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Semestre: 3

UE Fondamentale Code : UEF2.1.1


Matière : Conduite des réseaux électriques
VHS:45h00 (Cours: 1h30, TD 1H30)
Crédits: 4
Coefficient: 2
Objectifs de l’enseignement
L’objectif de cours est de traiter les fonctions et l'architecture informatique des centres de
conduite des réseaux de transport et de distribution de l'énergie électrique : rôle des
centres de conduite; aspects temps réel; architecture; acquisition de données et
télécommande; estimation et prédiction de l'état du réseau; réglages centralisés;
optimisation; fiabilité et sécurité; échanges d'informations entre applications et entre
centres de conduite.
Connaissances préalables recommandées:
- Réseaux de transport et de distribution électriques
Contenu de la matière
Chapitre I. Généralités sur le système «production-transport-Distribution» 1 semaine
Système électrique, Constitution du système électrique, Courant continu Courant
alternatif, Transport de l'énergie électrique, Structure du réseau de transport, Postes
haute tension, Lignes électriques à grandes distances, Perspective du transport en
courant continu, Le système électrique algérien.
Chapitre II. Interconnexion des réseaux de transport et qualité de tension 2 semaines
Cas de deux réseaux interconnectés, Cas de plusieurs réseaux interconnectés, Raisons des
interconnexions, Avantages de l’interconnexion, Planification des réseaux de transport et
d'interconnexion.
Chapitre III. Conduite du RPT 2 semaines
Les centres de conduite, L'équilibre production-consommation, Prévision de la
consommation et programmation de la production, Réglage de la fréquence,
La gestion du plan de la tension sur le réseau de transport, La maîtrise des transits
d’énergie dans un réseau d’interconnexion.
Chapitre IV. Réglage du réseau 3 semaines
Réglage de la fréquence (Réglage primaire, secondaire et tertiaire de la fréquence),
Réglage de la tension (Réglage primaire, secondaire et tertiaire de la tension),
Installations nouvelles – capacités constructives de référence.
Chapitre V. Acquisition de données et télécommande 3 semaines
Acquisition des données, Télésurveillance du système de puissance, Contrôle du système
de puissance ou télécommande, Le système SCADA, Les différentes configurations des
systèmes SCADA, Les outils d'aide à la décision, Systèmes informatiques de conduite,
Chapitre VI. Sûreté du système électrique et Plans de défense 2 semaines
Sûreté de fonctionnement du système électrique, Principaux phénomènes de dégradation,
Sûreté du Système en régime normal et exceptionnel, Gestion des réseaux séparés -
Reconstitution du réseau, Fonctionnement en régime exceptionnel et soutien du réseau,
Maintien de l’efficacité des moyens de sauvegarde et de défense.

Mode d’évaluation : Contrôle continu: 40%examen 60%


Références Bibliographiques:
1. VIRLOGEUX, "Systèmes de téléconduite des postes électriques", Techniques de l’Ingénieur, D4850, 1999.
2. Pierre BORNARD, "Conduite d’un système de production-transport", Techniques de l’Ingénieur, D4080, 2000.
3. Gwilherm POULLENNEC, "A la découverte du système électrique", Ecole des Mines de Nantes, 2007.
4. RTE, "Contribution des utilisateurs aux performances du RPT", Réseau de Transport d’Electricité, 2014.
1 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
Chapitre I : Généralités sur le système «production-transport-Distribution»

1. Conduire un système électrique, c’est d’abord définir le partage des rôles et responsabilités
entre les nombreux acteurs concernés. Ensuite, pour les « gestionnaires du réseau de transport »
qui, dans chaque pays ou chaque grande zone d’exploitation, ont le rôle de chef d’orchestre et la
maîtrise directe des moyens de conduite, il s’agit de préparer les situations à venir, puis, depuis
leurs centres de conduite ou « dispatchings », de surveiller le système et de le maîtriser,
d’anticiper les possibles difficultés. Enfin, il s’agit de rendre à chacun des acteurs l’image de son
rôle dans l’exploitation passée et de procéder aux règlements financiers correspondants.
2. Système électrique
On appelle communément « système électrique » l’ensemble des installations électriquement
interconnectées qui assure la livraison, à tous les utilisateurs d’électricité, des kilowattheures
produits à partir de sources d’énergie primaire telles que l’hydraulique, les combustibles fossiles, la
fission nucléaire, l’énergie éolienne, voire, mais encore marginalement, l’énergie solaire directe.
3. Constitution du système électrique
Il est traditionnel de distinguer, au sein d’un système électrique, trois étages aux fonctions
différentes s’articulant entre elles (figure 1).

Le premier étage est celui de la production de l’électricité qui sera livrée aux
consommateurs. Il est constitué par les usines, souvent appelées « centrales », qui
convertissent en kilowattheures les énergies primaires.
Le deuxième étage est celui du réseau de transport et d’interconnexion auquel sont
raccordées les usines de production. Cet étage assure la mise en commun et la répartition sur
un très vaste territoire de toute l’électricité qui y est produite. Le réseau de transport et
d’interconnexion est le véritable nœud du système électrique.
Le troisième étage est celui des réseaux de distribution. En effet, un réseau de transport et
d’interconnexion peut desservir directement certains très gros utilisateurs d’électricité. Mais
des réseaux intermédiaires sont nécessaires pour desservir les millions et dizaines de
millions de consommateurs, industriels ou domestiques, qui ont besoin de puissances se
chiffrant en kilowatts et mégawatts, et non en dizaines ou centaines de mégawatts.

4. Courant continu et Courant alternatif

4.1. Le courant continu (CC ou DC pour direct current) est un courant électrique dans lequel les
électrons circulent continuellement dans la même direction, c’est-à-dire du pôle négatif vers le pôle

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positif. Sa vitesse de déplacement est de plusieurs mètres par heure et sa propagation se fait à la
vitesse de la lumière.
4.2. Le courant alternatif (CA ou AC pour alternative current) est l’autre type de courant
électrique. Les électrons circulent de manière alternative dans les deux sens du circuit. En fait, c’est
la rotation d’un alternateur qui génère un mouvement de va et vient des électrons. Dans ce cas, le
déplacement des électrons se limite à quelques millièmes de millimètre. Le courant alternatif est
mesuré par sa fréquence (en hertz). En Europe, la fréquence est de 50Hz, le courant effectue donc
50 allers-retours par seconde.

5. Transport de l’électricité et applications


Dans la majorité des cas, le transport de l’électricité se fait avec du courant alternatif. En effet,
l’intensité de celui-ci étant limitée, la déperdition de chaleur et d’énergie (effet Joule) est moins
importante qu’en courant continu.
Sur de très longues distances ou dans des cas de câbles enterrés ou sous-marins, le courant continu
est privilégié. En effet, pour transporter de l’électricité en CC, il suffit de deux câbles, alors que
trois câbles sont nécessaires pour effectuer le transport en CA.

5.1. Rôle du réseau de grand transport


La fonction de base du réseau de grand transport est d’abord de relier les centrales de production
aux centres de consommation d’électricité. Mais, au-delà de cette évidence, pour comprendre la
structure et les contraintes d’exploitation de ce réseau, il importe de bien appréhender les
principales lignes directrices de son développement et de son organisation, que nous allons rappeler
très brièvement.
Le réseau de grand transport est né de la localisation de ressources énergétiques (souvent
l’hydroélectricité) loin des zones consommatrices. Pour franchir la distance correspondante, la
technique du transport par courant alternatif à très haute tension s’est rapidement imposée.
Le réseau permet aussi de bénéficier des différences de coûts de production (ou de prix offerts
sur un marché ouvert) entre des équipements distants, conduisant à une réduction globale des
coûts d’exploitation. Ces différences de prix, selon leur caractère conjoncturel ou structurel,
donnent lieu à des transports d’électricité dits respectivement « systématiques » et « de
compensation ».
a. Le transport systématique est pratiqué lorsque des ressources énergétiques massives et
économiques sont situées loin de leur clientèle. Par exemple le cas de l’hydroélectricité, du
nucléaire ou du gaz.
b. Le transport de compensation relève de la compensation statistique des variations tant de la
consommation que de la capacité de production. Il peut être prévisible et aisément anticipé : c’est le
cas de l’effet des décalages entre heures de pointes entre régions ou pays (voir par exemple le
décalage horaire entre grands centres de consommation de l’interconnexion de l’Est des États-
Unis). C’est aussi le cas lors de la gestion coordonnée de centrales thermiques et hydrauliques
appartenant à un même producteur, tirant parti de la complémentarité de ses moyens de production.
Le transport de compensation peut aussi devoir être mis en œuvre, avec un préavis très limité, dans
le cas de la panne d’une grosse unité de production. Ce type d’événement fait toutefois partie des
anticipations habituelles, nécessaire à la bonne conduite d’un système électrique.

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5.2. Rôle des réseaux de répartition
Le rôle de plaque tournante du réseau de grand transport doit être complété par d’autres réseaux qui
vont acheminer l’énergie à proximité immédiate des zones de consommation diffuse : il s’agit
des réseaux de répartition, qui assurent le relais jusqu’aux réseaux de distribution à 20 kV et à 400
V. En Europe, le grand transport est le domaine du réseau à 400 kV, plus certaines liaisons à 225
kV.
Outre la desserte régionale, les réseaux de répartition ont un rôle d’évacuation de la puissance
produite par de petites centrales (en général 250 MW et moins). Ce rôle est très important dans
des régions où une production hydroélectrique abondante provient de nombreuses petites usines
réparties le long des vallées.
Pour conclure sur les réseaux de répartition, il faut souligner que, s’ils ne conditionnent pas
directement la robustesse des systèmes électriques, c’est-à-dire leur sûreté, ils jouent un rôle
déterminant quant à la qualité de l’électricité livrée au consommateur final. Leur conception,
comme leur exploitation et leur conduite, se traduisent très directement en nombres de coupures
longues ou brèves, nombres de creux de tension, etc., subis à la livraison en bout de chaîne.

6. La constitution du réseau
Le réseau est constitué de lignes aériennes, de câbles souterrains et de postes, à divers niveaux de
tension.
6.1. Postes
Par définition, un poste (une sous-station) est une installation d’organes de liaison et l’organe de
manœuvre où parvient l'énergie des centrales et orientée vers les centres de consommation.
Le schéma (topologie) de ces postes dépend principalement de deux aspects :
1. Niveau de sécurité d’exploitation : On entend par là qu’en cas de défaut sur le jeu de barres ou
sur une ligne, il faut veiller à éliminer ce défaut par des disjoncteurs aussi peu nombreux que
possible en vue de garder en service le plus d’ouvrages sains possible (sécurité élevée) ou un certain
nombre de lignes ou de travées (sécurité moyenne ou faible).
2. Niveau de souplesse désiré : On entend par là la facilité d’exploitation relative aux manœuvres
volontaires et aux changements de la configuration électrique du poste.

Les principaux composants d'une sous-station consistent en :


• Appareillage de liaison : jeu de barres où aboutissent les raccordements aux centres
consommateurs et producteurs;
• Appareillage de manœuvre et protection : disjoncteurs qui ouvrent ou ferment un circuit, suite à
une manœuvre d'exploitation ou à un défaut imprévu dans le réseau (contournement d'isolateur,
mise à la terre d'une phase, par exemple), sectionneur dont la principale fonction est d’assurer
l'isolement du circuit qu’il protège (en anglais :"isolator")
• Appareillage de régulation : transformateur à réglage en charge – batterie de condensateurs;
• Appareillage de conversion : surtout dans les sous-stations des chemins de fer (redresseurs);
• Appareillage de mesure : transformateurs de potentiel et d'intensité (T.P. - T.I.); appareils de
mesure proprement dits et relais branchés au secondaire des transformateurs d'intensité et de
potentiel;
• Services auxiliaires BT, courant alternatif et courant continu : réseaux alimentant les moteurs
de commande, la signalisation, les verrouillages, le chauffage, I’ éclairage;
• Appareillage d’automatisme, de télécommande, de télésignalisation, de télémesure.
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Chapitre II : Interconnexion des réseaux de transport et qualité de tension

Introduction
Pour des raisons économiques (effet de taille...) ou techniques (localisation des réserves
hydrauliques et des sources froides...), les unités de production sont souvent géographiquement très
concentrées. Par contre, la consommation est beaucoup plus dispersée.
Les réseaux de transport et d’interconnexion assurent la liaison entre les grands centres de
production et les grandes zones de consommation ainsi qu’avec les réseaux des gestionnaires de
réseaux voisins.
Le gestionnaire du réseau doit maintenir, en permanence, l’équilibre entre l’offre disponible et la
demande potentielle et assurer le transit de l’énergie depuis les groupes de production jusqu’aux
consommations tout en respectant les plages contractuelles de tension et de fréquence et les limites
constructives des constituants du réseau.
L’Europe contient 5 zones synchrones, c’est-à-dire des zones où la fréquence sur le réseau est la
même, quel que soit l’endroit où elle est mesurée sur le réseau électrique. Ces zones synchrones
comprennent plusieurs pays reliés entre eux par plusieurs interconnexions à courant alternatif.
Les différentes zones synchrones sont reliées entre elles par des liaisons à courant continu qui
fonctionnent comme des robinets que l’on peut fermer. Elles permettent de faire des échanges
d’électricité et d’optimiser la production de chacune.

Comment tout cela fonctionne-t-il ?


Lorsqu’il y a un excès de production, la fréquence du réseau augmente. Au contraire, lorsqu’il y a
un déficit de production par rapport à la consommation, la fréquence baisse. Les gestionnaires de
réseaux doivent donc rester au plus proche de 50 Hz pour assurer la qualité du réseau.
Ce respect de la fréquence est important, car les processus industriels et les machines de production
ont besoin d’une fréquence de 50 Hz (c’est la norme) et l’ensemble des appareils électriques ont un
fonctionnement optimal à cette fréquence : télévision, réfrigérateur, etc.
Dès que l’on s’écarte de cette valeur, le rendement des machines est dégradé. « Lorsque l’on
s’écarte trop de 50 Hz, on risque de voir des machines de production s’arrêter et se déconnecter
automatiquement du réseau », l’opérateur du réseau de transport d’électricité français. « À 47 Hz,
plus aucune machine de production n’est capable de rester connectée à un réseau ».
Heureusement, « plus le réseau est grand, plus il est robuste : un aléa sur une production va être
compensé par l’ensemble de la zone synchronisée », fait-il savoir. Ainsi, sur la zone synchrone
d’Europe continentale, « une variation de fréquence d’un hertz, correspond en moyenne à une
différence de puissance entre la production et la consommation d’environ 25 000 MW », estime-t-il.
Cela est évidemment différent à tout moment en fonction du niveau global de consommation et de
production !

1. Les interconnexions internationales : un secteur en pleine évolution


Il y a une dizaine d’années, le Conseil des ministres européens de l’Énergie débattait de trois
mesures proposées visant à accroître l’efficacité économique d’ensemble du secteur électrique dans
la Communauté :

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— l’accès des tiers au réseau ;
— l’abrogation des droits exclusifs de production d’énergie et de construction des moyens de
transport existant dans les législations nationales ;
— la séparation des activités de production, de distribution et de transport.
À côté des questions soulevées par la Commission européenne, dont chacun essayait de peser les
répercussions sur l’organisation et le fonctionnement des systèmes électriques, et à côté des
interrogations sur le devenir de modèles inspirés du nouveau pool anglais, l’extension géographique
de l’interconnexion synchrone était en plein débat. Alors que la zone européenne interconnectée en
synchrone était restée relativement stable depuis 30 ans, la disparition du rideau de fer changeait
complètement la donne. Les perspectives d’interconnexion de l’Est et de l’Ouest se dessinaient, et
l’on pressentait aussi que le synchronisme pourrait s’étendre également rapidement vers le sud à
travers le détroit de Gibraltar puis tout autour de la Méditerranée.

Nota : interconnexion synchrone signifie que les réseaux ont même fréquence et même tension.
Une telle extension n’était pas sans poser de nombreux problèmes pratiques.
En premier lieu, les perspectives d’interconnexion accrue s’ouvraient paradoxalement à un moment
où il devenait extrêmement difficile de faire accepter la construction de nouvelles lignes de
transport.

2. Les avantages recherchés à travers les interconnexions internationales


Il n’est pas si facile de dessiner un paysage incontestable des avantages et des inconvénients de
l’interconnexion synchrone, dans une Europe de l’Ouest où ceci constitue un cadre naturel depuis si
longtemps. On conçoit mieux la difficulté d’un tel questionnement si l’on essaie de se mettre à la
place de pays confrontés aujourd’hui à l’examen de l’opportunité d’un raccordement à d’autres
réseaux, ou bien de vastes pays comme la Chine qui doivent déterminer le mode optimal de
développement de leur réseau.
Il est encore plus difficile d’estimer, après coup, de façon quantitative les avantages liés à
l’interconnexion. L’UCTE (Union pour la Coordination du Transport de l’Electricité), qui a mené
des travaux sur ce sujet de 1995 à 1997, en a bien saisi la mesure. En effet, une telle évaluation
suppose que l’on puisse procéder à une comparaison de la situation réelle existante avec une
situation de référence sans interconnexion. Mais comment raisonner ? Ouvrir de façon fictive les
lignes d’interconnexion internationales existantes, pour en déduire comment se modifieraient les
avantages quantitatifs ? Ou bien se tourner vers le passé et essayer d’imaginer ce qu’aurait été le
développement de systèmes électriques nationaux sans aucune interconnexion ?
Sur le plan historique, il est fort probable que le développement d’un réseau à très haute tension
synchrone ne s’est pas fait en se posant immédiatement la question de connexions entre pays. Ce
qui comptait, c’était de pouvoir raccorder des groupes de production construits en fonction de
ressources énergétiques (essentiellement, des centrales hydroélectriques) à des zones de
consommation.
Pour franchir les distances, le transport à courant alternatif s’est vite imposé en Europe. Ensuite, les
effets de rendement ayant conduit à l’augmentation de la taille unitaire des groupes de production,
tandis que la consommation restait relativement diffuse, le réseau de transport s’est progressivement
développé. Le maillage du réseau a ainsi permis de répondre à l’un des problèmes posés par
l’électricité, à savoir que celle-ci se stocke peu (du moins, vis-à-vis des niveaux de production et de
consommation qui sont en jeu).
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En suivant cette logique, on a pu voir se développer progressivement en Europe des réseaux de
transport isolés, où le maillage interne s’accroissait progressivement ainsi que le niveau de tension.
Petit à petit sont apparues également quelques lignes d’interconnexion traversant les frontières,
mais il s’agissait de pouvoir relier des régions transfrontalières afin de favoriser des échanges
production-consommation entre régions locales proches, suivant un fonctionnement dit « en poche
». Cette technique, initialement commode, a posé par la suite de plus en plus de problèmes du fait
de son manque de souplesse, et a alors été considérée comme un obstacle à la fluidité d’échanges
entre partenaires intéressés.
Le couplage en synchrone des différents réseaux préexistants, rendu possible par les progrès en
matière de réglage des réseaux qui permettaient de lever les problèmes techniques inhérents au
fonctionnement en synchrone d’un grand réseau, s’est alors progressivement réalisé à partir de
1958.
En s’appuyant sur cet aperçu rapide, on peut énumérer les avantages de l’interconnexion, et plus
spécialement de l’interconnexion synchrone :
• Le développement des échanges transfrontaliers ; cet aspect est un moteur principal de
l’expansion de la zone géographique d’interconnexion.
• Les bienfaits de la mutualisation ; ils incluent plusieurs facettes ; l’interconnexion permet tout
d’abord de produire ailleurs que là où on consomme, en bénéficiant de la souplesse d’ensemble de
tous les groupes de production ; par ailleurs, l’interconnexion des consommations se traduit par un
effet de foisonnement qui joue à différentes échelles de temps : il autorise à bénéficier d’une part de
la compensation statistique des variations élémentaires des consommations, d’autre part des
décalages horaires et des différentes habitudes de consommation des pays interconnectés ;
l’interconnexion atténue aussi l’effet sur la fréquence d’un déclenchement de groupe, et conduit à
un dimensionnement plus faible des réserves de puissance nécessaires pour être en mesure de faire
face aux aléas affectant l’équilibre production/consommation.
• La réduction des coûts d’investissement de réseau et de production ; sur le plan des ouvrages
de transport, l’interconnexion a permis de faire des économies d’investissements dans les réseaux
internes des pays interconnectés, et de profiter des effets d’investissements différés ; côté
production, l’interconnexion a permis l’obtention des gains, grâce aux rendements d’échelle (il est
ainsi aisé de voir que bien des pays européens auraient du mal à supporter l’aléa constitué par le
déclenchement fortuit de leur plus gros groupe de production, s’ils fonctionnaient en réseau isolé) ;
l’interconnexion a permis aussi la construction de centrales à participation entre bénéficiaires de
pays multiples.
• Une meilleure qualité de la desserte des utilisateurs du réseau ; cette amélioration se traduit
entre autres par une fréquence plus stable, des pertes de transport globalement plus faibles, une
puissance de court-circuit plus élevée, un meilleur acheminement de la réserve ; par ailleurs, comme
divers exemples en ont témoigné, l’interconnexion se prête à une reconstitution de réseau plus
rapide suite à un incident de grande ampleur, du fait de la possibilité de s’appuyer sur les réseaux
adjacents restés saufs.
Cependant, l’interconnexion synchrone est susceptible d’apporter un certain nombre
d’inconvénients, qui peuvent constituer, si l’on n’y prend pas garde, le revers des avantages
énoncés plus haut :
• L’augmentation de la puissance de court-circuit peut conduire à devoir recourir à du matériel
de dimensionnement plus élevé et donc plus coûteux.

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• Si globalement le niveau des pertes est plus réduit, il peut au contraire s’accroître dans
certaines parties du réseau interconnecté à certains moments.
• Un réseau peut subir différentes répercussions de ce qui survient sur les réseaux voisins
(manœuvres, défauts, fonctionnements d’automatismes, etc.).
• On ne peut pas exclure complètement la probabilité qu’un mécanisme d’effondrement survienne
dans une partie du réseau et s’étende à l’ensemble du réseau.
• Le bon fonctionnement de l’ensemble repose sur le bon comportement de chacun des
partenaires interconnectés ; a contrario, le comportement inadéquat d’un des partenaires peut
induire des problèmes très gênants pour les autres et dont l’origine est parfois difficile à déterminer,
surtout sur des réseaux très étendus.
C’est pourquoi il est indispensable que chacun des partenaires interconnectés respecte des exigences
techniques minimales. Ainsi, l’UCTE a défini d’une part une procédure s’appliquant à tout nouveau
partenaire candidat à l’interconnexion, d’autre part un recueil de recommandations et de règles
s’appliquant à tout membre interconnecté.

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3. Planification des réseaux de transport et d’interconnexion
Au niveau du réseau électrique, le développement des infrastructures nationales est basé sur des
plans d’investissement décennaux qui ont pour objectif d’anticiper les évolutions de production et
de consommation d’énergie. Les principes de planification à long terme sont axés autour de trois
objectifs principaux :

1er objectif: sécurité d’approvisionnement


La sécurité d’approvisionnement des réseaux haute tension fait référence à la sécurité des
infrastructures de transmission de l’énergie électrique. La perte d’un élément quelconque du réseau
à haute tension ne doit pas entraîner de perte de consommateurs.
Cette notion, communément appelée critère n-1. De plus, cette dernière s’appuie sur le
développement des infrastructures et des interconnexions afin d’assurer l’approvisionnement des
consommateurs au sein du pays.
Le niveau de sécurité doit être garanti dans des limites économiquement justifiables. La
planification des réseaux à haute tension doit s’aligner sur des règles de conceptions
transfrontalières tout en considérant les particularités géographiques et économiques propres à
chaque pays. Par ailleurs, la conception du réseau doit s’accorder sur les principes opérationnels des
systèmes.

2ème objectif: développement durable:


Une attention au respect de l’environnement en privilégiant des solutions dont l’impact au niveau
environnemental et aménagement du territoire sont minimales. La politique de développement du
réseau tient compte de l’accroissement des sources d’énergie renouvelable.

3ème objectif: efficacité économique:


Les investissements visant à maintenir la sécurité du réseau sont sujet à une analyse coût bénéfice
visant à limiter le coût répercuté sur le consommateur final.
L’accès au réseau aux consommateurs, fournisseurs et producteurs existants ainsi qu’aux nouveaux
entrants est assuré de manière non discriminatoire.
Les principes de planification sont tributaires de facteurs internes et externes aux gestionnaires de
réseaux. Deux facteurs internes influencent principalement le développement des réseaux.
Le premier est lié à l’exploitation du réseau et au remplacement des infrastructures existantes en fin de vie.
Le second est déterminé par l’évolution future du réseau en prévision des consommations et injections ainsi
que des contraintes techniques et économiques.

Les facteurs externes se réfèrent principalement aux contraintes liées à l’augmentation de la


demande ainsi qu’aux besoins de raccordement des installations de production. Ces facteurs sont
liés aux objectifs futurs économiques ou sociétaux.
Les initiatives de promotion des énergies renouvelables ou encore la croissance des échanges
transfrontaliers des capacités de production en sont deux exemples.
L’évaluation des besoins futurs doit se baser sur des scénarios concertés en fonction des politiques
prenant en compte à titre non exhaustif:
- Le changement structurel général des réseaux à moyen et long terme
- L’intégration des énergies renouvelables
- Les flux transfrontaliers et intra frontaliers
- Les nouvelles capacités de production ou de stockage
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Les contraintes des différents utilisateurs sont à considérer de manière non discriminatoire.

4 DEFINITIONS ET OBJECTIFS DE LA PLANIFICATION DES RESEAUX


4.1 DEFINITIONS
La planification de l’extension des réseaux s’aligne sur une vision à moyen et à long-terme, basée
sur le réseau existant. Dues aux incertitudes d’une planification à long-terme, différents scénarios
sur l’évolution possible de la demande et de la production sont à analyser. Des cas d’utilisation
extrêmes des réseaux projetés sont à considérer (worst-case scenarios). Les résultats doivent
comporter une marge suffisante dans les différents cas d’utilisation.
La planification opérationnelle se focalise sur des travaux d’entretien à moyen et court terme et
des travaux à proximité des ouvrages. Il s’agit de planifications opérationnelles hebdomadaires ou
journalières. L’estimation de charges prévisionnelles des réseaux est concrète et basée sur des
estimations ou prévisions sûres. Par conséquent, les imprévus et les différents cas de figure à
évaluer sont limités.
La gestion opérationnelle du réseau est déterminée par les étapes de planification précitée.
L’adéquation de la charge, des injections des installations de production, des injections des réseaux
limitrophes et des flux de transit sont à garantir en fonction des différentes configurations du réseau.
La sécurité du réseau est à évaluer en continu.

4.2 OBJECTIFS DE LA PLANIFICATION DES RESEAUX


L’objectif principal d’une planification réseaux est de développer à moyen et long terme le réseau
de manière à garantir un fonctionnement sûr de ce dernier. Les aspects suivants sont à considérer:
les principes du marché libéralisé de l’électricité
les obligations du gestionnaire de réseau sur l’organisation du marché de l’électricité;
les moyens financiers accordés par le régulateur;
les délais d’obtention des autorisations administratives;
la stabilité du réseau;
la sécurité d’approvisionnement des clients finaux;
la sécurité des réseaux transfrontaliers;
la sécurité des personnes et des biens;
le respect des contraintes environnementales et d’un développement durable.

5 CADRE DE LA PLANIFICATION LONG TERME


5.1 HORIZON DE PLANIFICATION
En fonction des objectifs recherchés, la planification peut être séparée en deux principales étapes:
Les investissements à court et moyen terme sur un délai de cinq ans comprennent des projets déjà
planifiés ou autorisés.
Les concepts et études à long terme sur un horizon dépassant en général 10 ans et plus
comprennent tous les projets futurs, autorisés ou non. Les études à long terme sont basées sur
l’évolution de la charge, l’évolution des installations de production, la répartition géographique de la
charge, l’évolution des impacts énergétiques (l’efficience, la réduction de CO2, etc.) ainsi que des
études de simulation de réseaux.

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5.2 ETAT RESEAU
L’état du réseau doit être simulé pour tous les cas de figure jugés critiques pouvant survenir au
cours d’une année (charges, contingences), y compris les cas extrêmes peu probables.

5.3 CONFIGURATION DU RESEAU ET DEGRADATIONS POSSIBLES


Les éléments critiques du réseau peuvent être subdivisés en différents groupes d’équipements
présentant des caractéristiques similaires.
• lignes aériennes (supports / pylônes, isolateurs, conducteurs, etc.);
• lignes souterraines (câbles, garnitures, etc.);
• équipements postes de transformation et de répartition;
• équipements nécessaires au contrôle des flux (PST) et équipements y afférents;
• unités de production.

Les calculs réseau doivent être effectués en prenant en compte les défaillances ou non-disponibilités
des éléments du réseau. Les différents cas de figure jugés probables ou peu probables mais possible
sont à évaluer en tenant compte des différentes durées de non disponibilité des équipements pour
défaut, maintenance ou remplacement.
Les travaux de maintenance ou de terrassement à proximité des lignes peuvent engendrer la mise
hors tension des éléments pour des raisons de sécurité.
Le cas échéant, des combinaisons de non-disponibilités des différents éléments et/ou d’éléments
similaires sont à prendre en compte.

5.4 SCENARIOS DE CHARGE ET DE PRODUCTION


Des analyses de flux de charge sont à calculer pour les deux scénarios saisonniers suivants:
- Charges maximales estimées sur 10 ans et 20 ans durant l’année en tenant compte des effets
saisonniers.
L’impact des variations de charges et d’injections locales, principalement les productions
décentralisées tels que les parcs éoliens (minimum et maximum) sont à évaluer régionalement ainsi
que les flux résultant des modes opératoires des unités de production (stations de pompage,
centrales thermiques, renouvelables…).
Les estimations de consommation/production sont basées sur des prévisions prenant en compte
l’évolution de la charge de consommateurs regroupés en catégories ainsi que de données
communiquées par les autorités nationales sur base de plan de développement nationaux ou
internationaux.

5.5 SCENARIO DE TRANSIT


En cas d’interconnexion avec plusieurs pays, la planification du réseau à haute tension 220 kV doit
prendre en compte les flux transfrontaliers entre les marchés limitrophes sur base des études de
marché et d’une modélisation des flux du réseau interconnecté. Parallèlement des cas de flux «
marché » extrêmes mais réalistes sont à analyser suivant les différentes topologies opérationnelles
du réseau.

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Chapitre III : Conduite des Réseaux de Transport

I. Problématique de la gestion d’un système production-transport


I.1. Caractéristiques d’un système électrique
I.1.1. Consommation
L’évolution de la consommation annuelle globale est illustrée par la figure 1. Cette
évolution est principalement liée au développement technologique et économique des différents
secteurs consommateurs d’électricité. Elle est aussi liée au prix relatif des différentes énergies en
concurrence pour les applications, telles que le chauffage domestique, la production de vapeur
industrielle, etc., qui ne sont pas tributaires de la seule électricité.

Figure 1 -- Évolution de la consommation annuelle d’électricité en France (source EDF)

La consommation annuelle est aussi influencée par des aléas climatiques de longue durée. La
prévision de la consommation annuelle est importante pour la constitution et la gestion des stocks
d’énergie (grands réservoirs hydroélectriques, combustible du cœur des centrales nucléaires, stocks
de charbon et de fioul…). La qualité de la prévision de la consommation de leurs clients à
différentes échelles de temps va jouer sur la performance des producteurs d’électricité, mais la
prévision nationale par le GRT a aussi un impact direct sur la maîtrise de la sûreté du système
électrique, qui exige de disposer à tout moment de réserves en puissance et en énergie.
Les prévisions annuelles nationales sont bâties à partir d’analyses macro-économiques et
d’hypothèses de croissance par secteurs d’activités. Elles tiennent compte en particulier du niveau
de croissance économique général, de l’effet de stockage et déstockage des industries, de
l’évolution démographique et de la part de l’électricité dans la consommation énergétique
domestique, ainsi que de l’essor de nouvelles technologies. En passant de l’échelle annuelle à
l’échelle hebdomadaire, on commence à percevoir nettement la variabilité de la consommation.

12 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT


La figure 2 montre l’évolution au cours de l’année 1999 de la consommation moyenne des jours
ouvrables de chaque semaine, avec et sans correction statistique des conditions de température.

Figure 2 – Énergie moyenne consommée par jour ouvrable chaque semaine de l’année 1999.

On observe ainsi un rapport de l’ordre de 9.9/6.3~1,5 entre la semaine la plus chargée 2-3 et la plus
creuse 32-33. En passant à l’observation de l’évolution heure par heure de la puissance appelée (la «
courbe de charge » journalière), on a une idée plus claire du défi que représente l’équilibre
permanent entre production et consommation.
La figure 3 montre sur le même graphique le profil des journées extrêmes de 1998. Le rapport entre
la puissance maximale et la puissance minimale consommées est de l’ordre de 69kMW/28kMW=
2,6. La puissance consommée est particulièrement sensible aux conditions météorologiques
(température, nébulosité, et, dans une moindre mesure, hygrométrie et vent).

Figure 3 – Courbes de charge des deux journées extrêmes.

Ainsi, en plein hiver, une baisse de 1° C entraîne la consommation supplémentaire d’environ 1 400
MW, soit un groupe nucléaire de forte puissance. L’été, l’effet de la climatisation commence à être
sensible, et, au-delà de 25° C, une hausse de température de 1° C entraîne une consommation
supplémentaire de l’ordre de 300 MW (notons que, au Japon et aux États-Unis, c’est en été que se
produit la pointe de consommation, avec une très forte sensibilité aux hausses de température). La
figure 4 illustre cet effet, avec les courbes de charge de deux journées consécutives différenciées
seulement par un changement de température.

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Figure 4 – Courbes de charge de 2 jours consécutifs
avec 2 à 3° C de différence.

La nébulosité doit aussi être prise en compte pour bien conduire un système production-transport.
En France, toutes choses égales par ailleurs, la différence extrême entre un jour d’hiver avec un ciel
clair et un jour très nuageux peut atteindre 6 000 MW. La figure 5 illustre ce phénomène entre deux
jours successifs à température comparable mais avec une couverture nuageuse différente.

Figure 5 – Courbes de charge de 2 jours consécutifs avec nébulosité contrastée.

Pour être capables de produire au bon moment l’électricité nécessaire, la prévision de


consommation du lendemain est un exercice d’une importance capitale. Toute erreur importante
peut mettre en cause la sûreté du système électrique.
La prévision journalière se construit à partir de données variées :
— les consommations des jours, semaines et années précédentes, ramenées à des conditions
météorologiques normales ;
— les prévisions météorologiques sur les différentes régions du pays ;
— les événements connus relatifs à l’activité du pays (jour férié, passage à l’heure d’été…) ou à un
gros consommateur particulier.
Aujourd’hui, les progrès accomplis dans la prévision météorologique permettent d’établir de bonnes
estimations de la consommation électrique pour les cinq jours à venir.
Cependant, les enjeux sont tels que les compagnies d’électricité sont toujours plus exigeantes sur la
précision des prévisions de température, et s’intéressent à de nouvelles données telles que les
14 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
prévisions de vitesse du vent et le degré hygrométrique. De nouvelles techniques de traitement
(classification/agrégation par la méthode des réseaux de neurones artificiels) commencent à
produire des résultats industriels prometteurs.
Enfin, notons que la consommation d’électricité est sensible à son prix. La bonne connaissance de
l’effet de ces options tarifaires est essentielle pour une prévision précise des courbes de charge. Sur
les bourses de l’électricité où l’élasticité de la demande est directement intégrée dans le prix
d’équilibre heure par heure, il est très important que l’information sur les quantités en jeu parvienne
à temps au GRT pour que celui-ci en tienne compte dans ses prévisions.

I.1.2. Parc de production


Les modalités et les moyens de la conduite d’un grand système électrique sont tributaires des
performances des ouvrages de production qui composent le « parc » considéré. En effet, les
différents types de centrales offrent des souplesses – et des contraintes – différentes selon l’énergie
primaire qu’elles utilisent et selon leurs caractéristiques constructives. Le gestionnaire du réseau de
transport va donc s’intéresser de près à tous les paramètres des centrales qu’il va devoir prendre en
compte pour assurer le pilotage du système électrique.
Vu d’un centre de conduite, le « dispatching », un ouvrage de production va se caractériser par :
son dimensionnement général ; il s’agit principalement :
— de sa puissance unitaire nominale,
— de son domaine de fonctionnement en tension et en fréquence,
— de son apport maximal de courant de court-circuit,
— de la puissance minimale qu’il peut produire en continu (minimum technique),
— de ses possibilités de surcharge temporaire ;
Son aptitude à adapter sa production de puissance active à la demande, de manière à faire face
à un déséquilibre entre la production programmée et la demande réelle ; parmi les caractéristiques
clés, on va trouver le temps de démarrage, l’aptitude à participer au réglage primaire et
secondaire fréquence-puissance, la capacité de « modulation » (vitesse de variation de puissance
possible, amplitude de la variation, limitations éventuelles vis-à-vis de variations successives,
aptitude à la baisse d’urgence…) ;
Son aptitude à adapter sa production de puissance réactive à la demande ; en effet les groupes
de production jouent un rôle fondamental dans le réglage de la tension sur les réseaux ; ils
permettent de maintenir à une valeur de consigne la tension du poste où ils sont raccordés, dans la
limite de leur capacité à fournir ou absorber de la puissance réactive ;
Son comportement lors des situations perturbées, par exemple :
—aptitude à continuer à fonctionner après un creux de tension important dû à un c-c proche,
—capacité à s’« îloter » sur ses auxiliaires, c’est-à-dire à se découpler du réseau général tout en
restant en fonctionnement sur la charge très réduite correspondant à une auto alimentation,
—performances en fonctionnement sur un réseau réduit (réseau séparé suite à un incident de grande
ampleur).
Le paramètre le plus déterminant au quotidien, vu de la conduite du système, est la disponibilité de
chaque centrale, d’une part, à réaliser le programme prévu, d’autre part, à s’en écarter à la
demande du dispatching. L’incapacité d’un groupe de production à suivre le programme prévu peut
provenir de causes internes (défaillances techniques ou d’origine humaine à l’intérieur de la
centrale). Mais bien souvent ce sont des causes externes, en particulier liées au respect de
l’environnement, qui vont amener un groupe à s’écarter de son programme. Ainsi, les impératifs de
15 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
limitation de la pollution atmosphérique (émission de SO2 et NOx) peuvent conduire à baisser la
production des groupes thermiques à flamme (voire à les arrêter) en cas de situations climatiques
particulières. Ou, l’été, le souci d’éviter tout échauffement excessif des fleuves utilisés comme
source froide de centrales nucléaires peut amener à baisser la production de celles-ci en fonction de
la température d’eau mesurée.
La production d’une centrale peut aussi être involontairement supérieure au programme. Ce cas
n’est pas si rare que l’on puisse le penser : certains producteurs utilisant des centrales « Au fil de
l’eau » ont fréquemment le problème de l’évacuation d’une production excédentaire due à des
précipitations supérieures aux prévisions – faute de quoi ils devraient déverser l’excédent d’eau et
perdre la production correspondante.
Le parc de production est caractérisé par l’importance des effets de mémoire sur la plupart de ses
centrales : toute décision du conducteur du système électrique visant à modifier le programme prévu
par le producteur a souvent des conséquences sur les possibilités de décisions à venir. Nous nous
bornerons à deux exemples classiques :
— dans une vallée hydraulique, la décision de turbiner davantage d’eau sur le lac de tête va
entraîner une arrivée d’eau supplémentaire, donc une production plus importante, quelques heures
plus tard, au niveau des usines aval : c’est le phénomène d’ « influencement » ;
— pour une centrale nucléaire à eau pressurisée, une variation de la puissance de consigne doit être
suivie d’un palier de deux heures à puissance constante.

II. Le réglage du réseau


Pour ce qui concerne la tension, nous verrons qu’il s’agit d’un problème essentiellement local
(compensation). Il faut limiter les transits de réactif dans le réseau. On admet des plages de
variations de l’ordre de 5 à 10% selon le niveau de tension et le type de clientèle.
Par contre la fréquence (liée à la vitesse de rotation des alternateurs) est un problème intéressant
l’ensemble d’un système électrique interconnecté. Tout déséquilibre entre la production et la
consommation entraîne une variation de vitesse (déséquilibre entre le couple moteur fourni par la
turbine et le couple résistant correspondant à la charge du réseau) et donc de fréquence. La
fréquence doit être tenue dans une plage de +- 1 Hz. (pertes transformateurs, synchronisation
horloges, stabilité des machines, …).
Ce réglage concerne des « zones de réglage ». C'est-à-dire la plus petite partie du réseau dotée d’un
système réglage fréquence puissance, une zone de réglage coïncide aujourd’hui généralement avec
un pays. Une zone de réglage doit être capable de maintenir l’échange de puissance à la valeur
programmée.
Dans l’ensemble des zones de réglage, regroupés en « bloc de réglage », interconnectés au niveau
européen (synchrone), les responsabilités sont établies. La Belgique représente 3,7%, la France
23,8%, l’Allemagne 27,5%, etc…
Une réserve tournante (machine tournant à vide ou à charge réduite) est la base de la philosophie du
contrôle de la fréquence.

II.1 Réglage primaire (les premières secondes après perturbation) :


Sans disposition particulière, si le couple résistant (consommation) augmente (diminue), la
fréquence chute (augmente) pour trouver un nouvel équilibre. Ce n’est pas admissible, il faut donc
une action automatique (menée par les régulateurs de vitesse de chaque centrale) sur les organes

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d’admission du fluide moteur des turbines pour maintenir la fréquence. Cette action (réglage
primaire) peut varier dans de grandes proportions suivant la nature des charges et des turbines.
Le réglage primaire répartit les fluctuations de charge au prorata des capacités nominales du groupe
en pondérant par un gain (notion de statisme « s » compris entre 2 et 6%) :

On définit l’énergie réglante primaire d’un réseau comme le rapport entre la pointe de charge du
réseau et la fréquence nominale, divisé par le statisme. On obtient une valeur en MW/Hz. Pour le
réseau UCTE, cette valeur est de 35000 MW/Hz, ce qui veut dire que sans réglage primaire il faut
une perte de 35000 MW pour provoquer un écart permanent de fréquence de 1 Hz.
En cas de perturbation, les pays interconnectés synchrones participent pendant 15 minutes au
sauvetage de la situation, chaque pays agissant au prorata de son « importance ».
Pendant cette période le régime reste perturbé (la fréquence est écartée de sa valeur de consigne),
les flux de puissance entre zone ne sont plus conformes aux flux programmés, il y a risque de
dépasser des charges permanentes admissibles (d’où la durée de 15 minutes qui est grosso modo
une constante de temps thermique d’échauffement des conducteurs aériens).
En cas de chute de la fréquence en deçà de 49.8 Hz une politique de délestage de charge et un
démarrage automatique de turbines à gaz est enclenché, plus bas on commence à délester certains
clients industriels et la clientèle domestique.

II.2 Réglage secondaire (endéans les 15 minutes après perturbation)


Ce réglage, également automatique, agit après le réglage primaire (c.-à-d. après environ une
minute). Il a pour but de rétablir la fréquence de référence. C’est important notamment pour le
contrôle des puissances échangées sur les liaisons d’interconnexion entre réseaux à gestion
séparée. En effet les transits évolueraient au prorata des inerties des réseaux pour se stabiliser à une
nouvelle valeur fonction des énergies réglantes primaires de chacun des réseaux interconnectés.
Il est centralisé (émis par un centre de conduite), agissant sur plusieurs groupes internes à la zone
perturbatrice. On définit cette fois l’énergie réglante secondaire.

II.3 Réglage tertiaire (dans les 15 à 30 minutes après perturbation)


Il faut procéder à un réajustement des programmes de fonctionnement des centrales (en prenant en
compte les coûts de production marginaux) pour rétablir un optimum économique. Ce réglage est
également centralisé au sein de la zone initialement en défaut.
Ce réglage a pour but de rétablir l’optimum économique et aide à reconstituer la réserve
secondaire.
En résumé, sur un périmètre (c’est-à-dire un ensemble de nœuds d’injection et de soutirage), la
conduite du réseau repose donc sur ce système de réglage qui sans cesse cherche à rétablir
l’équilibre : P (productions) = D (demande).
Jusqu’ici, nous nous sommes placés dans le cas d’un système électrique « isolé » ; examinons
maintenant ce que devient ce principe de réglage lorsque plusieurs zones de réglage sont
interconnectées.
Pour le réglage primaire, à partir du moment où il s’agit d’interconnexions synchrones, comme la
fréquence est la même sur l’ensemble du réseau interconnecté, cette première boucle d’adaptation
va « naturellement » être globale, c’est-à-dire fonctionner en cherchant en permanence à équilibrer
Σ productions = Σ demandes.
17 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
C’est d’ailleurs là que l’on trouve l’un des intérêts de l’interconnexion : plus le système est étendu,
plus la puissance de réglage est importante et du coup les marges nécessaires moins importantes
pour chaque zone interconnectée que si cette dernière était isolée (fruits de la mutualisation des
risques). La qualité de la fréquence s’en trouve améliorée, sous réserve évidemment que chaque
zone contribue honnêtement à fournir sa part de la puissance de réglage et ne se repose pas sur les
autres. C’est au niveau du réglage secondaire que l’interconnexion de plusieurs zones de réglage
va introduire des différences.

Exemple : imaginons un incident qui fait perdre à une zone 1 000 MW de production ; le réglage
primaire fonctionne et « rattrape » cet écart de 1 000 MW en augmentant d’autant la production sur
l’ensemble des centrales réglantes du réseau interconnecté, ce qui peut conduire à ce que, par
exemple, à la fin de l’effet de ce réglage, la production a augmenté effectivement de 200 MW dans
la zone concernée par l’incident, et de 800 MW dans le reste du réseau interconnecté. On a du coup
mis en place une « importation » de 800 MW.
Ce déséquilibre est autorisé s’il ne se prolonge pas trop longtemps, car sinon il conduirait à une
situation où, de façon durable, des producteurs fourniraient pour des consommateurs avec lesquelles
ils n’ont pas de contrat, et où il faudrait alors introduire des systèmes de compensation.

Le réglage secondaire a du coup un deuxième rôle : celui d’absorber cette différence (de 800
MW dans l’exemple), de façon à ramener effectivement chaque zone de réglage à son équilibre
production = demande.
C’est donc au niveau de ce réglage que l’on va pouvoir aussi introduire des déséquilibres qui vont
permettre de mettre en place des échanges entre zones, c’est-à-dire que l’équilibre recherché ne sera
plus production (P) = consommation (C) pour chaque zone, mais bien production = demande,
où la demande est égale à la production augmentée (algébriquement) du solde des exportations et
(importations de cette zone avec les autres qui lui sont interconnectées.

2.4 Réglage de la tension


Le réglage de la tension consiste à maintenir un niveau de tension acceptable aux niveaux de tous
les jeux de barres du réseau.

L’équation (1.5) montre que le niveau de tension à un jeu de barres donné dépend de la tension de
source qui l’alimente, de la réactance de ligne qui le sépare de cette source et des puissances active
et réactive à son niveau. Ainsi, si la tension au jeu de barres en question n’est pas dans une limite
acceptable, des modifications sur un ou plusieurs de ces paramètres sont alors nécessaires.
Méthodes et moyens de réglage de la tension
Les méthodes de réglage de la tension peuvent être divisées en deux catégories
Réglage directe : Il consiste à agir directement sur la tension elle même (Figure. 2.6). Dans cette
catégorie, le réglage de la tension de charge V est réalisé soit par la modification de la tension V
elle même, soit par la modification de la tension de source E. Parmi les solutions qu’on peut trouver
dans cette catégorie, il y a :
1. La correction du niveau de la tension V , qui fait appel à un auto-transformateur (Tap-load
changer) aux niveaux des postes de distribution ;

18 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT


2. La correction du niveau de la tension E, soit par auto-transformateur s’il s’agit d’une tension à
la sortie d’un poste source, soit par modification de l’excitation s’il s’agit de la tension à la sortie
d’un alternateur.
Réglage indirecte : Dans cette catégorie on trouve un ensemble de solutions pour modifier la chute
de tension en modifiant les caractéristiques des charges ou du réseau. Principalement, ces solutions
consistent à utiliser des compensateurs pour modifier l’écoulement de puissance réactive. Les
solutions qu’on peut trouver dans cette catégorie sont :
1. La compensation de puissance réactive ; D’après l’équation (2.5), la puissance réactive est en
grande partie responsable des chutes de tension. Ainsi, la compensation d’une partie de la puissance
réactive demandée par la charge permet de réduire ces chutes de tensions. Les compensateurs de
puissance réactive peuvent être statiques comme les batteries de condensateurs, les FACTs
(Flexible Alternating Current Transmission systems), et parfois même des inductances. Le moteur
synchrone peut être utilisé comme compensateur dynamique de puissance réactive. En effet, ce type
de moteur produit de la puissance réactive quant il est surexcité et en consomme lorsque il est sous-
excité ;
2. Modification de la réactance de la ligne ; on peut remarquer qu’il est possible de modifier les
chutes de tension en modifiant la réactance de la ligne X.

III. Des principes techniques à la forme des transactions pour les utilisateurs
Ces principes techniques ont des conséquences importantes sur la mise en place de transactions
commerciales, et introduisent une différence fondamentale, pas toujours bien comprise, entre les
modalités qui permettent d’être raccordé à un réseau (sous-entendu à l’intérieur d’une zone de
réglage) et ainsi d’effectuer des injections ou des soutirages, et les modalités pour transporter de
l’énergie d’une zone de réglage à une autre.
Dans le premier cas, notamment pour les soutirages, il suffit de convenir avec le gestionnaire de
réseau d’une puissance maximale (puissance de souscription), de s’acquitter bien entendu du péage
lié à ce raccordement, pour être « libre » de soutirer à tout moment tout ou partie de cette puissance,
sans déclaration ou annonce préalable.
En revanche, dans le cas d’un échange entre deux zones, il faut que les deux gestionnaires de réseau
concernés puissent programmer leurs réglages secondaires : ce qui a pour conséquence que les
échanges doivent eux-mêmes être déclaré à l’avance. Une importation ou une exportation a du coup
un caractère plus « virtuel » : c’est une déclaration, non liée à un point d’injection et un point de
soutirage puisqu’il suffit de désigner les zones de réglage d’injection et de soutirage, sur la base de
laquelle les gestionnaires de réseau s’engagent à mettre en place la transaction.
Aujourd’hui, la programmation des échanges se fait par pas horaire avec un incrément minimal de
puissance de 1 MW : ce qui signifie que, en général la veille pour le lendemain, les acteurs qui
souhaitent mettre en place des exports ou des imports doivent déclarer aux gestionnaires de réseau
leur programme, soit une chronique de 24 valeurs exprimées en mégawatts (MW).
L’ensemble des déclarations individuelles faites à chacun des gestionnaires de réseau est sommé
(algébriquement) et le solde est comparé entre les gestionnaires : il faut qu’il soit égal pour que les
deux gestionnaires conviennent du programme global d’échange entre les deux zones pour la
journée du lendemain. Les décalages peuvent provenir d’erreurs, d’oublis, de doubles déclarations,
etc.

19 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT


IV. Chemin contractuel et « flots parallèles »
À ce stade, nous n’avons fait aucune hypothèse sur la position géographique respective des deux
zones de réglage entre lesquelles un échange est mis en place ; cette hypothèse n’est en effet pas
nécessaire dans tout ce qui précède. Néanmoins, d’une part parce qu’historiquement les échanges
ont commencé à se mettre en place entre pays adjacents, d’autre part pour simplifier les tâches de
vérification entre couples de gestionnaires de réseau, il est d’usage actuellement que les échanges
soient mis en place entre pays adjacents.
Ce choix a pour conséquence l’introduction de la notion de chemin contractuel ou chemin
commercial : toute transaction qui porte sur des zones de réglage non adjacentes (de la Belgique à
l’Espagne par exemple) devra être mise en place sous forme d’une suite de transactions entre pays
contigus (en l’occurrence : Belgique-France, puis France-Espagne). Il faut noter que cette notion de
chemin contractuel n’est pas univoque, on peut en général construire plusieurs chemins
contractuels pour un même couple (zone d’origine, zone de destination).
Cette difficulté a été accentuée par le développement du trading : alors qu’auparavant les échanges
étaient effectivement conclus entre compagnies intégrées « adjacentes », l’apparition de traders
opérant à l’échelle européenne a bouleversé ce paysage, rendant nécessaires des échanges
d’informations renforcés entre les gestionnaires de réseau. Pour se persuader de cette complexité du
point de vue des gestionnaires de réseau.
Tout ceci ne poserait aucun problème si les réseaux, par leurs limitations techniques,
n’introduisaient pas des contraintes sur les possibilités d’échanges : mais bien entendu, que ce soit
sur les lignes d’interconnexion elles-mêmes ou bien sur d’autres parties du réseau, les échanges qui,
in fine, entraînent une recomposition du plan de production en Europe, induisent des changements
des flux d’énergie qui vont buter sur les limites de courant admissibles dans les ouvrages, et, plus
généralement sur les contraintes pour conduire en sécurité ce réseau. C’est ce que l’on appelle la
création des phénomènes de congestion, situation où la demande d’échanges est supérieure à la
capacité de transport du réseau interconnecté.
Du coup les gestionnaires de réseau sont conduits à annoncer ou même à publier ces capacités. Elles
sont donc aujourd’hui calculées selon le modèle décrit plus haut, c’est-à-dire sous forme de
capacités d’échange bilatérales pour des paires de zones de réglage adjacentes.
La principale difficulté dans le calcul de ces capacités réside dans les hypothèses qu’il faut prendre,
et qui se traduisent in fine par un risque que le gestionnaire de réseau devra gérer. Pour se persuader
de cela, il faut tout d’abord comprendre que les flux induits par la mise en place d’une transaction
peuvent être très différents de la transaction elle-même.
Cette conséquence des lois de Kirchhoff crée ce que l’on appelle des « flux parallèles », c’est-à-
dire des charges supplémentaires sur le réseau a priori inconnues du gestionnaire de réseau concerné
(sauf à être informé par, dans le cas de cet exemple, les gestionnaires suisses et allemands).
Du coup, la détermination d’une capacité dans une direction donnée (par exemple, de la France vers
la Belgique) dépend bien entendu des échanges prévus entre France et Belgique, mais aussi des
échanges entre France et Allemagne, et au-delà, si l’on veut être rigoureux, de l’ensemble des
transactions mises en place en Europe qui vont avoir un effet sur la charge des lignes. C’est ce
phénomène qui rend difficile la détermination des capacités, et d’autant plus difficile que l’on
recule l’horizon auquel on souhaite les évaluer.

20 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT


Exemple : une transaction Suisse - Pays-Bas peut être déclarée soit via l’Allemagne
l’Allemag soit via la
France et la Belgique. C’est l’une des difficultés à déduire directement des transactions
commerciales l’effet sur le réseau en termes de flux physiques supplémentaires.

Exemple : prenons trois pays interconnectés en triangle, A, B et C (Figure


gure II.1).
II.1) La déclaration
d’une transaction de x MW de A vers B, et d’une déclaration de y MW de B vers C, revient à
déclarer une transaction de Min(x,y)
Min( ) MW de A vers C, et de diminuer de cette valeur les
transactions initiales de A vers B et B vers C. Pour
Po un même solde d’export/import pour chacune
des zones, il y a du coup une infinité de programmes d’échanges différents, sans rien changer in
fine en termes de flux physiques sur le réseau.

Figure II.1. Transactions dans un réseau maillé.

Exemple : on a représenté ainsi figure II.2, de façon grossière mais vraisemblable, les flux induits
par la mise en place d’un échange entre la Suisse et l’Allemagne du Nord. On voit ainsi que les
lignes d’interconnexion de la France avec ses voisins sont chargées par par 45 % de la puissance de
cette transaction, qui « s’écoule » par le réseau français en entrant au Sud-Est
Est et en sortant par les
frontières Nord et Est.

Figure II.2. Exemple de répartition des échanges de Suisse vers l’Allemagne


21 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
V. Interconnexion des réseaux
6.1 Le réseau eurasien
Il existe en Europe/Asie 4 réseaux gérés indépendamment (tension, fréquence) et interconnectés par
des liaisons à courant continu :
- le réseau UCTE (Union pour la Coordination du Transport de l'Energie Electrique) (Benelux,
France, Allemagne, Portugal, Espagne, Italie, Danemark, Grèce, Autriche avec en plus la Suisse, la
Slovénie et depuis 2004, les pays de l'ex- Yougoslavie) auquel est aujourd’hui relié le réseau
CENTREL (Pologne, Républiques Tchèque et Slovaque, Hongrie). La Bulgarie et la Roumanie sont
prêtes.
L’UCTE rassemble donc les TSO (Transmission system operators) de ces pays qui érigent des
règles d’interconnexions car plus on s’étend plus les problèmes deviennent difficiles.
- le réseau NORDEL (Norvège, Suède, Finlande, Islande), relié (sauf Islande) au réseau UCTE via
une liaison DC Danemark-Norvège et Danemark-Suède, une liaison DC existe également entre les
Pays-Bas et la Norvège.
- le réseau EEC (Royaume Uni, Irlande) relié au réseau UCTE via une liaison DC Angleterre-
France.
- le réseau IPS/UPS Unified Power System/Interconnected Power systems : pays du CIS et de la
mer
Baltique = Lituanie, Lettonie, Estonie, Arménie, Azerbaijan, Bélarussie, Georgie, Russie, Moldavie,
Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Ukraine, Uzbekistan

Remarque :
Le réseau CENTREL couvrant la République Tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie a été
connecté au réseau UCTE depuis 2004.
Des discussions antre UCTE et la Turquie sont en cours de même que pour une boucle autour de la
méditerranée.
Le réseau européen UCTE est fortement interconnecté, principalement au niveau 400 kV.

Quelques capacités d’interconnexion en 2006 :


1. Entre le bloc « main UCTE » et le royaume uni : 2000 MW (DC)
2. NORDEL : 1700 MW (DC via une liaison sous-marine entre NL et N) et une liaison synchrone de
2200 MW via le Danemark.
3. CENTREL : 2400 MW (synchrone)
4. Espagne/Portugal : 1400 MW (synchrone)
5. Italie : 7150 MW (synchrone)
6. South-eastern UCTE : 1400 MW (synchrone)

II. Préparation de la conduite


II.1 Nécessité d’une forte anticipation

22 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT


Comme on l’a vu avec les enjeux et la problématique exposés dans les paragraphes précédents,
l’exploitation des grands systèmes production-transport doit tenir compte de la grande variabilité
des situations possibles, de la rapidité des phénomènes dynamiques qui peuvent les altérer et de la
complexité des interactions entre les divers composants et sous-systèmes. En conséquence, la
conduite des grands systèmes ne peut en aucun cas être improvisée.
Les différents acteurs du marché (au premier rang desquels les producteurs) comme les
gestionnaires de réseau, chefs d’orchestre de l’ensemble, doivent anticiper jusqu’à plusieurs années
à l’avance les conditions qui seront gérées « en temps réel ».

II.1.1 Gestion prévisionnelle de la production : un défi pour les producteurs


L’économie d’un parc de production se joue dans la bonne coordination de moyens
complémentaires, condition pour minimiser les coûts de combustible. Au-delà des variations
journalières ou saisonnières aléatoires des puissances consommées, cette coordination se gère dans
la durée. Beaucoup de centrales de production utilisent un stock d’énergie. C’est le cas des réacteurs
nucléaires à eau pressurisée ou à eau bouillante, dont le combustible représente entre douze et dix-
huit mois de production à pleine puissance, et, après épuisement, doit être changé au cours d’une
opération rendant le réacteur indisponible pendant plusieurs semaines. Les centrales
hydroélectriques de montagne sont aussi des stocks d’énergie qui se renouvellent surtout avec la
fonte nivale. Même les centrales à charbon sont exploitées en suivant attentivement le stock de
combustible, l’approvisionnement étant conditionné par des transports maritimes ou ferroviaires qui
ne peuvent être improvisés.
Pour être sûr d’avoir suffisamment de capacité disponible pour faire face à la demande et pour
en tirer le meilleur parti sur le marché de l’électricité, un producteur disposant d’un parc intégré
va construire sa gestion prévisionnelle en combinant deux types d’études :
• Construction de scénarios : Ils établissent les conditions les plus probables à venir et les
principales variantes à retenir. Ces scénarios intègrent principalement les hypothèses de
disponibilité des outils de productions, d’apports hydrauliques, de consommation et de
tendances du marché.
• Arbitrages économiques et gestion des risques : Les arbitrages économiques les plus
délicats sont les arbitrages temporels. Par exemple, vaut-il mieux utiliser l’eau d’un barrage
lors de la pointe de consommation du lendemain, ou la remplacer par la production d’une
centrale thermique en espérant que l’énergie hydraulique sera utilisée avec un plus grand
profit dans l’avenir ? La notion de « valeur d’usage » est un outil efficace pour de tels
arbitrages temporels. On attribue à l’énergie en stock l’espérance mathématique, sur les
différents scénarios retenus, du coût de substitution par un autre moyen de production. On
peut ainsi par exemple comparer le recours à un stock (barrage…) et des achats sur un
marché physique journalier (« marché spot »).
Aux différentes échéances de la gestion prévisionnelle de la production (pluriannuelle,
annuelle, mensuelle, hebdomadaire, journalière…) correspondent divers types de décisions,
toutes fonctions des perspectives commerciales du producteur (contrats fermes et prévisions de
ventes à des clients éligibles ou non).
• En pluriannuel et en annuel, la disponibilité future des centrales va être organisée grâce
aux décisions sur les campagnes de rechargement du combustible nucléaire dans chaque
réacteur, et sur le placement des interventions lourdes d’entretien des groupes. La gestion
des achats de combustible se prépare aussi avec une anticipation de long terme.
23 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
• À l’échelle mensuelle, avec le resserrement des scénarios réalistes, on peut affiner les
décisions sur l’entretien des centrales, la gestion des stocks hydrauliques et des
combustibles.
• Avec le cycle hebdomadaire, on en vient à une programmation fine des interventions pour
travaux, ainsi qu’aux arbitrages sur l’offre aux clients et le choix des centrales qui vont être
mobilisées.
• En journalier (le « j -1 », veille de l’exploitation en temps réel) sont prises les ultimes
décisions sur les conditions techniques et économiques de l’offre de production.

II.1.2 Gestion prévisionnelle du réseau : un rôle clé des gestionnaires de réseau


En parallèle avec les études des producteurs, le gestionnaire du réseau de transport va préparer
l’exploitation du réseau dont il a la responsabilité. Ses analyses conditionnent à la fois la sûreté du
système électrique et la capacité du GRT à assurer le transport de l’électricité conformément aux
futures demandes des acteurs du marché.
Comme précédemment, les études de gestion prévisionnelle du réseau couvrent des cycles allant du
pluriannuel au journalier.
En pluriannuel et en annuel, il s’agit de détecter les principales contraintes à venir, en fonction de
différents scénarios de production, de consommation, d’échanges internationaux et de disponibilité
des ouvrages de transport. On comprend bien que, dès ce stade, pour établir des scénarios
plausibles, le GRT ait besoin de connaître la vision prévisionnelle des producteurs, tout en leur
garantissant une confidentialité totale sur les informations transmises, indispensable compte tenu de
leur caractère très sensible au plan stratégique et commercial. À la suite des études de contraintes,
quelques décisions d’équipement du réseau peuvent être prises pour celles, peu nombreuses, qui
peuvent être mises en œuvre en un temps limité : installation de moyens de compensation de
l’énergie réactive, d’automates...
Par ailleurs, en pluriannuel, les chantiers lourds, tels que la rénovation d’un grand poste à 400 kV,
peuvent être planifiés en anticipant leurs effets sur la robustesse du réseau. En annuel, ce sont les
principales « consignations » d’ouvrages de transport (retrait de l’exploitation pour réparation et
entretien) qui vont être organisées et coordonnées pour éviter des indisponibilités incompatibles
avec la sûreté du système. Les outils d’études pour ces horizons temporels sont basés sur des
méthodes probabilistes, capables de donner une vision d’ensemble en avenir incertain.
En mensuel et en hebdomadaire, les études prévisionnelles, réalisées avec des outils d’études
déterministes, conditionnent l’organisation précise des chantiers d’entretien. Elles permettent aussi
d’établir les consignes d’exploitation particulières pour s’adapter à des conditions spécifiques
(réglages de protections contre les courts-circuits, choix de la meilleure topologie du réseau…).
Si le GRT est tenu à une confidentialité rigoureuse pour toutes les informations sensibles fournies
par les acteurs du marché, il doit, par ailleurs, leur donner la meilleure visibilité possible sur les
conditions futures du transport, afin de leur permettre d’anticiper des modifications de leur
gestion. Par exemple, les GRT européens sont appelés à afficher régulièrement les puissances qui
peuvent être échangées entre pays. En effet, le manque de liaisons d’interconnexion internationales
crée fréquemment des conditions de « congestion » limitant les possibilités du commerce de
l’électricité.

II.1.3 Services système

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Pour exploiter en temps réel et pouvoir faire face aux aléas, le GRT a besoin d’un ensemble de
ressources désignées sous le terme de « services système », dont il se dote lui-même ou, le plus
souvent, qu’il achète aux acteurs du marché (principalement aux producteurs). Même si la liste
précise et la définition des services système peuvent différer d’un pays à l’autre, on mentionne ci-
dessous les plus importants de ces services :
— Participation au réglage primaire de fréquence ;
— Participation au réglage secondaire fréquence-puissance ;
— Fourniture de réserves de puissance mobilisables à très court terme (par action sur la
production ou la consommation) ;
— Participation aux réglages primaire et secondaire de tension ;
— Aptitude à produire de l’énergie sans source auxiliaire pour participer à la reprise de
service après un incident généralisé (« black-start ») ;
— Fourniture d’énergie pour couvrir les pertes par effet Joule dans le réseau de transport.
Le GRT doit réaliser des études prévisionnelles lui permettant de cerner au plus près ses besoins
futurs en services système, puis il doit s’assurer qu’il disposera bien, le moment venu, des
ressources requises. Selon les règles en vigueur, il a pour cela recours par exemple à la
contractualisation ou à la prescription de fournitures. Dans les cas extrêmes, la plupart des
réglementations européennes lui accordent un droit de veto sur des décisions inopportunes (vues du
système) des producteurs.

II.1.4 Coordination et arbitrages


La gestion optimale de sa propre activité par chacun des acteurs du système électrique (producteur,
exploitant de réseau, consommateur final…) peut aboutir à un ensemble de décisions incompatibles.
Une coordination est donc nécessaire. Il serait, par exemple, absurde de programmer de gros
travaux sur la ligne d’évacuation d’une centrale nucléaire au moment où celle-ci redémarre après
plusieurs semaines d’arrêt pour rechargement du combustible : les travaux doivent, dans ce cas,
avoir lieu simultanément.
Cette coordination et les arbitrages éventuels reviennent naturellement au GRT, seul à connaître
les intentions de tous les acteurs et responsables du système global. Toute modification de la
décision d’un acteur engendre un surcoût, d’autant plus faible que l’anticipation est grande.

II.1.5 Coordination entre gestionnaires de réseau


Le besoin en coordination va bien au-delà de la zone de responsabilité d’un seul GRT. Pour assurer
les échanges transfrontaliers, comme pour garantir la sûreté du système dans les zones frontalières,
les GRT voisins doivent échanger de nombreuses informations prévisionnelles et mener des études
communes. Avec l’accroissement des échanges en Europe et l’interdépendance qui en résulte, la
taille des réseaux à analyser augmente rapidement.

II.2 Préparation journalière : une étape clé


Le jour « j -1 » est, en France comme dans la plupart des pays, le moment où la préparation de
l’exploitation est contractualisée entre les acteurs. C’est lors de la préparation journalière que sont
figées les demandes de chacun, que l’accès au réseau de transport est accepté ou refusé, et que sont
définies précisément les conditions techniques et économiques de la production électrique et des
services de transport de l’énergie.

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II.2.1 Offres de plans de production
C’est la veille pour le lendemain, dans la plupart des pays, que chaque producteur évalue la
consommation de ses clients et détermine les moyens de productions qu’il va mobiliser pour
satisfaire cette demande. La procédure pour ce faire dépend de la réglementation nationale et du
type de « client » du producteur.

III. Conduite en temps réel


Le GRT prend directement la responsabilité de l’exploitation de l’ensemble du système sur sa zone
: il est le chef d’orchestre dont tous les acteurs du système doivent strictement respecter les
instructions. Lui-même travaille en suivant scrupuleusement des consignes écrites rigoureuses.

III.1 Répartition spatiale des responsabilités


III.1.1 Coordination européenne
Une coordination minimale entre GRT d’un réseau interconnecté synchrone est indispensable pour
établir les programmes d’échanges et que le contrôle préalable de ces derniers est confié à un «
coordinateur de zone ».
Certaines responsabilités relevant du temps réel doivent aussi être confiées à un niveau de
supervision global. En Europe, c’est le dispatching de Laufenburg qui fixe la consigne de fréquence
(49,99 Hz ou 50,00 Hz ou 50,01 Hz pour garantir une valeur moyenne de 50 Hz), et qui vérifie que
le programme d’échanges agréé la veille est correctement suivi. Ce dispatching signale
immédiatement toute anomalie constatée aux GRT qui peuvent en être à l’origine.

III.1.2 Dispatching national


Le dispatching national a la responsabilité de l’équilibre production-consommation (y compris les
imports et exports) et de la sécurité du système. À ce titre, il est chargé de conduire le réseau à 400
kV et certaines liaisons à 225 kV ayant un rôle d’interconnexion. Il est responsable de la
participation française au réglage de la fréquence européenne.

III.1.3 Dispatchings régionaux


Ils sont responsables des réseaux de répartition, et veillent particulièrement à la continuité de
l’alimentation des réseaux de distribution et des consommateurs raccordés en haute tension HTB.
Les dispatchings régionaux ont aussi une fonction de surveillance et de transmission d’ordres pour
le compte du dispatching national : ce sont eux qui sont directement en lien avec les centrales de
production, et qui réalisent par télécommande les manœuvres sur l’ensemble des réseaux de
transport de leur zone (y compris le 400 kV, sur instructions du dispatching national).

III.2 Différents états de conduite


Quatre principaux états de conduite d’un système production-transport :

Dans l’état « normal », tous les paramètres du système (fréquence, tensions aux différents nœuds
du réseau, courant dans les ouvrages de transport) sont dans la plage autorisée et toutes les règles de
sécurité, telles que le «n-1 » ou le «n-k» sont respectées.

Dans l’état «vulnérable », même si les paramètres du système sont encore dans la plage
admissible, il existe au moins un cas de non-respect d’une règle de sécurité. Si l’incident
correspondant venait à se produire, la sécurité du système serait donc menacée.
26 Cours conduite des réseaux : Prof. M. MELIT
Dans l’état «critique », non seulement les règles de sécurité ne sont pas toutes respectées, mais
certains paramètres du système sont hors de leur plage autorisée (par exemple, un poste à 400 kV
est à une tension inférieure au seuil critique). La sécurité du système doit immédiatement être
restaurée par des actions énergiques (par exemple le délestage) pour éviter un effondrement.
Le dernier état est justement celui de l’incident généralisé, dans lequel une large partie de la
clientèle est hors tension, le réseau peut être morcelé et une partie du parc de production hors
service. Cet état recouvre aussi celui de la reconstitution du réseau après incident généralisé.

Cette typologie des états de conduite a surtout un intérêt pédagogique. Au cours des vingt dernières
années, beaucoup d’efforts ont été mis dans le concept de « conduite par états », qui aurait permis,
comme dans la conduite des centrales nucléaires, de dépasser le stade de la conduite par procédures
et consignes. On sait en effet, depuis l’accident de la centrale nucléaire de Three Miles Island, que
les procédures sont mal adaptées aux situations incidentelles. Malheureusement, la taille des
systèmes électriques, la rapidité de la dynamique et le couplage entre phénomènes, la difficulté
d’isoler des sous-systèmes n’ont pas permis de déboucher sur des conditions pratiques d’utilisation
de la conduite par états sur les grands réseaux.

III.3 Conduite en régime normal


III.3.1 Principales tâches des opérateurs
La conduite en temps réel du système électrique est assurée à tout instant par les opérateurs des
salles de conduite, les dispatchers. Leurs tâches principales peuvent être regroupées en quatre
grandes fonctions.

Surveiller : à partir des masses d’informations qui leur parviennent, les dispatchers suivent
l’évolution du système électrique. Ils vérifient notamment que les principaux paramètres sont
conformes aux consignes d’exploitation et prennent connaissance de tout changement de l’état du
réseau (déclenchement de ligne par exemple).

Analyser : la surveillance directe de l’état du réseau ne suffit pas pour garantir de bonnes
conditions de sécurité, il faut aussi s’assurer que toute nouvelle situation issue d’un incident banal
n’a pas de conséquences excessives ou non maîtrisables. Grâce à des outils d’analyse, les
dispatchers doivent vérifier qu’ils respectent l’ensemble des règles de sécurité.

Anticiper : tout événement nouveau doit être intégré pour prévoir les différentes évolutions
possibles du système. Dès que l’on s’écarte du programme prévisionnel, les dispatchers doivent
apprécier les conséquences éventuelles et préparer les parades associées.

Agir : lorsque les analyses ont permis de déterminer les meilleures mesures correctives, ou plus
simplement pour exécuter le programme prévisionnel, les dispatchers doivent agir directement
(manœuvres sur le réseau par les dispatchers régionaux) ou transmettre téléphoniquement ou
informatiquement des instructions précises et dépourvues d’ambiguïté aux opérateurs des
installations de production et de transport.

III.3.2 Maintien de la sécurité

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Une tâche particulièrement importante relevant de l’analyse et de l’anticipation est la construction
permanente d’une vue d’ensemble de la sécurité du système. Par des analyses de réseau ou portant
sur les marges de production, il s’agit d’évaluer la capacité opérationnelle à faire face à des aléas
lors des moments les plus délicats de la journée en cours (la pointe de consommation en particulier).
Pour les réserves de production, il faut développer une vision en puissance et en énergie, car un
déficit temporaire peut être comblé par des moyens tels que les stations de pompages, susceptibles
de produire une puissance de pointe élevée mais pouvant s’épuiser après quelques heures de
turbinage.
En cas d’aléas conduisant à utiliser les réserves, les dispatchers doivent reconstituer celles-ci pour
pouvoir faire face à de nouveaux incidents, en tenant compte des échéances auxquelles ces réserves
seront mobilisables efficacement.

III.3.3 Respect des engagements contractuels


Tout écart par rapport au programme prévisionnel doit pouvoir être justifié et sa responsabilité
attribuée à l’un des acteurs :
— le GRT lui-même, qui aura pris une décision nécessaire pour la sûreté du système ;
— un producteur, dont une centrale s’éloigne du planning de production…
Une tâche importante des dispatchers est donc de garder trace de toutes ces modifications, et,
lorsqu’elles sont réalisées à leur initiative, de consigner les justifications correspondantes pour faire
face à tout litige ultérieur.

III.4 Conduite en régime perturbé


Les grands systèmes électriques peuvent subir de profondes perturbations. Dans ces cas-là, les
dispatchers disposent d’un ensemble d’options dont l’usage est exceptionnel. À titre d’exemple, on
notera les moyens suivants, qui permettent de faire face à différents types de difficultés
(insuffisance de production, surcharges sur des ouvrages de transport, risque d’écroulement de
tension, risques de perte de stabilité) :
— l’émission d’un message d’alerte à toutes les installations de production et de transport signalant
l’existence d’une situation critique ;
— la surcharge réactive des alternateurs ;
— le blocage des régleurs en charge des transformateurs ;
— la baisse de 5 % de la tension sur les réseaux de distribution ;
— le délestage de consommation.
Si ces mesures ne sont pas efficaces ou si l’évolution du système électrique est trop brutale pour
permettre de les mettre en place, un effondrement du réseau peut se produire, caractérisé par la
déconnexion de nombreux groupes de production et la coupure de vastes zones de consommation.
En prévision d’une telle éventualité, un plan de reconstitution du réseau doit toujours être prêt à être
mis en œuvre. En France, ce plan est fondé sur la réalimentation rapide des auxiliaires de centrales
nucléaires à partir des sources de tension autonomes disponibles (« black-start »), puis sur la
constitution d’ossatures à 400 kV régionales prédéterminées, base de la reconnexion progressive de
poches de consommation.

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