou non aqueuse à température ambiante. Opérer des sociée éventuellement). C’est ainsi que l’on peut désigner par
réactions chimiques en milieu liquide à température élevée offre tétrachloroaluminate de sodium fondu le mélange équimolaire
deux avantages pratiques substantiels : AlCl3-NaCl fondu (que l’on écrira NaAlCl4).
— d’abord, la plupart des réactions y sont beaucoup plus rapides L’existence d’eutectiques ternaires (comme avec le mélange
qu’à la température ambiante ; elles obéissent de ce fait presque LiF-NaF-KF, désigné couramment par l’abréviation de « FLiNaK »)
toujours aux lois des équilibres chimiques ; procure la possibilité d’abaisser encore la température limite
— ensuite, les réactions étant contrôlables comme le sont les d’état liquide par rapport aux eutectiques binaires des trois com-
autres réactions en solution — la température également peut être posants pris deux à deux.
contrôlée plus aisément qu’avec des milieux hétérogènes solide- L’utilisation, à la place des cations alcalins, de cations organiques
gaz —, les possibilités de sélectivité réactionnelle y sont aussi gran- volumineux peut conduire à des mélanges à très basse température
des que celles offertes par les solutions usuelles. de fusion, voire à des solvants ionisés liquides à température
ambiante. C’est par exemple le cas de l’eutectique 2AlCl3 - bromure
de N-éthylpyridinium, liquide à partir de – 40 oC. La température de
4.2.1 Sels fondus les plus couramment utilisés fusion du tétrachloroaluminate de N-(n-butyl) pyridinium est de
comme électrolytes et comme milieux 27 oC seulement (au lieu de 154 oC pour Na AlCl4).
réactionnels Une autre possibilité d’obtention de milieux ionisés liquides à
température peu élevée consiste à faire appel à un certain nombre
Plus souvent que des sels purs, ce sont des mélanges de sels qui d’hydrates salins qui fondent sans décomposition notable :
sont utilisés. Le premier intérêt de ces mélanges (binaires, ternaires, Na2SO4 , 10H2O (θF = 31,5 oC), LiNO3 , 3H2O (θF = 29,9 oC), CaCl2 ,
voire quaternaires) est d’être liquides à des températures plus bas- 6H2O (θF = 29,8 oC), Ca(NO3)2 , 4H2O (θF = 42,7 oC), etc. De tels
ses que chacun des composants purs, ce qui est fréquemment plus composés sont assimilables à des sels fondus car les molécules

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850
800
θ (°C) θ (°C)
800 KCl + NaCl LiCl + KCl
Liquide 700 Liquide

750

Eutectique
600

700
500
Liquide Liquide
650 + +
400 LiCl KCl

600
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
NaCl (% en moles) KCl (% en moles)

800
220

(2 liquides)
CaCl2 + KCl Liquide NaCl
θ (°C) θ (°C) +
750 200 AlCl3
Liquide
180
700 Liquide
Liquide +
+ CaCl2 , KCl 160
650 CaCl2
Liquide
+ 140
KCl
600
120

550 100
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
KCl (% en moles) AlCl3 (% en moles)

1 000
θ (°C)
θ (°C)
1 000
NaF + KF Liquide
900 Liquide
+
Na3AlF6
900 NaF + AlF3
Liquide
800

800 Liquide
700 +
NaAlF4

700
600
0 20 40 60 80 100 0 10 20 30 40 50 60
KF (% en moles) AlF3 (% en moles) Figure 3 – Domaines d’état liquide de divers
mélanges de sels

d’eau restent associées aux cations métalliques, qui se présentent cependant la température de destruction de ces derniers). Avec les
z+
donc comme des espèces complexes cationiques M ( H 2 O ) n [par sels inorganiques anhydres, la limite intervient à température
2+
exemple, Ca ( H 2 O ) 4 dans le dernier exemple cité, dont la pression encore peu élevée si l’on a affaire à un anion peu stable subissant
de vapeur d’eau, est, à 60 oC, encore inférieure à 4 × 10–2 atm une décomposition ; par exemple :
(≈ 4 × 10–2 bar)]. D’autres composés analogues aux hydrates,
– 2–
comme les ammoniacates, dans lesquels un solvant autre que l’eau 2 HSO 4 ⇔ S2O 7 + H2O
remplace cette dernière, ont pu être également utilisés comme
milieux ionisés à bas point de fusion. réaction transformant l’hydrogénosulfate fondu en disulfate, dont la
température de fusion est plus élevée (414 oC pour K2S2O7, 207 oC
En ce qui concerne les limites supérieures de température pour KHSO4) ; à plus haute température, le disulfate à son tour se
d’emploi, celles-ci dépendent de la stabilité thermique des consti- décompose :
tuants. Les composés à cation ou à anion organique ont de ce point 2– 2–
S2O 7 ⇔ SO 4 + SO3
de vue un domaine de température d’emploi fort limité, de même
que les hydrates salins à cause de leur déshydratation (l’imposition Avec les sels à anion simple thermiquement stable, c’est la
d’une pression de vapeur d’eau suffisamment élevée rehausse volatilisation de l’un des composants qui est cause d’une limite

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2– 2–
supérieure de leurs températures d’utilisation. Ainsi, les tétrachlo- chlorures alcalins fondus est ZnCl 4 , tandis que Zn( OH ) 4 est celle
roaluminates alcalins se détruisent par évaporation (de Al2Cl6 et de du même ion dans les hydroxydes alcalins fondus.
M AlCl4) lorsque la température dépasse 400 à 500 oC. Même un
mélange aussi stable que NaCl-KCl ne peut être employé à tempéra- ■ Concernant l’écriture des formules des espèces solvatées, on
ture supérieure à environ 1 100 oC pour laquelle les pressions de remarquera qu’il est usuel, dans les solvants moléculaires, de sim-
vapeur des deux constituants sont déjà voisines de 5 × 10–2 atm plifier celle-ci en faisant abstraction des molécules de solvant asso-
(≈ 5 × 10–2 bar). ciées au soluté. On peut faire de même dans le cas des solutions
dans les sels fondus, c’est-à-dire écrire, par exemple pour désigner
2–
l’ion du zinc (II) à l’état solvaté, Zn2+ au lieu de ZnCl 4 dans les chlo-
4.2.2 État des composés dissous dans un sel fondu 2–
rures alcalins fondus et de Zn( OH ) 4 dans les hydroxydes alcalins
fondus (malgré la différence de charge que cela fait apparaître entre
Un composé mis en solution dans un sel fondu s’insère dans la l’espèce écrite et l’espèce réelle, dont la nature exacte est d’ailleurs
structure ionique de celui-ci (après avoir éventuellement subi une fréquemment ignorée).
dissociation), généralement sous forme de solutés ioniques. La
structure du sel fondu, plus relâchée et désordonnée que dans l’état Les différences d’état de solvatation (que la formulation des espè-
cristallin, permet des solubilités élevées (voire des miscibilités com- ces ne montre pas) ont pour conséquence capitale, comme avec les
plètes). Tout soluté se trouve ainsi soumis, comme avec les solvants solvants moléculaires, des modifications de réactivité par change-
moléculaires, au phénomène de solvatation par les espèces du sel ment du sel fondu solvant. Ces modifications sont particulièrement
fondu servant de solvant, mettant en jeu des interactions de type importantes dans le cas des ions métalliques qui se dissolvent à
électrostatique (coulombiennes), mais aussi, fréquemment, de l’état de complexes stables avec les anions du solvant.
coordination cation-anion (interaction spécifique). De la sorte, si Des effets semblables se produisent dans le cas des solutés
dans certains cas des ions solutés se trouvent à l’état « libre », ne anioniques. L’un de ceux-ci, qui joue un rôle particulièrement émi-
subissant que l’effet électrostatique des ions du solvant situés au nent dans les milieux fondus à température élevée, est l’anion

voisinage (par exemple, les ions Na+ et NO 3 du nitrate de sodium oxyde O2–. Cet anion simple existe fréquemment à l’état « libre »,
dissous dans LiCl-KCl fondu), la plupart des ions métalliques en c’est-à-dire sans interaction de solvatation autre que l’interaction
solution dans les sels fondus s’y trouvent à l’état de complexes for- coulombienne avec les ions environnants du sel fondu (la force
més avec les anions du solvant, complexes qui constituent les for- d’interaction varie néanmoins selon le sel considéré, correspondant
mes solvatées de ces ions métalliques. Dans l’eutectique LiCl-KCl à un « pouvoir solvatant » de celui-ci plus ou moins fort). Parfois,
par exemple, il s’agit majoritairement de complexes chlorure (on la solvatation de O2– conduit à des combinaisons chimiques
note que ces complexes sont anioniques, c’est-à-dire de charge de stables avec un ion du sel fondu [comme SO 2– 4 dans les disulfates

signe contraire de celle des cations d’origine). La nature de l’espèce (O2– + S 2 O 2– → 2 SO 2– ) ou Al2OCl 5 dans les chloroaluminates (O2–
– 7 –4
solvatée d’un même cation métallique dépend donc de celle de + 2 AlCl 4 → Al2OCl 5 + 3 Cl )], correspondant à un pouvoir de solva-

l’anion du solvant fondu. Ainsi, la forme solvatée du zinc (II) dans les tation beaucoup plus fort encore.

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