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Alter

Revue de phénoménologie
30 | 2022
Sexes et genres

Simone de Beauvoir, une phénoménologie d’un


nouveau genre. Sexe et genre, une distinction non-
phénoménologique ? Beauvoir au prisme de Butler.
Natalie Depraz

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/alter/2428
DOI : 10.4000/alter.2428
ISSN : 2558-7927

Éditeur :
Association ALTER, Archives Husserl (CNRS-UMR 8547)

Édition imprimée
Date de publication : 2 novembre 2022
Pagination : 71-85
ISBN : 978-2-9550449-8-8
ISSN : 1249-8947

Référence électronique
Natalie Depraz, « Simone de Beauvoir, une phénoménologie d’un nouveau genre. Sexe et genre, une
distinction non-phénoménologique ? Beauvoir au prisme de Butler. », Alter [En ligne], 30 | 2022, mis en
ligne le 31 octobre 2023, consulté le 20 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/alter/
2428 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alter.2428

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Simone de Beauvoir, une phénoménologie d’un nouveau genre. Sexe et genre, une... 1

Simone de Beauvoir, une


phénoménologie d’un nouveau
genre. Sexe et genre, une distinction
non-phénoménologique ? Beauvoir
au prisme de Butler.
Natalie Depraz

1 Les phénoménologies historiques et contemporaines ont analysé la sexualité (Sartre,


Merleau-Ponty)1, l’expérience de l’erôs et du féminin (Levinas)2, le phénomène de
l’érotisme (Michel Henry, Jean-Luc Marion)3 en prétendant rendre compte de la
structure générale de cette expérience. Toutefois, ils adoptent implicitement, «
normalement » le point de vue du sujet masculin et, qui plus est, le plus souvent, celui
d’une hétérosexualité dite « normale ». Et ce, sans procéder à un examen critique de
cette posture préconçue.
2 Dans cet article, je vais dans un premier temps identifier, à l’aide d’une variation
circonstanciée, ce qui est selon toute apparence un invariant historiquement sexiste, à
savoir non-genré de la phénoménologie. Ensuite, je me centrerai sur la seule
phénoménologie qui ait à mon sens abordé frontalement le sujet de l’expérience
sexuelle érotique depuis un projecteur genré non-sexiste4, à savoir Simone de Beauvoir
dans Le deuxième sexe en 19495. A travers un diagnostic au scalpel à ce jour encore
indépassé, l’autrice montre comment l’absence de prise de parole des femmes répond à
la construction socio-historique de leur invisibilisation et de leur dépendance vis-à-vis
des hommes. Ceux-ci ayant assuré et assumé cette domination ; les femmes ayant à leur
manière elles-mêmes en partie consentie à une telle domination6. Dans un troisième
temps conclusif, je m’attacherai à la lecture du Deuxième sexe que produit Judith Butler
en 1990 dans Trouble dans le genre7, livre qui, comme on sait, marque alors l’irruption
dans le débat intellectuel de la théorie du genre. J’y interrogerai la pertinence de la
notion de « performance du genre » forgée par Butler, pour définir la phénoménologie

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beauvoirienne de l’expérience sexuelle érotique. La question étant : y a-t-il un concept


phénoménologique de « genre » que Simone de Beauvoir, par delà sa non-thématisation
nominale en 1949, pourrait nous aider à identifier par delà et en deçà des gender
studies ? Ou encore, pour reprendre le titre de mon intervention : Beauvoir produit-elle
une phénoménologie « d’un nouveau genre » ?

I. Les phénoménologies sexistes alias non-genrées de


l’expérience sexuelle
3 Dans la troisième Section de L’être et le néant, au chapitre III intitulé « Les relations avec
autrui », Sartre décrit la relation sexuelle comme alimentée par le désir de « l’amant »,
lequel cherche à s’approprier « l’Autre » comme chair en l’objectivant sous sa caresse :
« en prenant et en caressant la main de l’Autre, je découvre une étendue de chair et
d’os qui peut être prise ; et, pareillement, mon regard caresse, sous ce bondissement
que sont d’abord les jambes de la danseuse, l’étendue lunaire des cuisses. »8 Le « Je » est
« l’amant », « l’Autre » est la femme, ici, « la danseuse ».
4 Merleau-Ponty, au chapitre V de la première Partie de La phénoménologie de la
perception, intitulé « Le corps comme être sexué », décrit la relation sexuelle sur un
mode naturalisé. Il adopte le schéma conventionnel d’une « structure érotique » fondée
sur un partage des rôles : la femme est identifiée au « corps visible » appelant « les
gestes du corps masculin », l’homme est dit sensible à « l’essence » du corps féminin, et
l’ensemble des gestes de l’homme culmine dans une intromission spontanée9. L’homme
est le sujet actif, à l’initiative dans la relation, la femme est réceptrice de l’acte
masculin, et située dans une réalité essentielle mythifiée.
5 Levinas, tout en exaltant le féminin dans Le temps et l’autre, puis, dans le moment final
de Totalité et infini, produit une description de la caresse et de la volupté qui reflète un
point de vue fondamentalement conformiste relativement à la relation entre l’homme
et la femme. En effet, comme Sartre d’ailleurs, il place la femme du côté de « l’Autre »,
femme rendue équivalente au mystère et à la passivité absolue (comme Merleau-
Ponty…), ce qui par contraste situe l’homme du côté de l’activité et de la connaissance
rationnelle. Même s’il valorise une passivité « plus passive que toute passivité », et
même s’il critique la virilité au titre de sa puissance dominatrice, il n’en reste pas moins
que les coordonnées de la relation érotique restent celle d’une polarité qui retire à la
femme la conscience, la liberté et la transcendance : « alors que l’existant s’accomplit
dans ‘la conscience’, l’altérité s’accomplit dans le féminin. Terme du même rang, mais
de sens opposé à la conscience. Le féminin ne s’accomplit pas comme étant dans une
transcendance vers la lumière […]. »10.
6 Nos trois phénoménologues font l’objet d’une critique sans appel par Simone de
Beauvoir dans Le deuxième sexe, au titre de la réduction de la femme à « l’Autre », cet
objet objectivé – et aliéné – dans la relation. Les deux phénoménologues que je vais à
présent convoquer, sans avoir été l’objet d’une critique par cette dernière pour des
raisons évi- dentes de date, perpétuent en réalité la même vision de la femme-objet,
ainsi qu’un point de vue masculin non-assumé.
7 Michel Henry prétend dans Incarnation statuer sur « les amants » et sur « leur nuit ». Il
produit en réalité une description de surplomb, allant même jusqu’à parler à la place
des femmes. Il se fait ainsi soi-disant leur porte-parole à travers l’hypothèse qu’il fait de

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leur absence de jouissance. Dès lors, il livre derechef, sans le dire, une description fort
masculine de l’angoisse et du tragique de l’échec de l’union, où la femme n’est en fin de
compte que l’objet du discours de l’homme11 : « que […] les deux flux du désir restent
séparés, c’est ce que porte à l’évidence ce fait aussi incontestable que tragique : au sein
de cette expérience limite, […] la possibilité de la feinte demeure. Combien de femmes
ont fait croire à celui à qui elles se donnaient […] qu’elles tenaient de lui un plaisir
qu’elles n’éprouvaient pas […] ? »12.
8 Jean-Luc Marion, enfin, n’est pas en reste dans cette description de la sexualité érotique
qui ne prend en considération que le point de vue masculin tout en prétendant rendre
compte de la structure générale de l’érotique. Dans Le phénomène érotique, il n’est au
fond question que de « l’amant, qu’il s’avance »13, de « ma chair » et de « la sienne », la
femme étant anonymisée, nommée en troisième personne. Comme chez Sartre et
Merleau-Ponty, il est question de moi (l’homme) et d’autrui (l’Autre : la femme). Enfin,
les partenaires sont laissés dans la généralité du « on », ou de « nos chairs », comme si
l’auteur pouvait comme Henry englober, surplomber la relation sexuelle. Ou bien, il y
est question de façon très levinassienne d’un moi placé face à une « altérité irréductible
», parfois « simplement fantasmée »14.
9 En fin de compte, les phénoménologues hommes présentent une vision non-genrée de
l’expérience sexuelle érotique. Ils prétendent rendre compte de ce phénomène dans
son universalité, selon leur périmètre interprétatif spécifique, assurément. Toutefois,
leur point commun, paradoxalement, consiste à proposer une description qui, ni
n’assume ni n’explicite dans cette expérience leur situation en première personne
d’être humain de sexe masculin. Ainsi, l’analyse proposée prétend valoir en général, en
toute neutralité, à savoir pour toute l’humanité, lors même qu’elle ne répond au mieux
qu’au point de vue d’à peine une moitié de celle-ci. Sans parler de l’expérience,
quasiment innommée, de l’homosexualité, qu’elle soit féminine ou masculine, ou a
fortiori, celle, innommable depuis la normalité morale de ces phéno- ménologies, de la
transsexualité ou des identités transgenre15.

II. Beauvoir et l’expérience sexuelle


10 L’analyse des phénoménologies de la relation sexuelle érotique sous le prisme
beauvoirien devrait nous proposer, par contraste, une relecture des figures majeures de
l’histoire de la phénoménologie. Elle permettra de produire un différentiel inédit de la
description de l’expérience du corps (par rapport à Merleau-Ponty et à Sartre), de
l’expérience d’autrui (par rapport à Husserl et à Levinas), et de celle de la liberté (par
rapport à Heidegger et à Sartre).
11 Ceci, en vertu, notamment, de la place éminente que Beauvoir accorde dans ses
analyses à l’expérience spécifique que fait la femme de son corps. L’autrice décrit ainsi
tout d’abord le vécu de leur corps par les femmes comme relevant de la pesanteur, du
fardeau, d’un objet social de dégoût ou de honte. Et ce sont alors les expériences
emblématiques des menstruations, de la grossesse, de la prostitution qui sont
précisément décrites16.
12 En second lieu, elle est perçue par l’homme comme cet Autre inessentiel aliéné à ce
dernier, l’homme séduisant la femme, se la sou- mettant ; la femme est parallèlement
appréhendée comme vivant une liberté limitée aux possibilités restreintes de l’espace

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domestique privé, de la menace de l’enfant possible, ou encore dans la dépendance de


la maternité, tandis que l’homme se définit d’abord par son action dans le monde et son
affirmation d’existence dans la sphère publique : « on l’appelle ‘le sexe’, voulant dire
par là qu’elle apparaît essentiellement au mâle comme un être sexué : pour lui, elle est
sexe, donc elle l’est absolument. Elle se détermine et se différencie par rapport à
l’homme et non celui-ci par rapport à elle ; elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il
est le Sujet, il est l’absolu : elle est l’Autre »17.
13 Ce qui, quand on lit Beauvoir de près, recoupe bien peu les descriptions du corps,
d’autrui et de la liberté qu’en proposent certains de ses collègues hommes : le corps
comme chair déhiscente chez Merleau-Ponty, autrui comme mon prochain (Husserl),
ou comme altérité absolue (Levinas), la liberté comme affirmation du Pour soi ou
ouverture infinie des possibilités (Sartre, Heidegger).
14 Au point que, incise personnelle, j’ai fini par me demander, quand j’ai relu toutes ces
descriptions en tâchant de les incarner depuis le point de vue en première personne qui
est le mien en tant que femme, comment j’avais pu les lire pendant trente ans en y
adhérant sans plus, sauf à y disparaître en tant que femme, sauf à y effacer mon vécu
propre comme tacitement non-légitime. Ou encore à éprouver ce malaise longtemps in-
identifié de ne pas m’y retrouver, ou bien, en fin de compte peut-être, en y existant par
défaut ou par procuration en endossant implicitement le point de vue masculin comme
seul pertinent. L’analogon, peut-être, d’un changement forcé d’identité psychocorporel,
comme l’assument aujourd’hui de mieux en mieux les personnes transgenres. Bien
entendu, ce programme de travail que j’esquisse depuis peu18 dépasse le cadre de
l’exposé d’aujourd’hui.
15 Aujourd’hui, je vais me centrer sur le chapitre III du volume II du Deuxième sexe, intitulé
« L’initiation sexuelle »19. Je voudrais y examiner comment, avec Beauvoir pour la
première fois me semble-t-il, se trouve produite une description genrée de l’expérience
sexuelle érotique. Je tâcherai aussi de montrer comment son diagnostic au scalpel la
conduit à faire voir que c’est depuis l’intime de la relation sexuelle que se logent et se
sont orchestrées dans l’histoire toutes les relations intersubjectives, sociales et
politiques de domination.
16 Le chapitre « L’initiation sexuelle » dont je vais à présent présenter quelques points
principaux en en dégageant les attendus indissoluble- ment phénoménologiques et
politiques place dans une lumière crue les différentes facettes de l’expérience que vit la
femme dans ses relations sexuelles, ainsi que la singularité de son vécu érotique. Jamais
en effet Beauvoir n’adopte une position prétendument universaliste sur le vécu sexuel
érotique. Sa description est toujours située : elle concerne le vécu des femmes, qui
recoupe en grande partie le sien, mais elle le contextualise aussi en donnant la parole à
de multiples témoignages historiques, sociologiques et littéraires. La position
descriptive de Beauvoir n’est toutefois pas exclusive : à intervalles réguliers, elle y
inclut le vécu masculin, et elle le présente alors en deuxième per- sonne, comme
n’étant clairement pas le sien, donc comme un vécu qu’elle rapporte en conscience.
Bref, la méthode phénoménologique de Beauvoir est une méthode différentielle,
littéralement respectueuse de la différence sexuelle. Contrairement aux descriptions de
ses collègues phénoménologues hommes, qui décrivent le vécu sexuel érotique comme
une structure soi-disant universelle tout en adoptant un point de vue qui n’est que le
leur mais sans jamais l’assumer comme non-universel. Et qui décrivent dès lors le vécu

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de « la » femme comme celui de « l’Autre », de l’extérieur, bref comme celui d’un «


objet », et non d’un sujet.
17 Comment Beauvoir décrit-elle le vécu sexuel érotique des femmes ? On peut lire tout ce
chapitre au fil conducteur de sa déconstruction de la double analogie activité/passivité
// domination/soumission // masculin/féminin. Cette déconstruction est produite au
prisme de l’ex- périence sexuelle érotique, qui est pour Beauvoir l’intime de l’intime de
la polarité activité/passivité, intime selon elle tout uniment poli- tique. Dans cette
longue description très détaillée de plus de 45 pages, je repère trois dimensions
principales du vécu féminin : tout d’abord, Beauvoir souligne le différentiel érotique
fondamental entre hommes et femmes, concernant d’une part le type d’érotisme,
d’autre part le rythme de la jouissance. Alors que l’érotisme masculin est « simple »,
éjaculatoire, l’érotisme féminin est double, à la fois vaginal et clitoridien20 ; alors que le
rythme féminin de la jouissance est lent, global et continu, le rythme masculin est
rapide, local et discontinu. Ainsi, les vécus féminin et masculin de la volupté entrent
d’une certaine manière en contradiction voire en conflit, car la jouissance des femmes
exige de la durée voire de la lenteur, là où celle des hommes requiert une certaine
rapidité voire de la brutalité, en tout cas de la disjonction.21
18 Ensuite, Beauvoir, dans une vision moins oppositive que dialectique, fait ressortir la
passivité complexe de l’érotisme féminin, qui n’est pas simplement, sauf dans le cas
d’un viol (ce dernier étant d’ailleurs plus courant qu’on ne croit, même entre amant.e.s
ou conjoint.e.s)22, une passivité imposée, subie, au sens classique, mais bien plus une
forme de « facticité ». Ainsi, les femmes selon Beauvoir « se font passives »23, bien plus
souvent qu’elles ne sont passives. Elles vivent l’érotisme sexuel sur un mode ambivalent
qui est le signe d’une situation « assumée », car vécue comme intégrée et comme
construite en elles socialement et historiquement24.
19 Enfin, et c’est là en réalité le cœur de ce chapitre, Beauvoir thématise longuement
l’expérience de la pénétration comme le modèle indépassable de la relation sexuelle, en
le mettant fortement en question. En s’attaquant frontalement aux enjeux politiques de
cette expérience intime, elle contribue à déconstruire les attendus de la relation
sexuelle telle qu’elle a été normée dans l’histoire, sous couvert de sa base biologique
soi-disant indéconstructible : la pénétration n’est-elle pas un fait biologique
irréductible ? Comment un homme pourrait-il jouir s’il ne pénètre pas le vagin de la
femme ? Comment ne pourrait-il pas être actif, acteur de l’acte de pénétrer, et la
femme, être passive, réceptrice de son acte ?
20 Sur plus de vingt pages situées au cœur de ce chapitre25, Beauvoir analyse longuement
ce qu’elle nomme crûment le « fait de la pénétration »26, lequel scelle physiquement,
spatialement, la relation de dépendance et de domination de l’homme sur la femme,
comme une relation régie par la polarité supériorité/infériorité : « L’homme n’engage
dans le coït qu’un organe extérieur : la femme est atteinte jusque dans l’intérieur d’elle-
même. […] elle se sent charnellement aliénée. […] l’homme qui entre (dans son corps) le
lui prend ; le mot populaire est confirmé par l’expérience vécue. L’humiliation qu’elle
ressentait, elle l’éprouve concrètement : elle est dominée, soumise, vaincue. Comme
presque toutes les femelles, elle est pendant le coït sous l’homme ». Et Beauvoir ajoute
en note : « Sans doute la position peut être inversée. Mais dans les premières
expériences, il est extrêmement rare que l’homme ne pratique pas le coït dit normal
»27. Intéressant de noter que la position spatiale de la pénétration est d’une certaine
manière légitimée par Beauvoir elle-même comme étant de l’ordre du coït dit « normal

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», quoique la modalisation incluse dans la formulation avec le mot « dit », « le coït ‘dit’
normal », indique d’emblée que Beauvoir ne reprend pas à son compte l’adjectif «
normal », mais rapporte un propos qui n’est rien d’autre qu’une représentation
préjugée, colportée sans être interrogée.
21 Parallèlement, elle évoque régulièrement le vécu masculin, notamment l’angoisse de
l’impuissance, ainsi que l’attention à satisfaire la femme, à susciter en elle la jouissance.
C’est justement ce qui est frappant dans sa description du vécu sexuel érotique. Elle
s’attache bien entendu à restituer la part manquante de la phénoménologie de
l’expérience la plus archaïque de l’humain, vécue par des femmes qui sont plus de la
moitié de l’humanité, pourtant invisibilisée pendant des siècles et également durant
tout le siècle de déploiement de la phénoménologie, mais jamais elle ne prétend pour
autant universaliser cette expérience. Elle la situe, et la situe même fréquemment par
rapport à celle du vécu masculin, incluant régulièrement celui-ci comme sujet, au même
titre que la femme est sujet de son vécu. Ce faisant, elle produit une description
authentiquement relationnelle parce que différentielle voire inclusive des vécus
sexuels érotiques de la femme et de l’homme, et elle appelle ainsi une description du
vécu masculin qui serait dès lors à titre égal située, description qui, à l’heure qu’il est,
reste encore largement manquante voire à sa manière invisibilisée28.

III. Butler lectrice de Beauvoir : de quel genre parle-t-on


? Beauvoir lectrice de Butler, quelle phénoménologie
d’un nouveau genre ?
22 Au vu de cette analyse ici ciblée sur la dimension relationnelle du vécu sexuel érotique
féminin où s’inclut le masculin, Beauvoir produit bel et bien une description
phénoménologique genrée de cette expérience, qui n’a toutefois jamais été proposée
antérieurement. On comprend donc pourquoi Judith Butler notamment, quarante ans
plus tard, dans son ouvrage explosif Trouble dans le genre, a pu voir en Beauvoir une
figure pionnière du genre.
23 Examinons comment Butler situe l’héritage de Beauvoir. Pour commencer, repartons
de la notion butlerienne de « genre ». Dans une interview qu’elle a donnée au Nouvel
Observateur en 2013, Judith Butler a jugé utile de préciser qu’elle n’a pas « inventé les
‘études de genre’ (gender studies) . La notion de ‘genre’, ajoute-t-elle, est utilisée depuis
les années 1960 aux États-Unis en sociologie et en anthropologie. En France,
notamment sous l’influence de Lévi-Strauss, on a longtemps préféré parler de
différences sexuelles. Dans les années 1980 et 1990, le croisement de la tradition
anthropologique américaine et du structuralisme français a donné naissance à la
théorie du genre. » Et, à la question du journaliste de savoir si la théorie du genre est
légitimement reçue comme une façon de dire que les différences sexuelles n’existent
pas, elle ajoute : « on croit que la définition du sexe biologique est une évidence. En
réalité, elle a toujours été l’objet de controverses entre scientifiques. On me demande
souvent si j’admets l’existence du sexe biologique. Implicitement, on me dit: ‘Vraiment,
il faudrait être fou pour dire que cela n’existe pas.’ Et, c’est vrai, le sexe biologique
existe. Il n’est ni une fiction, ni un mensonge, ni une illusion. »
24 J’ai trouvé utile de donner la parole à Judith Butler, car, dans cet entre- tien plus
récent, à distance de la guerre des sexes du féminisme brûlant des années 70, son

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analyse généalogique de la notion de genre et sa reconnaissance du sexe biologique


permet de nuancer fortement sa position.
25 Dans son livre Trouble dans le genre, elle soutient en effet une thèse beaucoup plus
radicale : sexe et genre sont construits culturellement, et le genre est une «
performance culturelle », un artefact29, la philosophie féministe atteignant son apogée
avec la French Theory des années 1970 et ses principaux représentants en France : Luce
Irigaray, Hélène Cixous, Monique Wittig et Julia Kristeva, ainsi que Michel Foucault,
Gilles Deleuze et Jacques Derrida, avec sa critique du phallogocentrisme.
26 La thèse générale de Butler, en synergie avec la pensée de Derrida, revient à
déconstruire les identités figées, les identités « stables » comme elle les nomme,
qu’elles soient sexuelles ou genrées. Le but étant de montrer que l’hétérosexualité «
obligatoire », ce qu’elle nomme « la matrice hétérosexuelle », ou encore « le rapport
binaire » n’a rien de « naturel » ni de « normal ». Bien plus, l’hétérosexualité est une
norme politique et idéologique construite, qui impose une domination sur la base d’un
modèle unique, normatif et moral, à savoir, une « hiérarchie de genre »30.
27 En ce sens, Butler s’inscrit dans la filiation évidente de la subversion beauvoirienne,
tout en faisant porter la critique, davantage encore que Beauvoir, sur la norme
dominante de l’hétérosexualité, et tout en reprenant sa critique à travers l’expression
de « hiérarchie de genre ». Au fond, l’époque de l’existentialisme et celle de la
déconstruction ont ceci en commun qu’elles représentent des moments historiques
d’ex- plosion des normes morales et de subversion politique des modèles dominants,
qu’il s’agisse d’une critique de l’essentialisme (Beauvoir et Sartre) ou du logocentrisme
(Derrida).
28 Je voudrais à présent, à la lumière d’un passage emblématique de Trouble dans le genre31,
situer le lien de filiation et de démarcation de Butler vis-à-vis de Beauvoir. Butler prend
en effet appui, depuis son exergue32, sur la phrase célébrissime du Deuxième sexe : « on
ne naît pas femme, on le devient »33, pour dénoncer comme l’autrice du Deuxième sexe le
« destin » ou déterminisme biologique, psychique, économique, Butler ajouterait
politique, auquel est réduite « la femelle humaine ». Toutefois, Butler met en question
une conception du genre, celle des féministes de son temps, qui en font une
construction structuraliste sans sujet, réduisant ainsi le genre à n’être qu’une « loi
culturelle inexorable ». C’est ce qui l’amène à conclure : « dans ce cas, le destin, ce n’est
pas la biologie, c’est la culture »34. Dès lors, Butler fait étroitement alliance avec
Beauvoir en soulignant l’existence d’un sujet qui construit : « pour Beauvoir, le genre
est ‘construit’, mais […] il y a un agent, un cogito, qui prend ou s’approprie ce genre et
qui pourrait, en principe, endosser un autre genre »35.
29 Là où Butler se démarquera de Beauvoir, c’est au regard de la marge de liberté en jeu
dans la construction de ce devenir-femme, qui pour Butler reste limitée, alors qu’elle
semble illimitée selon Beauvoir : « le genre est-il aussi variable et un acte aussi
volontaire que l’ana- lyse de Beauvoir semble le suggérer ? Peut-on dans ce cas réduire
la ‘construction’ à une forme de choix ? Beauvoir affirme clairement que l’on ‘devient’
une femme, mais toujours sous la contrainte, l’obligation culturelle d’en devenir une. Il
est tout aussi clair que cette contrainte ne vient pas du ‘sexe’. Dans son analyse, rien ne
garantit que ‘celle’ qui devient une femme soit nécessairement de sexe féminin. Si ‘le
corps […] est une situation’ (Deuxième sexe, p. 13), comme le dit Beauvoir, il n’est pas
possible de recourir à un corps sans l’interpréter, sans que ce corps soit toujours pris
dans des significations culturelles ; c’est pourquoi le corps ne saurait relever d’une

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facticité anatomique pré-discursive. En effet, on montrera que le sexe est, par


définition, du genre de part en part »36. J’ai voulu citer cet extrait un peu longuement,
car il contient me semble-t-il tous les ingrédients du débat entre Butler et Beauvoir. Il
révèle aussi une erreur importante de diagnostic chez Butler, qui lit en réalité Beauvoir
à travers les lunettes sartriennes. (Et d’ailleurs, com- ment lui en vouloir, à l’époque ?)
En effet, la problématique du choix, de la liberté, de la volonté, ainsi que la notion
idéaliste de « situation » entendue en tant que pure contingence et facticité dont
l’individu s’affranchit est proprement sartrienne. De son côté, Beauvoir possède un
concept différent de « situation », entendu comme l’inscription dans des contraintes
socio-historiques assumées et potentiellement transformables par un exercice, par un
travail sur elles et sur soi37. Elle élabore également un concept de « destin » entendu
comme une nécessité sociale assumée, ainsi que l’a bien montré récemment Manon
Garcia38. Ainsi, « devenir femme » pour Beauvoir, ce n’est pas choisir individuellement
son genre, mais c’est assumer la nécessité sociale d’être de sexe féminin, en travaillant
avec cette contrainte.
30 Un autre point de divergence entre les deux femmes tient à l’importance différente
qu’elles accordent à la biologie. Beauvoir considère qu’il y a des différences biologiques
claires entre hommes et femmes : « aucune femme ne peut prétendre sans mauvaise foi
se situer par delà son sexe »39, même si elle nuance lucidement son propos en
soulignant juste après que les différences entre hommes et femmes sont « superficielles
» et « peut-être destinées à disparaître », anticipant dans une vision inédite ce que nous
connaissons aujourd’hui en termes d’identités transgenres. Tandis que Butler considère
que les « structures binaires hétérosexuelles […] se font passer pour le langage de la
rationalité universelle »40, et sont un « enjeu politique de la construction discursive
hégémonique ».
31 Ce dernier point, cette différence d’importance accordée au plan biologique doit nous
guider pour procéder finalement à une rétro-lecture de Butler par Beauvoir, et
esquisser comment celle-ci produit en fin de compte une phénoménologie d’un
nouveau « genre ». Dans Le deuxième sexe en effet, Beauvoir renvoie dos-à-dos d’une
part l’essentialisme, qui affirme la réalité absolue des concepts abstraits anhistoriques
de « l’éternel féminin » et… de « l’éternel masculin », d’autre part le nominalisme, qui
est en fait un constructivisme neutralisant la diffé- rence homme-femme au profit de
l’humain comme catégorie générique universel. En ce sens, Beauvoir n’est pas
véritablement la figure précurseur de ce que l’on nomme aujourd’hui les « gender
studies ». Elle critique par avance cette position, laquelle est fondée sur la distinction
radicale et axiologique entre le sexe, biologique, donné, et le genre, construction
sociale valorisée jusqu’à la neutralisation du sexe à son profit. C’est là que Beauvoir
émet par avance une objection contre cette dévalorisation du sexe et sa neutralisation
au profit du seul genre. Quoique, bien sûr, elle n’utilise pas en 1949 le terme « genre »,
mais parle plutôt de nominalisme et de construction sociale.
32 Bref, l’autrice du Deuxième sexe propose une troisième voie, une voie du « tiers inclus »
pourrait-on dire. Il s’agit d’une voie inclusive qui se présente comme une approche
située, offerte, dans le contexte historique de l’époque, par l’existentialisme.
33 Dès lors, le sexe ne se réduit pas à un donné biologique génétique, il est aussi un vécu
corporel, une situation incarnée dans le monde. C’est ce dont témoigne notamment
toute la première Partie du volume 2 du Deuxième sexe, intitulée « Formation », qui
multiplie les situations de vie des filles et des garçons, les attitudes, les comportements

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des deux sexes, à la fois placés sous le signe de leur identité, mais aussi fortement
différenciés.
34 Pour le dire autrement : on peut se demander ce qu’introduit la notion de genre, qui
désigne la dimension construite socialement et historiquement de la sexualité.
Absorbe-t-elle sa dimension biologique, sous couvert que l’expérience sexuelle elle-
même serait socialement construite ? Une telle distinction entre sexe et genre est-elle
phénoménologiquement satisfaisante ? Peut-on se contenter de rejeter le sexe du côté
du biologique, du donné lui-même suspecté de relever d’une nature mythique, et
attribuer au genre la meilleure part, à savoir celle du social-politique-historique, du
construit ? Il apparaît clair, au vu de notre analyse, que la conception « genrée » de la
phénoménologie beauvoirienne s’affranchit par avance, à son tour, de cette binarité
axio- logique du donné sexuel et du construit genré. En effet, elle accorde à l’expérience
vécue et à la situation existentielle concrète un rôle-charnière de continuité, qui
permet de penser dans leur spécificité tout autant le vécu sexuel biologique que le vécu
« genré » construit.

Conclusion
35 C’est dès lors le sens des équivalences que j’ai posées dès le début sans les questionner
entre « sexuel » et « érotique » d’une part, entre « genré » et « non-sexiste » (ou
sexiste/non-genré) d’autre part que je voudrais pour finir préciser. En effet, cette non-
distinction entre sexuel et érotique, entre genré et non-sexiste n’est pas une confusion.
Elle indique plutôt de ma part le refus de leur séparation. Il s’agit en effet de penser la
non-distinction entre l’organique et le vécu (entre le sexuel et l’érotique), c’est-à-dire
aussi la non-distinction entre le sexe et le genre, entre le donné et le construit. Et ce,
sans ramener pour autant le donné au construit, comme pourrait l’affirmer par
transposition le constructiviste Lévi-Strauss lorsqu’il dit en substance qu’il n’y a pas de
nature et que tout est culturel : la nature, c’est la culture ; il ne s’agit pas non, pas plus,
de se faire l’apôtre d’un biologisme (néo-)darwinien : les lois de la nature sont
immuables.
36 Au fond, Beauvoir renvoie dos-à-dos biologisme et constructivisme nominal. Elle pense
la continuité de l’organique et du vécu en présentant le corps de la femme comme un
corps vécu comme objectifié socialement. Le vécu reste ainsi le fil conducteur déterminant
de l’objectivation sociale et politique. L’approche phénoménologique guide ainsi
l’analyse du phénomène socio-politique de l’oppression et de la soumission. Et le vécu
complexe des femmes est analysé depuis l’ambivalence de leur relation intériorisée,
vécue, à cette soumission, à la fois contestée et acceptée.
37 D’où une phénoménologie d’un « nouveau genre ». D’une part, une nouvelle
phénoménologie qui offre une articulation interne inédite du phénoménologique et du
politique41 ; d’autre part, une phénoménologie d’un nouveau genre : le genre n’y est pas
entendu comme une construction opposée au donné ou absorbant le donné sous lui,
mais une construction vécue et située existentiellement. Dès lors, on a affaire avec la
phénoménologie beauvoirienne à une phénoménologie inclusive et relationnelle du
genre, qui travaille de l’intérieur du différentiel féminin-masculin42.

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NOTES
1. J.-P. Sartre, L’être et le néant, IIIème Section, « Le Pour Autrui », chapitre III, « Les relations avec
autrui », p. 432-442 ; M. Merleau-Ponty, La phénoménologie de la perception, Ière Section, « Le corps
comme être sexué », p. 180-202.
2. E. Levinas, Le temps et l’autre (1946-1947), Paris, PUF, Quadrige, 1983, « Eros », p. 77-83.
3. M. Henry, Incarnation . Une philosophie de la chair, Paris, Seuil, 2000, §40-41 : « la nuit des amants
» ; J.-L. Marion, Le phénomène érotique, Paris, Grasset, 2004, « De l’amant, qu’il s’avance », p. 111 sq.
; §23, « Ma chair et la sienne », p. 178-191.
4. Je prends ici pour commencer ces deux adjectifs comme équivalents, de même que les adjectifs
sexuel et érotique. J’y reviendrai in fine sur la raison de cette non-distinction.
5. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe [1949], Paris, Gallimard, 2018
6. A ce propos, je renvoie à l’ouvrage récent de M. Garcia, On ne naît pas soumise, on le devient,
Paris, Flammarion, 2018, qui produit une relecture rafraîchissante du Deuxième sexe.
7. J. Butler, Trouble dans le genre . Pour un féminisme de la subversion (Gender Trouble, Routledge
Kegan & Paul, 1990), trad. par Cynthia Krauss, Paris, La Découverte, 2005, chapitre 1 « Sujets de
sexe/genre/désir », p. 59-111 et, plus précisément, p. 70-73 : « Le genre : les ‘ruines circulaires’ du
débat actuel ».
8. J.-P. Sartre, op . cit ., p. 440.
9. M. Merleau-Ponty, op . cit ., pp. 182-183. A propos de cette critique, cf. S. de Beauvoir, Le
deuxième sexe (1949), Paris, Gallimard, 2018, vol.1, chapitre 1, « Les données biologiques », p. 69 et
p. 75, et R. Ehrsam, « Liberté située et sens du monde : Beauvoir et Merleau-Ponty », in Philosophie
n°144, « Perspectives philosophiques sur Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir paru il y a 70 ans »,
janvier 2020, pp. 26-27.
10. E. Levinas, Le temps et l’autre, op. cit., pp. 80-81. A propos de cette critique, cf. S. de Beauvoir, Le
deuxième sexe, op . cit ., vol.1, pp. 17-18, note 1 : « […] il est frappant qu’il adopte (Levinas) un point
de vue d’homme sans signaler la réciprocité du sujet et de l’objet. Quand il écrit que la femme est
mystère, il sous-entend qu’elle est mystère pour l’homme. Si bien que cette description qui se
veut objective est en fait une affirmation du privilège masculin ».
11. M. Henry, op . cit ., p. 296 et p. 299.
12. M. Henry, op . cit ., pp. 302-303.
13. J.-L. Marion, op . cit ., « De l’amant, qu’il s’avance », p. 111 sq.
14. J.-L. Marion, op . cit ., p. 194.
15. Dans ce panorama rapide, il conviendrait de spécifier la place de Sartre. En effet, Beauvoir
travaille en étroite proximité avec la conception sartrienne du corps comme corps aliéné : elle
produit un déplacement remarquable de cette conception en la dés-universalisant et en
l’identifiant à l’expérience féminine du corps. De surcroît, les relations avec autrui sont pensées
par Sartre sous le spectre majeur des relations sadomasochistes, ce qui dé-normalise fortement
sa conception de la sexualité en y incluant notamment aussi l’orientation homosexuelle. A cet
égard, un examen comparatif Beauvoir-Sartre spécifié serait requis, mais il dépasse le cadre du
présent propos. A propos d’une phénoménologie récente des identités trans-genre, voir L. M.
Rodemeyer, « Feminist and Transgender Tensions : An Inquiry into History, Methodological
Paradigms, and Embodiment » in : New Feminist Perspectives on Embodiment, 2018 : DOI:
10.1007/978-3-319-72353-2_6.
16. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe, op . cit ., volume 2, chapitre 1, « Enfance », p. 64 : « elle est
saisie par autrui comme une chose » ; chapitre 8, « Prostituées et hétaïres », p. 424-449.

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17. S. de Beauvoir, op . cit . vol. 1, p. 17. Ce passage débouche sur une note où Beauvoir entre en
confrontation directe avec Levinas sur ce point, et avec sa pensée de l’altérité absolue du féminin.
18. Je remercie ici mes étudiant.e.s de Licence de l’Université de Rouen qui, depuis quelques
années, sont aux premières loges de ma relecture de l’histoire de la phénoménologie à travers le
prisme beauvoirien.
19. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe, op . cit ., vol. 2, chapitre 3, p. 145-190.
20. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe, op . cit ., p. 145-147.
21. Op . cit ., p. 179, et p. 180-182.
22. A ce propos, je renvoie à ma conférence dans le cadre de l’Université de toutes les cultures
(UTLC) à l’Université de Rouen Normandie le 21 octobre 2021, intitulée « Le viol : épreuve de soi,
du corps, de l’autre, du collectif. Comment s’en sortir ? » https://www.univ-rouen. fr/agenda/le-
viol-epreuve-de-soi-du-corps-de-lautre-du-collectif-comment-sen-sortir/ et https://webtv.univ-
rouen.fr/videos/21-10-2021-175445-decoupage/, in : Discipline filosofiche, éd. L. Vanzago, in : The
Experience of Pain. Epistemological, Hermeneutical and Ontological Aspects, Discipline Filosofiche XXXII I,
2002, edited by Luca Vanzago, 2022, p. 193-209.
23. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe, op . cit ., p. 155.
24. Cf. à ce propos M. Garcia, On ne naît pas soumise, on le devient, op . cit ., chapitre 2, « La
soumission féminine, une tautologie ? », p. 37-61.
25. S. de Beauvoir, Le deuxième sexe, op . cit ., p. 156-174.
26. Op . cit ., p. 163.
27. Op . cit ., p. 163-164.
28. A propos de l’invisibilisation du vécu masculin intime et de son inclusivité, je renvoie à N.
Depraz, « Simone De Beauvoir. Une phénoménologie inclusive de la relation sexuelle »,
contribution au colloque Le corps en émoi, org. A. Deudon et A. Delamare, Université de Rouen,
École rouennaise de phénoménologie, 1er-2 octobre 2021, Paris, Editions des Compagnons
d‘Humanité, 2022, p. 35-48.
29. J. Butler, Gender Trouble [1990], Routledge, 2006, trad. par Trouble dans le genre . Le féminisme et
la subversion de l’identité, Paris, La découverte, 2005, Introduction, p. 53, où l’autrice parle à propos
du genre de « construction performative ».
30. J. Butler, op . cit ., p. 52.
31. J. Butler, op . cit ., p. 70-73.
32. J. Butler, op . cit ., p. 59 et p. 72.
33. S. de Beauvoir, op. cit., vol. 2, chapitre 1, « Enfance », p. 13.
34. J. Butler, op . cit ., p. 70.
35. J. Butler, op . cit ., p. 71.
36. J. Butler, op . cit ., p. 71.
37. Bien entendu, le Sartre de La critique de la raison dialectique, t.1, Théorie des ensembles
pratiques [1960] (Paris, Gallimard, 1985), reviendra de façon auto-critique sur sa position encore
trop individualiste et idéaliste de L’être et le néant, en faisant droit à la pratique qui nous aliène,
cristallisant nos projets dans des synthèses qui nous restent extérieures, ce qu’il nomme alors de
l’expression restée célèbre du « pratico-inerte ». La conception beauvoirienne, d’emblée socio-
historique de la situation dès 1949 n’est pas étrangère sans nul doute à l’auto-critique sartrienne,
sans pour autant basculer de façon radicale comme Sartre dans un positionnement marxiste.
38. A ce propos, M. Garcia dans On ne naît pas soumise, on le devient, op . cit ., chapitre III, p. 72- 74.
39. S. de Beauvoir, op . cit ., vol. 1, p. 15.
40. J. Butler, op . cit ., p. 72.

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