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Séquence 4.

Séance 7 : Texte 5 : Molière : Dom Juan, 1665 : Acte III, scène 2.

Sganarelle. – Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.


Le Pauvre. – Vous n’avez qu’à suivre cette route, Messieurs, et détourner à main droite
quand vous serez au bout de la forêt ; mais je vous donne avis que vous devez vous tenir
sur vos gardes, et que, depuis quelques temps, il y a des voleurs ici autour.
Don Juan. – Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.
Le Pauvre. – Si vous vouliez, Monsieur, me secourir de quelque aumône1 ?
Don Juan. – Ah ! Ah ! ton avis est intéressé, à ce que je vois.
Le Pauvre. – Je suis un pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix
ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu’il vous donne toutes sortes de biens.
Don Juan. – Eh ! prie-le qu’il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des
autres.
Sganarelle. – Vous ne connaissez pas, Monsieur, bon homme : il ne croit qu’en deux et
deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.
Don Juan. – Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?
Le Pauvre. – De prier le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me
donnent quelque chose.
Don Juan. – Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ?
Le Pauvre. – Hélas ! Monsieur, je suis dans la plus grande nécessité2 du monde.
Don Juan. – Tu te moques : un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer
d’être bien dans ses affaires.
Le Pauvre. – Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de
pain à mettre sous les dents.
Don Juan. – Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins3. Ah ! Ah ! je
m’en vais te donner un louis d’or tout à l’heure, pourvu que tu veuilles jurer4.
Le Pauvre. – Ah ! Monsieur, voudriez-vous que je commisse5 un tel péché ?
Don Juan. – Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louis d’or6 ou non. En voici un que je
te donne, si tu jures ; tiens, il faut jurer.
Le Pauvre. – Monsieur !
Don Juan. – A moins de cela, tu ne l’auras pas.
Sganarelle. – Va, va, jure un peu, il n’y a pas de mal.
Don Juan. – Prends, le voilà ; prends, te dis-je, mais jure donc.
Le Pauvre. – Non, Monsieur, j’aime mieux mourir de faim.
Don Juan. – Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité.

1. Aumône : don fait aux pauvres par charité, qui est une vertu essentielle dans la religion
chrétienne.
2. Dans la plus grande nécessité : dans le plus grand besoin.
3. Reconnu de tes soins : récompensé de tes efforts.
4. Jurer : blasphémer, insulter le nom de Dieu.
5. Que je commisse : que je commette.
6. Un louis d’or constitue une somme énorme pour un miséreux.
Séquence 4. Séance 7 : Texte 5 : Molière : Dom Juan, 1665 : Acte III, scène 2 :
Correction du commentaire.

Introduction :

Rappel : L’introduction se présente sous la forme d’un paragraphe : n’allez pas à la ligne
dans l’introduction.
L’introduction doit contenir les éléments suivants :

1) Une présentation :
- L’auteur : Molière : 1622-1673 : dramaturge classique. A écrit de nombreuses comédies
Ex. : Le Malade imaginaire, Les Fourberies de Scapin, L’Avare, Le Bourgeois gentilhomme …
- L’œuvre : Dom Juan : comédie en cinq actes, jouée pur la première fois en 1665, censurée ensuite.
Comédie qui met en scène un libertin, Don Juan, toujours accompagné sur scène de son valet,
Sganarelle.
- L’extrait : Acte III, scène 2 : Don Juan et Sganarelle, déguisés, sont dans la forêt pour échapper
aux frères d’Elvire. Ils se sont perdus et demande leur chemin à un Pauvre qui consacre sa vie à la
prière. Nous assistons à un dialogue entre l’athée, Don Juan, et un croyant, le Pauvre.

2) Une annonce de la problématique :


Quel rapport Don Juan entretient-il avec la religion ?

3) Une annonce du plan :


Vous n’annoncez ici que la 1° partie : L’attitude provocatrice de Don Juan vis-à-vis du Pauvre et de
la religion.

Plan détaillé de la 1° partie composée de 3 sous-parties : Les titres, les numérotations et les tirets
ne doivent pas apparaître ; je les fais apparaître dans le corrigé pour plus de clarté, mais, dans votre
travail, tout doit être rédigé.

I. L’attitude provocatrice de Don Juan vis-à-vis du Pauvre et de la religion :

1. L’attitude méprisante de Don Juan :


Don Juan affiche sa supériorité vis-à-vis du Pauvre, car, en tant que noble, il détient le pouvoir et
l’argent. Au début de la scène, Don Juan se montre respectueux : l. 5 : « Je te suis bien obligé, mon
ami, et je te rends grâce de tout mon cœur » : il remercie poliment le Pauvre, mais, très rapidement,
il adopte une attitude méprisante pour plusieurs raisons :
- Don Juan tutoie le Pauvre : l. 7 « ton avis », l. 14 « ton occupation », l. 23 « tu es bien mal
reconnu » … alors que celui-ci le vouvoie : l. 6 « si vous vouliez », l. 9 « qu’il vous donne » … et le
Pauvre s’adresse à Don Juan avec respect : il l’appelle « Monsieur » huit fois dans la scène.
- Don Juan s’adresse au Pauvre sur un ton autoritaire : il emploie l’impératif à plusieurs reprises : l.
10 « prie-le », l. 31 répétition de « prends » …
- Don Juan se moque du Pauvre en utilisant l’ironie : il fait semblant de s’étonner des réponses du
Pauvre grâce à une question rhétorique : l. 17 « Il ne se peut donc pas que tu ne sois pas bien à ton
aise ? » puis l. 19 « Tu te moques … », l. 23 « Voilà qui est étrange … ».
Don Juan exprime donc son mépris pour le Pauvre et il cherche à l’humilier.

2. Don Juan : un impie :


Rappel : Un impie est une personne qui ne croit pas en Dieu et qui se moque de la religion.
- Le refus de l’existence de Dieu :
La position de Don Juan est rappelée par Sganarelle : l. 12-13 : « il ne croit qu’en deux et deux sont
quatre, et en quatre et quatre sont huit » : Don Juan a une attitude rationaliste : il ne croit qu’en ce
qui s’appuie sur la raison, il refuse donc de croire en Dieu.
Il tente de prouver au Pauvre l’inexistence de Dieu grâce à un raisonnement logique : l. 10-11 et l.
17 à 19 : il lui montre qu’il n’est pas récompensé par Dieu de ses efforts et il met en avant les
contradictions de la foi du Pauvre en lui prouvant que la prière est inutile : contradictions soulignées
par l’antithèse : « bien à ton aise » qui s’oppose à « la plus grande nécessité ».
- Le non-respect des principes de la religion :
Don Juan ne respecte pas le devoir de charité qui est un devoir essentiel des chrétiens : les riches
doivent assistance aux pauvres, en particulier à ceux qui consacrent leur vie à la prière, ce qui est le
cas du Pauvre qui passe son temps à « prier le Ciel tout le jour » l. 15.
Don Juan remet en cause l’aumône en se moquant du Pauvre : l. 7 « Ah ! Ah ! ton avis est
intéressé » : la double interjection exprime le rire de Don Juan qui se moque en prétendant que le
Pauvre est « intéressé » alors qu’il sait très bien que le Pauvre n’attache aucune valeur à l’argent, il
a juste besoin de se nourrir.

3. Don Juan : un tentateur :


Don Juan joue le rôle du diable quand il demande au Pauvre de jurer car il veut le pousser à
commettre un blasphème. Voyant le Pauvre refuser poliment : l. 25 « Ah ! Monsieur, voudriez-vous
que je commisse un tel péché ? », Don Juan va exercer un véritable chantage pour tenter de le faire
céder ; cela se traduit par :
- une montée de la tension dramatique à la fin de la scène : les répliques sont courtes, rarement plus
d’une phrase, parfois un seul mot : l. 28 « Monsieur ! ». Il s’agit d’un véritable affrontement dont
Don Juan veut sortir vainqueur.
- une insistance de plus en plus pressante de Don Juan : on observe une gradation dans le chantage :
la 1° demande est exprimée poliment avec l’emploi du subjonctif : l. 24 « pourvu que tu veuilles
jurer »,
la 2° demande est énoncée sous la forme d’une condition introduite par la conjonction « si » : l. 27
« si tu jures »,
la 3° demande exprime une obligation avec l’emploi du verbe « falloir » : l. 27 « il faut jurer »,
la 4° demande est un ordre donné sur un ton autoritaire avec l’emploi de l’impératif renforcé par la
conjonction « donc » : l. 31 « mais jure donc ».
Malgré tout, le Pauvre ne cède pas au chantage : l. 32 « Non, Monsieur, j’aime mieux mourir de
faim » : la négation en début de phrase montre la détermination du Pauvre qui ne veut pas renier sa
foi et qui parvient à tenir tête à Don Juan.
La dernière réplique de Don Juan montre qu’il ne veut pas perdre la face en présence du Pauvre qui
lui a résisté : l. 33 « Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité » : Don Juan veut à tous prix
avoir le dernier mot.

Bilan : Cette scène dévoile un aspect important de la personnalité de Don Juan qui, en tant que
libertin, refuse la soumission à Dieu et à la religion.

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