Le Minotaure
Fabula L’histoire commence donc dans la
Robur de Mériac est revenu des colo-
nies après avoir fait fortune et s’est
marié à une nobliotte désargentée,
Anne Marie Simone de Mériac, deve-
nant ainsi comte. Cette dernière a fait
croire à son médecin personnel que le
Minotaure (le surnom assumé de son
mari, une force de la nature) abuse
d’elle et la violente. Les deux décident
de l’empoisonner lentement, mais,
alors qu’il sent sa vie partir, Mériac
découvre le pot aux roses et se venge.
Ayant congédié les serviteurs pour
agir en toute tranquillité, il drogue
et enterre vivants les deux amants,
laisse assez d’indices pour prouver leur
duplicité, ainsi que l’endroit où ils se
trouvent, incendie une grange pour
attirer l’attention et boit la dernière
dose de poison, assis à son bureau. Les
voisins et les villageois accourent et
découvrent le corps sans vie.
Les enquêteurs ont leur verrou pour
cette fin d’été chez madame de X. La
localisation géographique de la scène
de crime n’a pas vraiment d’impor-
tance. Il suffit qu’elle se déroule à la
campagne, dans un environnement
un peu boisé (le bocage normand, par
exemple). Les PJ cherchent à se repo-
ser et oublier un moment les horreurs
vues ou vécues précédemment. Se fai-
sant recruter par une maréchaussée
complètement dépassée, ils vont devoir
résoudre l’énigme de l’assassinat du
comte et remonter la piste tracée par
ce dernier pour sauver sa femme et le
médecin. Ou, autre possibilité, les PJ
peuvent comprendre toute l’affaire et
ne pas agir, laissant le Minotaure avoir
sa vengeance posthume. Dans les deux
cas, « justice » sera faite…
moiteur d’un soir d’orage campagnard,
chez madame de X, en compagnie
du prêtre local, le père Matthieu. La
dame, qui préfère garder l’anonymat,
on le comprendra lorsqu’on aura réa-
lisé toute l’horreur de l’affaire, est une
accointance des personnages qui les
loge en échange de quelques parties
de cartes, un peu de piano, des balades
champêtres, peut-être des coquine-
ries discrètes et, surtout, le récit ter-
rifiant de leurs aventures. En effet,
Madame de X, veuve qui s’ennuie, est
très gourmande d’histoires macabres.
Vous pouvez faire interpréter cette
introduction. Les joueurs seront
chargés d’installer eux-mêmes cette
ambiance funeste et raconteront leurs
exploits devant leur hôte se pâmant à
la moindre évocation d’une goutte de
sang (mais demandant implicitement
au narrateur d’en ajouter toujours
plus).
Soudain, alors que la foudre déchire
les cieux dans le lointain, de lourds
coups font trembler les portes du
manoir. Auguste, le serviteur, laisse
entrer Jean Lepetit, un fermier voisin,
qui vient demander de l’aide. En effet,
une grange dans le domaine de Mériac
(juste à côté) est en feu et toutes les
mains sont les bienvenues pour porter
les seaux.
Quand les PJ arrivent sur place,
les autochtones sont déjà à l’œuvre
pour réduire les flammes de la grange
(qui n’était plus utilisée depuis long-
temps). Mais les visages sont graves et,
clairement, il se passe quelque chose
d’anormal.
Benoît Attinost
2
 Scènes de Crimes
Environnement
Le père Matthieu échange quelques mots discrets
Chapitre 1
avec le capitaine de gendarmerie Levassoux, puis
demande aux PJ d’entrer dans la demeure du comte,
une bâtisse robuste, aux cloisons renforcées de colom-
bages épais.
•  L’intérieur : rustique, lourd, puissant, massif. Le pro-
priétaire est un chasseur de gros gibier. Les murs sont
couverts de trophées monstrueux (têtes de grizzli,
sanglier, buffle et même d’éléphant). Il y a des armes
démesurées dans toutes les pièces et la titanesque
horloge trônant au centre du vestibule vibre dans les
octaves les plus basses. Toutes les salles que visitent
les enquêteurs sont du même acabit, sauf un salon
doté d’un clavecin et une chambre, à côté de celle du
comte, qui appartient clairement à sa femme.
•  L’extérieur : les jardins semblent ne plus être entrete-
nus depuis quelques mois et les haras, très éloignés
de la demeure principale, sont vides (les énormes per-
cherons du comte ont été mis en pension il y a une
douzaine de semaines). Autour du manoir et de la
grange en feu, bien entendu, tout a été copieusement
piétiné. Impossible d’y suivre une piste. Si les visiteurs
cherchent précisément à se rendre à la tourbière du
domaine, là, malgré la tempête, ils repèrent les pro-
fondes traces d’une charrette (qui s’y trouve encore).
Les PJ sont directement menés à l’étude du comte
(utilisez l’illustration de première page pour vous ins-
pirer) où ils peuvent rencontrer ce dernier… mort. Le
capitaine de gendarmerie, suivant les conseils du père
Matthieu, accepte de laisser faire les « gens d’la ville ».
Clairement éméché, il part à la recherche de la com-
tesse qui demeure introuvable.
•  Le comte est décédé il y a une ou deux heures. Il est
assis bien droit, les mains sur son bureau, les yeux
révulsés, la mâchoire serrée, comme s’il avait lutté,
non pas contre la Faucheuse, mais pour conserver
cette position. Même mort, il reste impressionnant.
Cependant, un observateur remarque que, comparé à
son portrait qui domine dans l’entrée, il semble affai-
bli, le visage creusé et cireux. Il a perdu l’essentiel
de ses cheveux. Si les PJ en parlent au docteur local,
qui arrive quand bon vous semble, il confirme que le
comte paraît particulièrement diminué par rapport à
la dernière fois qu’il l’a vu. Si les enquêteurs décident
d’observer le corps, ils découvrent une ancienne cica-
trice à l’aine. Ni le prêtre, ni le médecin ne peuvent
le dire ouvertement, à cause du secret professionnel,
mais le comte, suite à une blessure de guerre, ne
pouvait ni avoir de descendance, ni même connaître
une érection. Pour être plus précis, les deux hommes
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peuvent affirmer que le sexe (reproductif ou pour le
plaisir) ne l’intéressait absolument pas. Il compensait
avec la chasse et ses percherons (qu’il traitait comme
ses enfants). Un peu de sang mélangé de bave sort
de sa bouche serrée et peut laisser à penser qu’il a
absorbé un poison (Mental botanique). Du sang perle
aussi des oreilles, de son nez, du coin des yeux (mais
à peine) et de l’anus (plus abondamment). La main
gauche du comte est légèrement lacérée (coupures
de lame de rasoir). Une autopsie complète (une heure
ou plus sans le matériel) permet de repérer au moins
trois hémorragies internes majeures et d’autres, plus
petites et plus anciennes.
Du matériel ?
En se dépêchant, il faut une trentaine de
minutes pour aller de la demeure du comte à celle
de madame de X. Si un personnage décide de
partir en quête de son matériel d’enquête, il perd
donc une heure, mais, au moins, a les outils néces-
saires pour travailler plus efficacement.
•  Le bureau est, bien entendu, massif. Outre un buste
de Minotaure, on peut y trouver de nombreux indices
qui, assemblés, expliquent la situation actuelle. Aucun
test n’est nécessaire, puisque le comte a bien pris
soin de mettre tous ces éléments en évidence. Il y a
donc, des lettres d’amour entre la comtesse et son
médecin personnel, une fiole vide qui a contenu du
poison (inodore, incolore), une bouteille de cognac
légèrement empoisonnée, des analyses de sang et le
diagnostic d’un médecin parisien, un bon de livraison
pour deux cercueils et deux tubes de cuivre, des boîtes
de lames de rasoir vides, un marteau (taché du sang
du comte au niveau du manche) et des croquis. Sur le
côté du bureau, il y a une pioche et une pelle parfaite-
ment propres (mais pas neuve). Au sol, il y a une scie
à métaux, une chignole dotée d’une mèche d’un centi-
mètre de large, des bouts de tube de cuivre et une ou
deux lames de rasoir ostensiblement laissées là.
•  Le reste de l’étude permet de cerner un peu plus le
passé colonial et la personnalité du comte. Sur les
étagères sont alignés plusieurs journaux détaillant
ses voyages, ses chasses et la tenue de ses affaires. En
marge se trouvent souvent des annotations discour-
toises envers les personnes mentionnées (« couard,
imbécile, incompétent, etc.).
 Le Minotaure
•  L’énorme cuisine (où pend une collection de hachoirs)
a été utilisée récemment. On peut y trouver une boîte
de somnifères vide, mais aussi, dans une pièce ruti-
lante, un évier curieusement sale. Il est maculé d’une
tourbe riche et noire. Le comte a lavé la pioche et la
pelle se trouvant dans le bureau ici, mais n’a pas pensé
à rincer l’évier.
•  La salle à manger. Y attendent les reliefs d’un repas
pour trois personnes. Deux assiettes ne sont pas termi-
nées (celle de la comtesse et du docteur) et les restes
sont empoisonnés avec des somnifères.
•  La chambre de la comtesse. Un sac de toile cirée est au
sol. Il protégeait la robe de mariée de la propriétaire
des lieux (le comte le lui a enfilé avant de l’enterrer
vivante). Des vêtements coûteux, mais plus habituels
jonchent aussi le sol. Dans un coin a roulé l’alliance du
comte (qu’il a arrachée de colère).
•  Dans la chambre du médecin personnel de la comtesse
(le docteur Armand) se trouvent d’autres fioles conte-
nant divers poisons, un manuel expliquant comment
s’en servir, ainsi qu’une arme de petit calibre.
Indices
Comme il s’agit d’une course contre la montre, le
temps d’exploitation des indices est indiqué lorsqu’il
est important (sinon rien n’est précisé).
•  La correspondance de la comtesse et du docteur
Armand (1h de lecture). Elle montre que la comtesse
détestait celui qu’elle surnommait le monstre. Elle
l’accuse d’être un époux violent et abusif sexuellement
(le docteur et le père Matthieu confirment qu’il s’agit
d’un mensonge). Elle déclare sa flamme au docteur
Armand, prétend être en danger si rien n’est fait (sans
jamais appeler directement au meurtre). Le docteur
(jeune et amoureux) s’inquiète sincèrement pour la
comtesse, lui suggère de feindre une maladie qui lui
permettrait d’être avec elle au domaine. Dans les der-
nières lettres, il évoque un lent et discret empoison-
nement du comte au thallium pour l’affaiblir d’abord
(le praticien cherche à protéger la comtesse) et le
tuer ensuite.La fiole de poison (1h pour l’analyser ou
dix minutes avec le manuel trouvé dans la chambre
du docteur, puisqu’il est annoté). Il s’agit de thal-
lium (cf. Manuel de l’Enquêteur p. 401). Il y a deux
fioles, l’une dans l’étude, sur le bureau, l’autre dans la
chambre du docteur Armand.
•  La bouteille de cognac (2 heures d’analyse puisque le
poison est dilué). Elle contient du poison à faible dose,
mais le docteur local et le père Matthieu déclarent que
cet alcool était le péché mignon du comte. Il en buvait
tout le temps.
•  La tourbière. Elle se situe en retrait du domaine, dans
une partie semi-marécageuse. De nuit, avec l’orage et
le vent qui fait voler de grosses branches, il faut une
bonne heure pour s’y rendre. De profondes traces
Chapitre 1
indiquent qu’une charrette chargée est passée là. Sur
place se trouve un four à tourbe rongé par le lierre
et une charrette vide. Le sol étant gorgé d’eau, il est
impossible de repérer la moindre trace (surtout dans
la tempête). Pourtant les cercueils et leurs prisonniers
sont bien là, non loin, enterrés dans de la terre un peu
plus ferme (mais que le comte a pris soin de couvrir
de tourbe). L’endroit est dangereux pour qui n’avance
pas avec un bâton pour tâter le terrain. Il y a des trous
d’eau qui peuvent se transformer en « sables mou-
vants » assez facilement. L’unique moyen de retrouver
les cercueils, c’est de repérer les tubes de cuivre qui
dépassent (seuls éléments brillants dans la tourbière).
Il faut alors creuser pour sortir les malheureux crimi-
nels et découvrir leur supplice. En effet, l’intérieur des
cercueils est hérissé de lames de rasoir. Le moindre
mouvement blesse le prisonnier. Pire, pour respirer, il
faut placer sa bouche sur le tube de cuivre donnant
sur l’extérieur. Le comte a bien pris soin de planter de
nombreuses lames qui lacèrent le visage au passage.
•  Les analyses de sang et le diagnostic (30 minutes de
lecture pour un néophyte, 10 pour un médecin). Ils
viennent d’un spécialiste parisien, le professeur Ville-
fort (qu’un praticien peut connaître de réputation)
et annoncent au comte qu’il est victime d’un empoi-
sonnement avancé. Malheureusement, le professeur
ajoute que les dégâts infligés par la substance sont
trop importants pour être soignés et que même si
le comte n’ingère plus de thallium, les hémorragies
internes vont se multiplier et le tuer.
•  Le bon de livraison pour deux cercueils. Ces derniers
sont pour deux adultes, avec fermeture mécanique et
sans matelas à l’intérieur (donc des modèles très bas
de gamme). Le bon indique une livraison directement
au domaine sans autre précision.
•  Un bon de livraison pour deux tubes de cuivre. Longs
de 2 mètres, d’un diamètre de un centimètre (ce qui
correspond à la largeur de la mèche dans la chignole).
Livraison au domaine sans autre précision.
•  Une douzaine de boîtes de lames de rasoir. Chaque
boîte contient une vingtaine de lames. Quelques
lames ont été laissées au sol en évidence par le comte.
•  Un marteau taché du sang du comte, une scie à métaux,
des bouts de tube de cuivre. L’homme n’a pas préparé
ses cercueils dans la maison. Il a placé tous ces élé-
ments pour que ceux qui le trouveront mort puissent
se diriger dans son dédale mental.
4
 Scènes de Crimes
•  La pioche et la pelle. Les outils ont été nettoyés dans un
évier de la cuisine. C’est un indice important auquel le
comte n’a pas pensé.
•  Des croquis. Ils montrent, en coupe, des gens prison-
Chapitre 1
niers de cercueil, avec un tube de cuivre donnant sur
la surface et permettant de respirer. Aucune mention
aux lames de rasoir ne s’y trouve.
La résolution du mystère
•  Le mystère. Il est assez simple à résoudre. Il suffit de
comprendre les indices laissés par le comte, filer à la
tourbière et déterrer les assassins. Mais encore faut-il
y arriver à temps. En effet, la comtesse et le docteur,
blessés par les lames de rasoir, vont succomber au
bout de six ou sept heures (prétendez que vous comp-
tabilisez une chronologie précise, mais trichez pour
rendre l’histoire plus haletante). N’hésitez pas à insis-
ter lourdement sur le passage des heures en utilisant
l’immense horloge dans l’entrée. Les joueurs devraient
comprendre que le temps est important.
•  L’exhumation n’est pas sans danger puisque les per-
sonnages peuvent être pris dans des trous d’eau alors
qu’ils fouillent la zone sous la tempête et l’orage
(XXXXXXXX AJOUTER UNE DIFF EN CAS DE CHUTE
DANS LA TOURBE XXXXXXX).
•  L’horreur. Les joueurs auront peut-être oublié le
détail des lames de rasoir avec toute cette action. Au
moment de sortir les prisonniers des cercueils, éclairé
par la foudre ou une lampe vacillante, il sera temps de
le leur rappeler. Les malheureux sont lacérés de par-
tout (la robe de mariée de la comtesse est imbibée de
sang), le visage et les mains en lambeaux (peut-être
ont-ils perdu un œil). Rendez cette scène particulière-
ment violente et gothique, avec la meurtrière qui tend
des bras hérissés de lames en hurlant.
Protagonistes
Le Minotaure
Le comte Robur de Mériac, même mort, est le prota-
goniste central de cette affaire. Fils illégitime d’un poli-
ticien noble très en vue, il a été discrètement reconnu
pour éviter le scandale, mais il n’a jamais hérité du
titre (qui pourtant lui revenait de droit). Frustré par
cette injustice, il a toujours cherché à repousser ses
limites (physiques et morales) pour prouver au monde
sa valeur (à l’armée, à la chasse ou dans le négoce). Ses
journaux montrent un homme rugueux, exigeant (vis-
à-vis des autres et de lui-même), colérique, vindicatif,
direct, mais honnête. Se sentant trahi par son propre
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•  Journaux du comte (2 heures de lecture). On y apprend
que le comte ne doit son titre qu’à son mariage et qu’il
est le bâtard officiel d’un noble qui ne lui a cependant
pas légué son titre. Le seul commentaire sur sa femme
se réduit à : « Elle fera l’affaire ».
•  Les restes de repas empoisonnés (1 heure pour déter-
miner que le poison est un somnifère, quelques
minutes si les boîtes dans la cuisine ont été trouvées).
Le reste des indices (comme les vêtements maculés
de tourbe du comte) ont brûlé avec la grange.
Mais résoudre cette énigme ce n’est pas le seul enjeu
de cette scène de crime.
•  Outre l’aspect ludique de l’enquête, un autre pro-
blème va se poser et il concerne directement les per-
sonnages. Ont-ils intérêt à sauver le docteur Armand
et, encore plus, la comtesse ? Quelle est leur relation
par rapport à la justice et la notion de justice ? Après
tout, les deux mécréants sont responsables de la mort
du comte. Ne méritent-ils pas leur châtiment ? Si les
joueurs, via leurs avatars, n’abordent pas la question
(peut-être seront-ils tout à leur enquête sans penser
aux implications), ce sont le père Matthieu et le doc-
teur Rolland qui lancent le débat. Le prêtre pense
qu’il faut chercher les deux meurtriers. Ne rien faire,
avance-t-il, reviendrait à se substituer à la justice de
Dieu (un argument qu’un personnage croyant devrait
entendre) ou des hommes (argument qu’un juriste
pourrait entendre). Le docteur Rolland, lui, ancien
médecin de guerre et proche du comte, n’est pas aussi
indulgent. Il pense que la duplicité du couple n’est
plus à prouver et qu’il faut laisser la justice du comte
se faire. Ni le prêtre ni le docteur n’interviendront
pour accélérer ou ralentir l’enquête. Ils partageront
leurs informations quand ils le peuvent, mais ils res-
teront sur leurs positions morales, laissant les enquê-
teurs choisir.
père, il abhorre la trahison et fait référence à plusieurs
affaires qu’il a réglées lui-même, à coups de canne, avec
ceux qui ont tenté de le tromper.
De retour au pays, il a épousé une noble désargentée en
échange du titre de comte, sachant qu’il ne pourrait pas
le passer à une quelconque descendance. Satisfait, il s’en-
ferma dans son domaine campagnard pour s’occuper de
ses chevaux, délaissant une femme habituée à la vie pari-
sienne (même difficile) pour partir chasser.
L’homme était brut, mais pas idiot. Il a vite lu dans le
jeu de son épouse et de son prétendu docteur personnel.
Voyant qu’il ne pourrait pas échapper à la mort, il décida
de se venger et de punir doublement ses assassins en prou-
 Le Minotaure
vant leur duplicité et en leur infligeant un terrible sup-
plice. Il pensait que sa femme et le docteur Armand ne
seraient jamais retrouvés à temps et qu’ils souffriraient
le martyre avant de succomber.
Les joueurs, à travers les enquêteurs, doivent faire
connaissance de ce personnage, l’aimer ou pas, mais
comprendre la logique derrière ses dernières actions.
Cette appréciation de son caractère jouera peut-être
un rôle dans le choix d’aider la comtesse et le docteur.
N’hésitez pas à parler de lui au présent pour troubler
vos joueurs et pour qu’ils entendent que, même s’il est
mort, le comte est toujours un protagoniste actif de
cette scène de crime.
Le docteur Rolland
La soixantaine, qui s’appuie sur une canne, la mous-
tache fournie, mais pas assez pour dissimuler une vieille
cicatrice, c’est un homme direct, professionnel, qui
ne cache pas son passé de médecin militaire. Il n’est
nullement impressionné par les « gens de Paris » (les
personnages) qu’il écoute souvent en levant un épais
sourcil, montrant qu’il désapprouve. Il est clairement
conservateur et n’hésite pas à qualifier les libéraux de
traîtres (sans même parler des radicaux).
Il connaissait et appréciait le comte, même si son
handicap lui interdisait de participer aux chasses. Les
deux hommes partageaient certaines idées sur le monde
(un monde impérial). Cependant, ils ne s’étaient plus
vus depuis que le docteur avait dit au comte ce qu’il
pensait de sa femme et de sa relation avec le docteur
Armand (qu’il ne considérait même pas comme un
collègue).
Source d’informations pour les enquêteurs, il va
aussi tenter de les convaincre de « laisser faire le cours
des choses » et de ne pas chercher les deux meurtriers.
S’ils ne se rangent pas à son avis, cela ne l’empêchera
pas de les aider lors de la fouille de la tourbière (et
même de tenter de sauver les malheureux lacérés de
partout).
Le père Matthieu
La cinquantaine, bedonnant, chauve et souriant,
il est le liant social de la région. Bien entendu, il sait
de nombreuses choses, mais il ne peut les répéter (au
mieux, il peut les confirmer d’un mouvement de la
tête). Le comte était généreux, mais peu croyant. Il ne
se rendait à l’église que pour les évènements religieux
majeurs, sans se préoccuper de qui s’asseyait où (au
grand courroux des notables locaux, très à cheval sur la
question du placement). Le père Matthieu n’aimait pas
la comtesse, mais comprenait son sentiment d’empri-
sonnement. Il tentera d’expliquer (sans pardonner) les
motivations de cette dernière. C’est un humaniste (un
naïf, selon le docteur Rolland, qui pourtant est son ami)
et même face aux preuves, il fera tout pour sauver les
assassins (et, bien entendu, les remettre à la justice).
Le capitaine de gendarmerie Levassoux
Dans ce coin reculé de la campagne être capitaine de
gendarmerie ne signifie pas grand-chose, surtout pour
un alcoolique comme Levassoux. Lorsqu’il ne dort pas
Chapitre 1
dans son bureau, il vacille sur son vélo, ronchonnant
après le père Benoist (le garde champêtre sénile) et
crache dans une vieille trompette avant de beugler des
annonces municipales que personne n’écoute. Il ajoute
de la couleur locale à l’enquête, mais ne sera d’aucune
aide (au contraire, il peut laisser filer l’information
aux autochtones que la comtesse est responsable de la
mort de son époux).
La comtesse Anne Marie Simone de Mériac
D’une maison terriblement endettée, elle a été
vendue avec son titre au Minotaure. Le jour de leur
mariage, il lui déclara qu’elle était son plus beau tro-
phée, et il ne plaisantait pas. Sans attendre, il paya la
dote, signa les papiers l’anoblissant et s’exila, obligeant
sa femme à le suivre.
Comprenant sa situation, la comtesse décida de se
débarrasser de son époux (qui, en plus, ne s’intéressait
absolument pas à elle) en manipulant un jeune docteur
ami de sa famille. Elle se moque de l’argent du comte,
elle veut juste être libre.
Malheureusement, si elle ne meurt pas enterrée
vivante, elle ira en prison, puis dans un hôpital psychia-
trique d’où, oubliée des siens, elle ne sortira jamais.
Le docteur Armand
Jeune praticien proche des Mériac, il a cru aux men-
songes de la comtesse et a pensé agir au mieux. Dans
la correspondance que les enquêteurs peuvent lire, il
semble réellement alarmé et craindre pour la vie de sa
maîtresse (ils se rencontrent lors de ses visites pari-
siennes). Même si c’est lui l’empoisonneur, il n’en reste
pas moins une victime.
S’il s’en sort vivant, les juges seront bien moins clé-
ments avec lui qu’avec la comtesse. Il finira sur l’écha-
faud, ne comprenant qu’au dernier moment qu’il n’a
été qu’un pantin.
Les autochtones
Parmi les locaux qui ont accouru pour arrêter l’in-
cendie, il y a des paysans, des garçons de ferme, des
femmes de chambre. Eux aussi ont leur avis sur le
Minotaure (qu’ils craignaient, mais respectaient) et
la « putasse », à savoir la comtesse. S’ils venaient à
apprendre que cette dernière est à l’origine de la mort
de Mériac, il n’en faudrait pas beaucoup (un manque
de diplomatie des personnages) pour qu’ils organisent
une « chasse » en l’honneur du « bon maître ». Même si
la malheureuse est extraite de son cercueil, elle peut
tout à fait prendre un coup de fourche en arrivant au
manoir…
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