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Sébastien Henry

Réseaux
de transport
d’ électricité
et transition
énergétique
Sébastien Henry travaille au Réseau de transport d’électricité1
(RTE), à la direction Recherche et Développement Innovation. Il
aborde dans ce chapitre le rôle des réseaux de transport d’élec-
tricité et les défis liés à la transition énergétique, en montrant
comment la chimie apporte des solutions.

1 Le rôle des réseaux


de transport
d’électricité
Serbie ou d’un quelconque
des 34 pays. Il s’agit d’un sys-
tème électrique intégré à tra-
vers l’­Europe sur lequel les
1.1. L’Europe de l’électricité puissances installées sont de
aujourd’hui l’ordre de 900  gigawatts en
termes de production et qui
La Figure  1 représente l’en-
dessert un peu plus de cinq
semble des 34  pays euro-
cents millions d’habitants.
péens à travers lesquels les
réseaux électriques sont in-
terconnectés. Ils partagent 1.2. Le réseau de RTE, haute
le même vecteur électrique et très haute tension
et l’utilisateur local ne sait
pas d’où vient l’électricité Au niveau français, le réseau
qu’il consomme –  ce pour- de transport est géré par
rait être d’Allemagne, de l’entreprise RTE (Réseau de

1. www.rte-france.com

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Chimie et enjeux énergétiques

Figure 1
L’Europe de l’électricité.
530 millions d’habitants et 34 pays
européens interconnectés.

Lignes à 400 kV
Lignes à 225 kV
Lignes à 150 kV
Lignes à 90 kV
Lignes à 63 kV
Lignes à 45 kV et moins
Câbles IFA (270 kV CC)

Figure 2
Carte du réseau de transport
d’électricité français.
100 000 km de lignes du 400 000
aux 63 000 volts ; 2 600 postes
électriques ; 46 interconnexions
2 avec six pays frontaliers.

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
transport d’électricité), qui dustriels ainsi que les centrales
possède le réseau de haute de production sont conçus pour
et très haute tension. RTE fonctionner de manière opti-
achemine l’électricité entre male à cette fréquence. En cas
les fournisseurs d’électricité d’écart trop important par rap-
(français et européens) et les port à cette fréquence de réfé-
consommateurs, qu’ils soient rence, les équipements cessent
distributeurs d’électricité ou de fonctionner.
industriels directement rac- La production d’électricité
cordés au réseau de trans- provient très majoritairement
port. Avec 100  000  km de de machines tournantes, des
lignes comprises entre 63 000 alternateurs électriques, en-
et 400 000 volts et 46 lignes traînés grâce à différentes
transfrontalières (appelées énergies primaires – l’énergie
«  interconnexions  »), le ré- nucléaire, l’éolien, l’hydrau-
seau géré par RTE est le plus lique, des sources thermiques
important d’Europe. Le ré- diverses (pétrole, gaz),  etc.
seau français est représenté La production d’électricité
sur la Figure  2  : en rouge est une transformation d’une
foncé apparaît le réseau de énergie primaire en énergie
plus haute puissance, ex- mécanique (rotation des al-
ploité à 400 000 volts. ternateurs) puis en énergie
électrique. À l’équilibre, la fré-
quence de rotation des alter-
1.3. Équilibrer l’offre
nateurs est rigoureusement
et la demande en contrôlant
égale à 50 Hz (ou à un multiple
la fréquence du courant
de 50  Hz)  : c’est la base du
Un aspect fondamental du fonctionnement du système
fonctionnement des réseaux électrique. On a alors une
électriques est l’obligatoire puissance électrique consom-
équilibre entre l’offre et la mée strictement égale à la
demande : la production et la puissance mécanique fournie
consommation. L’électricité ne par les groupes de production.
se stocke pas sous forme di- Si un utilisateur demande un
recte ; on doit donc consommer peu plus de puissance élec-
à chaque instant ce qui est pro- trique, l’équilibre entre la puis-
duit et produire à chaque ins- sance électrique et la puissance
tant ce qui est consommé. C’est mécanique est rompu. Les al-
une des lois fondamentales des ternateurs doivent fournir plus
systèmes électriques. de puissance électrique et donc
Cet équilibre se traduit dans requièrent plus de puissance
une grandeur électrique qui mécanique. Sans modification
est la fréquence du courant rapide de la puissance méca-
alternatif. En Europe, le sys- nique, la fréquence de rotation
tème électrique fonctionne à des alternateurs va se modifier.
une fréquence de référence de Si on laisse l’évolution se faire,
50 Hz (dans le monde, d’autres les alternateurs vont ralentir, la
systèmes comme les réseaux fréquence du courant alternatif
nord-américains fonctionnent va baisser en dessous de 50 Hz,
à 60  Hz). Tous nos appareils les équipements des utilisa-
domestiques (micro-ondes, TV, teurs vont dysfonctionner puis
réfrigérateur…), les moteurs in- les machines atteindre leur 3

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Chimie et enjeux énergétiques Figure 3 for tes sur les différentes
50 Hz composantes des systèmes
49 Hz 50 Hz
Équilibre offre-demande. Le 47 Hz 52 Hz
électriques  : consommation,
système électrique européen
fonctionne à une fréquence de
production, réseaux.
50 Hz. Les appareils domestiques
et les centrales de production
2.1. Évolution des usages
sont conçus pour fonctionner
de manière optimale à cette et maîtrise des pointes
fréquence. Si les actions de maîtrise de
la demande d’énergie consti-
point de décrochage et s’ar- tuent un enjeu fort de la tran-
rêter  ; de proche en proche, sition énergétique, il convient
c’est un des phénomènes qui aussi de limiter les pointes
peut conduire au black-out  !
de consommation obser-
Inversement, si l’on produit
vées à certains moments de
plus que l’on ne consomme,
la journée. En février  2012,
les machines tournantes n’ont
la consommation électrique
pas assez de frein électrique,
française a atteint un pic his-
leur fréquence de rotation se
torique. C’est une tendance
met à augmenter, et leurs sé-
forte : la consommation maxi-
curités de fonctionnement vont
male d’électricité, aux heures
les arrêter avant d’éventuels
de pointe en hiver, ne cesse de
emballements.
progresser en France. En dix
Au sein du système intercon- ans, elle a ainsi augmenté de
necté européen, l’équilibre 25 %, portée par la croissance
offre-demande est perturbé démographique, le développe-
en permanence par différents ment du chauffage électrique,
phénomènes : modification des transports urbains et des
de la consommation, aléa sur technologies de l’information
une centrale de production, et de la communication. C’est
variation du niveau de produc- un défi collectif pour les pro-
tion des centrales éoliennes chaines années.
ou photovoltaïques… Des sys-
tèmes automatiques de régu- La Figure  4 présente l’évo-
lation permettent de compen- lution des pics de consom-
ser les petits déséquilibres. mation électrique en France
depuis dix ans. Alors que la
La Figure  3 représente ces consommation annuelle totale
contraintes de façon imagée, connaît une tendance au ra-
illustrant l’impératif absolu
lentissement de la croissance,
d’éviter l’écroulement du sys-
les pics de consommation
tème électrique en équilibrant
croissent rapidement. On est
l’offre et la demande par la
passé de 80  000  mégawatts
nécessité de contrôler la fré-
(MW) en décembre  2001 à
quence du courant alternatif.
102  000  mégawatts en fé-
Cet impératif ne sera pas sans
vrier 2012. Même si l’appel à
conséquence sur la façon de
la puissance est fonction des
mettre en œuvre une tran-
conditions météorologiques,
sition énergétique, ainsi qu’il
l’accroissement est notable.
sera expliqué plus loin.
La maîtrise de la consomma-
tion électrique, notamment
aux heures de pointe, fait dé-
2 Défis et enjeux
autour de la
transition énergétique
sormais partie du paysage
énergétique. Elle mobilise
les connaissances les plus
La transition énergétique se récentes dans les capteurs,
4 traduit par des évolutions les télécommunications et les

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
Figure 4
08/02/2012 102 100
Évolution des pointes de
15/12/2010 96 710 consommation électrique
en France depuis dix ans.
07/01/2009 92 400

17/12/2007 88 960

27/04/2006 86 280

28/02/2005 86 020

08/02/2012 83 540

10/12/2002 79 730

17/12/2004 79 590

Pointes de consommation

technologies de l’information. sidentiel et en professionnel :


Ces innovations rendent pos- centres commerciaux, indus-
sible les mécanismes d’effa- tries), conduisant à un premier
cement de la consommation plateau atteint vers 9  h et se
pour une gestion maîtrisée maintenant jusqu’à midi, avant
de l’équilibre entre l’offre et une décroissance au cours de
la demande. l’après-midi  ; reprise de la
La Figure 5A montre l’évolution consommation résidentielle
de la consommation pendant à partir de 17  h jusqu’au pic
l’hiver 2011-2012 sous forme absolu vers 19 h.
de «  montagne de charge  »,
représentative des évolutions
2.2. Développement
de la consommation française
des énergies renouvelables
lors de vagues de froid. Enfin,
la Figure 5B représente la va- À l’autre bout de la chaîne
riation de la consommation de l’équilibre offre-demande
électrique sur une journée ty- – celui de la production d’élec-
pique d’hiver (c’est une jour- tricité –, il est intéressant de
née de l’hiver  2012 telle que considérer l’évolution de la
relevée sur le site Internet production issue des éner-
de RTE ou via l’application gies renouvelables. La France
pour smartphones éco2mix) s’est engagée sur la voie de la
–  c’est la puissance appelée transition énergétique avec
à chaque instant sur le sys- un double objectif  : porter
tème. À travers cette courbe à 23  % de la consommation
de consommation d’électri- énergétique la part des éner-
cité, on retrouve l’emploi du gies renouvelables en 2020
temps de nos concitoyens et réduire à 50 % (contre 75 %
et de l’activité économique  : actuellement) la part du nu-
décroissance de la consom- cléaire dans le mix énergé-
mation électrique pendant la tique en  2025. Ces objectifs
nuit, creux absolu vers 4-5  h conduisent à une croissance
du matin, redémarrage le soutenue dans les prochaines
matin (éclairage, remise en années du parc de produc-
route d’équipements, en ré- tion d’électricité à partir des 5

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Chimie et enjeux énergétiques A

Figure 5 B

MAXIMUM
A. « Montagne de charge »
de l’hiver 2011-2012 –
Consommation France.
67 500

B. Variation de la consommation
d’électricité totale en France pour
62 500

une journée typique d’hiver.


Source : Une analyse plus
détaillée est disponible sur le site
57 600

de RTE : http://www.rte-france.
com/uploads/pdf_zip/alaune/

MINIMUM
Rex_Vague_froid_V2.5.pdf
19:00

00:00 12:00 24:00

­ nergies renouvelables  :
é dans le Nord-Est, le centre, la
éolien terrestre, éolien off- vallée du Rhône et de l’éolien
shore, photovoltaïque, bio- off-shore en Manche et sur
masse, hydroliennes. la côte Atlantique. La tran-
Au sein de chaque région, le sition énergétique crée donc
potentiel de développement une nouvelle répartition géo-
des énergies renouvelables graphique de la production
dépend non seulement de la électrique.
géographie, du climat mais En Europe, on dispose dès
aussi de l’urbanisation. Si le aujourd’hui d’une capacité
pourtour méditerranéen est installée de plus de 160  GW
propice au développement du de moyens de production à
photovoltaïque, les conditions base d’énergie renouvelable
de vent favorisent le dévelop- répartis selon l’indication de
6 pement de l’éolien terrestre la Figure 6.

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
A
8% 5%
5%
6% 3%

Fioul + pointe
13 % Charbon
Gaz
Nucléaire
Éolien
2%
Hydraulique
Autres
Importations

58 %

B 60 000 Autres
Grèce
50 000 Royaume-Uni
Belgique
République Tchèque
40 000
France
Espagne
30 000 Italie
Allemagne
20 000

10 000

0 Parc
2001 2001 2001 2001 2001 2001 2001 photovoltaïque

C 100 000 Autres


90 000
Pays-Bas
Suède
80 000 Danemark
70 000
Portugal
Royaume-Uni
60 000 Italie
France
50 000
Espagne
40 000 Allemagne
30 000

20 000

10 000

0 Parc
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 éolien

D 160 000
Figure 6
140 000 L’Europe continentale dispose
120 000 de plus de 160 GW de capacité
Capacité (en MW)

100 000
Photovoltaïque renouvelable installés à mi-2012.
Éolien A. Énergie primaires utilisées
80 000
en Europe pour la production
60 000 d’électricité. B. Évolution du
40 000 parc photovoltaïque par pays.
20 000
C. Évolution du parc éolien par
pays. D. Évolution des puissances
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 photovoltaïque et éolienne
installées en Europe. 7

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Chimie et enjeux énergétiques

A Guadeloupe B Guadeloupe

Martinique Martinique

Guyane Guyane

Réunion Réunion
Max. 142 MW
Max. 535 MW
Moy. 37 MW
Moy. 71 MW

Figure 7 Les pays d’Europe ont des po- mutualiser les ressources de
litiques très volontaristes sur production d’électricité et les
Éolien et photovoltaïque en France l’insertion des renouvelables. variations de consommation
à fin juin 2012 : 10 GW installés.
Sur l’éolien, l’Allemagne est pour répondre aux besoins
A. Pour l’éolien : 7 GW, avec plus
de 700 parcs (> 1 MW). le pays le plus équipé ; en nu- de chaque territoire. Il permet
B. Pour le photovoltaïque : 3 GW, méro deux, c’est l’Espagne aussi de gérer les flux d’élec-
pour environ 250 installations et la France (Figure 7) est en tricité entre collectivités,
(> 1 MW)… et plus de troisième position, avec au- entre régions et entre pays.
220 000 « petites » installations ! jourd’hui environ 7 GW en ca-
Source : SOeS, d’après ERDF,
Des modifications impor-
pacité installée. Sur le solaire, tantes du réseau de transport
RTE, SEI, principales ELD
l’Allemagne est de loin le pre- qui doit notamment s’adapter
mier pays en termes d’instal- aux nouvelles localisations
lations photovoltaïques ; vien- des moyens de production
nent ensuite l’Italie, ­l’Espagne, (Figure 8) sont par conséquent
puis la France (avec environ nécessaires. Son développe-
3 GW installés). ment est indispensable pour
rendre possible la transition
énergétique et répondre à ses
2.3. Le besoin de nouvelles
objectifs  : l’intégration des
technologies
énergies renouvelables et la
La transition énergétique im- maîtrise de la consommation.
pose des modifications fortes Cependant le temps de déve-
tant au niveau de la consom- loppement d’un réseau clas-
mation (efficacité énergétique, sique est long, bien plus que
gestion des pointes, nouveaux le temps mis pour construire
usages de l’électricité…) qu’à de nouveaux moyens de
celui des moyens de produc- production. Entre la phase
tion. Assurer l’équilibre entre d’instructions, de procédures
l’offre et la demande sur le administratives, de concerta-
système complet (consom- tions, et la construction des
mation et moyens de produc- ouvrages, il peut s’écouler
tion) pose des contraintes plus de dix ans pour décider
exigeantes au réseau élec- et construire une ligne de
8 trique. Ce dernier permet de très haute tension aérienne.

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
A B C

Figure 8
Le besoin de nouvelles réponses pour le développement du réseau : la plupart des nouvelles lignes 63 à
225 000 volts sont désormais construites en souterrain ; l’augmentation des capacités des lignes aériennes
400 000 volts existantes avec des câbles haute température est maintenant possible.
A. Pylônes Roseau sur la ligne très haute tension Amiens-Arras. B. Poste 400 000 volts de Saucats dans la région
Sud-Ouest. C. Chantier de mise en place d’une liaison électrique souterraine.

La très faible acceptation prises en compte les évolu-


par le public d’ouvrages tels tions techniques majeures
que ceux conçus dans les an- en électronique de puissance
nées  1970 ou  1980 a amené sur la façon de piloter et de
à repenser les méthodes convertir l’électricité. Ces
de décision et d’exploitation aspects ne seront pas dis-
ainsi que les types d’ouvrages cutés ici où l’accent sera mis
construits (Figure 9). sur les questions liées aux
Pour le pilotage en temps évolutions des matériels de
réel des réseaux, on fait ap- réseau impliquant la chimie
pel aux technologies de l’in- et la science des matériaux,
formation et de la communi- ceci à travers trois infras-
cation (capteurs et moyens tructures fondamentales  :
informatiques) conduisant au les liaisons souterraines,
concept de «  smart grids  ». les postes électriques et les
D oi vent é galement êtr e lignes aériennes.

Figure 9
Les réseaux doivent évoluer et
se développer pour permettre
d’assurer l’équilibre offre-
demande du système électrique
et d’en maintenir la fiabilité. Il est
nécessaire de penser autrement
le développement et la gestion
du réseau en utilisant les progrès
technologiques :
– dans les TIC (technologies
de l’information et de la
communication) ;
– en électronique de puissance ;
– en chimie et science des
matériaux.
9

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Chimie et enjeux énergétiques

2.4. Un réseau qui doit avoir La Figure 10 montre la carte


une très grande durée de vie du réseau à 400  000 volts.
Il a été créé à partir des an-
Avant de détailler l’apport de
nées  1950 pour raccorder,
la chimie et des sciences des
dans un premier temps avec
matériaux sur les différents
la région parisienne, les
composants d’un réseau
grandes centrales hydrau-
électrique, il est important
liques situées dans les Alpes
de donner quelques ordres de
et dans d’autres massifs. Une
grandeur sur les contraintes
deuxième phase est venue
auxquelles ils sont soumis.
du développement du pro-
Si les infrastructures qui
gramme électronucléaire à
constituent un réseau élec-
partir des années  1970 qui a
trique à très haute tension
inclus la liaison de ces cen-
sont longues à construire,
trales aux centres de consom-
elles ont aussi des durées
de vie très longues et sont mation. Aujourd’hui, le déve-
exploitées pour une durée loppement de ce réseau est
minimum de cinquante ans. notamment lié à celui des
Certains ouvrages en service énergies renouvelables  : en
ont même plus de quatre- Europe, cela représente entre
vingt voire quatre-vingt-dix la moitié et les trois quarts
ans. En fait, la plupart des des projets de constructions
Figure 10 lignes construites depuis 1946 d’infrastructures.
Carte du réseau de transport sont encore en service au- Ces ouvrages étant de durées
d’électricité 400 000 volts en 2011. jourd’hui. de vie longues, il y a lieu de gé-
rer leur maintenance et l’en-
semble de leur cycle de vie.
Des contraintes sur les choix
technologiques en résultent :
entre l’invention de nouveaux
matériaux et la possibilité de
leur utilisation effective pour
certaines applications aux
composants du réseau, le dé-
lai peut être de dix, vingt ou
trente ans comme on le verra
par la suite. Les phénomènes
de vieillissement des maté-
riaux sont ici déterminants.
Ces infrastructures étant
installées à l’air libre, elles
sont soumises aux écarts de
température, à l’humidité, au
vent, au foudroiement, aux UV,
à la pollution et toutes ces
agressions conduisent à leur
usure (Figure 11). Il faut aussi
y ajouter des contraintes in-
ternes dues aux fortes puis-
sances électriques et ther-
miques associées à leur
10 fonctionnement.

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
A B C Figure 11
Les infrastructures sont
soumises à diverses contraintes
contribuant à leur vieillissement :
les contraintes externes
météorologiques (température,
humidité, vent, foudre, UV…),
la pollution, les contraintes
électriques internes.
A. Lignes à haute tension dans le

3 Chimie
et développement
de nouvelles solutions
peu de fils électriques aériens
dans les rues. Les premiers
câbles souterrains de forte
massif de Belledonne suite à de
fortes intempéries. B. Survol en
hélicoptère des dégâts matériels
puissance y ont été posés sur les ouvrages RTE causés par
pluies diluviennes dans le Var.
3.1. Des solutions pour dans les années 1920. Sur ces
C. Chantier de maintenance sur la
les liaisons souterraines premières technologies pour ligne 400 000 volts d’Albertville-
les câbles « haute tension », Rondissone.
3.1.1. Constitution d’un câble autour du conducteur en
souterrain moderne cuivre, on retrouve du papier
Aujourd’hui, la plupart des enrubanné ou de la cellulose
liaisons pour des niveaux de enrubannée (Figure  13). Ces
tension allant de 63  000 à couches épaisses de plusieurs
220 000 volts sont construites millimètres vont être impré-
en technologie souterraine. gnées de matière visqueuse
La constitution d’un câble ap- (huile et résine) pour assurer
proprié est schématisée sur la l’isolation, puis on va protéger
Figure 12. Au cœur se trouve le tout par une gaine de plomb
l’âme, généralement en cuivre et enfin un matelas de jute
ou en aluminium, conducteur goudronnée. Près de 400 km
où va transiter la puissance de câble de ce type sont posés
électrique. Elle est entourée dans la région parisienne.
d’un isolant électrique et pro- Il existe encore des câbles de
tégée par des gaines. Un histo- cette technologie qui sont en
rique des solutions techniques service, et pour certains de-
employées pour la fabrication puis plus de quatre-vingt-cinq
des câbles est instructif sur la ans ! Des évolutions techno-
progression des techniques, logiques ont eu lieu au cours
car les câbles électriques sou- du temps sur les qualités
terrains, ce n’est pas si nou- d’huiles et de papiers : on est
veau que cela ! passé des huiles végétales
à des huiles minérales  ; les
3.1.2. Les premiers câbles papiers se dégradent moins
à papier imprégné (1920) et sont de meilleure qualité.
On peut remarquer qu’à Paris Cependant, ce type de techno-
notamment, il n’y a pas ou très logie pose des problèmes. Le

Protection en polyéthylène
Gaine en aluminium
Isolant en polyéthylène réticulé
Figure 12
Âme en cuivre ou en aluminium Constitution d’un câble de liaison
souterrain (coupe). 11

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Chimie et enjeux énergétiques

3.1.3. Les câbles à huile fluide


(1930)
Dans une deuxième généra-
tion, on est passé aux câbles
à huile fluide (Figure  14A),
inventé s p ar l a s ociété
­P irelli. Le conducteur cen-
tral est creux, ménageant au
centre un canal dans lequel
on fait circuler de l’huile
sous pression (1 à 3  bars).
Des réser voirs extérieurs,
appelés «  poumons  », sont
placés le long de la liaison.
Ils maintiennent une pres-
sion constante à l’intérieur
du câble, tout en permettant
Figure 13 conducteur de cuivre du câble les mouvements de dilatation
à papier imprégné, soumis et de compression de l’huile
Livraison de tourets de câbles à des échauffements ou des
souterrains. au fil des cycles de fonction-
refroidissements, selon la nement.
température du conducteur et
Le premier câble 220 000 volts
celle du sol, entraîne des di-
souterrain, d’une longueur
latations et des compressions
de 18 km, a été développé en
des huiles. L’inconvénient est
que l’huile n’a pas le même France et posé en 1936 entre
coefficient de dilatation que Clichy-sous-Bois et Saint-
le plomb de la gaine, ce qui Denis. Il a été mis hors tension
entraîne des déformations et retiré, aux débuts des an-
provoquant l’apparition de nées 2000, après soixante-dix
zones vides remplies d’air à ans de bons et loyaux services
l’intérieur de l’isolant. Cet sans avoir connu d’avarie.
air, ionisé par le champ élec- Dans une autre optimisa-
trique, est ensuite à l’origine tion de ce type de procédés,
de décharges partielles puis on a développé les câbles
du claquage du câble, cor- oléostatiques (Figure  14B)
respondant à des courts-cir- dont cer tains sont encore
cuits à l’intérieur du câble. en service, notamment dans
Figure 14 Une intervention devient alors la région parisienne. On a
A. Câbles à huile fluide. nécessaire pour remplacer la toujours les conducteurs
Conducteur creux en cuivre partie défectueuse. avec papier ­i mprégné mais
présentant un canal central
dans lequel circule de l’huile
sous pression (2 à 3 bars) qui A B
permet d’imprégner le papier
qui enrubanne le conducteur. Le
canal d’huile est connecté à des
réservoirs extérieurs appelés
« poumons ».
B. Câbles à pression externe ou
oléostatiques. Conducteurs isolés
au papier imprégné, placés dans
un tube d’acier rempli d’huile sous
12 pression (15 bars).

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
ils sont placés dans un tube Les premiers polyéthylènes
d’acier rempli d’huile sous utilisés étaient de la techno-
une pression impor tante logie «  basse densité  ». Pour
(15  bars), chargée de gérer l’application à la fabrication de
les problèmes d’isolation et câbles électriques, ils présen-
de dilatation. Les câbles à taient une limitation en termes
huile ne sont pas exempts de température maximum de
d’inconvénients. Même fonctionnement. En effet, le
en nombres relativement polyéthylène est rigide jusqu’à
faibles, les phénomènes de une certaine température  ; il
claquage existent toujours. se ramollit à partir d’environ
Par ailleurs, il faut gérer 110 °C, puis se liquéfie à plus
l’étanchéité du câble, donc haute température. Il ne peut
tout ce qui est « fuites » ; les alors plus confiner correcte-
risques d’incendies sont éga- ment l’âme de cuivre et remplir
lement là  ; de surcroît, leur son rôle d’isolant.
coût est élevé.
3.1.5. Évolution des câbles
3.1.4. Les câbles à isolation à isolation synthétique
synthétique (1960) : Les progrès de la chimie des
le polyéthylène polymères (voir l’Encadré
La grande évolution, c’est la «  L’évolution des polyéthy-
chimie du pétrole qui l’amène lènes  ») ont ensuite permis
avec l’invention du polyéthy- l’utilisation du polyéthylène
lène en 1938 (Figure 15). Des « haute densité », puis du po-
propriétés très intéressantes lyéthylène «  réticulé », avec
émergent d’emblée, à la fois à chaque fois des gains si-
du point de vue de la résis- gnificatifs en termes de tem-
tance mécanique et de la te- pérature de fonctionnement,
nue électrique  : ces câbles donc de puissance électrique
ont toutes les qualités pour transpor table admissible. Figure 15
remplacer les systèmes à Les câbles électriques en po-
Le démarrage en 1938 de
huile. Il faudra une dizaine lyéthylène haute densité ont
la production industrielle
d’années pour obtenir indus- été utilisés à partir de la fin du polyéthylène a permis la
triellement des polyéthylènes des années 1970. L’utilisation production de nouvelles matières
de qualité suffisante pour des du polyéthylène réticulé est thermoplastiques avec des
applications électriques en quant à elle devenue systé- propriétés très intéressantes du
matique à partir de 1986. point de vue mécanique et tenue
haute tension (en France,
électrique, ouvrant la perspective
première pose en 1963 pour À mesure des progrès du d’utilisations en tant qu’isolant
du 63  000  V et 1969 pour du ­matériau polyéthylène, on a en remplacement des isolations
225 000 V). pu en améliorer l’efficacité à huile.

13

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Chimie et enjeux énergétiques

3.2. Des solutions


L’évolution des polyéthylènes pour les postes électriques
Polyéthylène basse densité (PEBD) Les postes électriques per-
Polymérisation de l’éthylène sous très haute pression mettent d’adapter la tension
(1 500 à 3 000 bars) et haute température (170 à 300 °C). du réseau au transport ou à
Température maximum de fonctionnement du câble de la distribution, en passant
70 °C. à l’aide de transformateurs
d’un niveau de tension à un
Polyéthylène haute densité (PEHD) autre. Il s assurent aussi
Utilisation de catalyseurs métalliques sous température une fonction d’aiguillage via
relativement basse (50 à 150  °C) et pression plus faible la répartition des courants
que le PEBD (25 à 40  bars). Température maximum de entre les lignes situées en
fonctionnement du câble de 80 °C. amont ou en aval des trans-
formateurs. Enfin, les postes
Polyéthylène réticulé (PER) électriques hébergent des
systèmes de protection, de
Création chimique de connexions entre les macromolé-
surveillance et de contrôle
cules de polyéthylènes. Température maximum de fonc-
du réseau.
tionnement du câble de 90 °C.
3.2.1. L’isolation des postes
électriques
­ ’isolation et en diminuer
d La Figure 16 montre un poste
l’épaisseur. Le Tableau 1 indique classique, en milieu rural, qui
les progrès faits en vingt ans : utilise l’air comme isolant.
pour les câbles 63  000  volts, Dans les zones semi-­urbaines
on est passé d’une épaisseur ou urbaines, le manque de
de polyéthylène de 14  mm à place nécessite l’utilisation
une épaisseur de 8 mm : l’allè- de postes compacts, dits
gement correspondant donne blindés, utilisant un gaz sous
une plus grande facilité à la pression  : l’hexafluorure de
pose, l’emploi sur des trajets soufre (Encadré  «  Propriétés
à courbure plus fortes, sans de l’hexafluorure de
parler des gains en coût. soufre SF6 »). Ce gaz présente
L’industrie chimique d’au- des caractéristiques d’isole-
jourd’hui travaille sur des ment supérieures à celles de
thermoplastiques avec de l’air, ce qui permet d’utiliser
grandes capacités isolantes, moins de matériaux et d’ob-
qui pourraient fonctionner à tenir des gains de place très
des températures encore plus importants ainsi qu’une bonne
élevées (100, 110 °C) sans se intégration dans des milieux
déformer – de nouvelles pers- contraints. La Figure  17 re-
pectives de progrès. présente des postes blindés

Tableau 1
Évolution des isolants et de leurs épaisseurs.
Évolution des isolants Évolution des épaisseurs d’isolant
PEBD PEHD PER 1980 1990 2000
63 kV 1962 1972 1987 63 kV 14 mm 11 mm 8 mm
225 kV 1969 1978 1994 90 kV 17 mm 14 mm 11 mm
14

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
Figure 16
Poste électrique aérien
400 000 volts de Saucats
dans la région Sud-Ouest.

A B

Figure 17
Postes électriques blindés.
A et B. Vues du poste électrique
d’Harcourt à Issy-le-Moulineaux
(92). C. Poste électrique
de Vincennes. 15

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Chimie et enjeux énergétiques

Propriétés de l’hexafluorure de soufre (SF6)

L’hexafluorure de soufre (Figure 18) est un composé gazeux à température ordinaire qui a


été synthétisé pour la première fois au début du siècle dernier. Ses avantages sont d’être
un très bon isolant (deux fois et demi meilleur que l’air), non toxique, non inflammable
et non corrosif. Il présente deux inconvénients forts : sa température de liquéfaction est
relativement élevée (– 25 °C) et peut limiter son utilisation dans des milieux climatiques
particuliers (les vallées des Alpes par exemple) ; c’est aussi un « gaz à effet de serre » listé
par les accords du protocole de Kyoto. À ce sujet, on peut le comparer au gaz carbonique
CO2 : son pouvoir réchauffant est vingt-trois mille fois (!) plus grand que celui du CO2 – mais
son émission est des milliards de fois plus faible… et son impact donc limité. Ce poste
d’émissions constitue néanmoins un enjeu fort pour RTE qui s’est doté d’un plan d’action
permettant de diminuer fortement les émissions de SF6.

Figure 18
L’hexafluorure de soufre (SF6).

situés en milieu urbain ; il en «  chambre de coupure  » qui


existe aussi de plus cachés, utilise un fluide ou un gaz en
notamment situés dans des surpression projeté sur l’arc
bâtiments souterrains pour pour l’éteindre.
des agglomérations impor- Les premiers disjoncteurs
tantes comme Paris. utilisaient de l’huile. À l’ori-
gine, il en fallait de gros vo-
3.2.2. Évolution des lumes (Figure  19A). Ensuite,
techniques d’isolation dans les de meilleures huiles et de
disjoncteurs de puissance meilleures capacités de
Situé à l’intérieur d’un poste coupure du courant ont per-
électrique, le disjoncteur est mis de réaliser des disjonc-
un appareil destiné à proté- teurs à faible volume d’huile
ger les circuits et les instal- (Figure  19B). On a ensuite
lations contre une éventuelle utilisé des disjoncteurs à air
surcharge de courant due à comprimé (Figure  19C), les
un court-circuit. Il permet arcs électriques pouvant être
aussi l’exploitation du ré- éteints avec de l’air, mais
seau en interrompant ou en de l’air sous pression, afin
rétablissant le passage du d’avoir une capacité isolante
courant dans une portion du suffisante. Ces systèmes sont
circuit. En très haute tension, cependant très bruyants en
les courants sont intenses. fonctionnement et réclament
À la séparation des contacts des actions de maintenance
d’un disjoncteur, il se forme importantes.
un arc qui ne peut pas être L e s disjonc teur s à SF 6
interrompu simplement dans (Figure 20A) ont été introduits
l’air comme en basse tension. et se sont généralisés à par-
16 Son extinction a lieu dans une tir des années  1970. L’étude

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
A B C

Figure 19
A. Disjoncteur à gros volume d’huile (1900). B. Disjoncteur à faible volume d’huile (1930). C. Disjoncteur à air
comprimé (1950).

A B

d’autres solutions s’est pour- 3.2.3. Dégradations chimiques Figure 20


suivie  ; on travaille ainsi sur associées à l’hexafluorure
de soufre A. Disjoncteurs SF6 (1970).
des disjoncteurs à vide utili-
B. Disjoncteurs ampoule à vide
sant la simple isolation par L’hexafluorure de soufre est (2010).
le vide, ou sur des mélanges susceptible de se décompo-
d’azote et de SF6 permettant ser du fait des sollicitations
de diminuer la quantité de thermiques, électriques et
SF6 utilisée. Des travaux de chimiques auxquelles il est
recherche donneront encore soumis. Les produits de
lieu à d’autres isolants dans ­d écomposition dépendent
le futur (Figure 20B). de la nature des matériaux 17

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Chimie et enjeux énergétiques

p­résents dans le poste blindé 3.3. Des solutions


ou le disjoncteur –  non seu- pour les lignes aériennes
lement les conduc teur s,
mais aussi les parois, elles- 3.3.1. Principales contraintes
mêmes constituées de plu- techniques : électricité
sieurs matériaux  – et des et mécanique
conditions de réactivité éle- Sur les lignes aériennes, les
vée que produisent les iné- conducteurs (cuivre ou alu-
vitables arcs électriques au minium) sont dépourvus d’iso-
cours du fonctionnement. lants : ils sont nus (Figure 23).
La Figure 21 liste un certain C’est donc l’air qui joue le rôle
nombre de réactions qui se d’isolant et cela implique de
produisent dans ce milieu. respecter des distances mini-
Les réactions conduisent males : entre les conducteurs
à la formation de produits et entre les conducteurs et le
toxiques et corrosifs et peu- sol ou divers obstacles. Ces
vent provoquer une dégra- distances sont appliquées
dation des matériaux ainsi de façon courante avec une
que de la qualité isolante du prise en compte de marges
SF6 . Il s’ensuit le risque de de sécurité. Les lignes sont
courts-circuits et de dom- par ailleurs des objets méca-
mages à l’ensemble du sys- niques soumis à de sévères
tème. contraintes.
La Figure 22 montre des dé- Le facteur limitant des tran-
Figure 21 pôts consécutifs à des réac- sits électriques sur les lignes
tions chimiques (amorçage aériennes provient des al-
Réactions de l’hexafluorure de interne) faisant inter venir longements que provoquent
soufre au sein d’un disjoncteur ou
d’un poste blindé conduisant à la
l’hexafluorure de soufre. La l’échauffement consécutif
dégradation de la qualité isolante présence d’eau accroît et ac- au passage du courant ou
et à des produits de décomposition célère la formation de pro- certains aléas climatiques
toxiques et corrosifs. duits de décomposition. comme le givre (Figure  24).

18

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
Figure 22
Formation de produits de
décomposition du SF6. La poudre
est due à la présence d’eau ;
un compartiment avec une
hygrométrie faible présentera très
peu de poudre blanche suite à un
amorçage.

Figure 23
Ligne aérienne de transport de
courant. Les conducteurs sont
« nus » : c’est l’air qui est l’isolant,
ce qui implique de respecter des
distances minimales entre les
conducteurs et d’autres éléments.

S’échauffant, les lignes se di- en cuivre pur (Figure  25), Figure 24


latent, et leur dilatation modi- le cuivre étant l ’un des
fie les distances des conduc- Les conducteurs sont soumis à
meilleurs conducteurs. Le
différentes contraintes pouvant
teurs entre eux et avec les cuivre possède aussi des ca- conduire à leur allongement
divers obstacles présents. ractéristiques de résistance et à la réduction des distances
mécanique qui permettent d’isolement.
3.3.2. Lignes aériennes et de le maintenir sous tension
évolutions de la métallurgie mécanique et de limiter les
(Encadré « Les grandes étapes phénomènes d’allongement.
de l’évolution des conducteurs L’inconvénient de ce métal
pour lignes aériennes ») provient de son poids impor-
Dans les années 1900, au dé- tant : un conducteur lourd im-
but de l’équipement en élec- pose des pylônes massifs, ce
tricité à grande échelle, les qui entraîne des limitations
conducteurs utilisés étaient techniques et économiques. 19

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Chimie et enjeux énergétiques

Les grandes étapes de l’évolution des conducteurs pour lignes aériennes

Conducteurs en cuivre (1900-1910)


Excellent conducteur mais métal lourd nécessitant des pylônes massifs à coût élevé.

Figure 25
Coupe schématique d’un conducteur en cuivre.

Conducteurs en aluminium (1910-1920)


Moins bon conducteur et moins résistant mécaniquement que le cuivre mais beaucoup
plus léger, l’aluminium est utilisé dès que la métallurgie permet de fabriquer des alu-
miniums de qualité suffisante.

Figure 26
Coupe schématique d’un conducteur en
aluminium-acier.

Conducteurs en aluminium-acier (1920 à aujourd’hui)


Utilisation d’une âme en acier pour la tenue mécanique et d’une couche périphérique
en aluminium pour la conduction. Constitue le standard international qui dissocie la
fonction mécanique et la fonction électrique.

Conducteurs en Almelec (1950 à nos jours)


Alliage d’aluminium pur avec du magnésium (0,7 %) et du silicium (0,6 %).

Figure 27
Coupe schématique d’un conducteur
en Almelec avec brins en Z.
20

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
Tableau 2
Caractéristiques comparées des matériaux utilisés.
Cuivre Aluminium Acier Almelec
Résistivité à 20 °C (10 –8 Ω · m) 1,72 2,82 ~15 3,26
Masse volumique (kg · m –3) 8 890 2 700 7 800 2 700
Contrainte à la rupture en traction (Mpa) 380 à 450 150 à 190 1 410 à 1 450 320 à 380

Dans un deuxième temps, la métallurgie moderne. Au


grâce aux progrès de la mé- lieu de fils, on peut utiliser
tallurgie de l’aluminium, on a des composants dits « en Z ».
su fabriquer des aluminiums On peut voir que la structure
de qualité suffisante pour comble mieux les vides, et qui
être utilisés seuls en tant dit moins de vide dit moins
que conducteur. Ce métal est de résistance, donc moins
moins bon conducteur, moins de pertes. Par optimisation
résistant mécaniquement que de l’arrangement des com-
le cuivre mais beaucoup plus posants des conducteurs, on
léger, ce qui rendait son utili- peut gagner 15 % en conduc-
sation intéressante. tivité, et ainsi diminuer les
Le standard qui s’est imposé pertes d’autant.
mondialement est celui de
3.3.3. Que promet l’avenir ?
conducteurs mixtes alumi-
nium/acier. Ils sont constitués Les travaux actuels sur les
d’un cœur d’acier (Figure  26) matériaux laissent entrevoir
qui assure la résistance méca- des progrès spectaculaires
nique et évite que les câbles ne (Encadré «  Conducteurs à
se dilatent ou cassent. L’acier faible dilatation et nouveaux
ne conduit pratiquement pas matériaux »).
l’électricité, c’est donc de Pour les composants alumi-
l’aluminium, placé autour, nium/acier (Figure 28), on uti-
qui assure la conduction. En lise aujourd’hui des aciers de
France, dans les années 1950, meilleure qualité pour assu-
un alliage particulier d’alumi- rer la résistance mécanique
nium a été inventé, l’Almelec du câble, et des aluminiums
(Figure  27), constitué d’alu- supportant des plus hautes
minium, de magnésium et de températures. Les nouveaux
silicium. Il constitue un maté- composants métalliques qui en
riau de bonne conductivité, de résultent peuvent fonctionner
bonne résistance mécanique à des températures beaucoup
–  bien meilleure que celle de plus élevées – jusqu’à 200 °C, là
l’aluminium pur et proche de où les conducteurs standards
celle du cuivre – et qui possède fonctionnent plutôt aux alen-
la légèreté de l’aluminium. Ce tours de 70 °C. Cela permet un
matériau, encore utilisé au- gain d’environ 30 % en capacité.
jourd’hui, a pendant longtemps Deux autres solutions attrac-
été le standard français. tives sont des retombées de
D’autres progrès sur les recherches high-tech initiées
câbles sont liés à ceux de au départ pour des objectifs 21

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Chimie et enjeux énergétiques

Conducteurs à faible dilatation et nouveaux matériaux

État de l’art actuel

Conducteurs bimétalliques aluminium/acier


Âme acier à très haute résistance mécanique.
Brins conducteurs trapézoïdaux en aluminium recuit.
Fonctionnement maximum : 200 °C (+ 30 % de capacité).

Figure 28
Schéma d’un conducteur bimétallique aluminium/acier.

Conducteurs composites à matrice métallique


Âme en fibres d’alumine noyées dans une matrice métallique d’aluminium.
Brins conducteurs trapézoïdaux en aluminium/zirconium.
Fonctionnement maximum : 240 °C (+ 90 % de capacité).

Figure 29
Schéma d’un conducteur composite à matrice métallique (3M™).

Conducteurs composites à matrice organique


Âme en fibres de carbone noyées dans une résine organique.
Brins conducteurs trapézoïdaux en aluminium/zirconium ou aluminium recuit.
Fonctionnement maximum : environ 180 °C (+ 50 à 90 % de capacité).

Figure 30
Schéma d’un conducteur composite à matrice organique.

22

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Réseaux de transport d’électricité et transition énergétique
Tableau 3
Caractéristiques comparées des matériaux utilisés.
Résistivité Contrainte à rupture Température maximale
(10 –8 Ω · m) (Mpa) permanente (°C)
Aluminium écroui dur 2,825 160 à 180 75
Almelec 3,26 315 à 325 75
Aluminium recuit 2,92 59 à 97 250

de la recherche spatiale ou une conductivité d’environ


aéronautique. Une nouvelle 25  % de celle du cuivre. En
gamme de conducteurs uti- les entourant d’aluminium, on
lise ainsi une âme constituée crée des conducteurs permet-
de fibres d’alumine noyées tant de transiter 90 % de plus
dans une matrice métallique qu’un câble classique.
d’aluminium (Figure  30). Ce En dernier lieu, on peut citer
type de composants présente l’utilisation de fibres de car-
des similarités avec les com- bone (Figure  30), matériau
posants pour les navettes utilisé entre autres pour le
spatiales devant résister aux transport aérien. Une fibre de
très hautes températures carbone au centre assure la
(3  000  °C  !) en gardant de résistance mécanique  ; au-
très bonnes capacités méca- tour, ce sont des conducteurs
niques. Ces composants ont en aluminium.

Pas de transition énergétique


sans réseau de transport !
Pendant de nombreuses années, le moteur
principal du développement du réseau de
transport a été la consommation d’électri-
cité. Aujourd’hui, c’est d’abord la localisa-
tion géographique des nouveaux moyens de
production d’électricité. Son développement
est indispensable pour rendre possible la tran-
sition énergétique et répondre à ses objectifs :
l’intégration des énergies renouvelables et la
maîtrise de l’énergie.
De nombreux défis se présentent pour les
réseaux de transport d’électricité pour accom-
pagner les changements dans la production et
la consommation associés au passage vers une
société à bas contenu en carbone. L’intégration 23

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Chimie et enjeux énergétiques

de la production à base d’énergie renouve-


lable, l’évolution de la consommation vers une
consommation mieux maîtrisée et plus flexible,
entraînent de nombreuses modifications dans
la gestion de l’équilibre offre-demande. Les
infrastructures du réseau de transport doivent
se développer pour s’adapter à l’évolution du
paysage énergétique et continuer d’assurer
leur rôle de réconciliation géographique et de
mutualisation des énergies. Le maintien de la
fiabilité du système électrique à des conditions
économiques acceptables est primordial pour
réussir la transition énergétique.
Pour répondre à ces enjeux, il est important de
connaître les dernières avancées techno­logiques.
Cela nécessite de suivre et d’accompagner les
progrès de la chimie comme ceux des techno­
logies de l’information et de la communication
ou de l’électronique de puissance. Être prêt pour
la prochaine décennie implique de continuer à
tirer partie de ces avancées technologiques.

Pour aller plus loin

De nombreuses informations complémentaires sont accessibles


sur le site de RTE : www.rte-france.com
24

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