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Comparaison du rapport mère-fille

chez Beauvoir et Irigaray

Il y a plusieurs thèmes qui traversent la littérature féministe, y compris le rapport entre

une femme et son propre corps et l’identité, mais le sujet du rapport mère-fille est largement

absent dans la littérature générale. Dans un livre sur le sujet, Adrienne Rich a écrit en 1979,

« We acknowledge Lear (father-daughter split), Hamlet (son and mother), and Oedipus (son and

mother) as great embodiments of the human tragedy; but there is not presently enduring

recognition of . . . the loss of the daughter to the mother, the mother to the daughter. » (Rich 237)

Le sujet est très discuté parmi les théoriciennes féministes. Hirsch explique que « There can be

no systematic and theoretical study of women . . . that does not take into account woman’s role

as a mother of daughters and as a daughter of mothers, that does not study female identity in

relation to previous and subsequent generations of women » (Hirsch 202)

Ce sujet est particulièrement absent dans la littérature. Au milieu du 20e siècle, plusieurs

femmes écrivains ont commencé à parler de ce rapport entre elles-mêmes et leurs mères. Deux

féministes très connues, Simone de Beauvoir et Luce Irigaray, ont écrit sur le sujet. Beauvoir a

écrit un petit livre autobiographique qui raconte la mort de sa mère, et Irigaray a composé un

essai qui semble plus comme une affirmation philosophique. Leurs textes respectifs abordent

audacieusement ce sujet et contribuent à la discussion deux perspectives différents, mais malgré

cette divergence, ces deux essais reflètent que le rapport mère-fille est un qui est plein

d’ambivalence. Chaque philosophe a une approche très différente, et en abordant le sujet elles

reconnaissent le même problème et les mêmes conséquences à la fois qu’elles présentent au

 
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lecteur/lectrice deux interprétations différentes du catalyseur de ce qu’Adrienne Rich a appelé

« la tragédie femelle essentielle » (237)

Simone de Beauvoir est une des philosophes féministes les plus célèbres. On dirait

qu’elle est responsable pour le mouvement féministe moderne. Avant la publication de Le

Deuxième sexe en 1949, l’œuvre qui a établi sa position à la tête du mouvement féministe, il n’y

avait pas encore de mouvement féministe radical en France. (Deutshcer 7) En fait, on a appelé

Beauvoir « our first generation feminist Mother ». (Kaufman 131) Son longue carrière est

caractérisé par des œuvres qui démontrent son appel aux toutes femmes de trouver leur

autonomie. On a appelé Le Deuxième sexe, « la Bible » de féminisme. Sa philosophie est

fondée sur l’existentialisme et centre sur la poursuite d’égalité entre les sexes. Simone de

Beauvoir ne s’est jamais considérée comme une philosophe, mais Le Deuxième Sexe l’a établie

au premier plan du féminisme ainsi qui l’existentialisme. (Simons 14-15)

Bien connue pour son rapport avec le grand philosophe existentialiste Jean-Paul Sartre,

Beauvoir sera liée éternellement à l’existentialisme, une philosophie qui est fondé sur l’axiome

que la nature humaine n’existe pas, et donc une « nature féminine » ne pourrait pas exister. Pour

Simone de Beauvoir, l’identité d’une femme n’est pas liée à une vérité ou un fait biologique,

mais c’est en fait un produit de la « situation » de la femme qui existe en opposition à celle de

l’homme. (Simons 19) Simone de Beauvoir maintien qu’une femme peut avoir une identité – un

Moi – seulement quand elle se débarrasse des contraints imposés sur elle par la société, en

particulière, les rôles de mère et femme. Selon Beauvoir, ces rôles sont attribués aux femmes à

cause des fonctions biologiques du corps. La femme ne sera libre que quand elle vainc cette

féminisation créée par la société. Pour être égale à l’homme, il faut qu’elle perde la féminité qui

la sépare et qui la fait « l’Autre ». La philosophie de Beauvoir conclue que la maternalité est

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nuisible à la liberté et l’identité d’une femme, et que les mères courront toujours le risque de se

perdre dans ce rôle.

Toute sa vie, Beauvoir a lutté pour les droits de la femme – comme l’avortement, les

droits économiques, et la contraception – qui assureraient aux femmes une place sociale égale à

celle des hommes. Beauvoir est aussi bien connue pour avoir mis en question « la validité du

concept de l’instinct maternel. » (Patterson 88) Dans un entretien avec Alice Schwarzer en 1984,

Beauvoir a exprimé franchement ses sentiments sur le sujet de maternité : « Même si une femme

a envie d’avoir des enfants, elle doit bien réfléchir aux conditions dans lesquelles elle devra les

élever, parce que la maternité, actuellement, est un véritable esclavage. » (cité dans Patterson 87)

Peut-être cette position apparemment extrême et inflexible est le produit de

l’ambivalence, l’hostilité, et la tension émotionnelle qui a caractérisé le rapport avec sa propre

mère. Beauvoir a écrit plusieurs romans dont les thèmes se concentrent sur le mélange d’amour

et de domination qu’elle associait au rapport mère-fille à cause de son propre enfance. (Patterson

105) Beauvoir est née en 1908 à une famille bourgeoise, où dès l’enfance elle observait sa mère,

qui elle a décrit comme autoritaire et provinciale, se perdait dans les rôles traditionnels de mère

et femme, Françoise de Beauvoir s’occupait des enfants et des besoins de son mari, et ces deux

obsessions l’ont causé à essayer de trouver son raison d’être dans les enfants, et l’échec de cette

poursuite a créé une faille dans leur rapport. La jeune Simone a conclu que la maternalité

entrave la femme.

Une mort très douce (1964) est un texte autobiographique qui raconte l’expérience vivait

par Beauvoir, comme une adulte, pendant la maladie et la mort de sa mère, et les conséquences à

la suite de l’expérience. Cet essai occupe une place très spéciale dans l’écriture féminine à cause

de son sujet. Plus rare qu’un texte qui adresse le rapport mère-fille est un qui aborde l’effet de

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la mort d’une femme sur sa fille. « Whereas the weighty or tragic circumstances of men’s deaths

often occupy a central place in literature, women’s deaths have rarely been recorded. » (Kadish

636)

Le texte s’est divisé en huit parties qui distinguent les phases différentes de l’expérience.

L’ordre de ces parties suive trois progressions enlacées qui se présente peu à peu pendant trente

jours : celle de la fille tandis qu’elle fait une progression d’une fille adulte indépendante à une

fille liée encore à sa mère ; celle de la mère qui passe de la vie à la mort ; et une autre

transformation qui a lieu quand la mère progresse de femme restreint par les limites imposés par

la société bourgeoise à une femme libre de ces contraints. (Kadish 631) Le texte commence

avec une distance à la fois personnelle et géographique, mais peu à peu cette distance diminue

jusqu’à la point où Simone, la fille adulte et indépendante de sa mère, se trouve enfermée dans la

chambre de Françoise, se rendant compte de l’identité qu’elles partagent. Dans la première

partie du texte, l’idée de séparation entre la mère et la fille se manifeste dans la distance

géographique entre eux. Simone est à Rome quand elle apprend de l’accident de sa mère à Paris.

De plus, c’est un voisin qui la téléphone, et Simone ne parle pas à sa mère tout de suite ; elle

discute de l’incident avec des autres avant d’appeler enfin sa mère pour annoncer son retour à

Paris. L’emploi de ces intermédiaires souligne plus profondément cette distance.

La description de leur première rencontre au chevet de Françoise est assez négative. A

l’instant quand Simone s’approche sa mère, Françoise commence à la critiquer, et Simone

devient sur la défensive. La visite continue à exemplifier les relations tendues. Simone raconte

« Elle m’écouta d’un air incrédule », et plus tard sur la page quinze elle décrit la malaise de sa

mère : « cette agitation ne cessa pas un instant. » (14-15) On dirait que ce comportement n’est

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que une projection de peur sur sa fille, mais il faut tenir compte de la méfiance de chacune vers

l’autre.

Un élément de ce texte assez frappant est la manière dans laquelle Beauvoir démontre la

doctrine centrale de sa philosophie : l’idée que la femme sera libre seulement quand son identité

n’est plus attachée aux fonctions biologiques de son corps. « Liberated from the constraining

reproductive, social, and domestic functions imposed on her by society, the mother experiences a

heightened freedom that enables her actively to assert her independence. » (Kadish 633) L’essai

montre une progression de la mère familière à Simone à une qui est assez émancipée. Elle décrit

la nouvelle attitude de sa mère face à la mort : « Sa maladie avait fracassé la carapace de ses

préjugés et de ses prétentions : peut-être parce qu’elle n’avait plus besoin de ces défenses. Plus

question de renoncement, de sacrifice : le premier de ses devoirs était de se rétablir donc de

soucier de soi ; s’abandonnant sans scrupule à ses désirs, à ses plaisirs, elle était enfin délivrée du

ressentiment. » (Beauvoir 91)

Contrairement à Beauvoir, Luce Irigaray croit que les femmes qui nient qu’elles sont

différentes aux hommes, qui se prive de leur féminité afin d’acquérir l’égalité se fond du tort

parce que au lieu de gagner la vraie égalité comme individus libres, elles absorbent une identité

masculine dont les paramètres sont définis par l’homme. « Women merely “equal” to men

would be “like them,” therefore not women. » (Irigaray 1985, 166) Donc, la femme doit créer sa

propre langue, une parler-femme qui permet à elle d’exister à côté de l’homme comme une égale

à l’homme, mais tout en restant femmes. Irigaray croit que pour achever ce but, il faut cultiver le

rapport mère-fille et retourner à un état pré-Œdipe dans lequel les rapports entre les femmes ne

sont pas limités par le vocabulaire masculin – le phallogocentrisme – qui empêche les femmes de

nouer des rapports de qualité l’une avec l’autre. Le rapport mère-fille et la maternalité sont des

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choses auxquelles, malgré étant considérée comme une source d’ambivalence et d’hostilité, la

femme doit s’intéresser en créant un parler-femme.

Luce Irigaray et plusieurs autres femmes qui ont fondé le deuxième vague de féminisme

dans les années soixante-dix avaient une formation en psychanalyse. Beauvoir était toujours

méfiante de la psychanalyse, et quand Irigaray l’a envoyé son manuscrit de Speculum de l’autre

sexe, elle n’a jamais répondu. Dans les brèves correspondances qu’elles ont eues, Irigaray a

commenté qu’elles n’ont jamais parlé de la libération de la femme. (Irigaray 1993, 10-11)

Irigaray et des autres, comme Hélène Cixous, admettaient volontiers l’importance de Le

Deuxième sexe comme œuvre fondateur du féminisme contemporain, mais elles gardaient leur

distance avec la philosophie beauvoirienne à cause de sa « perspective masculine » ; les critiques

ont condamné le livre comme « version féministe de l’existentialisme de Jean-Paul Sartre. »

(Vintges 134) Lorsque le féminisme de Simone de Beauvoir souligne l’importance de

l’autonomie économique et politique, ce de Luce Irigaray prend une approche radicalement

différent.

Luce Irigaray a préparé trois doctorats en linguistique, philosophie, et psychanalyse. Sa

philosophie maintient qu’il faut reconnaître les différences entre les sexes. Elle trouve faute avec

l’idée d’égalité qui est la base de féminisme beauvoirien. Selon Irigaray, en échange pour la

vraie égalité (beauvoirienne) entre les sexes, les femmes seraient obligées à abandonner leur

féminité et devenir plus comme les hommes. C'est-à-dire, pour Irigaray, une assimilation vers le

masculin n’est pas du tout une mesure d’égalité.

Haigh donne une interprétation très utile de la philosophie irigarayenne. Irigaray a

théorisé que le problème le plus grave qui gêne l’égalité entre les sexes est le système d’échange

créé par l’homme dans lequel la femme n’est qu’un produit, un objet d’échange parmi les

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hommes. Dans ce système, la valeur de la femme dépend de son rapport avec un homme, et il

n’y a que deux « places » possibles qu’elle peut occuper. Comme une vierge, la fille appartient

à son père jusqu'au jour où le père est remplacé par un autre homme, son mari, et elle devient

femme et mère de ses enfants. Elle échange le nom de son père pour celui de son mari, et en

produisant des héritiers, elle est responsable pour la continuation de la généalogie paternelle.

Les liens maternels sont brisés, et vivantes dans ce système phallogocentrique dans lequel tous

les symboles (la langue) sont créés et gouvernés par l’homme, les femmes n’ont pas de méthode

pour symboliser leurs rapports maternels. (Haigh 62-64)

Dans un article par Marianne Hirsch elle explique bien l’idée central à Irigaray en

demandant « whether all our theories about women’s sexuality and mothering are not still so

enmeshed in the language of male thinkers that our very experiences as we describe them

become a shadowing forth of some man’s theory. » (Hirsch 200)

« Et l’une ne bouge pas sans l’autre » (1979) représente une nouvelle phase dans la

philosophie de Luce Irigaray. Son utilisation du double-pronom, “toi/moi”, représente son désir

pour un nouveau discours, un « parler-femme » qui, pourrait exprimer le discours féminin l’une à

l’autre. Irigaray appartient à un groupe des féministes qui croient que le phallogocentrisme est le

vrai obstacle qui retarde l’égalité de la femme. « Symbolic discourse. . . is another means

through which man objectifies the world, reduces it to his terms, speaks in place of . . . everyone

else – including women. » (Jones 248) Elle a introduit ce concept dans « Quand nos lèvres se

parlent », et elle emploi le technique dans « Et l’une ne bouge pas sans l’autre ». (Hirsch 209-

210) On dirait que « Et l’une ne bouge pas sans l’autre » est une tentative de fournir un moyen

de rouvrir les liens de communication entre une fille est sa mère.

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Irigaray postule qu’on peut déterminer la source de plusieurs maladies sociales en

examinant la structure de la langue. La langue est composée des symboles, mais ces symboles

sont créés par l’homme. Sans moyen de l’exprimer, la femme est forcée à s’adapter et à exister

dans une société où le phallogocentrisme est imposé à elle, perpétuant son statut inférieur. Les

theories de psychanalyse était très à la mode à l’époque, et ces idées parcourent ses oeuvres.

Karen Vintges explique: « Feminist theoreticians such as Luce Irigaray . . . have sought to

develop an écriture feminine, arguing that femininity lies outside the dominant subject form in

Western society. » (Vintges 134) Pour exprimer ce point dans Je, tu, nous, Irigaray utilise

l’exemple du moissonner et la moissonneuse. Même si la personne qui fait le travail est femme,

elle sera le moissonneur. Le sujet, lui qui fait l’action, est masculin, et la moissonneuse et

l’outil, ou l’objet féminin, utilisé et manipulé par le sujet masculin. (Irigaray 1993, 128) Selon

Irigaray, il est nécessaire de créer un parler-femme qui permettra le discours entre les femmes

comme sujets. C’était en poursuite de cette parler-femme qu’en 1979, quinze ans après de

Beauvoir avait décrit la mort de sa mère, Luce Irigaray s’est mise à aborder la nature complexe

du rapport mère-fille.

Pour comprendre la conceptualisation d’Irigaray sur la maternalité, il faut d’abord avoir

une vue d’ensemble de sa philosophie et de ses racines freudiennes. Elle a causé une controverse

en 1979 quand son deuxième thèse, Speculum de l’autre femme, a contesté le

« phallogocentrisme » et le freudisme qui dominait tout discours psychanalyse à l’époque.

(Caws et al. 50)

Le discours freudien se focalise autour de concept du complexe Œdipe. Selon Freud, la

femme n’est qu’un eunuque, un homme incomplet et imparfait, et donc l’hostilité entre la mère

et la fille est causé par la compétition entre les deux et le désir de la fille à s’identifier avec le

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père plus qu’avec la mère à cause de l’envie du pénis. (Jones 250) Dans la phase pré-Œdipe, la

fille est très attachée à sa mère, mais quand à la puberté elle découvre qu’elle manque un pénis

complet toute comme sa mère, elle est déçue à se trouver la pareille de sa mère ; le résultat de ce

découvert est l’hostilité entre mère et fille. Selon Freud, ce complexe n’aura résolution que

quand la fille commence encore à s’identifier avec la mère. Selon Irigaray, toutes femmes dans

une culture patriarcale connaissent la folie à cause de « la séparation radicale des mères et filles,

ainsi que des femmes d’elles-mêmes et des autres femmes. » (Haigh 62)

L’essai est souvent décrit comme un dialogue entre une fille adulte et sa mère, mais c’est

en fait une conversation unilatérale ; ce n’est que la fille qui parle et on n’entend pas la mère. La

fille narratrice adresse ses pensées et réflexions à sa mère, et elle pose plusieurs questions. On

n’attend pas de réponse ; c’est comme si la mère n’est plus capable de répondre (peut-être elle

est morte). La mis en page implique que ce sujet n’est pas facile à aborder. Les points de

suspension qui terminent plusieurs paragraphes donnent au texte un sens d’inaccomplissement,

comme si c’était un monologue intérieur. Similaire à une courante de conscience, on voit une

pensée disparait en une autre. Ce format laisse entendre que la fille a plus à dire, mais peut-être

les pensées ne se formulent pas ; peut-être la fille manque le moyen de les articuler.

Dans la première partie du texte, la fille commence sa rétrospective en parlant de son

enfance, la phase pré-Œdipe. La fille parle de la dépendance qui caractérisait son rapport avec sa

mère depuis le temps pré-naissance jusqu’à l’adolescence, la phase Œdipe, quand elle se met à se

séparer de sa mère. Irigaray décrit l’attachement initial que la fille avait pour sa mère, «

J’aimerais te voir pendant que tu me nourris. Ne pas perdre mes/tes yeux quand je t’ouvre ma

bouche. Et que tu restes aussi près de moi » (Irigaray 1979, 9)

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La théorie Œdipe de Freud maintien que la fille renonce à sa mère à cause d’un manque

(du pénis), mais Irigaray déconstruit subtilement cette idée en soulignant l’abondance qui

caractérise le premier rapport. (Wenzel 58) « Mais tu me/te donne trop, comme si tu voulais me

remplir tout entière avec ce que tu m’apportes. Tu te mets dans ma bouche, et j’étouffe. »

(Irigaray 9) Comparable à Beauvoir, cette « suffocation » d’attention maternelle est la source de

tension entre les deux. Pour les deux, le besoin de la part de la mère de nourrir excessivement sa

fille n’est qu’une manifestation de son désir de recréer son identité au moyen de sa fille.. « Pour

que se meuve ton corps au rythme de ton désir de te voir vivre, tu m’as enfermée dans ton

manque de regard sur toi . . . Figée dans cette envie de ton spectacle, j’étais pétrifiée dans la

représentation de ta mouvance. « (Irigaray 16) Elle continue, « n’étais-je le dépôt cautionnant ta

disparition ? Le tenant-lieu de ton absence ? » (16) Par conséquence, la liberté de la fille est

restreinte, et elle songe à s’échapper : « Je ne veux plus de ce corps plein obturé immobilisé.

Non, je veux de l’air. » (11) Ces lignes mettent en avant la manque d’identité indépendante de la

mère et la projection de ce besoin sur la fille, l’avatar métaphorique de son existence tronqué.

Dans la deuxième partie du texte, la fille commence à se séparer de sa mère. Elle met en

question l’identité personnelle de sa mère, et elle se tourne vers son père en disant « je te quitte

pour qui semble plus vivant que toi. » (12) Ici, Irigaray emploie les étapes de Freud, décrivant le

désir de la fille de se distancer de sa mère : « Je ne deviendrai jamais à ton image. » (12)

Similaire à Beauvoir, Irigaray met l’accent sur le désir de la fille de se séparer de sa mère, mais

chez Beauvoir, cette séparation a l’air nécessaire lorsqu’Irigaray la représente avec un air

tragique. Elle reconnait que les destins de la mère et la fille sont irrévocablement entrelacés. « Si

je pars, tu perds l’image de la vie, de ta vie. » (20)

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Dans le dernier paragraphe, Irigaray reconnait la séparation en même temps qu’elle

exprime son espoir pour le (r)établissement des liens de communication entre mère et fille, un

retour aux sentiments pré-Œdipe : « Et l’une ne bouge pas sans l’autre. Mais ce n’est ensemble

que nous nous mouvons. Quand l’une vient au monde, l’autre retombe sous la terre. Quand

l’une porte la vie, l’autre meurt. Et ce que j’attendais de toi, c’est que, me laissant naître, tu

demeures aussi vivante. » (22)

Ces deux œuvres très différents contribuent deux réflexions sur un sujet rarement abordé

dans la littérature. En décrivant son propre rapport avec sa mère, Simone de Beauvoir offre pour

interprétation une expérience authentique. Dans une certaine manière, il semble que Beauvoir

est enfermée dans ce cycle qu’Irigaray décrit. Malgré tout philosophie, on ne pourrait pas

contester l’importance du rapport mère-fille dans les vies des femmes, et ces deux femmes-

écrivains bien-connues assurent que c’est un sujet que les théoriciennes féministes continuèrent

de poursuivre dans l’avenir.

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Bibliographie

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