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Hurault de Ligny, Alexandre Hertig, Bruno Moulin, Collège Universitaire des Enseignants de Néphro-
logie (CUEN), collection ECN intensif, sous la direction de Pierre Seners et Clément Cholet, 2016,
168 pages.
Néphrologie et troubles hydroélectrolytiques, par Alain Kanfer, Olivier Kourilsky, Marie-Noëlle
Peraldi, Christian Combe, 3e édition, collection EM – edirect, 2014, 478 pages.

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Pôle rénal : Urologie/Néphrologie. Apprendre et raisonner pour les ECNi, par Nicolas Barry Delong-
champs, Aurélie Hummel, Laurent Sabbah, collection Focus ECNi, 2016, 424 pages.
Néphrologie, par Pierre Housset, Antonin Levy, Céline Estournet, collection Cahiers des ECN, 2010,
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Médecine intensive, réanimation, urgences et défaillances viscérales aiguës. Réussir les ECNi, par le
Collège des enseignants de médecine intensive – réanimation, collection Les référentiels des Collèges,
6e édition, 2018, 744 pages.
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Julien Josserand, collection Cahiers des ECN, 4e édition, 2017, 432 pages.
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La dermatologie facile aux ECNi. Fiches de synthèse illustrées, par Charles Velter, 2018, 288 pages.
Les troubles
hydro-électrolytiques
faciles
Bruno Hurault de Ligny
Professeur des universités, praticien hospitalier
Centre universitaire des maladies rénales
CHU de Caen

Marie-Noëlle Peraldi
Professeur des universités, praticien hospitalier
Hôpital Saint-Louis, Paris
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France

Les troubles hydro-électrolytiques faciles, de Marie-Noëlle Peraldi et Bruno Hurault de Ligny.


© 2019 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76427-1
e-ISBN : 978-2-294-76660-2
Tous droits réservés.

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Avant-propos
Chers Collègues et futurs Collègues,
Qui d’entre nous n’a pas éprouvé un sentiment mêlant appréhension et hésitation
devant une hyponatrémie chronique, une hyperkaliémie sévère ou encore une
hypophosphatémie persistante  ? Nos années d’enseignement facultaires nous
ont révélé la difficulté de transmettre des messages clairs et synthétiques sur les
troubles hydro-électrolytiques. Nombreux sont les internes et médecins qui ana-
lysent une anomalie du ionogramme sanguin sans ionogramme urinaire, ou qui
prescrivent un ionogramme urinaire sans justification précise. C’est la raison pour
laquelle nous nous sommes lancés dans la rédaction de cet ouvrage avec trois
objectifs pédagogiques. Le premier objectif a été de regrouper la description de
toutes les anomalies que l’on peut rencontrer sur des examens sanguins et urinaires
de routine. Nous avons ainsi inclus, outre les troubles hydro-électrolytiques « clas-
siques », des anomalies moins souvent abordées telles que les dyschlorémies, les
hypo-uricémies ou encore les hypercalciuries afin de donner un panorama le plus
large possible de l’interprétation de ces examens de routine. Le deuxième objectif,
sans doute plus difficile à atteindre a été de rappeler les bases physiologiques. Ces
rappels, parfois complexes mais que nous avons tenté de simplifier nous sem-
blent indispensables à la compréhension des troubles hydro-électrolytiques. Pour
plus de clarté, nous avons opté pour des rappels brefs et de nombreux schémas
explicatifs. Enfin, le troisième objectif pédagogique a été de proposer au clinicien
une « approche pratique » avec description clinique, analyse des mécanismes res-
ponsables, et approche thérapeutique utilisable « au lit du patient », en essayant à
chaque fois de préciser le choix des thérapeutiques et les doses à utiliser.
Nous avons bien conscience que ce livre ne remplace pas les ouvrages de physio-
logie déjà publiés sur le sujet ni les revues bibliographiques abondamment réfé-
rencées. Mais nous proposons ce livre aux étudiants en médecine, aux internes de
nombreuses spécialités et à tous les cliniciens qui seront confrontés à l’analyse des
anomalies hydro-électrolytiques si fréquemment constatées en routine.
M.-N. Peraldi et B. Hurault de Ligny
Abréviations
AA Acides aminés
AC Anhydrase carbonique
ADH Hormone antidiurétique
AE1 Anion Exchanger 1
AGT L-alanine-glyoxylate aminotransférase
AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens
ANF Atrial Natriuretic Factor
AQP2 Aquaporines 2
ARAII Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II
AT Acidité titrable
BNP Brain Natriuretic Peptide
bpm Battements par minute
CaSR Calcium-Sensing Receptor
CFTR Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator
CPK Créatine phosphokinase
CSWS Cerebral Salt Wasting Syndrome
DEC Déshydratation extracellulaire
DFG Débit de filtration glomérulaire
DFGe Débit de filtration glomérulaire estimé
DIC Déshydratation intracellulaire
DPG Diphosphoglycérate
EC Extracellulaire
ECBU Examen cytobactériologique des urines
ECG Électrocardiogramme
EF Excrétion fractionnelle
ENaC Epithelial Sodium Channel
FENa Fraction excrétée de sodium
FGF Fibroblast Growth Factor
FHHNC Familial Hypomagnesemia with Hypercalciuria and Nephrocalcinosis
G-CSF Granulocyte-Colony Stimulating Factor
GTTK Gradient trans-tubulaire de potassium
HEC Hyperhydratation extracellulaire
HELIX Hypohidrosis, Electrolyte abnormalities, Lacrimal deficiency, Ichtyosis,
Xerostomia syndrome
HGPRT Hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transférase
X

HIC Hyperhydratation intracellulaire


HTA Hypertension artérielle
HVG Hypertrophie ventriculaire gauche
IC Intracellulaire
IEC Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
IRA Insuffisance rénale aiguë
IRC Insuffisance rénale chronique
KDIGO Kidney Disease : Improving Global Outcomes
MGRS Monoclonal Gammopathy of Renal Significance
MODY Maturity-Onset Diabetes of the Young
NEM Néoplasie endocrinienne multiple
NHE3 Sodium-Hydrogen Exchanger 3
NCC Na-Cl Cotransporter
NKCC2 Na-K-2Cl Cotransporter isoform 2
NPT2 Type 2 sodium-dependent phosphate (Na/Pi) cotransporter
NTA Nécrose tubulaire aiguë
OAT1 Organic Anion Transporter 1
Osm Osmolalité
PaCO2 Pression partielle de dioxyde de carbone dans le sang artériel
PaO2 Pression partielle d’oxygène dans le sang artériel
Pc Pression hydrostatique capillaire
Pi Phosphate inorganique
Πc Pression oncotique plasmatique
PTH Parathormone
PTHrp Parathormone-related protein
ROMK Renal Outer Medullary Potassium channel
SEC Secteur extracellulaire
SG Specific Gravity
SGLT1 Sodium-Glucose Transporter 1
SIADH Sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique
SIC Secteur intracellulaire
SRAA Système rénine-angiotensine-aldostérone
T3 Triiodothyronine
T4 Thyroxine
TA Trou anionique
TAP Trou anionique plasmatique
TAU Trou anionique urinaire
TmPi Transport maximal du phosphate
TNF Tumor Necrosis Factor
TRP Taux de réabsorption du phosphate
TSH Thyroid Stimulating Hormone
XI

UFC Unités formant colonie


UMOD Uromoduline
URAT Urate Transporter
VDR Vitamine D Receptor
VEC Volume du compartiment extracellulaire
VIC Volume du compartiment intracellulaire
CHAPITRE

1
Bases utiles
à la compréhension
des troubles
de l’hydratation

PLAN DU CHAPITRE
j Les compartiments liquidiens de l’organisme

j La loi de l’osmose et ses applications


� Définition
� Osmolarité, osmolalité et tonicité plasmatiques
� Osmolalité et densité urinaires
j La loi de Starling et ses applications
� Définition
� Application aux œdèmes
j Le système rénine-angiotensine-aldostérone

j L’hormone antidiurétique

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Les bases physiologiques du bilan de l’eau et du sel sont indispensables à connaître,


car tout médecin sera confronté fréquemment à un patient présentant un trouble
de l’hydratation.
Le rein est l’organe qui élimine l’eau et le sodium.
Couplés à l’analyse du ionogramme sanguin, l’analyse du ionogramme urinaire
et le calcul de l’osmolalité plasmatique et de l’osmolalité urinaire sont utiles au
diagnostic d’un trouble de l’hydratation.

Les compartiments liquidiens de l’organisme


L’eau corporelle totale représente 60 % du poids du corps1.
Elle est répartie dans deux compartiments, ou secteurs (figures 1.1 et 1.2) :
j l’eau intracellulaire (40 % du poids du corps) ;
j l’eau extracellulaire (20 % du poids du corps), qui est elle-même répartie en
deux secteurs :
Ÿ le secteur interstitiel (15 % du poids du corps) ;
Ÿ le secteur plasmatique (5 % du poids du corps).
  j
L es mouvements d’eau à travers la membrane cellulaire sont régis par
la loi de l’osmose (figure 1.2A). La membrane cellulaire sépare le cyto-
plasme (intérieur de la cellule) du plasma (extérieur de la cellule). Elle est
perméable à l’eau, imperméable au sodium et aux macromolécules. Le
sodium est la principale osmole, ou osmolyte, du secteur extracellulaire.
j
Les mouvements d’eau à travers la paroi des vaisseaux capillaires
(entre secteur interstitiel et secteur plasmatique) sont régis par la loi de
Starling (figure 1.2B). Elle est perméable à l’eau, aux ions, imperméable
aux protéines. Les mouvements d’eau sont influencés par les différences
de pressions hydrostatique et oncotique.

La loi de l’osmose et ses applications


Définition
La régulation des mouvements d’eau à travers une membrane cellulaire séparant
le secteur extracellulaire et le secteur intracellulaire est déterminée par la loi de
l’osmose : l’eau va du milieu le moins concentré vers le milieu le plus concentré.
L’osmose correspond donc à un flux d’eau d’une solution diluée vers une solution
concentrée, afin que l’osmolalité extracellulaire soit égale à l’osmolalité intracellulaire.

1 L’eau corporelle totale représente 75 % du poids du corps chez le nourrisson, 70 % chez l’enfant,
60 % chez l’homme adulte (55 % chez l’homme âgé), 50 % chez la femme adulte (45 % chez la
femme âgée).
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 3

Figure 1.1. Répartition des secteurs liquidiens chez un homme pesant 70 kg.
Un homme a deux fois plus d’eau dans le secteur intracellulaire que dans le secteur
extracellulaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Figure 1.2. Compartiments liquidiens et milieu extérieur (tubule rénal et tube


digestif). Répartition de l’eau corporelle totale.
A. La loi de l’osmose (double flèche bleue) gouverne les mouvements d’eau de part et
d’autre de la membrane cellulaire. B. La loi de Starling (double flèche grise) régit les
mouvements d’eau à travers les capillaires. Les apports digestifs et pertes rénales sont
représentés (fines flèches blanches).
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
4 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Comme représenté dans la figure 1.3, on définit :


j le milieu isotonique : pression osmotique du secteur extracellulaire identique
à celle du secteur intracellulaire → il n’y a aucun mouvement d’eau entre les deux
compartiments (figure 1.3A) ;
j le milieu hypotonique  : pression osmotique du secteur extracellulaire plus
faible que celle du secteur intracellulaire → il y a un mouvement d’eau du secteur
extracellulaire vers le secteur intracellulaire (figure 1.3B) ;

Figure 1.3. Mouvements d’eau à travers une membrane cellulaire.


L’eau va du milieu le moins concentré vers le milieu le plus concentré. SEC, secteur
extracellulaire ; SIC, secteur intracellulaire. Le Δ (en rouge) traduit la perte ou le gain d’eau.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 5

j le milieu hypertonique  : pression osmotique du milieu extracellulaire plus


forte que celle du milieu intracellulaire → il y a un mouvement d’eau du milieu
intracellulaire vers le milieu extracellulaire (figure 1.3C).

Osmolarité, osmolalité et tonicité plasmatiques


Osmolyte
Substance ne traversant pas librement une membrane, c’est-à-dire osmotique-
ment active (figure 1.4).

Figure 1.4. Perméabilité différentielle entre les trois secteurs liquidiens.


La tonicité, ou osmolalité efficace, est le reflet du comportement des solutés vis-à-vis
des membranes cellulaires : elle dépend de la concentration des seules substances
osmotiquement actives, c’est-à-dire ne traversant pas librement la membrane cellulaire
(celle-ci est perméable à l’eau et à l’urée, imperméable au sodium et aux macromolécules).
Ces substances régissent les mouvements d’eau entre secteur extracellulaire et secteur
intracellulaire selon la loi de l’osmose (cf. figure 1.3). Les protéines sont également
osmotiquement actives mais la pression osmotique qu’elles exercent de part et d’autre
des membranes cellulaires est négligeable devant celle des petites molécules comme les
ions, car les concentrations molaires des protéines sont bien plus faibles. En revanche,
de part et d’autre des endothéliums, la pression osmotique des protéines (pression
oncotique) devient significative devant celle des solutés de petites tailles (qui diffusent
librement entre secteur vasculaire et secteur interstitiel) : la pression oncotique exercée
par les protéines plasmatiques est une des forces de Starling (cf. figure 1.6).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
6 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Osmolarité
L’osmolarité est définie comme la concentration de toutes les substances osmo-
tiques actives et inactives par litre de plasma.

Osmolalité
L’osmolalité est définie comme la concentration de toutes les substances osmo-
tiques actives (sodium, glucose) et inactives (urée, qui diffuse librement d’un
secteur à l’autre) par litre d’eau plasmatique.

Pour comprendre
La différence entre osmolarité et osmolalité
j
L’osmolarité est exprimée en « concentrations molaires » (nombre de
moles de soluté par volume de solution).
j
L’osmolalité est exprimée en «  concentrations molales » (nombre de
moles de soluté par masse de solvant).
Un litre de plasma (la solution) contient environ 0,93 litre d’eau (le solvant),
soit 0,93 kg H2O, car protéines et lipides occupent un volume non négli-
geable : osmolalité et osmolarité sont donc différentes (figure 1.5).

Figure 1.5. Osmolarité et osmolalité.


Au laboratoire, avec un osmomètre, l’osmolarité plasmatique se mesure par litre de
plasma, tandis que l’osmolalité se mesure par litre d’eau plasmatique (ou kg H2O)
après précipitation des protéines (protides précipités dans un volume de 70 ml).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 7

Toutefois, en pratique clinique, on considère que l’osmolalité et l’osmolarité


sont proches dans les conditions normales (sauf exceptions importantes :
pseudohyponatrémies, cf. chapitre  3) et que l’osmolalité peut donc être
estimée par les concentrations molaires plasmatiques mesurées couram-
ment lors d’un ionogramme.

Elle est calculée ainsi :


Osmolalité = 2 × ([Na+] + [K+]) + Glycémie + Urée.
[Osmolalité exprimée en mOsm/kg H2O ; concentrations exprimées en mmol/l.]

L’osmolalité du secteur extracellulaire et celle du secteur intracellulaire sont


identiques ; seule la première peut être estimée.

Tonicité
La tonicité, ou osmolalité efficace, est la concentration des substances osmotique-
ment actives par litre d’eau plasmatique.
Elle peut être estimée ainsi — l’urée, diffusible, n’est plus considérée car non active
osmotiquement :
Tonicité = 2 × ([Na+] + [K+]) + Glycémie.
C’est cette dernière définition qui est importante, car la tonicité est le reflet de la
force osmotique du secteur extracellulaire : comportements hypotonique, isoto-
nique, hypertonique (cf. figure 1.3).

Toute modification de la tonicité entraîne un mouvement d’eau (+++).

Le sodium étant le principal cation du secteur extracellulaire —  le potassium


jouant ce rôle dans le secteur intracellulaire — (tableau 1.1), le calcul de la tonicité
plasmatique en routine utilise la formule simplifiée suivante :
Tonicité plasmatique simplifiée = 2 × [Na +] + Glycémie = 285 ± 5 mOsmol/
kg H2O.
Cette formule est le meilleur outil d’évaluation du volume intracellulaire.

La modification de la tonicité du milieu extracellulaire s’accompagne tou-


jours d’un mouvement d’eau :
j
si elle est diminuée (hyponatrémie), il y a mouvement d’eau depuis le
milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire (EC → IC), qui tend à
être hyperhydraté : HIC ;
j
si elle est augmentée (hypernatrémie), il y a mouvement d’eau vers le
milieu extracellulaire depuis le milieu intracellulaire (EC ← IC), qui tend à
être déshydraté : DIC.
La tonicité plasmatique, approchée par la natrémie, est le reflet de
l’hydratation du secteur intracellulaire et varie en sens inverse.
8 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 1.1. Concentrations des principaux osmolytes (mmol/l) dans les secteurs
intracellulaire, interstitiel et plasmatique.
Secteur Secteur extracellulaire
intracellulaire
Secteur Secteur
interstitiel plasmatique
Cations Na+ 5-15 145 140
K+ 140 3,8 3,7
Ca2+ (ionisé) < 0,01 1,2 1,2
Mg2+ 10 0,8 0,8
Anions Cl– 5-15 115 102
HCO −
3
10 30 28

PO 3−
4
100 2 2
Protéines 3,5 0,25 2
Autres Urée 5 5 5
Glucose 5 5 5
Osmolalité 285 mOsmol/kg H2O 285 mOsmol/kg H2O

Osmolalité et densité urinaires


Couplée au calcul de la tonicité plasmatique, l’osmolalité urinaire est utile à la
compréhension de certains troubles de l’hydratation.
Elle peut être calculée aisément à l’aide du ionogramme et de l’urée sur un échan-
tillon urinaire :
Osmolalité urinaire = 2 × ([Na+] + [K+]) + Urée.
[Osmolalité urinaire exprimée en  mOsm/kg H2O  ; concentrations exprimées
en mmol/l.]
Chez l’adulte normal, l’osmolalité urinaire peut varier largement  : de 50-70 à
1 000-1 200 mOsm/kg H2O.
Elle dépend chez un sujet sain de la quantité d’osmoles et d’eau ingérées, comme
illustré dans le tableau 1.2.

Tableau 1.2. Exemples d’osmolalités urinaires en fonction des apports.


Apport hydrique Apport d’osmoles Volume urinaire Osmolalité urinaire
(litres par jour) (mOsmol par jour) (litres par jour) (mOsmol/kg H2O)
2 600 2 300
4 600 4 150
0,5 600 0,5 1 200
2 800 2 400
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 9

Le rein assure ainsi un bilan nul en eau et en osmoles.

Application
Bandelette urinaire
La bandelette urinaire permet d’estimer l’osmolalité urinaire à partir de la densité uri-
naire (SG pour « specific gravity ») :
Osmolalité urinaire = 31 400 × (Densité urinaire – 1).
j
Si SG = 1,010 : Osmolalité urinaire = 31 400 × 0,010 = 314 mOsm/kg H2O.
j
Si SG = 1,030 : Osmolalité urinaire = 31 400 × 0,030 = 942 mOsm/kg H2O.

La loi de Starling et ses applications


Définition
Cette loi (figures 1.2B et 1.6) concerne le secteur extracellulaire, qui comprend :
j le secteur interstitiel (15 %) ;
j le secteur vasculaire, ou plasmatique (5 %) ;
j séparés par la paroi des vaisseaux capillaires.
10 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

La régulation des mouvements d’eau et de sodium est contrôlée par :


j la pression hydrostatique, favorisant le passage d’eau du secteur plasmatique
vers le secteur interstitiel ;
j la pression oncotique des protéines, favorisant le maintien de l’eau dans le
secteur capillaire.

Application aux œdèmes


Cette loi explique la formation des œdèmes, témoin clinique de l’expansion du
secteur interstitiel (donc du secteur extracellulaire).
Comme décrit dans la figure 1.6, les œdèmes surviennent quand :
j la pression hydrostatique capillaire est augmentée ;
j la pression oncotique des protéines est diminuée ;
j la perméabilité capillaire est augmentée.

Figure 1.6. Loi de Starling.


Forces de Starling : – la pression hydrostatique capillaire (Pc) décroît le long
du capillaire du fait de la baisse de pression sanguine ; – la pression oncotique
plasmatique (IIc) est due à la présence des protéines qui attirent l’eau du liquide
interstitiel vers le plasma.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 11

En plus des modifications de l’hémodynamique capillaire, il faut, pour constituer


des œdèmes, une rétention de sodium et d’eau par les reins.

Le système rénine-angiotensine-aldostérone
Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) est un système hormonal
localisé dans le rein, dont le rôle essentiel est :
j de maintenir l’homéostasie hydrosodée  ;
j de réguler la pression artérielle.
Comme représenté figure 1.7, les protéines impliquées sont :
j la rénine, enzyme clé secrétée par l’appareil juxtaglomérulaire (cf. figure 2.4 au
chapitre 2) , qui est à l’origine d’une cascade de réactions enzymatiques ; elle est
stimulée en cas de :
Ÿ baisse de la pression dans l’artère rénale (baisse de la pression artérielle sys-
témique, hypovolémie, sténose de l’artère rénale) ;
Ÿ stimulation β-adrénergique des cellules juxtaglomérulaires ;
Ÿ augmentation de la concentration de chlorure de sodium dans le tube
contourné distal (feedback ou rétrocontrôle tubuloglomérulaire) ;
j l’angiotensinogène, protéine inactive synthétisée par le foie, qui est clivé par la
rénine, générant ainsi l’angiotensine I ;
j l’enzyme de conversion, qui a deux effets : elle clive l’angiotensine I en angio-
tensine II et inactive la bradykinine (peptide vasodilatateur) ;
j l’angiotensine II, qui agit en se fixant sur :
Ÿ ses récepteurs AT1, vasoconstricteurs :
Ÿ ses récepteurs AT2, vasodilatateurs (dont le rôle semble surtout important
au cours de la vie fœtale).
Via la fixation aux récepteurs AT1, l’angiotensine II, peptide avant tout vasocons-
tricteur, a plusieurs effets :
j vasoconstriction des artérioles : augmentation de la pression artérielle ;
j stimulation du système sympathique : augmentation de la pression artérielle ;
j sécrétion d’aldostérone par les glandes surrénales : réabsorption tubulaire de Na
et donc augmentation de la rétention hydrosodée et de la pression artérielle ;
j stimulation de l’ADH.
Enfin, l’angiotensine II est un médiateur important de la sensation de soif.

L’hormone antidiurétique
Le bilan de l’eau est normalement équilibré : la soif régule les entrées, le rein les
sorties. Seules les sorties rénales sont régulées.
Ces sorties rénales sont contrôlées par l’hormone antidiurétique, ou ADH.
12 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 1.7. Système rénine-angiotensine-aldostérone.


Les effets de l’angiotensine II vont tous dans le sens d’une élévation de la pression
artérielle. L’inhibition de ce système par des médicaments agissant à différents
niveaux — bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone, en particulier les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs AT1 de
l’angiotensine II (ARAII) — est largement utilisée en clinique.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

L’ADH est synthétisée par les noyaux supraoptiques et paraventriculaires de


l’hypothalamus et stockée dans la posthypophyse.
L’ADH est principalement sécrétée par l’hypophyse en réponse à :
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 13

j un stimulus osmotique, quand la tonicité plasmatique dépasse 290 mOsm/kg


H2O ;
j un stimulus hémodynamique, en présence d’une hypovolémie via des baroré-
cepteurs et l’angiotensine II (effet direct) ;
j la soif, qui évite la survenue d’un bilan d’eau négatif quand l’ADH n’est pas
sécrétée.
L’ADH a pour principaux rôles :
j d’augmenter la perméabilité à l’eau du tube collecteur en se fixant à ses récep-
teurs V2 situés au pôle basolatéral des cellules du tube collecteur ; cette fixation
permet l’expression membranaire de canaux à eau appelés aquaporines de type 2,
AQP2 (figure 1.8) et augmente la réabsorption d’eau ;

Figure 1.8. Rôle de l’ADH au niveau du tube collecteur.


Les jonctions serrées de l’épithélium du tube collecteur le rendent imperméable à
l’eau. En se fixant sur son récepteur V2, l’ADH induit l’adressage à la membrane apicale
des aquaporines 2 (AQP2), permettant ainsi la réabsorption d’eau. Les aquaporines
AQP3 et AQP4 du pôle basolatéral sont d’expression constitutive, non régulée. ADH,
hormone antidiurétique ; AQP, aquaporines.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
14 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 1.3. Variations des concentrations d’ADH en fonction des apports


hydriques et osmolaires.
Apport Apport d’osmoles Volume Osmolalité urinaire Taux d’ADH
hydrique (mOsmol urinaire (mOsmol/kg H2O) circulante
(litres par jour) par jour) (litres par jour)
2 600 2 300 Moyen
4 600 4 150 Bas
0,5 600 0,5 1 200 Élevé
2 800 2 400 Moyen

Figure 1.9. Maintien d’un bilan hydrique normal.


La tonicité plasmatique est maintenue normale grâce à la sensation de soif et à l’ADH.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j de contrôler ainsi les phénomènes de dilution/concentration des urines (cf.


figure 3.1 au chapitre 3).
L’ADH permet de fixer l’osmolalité urinaire à la valeur permettant d’éliminer
l’eau pour une charge osmolaire donnée. Le tableau 1.3 reprend les données du
tableau 1.2 en y ajoutant les valeurs d’ADH.
Comme illustré dans la figure 1.9, un bilan hydrique normal est maintenu chez un
sujet sain grâce à la soif et à l’ADH.
Bases utiles à la compréhension des troubles de l’hydratation 15

POINTS À RETENIR
j
L’homéostasie de la volémie est assurée par la réabsorption et la sécré-
tion de sodium sous le contrôle de l’aldostérone.
j
Les troubles de la volémie s’apprécient grâce à l’examen clinique.
j
L’homéostasie de l’osmolarité, donc des mouvements d’eau de part et
d’autre de la membrane cellulaire, est assurée par la réabsorption et la
sécrétion d’eau sous le contrôle de l’ADH.
j
Les troubles de l’hydratation intracellulaire s’apprécient grâce à la
natrémie et au calcul de la tonicité plasmatique.
j
Le rein réabsorbe de façon indépendante l’eau et le sodium.

Entraînement
QCM 1
D’une manière générale, quels sont les mécanismes physiopathologiques responsables
de la formation d’œdèmes généralisés ?
A. L’augmentation de la pression artérielle systémique.
B. L’augmentation de la pression hydrostatique capillaire.
C. La diminution de la pression oncotique plasmatique.
D. La diminution de l’osmolalité plasmatique.
E. L’augmentation de la perméabilité capillaire.

QCM 2
Parmi les propositions suivantes, quelle(s) est (sont) celle(s) qui est (sont) exacte(s) ?
A. La tonicité plasmatique reflète l’hydratation intracellulaire.
B. La formule permettant de calculer l’osmolalité plasmatique est : Na+ × 2 + Glucose
+ Urée.
C. L’ADH est sécrétée en réponse à un stimulus hémodynamique en présence d’une
hypervolémie.
D. L’angiotensine II stimule le système sympathique.
E. L’angiotensine II stimule la soif.
CHAPITRE

2
Anomalies du bilan
du sodium : troubles
de l’hydratation
extracellulaire

PLAN DU CHAPITRE
j Généralités

j Homéostasie du sodium
� Bilan du sodium
� Transport rénal du sodium
� Régulation du bilan du sodium
j Hyperhydratation extracellulaire isolée
� Présentation clinique typique et physiopathologie
� Étiologie des syndromes œdémateux
� Traitement des syndromes œdémateux
j Déshydratation extracellulaire isolée
� Présentation clinique typique et physiopathologie
� Étiologie
� Traitement

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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18 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Généralités
Tout trouble de l’hydratation correspond à une anomalie du bilan de l’eau et du
sodium.
  j
L e trouble de l’hydratation est purement extracellulaire si les gains ou les
pertes de sodium et d’eau ne modifient pas l’osmolalité plasmatique
du secteur extracellulaire : ce chapitre.
j
Le trouble de l’hydratation est intracellulaire ou global si les gains ou
les pertes entraînent une modification de l’osmolalité plasmatique du
secteur extracellulaire : cf. chapitre 3.

Comment évaluer le compartiment extracellulaire ?


Le tableau 2.1 décrit les signes permettant d’apprécier l’état du secteur extracel-
lulaire.
  j Un gain de Na+ est associé à une augmentation du volume du secteur
extracellulaire. Les œdèmes (ultrafiltrat plasmatique) sont un indicateur
clinique du contenu en sel de l’organisme, témoin clinique de l’hyper-
hydratation extracellulaire (HEC).
j
Une perte de Na+ est associée à une diminution du volume du secteur
extracellulaire. Le pli cutané ou l’hypotension orthostatique sont des
indicateurs cliniques du contenu en sel de l’organisme, témoin clinique
de la déshydratation extracellulaire (DEC).

Tableau 2.1. Signes évoquant un trouble de l’hydratation extracellulaire.


Hyperhydratation extracellulaire Déshydratation extracellulaire
Poids ↑ ↓
Clinique • Œdèmes périphériques • Pli cutané
• Œdème pulmonaire • Hypotonie des globes oculaires
• Anasarque • Veines superficielles aplaties
• HTA • Hypotension (orthostatique)
• Tachycardie
• Veine cave inférieure compliante • Réduction du calibre de la veine
à l’échographie cave inférieure à l’échographie
Paraclinique • Protides, hématocrite ↓ • Protides, hématocrite ↑
• Natrémie normale • Natrémie normale
• Tonicité plasmatique normale • Tonicité plasmatique normale
• Natriurèse variable selon la
cause rénale ou extrarénale
Fonction rénale • IRA fonctionnelle • IRA fonctionnelle
IRA, insuffisance rénale aiguë.
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 19

Les résultats biologiques, en particulier les examens d’urines sur échantillon, doi-
vent être obtenus avant la mise en route du traitement pour analyser correcte-
ment le trouble de l’hydratation.

Homéostasie du sodium
Bilan du sodium
j Les entrées de sodium sont alimentaires :
Ÿ elles varient entre 100 et 200 mmol par jour (soit 6 à 12 g par jour) ;
Ÿ environ la moitié de ces apports est liée au sel de cuisine, mais le sodium est
présent dans de très nombreux aliments ;
Ÿ un régime sans sel strict apporte au maximum 2 g de sel par jour, un régime
hyposodé 4 à 6 g par jour.
j L’absorption digestive de sodium :
Ÿ a lieu dans l’intestin grêle et, à un moindre degré, dans le côlon ;
Ÿ est couplée à celle du glucose grâce au transporteur SGLT1.
j Les sorties de sodium sont :
Ÿ extrarénales : faibles et non régulées (concentration de sodium de 5 mmol/l
dans les selles et de 20 mmol/l dans la sueur) ;
Ÿ rénales : importantes et régulées.

De ce fait, l’excrétion urinaire de Na+ est considérée comme égale aux
apports de Na+.

Le rein est donc le lieu de la régulation du bilan sodé et est capable de s’adapter
aux apports (figure 2.1).
Toutefois, ce dogme du rein comme seul organe impliqué dans la régulation du
bilan du sodium a été ébranlé par des travaux récents pointant le rôle des cellules
immunitaires et des vaisseaux lymphatiques dans le contrôle du volume extra-
cellulaire.
Facteurs de conversion
Sel :
1 g de sel de cuisine
= 400 mg de Na+ + 600 mg de Cl–
= 17 mmol de Na+ + 17 mmol de Cl–
Sodium :
j mg/l × 0,043 → mmol/l
j mmol/l × 23 → mg/l
Chlorure :
j mg/l × 0,028 → mmol/l
j mmol/l × 35,4 → mg/l
20 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 2.1. Homéostasie du sodium : le rôle du rein.


Le rein adapte l’élimination des sorties aux entrées : l’excrétion fractionnelle de sodium
augmente ou diminue selon les apports.
Charge filtrée = Natrémie × DFG.
Charge excrétée = Natriurie × Débit urinaire.
EF (excrétion fractionnelle) du sodium (cf. Annexe), notée parfois
Charge excrétiée Natriurie × Debit urinaire Natriurie × Créatininémie
FENa = = =
Charge filtrée Natrémie × DFG Natrémie × Créatininurie
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Transport rénal du sodium


j Le site principal de réabsorption du sodium est le tube contourné proximal
(60 %) :
Ÿ cette réabsorption est iso-osmolaire (environ les deux tiers du sodium et
de l’eau filtrés sont réabsorbés dans ce segment) ;
Ÿ elle fait appel à de nombreux transporteurs situés au pôle apical des cel-
lules : cotransporteurs sodium-acides aminés, sodium-glucose, sodium-phos-
phate, antiport Na+/H+ (NHE3) ;
Ÿ l’énergie est fournie par la pompe Na+/K+-ATPase située au pôle basal, et
ce, dans tous les segments du néphron ;
Ÿ la réabsorption n’est pas régulée à ce niveau mais est modulée par la balance
glomérulo-tubulaire et par l’angiotensine II ;
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 21

Ÿ cette balance glomérulo-tubulaire permet au tube contourné proximal de


réabsorber toujours 60 % du sodium filtré, quel que soit le débit de filtration
glomérulaire (DFG). Elle permet ainsi, par exemple, d’éviter une rétention
hydrosodée majeure quand le DFG diminue ou des pertes urinaires impor-
tantes quand le DGF augmente.

Pour comprendre
Le mécanisme de la balance glomérulotubulaire
La filtration glomérulaire crée un filtrat dépourvu de protéines et, au
contraire, concentre les protéines dans l’artériole efférente, d’autant plus
que le DFG est élevé. La pression oncotique dans les capillaires péritubu-
laires qui dérivent de l’artériole efférente est donc élevée et liée directement
au DFG. La réabsorption hydrosodée dans le tube contourné proximal,
dépendant de la pression oncotique péritubulaire, augmente alors propor-
tionnellement au DFG.

j 25 % de la réabsorption sodée a lieu dans la branche large ascendante de l’anse


de Henlé :
Ÿ elle est assurée par le cotransporteur Na-K-2Cl (NKCC2) ;
Ÿ ce cotransporteur est inhibé par le furosémide (diurétique de l’anse, cf. cha-
pitre 12).
j Environ 8  % du sodium filtré est réabsorbé au niveau du tubule contourné
distal :
Ÿ cette réabsorption est assurée par le cotransporteur Na-Cl (NCC) ;
Ÿ ce cotransporteur est inhibé par les diurétiques thiazidiques.
j Le reste du sodium filtré est réabsorbé par la fin du tubule distal et le tube
collecteur :
Ÿ la réabsorption est assurée par le canal sodique épithélial (ENaC) sensible
à l’amiloride ;
Ÿ elle est indépendante, à ce niveau, de la réabsorption de l’eau ;
Ÿ et elle est régulée par l’aldostérone.
La figure 2.2 schématise les sites de réabsorption du sodium le long du néphron.
Les différents transporteurs rénaux impliqués dans la réabsorption du sodium
sont présentés figure 2.3.

Régulation du bilan du sodium


Rétrocontrôle tubuloglomérulaire
j Toute modification du DFG modifie la quantité de chlorure de sodium qui
arrive au niveau du tube contourné distal.
22 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 2.2. Comportement rénal du sodium.


Représentation de la réabsorption sodée dans les différents segments du néphron.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 23

Figure 2.3. Mécanismes de réabsorption du sodium le long du néphron.


A. Au niveau du tube contourné proximal, la pompe Na+/K+-ATPase basolatérale
maintient la concentration intracellulaire basse et crée un gradient favorable à la
réabsorption apicale. L’échangeur NHE3 (échange d’un ion H+ contre un ion Na+)
est le principal canal sodique impliqué dans la réabsorption de sodium. L’eau suit
les solutés par osmose (transport transcellulaire et paracellulaire) et le chlore suit le
sodium grâce au gradient électrique qui s’établit peu à peu au long du parcours dans
le tubule proximal. B. Au niveau de la branche large ascendante de l’anse de Henlé,
le transport de sodium est essentiellement transcellulaire, actif, via le cotransporteur
NKCC2. La branche ascendante est imperméable à l’eau (il y a diminution de
l’osmolarité, après son augmentation dans la branche descendante perméable à l’eau
mais pas au sodium). C. Au niveau du tube contourné distal, un cotransporteur apical
NCC réabsorbe sodium et chlore. D. Mode d’action de l’aldostérone au niveau du
canal collecteur : l’aldostérone, via le récepteur minéralocorticoïde, active le canal
sodique épithélial ENaC (réabsorption apicale de Na+ stimulée), le canal potassique
ROMK (sécrétion apicale de K+ stimulée) et la Na+/K+-ATPase basolatérale. À ce
niveau, la réabsorption d’eau est régulée par l’ADH (cf. figure 1.8 au chapitre 1).
NHE3 : Sodium-Hydrogen Exchanger 3 ; AQP1 : aquaporine-1 ; NKCC2 : Na-K-2Cl
Cotransporter 2 ; NCC : Na-Cl Cotransporter ; ENaC : Epithelial Sodium Channel ;
ROMK : Renal Outer Medullary Potassium channel.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
24 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Ces variations de chlorure de sodium au niveau distal :


Ÿ entraînent une modification des résistances des artérioles afférentes (auto-
régulation rénale) ;
Ÿ modulent la synthèse de rénine par l’appareil juxtaglomérulaire situé au
contact du tube contourné distal.
j Ce rétrocontrôle est schématisé dans la figure 2.4.

Pour comprendre
Le rétrocontrôle tubuloglomérulaire par l’appareil
juxtaglomérulaire
Le rétrocontrôle tubuloglomérulaire est fondé sur le rapprochement spatial
du tube contourné distal avec son propre glomérule, créant l’appareil juxta-
glomérulaire (figure 2.4) : localement, un groupe d’une vingtaine de cellules
spécialisées de l’épithélium du tube contourné distal — dénommé macula
densa (« tache noire ») car ces cellules apparaissent plus sombres et denses
en histologie que les cellules voisines — détecte les variations de concen-
tration luminale distale en chlorure de sodium dues aux variations du DFG :
j
en cas d’augmentation du chlorure de sodium dans le tube contourné
distal, les cellules de la macula densa déclenchent des signaux para-
crines (diffusion d’adénosine) qui aboutissent à la vasoconstriction de
l’artériole afférente voisine, diminuant le DFG ;
j
inversement, une baisse de concentration en chlorure de sodium
entraîne une vasodilatation de l’artériole afférente, augmentant le
DFG ; si la situation d’hypovolémie et de faible DFG perdure, l’appareil
juxtaglomérulaire sécrète la rénine, ce qui déclenche le système rénine-
angiotensine-aldostérone et réduit l’excrétion hydrosodée, participant
au rétablissement de la volémie.

Systèmes hormonaux
L’hormone antinatriurétique : l’aldostérone
j L’aldostérone est une hormone stéroïde minéralocorticoïde synthétisée par la
glande surrénale.
j Sa sécrétion est stimulée par l’angiotensine  II (système rénine-angiotensine-
aldostérone, cf. figure 1.7 au chapitre 1) et l’élévation de la kaliémie.
j Elle active un récepteur nucléaire.
j Elle agit au niveau du tube collecteur, dans les cellules épithéliales dites princi-
pales. Son mode d’action est schématisé dans la figure 2.3D.
j Ses rôles physiopathologiques sont nombreux :
Ÿ balance sodée (elle augmente la réabsorption du sodium : effet antinatriu-
rétique) ;
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 25

Figure 2.4. Appareil juxtaglomérulaire, rétrocontrôle tubuloglomérulaire, système


rénine-angiotensine-aldostérone.
Le rétrocontrôle tubuloglomérulaire permet une réponse adaptée aux variations de
la volémie. DFG, débit de filtration glomérulaire ; TCD, tube contourné distal ; RTG,
rétrocontrôle tubuloglomérulaire ; SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
26 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Ÿ équilibre potassique (elle augmente l’excrétion du potassium : effet kaliuré-


tique) ;
Ÿ équilibre acido-basique (elle augmente l’excrétion des ions H+, participant
ainsi au processus d’acidification de l’urine) ;
Ÿ équilibration de la pression artérielle par son action sur la volémie (cf.
figure 1.7 au chapitre 1) ;
Ÿ pathologies associées à l’hyperaldostéronisme  : hypertension artérielle,
fibrose myocardique et insuffisance cardiaque.

L’hormone pronatriurétique : le facteur atrial natriurétique


j Le facteur atrial natriurétique (ANF, Atrial Natriuretic Factor) est une hor-
mone polypeptidique hypotensive.
j Il est synthétisé essentiellement par l’atrium (oreillette) droit lorsqu’il existe une
distension mécanique de ses parois, donc en réponse à l’hypervolémie.
j Il joue un rôle dans l’homéostasie du sodium (augmentation de l’excrétion
rénale de sodium : effet natriurétique).

Hyperhydratation extracellulaire isolée


Il s’agit des états œdémateux.

Présentation clinique typique et physiopathologie


Cas clinique
Un homme de 65  ans, avec antécédent de cardiopathie ischémique connue
depuis 10 ans, est hospitalisé pour un nouvel épisode de dyspnée de décubitus et
d’œdèmes des membres inférieurs. Il pesait 70 kg il y a 2 mois. Le poids actuel est de
75 kg. Le diagnostic de décompensation cardiaque globale est retenu.
j Examens sanguins : créatinine = 120 µmol/l, natrémie = 140 mmol/l, glucose
= 5 mmol/l, protides = 58 g/l, hématocrite = 39 %.
j Examens urinaires : natriurèse = 15 mmol/l, kaliurèse = 25 mmol/l, absence de
protéinurie.

Dans ce cas :
j le volume du secteur extracellulaire, principalement celui du secteur inter-
stitiel, est augmenté (HEC) ;
j le volume du secteur intracellulaire est ici normal, car la tonicité plasmatique
calculée est dans ce cas de : (140 × 2) + 5 = 285 mOsm/kg H2O, donc normale ;
dans cette situation, il n’y a pas de mouvements d’eau entre le milieu extracellu-
laire et le milieu intracellulaire.
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 27

Les anomalies ne concernent alors que le milieu extracellulaire : les gains en sel et
en eau (5 kg ici) sont isotoniques (figure 2.5B).
Le bilan sodé positif se traduit par :
j la prise de poids ;
j la présence d’œdèmes, blancs, mous, indolores, déclives, prenant le godet ;
j un œdème pulmonaire aigu, voire une anasarque.
Dans ce cas d’insuffisance cardiaque (figure 2.6), les œdèmes sont secondaires à :
j l’augmentation des pressions veineuses et capillaires (augmentation de la pré-
charge), parfois sans diminution du débit cardiaque (cardiopathies diastoliques) ;
j la diminution du débit cardiaque (diminution de la post-charge) avec dimi-
nution du volume circulant efficace.

Figure 2.5. Troubles de l’hydratation extracellulaire.


A. Situation normale. B. Hyperhydratation extracellulaire isolée : le secteur
interstitiel augmente par rétention isotonique d’eau et de sodium. C. Déshydratation
extracellulaire isolée : le volume extracellulaire diminue par perte isotonique d’eau
et de sodium.
DEC, déshydratation extracellulaire ; HEC, hyperhydratation extracellulaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
28 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 2.6. Mécanismes des œdèmes dans l’insuffisance cardiaque.


Les œdèmes d’origine cardiaque sont la conséquence d’une augmentation des
pressions veineuses d’une part, et d’une hypovolémie efficace d’autre part. Cette
dernière rend compte de l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone
(SRAA) et d’une augmentation de la sécrétion d’ADH.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Les indicateurs biologiques de l’hyperhydratation extracellulaire sont :


j l’hémodilution (protidémie et hématocrite diminués), inconstante ;
j la natriurèse effondrée, témoin de l’hyperaldostéronisme secondaire à l’hypo-
volémie efficace ; l’hypovolémie efficace active en effet le système rénine-angio-
tensine-aldostérone, aggravant la rétention sodée.
L’élimination rénale d’eau et de sel est diminuée avec, dans ce cas, une insuffisance
rénale aiguë fonctionnelle. C’est ce que l’on appelle le syndrome cardiorénal de type 1.

Pour comprendre
L’hypovolémie efficace
L’hypovolémie absolue est définie comme la diminution du volume san-
guin circulant (hémorragie, déficit hydrosodée). Le terme d’hypovolémie
efficace (ou relative) désigne des situations où une expansion du lit vas-
culaire (artériel et/ou veineux) entraîne une diminution du retour veineux
sanguin au cœur. Par exemple :
j
dans les cardiopathies décompensées, le volume extracellulaire est aug-
menté mais il y a une hypovolémie efficace par la diminution du débit
cardiaque et des résistances vasculaires ;

Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 29


j
dans la cirrhose décompensée, la vasodilatation splanchnique crée une
hypovolémie efficace en séquestrant une fraction du volume extracellulaire.
L’organisme, via les barorécepteurs, capte les variations de la volémie effi-
cace et les interprète comme des variations de l’hydratation extracellulaire :
dans ces cas d’hypovolémie efficace sans hypovolémie absolue, la compen-
sation par hydratation extracellulaire sera inadaptée.

Étiologie des syndromes œdémateux


En dehors de l’insuffisance cardiaque globale sus-décrite, il existe d’autres causes
d’œdèmes généralisés.
Œdèmes du syndrome néphrotique
j Les œdèmes sont secondaires à l’hypoalbuminémie.
j Le diagnostic repose sur la mise en évidence de l’association :
Ÿ d’une protéinurie > 3 g/24 heures (ou > 300 mg/mmol de créatininurie ou
> 3 g/g de créatininurie), majoritairement composée d’albumine ;
Ÿ à une albuminémie < 30 g/l.
j La volémie est normale, modérément augmentée ou diminuée selon les situa-
tions (cause, vitesse d’installation, présence ou non d’une dysfonction rénale).
j La physiopathologie des œdèmes en cas de syndrome néphrotique sévère
(albuminémie < 20 g/l) est résumée dans la figure 2.7.
Œdèmes du syndrome néphritique aigu
j La survenue d’œdèmes (souvent brutale) (figure 2.8) est associée à :
Ÿ une HTA ;
Ÿ une protéinurie d’abondance variable ;
Ÿ une hématurie ;
Ÿ une hypocomplémentémie ;
Ÿ et, souvent, une insuffisance rénale aiguë modérée (créatininémie entre 120
et 200 µmol/l).
j Il y a réduction du DFG (présence de cellules inflammatoires dans les capillaires
du glomérule) mais les tubules normaux réabsorbent en excès le sodium et l’eau,
d’où l’hypervolémie constante et l’HTA.
Œdèmes de l’insuffisance rénale chronique
j Les œdèmes s’observent essentiellement au stade V de la maladie rénale chronique.
j À ce stade, le rein ne parvient plus à éliminer des apports sodés importants.
j Il y a augmentation de la volémie, HTA et risque d’œdème pulmonaire.
Œdèmes de l’insuffisance rénale aiguë
j Les œdèmes sont dus à la suppression brutale de la capacité d’éliminer le
sodium et l’eau, en particulier dans les formes anuriques d’insuffisance rénale aiguë.
30 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 2.7. Œdèmes secondaires à un syndrome néphrotique.


La fuite extravasculaire de fluide plasmatique vers l’espace interstitiel entraîne une
hypovolémie efficace (loi de Starling). Cette dernière est responsable de l’activation du
système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) et de l’ADH, favorisant la rétention
d’eau et de sodium par les segments distaux du néphron.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Œdèmes de la cirrhose hépatique


j Les œdèmes sont en règle associés à une ascite.
j La pression artérielle est souvent basse.
j L’hyponatrémie est fréquente (hyperhydratation globale).
j Les mécanismes hémodynamiques sont complexes, schématisés dans la figure 2.9.

Autres
Les autres causes d’œdèmes généralisés ne sont pas détaillées ici. On peut citer :
j les œdèmes de la prééclampsie ;
j les œdèmes de cause médicamenteuse (inhibiteur calcique, minoxidil) ;
j les hypoalbuminémies secondaires à une dénutrition ou à une malabsorption ;
j les œdèmes idiopathiques dont la physiopathologie est incertaine.
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 31

Figure 2.8. Œdèmes secondaires à un syndrome néphritique aigu.


La réduction du débit de filtration glomérulaire est secondaire à une diminution de
la surface de filtration liée à des phénomènes inflammatoires locaux. Le flux sanguin
rénal n’est pas modifié et les fonctions tubulaires sont conservées. À la suite de la
rupture de l’équilibre glomérulotubulaire, la quantité de sodium filtré est diminuée et
réabsorbée presque entièrement avec de l’eau, ce qui explique l’hypertension artérielle
hypervolémique.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Traitement
Le traitement propre à chaque situation clinique n’est pas détaillé ici.
Le but du traitement symptomatique est de réduire ou de faire disparaître les
œdèmes tout en maintenant ou en restaurant une volémie normale, afin que le
rein puisse éliminer la surcharge hydrosodée.
Le traitement symptomatique repose sur :
j le régime désodé strict (apports < 2 g/24 heures) ;
j les diurétiques de l’anse, les diurétiques thiazidiques ou les diurétiques dits
« épargneurs de potassium », dont les indications respectives sont détaillées dans
le chapitre 12 « Les diurétiques ».

L’efficacité du traitement symptomatique s’apprécie sur le poids et la


natriurèse.
32 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 2.9. Œdèmes au cours des cirrhoses décompensées.


L’insuffisance hépatocellulaire explique l’hypoalbuminémie, donc la diminution de la
volémie efficace conduisant à l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone
et de l’ADH, ce qui favorise la rétention d’eau et de sodium par le tube distal.
L’hypertension portale découle d’une augmentation des résistances hépatiques
par le foie cirrhotique ; il en résulte l’augmentation de la pression du sang dans la veine
porte avec élévation de la résistance des sinusoïdes et des veinules portales terminales,
ce qui favorise une transsudation vers le péritoine et la constitution d’une ascite.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Déshydratation extracellulaire isolée


Une déshydratation extracellulaire apparaît lorsque les pertes hydrosodées sont
insuffisamment compensées.

Présentation clinique typique et physiopathologie

Cas clinique
Une femme de 68 ans (65 kg) sans antécédent consulte pour une diarrhée aqueuse
abondante depuis 3  jours, qu’elle attribue à un repas de fruits de mer. La perte
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 33

de poids est quantifiée à 3  kg, la pression artérielle est à 110/75  mm  Hg (alors
qu’habituellement elle s’inscrit à 130/85  mm  Hg), la fréquence cardiaque  est de
92 battements/min.
j Examens sanguins : créatinine = 140 µmol/l ; natrémie = 142 mmol/l ; chloré-
mie = 100 mmol/l ; kaliémie = 3,5 mmol/l ; glycémie = 5 mmol/l ; protidémie
= 78 g/l ; hématocrite = 46 %.
j Examens urinaires : natriurèse = 18 mmol/l ; kaliurèse = 50 mmol/l ; la diurèse
est de 500 ml/24 heures.
Dans ce cas :
j le volume du secteur extracellulaire est diminué, du fait d’une perte de sodium
et d’eau (DEC) ;
j la perte de 140 mmol de sodium s’accompagne d’une perte d’un litre d’eau
plasmatique ; ici, la perte est de 3 kg, donc perte de 3 litres d’eau et de 3 × 140
= 420 mmol de sodium ;
j le volume du secteur extracellulaire correspondant à 20 % du poids du corps
(soit 13 litres pour un poids de 65 kg), la patiente a perdu 3 litres sur 13, soit plus
de 20 % du volume du secteur extracellulaire ;
j il n’y a pas eu de mouvements d’eau entre le milieu extracellulaire et le
milieu intracellulaire, puisque la tonicité plasmatique est normale, calculée ici à
289 mOsm/kg H2O (142 × 2 + 5) ; la natrémie est donc normale.
La perte de sodium et d’eau est ici iso-osmotique (figure 2.5C).
On constate dans ce cas :
j les signes cliniques suivants : perte de poids, pli cutané, tachycardie, hypoten-
sion orthostatique, veines jugulaires plates ;
j des signes d’hémoconcentration (protidémie >  75  g/l et hématocrite
> 50 %) ;
j des signes d’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (urines
pauvres en sodium avec natriurèse < 20 mmol/l si les pertes sont extrarénales) ;
j la stimulation volémique (et non osmotique) de l’ADH (oligurie) ;
j la survenue d’une alcalose métabolique dite « de contraction » ;
j l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.

Étiologie
Les principales causes de déshydratation extracellulaire, classées selon l’origine des
pertes, sont indiquées dans le tableau 2.2.

Traitement
Seul le traitement symptomatique est décrit ici.
Il repose sur l’apport de chlorure de sodium.
34 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 2.2. Principales causes de déshydratation extracellulaire.


Origine des pertes Natriurèse Causes
Pertes hydrosodées < 20 mmol/l • Aspirations digestives
digestives • Diarrhées
• Fistules digestives
• Laxatifs
Variable* • Vomissements
Pertes hydrosodées < 20 mmol/l • Sueurs abondantes
cutanées • Mucoviscidose
• Brûlures étendues
« Troisième secteur » < 20 mmol/l • Pancréatite aiguë
développé aux • Occlusion intestinale
dépens du secteur • Rhabdomyolyse
extracellulaire
Pertes hydrosodées > 20 mmol/l • Néphropathies interstitielles chroniques,
rénales néphronophtise, polykystose rénale
• Phase de guérison polyurique des insuffisances
rénales aiguës
• Polyuries osmotiques
• Hypercalcémie
• Levées d’obstacle
• Hypoaldostéronismes
• Insuffisance surrénale aiguë
• Diurétiques (+++)
* Natriurèse parfois > 20 mmol/l dans les alcaloses métaboliques associées à des vomissements (« natriurèse
obligatoire » par bicarbonaturie : excrétion de NaHCO3).

En l’absence de signes de gravité


j Bouillon de légumes salé.
j Gélules de NaCl.
j Eau de Vichy.

En cas de déshydratation de sévérité moyenne


j Perfusion de soluté salé isotonique 0,9  % (9  g/l), apportant 154  mmol de
sodium par litre.
j La quantité de soluté salé isotonique est à déterminer pour chaque cas parti-
culier — il y a un risque d’œdème pulmonaire chez des patients hypertendus ou
insuffisants cardiaques.
j D’où l’importance d’évaluer la quantité perdue (poids +++) pour estimer la
quantité nécessaire de soluté à apporter.
j Le soluté de bicarbonate de sodium isotonique (1,4  %) est à réserver aux
situations où une acidose métabolique est associée à la déshydratation (diarrhées
sévères).
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 35

Application
Le déficit extracellulaire en litres peut être estimé, en l’absence d’anémie, par la formule
suivante :
Déficit = 20 % × Poids actuel × [(Hématocrite actuel/0,45) – 1]

En présence de signes de gravité


j Perfusion rapide, en débit libre, de soluté salé isotonique 0,9 % (9 g/l) ou de
colloïdes.
j Prise en charge en réanimation en cas de collapsus.

Entraînement

QCM 1
Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont exactes ?
A. Le volume plasmatique représente 20 % du poids du corps.
B. En cas de trouble isolé de l’hydratation extracellulaire, la natrémie est normale.
C. La réduction du calibre de la veine cave inférieure à l’échographie est un bon signe
de déshydratation extracellulaire.
D. Un patient de 65 kg qui a des pertes isotoniques de 3 kg a perdu plus de 20 % de
son volume extracellulaire.
E. Au cours des syndromes néphrotiques, la volémie est toujours augmentée.
QCM 2
Au cours des déshydratations extracellulaires pures :
A. Le capital sodé est diminué.
B. L’osmolalité plasmatique est diminuée.
C. L’ADH est stimulée.
D. La natriurèse est toujours < 20 mmol/l.
E. La quantité de NaCl 9 g/l à perfuser peut être estimée par la perte de poids.

Bibliographie
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition. Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Kanfer A, Kourilsky O, Peraldi M-N, Combe Ch. Néphrologie et troubles hydroélectrolytiques. 3eédi-
tion. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson ; 2014.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series. St.
Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Schröder WH, Neuhofer W, et al. Immune cells control lymphatic electrolyte homeostasis and blood
pressure. J Clin Invest 2013;123:2803-15.
Sterns RH. Disorders of Plasma Sodium – Causes, Consequences, and Correction. N Engl J Med
2015;372:55-65.
CHAPITRE

3
Anomalies du bilan
de l’eau : troubles
de l’hydratation
intracellulaire
(hyponatrémie,
hypernatrémie)
PLAN DU CHAPITRE
j Généralités
j Le transport de l’eau
� Entrées et sorties d’eau
� Transport de l’eau le long du néphron
j L’équation d’Edelman
j Évaluer cliniquement et biologiquement le compartiment intracellulaire
j Hyponatrémie
� Principes de la démarche clinique
� Hyponatrémie avec hyperhydratation extracellulaire
� Hyponatrémie avec déshydratation extracellulaire
� Hyponatrémie avec euvolémie
� Arbre diagnostique devant une hyponatrémie
j Hypernatrémie
� Principes de la démarche clinique
� Hypernatrémie avec déshydratation extracellulaire
� Hypernatrémie avec hyperhydratation extracellulaire
� Hypernatrémie avec euvolémie (déshydratation intracellulaire isolée)
� Arbre diagnostique devant une hypernatrémie
Les troubles hydro-électrolytiques faciles
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38 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Généralités
Tout trouble de l’hydratation correspond à une anomalie du bilan de l’eau et du
sodium.
C’est la tonicité plasmatique du secteur extracellulaire qui détermine les mouve­
ments d’eau et donc l’état d’hydratation intracellulaire (cf. chapitre 1).
  j
L a natrémie est un indicateur du contenu en eau mais pas du contenu en
sodium de l’organisme.
j
Le trouble de l’hydratation est purement extracellulaire si les gains ou
les pertes de sodium et d’eau ne modifient pas la tonicité plasmatique :
cf. chapitre 2.
j
Le trouble de l’hydratation est intracellulaire ou global si les gains ou les
pertes d’eau entraînent une modification de la tonicité plasmatique :
ce chapitre.

Le transport de l’eau
Entrées et sorties d’eau
Les entrées et sorties d’eau chez un individu normal et à une température tempé-
rée (20 °C) sont résumées dans le tableau 3.1.

Transport de l’eau le long du néphron


j 180 litres d’eau et 25 000 mmol de Na+ sont filtrées chaque jour par les glomérules.
j Environ les deux tiers de l’eau filtrée sont réabsorbés avec du Na+ et du Cl– par
le tube contourné proximal de façon iso-osmotique.
j Environ 25 % de l’eau sont réabsorbés dans la branche fine descendante de
l’anse de Henlé. Ce segment est imperméable au sodium mais très perméable à
l’eau. Plus on pénètre dans la médullaire et plus la réabsorption d’eau est augmen-
tée du fait de l’hyperosmolarité croissante dans ce segment.
j La branche fine ascendante de l’anse de Henlé est imperméable à l’eau mais per-
méable au sodium, au chlore et à l’urée, augmentant ainsi l’osmolalité interstitielle.
j La branche ascendante large de l’anse de Henlé est imperméable à l’eau et à
l’urée et réabsorbe activement le sodium et le chlore.
Tableau 3.1. Entrées et sorties d’eau chez un sujet normal.
Entrées d’eau (ml) Sorties d’eau (ml)
Apports liquidiens 1 200 Pertes cutanées 400
Eau alimentaire 1 000 Pertes pulmonaires 400
Eau produite par le métabolisme 300 Pertes dans les selles 200
Pertes urinaires 1 500
Total 2 500 Total 2 500
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 39

j Le tube contourné distal est peu perméable à l’eau et réabsorbe activement


le sodium (segment dit de dilution).
j Enfin, environ 10 % de l’eau filtrée est réabsorbée par le tube collecteur ; c’est le
site d’action de l’hormone antidiurétique ADH.
Ces données sont schématisées figure 3.1.

Ainsi, deux mécanismes sont fondamentaux pour conserver un bilan de


l’eau équilibré :
j
la sensation de soif ;
j
l’ADH qui a pour principaux rôles :
– d’augmenter la perméabilité à l’eau du tube collecteur en se fixant au
récepteur V2, situé au pôle basolatéral des cellules épithéliales. Cette
fixation permet l’expression membranaire de canaux à eau appelés
aquaporines de type 2 (cf. figure 1.8 au chapitre 1) ;
– de contrôler ainsi les phénomènes de dilution/concentration des urines.

Le maintien d’un gradient de concentrationdans la médullaire est réalisé grâce à :


j la réabsorption de NaCl sans réabsorption d’eau par la branche large ascen-
dante de la boucle de Henlé ;
j l’accumulation d’urée dans la médullaire rénale.
Ainsi la médullaire rénale est le seul endroit de l’organisme où l’osmolalité inter-
stitielle peut atteindre 1 200 mOsm/kg d’eau.

Attention
La sécrétion d’ADH par l’hypophyse est stimulée par :
j
toute augmentation de l’osmolalité plasmatique (stimulus osmotique via
les osmorécepteurs) ;
j
toute diminution de la volémie (stimulus volémique via les barorécepteurs).
La volémie est un stimulus plus fort que l’osmolalité.

L’équation d’Edelman
La natrémie normale est comprise entre 135 et 145 mmol/l.
L’équation d’Edelman1 aide à la compréhension de la dysnatrémie :

1 L’équation d’Edelman, conçue théoriquement il y a soixante ans, stipule que la concentration


plasmatique du sodium (natrémie) est proportionnelle à la part échangeable des cations (SIC
+ SEC) sur l’eau totale (SIC + SEC). Sur le sodium total du corps humain, seuls 70 % sont échan-
geables (osmotiquement actifs), 30 % étant fixés par les os. Une partie de ce Na+ échangeable
(en 24 heures) appartient au squelette (sels solubles) et au SIC : si le Na+ est maintenu très majo-
ritairement dans le SEC par l’activité continue des Na+/K+-ATPases des membranes cellulaires (cf.
figure 5.1 au chapitre 5), son volume de distribution correspond donc bien à celui de l’eau totale.
Le potassium échangeable intervient dans l’équation car, par électroneutralité, des pertes de potas-
sium du SIC sont compensées par un apport de sodium depuis le SEC, abaissant la natrémie.
40 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.1. Segments du néphron impliqués dans la réabsorption de l’eau et dans


les phénomènes de concentration et dilution de l’urine.
La branche descendante de l’anse de Henlé est perméable à l’eau, mais pas aux solutés.
La branche ascendante de l’anse de Henlé (fine ou large) est imperméable à l’eau mais
est perméable aux solutés et à l’urée. Ainsi, l’interstitium médullaire a une osmolalité
élevée et croissante (de 300 aux frontières du cortex à plus de 1 200 mOsmol/kg
d’eau). La quantité et l’osmolalité urinaires sont variables selon la sécrétion d’ADH :
100 mOsmol/kg d’eau en l’absence de sécrétion d’ADH (diurèse abondante) à
1 200 mOsmol/kg d’eau lorsque l’ADH est très élevée (antidiurèse).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Pour comprendre
Na+échangeable + K+échangeable
Natrémie ≈  .
Eau totale
j
En cas d’excès d’eau, l’eau totale (principalement le secteur intracel-
lulaire) augmente  ; cette situation d’hyperhydratation intracellulaire
(HIC) s’exprime par une hyponatrémie.
j
En cas de déficit en eau, l’eau totale (principalement le secteur intracel-
lulaire) diminue ; cette situation de déshydratation intracellulaire (DIC)
s’exprime par une hypernatrémie.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 41

  j A insi, la natrémie n’est pas un indicateur du contenu en sodium, mais un


indicateur du contenu en eau.
j
C’est le témoin biologique de l’hydratation intracellulaire.
j
Les variations de la tonicité plasmatique du secteur extracellulaire
s’accompagnent toujours d’un mouvement d’eau (loi de l’osmose) (cf.
chapitre 1) :
– si elle est diminuée, il y a mouvement d’eau du milieu extracellulaire
vers le milieu intracellulaire : EC → IC ;
– si elle est augmentée, il y a mouvement d’eau du milieu intracellulaire
vers le milieu extracellulaire : EC ← IC.
j
La natrémie reflète la tonicité plasmatique du secteur extracellulaire et
l’état d’hydratation du secteur intracellulaire :
– Hyponatrémie = Hyperhydratation intracellulaire (HIC) (figure 3.2B).
– Hypernatrémie = Déshydratation intracellulaire (DIC) (figure 3.2C).

Pour comprendre
Les conséquences sur le système nerveux central
Les conséquences des dysnatrémies sont potentiellement graves pour le
système nerveux central, car :
j
la boîte crânienne est inextensible ;
j
l’eau traverse librement la barrière hématoencéphalique ;
j
mais contrairement à toutes les cellules de l’organisme, le sodium ne
franchit pas les capillaires à jonctions serrées recouverts des prolonge-
ments des astrocytes et de myéline ;
j
en conséquence, toute variation de la natrémie entraîne rapidement
une entrée ou une sortie d’eau des neurones (figure 3.2D) ;
j
le neurone a des moyens de se défendre grâce des osmolytes  : outre
l’adaptation via les osmolytes cationiques (Na+, K+), les cellules accumu-
lent ou relarguent des molécules organiques à pouvoir osmotique (glu-
tamate, taurine, myo-inositol), mais ils sont rapidement consommés et
leur renouvellement est lent.
La toxicité cérébrale se manifeste par le syndrome de démyélinisation
osmotique qui survient quand la natrémie augmente brutalement :
j
soit lors de l’apparition brutale d’une DIC ;
j
soit lors de la correction rapide d’une hyponatrémie (cf. infrafigure 3.10).

j Ainsi, une hyperhydratation intracellulaire est la conséquence d’un bilan


hydrique positif avec trois situations :
Ÿ un gain d’eau peut être proportionnellement plus important qu’un gain
en Na+ : il s’agit d’une hyperhydratation extracellulaire (HEC) associée à une
hyperhydratation intracellulaire (HIC) (figure 3.3A) : HEC + HIC ;
42 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.2. Les variations de la tonicité plasmatique du secteur extracellulaire


s’accompagnent toujours d’un mouvement d’eau (loi de l’osmose).
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Ÿ une perte d’eau peut être proportionnellement moins importante qu’une


perte de Na+ : il s’agit d’une déshydratation extracellulaire (DEC) associée à une
hyperhydratation intracellulaire (HIC) (figure 3.3B) : DEC + HIC ;
Ÿ un gain d’eau peut être isolé avec bilan du sodium normal (figure 3.3C) :
HIC isolée.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 43

Figure 3.3. Description des différentes situations expliquant une hyponatrémie


(application de l’équation d’Edelman).
A. Hyponatrémie hypervolémique (« d’inflation »). B. Hyponatrémie hypovolémique
(« de déplétion »). C. Hyponatrémie euvolémique. En A, la volémie efficace est
diminuée du fait du passage d’eau et de sodium vers le secteur interstitiel. Si
l’hypo-osmolalité plasmatique inhibe la sécrétion d’ADH, l’hypovolémie efficace
la stimule plus fortement : cette sécrétion inadaptée renforce l’hyperhydratation
extracellulaire. En B, l’hypo-osmolalité plasmatique devrait inhiber la sécrétion d’ADH,
mais l’hypovolémie la stimule plus fortement : la sécrétion est adaptée au déficit
volémique mais inadaptée à l’osmolalité plasmatique. En C, en bas, l’osmolalité
urinaire élevée par antidiurèse est inappropriée : SIADH. Nae+ , sodium échangeable ; K e+,
potassium échangeable ; H2Otot, eau totale ; HIC, hyperhydratation intracellulaire ;
DEC, déshydratation extracellulaire ; HEC, hyperhydratation extracellulaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny et Marie-Noëlle Peraldi.)
44 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.4. Description des différentes situations expliquant une hypernatrémie


(application de l’équation d’Edelman).
A. Hypernatrémie hypervolémique. B. Hypernatrémie hypovolémique.
C. Hypernatrémie euvolémique.
Nae+ , sodium échangeable ; K e+, potassium échangeable ; H2Otot, eau totale ;
DIC, déshydratation intracellulaire ; DEC, déshydratation extracellulaire ;
HEC, hyperhydratation extracellulaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny et Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 45

j Ainsi, une déshydratation intracellulaire est la conséquence d’un bilan hydrique


négatif avec trois situations :
Ÿ un gain en Na+ peut être proportionnellement plus important qu’un gain
en eau : il s’agit d’une hyperhydratation extracellulaire (HEC) associée à une
déshydratation intracellulaire (DIC) (figure 3.4A) : HEC + DIC ;
Ÿ une perte d’eau peut être proportionnellement plus importante que la
perte de Na+  : il s’agit d’une déshydratation extracellulaire (DEC) associée à
une déshydratation intracellulaire (DIC) (figure 3.4B) : DEC + DIC ;
Ÿ une perte d’eau peut être isolée avec bilan du sodium normal (figure 3.4C) :
DIC isolée.

Ces données de base expliquent que, devant toute anomalie de la natrémie,


il est indispensable d’évaluer cliniquement l’état du secteur extracellu-
laire. La clinique avant tout !

Évaluer cliniquement et biologiquement


le compartiment intracellulaire
Le tableau 3.2 décrit les signes biocliniques permettant d’apprécier l’état du sec-
teur intracellulaire.

Hyponatrémie
Principes de la démarche clinique
Difficulté
La difficulté pour le médecin est la compréhension des troubles de l’hydratation
intracellulaire et le choix du traitement approprié dans chaque situation, difficulté
illustrée sur la figure 3.5.
L’hyponatrémie est le trouble électrolytique le plus fréquemment
rencontré en milieu hospitalier
L’hyponatrémie touche 14 à 42 % des patients hospitalisés. Elle est liée à une mor-
bidité et à une mortalité non négligeables, d’autant plus qu’elle est associée à des
comorbidités :
j dénutrition, alcoolisme ;
j troubles psychiatriques ;
j insuffisance cardiaque congestive ;
j cancer ;
j hépatopathie chronique.
46 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 3.2. Signes évoquant un trouble de l’hydratation intracellulaire.


Hyperhydratation Déshydratation
Poids ↑ ↓
Clinique • Dégoût de l’eau • Soif
• Nausées, vomissements • Sécheresse des muqueuses
• Somnolence, confusion, • Asthénie, somnolence, confusion
céphalées • Fièvre d’origine centrale
• Crises convulsives • Convulsion, coma
• Coma • Hémorragies cérébro-méningées,
• Troubles de la marche chez hématomes sous-duraux
le sujet âgé (nourrissons, vieillards), thromboses
veineuses centrales
Paraclinique • Hyponatrémie < 135 mmol/l • Hypernatrémie > 145 mmol/l
• Tonicité plasmatique ↓ • Tonicité plasmatique ↑

Figure 3.5. Quelle situation ? Quel traitement ?


(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 47

Définition biologique de l’hyponatrémie

Définition
L’hyponatrémie est définie par une natrémie< 135 mmol/l.
j
Hyponatrémie légère : 130-134 mmol/l.
j
Hyponatrémie modérée : 120-129 mmol/l.
j
Hyponatrémie sévère : < 120 mmol/l.

Identifier les symptômes selon l’importance de l’hyponatrémie


Très souvent, l’hyponatrémie est asymptomatique, mise en évidence sur un bilan
sanguin.
Il est important d’évaluer le caractère sévère de l’hyponatrémie : il ne s’apprécie
pas seulement sur la valeur de la natrémie mais surtout sur les données cliniques
(tableau 3.3).
Identifier les causes de l’hyponatrémie selon son mode d’installation dans
le but d’évaluer l’urgence du traitement
j Hyponatrémie aiguë (moins de 48 heures), en particulier en cas de :
Ÿ période postopératoire après résection de prostate ou de chirurgie utérine ;
Ÿ prescription récente de diurétiques thiazidiques ;
Ÿ cyclophosphamide intraveineux.
j Hyponatrémie chronique : toutes les autres causes, en particulier la prise de
diurétiques thiazidiques au long cours.
j Dans de nombreuses situations, il est difficile de définir le caractère aigu ou
chronique de l’hyponatrémie.
Identifier la cause de l’hyponatrémie en deux étapes
1. D’abord calculer la tonicité plasmatique au lit du malade : Tonicité plasma-
tique= 2 × (Na++ K+) + Glycémie [valeurs exprimées en mmol/l].
2. Puis place à la clinique (cf. encadré).

Tableau 3.3. Sévérité de l’hyponatrémie en fonction des signes cliniques.


Hyponatrémie modérée Hyponatrémie sévère (< 120 mmol/l)
• Asymptomatique • Vomissements
• Céphalées • Détresse cardiorespiratoire
• Nausées sans vomissements • Somnolence anormale et profonde
• Troubles de la marche • Convulsion
• Confusion • Coma (Glasgow ≤ 8)

Tonicité plasmatique basse


Dans la majorité des cas, la tonicité plasmatique est basse : < 275 mOsmol/
kg. Il s’agit d’une hyponatrémie hypo-osmolaire (hypotonique), témoin
48 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

d’une HIC (figure 3.6A et cf. figure 3.3). La clinique permet de préciser l’état


du secteur extracellulaire :
j
présence d’œdèmes : HEC + HIC ;
j
présence d’une hypotension orthostatique ou d’un pli cutané : DEC + HIC ;
j
aucun signe clinique de troubles de l’hydratation : HIC isolée.
Tonicité plasmatique augmentée
Moins fréquemment, la tonicité plasmatique est augmentée : > 295 mOs-
mol/kg. Il s’agit d’une hyponatrémie hyperosmolaire (hypertonique) (dite
« fausse hyponatrémie »), témoin d’une déshydratation intracellulaire (cas
clinique 1). Dans ce cas, des osmoles supplémentaires augmentent la tonicité
plasmatique et attirent l’eau du secteur intracellulaire vers le secteur extra-
cellulaire (figure 3.6B) :
j
glucose (hyperglycémie +++ : diabète sucré non contrôlé ou diabète de
novo) ;
j
mannitol, glycérol.
Une exception concerne le cas du mannitol où la mesure de l’osmolalité
réelle se fait au laboratoire : en cas de perfusion de mannitol hyperosmolaire
(pour œdème cérébral) ou encore devant la notion d’absorption de fluides
d’irrigation au cours de la chirurgie urologique ou gynécologique, l’hyper-
tonicité du secteur extracellulaire ne sera pas affirmée par la tonicité cal-
culée — qui ne prend pas en compte le mannitol — mais par la mesure de
l’osmolalité réelle à l’osmomètre.
Tonicité plasmatique normale
Très rarement la tonicité plasmatique (mesurée à l’osmomètre) est normale
(Cas clinique 2). Il s’agit d’une pseudohyponatrémie, en cas d’hyperlipidé-
mie et d’hyperprotidémie (gammapathies monoclonales, immunoglobu-
lines IV) (figure 3.6C).

Pour comprendre
Le cas des osmoles inactives
À la phase initiale de certaines intoxications à l’éthanol, au méthanol, à l’éthy-
lène glycol, outre l’acidose métabolique (cf. chapitre 6), une hyperosmolarité
plasmatique est observée, due à l’accumulation de ces osmoles exogènes. Ces
substances diffusant librement à travers les membranes ne sont pas actives
osmotiquement : l’osmolarité est augmentée mais pas la tonicité. Il n’y a donc
pas de transfert d’eau entre secteurs intracellulaire et extracellulaire  : on
n’observe ni déshydratation intracellulaire ni hyponatrémie de translocation,
contrairement aux situations de charge en osmoles actives (hyperglycémie,
mannitol, produits de contraste…). On notera que la mise en évidence d’un
« trou osmolaire » augmenté (= différence entre l’osmolarité réelle mesurée à
l’osmomètre et l’osmolarité calculée) fait partie des signes recherchés en cas
de suspicion d’intoxication aux alcools ou glycols.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 49

Figure 3.6. Devant une hyponatrémie : calculer ou mesurer la tonicité plasmatique.


A. Hyponatrémie hypo-osmolaire. B. Hyponatrémie hyperosmolaire (dite « fausse
hyponatrémie »). C. Hyponatrémie iso-osmolaire (dite « pseudohyponatrémie »).
* Une exception concerne le cas du mannitol où la mesure de l’osmolalité réelle se fait
au laboratoire.
** Dans les cas de pseudohyponatrémie, l’osmolalité plasmatique mesurée à l’aide
d’un osmomètre est normale (275 à 295 mOsmol/kg H2O). Puisqu’un osmomètre
n’est pas toujours disponible, la pseudohyponatrémie doit être envisagée devant une
hyponatrémie chez un patient asymptomatique : hyperlipidémie et hyperprotidémie
(myélome, autres gammapathie monoclonale, immunoglobulines IV) sont alors à
rechercher.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
50 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Cas cliniques
Cas clinique 1
Un homme de 65  ans a un diabète de type  2 connu depuis 15  ans. Son traite-
ment antidiabétique est pris de façon très irrégulière. De plus, il a eu récemment
des troubles de la conscience qui ont été attribués a posteriori à un accident vas-
culaire cérébral. La situation clinique a empiré avec l’installation d’une altération
de la conscience  : le patient est très somnolent. La pression artérielle s’inscrit à
110/70 mm Hg avec une fréquence cardiaque à 98 battements/min.
En arrivant aux urgences, son bilan sanguin indique : glucose = 48 mmol/l ; créati-
nine = 180 µmol/l ; sodium = 126 mmol/l ; potassium = 3,2 mmol/l ; tonicité plas-
matique = 300 mOsmol/kg H2O.

Le diagnostic probable est celui d’une hyponatrémie hypertonique ou fausse


hyponatrémie.
Explications physiopathologiques
Les fausses hyponatrémies par expansion du secteur extracellulaire lors d’une
hyperglycémie sont fugaces. Dans un premier temps, l’hyperglycémie entraîne
un appel d’eau du SIC vers le SEC avec pour corollaire une DIC et une HEC
(figure 3.6B), ce qui explique la fausse hyponatrémie. Mais ensuite l’hyperglycé-
mie provoque une diurèse osmotique — l’excès de glucose non réabsorbé dans
le tubule rénal y crée une charge osmotique qui inhibe la réabsorption d’eau et
d’électrolytes —, avec plus de perte d’eau que de sodium, signant une déshydrata-
tion globale avec pour conséquence une insuffisance rénale limitant l’élimination
urinaire du glucose. Ainsi, on est en présence d’une hyperglycémie majeure et
d’une déshydratation globale (DIC + DEC, cf. figure 3.4B). La fausse hyponatrémie
devient alors une hypernatrémie hypovolémique, surtout chez le patient qui n’a
pas la possibilité de boire, précipitant le grave syndrome d’hyperosmolarité hyper-
glycémique.
La formule suivante permet de corriger la natrémie mesurée :
[Na+]Corrigée = [Na+]Mesurée + (0,3 × Glucose [mmol/l] – 5).
Ici, la natrémie corrigée est égale à 138 mmol/l.
La natrémie s’abaisse de 0,3 mmol/l pour chaque augmentation de 1 mmol/l de
glycémie.
Traitement
j Hospitalisation en soins intensifs.
j Rééquilibration hydro-électrolytique, restauration de la volémie par du NaCl
9 g/l qui va améliorer la perfusion rénale, permettant de déclencher la glycosurie.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 51

j Insuline rapide par voie veineuse en continu.


j Correction de l’hypokaliémie, souvent présente dans cette situation (pertes
urinaires, transferts du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire).

Cas clinique 2
Un homme de 32  ans, avec un antécédent d’intoxication alcoolo-tabagique
ancienne, a un bilan sanguin systématique alors qu’il décrit des céphalées occi-
pitales. Aucune plainte particulière et l’examen physique est normal, excepté une
HTA à 160/90 mm Hg, une hépatomégalie et une surcharge pondérale (96 kg pour
169 cm).
Le sérum est lactescent.
Glycémie  =  10  mmol/l  ; créatininémie  =  80  µmol/l  ; protides  =  70  g/l  ; natré-
mie = 129 mmol/l ; kaliémie = 4 mmol/l ; cholestérol = 25,8 mmol/l (10 g/l) ; tri-
glycérides = 68,4 mmol/l (60 g/l).
Le calcul de la tonicité plasmatique au lit du malade est de 268 mOsmol/kg, mais
l’osmolalité plasmatique mesurée par osmomètre indique 289 mOsmol/kg, donc
normale. Il s’agit d’une hyponatrémie iso-osmotique. Le secteur intracellulaire
est normal.

Explications physiopathologiques
Il s’agit d’une pseudohyponatrémie (figure 3.7) ; les concentrations anormalement
élevées de lipides et/ou de protéines dans le sang interfèrent avec la mesure pré-
cise du sodium :
j chez le sujet normal, le laboratoire mesure la natrémie en mmol par litre de
plasma : 140 mmol/l. Cependant, il existe une légère différence entre plasma et
eau plasmatique, expliquée par le fait que le plasma est constitué de 93 % d’eau
plasmatique (ici 930  ml), le reste étant occupé principalement par les protides
(70 g soit 7 %). Ainsi, la concentration de sodium par litre d’eau plasmatique est
de 140/93 %, soit 150 mmol/l, différence considérée comme négligeable dans la
plupart des situations cliniques ;
j chez ce patient, les 70  g/l de lipides en plus des protides vont contribuer
à réduire l’eau plasmatique à 86  %. Si la natrémie par litre de plasma est de
129 mmol/l, la natrémie calculée par litre d’eau plasmatique est de 150 mmol/l
(129/86 %), c’est-à-dire une valeur d’un individu normal : ainsi, il s’agit bien d’une
pseudohyponatrémie.
Traitement
Le traitement est celui de la cause de la pseudohyponatrémie : celui de l’hyper-
protidémie ou de l’hyperlipidémie.
52 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.7. Natrémie par litre de plasma ou par litre d’eau plasmatique.
A. Sujet normal. B. Cas clinique 2 : pseudohyponatrémie par hyperlipidémie.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Hyponatrémie avec hyperhydratation extracellulaire


Cas clinique
Cas clinique
Un homme de 67 ans est admis pour syndrome œdémateux touchant les mem-
bres inférieurs avec prise de poids progressive de 6 kg depuis trois mois. La pression
artérielle s’inscrit à 120/80 mm Hg.
Son bilan indique :
j Sang : créatinine = 70 µmol/l ; DFGe = 90 ml/min/1,73 m2 ; glucose = 5 mmol/l ;
sodium = 132 mmol/l ; protidémie = 52 g/l ; albuminémie = 28 g/l ; hématocrite
= 38 %.
j BU : protéines : +++ ; hématies : absence.
j Urines : protéines = 6 g/l ; sodium = 20 mmol/l ; potassium = 40 mmol/l.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 53

Explications physiopathologiques
j Le volume du secteur extracellulaire, principalement du secteur interstitiel
(œdèmes) est augmenté (HEC) (figure 3.3A).
j Du fait d’un gain en eau supérieur au gain en sel, la tonicité plasmatique est
diminuée, calculée ici à 269 mOsm/kg H2O.
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du milieu extracellulaire
vers le milieu intracellulaire.
j Le volume du secteur intracellulaire est donc augmenté (HIC), le témoin bio-
logique étant l’hyponatrémie.
j L’inversion du rapport sodium/potassium dans les urines signe un hyperaldos-
téronisme secondaire. Dans ce cas de syndrome néphrotique pur (protéinurie :
6 g par jour ; albuminémie : 28 g/l), la volémie efficace est diminuée, du fait du
passage d’eau et de sodium vers le secteur interstitiel (loi de Starling), d’où la sti-
mulation du SRAA (cf. chapitre 2).

L’hypo-osmolalité plasmatique inhibe la sécrétion d’ADH, mais l’hypovolé-


mie efficace la stimule. Le stimulus volémique est plus fort que le stimulus
osmotique.

Signes cliniques
Ils sont représentés par les œdèmes et la prise de poids (HEC) (cf. tableau 3.2).
L’hyponatrémie est asymptomatique car modérée.

Indicateurs biologiques
Habituellement, les marqueurs inconstants de l’HEC sont la diminution de l’héma-
tocrite et de la protidémie, due à l’hémodilution. Dans ce cas, l’hypoprotidémie
est à rapporter au syndrome néphrotique.
La natrémie à 132 mmol/l est le marqueur biologique d’une HIC.

Grandes causes
Ce sont les mêmes que celles de l’HEC où le bilan sodé est positif (chapitre 2). Mais,
dans ce cas, le gain en eau est supérieur au gain en sel, signant l’hyperhydratation
globale.
Les causes les plus fréquentes d’hyperhydratation globale sont :
j l’insuffisance cardiaque ;
j le syndrome néphrotique ;
j le syndrome néphritique ;
j la cirrhose décompensée ;
j l’insuffisance rénale au stade V ;
j l’insuffisance rénale aiguë anurique.
54 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Traitement
Le traitement symptomatique repose sur :
j le régime désodé strict (apports < 2 g par jour) ;
j une restriction hydrique car il y a une HIC : < 500-750 ml par jour, eau alimen-
taire comprise ;
j les diurétiques de l’anse, associés si besoin aux diurétiques thiazidiques et/ou
aux diurétiques épargneurs de potassium, dont les indications respectives sont
détaillées dans le chapitre 12 « Diurétiques ».
Le traitement étiologique est celui de la cause de l’hyperhydratation globale.

Hyponatrémie avec déshydratation extracellulaire


Cas clinique
Cas clinique
Une femme de 36 ans est hospitalisée pour fatigue, perte de poids de 3 kg (actuelle-
ment à 60 kg), vertiges et sensation de faiblesse. La pression artérielle est respec-
tivement à 100/60 mm Hg en position couchée avec une fréquence cardiaque à
100/min, et à 79/46 mm Hg avec une fréquence cardiaque à 120/min en position
debout. Elle est apyrétique. Les premiers examens montrent :
j natrémie = 124 mmol/l ; kaliémie = 5,8 mmol/l ; chlorémie = 114 mmol/l ; bicar-
bonatémie = 20 mmol/l ; protidémie 82 g/l ; hématocrite 55 % ; créatininémie
= 150 µmol/l ; glycémie = 3,5 mmol/l ;
j dans les urines : natriurèse = 70 mmol/l ; kaliurèse = 20 mmol/l.

Explications physiopathologiques
j Le volume du secteur extracellulaire est diminué (DEC), le témoin clinique en
étant l’hypotension orthostatique et la tachycardie.
j Du fait d’une perte de sel supérieure à la perte en eau, la tonicité plasmatique
est diminuée, calculée ici à 252 mOsm/kg H2O.
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du milieu extracellulaire
vers le milieu intracellulaire (figure 3.3B)..
j Le volume du secteur intracellulaire est donc augmenté (HIC), le témoin bio-
logique étant l’hyponatrémie.

L’hypo-osmolalité plasmatique inhibe la sécrétion d’ADH, mais l’hypovolé-


mie la stimule.
Le stimulus volémique est plus fort que le stimulus osmotique.

j On s’attendrait à un hyperaldostéronisme secondaire (inversion du rapport


urinaire Na+/K+), mais, ici, la perte de sel est rénale comme en témoigne la natriu-
rèse inadaptée à l’hypovolémie. Cela suggère un dysfonctionnement surrénalien
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 55

(diagnostic d’insuffisance surrénale aiguë soutenu par l’hyperkaliémie et la dimi-


nution de la glycémie).

Signes cliniques
Ils sont représentés par le pli cutané, la perte de poids et l’hypotension orthosta-
tique (DEC) (cf. tableau 3.2).
L’hyponatrémie est souvent asymptomatique dans cette situation.

Indicateurs biologiques
Habituellement, les marqueurs, inconstants, de la DEC sont l’augmentation de la
protidémie et de l’hématocrite.
La natrémie à 124 mmol/l est le marqueur biologique d’une HIC.

Grandes causes
Ce sont les mêmes que celles de la DEC (cf. chapitre 2) mais, dans ce cas, il y est
associée une HIC, la perte de sel étant supérieure à la perte en eau.
Les causes les plus fréquentes sont :
j les causes rénales :
Ÿ diurétiques, diurèse osmotique, néphropathie interstitielle chronique ;
Ÿ insuffisance surrénale aiguë ;
Ÿ hypercalcémie ;
j les causes extra-rénales :
Ÿ digestives : vomissements, diarrhée ;
Ÿ cutanées : sueurs abondantes, brûlures.

Situation particulière
Le Cerebral Salt Wasting Syndrome
L’hyponatrémie du syndrome des pertes sodées d’origine cérébrale
(CSWS, Cerebral Salt Wasting Syndrome) se constitue après hémorragie
méningée ou dans les suites de neurochirurgie. Relativement rare, ce syn-
drome est caractérisé par une polyurie avec natriurèse pouvant atteindre
400  mmol par 24  heures ou plus, par sécrétion excessive de peptides
natriurétiques, en particulier le BNP (Brain Natriuretic Peptide). Le BNP,
outre ses effets natriurétiques, inhibe le système sympathique : il inhibe la
réabsorption de sodium dans le tube contourné proximal et la synthèse de
rénine, augmentant ainsi la natriurèse (figure 3.8).
Ce syndrome doit être distingué des SIADH d’origine neurologique, car le
traitement est différent.
56 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.8. Explications physiopathologiques du syndrome des pertes sodées


d’origine cérébrale (CSWS, Cerebral Salt Wasting Syndrome).
BNP, Brain Natriuretic Peptide ; DEC, déshydratation extracellulaire.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Traitement
Seul le traitement symptomatique est décrit ici. Il repose sur l’apport de chlorure
de sodium.

Application
Le déficit extracellulaire en litres peut être estimé, en l’absence d’anémie, par la formule
suivante :
Déficit = 20 % × Poids actuel × [(Hématocrite actuel/0,45) – 1].
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 57

Dans ce cas clinique, le déficit extracellulaire est estimé à 2,6 litres. Du fait de
l’hypotension orthostatique, 1 litre doit être perfusé rapidement et le traitement
étiologique mis en route.
Traiter la DEC avec un apport de soluté salé isotonique va :
j corriger la perte en sel ;
j supprimer le stimulus volémique de l’ADH, corrigeant ainsi l’hyponatrémie.

En cas de déshydratation de sévérité moyenne


j Perfusion de soluté salé isotonique 0,9  % (9  g/l) apportant 154  mmol de
sodium par litre :
Ÿ la quantité est à déterminer pour chaque cas particulier (risque d’œdème
pulmonaire chez des patients hypertendus ou insuffisants cardiaques) ;
Ÿ d’où l’importance d’évaluer la quantité perdue (poids +++) pour estimer la
quantité nécessaire.
j Soluté de bicarbonate de sodium isotonique (1,4 %) à réserver aux situations
où une acidose métabolique est associée à la déshydratation (diarrhées sévères).
En présence de signes de gravité
j Perfusion rapide et en débit libre de soluté salé isotonique 0,9 % (9 g/l) ou de
colloïdes.
j Prise en charge en réanimation en cas de collapsus.

Hyponatrémie avec euvolémie


Cas clinique
Cas clinique
Un homme de 69 ans, aux antécédents d’accident vasculaire cérébral et d’alcoo-
lisme, est adressé pour état de somnolence, confusion, nausées avec épisodes de
vomissements. Il a été opéré d’un rétrécissement urétral il y a quinze jours. Les
suites ont été marquées par un état d’excitation traité par XXV gouttes par jour
d’halopéridol. Il n’y a ni œdèmes ni pli cutané, et sa pression artérielle s’inscrit à
130/85 mm Hg. Son poids est de 61 kg, a priori stable.
j Sang  : créatinine  =  70  µmol/l  ; urée  =  3,5  mmol/l  ; sodium  =  110  mmol/l  ;
chlore  =  72  mmol/l  ; potassium =  3,6  mmol/l  ; glucose  =  5,1  mmol/l  ; pro-
tides = 61 g/l : acide urique = 132 µmol/l.
j Urines : sodium = 85 mmol/l ; chlore = 61 mmol/l ; potassium = 42 mmol/l ;
urée = 80 mmol/l.
Explications physiopathologiques
j Il n’y a pas de signes cliniques évoquant un trouble du secteur extracellulaire.
j La tonicité plasmatique est diminuée : 225 mOsm/kg H2O.
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du secteur extracellulaire
vers le secteur intracellulaire (HIC isolée) (figure 3.3C).
58 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Cet état traduit un bilan hydrique positif rapporté à un gain d’eau exclusif, et
non pas à un manque de sodium, le bilan sodé étant cliniquement normal. Dans
ce cas, l’hyponatrémie est dépendante de l’ADH.
j Un excès d’ADH explique la réabsorption d’eau au niveau du tube collecteur,
d’où l’émission d’urines concentrées : osmolalité urinaire élevée = 334 mOsm/kg
d’H2O, inappropriée par rapport à la tonicité plasmatique basse.
j Le diagnostic ici est celui du syndrome de sécrétion inapproprié d’hormone
antidiurétique (SIADH).
Signes cliniques
j Aucun signe clinique n’évoque un trouble de l’hydratation extracellulaire.
j Les signes rapportés à une HIC sont variables selon l’importance de l’hypona-
trémie (cf. tableau 3.2).
Les hyponatrémies euvolémiques sont classées selon le niveau de l’osmolalité
urinaire.
Situations cliniques
Hyponatrémie avec osmolalité urinaire élevée inappropriée : SIADH
Les critères diagnostiques du syndrome inapproprié d’hormone antidiurétique
(SIADH) sont consignés dans le tableau 3.4.
Les principales causes du SIADH sont consignées dans le tableau 3.5. Ces causes
sont nombreuses. Devant un SIADH, le diagnostic causal est parfois simple : médi-
caments (tableau 3.6), pneumopathies, méningites ; mais, parfois, il demande des
Tableau 3.4. Critères diagnostiques d’un SIADH.
Critères diagnostiques
• Hyponatrémie vraie
• Défaut de dilution des urines : osmolalité urinaire inappropriée par rapport à la tonicité
plasmatique
• Absence d’autres causes de dilution :
– diurétiques
– insuffisance rénale oligo-anurique
– insuffisance cardiaque
– hypovolémie
– insuffisance surrénale
– hypothyroïdie
• Critères majeurs : • Critères mineurs :
– euvolémie clinique – hypo-uricémie < 240 µmol/l
– tonicité plasmatique diminuée < 275 mmol/kg H2O – hypo-urémie < 4 mmol/l
– osmolalité urinaire > 100 mmol/kg H2O (en
général > 300) : les reins concentrent les urines
du fait de la sécrétion d’ADH
– concentration de sodium urinaire > 30 mmol/l
(apports sodés normaux)
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 59

Tableau 3.5.
Néoplasies Maladies Système nerveux central Autres causes
pulmonaires
• Cancers : • Infection : • Infection : • Transitoire :
– poumons : – pneumonie – encéphalite – exercice
- à petites bactérienne – méningite extrême
cellules – pneumonie – abcès du cerveau – anesthésie
- mésothé- virale – sida générale
liome – abcès • Saignement et masse : – stress
– oropharynx pulmonaire – hématome • Idiopathique
– gastro- – tuberculose sous-dural • Héréditaire :
intestinal : – aspergillose – hémorragie – mutation du
- estomac • Asthme méningée récepteur V2
- duodénum • Mucoviscidose – accident vasculaire de l’ADH
- pancréas • Insuffisance cérébral
– génito-urinaire : respiratoire – tumeurs du cerveau
- uretère – traumatisme
- vessie crânien
- prostate – hydrocéphalie
– thymome – thrombose du sinus
endocrinien caverneux
• Lymphome • Autres :
• Sarcome – sclérose en plaques
– syndrome de
Guillain-Barré
– delirium tremens
– porphyrie
intermittente

Tableau 3.6. Causes médicamenteuses de SIADH.


Médicaments qui stimulent la libération de l’ADH Analogues de l’ADH
ou potentialisent son action
• Chlorpropamide • Desmopressine
• Antidépresseurs tricycliques • Oxytocine
• Psychotropes (halopéridol) • Vasopressine
• Inhibiteur de la recapture de la sérotonine (+++)
• Clofibrate
• Carbamazépine
• Vincristine
• Ifosfamide
• Cyclophosphamide
• AINS
• Nicotine
• Ectasie
60 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

investigations plus poussées : on recherchera en premier lieu une tumeur. Dans le


cas clinique, on retiendra le stress postopératoire, la prise d’halopéridol.
Hyponatrémie euvolémique avec osmolalité urinaire élevée inappropriée
des endocrinopathies
L’hypothyroïdie et l’insuffisance surrénale corticotrope peuvent entraîner une
hyponatrémie avec un tableau voisin du SIADH. Ces deux pathologies doivent être
systématiquement recherchées devant une hyponatrémie euvolémique (+++)
par le dosage de :
j la TSH (Thyroid Stimulating Hormone) ;
j la cortisolémie, basse dans l’insuffisance corticotrope, alors que l’aldostéronémie
est normale, contrairement à la situation d’insuffisance surrénale aiguë globale.
Dans ces deux situations, le traitement hormonal substitutif suffit à normaliser
rapidement la natrémie, en corrigeant le déficit d’excrétion rénale d’eau.
Hyponatrémie euvolémique avec osmolalité urinaire basse appropriée
Il s’agit d’une situation rare où l’hyponatrémie survient alors que la fonction de
dilution de l’urine est conservée.
L’osmolalité urinaire est basse : ≤ 100 mOsm/kg H2O.
Cette situation est observée :
j chez les personnes potomanes, buvant plus de 10 litres d’eau par jour (il y a
alors une polyurie associée) ;
j chez les alcooliques dénutris ou les buveurs de bière, une hyponatrémie pouvant
survenir pour une prise de boissons de 5 à 6 litres par jour, si la quantité alimentaire
d’osmoles ingérées est faible (situation bien décrite lors de la fête de la bière à Munich) ;
j au cours du syndrome dit « tea and toast » pour la même raison que dans le
cas précédent (apports quotidiens de grands volumes de thé, mais peu d’apports
alimentaires).
La simple interruption de ces comportements suffit à ramener la natrémie à la
normale en quelques heures.

Traitement
Traitement symptomatique
Le traitement étiologique n’est pas détaillé ici. Le traitement symptomatique
repose sur les recommandations européennes (ERPB, 2014). Le traitement diffère
selon la gravité clinique et selon la vitesse d’installation de l’hyponatrémie.
j Hyponatrémie chronique avec absence d’urgence thérapeutique (tableau 3.7) :
Ÿ restriction hydrique souvent efficace : 500-700 ml par jour ;
Ÿ objectif de correction de l’hyponatrémie :
– ne pas dépasser : 10 mmol/l dans les 24 premières heures, puis 8 mmol/l
dans les 24 heures suivantes ;
– surveillance de la natrémie quotidienne ;
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 61

Tableau 3.7. Thérapeutiques proposées au cours d’une hyponatrémie chronique.


Traitement Action Dose Avantages Inconvénients
Restriction ↓ Apports H2O 500 ml/j Peu coûteux Difficile
hydrique et efficace pour certains
Urée (gélules) Diurèse 0,25-0,50 mg/kg/j Apports libres Polyurie
osmotique d’eau
Lithium Inhibition de 900-1 200 mg/j Apports libres Polyurie
l’effet de l’ADH d’eau Néphrotoxicité
Déméclocycline Inhibition de 600-1 200 mg/j Apports libres Polyurie
l’effet de l’ADH d’eau Néphrotoxicité
Antagonistes Effet Avis spécialisé Efficace Polyurie
du récepteur antagoniste Hépatotoxicité
V2 de l’ADH
(tolvaptan)

Ÿ en cas d’échec de la restriction hydrique, le recours au tolvaptan, antagoniste


sélectif des récepteurs V2 de l’ADH, peut être proposé après avis spécialisé.
j Hyponatrémie aiguë avec urgence thérapeutique (figure 3.9) :
Ÿ caractérisée pas des symptômes sévères ;
Ÿ la restriction hydrique seule est insuffisante ;
Ÿ surveillance en unité de soins intensifs recommandée :
– perfusion de chlorure de sodium hypertonique (NaCl 3 %) : 150 ml en IV
en 20 minutes ;
– objectif de correction de l’hyponatrémie : ne pas dépasser 10 mmol/l
dans les 24 premières heures, puis 8 mmol/l dans les 24 heures suivantes ;
– puis restriction hydrique : 500-700 ml par jour.

Le risque de la correction

Attention
Le risque de la correction trop rapide >  10  mmol/24  heures ou plus de
18  mmol/48  heures est le syndrome de démyélinisation osmotique, tou-
chant en particulier la protubérance avec myélinolyse centro-pontine.

Si la correction de l’hyponatrémie est trop rapide (figure 3.10) :


j la tonicité plasmatique se normalise ;
j l’eau passe alors du secteur intracellulaire vers le secteur extracellulaire ;
j d’où une déshydratation rapide du milieu intracellulaire menant à la lyse de cellules
neuronales et astrocytaires responsable de la myélinolyse centro-pontine, ou démyéli-
nisation osmotique, qui peut évoluer vers une tétraparésie, un locked-in syndrome.
Les patients alcooliques et dénutris sont particulièrement exposés à ce risque.
62 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.9. Traitement de l’hyponatrémie sévère aiguë.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi ; d’après Hyponatraemia Guideline Development Group. Clinical practice guideline
on diagnosis and treatment of hyponatraemia. Nephrology Dialysis Transplantation 2014 ; 29 (S2).)
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 63

Figure 3.10. Myélinolyse centro-pontine, ou syndrome de démyélinisation


osmotique : conséquence d’une hypernatrémie brutale ou de la correction
trop rapide d’une hyponatrémie.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Arbre diagnostique devant une hyponatrémie


Un arbre diagnostique devant une hyponatrémie est présenté figure 3.11.
Au terme de ce lourd et difficile chapitre sur l’hyponatrémie, le tableau 3.8 pour-
rait aider à comprendre que l’analyse clinique du volume du secteur extracellulaire
est primordiale pour raisonner. Le calcul au lit du malade des osmolalités plas-
matique et urinaire permet la compréhension des mécanismes de transfert du
sodium et de l’eau (loi de Starling, loi de l’osmose). L’uricémie est parfois utile
à doser en cas de doute. On ne dose jamais en pratique l’ADH qui est souvent
élevée et rapidement métabolisée, sauf dans le cas de potomanie, du syndrome
de « tea and toast » et du syndrome des « buveurs de bière », où l’osmolalité est
toujours basse et adaptée.
64 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.11. Arbre diagnostique devant une hyponatrémie.


* En cas de perfusion hypertonique de mannitol (pour œdème cérébral) ou encore
devant la notion d’absorption de fluides d’irrigation au cours de la chirurgie
urologique ou gynécologique, l’hypertonicité du secteur extracellulaire ne peut pas
être affirmée par la tonicité calculée (qui ne prend pas en compte le mannitol) mais
le sera par la mesure de l’osmolalité réelle par osmométrie. ** Osmolalité plasmatique
mesurée à l’aide d’un osmomètre. VEC, volume du compartiment extracellulaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Tableau 3.8. Paramètres cliniques et biologiques en fonction des grandes causes d’hyponatrémie.

Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire...


DEC Insuffisance Cirrhose Syndrome SIADH CSWS « Tea and toast »
cardiaque néphrotique « Buveurs de bière »
VEC Diminué Élevé Élevé Variable Normal Diminué Normal
Osmolalité Basse Basse Basse Basse Basse Basse Basse
plasmatique
Osmolalité Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Basse
urinaire inadaptée inadaptée inadaptée inadaptée inadaptée inadaptée adaptée
Natriurèse Selon la cause Basse Basse Basse = Apports Élevée Basse
< 20 mmol/l < 20 mmol/l < 20 mmol/l
Uricémie Élevée Élevée Élevée Élevée Basse Basse
ADH Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Basse
SRAA Activé Activé Activé Activé Non activé Inhibé Non activé
BNP Variable Élevé Normal Normal Normal Élevé
VEC, volume extracellulaire ; DEC, déshydratation extracellulaire ; ADH, hormone antidiurétique ; SIADH, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique ; CSWS, Cerebral Salt
Wasting Syndrome ; SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone ; BNP, Brain Natriuretic Peptide.

65
66 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Hypernatrémie
Principes de la démarche clinique
L’hypernatrémie est plus rare que l’hyponatrémie
j 2 % des patients hospitalisés sont touchés (gériatrie, soins intensifs).
j Trouble associé à une surmortalité.

Définition biologique de l’hypernatrémie,

Définition
L’hypernatrémie est définie par une natrémie > 145 mmol/l.

Dans tous les cas, l’osmolalité plasmatique est augmentée : > 300 mOsmol/kg. Il


s’agit d’une hypernatrémie hyperosmolaire (hypertonique), témoin d’une DIC.
Identifier les symptômes selon l’importance de l’hypernatrémie
On rappelle que l’hypernatrémie est rare grâce à la sensation de soif.
j Hypernatrémie modérée :
Ÿ soif intense, sécheresse des muqueuses ;
Ÿ polyurie-polydipsie ;
Ÿ perte de poids.
j Hypernatrémie sévère, surtout en cas d’hypernatrémie aiguë :
Ÿ asthénie, somnolence, confusion ;
Ÿ fièvre d’origine centrale, convulsion ;
Ÿ coma, hémorragies cérébroméningées, hématomes sous-duraux (nourris-
sons, vieillards), thromboses veineuses centrales.
Identifier la cause de l’hypernatrémie selon son mode d’installation aigu
ou chronique
Il est possible de classer les causes des hypernatrémies en fonction du mode de
survenue et d’évaluer l’urgence de traitement en présence des signes cliniques et
biologiques (tableau 3.9).
Identifier la cause de l’hypernatrémie selon l’état de l’hydratation
extracellulaire
Comme pour l’hyponatrémie, la démarche diagnostique commence par l’examen
clinique, qui permet de préciser l’état du secteur extracellulaire.
j Hypernatrémie avec déshydratation extracellulaire (hypotension orthosta-
tique, pli cutané, perte de poids) :
Ÿ pertes rénales (Na+ urinaire > 20 mmol/l) ;
Ÿ pertes extra-rénales.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 67

Tableau 3.9. Causes des hypernatrémies selon le mode de survenue.


Hypernatrémie aiguë Hypernatrémie chronique
Prise en charge urgente Prise en charge non urgente
• Perfusion de grandes quantités de sel : • Troubles ioniques associés :
– éviter les solutés hypertoniques (+++) – hypercalcémie
– non exceptionnelles en réanimation – hypokaliémie
• Pathologies aiguës hypothalamo-hypophysaires : • Médicaments :
– suites de neurochirurgie – lithium +++
– coma profond – cisplatine
– encéphalite – diurétiques de l’anse (si pertes
• Diurèses abondantes brutales : d’eau non compensées)
– hyperglycémie sévère avec glycosurie – vaptans (inhibition de l’ADH)
– polyurie osmotique • Alcool
– syndrome de levée d’obstacle
– diabètes insipides néphrogéniques

j Hypernatrémie avec hyperhydratation extracellulaire (œdèmes) :


Ÿ perfusion de solutés hypertoniques ;
Ÿ noyade en eau de mer.
j Hypernatrémie avec secteur extracellulaire cliniquement normal :
Ÿ polyurie :
– diabète insipide d’origine centrale ;
– diabètes insipides néphrogéniques ;
Ÿ oligurie :
– défaut d’apport en eau ;
– pertes insensibles (transpiration, respiration).

Ces données de base justifient que devant toute anomalie de la natrémie, il


faut avant tout analyser l’état du secteur extracellulaire. La clinique avant tout !

Hypernatrémie avec déshydratation extracellulaire


Cas clinique
Cas clinique
En période de canicule, une femme de 70 ans en maison de retraite est hospita-
lisée pour confusion, obnubilation, somnolence et fièvre. L’examen neurologique
est normal, la température s’inscrit à 38 °C, poids 70 kg (pas de notion de poids
antérieur), pli cutané, sécheresse des muqueuses, pression artérielle à 100/65 mm
Hg, tachycardie à 110 bpm. De plus, elle n’exprime aucune sensation de soif.
j Sang : créatinine = 90 µmol/l ; sodium = 165 mmol/l ; chlore = 115 mmol/l ; potas-
sium = 4,5 mmol/l ; glucose = 5,5 mmol/l ; protides = 80 g/l ; hématocrite = 43 %.
j Urines : sodium = 20 mmol/l ; potassium = 42 mmol/l.
68 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Explications physiopathologiques
j Le volume du secteur extracellulaire est diminué (DEC) comme en témoigne
l’examen clinique.
j La perte en eau étant supérieure à la perte en sel, la tonicité plasmatique est
augmentée (ici calculée à 330 mOsm/kg H2O).
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du milieu intracellulaire
vers le milieu extracellulaire (figure 3.4B)..
j Le volume du secteur intracellulaire est donc diminué (DIC).

Signes cliniques
j Ceux de la DEC : pli cutané, hypotension artérielle, tachycardie.
j Ceux de la DIC : sécheresse des muqueuses, somnolence, confusion.

Indicateurs biologiques
j Protidémie et hématocrite sont augmentés.
j Natrémie et tonicité plasmatique sont augmentées.

Grandes causes
Si la cause paraît évidente, la mesure de la natriurèse permet de préciser l’origine
rénale ou extra-rénale de la perte en eau supérieure à la perte en sel. L’hyper-
natrémie signe la déshydratation globale.
j Perte d’eau non compensée d’origine rénale (Na+ urinaire > 20 mmol/l) :
Ÿ polyurie osmotique : diabète, hypercalcémie, levée d’obstacle ;
Ÿ diurétiques de l’anse.
j Perte d’eau non compensée d’origine extra-rénale (Na+ urinaire < 20 mmol/l) :
Ÿ cutanée : brûlures, coup de chaleur ;
Ÿ respiratoire : polypnée, hyperthermie, hyperventilation prolongée ;
Ÿ digestive : diarrhée osmotique (laxatifs, déficit en lactose).

Traitement
En l’absence de signes de gravité
j Stimuler la prise de boissons.
j Eau pure per os ou par sonde gastrique.

En présence de signes de gravité


j Perfusion intraveineuse de soluté hypotonique.
Estimation du déficit en eau = 60 % × Poids × [(Natrémie/140) – 1].
Dans ce cas clinique, l’estimation de la quantité de litres de soluté glucosé à 5 %
(50 g/l) en IV à perfuser est de : 60 % × 70 × [(165/140) – 1] = 6 litres, dont la
moitié au cours des 4 premières heures et le reste sur les 24 heures restantes.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 69

Application
Pour mieux comprendre :
j
Femme de 70 kg qui a une natrémie à 165 mmol/l.
j
Son volume d’eau corporelle est estimé à 42 litres (60 % × 70 kg = 42 kg).
j
Les recommandations concernant la vitesse de correction hydrique ciblent la
diminution de la natrémie à 10 mmol/l par 24 heures, soit un objectif à atteindre de
155 mmol/l.
j
42 litres avec une natrémie à 165 mmol/l contiennent 6 930 mmol de sodium.
j
Pour obtenir une concentration de sodium à 155  mmol/l, il faut 44 litres (6  930
divisés par 155).
j
La différence, 44 – 42 = 3 litres, correspond à la quantité de soluté hypotonique à
perfuser sur 4 heures.

En cas d’hypernatrémies sévères symptomatiques avec coma et possible démyéli-


nisation, le recours à l’hémodialyse en urgence est une possibilité.
Traitement étiologique
C’est celui de la cause.

Hypernatrémie avec hyperhydratation extracellulaire


Cette situation est exceptionnelle.

Explications physiopathologiques
j Le volume du secteur extracellulaire est augmenté (HEC).
j Du fait d’un gain en sel supérieur au gain en eau, la tonicité plasmatique est
augmentée.
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du milieu intracellulaire
vers le milieu extracellulaire (figure 3.4A)..
j Le volume du secteur intracellulaire est donc diminué (DIC), le témoin en
étant l’hypernatrémie.

Signes cliniques
Ils sont dominés par les signes d’HEC : œdèmes diffus, œdème aigu du poumon…

Causes
j Noyade en eau de mer.
j Administration de solutés hypertoniques de sodium, en particulier le bicarbo-
nate molaire (4,8 %).
70 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Traitement
Le traitement repose sur des apports de soluté glucosé hypotonique (G 2,5 % ou
5 %) associés à un diurétique de l’anse pour éliminer l’excès de sodium.
Une hémodialyse avec ultrafiltration, d’autant plus que le patient est en oligo-
anurie, peut être nécessaire.

Hypernatrémie avec euvolémie (déshydratation


intracellulaire isolée)
Cas clinique
Cas clinique
Une femme de 55 ans traitée par lithium pour un trouble bipolaire depuis quinze
ans est adressée pour asthénie et polyuro-polydipsie depuis plusieurs semaines ;
elle se lève la nuit pour boire et sa diurèse est d’environ 4 litres par jour. L’examen
clinique est normal.
j Sang : créatinine = 100 µmol/l ; sodium = 150 mmol/l ; chlore = 110 mmol/l ;
potassium = 4,1 mmol/l ; bicarbonates = 22 mmol/l ; glucose = 5 mmol/l ; pro-
tides = 70 g/l.
j Urines : sodium = 25 mmol/l ; potassium = 20 mmol/l ; urée = 60 mmol/l.

Explications physiopathologiques
j L’examen du volume du secteur extracellulaire est normal, donc le bilan sodé
est normal.
j Du fait d’une perte exclusive en eau, la tonicité plasmatique est augmentée (ici
305 mOsm/kg H2O).
j D’après la loi de l’osmose, il y a un mouvement d’eau du milieu intracellulaire
vers le milieu extracellulaire (figure 3.4C).
j La natrémie augmentée est le témoin d’une diminution du volume intracellu-
laire (DIC isolée).
j Cet état traduit un bilan hydrique négatif :
Ÿ cette perte exclusive en eau par le rein non compensée est le fait, dans ce
cas clinique, d’une absence de sensibilité rénale à l’ADH ;
Ÿ les urines sont diluées (ici, osmolalité urinaire est de 150 mOsmol/kg H2O).
j Chez un sujet normal, l’hypernatrémie stimule la soif et l’ADH. Pour que l’ADH
exerce son action, il est nécessaire d’avoir un tubule collecteur fonctionnel et
un gradient osmotique médullaire qui favorise la réabsorption de l’eau. Dans ce
cas clinique, malgré la soif, les lésions rénales chroniques induites par le lithium
(diabète insipide néphrogénique, perte du gradient corticopapillaire) favorisent la
survenue d’une hypernatrémie isolée.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 71

Signes cliniques
j Ceux de la déshydratation intracellulaire (cf. tableau 3.2).
j Une hypernatrémie sévère et brutale (> 165 mmol/l) peut se manifester par
des lésions cérébrales graves, secondaires au syndrome osmotique de démyélini-
sation (cf. figure 3.10).

Indicateurs biologiques
j Tonicité plasmatique augmentée : > 300 mOsm/kg d’H2O.
j Hypernatrémie : > 145 mmol/l.
j Osmolalité urinaire : < 200 mOsm/kg d’H2O ; les reins sont incapables de rete-
nir l’eau libre du fait de l’absence de sécrétion d’ADH ou de l’absence de sensibilité
rénale à l’ADH.

Grandes causes
j Accès à l’eau impossible.
j Diabètes insipides (incapacité à retenir l’eau libre).
Le rôle de l’ADH permet de distinguer parmi ces derniers (tableau 3.10) :
Ÿ le diabète insipide central :
– par une absence partielle ou complète d’ADH : polyurie hypotonique ;

Tableau 3.10. Principales causes des diabètes insipides.


Diabète insipide central Diabète insipide néphrogénique
1. Héréditaire : exceptionnel 1. Héréditaire : lié à l’X, affectant le gène du
2. Acquis : récepteur de l’arginine-vasopressine (ADH)
• Post-chirurgie hypophysaire 2. Secondaire ou acquis :
• Traumatisme crânien • Métaboliques :
• Accident vasculaire cérébral – hypokaliémie chronique
• Tumeurs hypothalamo-hypophysaires – hypercalcémie
primaires ou métastatiques • Néphropathies tubulo-interstitielles
• Causes infectieuses : – néphropathie interstitielle chronique
– encéphalites sur obstacle
– méningites – polykystose rénale
– tuberculose – néphronophtise*
• Granulomes : – amylose
– sarcoïdose – syndrome de Sjögren
– histiocytose • Drépanocytose
• Idiopathique • Médicaments : lithium, déméclocy-
cline, amphotéricine B, ifosfamide,
ofloxacine, cidofovir, vaptans
* La néphronophtise est une maladie rénale kystique de cause génétique (plusieurs gènes impliqués) avec
insuffisance rénale chronique nécessitant la dialyse avant l’âge de 15-20 ans.
72 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Ÿ les diabètes insipides néphrogéniques :


– par une absence ou plus souvent par une insuffisance de réponse du tubule
rénal à l’ADH secondaire à des lésions anatomiques du parenchyme rénal ;
– par des anomalies biochimiques des effecteurs de l’hormone :
– récepteurs V2 de l’ADH (formes génétiques) ;
– aquaporine-2, dont l’expression est diminuée dans la néphropathie
induite par le lithium et au cours de l’hypercalcémie ;
– ils se manifestent par une polyurie très abondante de plusieurs litres par
jour (diurèse aqueuse) ; la conséquence d’une polyurie non compensée par
un apport en eau équivalent est la survenue d’une déshydratation sévère
avec des complications neurologiques, voire une évolution fatale.

Rappel
L’hypernatrémie ne survient qu’en cas de non-libre accès à l’eau  : patient
inconscient, nourrissons ou personnes âgées.

Application
Test de restriction hydrique
Le test de restriction hydrique induit la stimulation de la sécrétion d’ADH :
j
Objectif : réponse à l’ADH.
j
En cas de diabète insipide d’origine centrale : l’osmolalité urinaire ne s’élève qu’après
l’injection d’ADH exogène.
j
En cas de diabète insipide néphrogénique : l’osmolalité urinaire ne se modifie pas et
l’injection d’ADH exogène reste inefficace.
Ce test est peu pratiqué car il peut être dangereux d’imposer une restriction hydrique
à un patient qui a une hypernatrémie.

Pour comprendre
Diurèse aqueuse versus diurèse osmotique
Diurèse aqueuse :
j
augmentation du volume urinaire qui résulte d’un défaut de concen-
tration urinaire par le tube collecteur (diabètes insipides) ou d’un excès
d’eau libre (potomanie) ;
j
l’osmolalité urinaire est <  300  mOsm/kg H2O, pouvant descendre
jusqu’à 40 mOsm/kg H2O ;
j
le rapport Uosm/Posm est inférieur à 1 ;
j
la clairance de l’eau libre (cf. Annexe) est positive.
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 73

Diurèse osmotique :
j
augmentation du volume urinaire secondaire à l’élévation de la tonicité
plasmatique  : la présence dans le filtrat de substances osmotiquement
actives endogènes, telles que le glucose à des concentrations au-delà de
sa capacité maximale de réabsorption (hyperglycémie), ou de substances
osmotiquement actives exogènes non absorbables (mannitol) entraîne une
diminution de la réabsorption tubulaire proximale de l’eau et d’électrolytes ;
j
l’osmolalité urinaire reste > 300 mOsm/kg H2O ;
j
le rapport Uosm/Posm est supérieur à 1 ;
j
la clairance de l’eau libre est négative.

Traitement
Traitement préventif
j Apport d’eau pure par voie orale ou par sonde gastrique chez les patients qui
n’ont pas un libre accès à l’eau.
j Hydratation par voie intraveineuse par du soluté glucosé 2,5 % ou 5 %.

Traitement curatif
j Diabète insipide d’origine centrale : le traitement repose sur la substitution
hormonale : la desmopressine (Minirin©) est un analogue synthétique de l’ADH
avec un effet antidiurétique puissant. Le principal risque du traitement est une
hyponatrémie en cas d’inadéquation entre la prise de desmopressine et les
apports hydriques.
j Diabètes insipides néphrogéniques, selon la cause :
Ÿ arrêt si possible de l’agent causal (médicaments), à discuter avec le psy-
chiatre en cas de prise de lithium au long cours ;
Ÿ correction d’une cause : levée d’obstacle, hypercalcémie, coma hyperosmo-
laire ;
Ÿ apport quotidien d’eau égal au volume des urines, réparti tout au long des
24 heures ;
Ÿ régime pauvre en sodium et limité en osmoles  pour réduire l’excrétion
d’eau ;
Ÿ si les symptômes persistent malgré ces mesures, on peut utiliser :
– l’hydrochlorothiazide qui, par la contraction du volume du secteur
extracellulaire, augmente la réabsorption tubulaire du sodium et de l’eau ;
– l’indométacine : inhibiteur des prostaglandines qui diminue le DFG et
stimule la réabsorption proximale d’eau et de sel.

Arbre diagnostique devant une hypernatrémie


Un arbre diagnostique devant une hypernatrémie est présenté figure 3.12.
74 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 3.12. Arbre diagnostique devant une hypernatrémie.


(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Anomalies du bilan de l’eau : troubles de l’hydratation intracellulaire... 75

Entraînement
QCM 1
Une femme de 50 ans souffrant d’une intoxication alcoolique chronique consulte aux
urgences pour dyspnée, distension abdominale et œdèmes des membres inférieurs. La
pression artérielle est à 124/65 mm Hg et la fréquence cardiaque à 80/min. Elle a des
râles crépitants et une ascite. Les premiers résultats montrent :
j
Natrémie = 126 mmol/l ; kaliémie = 3,5 mmol/l ; créatininémie = 60 µmol/l.
Vous prescrivez :
A. Soluté glucosé à 5 %.
B. Diurétiques de l’anse par voie veineuse.
C. Diurétique thiazidique par voie veineuse.
D. Soluté salé isotonique (9 g/l).
E. Restriction sodée.

QCM 2
Une femme de 60 ans est adressée pour hyponatrémie à 114 mmol/l. Elle n’a aucun
antécédent. Son poids semble stable. La pression artérielle est à 135/85 mm Hg et sa
fréquence cardiaque est à 68/min. L’examen clinique est normal. Les examens sont les
suivants :
j
Natrémie = 114 mmol/l ; kaliémie = 3,9 mmol/l ; osmolalité plasmatique = 250 mOs-
mol/kg d’eau.
j
Natriurèse = 120 mmol/l ; kaliurèse = 60 mmol/l ; urée urinaire = 200 mmol/l.
Vous concluez :
A. L’osmolalité urinaire est à 560 mOsmol/l.
B. L’osmolalité urinaire est adaptée.
C. Le diagnostic le plus probable est celui de pseudohyponatrémie.
D. Le diagnostic le plus probable est celui de SIADH.
E. Si l’on dosait l’uricémie, on trouverait une concentration basse.
Cas clinique
Un homme de 78 ans, hospitalisé au décours d’un accident vasculaire cérébral sylvien
gauche, est asthénique et confus. Le poids est de 80 kg. La pression artérielle est res-
pectivement en position couchée et debout à 110/70 et à 80/60 mm Hg ; la fréquence
cardiaque est à 100 et à 110/min, régulière.
Les premiers examens montrent :
j
Sang : natrémie = 160 mmol/l ; kaliémie = 4,5 mmol/l ; chlorémie = 115 mmol/l ;
bicarbonatémie = 26 mmol/l ; glycémie = 5,2 mmol/l ; créatininémie = 176 µmol/l.
j
Urines : natriurèse = 12 mmol/l ; osmolalité urinaire = 600 mOsmol/kg d’eau.
1. Quel est l’état d’hydratation du patient ?
2. À combien estimez-vous le déficit hydrique ?
3. Quelle est votre prescription initiale ?
76 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Bibliographie
Collège Universitaire des Enseignants de Néphrologie. Néphrologie. 8e édition. Paris : Ellipses ; 2018.
George JC, et al. Risk factors and outcomes of rapid correction of severe hyponatremia. Clin J Am Soc
Nephrol 2018;13:984-92.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition. Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series. St.
Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Spazovski G, et al. Clinical practice on diagnosis and treatment of hyponatremia. Nephrol Dial Trans-
plant 2014;29:i1-i39.
Sterns RH. Disorders of plasma sodium. Causes, consequences and correction. N Engl J Med
2015;372:55-65.
CHAPITRE

4
Anomalies du bilan
du chlore

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques sur le chlore

j Le dosage du chlore : un test utile ?

j Hypochlorémies
� Définition
� Étiologie
j Hyperchlorémies
� Définition
� Étiologie

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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78 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Le chlore est, malgré sa concentration abondante dans le plasma, un ion régu-


lièrement oublié dans les livres de néphrologie. De nombreux travaux récents,
notamment réalisés en réanimation — qui ont montré une augmentation de la
mortalité lors de l’utilisation de solutions riches en chlore telles que le soluté salé
isotonique — ont causé un regain d’intérêt pour le chlore.

Rappels physiologiques sur le chlore


Le chlore est le principal anion extracellulaire.
Il joue un rôle majeur dans :
j le maintien de l’électroneutralité entre cations et anions dans les liquides bio-
logiques ;
j le maintien de la pression osmotique associée au sodium et donc les mouve-
ments d’eau entre les secteurs intracellulaire et extracellulaire ;
j l’équilibre acido-basique.
La figure 4.1 rappelle la composition électrolytique du plasma normal.

Figure 4.1. Composition électrolytique du plasma normal.


Équilibre entre charges cationiques et charges anioniques (exprimées en mEq/L).
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Anomalies du bilan du chlore 79

Le chlore traverse la plupart des membranes cellulaires par des canaux à chlore
exprimés de façon ubiquitaire à la surface des cellules.
Les mutations de ces canaux à chlore sont responsables de plusieurs maladies
génétiques dont la plus fréquente est la mucoviscidose (mutation du canal CFTR,
Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator).
Le long du néphron (figure 4.2), le chlore est réabsorbé :
j essentiellement dans le tube contourné proximal (60-65 %) ;
j dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé (15-25 %) ;
j et pour une moindre partie au niveau du tube distal et du tube collecteur.

L’aldostérone au niveau du néphron distal :


j
augmente la réabsorption de Na+ et de Cl– ;
j
augmente la sécrétion de K+ et H+.
L’élimination urinaire du chlore est un mécanisme important d’adaptation dans
les alcaloses métaboliques et les acidoses respiratoires (+++).

Figure 4.2. Réabsorption du chlore le long du néphron.


Les sites de réabsorption du chlore le long du néphron sont approximativement
superposables à ceux du sodium.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Pour aller plus loin


Les liens entre chlorémie et troubles acido-basiques : transpor-
teurs anioniques du tube collecteur

80 Les troubles hydro-électrolytiques faciles


Alcalose métabolique hypochlorémique
En alcalose métabolique, il y a excès de HCO–3  : les cellules intercalaires
de type  B, via la pendrine apicale (figure  4.3), absorbent les ions Cl– de
la lumière tubulaire et excrètent les bicarbonates HCO–3. Toutefois, en
cas d’alcalose due à des vomissements par exemple (perte de HCl), avec

Figure 4.3. Transporteurs anioniques du tube collecteur.


La réabsorption de chlorure dans le tube collecteur a lieu principalement par la voie
paracellulaire selon le gradient électrique créé par la réabsorption de sodium par les
cellules principales. Toutefois, des transports d’ions chlorure finement régulés ont
aussi lieu dans les cellules dites intercalaires, en lien avec l’équilibre acido-basique :
– la cellule intercalaire de type A (à gauche) sécrète des ions H+ dans l’urine
(H+-ATPase apicale, en bleu) tout en absorbant des bicarbonates HCO3− dans
l’interstitium en échange de Cl– via l’échangeur anionique basolatéral AE1 (en gris) ;
– la cellule intercalaire de type B (à droite) possède des transporteurs membranaires
aux fonctions en miroir de celles des cellules de type A : les ions H+ sont réabsorbés
au pôle basolatéral ; son échangeur anionique, dénommé pendrine, est situé au pôle
apical et permet la sécrétion de HCO−3 dans l’urine en échange de Cl– luminal.
AE1, Anion Exchanger 1 ; AC, anhydrase carbonique.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du chlore 81


contraction volémique, hypochlorémie et hypochlorurie, la pendrine ne
fonctionne pas correctement (absence de Cl– luminal) et l’excès de HCO–3
n’est pas corrigé : l’alcalose se maintient. L’apport de chlore à ces patients
rétablit une chlorurie adaptée et corrige l’alcalose par sécrétion urinaire de
HCO–3  : on parle d’alcalose « sensible au chlore ».
Acidose respiratoire chronique
L’hypercapnie (PaCO2 augmentée) chronique qui induit l’acidose provoque
une adaptation rénale par réduction de l’expression de la pendrine dans
les cellules intercalaires de type B et augmentation de l’expression de AE1
dans les cellules intercalaires de type  A (figure  4.3), ce qui contribue à
l’augmentation de la concentration de bicarbonates dans le plasma et à la
déplétion en chlore.
Une acidose métabolique hyperchlorémique d’origine génétique
Dans l’acidose tubulaire distale de type  1 à transmission autosomique
dominante, le gène SLC4A1, qui code l’échangeur anionique AE1 des cellules
intercalaires de type A (figure 4.3), est muté. Le défaut du transport basola-
téral des ions HCO–3 provoque le défaut couplé d’excrétion apicale des ions
H+ : il y a acidose hyperchlorémique — pour respecter l’électroneutralité,
les ions Cl– s’accumulent en remplacement des ions HCO–3 déficitaires dans
le plasma — et défaut d’acidification de l’urine.

Le dosage du chlore : un test utile ?


Le dosage du chlore a indiscutablement une utilité diagnostique et peut être réa-
lisé dans le plasma, dans les urines et dans la sueur.

Dans le plasma
j En présence d’une natrémie normale, une anomalie de la chlorémie doit faire
rechercher un trouble acido-basique.
j Devant une acidose métabolique (cf. chapitre 6), la chlorémie permet de cal-
culer le trou anionique plasmatique :
Ÿ TAP = (Na+) – (Cl– + HCO3−) = 12 ± 4 mmol/l (formule la plus utilisée) ;
Ÿ TAP = (Na+ + K+) – (Cl– + HCO−3 ) = 16 ± 4 mmol/l.

Dans les urines


j La chlorurie permet de calculer le trou anionique urinaire et d’estimer ainsi
indirectement l’ammoniurie, importante pour raisonner devant une acidose
métabolique avec TAP normal (cf. figure 6.7 au chapitre 6) :
Ÿ TAU = (Na+u + K +u) – Clu− .
j La chlorurie permet également de raisonner devant une alcalose métabolique
(cf. figure 6.9 au chapitre 6).
82 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Dans la sueur
j Au cours de la mucoviscidose, la concentration de chlore dans la sueur est
> 60 mmol/l.
Facteurs de conversion
Chlore :
j mg/l × 0,028 → mmol/l
j mmol/l × 35,4 → mg/l

Hypochlorémies
Définition
L’hypochlorémie est définie par une chlorémie < 98 mmol/l.

Au cours des alcaloses métaboliques, l’hypochlorémie est constante (+++).

Étiologie
Les causes d’hypochlorémie sont réparties en deux grandes catégories :
j les hypochlorémies avec hyponatrémie hypo-osmolaire ;
j les hypochlorémies avec troubles acido-basiques.

Hypochlorémies avec hyponatrémie hypo-osmolaire


Elles sont associées à un bilan positif d’eau, en particulier dans les situations sui-
vantes :
j insuffisance cardiaque décompensée et autres situations avec œdèmes ;
j syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH.

Hypochlorémies avec troubles acido-basiques


Les principales causes sont énumérées dans le tableau 4.1.
La figure 4.4 illustre les modifications ioniques observées au cours des hypochlo-
rémies avec alcalose métabolique.
Au cours des vomissements ou lors de la phase de récupération d’une acidose
respiratoire, l’alcalose métabolique est dite « sensible au chlore ». En effet, l’apport
de chlore sans apports de sodium (sous forme de chlorure de potassium KCl)
corrige l’alcalose induite par la déplétion en chlore. En effet, les apports de chlore
entraînent une augmentation de chlore dans la lumière du tube collecteur et
augmentent directement l’excrétion urinaire de HCO−3 dans ce segment du tubule
(figures 4.2 et 4.3).
Au cours d’une hypochlorémie avec alcalose métabolique, un dosage de chlore
urinaire < 15 mmol/l est très évocateur de vomissements ou d’aspirations gas-
triques.
Anomalies du bilan du chlore 83

Tableau 4.1. Hypochlorémie et troubles acido-basiques.


Mécanismes Causes Trouble acido-basique
associé
Pertes digestives de chlore • Vomissements • Alcalose métabolique
• Aspirations gastriques • Alcalose métabolique
• Adénome villeux • Alcalose métabolique
• Iléostomie • Alcalose métabolique
• Diarrhées à chlore • Alcalose métabolique
Pertes rénales de chlore • Diurétiques • Alcalose métabolique
• Syndrome de Bartter* • Alcalose métabolique
• Syndrome de Gitelman* • Alcalose métabolique
• Hyperminéralocorticismes • Alcalose métabolique
• Acidose respiratoire chronique • Acidose respiratoire
Perfusion de sodium • Apports de bicarbonate • Alcalose métabolique
sans chlore de sodium
* Les syndromes de Bartter et de Gitelman sont détaillés dans le chapitre 5 « Anomalies du bilan du potassium »
(cf. tableau 5.4).

Figure 4.4. Hypochlorémie et alcalose métabolique.


Principales causes d’alcaloses hypochlorémiques par fuite de chlore, avec « envahissement »
de la colonne par les bicarbonates. Le schéma souligne l’importance de prendre en compte
la chlorurie.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
84 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Hyperchlorémies
Définition
L’hyperchlorémie est définie par une chlorémie > 105 mmol/l.

Étiologie
Les causes des hyperchlorémies se répartissent en trois groupes :
j les hyperchlorémies associées à une hypernatrémie ;
j les hyperchlorémies associées à une acidose métabolique ;
j les apports massifs de solutés riches en chlore.

Hyperchlorémies associées à une hypernatrémie


(Cf. chapitre 3.)
Elles sont donc secondaires à un bilan hydrique négatif, avec en particulier :
j les pertes d’eau cutanées (fièvre, sueurs, brûlures…) ;
j les pertes digestives (diarrhées…) ;
j les pertes rénales (diabète insipide central ou néphrogénique, diurèses osmo-
tiques, syndrome de levée d’obstacle…).

Hyperchlorémies associées à une acidose métabolique


Ces acidoses sont caractérisées par un trou anionique plasmatique normal  :
TAP = (Na+) – (Cl– + HCO−3 ) ≤ 12 ± 4 mmol/l.
Le tableau clinique et le calcul du trou anionique urinaire aident au diagnostic
étiologique (cf. chapitre 6) : TAU (Na+u + K +u – Clu− ).
Le tableau 4.2 résume les principales causes entrant dans ce cadre.

Tableau 4.2. Acidoses métaboliques hyperchlorémiques.


Mécanisme Causes
Accumulation aiguë • Intoxication au chlorure d’ammonium ou à l’acide chlorhydrique
d’acides
Pertes • Pertes digestives : diarrhées
de bicarbonates • Pertes rénales : acidose tubulaire proximale de type 2 avec défaut
de réabsorption des bicarbonates
Excrétion rénale • Acidose tubulaire distale (type 1) avec défaut de sécrétion
d’acides diminuée distale des ions H+
• Acidose tubulaire distale hyperkaliémique (type 4) avec
hyporéninisme et hypoaldostéronisme
Anomalies du bilan du chlore 85

La figure 4.5 illustre les modifications ioniques observées au cours des acidoses


hyperchlorémiques.

Apports massifs de solutés riches en chlore


Une situation fréquente mérite d’être soulignée, celle du patient admis en réa-
nimation :
j dans cette situation, des volumes importants de solutés riches en chlore sont
perfusés, responsables d’une hyperchlorémie ;
j en effet, la concentration de chlore est de :
Ÿ 154 mmol/l dans le soluté salé isotonique 0,9 % ;
Ÿ 160 mmol/l dans les solutions d’albumine ;
j l’acidose métabolique hyperchlorémique est fréquente et source de morbidité
et de mortalité augmentée pour certains auteurs ;
j les solutés de type Ringer lactate sont moins riches en chlore (109 mmol/l) et
sont pour cette raison parfois préférés.

Figure 4.5. Hyperchlorémie et acidose métabolique.


Acidose hyperchlorémique par excès d’apports de chlore, par perte de bicarbonates
ou par défaut d’excrétion acide.
TAU, trou anionique urinaire.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
86 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Entraînement
QCM 1
Une hypochlorémie est présente au cours :
A. D’une insuffisance cardiaque décompensée.
B. De vomissements importants.
C. D’un diabète insipide néphrogénique.
D. De la prise de diurétiques.
E. D’une acidose tubulaire de type 4 (hyporéninisme-hypoaldostéronisme).

QCM 2
Une hyperchlorémie est présente au cours :
A. D’un diabète insipide central.
B. D’un hyperminéralocorticisme.
C. D’une acidose tubulaire proximale de type 2.
D. De diarrhées abondantes.
E. De perfusions de grands volumes de soluté salé isotonique.

Bibliographie
Berend K, van Hulsteijn LH, Gans ROB. Chloride  : the queen of electrolytes? Eur J Intern Med
2012;23:203-11.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series..
St. Louis MO: Mosby-Elsevier; 2012.
Neyra JA, Canepa-Escaro F, Li X, et al. Association of hyperchloremia with hospital mortality in critically
ill septic patients. Crit Care Med 2015;43:1938-44.
CHAPITRE

5
Anomalies du bilan
du potassium

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques
� Notions de base sur le potassium
� Répartition du potassium dans l’organisme
� Entrées de potassium
� Sorties de potassium
� Transport rénal du potassium
� Régulation de la sécrétion rénale de potassium
� Transferts de potassium entre les secteurs intracellulaire et extracellulaire
� Médicaments influençant la kaliémie
j Les hypokaliémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement
j Les hyperkaliémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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88 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Rappels physiologiques
Notions de base sur le potassium
j Le potassium est un ion essentiellement présent dans le secteur intracellu-
laire, le potassium extracellulaire ne correspondant qu’à environ 2 % du potas-
sium total.
j La concentration intracellulaire de potassium est voisine de 120-140 mmol/l,
tandis que la concentration normale de potassium extracellulaire (et donc plas-
matique) est comprise entre 3,5 et 5 mmol/l.
j Le potassium joue un rôle fondamental dans la contraction des cellules mus-
culaires, et le maintien d’une kaliémie normale est une nécessité vitale. Ce main-
tien dépend :
Ÿ des apports de potassium (entrées) ;
Ÿ de l’excrétion du potassium (sorties) ;
Ÿ des transferts de potassium entre les secteurs intracellulaire et extracellu-
laire.
j Un point important  est le rôle de la Na+/K+-ATPase cellulaire ubiquitaire
(figure 5.1) :
Ÿ elle rejette le sodium hors de la cellule (trois ions Na+) et y fait entrer le
potassium (deux ions K+) ;

Figure 5.1. Pompe Na+/K+-ATPase.


La pompe Na+/K+-ATPase expulse trois ions Na+ hors de la cellule et permet l’entrée
de deux ions K+ dans la cellule.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du potassium 89

Ÿ son rôle est fondamental dans le maintien de concentrations stables de


sodium et de potassium dans les différents compartiments liquidiens de l’orga-
nisme : elle garde le sodium dans le secteur extracellulaire (et donc maintient le
volume extracellulaire) et le potassium dans le secteur intracellulaire, assurant
ainsi un potentiel de membrane de repos.
j Le potentiel de repos transmembranaire, élément-clé de l’excitabilité mus-
culaire, dépend du rapport potassium extracellulaire sur potassium intracellulaire.
Au cours des dyskaliémies, les anomalies de l’ECG sont un reflet de l’altération de
ce rapport.

Le rein est l’organe unique de contrôle de l’homéostasie du potassium de


l’organisme.

Facteurs de conversion
j mg/l × 0,025 → mmol/l
j mmol/l × 39 → mg/l

Répartition du potassium dans l’organisme


98 % du potassium se situe en secteur intracellulaire avec, comme illustré dans la
figure 5.2 :
j 77 % du potassium dans le muscle ;
j 9 % dans l’os ;
j 7 % dans le foie ;
j 7 % dans les globules rouges.

Entrées de potassium
La seule entrée est l’alimentation. Un régime habituel occidental apporte 60 à
120 mmol de potassium-élément par 24 heures.

Sorties de potassium
Les sorties sont, à l’état normal, égales aux entrées (figure 5.2).
Les sorties rénales, régulées, correspondent à 90 % du potassium ingéré.
Les sorties extrarénales, non régulées, se font par élimination digestive (5 à 10 %
du potassium ingéré).

Transport rénal du potassium


Chaque jour, environ 600 à 700 mmol de potassium sont filtrées par les glomé-
rules chez un sujet normal. Le transport tubulaire après filtration est résumé dans
la figure 5.3.
90 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 5.2. Répartition du potassium dans l’organisme.


La majeure partie du potassium est stockée dans les muscles. La kaliémie ne reflète
que 2 % du stock potassique.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Schématiquement :
j 60 à 65 % du potassium filtré sont réabsorbés au niveau du tube contourné
proximal, essentiellement par voie intercellulaire passive ;
j 25 à 30 % sont réabsorbés au niveau de la branche large ascendante de l’anse
de Henlé par un transport actif impliquant le cotransporteur apical Na-K-2Cl
(cotransporteur inhibé par les diurétiques de l’anse) ;
j les 5 % restants sont réabsorbés au niveau du tube collecteur.
C’est au niveau du tube collecteur que la régulation du bilan potassique a lieu :
Anomalies du bilan du potassium 91

Figure 5.3. Transport rénal du potassium.


La réabsorption de potassium a lieu majoritairement dans le tubule proximal.
La sécrétion a lieu dans le tube collecteur sous l’effet de l’aldostérone.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j l’ajustement du bilan du potassium se fait grâce à la sécrétion de potassium au


niveau des cellules dites principales du tube collecteur cortical ;
j en cas d’apports faibles de potassium, il n’y a pas de sécrétion ;
j en cas d’apports élevés de potassium, la sécrétion tubulaire augmente.
L’excrétion se fait grâce à plusieurs types de canaux potassiques situés au niveau
de la membrane apicale de ces cellules (figure 5.4).

Régulation de la sécrétion rénale de potassium


Cette sécrétion est modulée par le système rénine-angiotensine-aldostérone
(figures 5.4 et 5.5) avec stimulation de la sécrétion de potassium par l’aldostérone.
La sécrétion distale de potassium peut être estimée par un index, le GTTK (gra-
dient trans-tubulaire de potassium) :
K u+ Osmp
j GTTK =  × +  ;
Osmu Kp
j peu utilisé en routine, il est surtout utile en cas d’hypokaliémie :
Ÿ > 7, il correspond à une sécrétion élevée d’aldostérone ;
Ÿ < 4, il traduit une sécrétion basse d’aldostérone.

En cas d’hypokaliémie, le test le plus important pour raisonner est la kaliu-
rèse sur échantillon urinaire.
92 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 5.4. La cellule principale du canal collecteur.


L’aldostérone, via le récepteur cytoplasmique minéralocorticoïde, augmente
l’expression du canal à sodium épithélial (ENaC) situé au pôle apical, du canal
à potassium apical (ROMK) et stimule la Na+/K+-ATPase située au pôle basal
de la cellule, permettant ainsi la réabsorption du sodium et la sécrétion
de potassium.
ENaC, Epithelial Sodium Channel ; ROMK, Renal Outer Medullary Potassium channel.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Transferts de potassium entre les secteurs intracellulaire


et extracellulaire
Le maintien d’une kaliémie normale est influencé par des transferts de potassium
entre les milieux intracellulaire et extracellulaire. Ainsi :
j l’alcalose entraîne une hypokaliémie par transfert intracellulaire de potas-
sium ; l’effet de l’acidose métabolique est beaucoup moins constant et invite
Anomalies du bilan du potassium 93

Figure 5.5. Système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA).


L’aldostérone agit au niveau du tube collecteur, favorisant la rétention de sodium
et la sécrétion de potassium.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

à rechercher une autre cause à l’hyperkaliémie, en particulier une insuffisance


rénale ;
j les traitements β-adrénergiques favorisent les transferts de potassium du
secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire ;
j l’insuline a le même effet que les traitements β-adrénergiques.

Médicaments influençant la kaliémie


En pratique clinique, les dyskaliémies sont souvent d’origine médicamenteuse.
Le tableau 5.1 résume les principaux médicaments influençant la kaliémie, et leur
mécanisme d’action.
94 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 5.1. Principaux médicaments influençant la kaliémie.


Mécanisme
Médicaments • Insuline Transfert EC → IC
hypokaliémiants
• Bêtastimulants
• G-CSF
• Chloroquine et hydroxychloroquine
• Diurétiques thiazidiques Pertes rénales
• Diurétiques de l’anse
• Laxatifs Pertes digestives
• Aminoglycosides, foscarnet, Hypomagnésémie entraînant
cisplatine une hypokaliémie
Médicaments • Bêtabloquants non sélectifs Transfert IC → EC, inhibition
hyperkaliémiants de la rénine
• Digitaline Transfert IC → EC
• Succinylcholine (curare)
• AINS Diminution de la sécrétion
de rénine
• Ciclosporine, tacrolimus
• Héparine et HBPM Diminution de la sécrétion
d’aldostérone
• IEC et ARAII Inhibition du SRAA
• Spironolactone, éplérénone Antagonistes de l’aldostérone
• Amiloride Diminution de la sécrétion
de K+ par blocage du canal
• Triméthoprime
à sodium épithélial (ENaC)
• Pentamidine
EC, secteur extracellulaire ; IC, secteur intracellulaire ; G-CSF, facteur de croissance de la lignée granulocytaire ;
AINS, anti-inflammatoires non stéroïdiens ; IEC, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; ARAII, antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II ; SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone ; ENaC, Epithelial Sodium Channel.

Les hypokaliémies
Définition
L’hypokaliémie est définie par une kaliémie < 3,5 mmol/l.

Conséquences cliniques
Les conséquences cliniques sont inconstantes mais potentiellement graves :
j atteintes myocardiques : elles correspondent à des zones limitées de myolyse
et se traduisent sur l’ECG, selon l’importance de l’hypokaliémie, par (figure 5.6) :
Anomalies du bilan du potassium 95

Figure 5.6. Signes ECG au cours d’une hypokaliémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Ÿ un allongement du segment PR ;


Ÿ un sous-décalage du segment ST ;
Ÿ une diminution d’amplitude de l’onde T, voire une inversion de l’onde T
avec l’apparition d’une onde U ;
Ÿ une fibrillation auriculaire ;
Ÿ des extrasystoles ventriculaires, une tachycardie ventriculaire, une torsade
de pointe (figure 5.7) ; le risque de torsades de pointe est augmenté lors d’un
traitement par quinolones ;
j atteintes inconstantes des muscles striés :
Ÿ observées quand la kaliémie est < 2,5 mmol/l ;
Ÿ traduisant une rhabdomyolyse (augmentation des CPK) ;
Ÿ pouvant entraîner une paralysie flasque et une abolition des réflexes ostéo-
tendineux ;
j atteintes des muscles lisses :
Ÿ relativement rares ;
Ÿ se manifestant par un iléus paralytique ;
96 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 5.7. Torsade de pointe au cours d’une hypokaliémie.


ECG réalisé chez une patiente dont la kaliémie était de 2,4 mmol/l.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j troubles métaboliques :
Ÿ alcalose métabolique qui peut être cause (par transfert) ou conséquence
(par augmentation de l’ammoniogenèse et donc augmentation d’élimination
des ions H+) de l’hypokaliémie ;
Ÿ diabète insipide néphrogénique (polyurie hypotonique résistante à l’ADH
avec diminution d’expression des aquaporines 2 dans le tube collecteur) ;
Ÿ néphropathie interstitielle chronique en cas d’hypokaliémie à long terme.

Examens utiles
Examens utiles devant une hypokaliémie selon le contexte clinique :
j kaliurèse dans tous les cas ;
j créatininémie ;
j gaz du sang artériel ;
j magnésémie ;
j osmolalité plasmatique et urinaire (pour le calcul éventuel du GTTK) ;
j natriurèse ;
j dosages hormonaux en cas d’HTA : aldostéronémie, aldostéronurie, cortisolé-
mie, cortisolurie…

Étiologie
On distingue :
j les carences d’apport ;
j les hypokaliémies de cause digestive ;
Anomalies du bilan du potassium 97

j les hypokaliémies par perte rénale de potassium ;


j les hypokaliémies par transfert du secteur extracellulaire vers le secteur intra-
cellulaire.

Carences d’apport
Les carences d’apport s’observent essentiellement au cours :
j des anorexies mentales ;
j chez les patients hospitalisés au long cours, en particulier en réanimation, sous
nutrition parentérale.

Rappel
L’apport quotidien nécessaire est d’au moins 25 à 50 mmol par jour (soit
environ 2 à 4 g de KCl par jour).

Hypokaliémies de cause digestive


Le tableau 5.2 résume les principales causes et les troubles acido-basiques associés.
Au cours des vomissements, l’hypokaliémie n’est pas secondaire aux pertes diges-
tives — le liquide gastrique est pauvre en potassium et riche en chlore — mais à
une réponse rénale inadaptée :
j l’alcalose métabolique, qui entraîne une bicarbonaturie (élimination urinaire
des bicarbonates sous forme de bicarbonate de sodium ou de bicarbonate de
potassium, d’où la perte urinaire de potassium) ;
j l’hyperaldostéronisme secondaire à la déshydratation extracellulaire.

Hypokaliémies par perte rénale de potassium

Dans ce cas, la kaliurèse est toujours > 20-25 mmol/l (et le GTTK > 7-8).

Tableau 5.2. Causes des hypokaliémies d’origine digestive.


Cause Kaliurèse Trouble acido-basique
associé
• Vomissements et aspirations > 25 mmol/l Alcalose métabolique
gastriques Chlorurie basse (++)
• Fistules digestives < 20 mmol/l Acidose métabolique
• Abus de laxatifs < 20 mmol/l
• Diarrhées  : < 20 mmol/l Acidose métabolique
– Diarrhées infectieuses Pertes fécales de potassium
– Tumeurs pancréatiques
– Tumeur villeuse
98 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

On distingue :
j les hypersécrétions surrénaliennes ;
j les pertes rénales d’origine médicamenteuse ;
j les pertes rénales au cours de certaines néphropathies ;
j les causes génétiques.

Hypersécrétions surrénaliennes
Elles correspondent à une hypersécrétion minéralocorticoïde. La figure 5.8 décrit
les deux principales situations cliniques avec hyperaldostéronisme, primaire et
secondaire.
Le tableau 5.3 et la figure 5.9 résument les principales causes d’hypersécrétion sur-
rénalienne et syndromes apparentés.

Pertes rénales d’origine médicamenteuse


Ce sont principalement les diurétiques de l’anse et les diurétiques thiazidiques.
L’hypokaliémie rapportée aux diurétiques s’explique par :
j la stimulation de l’aldostérone rapportée à la déshydratation extracellulaire ou
à l’hypovolémie efficace ;
j la concentration de sodium augmentée dans le tubule distal favorisant les
échanges sodium-potassium au niveau du tube collecteur ;
j l’alcalose métabolique secondaire à la diminution du secteur extracellulaire ;
j l’hypomagnésémie.
D’autres traitements, responsables de lésions du tube contourné proximal (syn-
drome de Fanconi), peuvent entraîner une hypokaliémie :
j aminosides ;
j cisplatine, ifosfamide, 6-mercaptopurine ;
j ténofovir ;
j acide valproïque.

Pertes rénales au cours de certaines néphropathies


On inclut dans cette catégorie :
j les acidoses tubulaires proximales et certaines distales (cf. « Acidoses métabo-
liques » au chapitre 6) ;
j les polyuries observées lors des syndromes de levée d’obstacle ou de la phase
de guérison des nécroses tubulaires aiguës. La kaliurèse est élevée et il y a souvent
une perte urinaire de sodium associée, source de déshydratation extracellulaire

Causes génétiques d’hypokaliémie avec fuite rénale de potassium


Les deux principales sont le syndrome de Bartter et le syndrome de Gitelman.
Les principales caractéristiques de ces deux syndromes sont résumées dans le
tableau 5.4.
Anomalies du bilan du potassium 99

Figure 5.8. Hyperaldostéronismes.


A. Hyperaldostéronisme primaire : il s’accompagne d’une hypervolémie responsable
d’une inhibition de la rénine. B. Hyperaldostéronisme secondaire : en cas de sténose
de l’artère rénale et dans les situations d’hypoperfusion rénale, la rénine est activée
et stimule la production d’aldostérone via l’angiotensine II.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
100 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 5.3. Hypersécrétions surrénaliennes et syndromes apparentés


responsables d’hypokaliémie.
Causes Diagnostic
Hyperaldostéronisme primaire Rénine basse
(syndrome de Conn) • HTA
• Natrémie normale ou peu augmentée
• Aldostérone élevée (plasma et urines)
• Adénome ou hyperplasie (scanner)
Hyperaldostéronisme secondaire Rénine élevée
• Avec HTA :
– Sténose de l’artère rénale
– HTA maligne
– Tumeur à rénine (exceptionnelle)
• Avec œdèmes :
– Insuffisance cardiaque droite ou globale
– Cirrhose
– Syndrome néphrotique
Syndrome de Liddle • Anomalie du canal épithélial sodique ENaC
(pseudohyperaldostéronisme)
Hypercorticismes • Sécrétion d’ACTH (tumeurs)
• Cancer surrénalien
Autres causes • Déficit en 11β-hydroxylase
• Déficit en 17α-hydroxylase
• Abus de réglisse, pastis sans alcool

Indépendamment de ces syndromes rares, l’hypomagnésémie est une cause


et un facteur d’entretien d’une hypokaliémie (cf. chapitre 9 « Anomalies du
bilan du magnésium »).

Hypokaliémies par transfert du secteur extracellulaire vers le secteur


intracellulaire
Les principales causes sont :
j l’alcalose métabolique ou respiratoire  : l’alcalose métabolique chronique
entraîne, outre le transfert, une perte urinaire de potassium (à cause de la bicar-
bonaturie éliminée en partie sous forme de bicarbonate de potassium) ;
j l’insuline, qui stimule la Na+/K+-ATPase ;
j les médicaments bêtastimulants, qui favorisent la survenue de troubles du
rythme (cf. tableau 5.1) ;
j la crise de thyrotoxicose ;
j enfin, les exceptionnelles paralysies périodiques familiales hypokaliémiques à
transmission autosomique dominante.
Anomalies du bilan du potassium 101

Figure 5.9. Arbre diagnostique devant une hypokaliémie associée


à une hypertension artérielle.
Implications de la rénine et de l’aldostérone dans les différentes situations
d’hypokaliémie et d’hypertension artérielle.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
102 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 5.4. Causes génétiques d’hypokaliémie avec fuite rénale de potassium.


Syndrome de Bartter Syndrome de Gitelman
Âge du diagnostic Enfant Enfant ou adulte
Tableau Simule la prise de diurétiques de l’anse Simule la prise de
clinico-biologique (Na-K-2Cl) diurétiques thiazidiques
(cotransporteur Na-Cl)
Magnésémie Diminuée Diminuée
Volume extracellulaire Diminué Diminué
SRAA Activé Activé
Chlorurie Élevée Élevée
Calciurie Élevée Basse
Gènes mutés SLC12A1 (codant le cotransporteur SLC12A3 (codant pour
Na-K-2Cl NKCC2, sensible aux le cotransporteur Na-Cl
diurétiques de l’anse, cf. chapitre 12) NCC, sensible aux
KCNJ1 (codant le canal potassique diurétiques thiazidiques,
ROMK) cf. chapitre 12)
CLCNKB (codant un canal chlorique
basolatéral)
BSND (codant la barttine, sous-unité
d’un canal chlorique)
CASR (codant le récepteur CaSR)
SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone.

Arbre diagnostique
La figure 5.10 résume la démarche diagnostique devant une hypokaliémie.

Traitement
Traitement symptomatique des hypokaliémies
j Apports de chlorure de potassium :
Ÿ 1 gélule de Diffu-K 600© apporte 600 mg de chlorure de potassium, soit
8 mmol de potassium ;
Ÿ 1 comprimé de Kaleorid© LP 600 apporte 600 mg de chlorure de potassium
soit 8 mmol de potassium (soit 1 g de potassium-élément) ;
Ÿ 1 ampoule de KCl à 10  %, soit 1  g de chlorure de potassium, apporte
13,4 mmol de potassium (ampoule de 10 ml).
j Apports alimentaires riches en potassium : fruits et légumes frais et secs.

Rappel
j 1 g de KCl = 13,4 mmol de K+
Anomalies du bilan du potassium 103

Figure 5.10. Arbre diagnostique devant une hypokaliémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
104 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

En cas d’hypokaliémie modérée et asymptomatique (kaliémie > 2,6 mmol/l)


j Le traitement per os est souvent suffisant.
j Il consiste en des apports de 2 à 6 g par jour de chlorure de potassium.
j En cas d’hypokaliémie secondaire à la prise de diurétiques, ajouter ou rem-
placer un des diurétiques prescrits par un diurétique dit épargneur de potassium
(spironolactone, éplérénone, amiloride) — ces derniers diurétiques sont le traite-
ment de choix dans les situations d’hyperaldostéronisme.
En cas d’hypokaliémie sévère (kaliémie < 2,6 mmol/l) ou symptomatique
j La voie intraveineuse est nécessaire.
j Sans dépasser 1 g de KCl par heure et en disposant d’une bonne voie veineuse
(risque de thrombose).
j Il faut contrôler la kaliémie au moins deux fois au cours des premières 24 heures.

Traitement préventif des hypokaliémies


Un traitement préventif (apports per os de chlorure de potassium : 2 à 3 gélules
par jour, soit 16 à 24 mmol) doit être instauré systématiquement :
j en cas de traitement diurétique (surtout chez les sujets âgés) sauf en cas
d’insuffisance rénale associée ;
j en cas de corticothérapie prolongée ;
j lors d’une nutrition parentérale.

Les hyperkaliémies
Définition
L’hyperkaliémie est définie par une kaliémie > 5 mmol/l.

Quand elle est > 7 mmol/l, le risque vital est engagé.

Une pseudohyperkaliémie peut survenir dans les situations suivantes :


j prélèvement réalisé avec un garrot serré ou après contraction musculaire
(poing fermé) ;
j tube resté longtemps sur la paillasse avant le dosage ;
j hyperleucocytose ou thrombocytémie majeures.

Conséquences cliniques
Des conséquences cliniques s’observent en règle quand la kaliémie est ≥ 6 mmol/l :
j atteintes myocardiques :
Ÿ elles sont dues à une hypoexcitabilité myocardique et sont détectées par l’ECG
(figure 5.11), à réaliser systématiquement en cas d’hyperkaliémie ≥ 6 mmol/l :
Anomalies du bilan du potassium 105

Figure 5.11. Anomalies de l’ECG en cas d’hyperkaliémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

– grandes ondes T amples pointues et symétriques ;


– bloc sinoauriculaire avec disparition de l’onde P ;
– bloc auriculoventriculaire ;
– élargissement des complexes QRS ;
– bradycardie à QRS large précédant l’asystolie ;
Ÿ les arythmies ventriculaires (tachycardie et fibrillation) ne surviennent que
dans les situations suivantes :
– ischémie myocardique ;
– acidose sévère ;
– hypocalcémie ;
– intoxication digitalique ;
j atteinte des muscles striés : elles sont relativement rares :
Ÿ paresthésies péribuccales ;
Ÿ paresthésies des extrémités ;
Ÿ paralysie flasque ;
Ÿ défaillance respiratoire ;
106 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j acidose métabolique :
Ÿ favorisée par l’hyperkaliémie ;
Ÿ par diminution de l’ammoniogenèse rénale et donc de l’élimination des
ions H+ (cf. « Acidoses métaboliques » au chapitre 6).

Examens utiles
Examens utiles devant une hyperkaliémie :
j créatininémie et estimation du DFG ;
j glycémie ;
j kaliurèse ;
j gaz du sang artériel ;
j selon le contexte clinique  : aldostéronémie, aldostéronurie, cortisolémie et
cortisolurie.

Étiologie
On distingue :
j les hyperkaliémies par excès d’apport ;
j les hyperkaliémies secondaires à une insuffisance rénale aiguë ou chronique ;
j les hyperkaliémies secondaires à une insuffisance surrénale aiguë (maladie
d’Addison) ;
j les hyperkaliémies secondaires à des prises médicamenteuses ;
j les hyperkaliémies secondaires à un transfert du secteur intracellulaire vers le
secteur extracellulaire.

Hyperkaliémies par excès d’apport


Cette situation est exceptionnelle en dehors de l’insuffisance rénale.
L’excès d’apport (aliments riches en potassium, sels de régime, chlorure de potas-
sium, citrate de potassium) est un facteur surajouté fréquent en cas d’insuffisance
rénale chronique :
j en cas de traitement par bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone
ou par bêtabloquant ;
j en particulier chez les diabétiques et en cas d’obstacle chronique avec hyporé-
ninisme-hypoaldostéronisme.

Hyperkaliémies secondaires à une insuffisance rénale


L’insuffisance rénale, qu’elle soit aiguë ou chronique, est une cause majeure
d’hyperkaliémie par défaut d’élimination.
Au cours de l’insuffisance rénale aiguë
L’hyperkaliémie est fréquente quelle que soit la cause de l’insuffisance rénale
aiguë. Elle est particulièrement sévère :
Anomalies du bilan du potassium 107

j dans les formes oligo-anuriques ;


j dans les insuffisances rénales aiguës obstructives ;
j au cours des rhabdomyolyses et des syndromes de lyse tumorale.

Au cours de l’insuffisance rénale chronique


L’hyperkaliémie, ne survenant qu’à un stade avancé, est souvent modérée. Il faut
toujours rechercher :
j des apports alimentaires trop élevés en potassium ;
j la prise de diurétiques épargneurs de potassium (contre-indiqués en cas
d’insuffisance rénale chronique) ;
j un hyporéninisme-hypoaldostéronisme.

L’hyporéninisme-hypoaldostéronisme est secondaire à un dysfonctionne-


ment de l’appareil juxtaglomérulaire, lieu de synthèse de la rénine.

Pour parler d’hyporéninisme-hypoaldostéronisme, où l’hyperkaliémie est directe-


ment secondaire à l’hypoaldostéronisme, il faut :
j une insuffisance rénale chronique modérée (DFG > 25-30 ml/min/1,73 m2),
car à ce stade une hyperkaliémie ne devrait pas être présente ;
j une acidose métabolique (acidose tubulaire de type 4 ; cf. chapitre 6).
Ce syndrome concerne environ 10 % des patients avec insuffisance rénale chro-
nique, dont les causes les plus fréquentes sont :
j la néphropathie diabétique ;
j les obstacles chroniques bilatéraux et les reflux ;
j la drépanocytose ;
j certaines néphropathies interstitielles chroniques.
Enfin, chez le patient dialysé, des accidents graves d’hyperkaliémie peuvent sur-
venir, en rapport avec l’absence totale d’excrétion rénale mais aussi les apports
alimentaires excessifs.

Hyperkaliémies secondaires à une insuffisance surrénale aiguë


La maladie d’Addison est caractérisée par un déficit qui touche à la fois le cortisol
et l’aldostérone.
Les principaux signes cliniques sont :
j asthénie ;
j hypotension artérielle  ;
j déshydratation extracellulaire (vomissements, pertes rénales de sodium) ;
j mélanodermie.
Les signes biologiques, outre l’hyperkaliémie, sont :
j hyponatrémie de déplétion ;
j natriurèse élevée, inadaptée à l’hypovolémie par hypoaldostéronisme ;
108 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j hypoglycémie ;
j tendance à l’acidose métabolique ;
j aldostéronémie et cortisolémie basses ;
j réninémie élevée.

Attention
Il s’agit d’une urgence et le traitement doit être rapidement entrepris.

Hyperkaliémies secondaires à des prises médicamenteuses


Deux cadres physiopathologiques doivent être distingués :
j les médicaments qui interfèrent avec l’excrétion rénale du potassium ;
j les médicaments qui favorisent le transfert du potassium du secteur intracellu-
laire vers le secteur extracellulaire.
Les principales substances en cause sont résumées dans le tableau 5.1.

Hyperkaliémies secondaires à un transfert du secteur intracellulaire


vers le secteur extracellulaire
Outre les médicaments (tableau 5.1), les hyperkaliémies de transfert s’observent
au cours des acidoses. Il n’y a cependant pas de corrélation nette entre le pH
sanguin et la kaliémie.

Arbre diagnostique
La conduite diagnostique devant une hyperkaliémie est résumée dans la
figure 5.12.

Traitement
Traitement des hyperkaliémies modérées
Sans signes ECG, essentiellement au cours de l’insuffisance rénale chronique.
j Régime pauvre en potassium.
j Résines échangeuses d’ions, en général à la dose d’une cuillère-mesure à pren-
dre une à trois fois par jour :
Ÿ polystyrène sulfonate de sodium (Kayexalate©) ;
Ÿ polystyrène sulfonate de calcium (Resikali©) ;
Ÿ polystyrol sulfonate calcique (Calcium sorbisterit©) ;
Ÿ enfin, le patiromer, bientôt disponible en France, échange du calcium
contre du potassium ; en plus de contrôler la kaliémie, cette résine diminue
l’absorption intestinale de phosphore, avantage majeur au cours de l’insuffi-
sance rénale chronique.
Anomalies du bilan du potassium 109

Figure 5.12. Arbre diagnostique devant une hyperkaliémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j Le bicarbonate de sodium :
Ÿ préparation officinale de gélules, à la dose de 2 à 4 g par jour ;
Ÿ ou eau de Vichy (3 à 4 g/l) ;
Ÿ ces traitements ne sont qu’un ajout, essentiellement efficace en cas d’aci-
dose métabolique associée.
j Les diurétiques de l’anse aident au contrôle de la kaliémie.
Traitement des hyperkaliémies sévères avec signes ECG

Attention
Il s’agit d’une urgence vitale.
110 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Le traitement repose sur :


j l’arrêt des médicaments hyperkaliémiants ;
j la perfusion de soluté glucosé avec insuline ;

Exemple
250 ml de glucosé 10 % avec insuline rapide en intraveineux (10 à 15 UI) à
passer en 30 minutes.

j l’injection d’une ampoule de gluconate ou de chlorure de calcium, à passer


en 2 à 3 minutes (en l’absence d’intoxication digitalique) ; le calcium a un effet
antagoniste du potassium sur la conduction myocardique ;
j la perfusion de bicarbonate de sodium isotonique (1,4  %) en cas d’acidose
métabolique, contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque ou de surcharge
hydrosodée ;
j les diurétiques de l’anse à fortes doses en cas d’œdème pulmonaire associé
aident au contrôle de la kaliémie ;
j l’administration d’un bêtastimulant (salbutamol) par voie IV (0,10 µg/kg/min)
ou en inhalation — cette mesure est cependant discutée car elle pourrait favoriser
la survenue de troubles du rythme ;
j enfin, l’hémodialyse, très efficace, qui doit être entreprise le plus vite possible.

Prévention de l’hyperkaliémie
Au cours des insuffisances rénales, la prévention de l’hyperkaliémie repose sur :
j l’administration de résines échangeuses d’ions ;
j les mesures diététiques (limitation des apports de potassium).

Situation particulière
Suspension du traitement hyperkaliémiant
L’hyperkaliémie induite par les bloqueurs du système rénine-angiotensine-
aldostérone prescrits pour une néphroprotection et/ou une cardioprotec-
tion chez l’insuffisant rénal, l’insuffisant cardiaque sous spironolactone ou
le patient diabétique hypertendu exige un arrêt transitoire du traitement
hyperkaliémiant et les mesures thérapeutiques suscitées, mais pas forcé-
ment un arrêt définitif.

Attention
La survenue d’une hyperkaliémie est souvent multifactorielle. Il ne faut
pas interrompre définitivement un traitement efficace après un épisode
d’hyperkaliémie.
Anomalies du bilan du potassium 111

Entraînement
Cas clinique 1
On vous appelle à l’aide pour une kaliémie à 2,9  mmol/l. L’examen clinique est peu
contributif. La pression artérielle est à 125/70 mm Hg.
1. Citez deux examens essentiels à demander en première intention.
2. La kaliurèse est à 42 mmol/l. Quels sont les diagnostics compatibles avec ce tableau ?
A. Diarrhée chronique.
B. Prise de diurétiques.
C. Syndrome de Cushing.
D. Acidose tubulaire proximale.
E. Syndrome de Gitelman.
Cas clinique 2
Une femme de 28 ans a des céphalées occipitales depuis 4 mois. La pression artérielle
s’inscrit à 170/110 mm Hg. L’échographie avec Doppler rénal révèle une fibrodysplasie
de l’artère rénale gauche. Vous prescrivez un ionogramme plasmatique et urinaire. Vous
vous attendez à constater :
A. Une hyponatrémie.
B. Une hypokaliémie.
C. Une acidose métabolique.
D. Une natriurèse > 150 mmol/l.
E. Une kaliurèse > 20 mmol/l.
QCM 1
Parmi les signes ECG suivants, lequel (lesquels) peut (ou peuvent) être en rapport avec
une hyperkaliémie ?
A. Bloc auriculoventriculaire.
B. Flutter auriculaire.
C. Fibrillation ventriculaire.
D. Inversion de l’onde T.
E. Asystolie.
QCM 2
L’acidose métabolique avec hyperkaliémie s’observe au cours :
A. De vomissements abondants.
B. De l’insuffisance rénale chronique sévère (DFG estimé à 10 ml/min/1,73 m2).
C. Des diarrhées.
D. De la néphropathie diabétique compliquée d’hyporéninisme-hypoaldostéronisme.
E. Des traitements par diurétiques de l’anse.
QCM 3
Une hyperkaliémie peut être aggravée par :
A. Les héparines de bas poids moléculaire.
B. Les agents bêtastimulants.
C. La digitaline.
D. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II.
E. Le triméthoprime.
112 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Bibliographie
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end-stage renal disease and mortality in chronic kidney disease. Am J Nephrol 2015;41(6):456-63.
CHAPITRE

6
Anomalies de l’équilibre
acido-basique

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques
� Notions de base
� Définitions des troubles de l’équilibre acido-basique
j Les acidoses métaboliques
� Définition
� Conséquences cliniques
� Étiologie
� Traitement
� Arbre diagnostique
j Les alcaloses métaboliques
� Définition
� Conséquences cliniques
� Étiologie
� Traitement
� Arbre diagnostique
j Les acidoses respiratoires
� Définition
� Conséquences cliniques
� Étiologie
� Principes thérapeutiques
j Les alcaloses respiratoires
� Définition
� Conséquences cliniques
� Étiologie
� Principes thérapeutiques

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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114 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Troubles complexes de l’équilibre acido-basique


� Généralités
� Principales causes des troubles complexes

Rappels physiologiques
Notions de base
pH extracellulaire
Le pH artériel normal est compris entre 7,38 et 7,42 (le pH intracellulaire est plus
bas : voisin de 7,20) et correspond à une concentration d’ions H+ de 37 à 43 nmol/l
(soit 0,000037 à 0,000043 mmol/l).
La norme du pH est très étroite :
j toute augmentation du pH de 0,3 correspond à une diminution de moitié de
la concentration d’ions H+ ;
j toute diminution du pH de 0,3 correspond à un doublement de la concen-
tration d’ions H+.
Le système bicarbonate (HCO−3 )/acide carbonique (H2CO3), dont le pK est de 6,1,
est le principal tampon extracellulaire.
La PaCO2 (pression partielle de dioxyde de carbone dans le sang artériel, ou
capnie) correspond à la quantité résiduelle de dioxyde de carbone dans le sang
artériel après élimination de l’excès de dioxyde de carbone par le poumon. Elle est
comprise entre 35 et 45 mm Hg.
Le pH est défini par l’équation d’Henderson-Hasselbalch :
[HCO3− ] [HCO3− ]
pH = 6,1 + log10 = 6,1 + log10 .
H2 CO3 0,03 x PaCO2
[Avec les concentrations en mmol/l et PaCO2 en mm Hg.]

Définition
Valeurs normales dans le sang artériel :
j
pH = 7,38 à 7,42.
j
[HCO3–] = 22 à 27 mmol/l.
j
PaCO2 = 38 à 42 mm Hg.
Valeurs normales dans le sang veineux :
j
pH = 7,32 à 7,38.
j
[HCO3−] = 23 à 27 mmol/l.
j
PCO2 = 42 à 50 mm Hg.

L’équation d’Henderson-Hasselbalch exprime les relations entre les différents


acteurs du tampon des bicarbonates, dont la fonction est de titrer l’excès de pro-
tons H+ selon l’équation suivante :
Anomalies de l’équilibre acido-basique 115

H+ + HCO−3 ⇆ H2CO3 ⇆ H2O + CO2


L’efficacité du tampon des bicarbonates repose sur les fonctions :
j ventilatoires (élimination par les poumons du CO2 produit) ;
j rénales (régénération par le rein des bicarbonates consommés).

Production acide
Acides volatils
Chaque jour, il faut éliminer la production acide, qui provient essentiellement
du métabolisme des glucides et des lipides, dont l’oxydation complète — en
aérobiose, c’est-à-dire lorsque la perfusion tissulaire est normale — produit du
CO2 et de l’eau. Dans les conditions normales, ce CO2 est entièrement évacué par
les poumons et n’entre pas en compte dans l’équilibre acide-base.
Cette production d’acides dits « volatils » est de 15 000 mmol de CO2 par jour.
Acides non volatils, ou fixes 
Les acides « non volatils » résultent :
j d’apports alimentaires (alimentation riche en phosphates) ;
j du métabolisme des protides, qui génère des acides minéraux fixes :
Ÿ métabolisme des acides aminés contenant des sulfates (cystéine, méthio-
nine), qui aboutit à la production d’acide sulfurique H2SO4 ;
Ÿ métabolisme de la lysine, de l’arginine, de l’histidine, qui aboutit à la produc-
tion d’acide chlorhydrique HCl ;
j de la faible production d’acide lactique et d’autres anions organiques : acides
organiques non métabolisés fixes.
C’est cette production d’acides non volatils quotidienne que le système des bicarbo-
nates tamponne continûment, en consommant du HCO−3 et en produisant du CO2.
Trou anionique plasmatique
Le trou anionique plasmatique mesure la différence de concentration entre les
anions et les cations contenus dans le plasma.

À savoir
Pour le physiologiste, le trou anionique plasmatique est estimé en mEq/l et
non en mmol/l, car il concerne des charges.
j
1 mmol/l de Na+ correspond à 1 mEq/l
j
1 mmol/l de Ca++ correspond à 2 mEq/l

Dans le plasma, la concentration des cations en mEq/l est égale à celle des anions
(électroneutralité).
Le calcul du trou anionique plasmatique (TAP), à partir des données du iono-
gramme sanguin, utilise la formule :
TAP = Cations dosés – Anions dosés = (Na+ + K+) – (Cl– + HCO3−).
116 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

La concentration de potassium variant peu, le potassium est, le plus souvent, non


pris en compte dans le calcul du TAP, d’où :
TAP = Na+ – (Cl– + HCO−3 ).
Sa valeur normale est 12 ± 4 mEq/l.
(Si le potassium est pris en compte, la valeur normale du TAP est alors de
16 ± 4 mEq/l.)
Cette valeur positive est due au fait que les analyses biologiques de routine
mesurent la plupart des cations mais un nombre plus restreint d’anions (le « trou
anionique ») (figure 6.1).
Les principaux anions indosés expliquant le TAP sont :
j les protéines (15 mEq/l) ; de ce fait, le TAP doit être ajusté aux valeurs de l’albuminé-
mie (TAP diminué de 4 mmol/l pour chaque diminution de l’albuminémie de 10 g/l) ;
j les phosphates (2 mEq/l) ;
j les sulfates (1 mEq/l) ;
j les acides organiques (5 mEq/l).
La figure 6.1 schématise le TAP normal et en cas d’acidose métabolique.

A. Situation B. Acidose C. Acidose


normale métabolique avec métabolique
surcharge acide hyperchlorémique
150 = 150
mEq/l mEq/l

Na+ Cl– Cl– Cl–


Seuil des cations indosés

HCO–3
HCO–3
TAP HCO–3
TAP TAP
K+ normal normal

Cations Anions Anions Anions


indosés indosés indosés indosés

Figure 6.1. Le trou anionique plasmatique (TAP) correspond à la différence entre


les anions indosés et les cations indosés.
A. Situation normale. B. Acidose normochlorémique par envahissement de la colonne
des anions par des acides organiques au détriment des bicarbonates. C. Acidose
hyperchlorémique par perte de bicarbonates avec envahissement de la colonne
des anions par le chlore.
(Pour simplifier le schéma, les cations Ca++ et Mg++ n’apparaissent pas).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies de l’équilibre acido-basique 117

Excrétion nette d’acides, trou anionique urinaire

Il est important de comprendre qu’au niveau de l’organisme, la consomma-


tion d’un ion bicarbonate est équivalente à la production d’un ion H+, et
inversement. C’est pourquoi, dans les conditions normales d’équilibre acide-
base, il y a égalité entre :
j
la production nette d’acides non volatils, titrés immédiatement par le
tampon des bicarbonates, en consommant des HCO3– (≈ 60 mmol par
jour) ;
j
et l’excrétion nette acide par le rein, qui excrète des ions H+ tout en régé-
nérant les HCO3– de novo (≈ 60 mmol par jour).
NB : Le stock plasmatique total d’environ 350 mmol de bicarbonates ne suffi-
rait théoriquement que pour 5 ou 6 jours s’il n’était pas renouvelé constam-
ment par le rein (cf. infra).

Excrétion nette d’acides


Le rôle du rein est double :
j le rein réabsorbe 100 % des bicarbonates filtrés, soit environ 4 500 mmol par
jour ; à l’état normal, la bicarbonaturie est quasiment nulle ;
j le rein élimine les ions H+ dans l’urine, tout en régénérant de novo des bicar-
bonates.
La charge acide quotidienne à éliminer (acides non volatils, cf. supra) est d’environ
1 mmol/kg par jour. Pour un individu de 60 kg, l’excrétion nette d’acide est donc
de 60 mmol par jour.
L’élimination de cette charge acide correspond à l’équation suivante, qui semble
complexe mais est en fait relativement simple :
Excrétion nette d’acides = Ammonium (NH+4 ) + Acidité titrable (AT)– Bicar-
bonaturie.
Ainsi, pour un individu de 60 kg, l’excrétion nette d’acide est de 60 mmol par jour,
avec environ 40 mmol excrétés sous forme de NH+4 , 20 mmol d’AT et une excrétion
urnaire de bicarbonates nulle.
Ces paramètres ne sont pas mesurés en routine, d’où l’importance de la mesure
du trou anionique urinaire, qui permet une estimation indirecte du NH+4 urinaire
éliminé (cf. infra).
j L’acidité titrable AT correspond aux protons tamponnés surtout par les phos-
phates, mais aussi par la créatinine, le citrate :
Ÿ elle est appelée ainsi car elle est quantifiée par titration de l’urine, jusqu’à un
pH de 7,40 qui est le pH plasmatique ;
Ÿ elle correspond à l’excrétion de 35 à 40 % de l’élimination des acides non
volatils.
j L’ammoniurie est la forme la plus importante d’élimination des ions H+ :
118 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Ÿ elle correspond à l’excrétion de 60 à 65 % de l’élimination des acides non


volatils ;
Ÿ surtout : elle est modulable.
j Enfin, la bicarbonaturie est nulle à l’état normal, puisque le rein réabsorbe la
quasi-totalité des bicarbonates.
L’ammoniurie est donc le mécanisme principal régulé de l’acidification de l’urine.
Le tableau 6.1 résume les points importants concernant l’ammoniogenèse et les
figures 6.2 et 6.3 le comportement rénal de l’ammonium.

Tableau 6.1. Ammoniogenèse.

Génération d’ammoniac • Synthèse de NH3/NH+4 dans le tube contourné proximal à


(NH3)/d’ion ammonium partir de la glutamine
(NH+4 ) • Sécrétion dans la lumière du tubule contourné proximal
• Puis diffusion passive du NH3 et accumulation dans l’inter-
stitium rénal médullaire
• Dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé, l’ion
ammonium NH+4 est activement réabsorbé, participant à
l’accumulation médullaire
• Passage (favorisé par le gradient de concentration médullaire)
du NH3 dans la lumière du tube collecteur, où sont en outre
sécrétés les ions H+
• Élimination des ions H+ sous forme de NH+4
Facteurs stimulant • Acidose métabolique
l’ammoniogenèse • Aldostérone
• Hypokaliémie
Estimation • Mesure non faite en routine
de l’ammoniurie • Estimation par le calcul du trou anionique urinaire (+++)
• Selon la formule : (Na+ + K+) – Cl–
• Utile en cas d’acidose métabolique avec TAP normal (cf. infra)
Anomalies de l’équilibre acido-basique 119

Lumière tubulaire

NH+4 NH3 + H+

Glutamine
Na+ Na+

NH+4 NH3 + H+
Glutamine
HCO–3

Glutamine Na+ 3HCO–3 3 Na+ 2 K+

Capillaire péritubulaire

Figure 6.2. Synthèse et sécrétion d’ammonium par le tubule proximal.


Synthèse de NH3/NH+4 à partir de la glutamine dans le tube contourné proximal. 100 % de
l’ammonium excrété dans l’urine est sécrété par le tubule proximal. Créé en même temps
qu’un ion H+ au cours de l’ammoniogenèse proximale (équilibre acido-basique inchangé),
un ion bicarbonate est réabsorbé via un transporteur basolatéral. Canaux apicaux :
échangeur NHE3 en vert clair ; H+-ATPase en bleu. Canaux basolatéraux : cotransporteur
Na+-3 HCO3− en vert foncé ; Na+/K+-ATPase en rouge.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
120 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Glutamine
NH+4

Cor
H+ NH3 tex
NH3 Mé
H+ dull
aire
NH+4 NH+4

NH3 H+

NH3
Accumulation
médullaire NH+4

Ammoniurie

Figure 6.3. Comportement rénal de l’ammonium.


Transport rénal de l’ammonium (NH3/NH+4 ) le long du néphron avec, en particulier,
diffusion passive de NH3 dans l’interstitium médullaire, création d’un gradient et
diffusion dans la lumière tubulaire au niveau du tube collecteur (cf. tableau 6.1).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Trou anionique urinaire


Le calcul du trou anionique urinaire (TAU) est une méthode indirecte pour
estimer la quantité de NH+4 urinaire éliminée (indosé), et donc pour évaluer la
réponse rénale à l’acidose.
TAU = (Nau+  +  K u+ ) – Clu− .
Le trou anionique urinaire est physiologiquement discrètement positif.
Son calcul n’a d’intérêt qu’au cours des acidoses métaboliques avec TAP normal
(+++) (cf. infra).
La figure 6.4 résume les différentes situations :
+
j un TAU négatif signifie une excrétion importante de NH4 , excrétion traduisant
une réponse rénale adaptée et donc une acidose secondaire à des pertes digestives ;
+
j à l’opposé, un TAU positif correspond à une faible excrétion de NH4 , et donc
à une réponse rénale inadaptée comme observé au cours des acidoses métabo-
liques de cause rénale.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 121

B. Acidose métabolique C. Acidose métabolique


A. Situation normale avec TAP normal de avec TAP normal de
cause digestive cause rénale

Na+ Cl– Na+ Cl–


(150 (200
mmol/l) mmol/l)
Na+ Cl–

K+

K+ TAU
(80 <0
mmol/l) TAU K+
= + 30
NH+4 TAU
>0
NH+4 (80
NH+4
(40 mmol/l) mmol/l) (30 mmol/l)

Anions Anions Anions


indosés indosés indosés
Figure 6.4. Trou anionique urinaire.
A. En situation normale, le TAU est faiblement positif (ici, environ 30 mEq/l). B. En cas
d’acidose métabolique avec TAP normal (dite hyperchlorémique) de cause digestive,
le rein s’adapte en augmentant la quantité de NH+4 urinaire. Le TAU devient négatif
(habituellement entre – 20 et – 50 mEq/l). C. En cas d’acidose métabolique avec TAP
normal (dite hyperchlorémique) de cause rénale, la production de NH+4 est diminuée
(réponse inadaptée à l’acidose) et le TAU est positif.
(Pour simplifier le schéma, les cations Ca++ et Mg++ n’apparaissent pas).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Rôle du rein : réabsorption de bicarbonates, sécrétion d’ions H+ et


régénération du tampon des bicarbonates
Bicarbonates
La majeure partie des bicarbonates HCO−3 filtrés est réabsorbée le long du néphron
(figure 6.5) :
j 80 % dans le tube contourné proximal ;
j 10 % dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé ;
j 10 % au niveau des segments plus distaux (tube contourné distal et tube col-
lecteur).
Cette réabsorption est encore augmentée en cas d’hypovolémie (avec alcalose
dite de contraction).
Ions H+
La sécrétion tubulaire d’ions H+ qui a lieu au niveau des cellules intercalaires de
type A (ou alpha) du tube collecteur cortical est stimulée par l’aldostérone.
122 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Génération
Réabsorption d’HCO–3 de novo
complète des couplée à l’excrétion des
HCO–3 filtrés ions H+, régulée par
80 % l’aldostérone
6%

HCO–3 filtrés 4%
( 4 500
mmol/j) 10 %

H+ HCO–3

< 0,1 % (Bicarbonaturie nulle)

Figure 6.5. Transport rénal du bicarbonate.


La réabsorption de HCO3− a lieu majoritairement dans le tubule proximal, pour partie dans la
branche ascendante de l’anse de Henlé et quelques pourcents dans le tubule distal. Dans les
conditions normales, la réabsorption est complète. En outre, des ions HCO3− « nouveaux »
sont régénérés dans le tube collecteur, phénomène couplé à l’excrétion d’ions H+.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

L’aldostérone joue donc deux rôles importants au niveau des segments dis-
taux du tubule : elle stimule la sécrétion des ions K+ (cf. chapitre 5) mais aussi
celle des ions H+.
Les mécanismes de sécrétion d’ions H+ dans le tube collecteur, où ils sont fixés
puis excrétés sous forme d’ions NH+4 , sont représentés dans la figure 6.6 : pour
chaque ion H+ excrété dans le tube collecteur, un ion bicarbonate est généré
de novo et rejoint la circulation sanguine où il reconstitue la réserve de tampon
des bicarbonates, compensant leur consommation par les acides non volatils.

Pour aller plus loin


Rôle des phosphates urinaires
Une autre composante de l’excrétion des ions H+ est, selon le même prin-
cipe, leur fixation dans la lumière du tube collecteur par les ions phos-
phates (pourvoyeurs de l’acidité titrable AT)  ; cette modalité d’excrétion
n’est toutefois pas modulable et est rapidement saturée lors d’une acidose,
contrairement à l’ammoniurie.

En cas de trouble acido-basique, la régulation rénale met quelques jours à se


mettre en place.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 123

A. Tube Lumière tubulaire Figure 6.6. Rôles du rein :


contourné
proximal HCO–3 filtré réabsorption des bicarbonates,
H2O + CO2
AC
H2CO3 excrétion des ions H+ sous forme
+
H
de NH4+ , régénération des ions
bicarbonates.
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIII A. Dans le tube contourné
Na+
proximal a lieu la réabsorption
des ions bicarbonates issus de la
H+
AC
filtration glomérulaire : un ion
H2O + CO2 H2CO3
H+ transporté (par un échangeur
HCO–3 Na+/H+) dans la lumière tubulaire
réagit avec le bicarbonate, ce qui
Cl– crée du CO2 et de l’eau ; arrivés
dans la cellule par le pôle apical,
CO2 et H2O sont reconvertis en
2 K+ 3 Na+ Na+ H+ et bicarbonate par l’anhydrase
HCO3–
réabsorbé
Pendrine carbonique intracellulaire : le
bicarbonate est réabsorbé au pôle
basolatéral par un échangeur
anionique, tandis que le proton
Capillaire péritubulaire sort de nouveau de la cellule.
On notera que, lors de cette
étape dans le tubule proximal,
le bicarbonate est simplement
réabsorbé (d’un ion luminal, on
obtient un ion interstitiel) et
qu’aucun proton n’est excrété
(puisque les ions H+ suivent un
B. Tube Lumière tubulaire
collecteur cycle avec passages successifs du
(cellule de NH3
type A) Excrétion
NH4+
milieu intracellulaire à la lumière
urinaire
H+ excrété tubulaire) : le bilan est neutre
pour l’équilibre acide-base.
B. L’excrétion des ions H+ a lieu
majoritairement via l’excrétion
K+
urinaire de NH+4 au niveau des
cellules intercalaires de type A
H+
H2O AC (ou alpha) du tube collecteur. La
+
CO2
H2CO3 sortie de protons dans la lumière
HCO3– se fait grâce à la H+/K+-ATPase
(en rouge) et à la H+-ATPase (en
K+ Cl– Cl– bleu, stimulée par l’aldostérone),
situées au pôle apical. Le NH3
accumulé dans l’interstitium
Pendrine HCO–3 NH3
médullaire diffuse selon son
CO2 de novo médullaire gradient de concentration et
atteint la lumière, fixant alors l’ion
H+ sous forme de NH+4 , excrété
dans l’urine. Lors de la réaction
Capillaire péritubulaire
mettant en jeu l’anhydrase 
124 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

 C. Tube Lumière tubulaire carbonique, un ion bicarbonate


collecteur
(cellule de est généré de novo, qui rejoint
type B) HCO–3 la circulation sanguine par
excrété
transport au pôle basolatéral,
Pendrine Cl– renouvelant le tampon des
bicarbonates consommé. C. Les
cellules intercalaires de type B
(ou bêta) du tube collecteur
HCO–3
jouent un rôle important
H2O
+
AC
H2CO3
en cas d’alcalose : la pompe
CO2
H+
H+-ATPase, localisée au pôle
basolatéral, sécrète les ions H+
dans le liquide interstitiel, tandis
que la protéine pendrine, un
échangeur anionique, excrète
les ions bicarbonates au pôle
Cl– H+
apical en échange de chlore
CO2
de novo urinaire. On peut considérer leur
fonction comme miroir de celle
des cellules de type A.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Capillaire péritubulaire

Rôle du poumon
En cas de surcharge acide, les ions H+ favorisent la transformation des ions bicar-
bonates HCO3− en acide carbonique H2CO3 (cf. supra, réactions du tampon des
bicarbonates).
L’H2CO3, très volatil, est dissocié en CO2 et H2O au niveau des alvéoles pulmo-
naires, l’ion H+ disparaissant sous forme d’H2O et le CO2 étant éliminé par le pou-
mon (système ouvert), ce qui entraîne une diminution de la PaCO2.
Le système tampon des bicarbonates-poumons, ouvert, est indispensable au
maintien du pH extracellulaire : il réagit instantanément et continûment.
Au cours de cette réaction, un ion HCO3− est consommé et doit être régénéré par le rein.

Pour comprendre
Acidose mixte
Au cours d’une acidose métabolique, l’hyperventilation avec pour consé-
quence la baisse de la PaCO2 est relativement prévisible et peut être esti-
mée par la formule de Winter :
PaCO2attendue = 1,5 × [HCO3−] + 8 ± 2.
[Avec PaCO2 en mm Hg, [HCO−3] en mmol/l.]
Si la PaCO2 observée est supérieure à la PaCO2 attendue, il existe une
composante ventilatoire à l’acidose (acidose mixte).
Cette formule est utile en cas de suspicion de trouble mixte (cf. infra).
Anomalies de l’équilibre acido-basique 125

Définitions des troubles de l’équilibre acide-base


Les troubles de l’équilibre acido-basique sont définis dans le tableau  6.2 et la
figure 6.7.
En pratique, la mesure de la bicarbonatémie se fait par colorimétrie.
NB : C’est en fait le CO2 total qui est mesuré (incluant le CO2 dissout qui est égal
à 0,03 × PCO2), ce qui ajoute 1 ou 2 mmol/l à la concentration de HCO3− — cette
différence étant considérée comme très modeste pour l’analyse clinique.

Tableau 6.2. Troubles acido-basiques simples.


pH [HCO3− ] PaCO2
Acidose métabolique ↓ ↓ ↓
(Cause) (Compensation)
Alcalose métabolique ↑ ↑ ↑
(Cause) (Compensation)
Acidose respiratoire ↓ ↑ ↑
(Compensation) (Cause)
Alcalose respiratoire ↑ ↓ ↓
(Compensation) (Cause)

Compensation Cause
Acidose Acidose
respiratoire
H+ + HCO–3 H2CO3 H2O + CO2
Acidose
métabolique
pH Cause Compensation

pH Cause Compensation
Alcalose
métabolique
H+ + HCO–3 H2CO3 H2O + CO2
Alcalose
Alcalose respiratoire
Compensation Cause

Figure 6.7. Chaque trouble acido-basique simple est caractérisé par une cause
et un phénomène compensateur attendu.
Ces deux composantes sont représentées en se fondant sur le sens attendu (selon la loi
d’action de masses) des réactions du tampon des carbonates. On constate, par exemple,
que si la baisse de la bicarbonatémie est un phénomène commun à l’acidose métabolique
et à l’alcalose respiratoire, elle est cause de la première et compensatrice dans la seconde
— ce sont les gaz du sang, indispensables, qui permettent de porter le diagnostic.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
126 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tests utiles à l’analyse d’un trouble acido-basique


j
Gaz du sang artériel le plus souvent (mais les gaz du sang veineux sont
suffisants en l’absence d’hypoxémie).
j
Natrémie, kaliémie, chlorémie et bicarbonatémie.
j
Natriurèse, kaliurèse et chlorurie sur échantillon urinaire.
j
Selon le contexte clinique : glycémie, lactates, etc.

Les acidoses métaboliques


Définition
L’acidose métabolique est définie par :
j
un pH artériel < 7,38, ou un pH veineux < 7,32 ;
j
et une bicarbonatémie HCO3−< 23 mmol/l.

Conséquences cliniques
L’acidose métabolique est mise en évidence :
j soit dans une situation clinique favorisant ce trouble, en particulier les états de
choc ;
j soit devant la découverte d’une diminution de la bicarbonatémie.

Attention
La diminution de la bicarbonatémie pouvant correspondre aussi bien à une
acidose métabolique qu’à une alcalose ventilatoire, la mesure du pH est
indispensable au diagnostic.

En cas d’acidose métabolique aiguë, le signe principal est l’hyperventilation :


j prouvée par l’hypocapnie documentée sur les gaz du sang ;
j et parfois traduite par une polypnée ample (dyspnée de Kussmaul) ;
j avec examens pulmonaire et cardiaque normaux, en dehors :
Ÿ des cas où une pathologie pulmonaire est associée ;
Ÿ des acidoses métaboliques sévères au cours desquelles une défaillance
myocardique peut survenir (effet direct de l’acidose, résistance aux catéchola-
mines endogènes…).
En cas d’acidose métabolique chronique, le principal système tampon n’est plus
le poumon, mais essentiellement l’os. On peut observer les signes suivants :
j néphrocalcinose et lithiases ;
j ostéomalacie ;
j retard de croissance…
Anomalies de l’équilibre acido-basique 127

Les acidoses métaboliques peuvent, inconstamment, s’accompagner d’une hyper-


kaliémie de transfert (notamment les acidoses à trou anionique plasmatique nor-
mal, cf. infra) : les ions H+ en excès pénètrent dans les cellules, phénomène qui est
compensé par une sortie de potassium intracellulaire vers le secteur extracellulaire.
Cette hyperkaliémie tend à entretenir l’acidose car elle induit une diminution de
l’ammoniogenèse rénale — la glutaminase est inhibée par l’hyperkaliémie — et
donc une diminution de l’élimination rénale des ions H+.

Étiologie
Pour s’orienter, le calcul du TAP est utile : l’augmentation du TAP permet de déce-
ler la présence d’anions organiques dans le plasma, traduisant le reflet de l’accu-
mulation d’acides non volatils dans l’organisme (lactates, phosphates, sulfates,
corps cétoniques, acides organiques d’origine toxique).
La figure 6.8 résume les principaux mécanismes responsables d’acidose métabolique.

Acidoses métaboliques avec charge acide et trou anionique


plasmatique augmenté
Ces acidoses ont en commun un TAP souvent > 25 mEq/l et un pH urinaire < 5,5.
On distingue trois causes principales (figure 6.8) :
j l’acidocétose diabétique ;
j l’acidose lactique ;
j certaines intoxications aiguës.

Filtration et régénération des ions HCO–3

Secteur extracellulaire
pH < 7,38
H+ > 42 nmol/l

Production acide augmentée Pertes Diminution de l’excrétion acide


- Acidose lactique de bases - Insuffisance rénale
- Acidocétose - Hypoaldostéronisme
- Causes toxiques - Acidose tubulaire distale

Dans les selles : Dans l’urine :


diarrhées acidose tubulaire
proximale
Figure 6.8. Mécanismes impliqués dans la survenue d’une acidose métabolique.
L’acidose métabolique peut être la conséquence d’une surcharge acide (flèche rose), d’une
perte de bases (flèches vertes) ou d’une diminution d’excrétion des acides (flèche bleue).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
128 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Acidocétose diabétique
j Souvent inaugurale du diabète, elle résulte de l’accumulation d’acides céto-
niques (acide 3-hydroxybutyrique, acide acéto-acétique).
j Cétonémie et cétonurie sont associées.
j L’acidose métabolique est sévère avec parfois pH sanguin < 7,0.
j Il y a déshydratation extracellulaire secondaire aux pertes éventuelles digestives
et à la diurèse osmotique (cf. chapitre 2).

Rappel
En dehors du diabète, le jeûne et la prise excessive d’alcool sont également
des causes d’acidocétose.
Acidose lactique
L’acidose lactique est caractérisée par une lactacidémie > 4-6 mmol/l.
Les mécanismes cellulaires de l’hyperlactacidémie sont les suivants :
j hyperproduction à partir du pyruvate (en cas d’anaérobiose), par exemple au
cours des états de choc ;
j défaut du métabolisme normal des lactates lors de la néoglucogenèse hépa-
tique et rénale (insuffisance hépatocellulaire…).
Il existe trois grandes causes :
j l’hypoxie tissulaire (états de choc +++) ;
j l’insuffisance hépatocellulaire ;
j les causes toxiques : la metformine, certains antiviraux comme les analogues
nucléosidiques, l’acide valproïque, l’isoniazide, le zyvoxide, etc.
Le tableau 6.3 résume les principales causes d’acidose lactique, qui sont classique-
ment divisées en :
j acidose lactique de type A (diminution de l’oxygénation des tissus, en particu-
lier des mitochondries) ;
j acidose lactique de type B dans les autres situations.

Certaines intoxications aiguës


j Méthanol (alcool frelaté), avec accumulation d’acide formique : situation grave
avec risque de cécité et nécessité d’hémodialyse en urgence.
j Éthylène glycol (antigel) avec accumulation d’acide oxalique et insuffisance
rénale aiguë.
j Acide acétylsalicylique avec acidose métabolique et  alcalose ventilatoire, et
donc pH variable, parfois proche de la normale.
j Isopropanol présent dans certaines solutions de nettoyage.

Acidoses métaboliques avec perte de bicarbonates et trou anionique


plasmatique normal
Deux mécanismes sont en cause (figure 6.8) :
j les pertes digestives de bicarbonate de sodium ;
j les pertes rénales de bicarbonates.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 129

Tableau 6.3. Causes d’acidoses lactiques.


Acidose lactique Causes
Type A • États de choc (+++)
• Arrêt cardiaque
• Anémie très sévère
• Hypoxémie sévère
• Intoxication au CO
• Convulsions
• Exercice physique extrême
Type B • Certains sepsis en l’absence d’hypotension artérielle
• Déficit en thiamine
• Hypoglycémie
• Rares maladies génétiques
• Causes toxiques (+++) :
– éthanol
– metformine (+++)
– zidovudine (AZT)
– lamivudine (Zeffix©)
– intoxication aux salicylés
– propofol (Diprivan©)
– isoniazide
– cocaïne
– linézolide (Zyvoxid©)…
Autres • Insuffisance hépatocellulaire
• Alcalose respiratoire ou métabolique sévère

On parle aussi d’« acidoses hyperchlorémiques » : les pertes rénales ou digestives


de bicarbonates sont compensées par une augmentation proportionnelle du Cl–,
maintenant l’électroneutralité plasmatique.
Pertes digestives de bicarbonates
j Diarrhées aiguës essentiellement (+++), fistules digestives.
j Dans ces situations :
Ÿ le TAP est normal ;
Ÿ le pH urinaire est < 5,5 ;
Ÿ le TAU est négatif.
Pertes rénales de bicarbonates : acidose tubulaire proximale (ou de type 2)
j Le TAP est normal.
j La capacité maximale de réabsorption tubulaire proximale des bicarbonates
est diminuée à 15-16 mmol/l, pour une normale à 26-27 mmol/l — le rein normal
réabsorbe tous les bicarbonates jusqu’à une concentration de bicarbonates de
26-27 mmol/l.
130 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Il y a hyperchlorémie (cf. figure 6.1).


j L’ammoniurie est insuffisante (défaut de production d’ammoniac dans le tube
contourné proximal), avec TAU positif (cf. figure 6.4).
j Le pH urinaire reste < 6 car la bicarbonatémie étant basse, il n’y a pas de bicar-
bonaturie.
j L’excrétion fractionnelle des bicarbonates est > 15 %.
j Le plus souvent, l’acidose tubulaire proximale s’intègre dans le cadre d’un syn-
drome de Fanconi (cf. chapitre 5 « Anomalies du bilan du potassium » et cha-
pitre 10 « Anomalies du bilan de l’acide urique »), associant :
Ÿ hypokaliémie ;
Ÿ hypo-uricémie ;
Ÿ hypophosphatémie ;
Ÿ amino-acidurie ;
Ÿ glycosurie sans hyperglycémie.
Les principales causes des acidoses tubulaires proximales sont listées dans le
tableau 6.4.

Acidoses métaboliques avec diminution de l’excrétion rénale des ions


H+ et à trou anionique variable selon la cause
Quatre situations doivent être envisagées :
j l’insuffisance rénale chronique ;
j l’insuffisance rénale aiguë ;
j l’acidose tubulaire distale hypokaliémique (dite de type 1) ;
j l’acidose tubulaire distale hyperkaliémique (dite de type 4).

Insuffisance rénale chronique


L’acidose métabolique est secondaire à deux mécanismes :
j la réduction du débit de filtration glomérulaire (DFG) avec rétention d’acides
organiques et minéraux ;
j la réduction de la production d’ammoniac (secondaire à la réduction du nom-
bre de néphrons fonctionnels).
Avant le stade terminal, l’acidose métabolique est le plus souvent modérée
(pH = 7,33-7,35).
Le TAP est classiquement augmenté par défaut d’élimination acide.
Dans certaines néphropathies où l’acidose tubulaire de type 4 est au pre-
mier plan avec réduction majeure de l’ammoniurie, le TAP peut être normal
(tableau 6.4).
L’acidose chronique a un retentissement osseux :
j les ions H+ en excès vont mobiliser les tampons osseux ;
j il y a formation de phosphates acides et libération de carbonate de calcium par
l’os ;
j l’activité ostéoclastique et l’ostéomalacie sont ainsi favorisées.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 131

Tableau 6.4. Principales causes des acidoses tubulaires rénales.


Acidose tubulaire proximale Acidose tubulaire distale Acidose tubulaire distale
hypokaliémique (type 2) hypokaliémique (type 1) hyperkaliémique (type 4)
• Myélome (+++) • Lupus érythémateux • Uropathies obstructives-
• Cystinose disséminé bilatérales
• Syndrome de Sjögren • Syndrome de Sjögren • Hyporéninisme et
• Maladie de Wilson • Cirrhose biliaire hypoaldostéronisme (en
• Causes toxiques (ifos- primitive particulier au cours des
famide, oxiplatine, • Amphotéricine B néphropathies diabétiques
ténofovir, aminosides, • Causes génétiques et interstitielles)
plomb…) • Drépanocytose
• Causes toxiques (ciclospo-
rine, tacrolimus, amiloride,
spironolactone, AINS…)

Insuffisance rénale aiguë


Elle provoque la rétention d’acides minéraux et organiques secondairement à la
diminution de la filtration glomérulaire.

Le TAP est constamment augmenté.

L’acidose métabolique est particulièrement marquée :


j dans les insuffisances rénales aiguës anuriques ;
j au cours des rhabdomyolyses ;
j dans les insuffisances rénales aiguës obstructives ;
j dans les intoxications à l’éthylène glycol.

Acidose tubulaire distale hypokaliémique (type 1)


Relativement rare chez l’adulte, elle est rapportée à un défaut de sécrétion des
ions H+ dans le tube collecteur.
Elle est caractérisée par :
j un TAP normal ;
j une ammoniurie basse et donc un TAU positif ;
j une hypokaliémie avec kaliurèse inadaptée ;
j une hypercalciurie ;
j une hypocitraturie.
Au long cours, on observe :
j une néphrocalcinose ;
j une déminéralisation osseuse ;
j les conséquences d’une hypokaliémie chronique (cf. chapitre 5 « Anomalies du
bilan du potassium »).
Les principales causes sont listées dans le tableau 6.4.
132 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Acidose tubulaire distale hyperkaliémique (type 4)


C’est de loin la plus fréquente des acidoses tubulaires rénales et c’est la seule qui
soit hyperkaliémique (+++).
Il y a un défaut d’excrétion des ions H+ et des ions K+ dans le tubule collecteur.
L’ammoniogenèse est diminuée par des lésions tubulaires localisées, responsables
d’un hyporéninisme-hypoaldostéronisme. L’acidose et l’hyperkaliémie sont secon-
daires à l’hypoaldostéronisme.
Les signes sont :
j TAP normal ;
j kaliémie > 5,5 mmol/l ;
j pH urinaire < 6 ;
j défaut d’ammoniogenèse et donc TAU positif (cf. figure 6.4).
Les principales causes des acidoses tubulaires figurent dans le tableau 6.4.

Traitement
Le traitement des acidoses métaboliques aiguës dépend de la cause et ne sera pas
traité ici, du fait de la prise en charge spécifique à chaque situation (cf. Recom-
mandations formalisées d’experts, SRLF-SFMU, 2019).
En cas d’acidose métabolique chronique, le traitement repose sur l’apport de
bicarbonate de sodium per os :
j soit en gélules (apports de 2 à 4  g par jour, par préparation officinale en
l’absence de spécialité commercialisée) ;
j soit par eau de Vichy (contenant 3 à 4 g par litre).
Dans le cas particulier des acidoses tubulaires distales de type 1 (avec hypoci-
traturie et hypokaliémie), on peut prescrire une préparation officinale de citrate
de potassium à la dose de 4 à 6 g par jour.
Dans tous les cas, il est nécessaire de traiter les troubles ioniques associés : hypo-
kaliémie, hyperkaliémie (+++).

Arbre diagnostique
Il est représenté dans la figure 6.9.

Les alcaloses métaboliques


Définition
L’alcalose métabolique est définie par :
j
un pH artériel > 7,42 ;
j
et une bicarbonatémie HCO3− > 27 mmol/l.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 133

Acidose métabolique

TAP = Na+ – (Cl– + HCO–3 )

Acidocétose
Surcharge acide diabétique
TAP augmenté
pHu < 5,5
Intoxications
(métanol,
éthylène-glycol)

Acidose lactique

États Insuffisance Causes


de choc hépatocellulaire toxiques

TAP normal Pertes de HCO–3 TAU = (Na+u + K+u) – C–u

TAU négatif TAU positif


pHu < 6 pHu < 6

Diarrhées Ac. tubulaire


proximale

TAP variable Diminution de l’excrétion des ions H+

Ac. tubulaires distales IRA IRC


avec TAP avec TAP
Type 1 Type 4 augmenté augmenté
TAP normal TAP normal
ou normal
TAU positif TAU positif
Hypokaliémie Hyperkaliémie

Figure 6.9. Arbre diagnostique devant une acidose métabolique.


Les causes des acidoses métaboliques avec TAP augmenté apparaissent en rose, celles
avec TAP normal en bleu et celles avec TAP variable en vert.
Ac., acidose ; TAP, trou anionique plasmatique ; TAU, trou anionique urinaire ;
IRC, insuffisance rénale chronique ; IRA, insuffisance rénale aiguë.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
134 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Attention
Une alcalose métabolique sévère (pH > 7,60) engage le pronostic vital et
nécessite la prise en charge en réanimation.

Au cours des alcaloses métaboliques, l’hypochlorémie est constante (+++).


Il est nécessaire de se poser deux questions devant toute alcalose métabo-
lique :

j Quelle est la cause responsable du gain d’ions HCO3 ou de la perte d’ions
H+ ?
j Qu’est-ce qui empêche le rein d’éliminer cette surcharge alcaline ?
La physiopathologie de l’alcalose métabolique prend donc en compte deux
facteurs :
j la création de l’alcalose métabolique :
Ÿ par gain d’ions HCO3− (apport excessif en bicarbonates) ;
Ÿ ou par perte d’acides non volatils (typiquement, la perte d’acide chlorhy-
drique au cours des vomissements ou des aspirations gastriques) ;
j l’entretien de cette alcalose, maintenue par des mécanismes qui empêchent le
rein d’éliminer normalement les ions HCO3− .
Ces deux mécanismes et leurs conséquences sont décrits figure 6.10, en prenant
l’exemple des vomissements.

L’entretien de l’alcalose métabolique peut être secondaire à :


j
une déshydratation extracellulaire : diminution de la filtration gloméru-
laire, augmentation de la réabsorption proximale des bicarbonates ; c’est
l’alcalose dite de contraction (cf. infra) ;
j
l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone secondaire à
la déshydratation, l’aldostérone favorisant l’élimination des ions H+ au
niveau des cellules intercalaires de type A du tube collecteur et entrete-
nant l’hypokaliémie ;
j
une déplétion en chlore  : diminution de l’activité du cotransporteur
Na-K-2Cl dans la branche large ascendante, altération de la sécrétion
compensatrice distale des HCO3− par la pendrine (cf. infra) : l’urine reste
acide ;
j
une déplétion en potassium par perte de K+ et augmentation de l’aldos-
térone : augmentation de la production de NH3 (la glutaminase est stimu-
lée par l’hypokaliémie) et donc augmentation de l’excrétion des ions H+ ;
j
une augmentation de la PaCO2 : augmentation de la sécrétion tubulaire
d’ions H+ dans le tube collecteur.

L’alcalose de contraction est aussi appelée alcalose sensible au chlore. En effet,


l’apport de chlore sans apports de sodium (sous forme de KCl) corrige l’alcalose
induite par la déplétion en chlore.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 135

Création de l’alcalose
Vomissements
métabolique

Modifications ioniques

Cl– Na+ K+ H+

Perte de Cl– Perte de Na+ Perte de K+ Perte de H+

Hypo- Hypo- pH
DEC
chlorémie kaliémie HCO–3

Réabsorption Réabsorption Production


distale proximale de NH3
de HCO–3 de HCO–3

Activation
du SRAA

Aldostérone Sécrétion distale


de H+

Entretien de l’alcalose métabolique

Figure 6.10. Création et facteurs d’entretien de l’alcalose métabolique : exemple


des vomissements.
L’alcalose métabolique est causée par les vomissements et la perte d’ions H+ (en
bleu). Les facteurs d’entretien (en blanc) sont l’hypochlorémie, la déshydratation
extracellulaire (DEC), l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone
(SRAA) et l’hypokaliémie. On rappelle que, dans cette situation, la chlorurie est
basse (< 20 mmol/l) et que la kaliurèse est > 20 mmol/l (kaliurèse associée à la
bicarbonaturie).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
136 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Pour aller plus loin


Rôle de la pendrine
La pendrine est un échangeur anionique Cl–/HCO3− localisé au pôle apical
des cellules intercalaires de type B du tube collecteur (cf. figure 6.6C) ;
elle joue un rôle clé en cas d’alcalose métabolique puisqu’elle a pour
fonction d’excréter dans l’urine les bicarbonates en excès (en échange
de chlore luminal) — jouant ainsi le rôle inverse des échangeurs anio-
niques basolatéraux des cellules de type A, qui réabsorbent les bicar-
bonates.
Toutefois, dans les situations de déplétion en chlore (alcalose hypochloré-
mique), la fonction de la pendrine est altérée : à cause de la chlorurie basse,
l’échangeur ne fonctionne pas correctement et le rein n’excrète pas l’excès
de bicarbonates comme attendu (acidurie paradoxale).

Conséquences cliniques
Les signes n’apparaissent que pour des alcaloses métaboliques sévères.
L’alcalose métabolique peut être suspectée cliniquement (vomissements abon-
dants), mais elle est le plus souvent diagnostiquée devant une bicarbonaté-
mie > 27 mmol/l.
L’hypoventilation alvéolaire compensatrice s’accompagne d’une hypoxémie et
peut aggraver une insuffisance respiratoire (++).

L’alcalose peut être grave car :


j
elle déprime la respiration (+++) ;
j
elle diminue l’oxygénation tissulaire (effet Bohr : courbe de dissociation
de l’hémoglobine) ;
j
elle est un puissant vasoconstricteur ;
j
elle favorise la survenue d’arythmies cardiaques.

Des troubles ioniques sont fréquemment associés à l’alcalose métabolique :


j par baisse de la calcémie ionisée du fait de l’élévation du pH, avec retentis-
sement clinique possible (cf. chapitre 7 « Anomalies du bilan du calcium ») ;
j par l’hypokaliémie de transfert (cf. chapitre 5 « Anomalies du bilan du potas-
sium »).
La compensation respiratoire attendue peut être estimée par la formule sui-
vante :
PaCO2 = 0,9 × [HCO3−] + 15 ± 3.
[Avec PaCO2 en mm Hg, la concentration en mmol/l.]
Anomalies de l’équilibre acido-basique 137

Attention
En cas d’alcalose métabolique, il est important de mesurer le chlore urinaire :
j
une chlorurie < 25 mmol/l suggère une contraction du volume extra-
cellulaire et aide au diagnostic étiologique (+++) ;
j
une chlorurie < 15 mmol/l est très évocatrice de vomissements avérés
ou dissimulés.

Étiologie
Les deux causes les plus fréquentes d’alcalose métabolique sont :
j les vomissements (ou les aspirations gastriques) ;
j la prise de diurétiques.
Les causes sont classiquement classées de la façon suivante :
j charge exogène en bicarbonates  : cette situation est rare car le rein a une
grande capacité à éliminer les bicarbonates ; elle peut se voir :
Ÿ chez les patients traités par bicarbonate de sodium par voie veineuse (dans
le cadre d’une tubulopathie myélomateuse, par exemple) ;
Ÿ en cas de surcharge en citrate lors de transfusions massives (++) ;
Ÿ au cours de l’exceptionnel syndrome dit des «  buveurs de lait » avec
apports lactés excessifs, souvent avec prise d’antiacides et hypercalcémie
secondaire ;
j alcalose métabolique avec volume extracellulaire diminué et hypokalié-
mie ;
j alcalose métabolique avec volume extracellulaire augmenté et HTA.
Les principales causes d’alcaloses métaboliques figurent dans le tableau 6.5.

Tableau 6.5. Causes des alcaloses métaboliques selon l’état du volume


extracellulaire.
Volume extracellulaire Causes
Diminué • Vomissements (+++), aspirations gastriques : pertes digestives
de chlore mais pertes rénales de sodium et de potassium
(associés au bicarbonate)
• Diurétiques de l’anse de Henlé, diurétiques thiazidiques
• Adénome villeux
• Tubulopathies génétiques :
– syndrome de Bartter (qui mime un traitement par
diurétiques de l’anse de Henlé)
– syndrome de Gitelman (qui mime un traitement par
thiazidiques)
• Hypercalcémie
• Achlorhydrie congénitale 
138 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

 Volume extracellulaire Causes


Normal ou augmenté • Hyperaldostéronisme primaire et hyperplasie bilatérale des
surrénales
• Syndromes apparentés (intoxication à la réglisse, déficit en
11β-hydroxylase, etc.)
• Hypercorticismes
• Hyperaldostéronismes secondaires avec HTA (sténose des
artères rénales, HTA maligne ++)
• Excès d’apports alcalins (+++) (apports de bicarbonate de
sodium avant certaines chimiothérapies, excès de citrate après
transfusions massives)
• Alcalose métabolique post-hypercapnie (après ventilation
mécanique, la PaCO2 diminue vite, mais le rein élimine
lentement les bicarbonates accumulés)

Traitement
Le traitement de l’alcalose métabolique est uniquement étiologique :
j réhydratation extracellulaire (NaCl 9 g/l) ;
j arrêt des diurétiques ;
j traitement de la cause des vomissements, inhibiteurs de la pompe à protons ;
j correction d’une déplétion potassique ;
j traitement d’un excès en minéralocorticoïdes…

Arbre diagnostique
Il est représenté dans la figure 6.11.

Les acidoses respiratoires


Définition
L’acidose respiratoire est définie par :
j
un pH artériel < 7,38 ;
j
et une PaCO2 > 45 mm Hg.

Conséquences cliniques
L’hypercapnie traduit une hypoventilation alvéolaire.
L’hypoventilation indique une insuffisance respiratoire aiguë ou chronique avec :
j dyspnée ;
j cyanose ;
j sueurs ;
Anomalies de l’équilibre acido-basique 139

Alcalose métabolique

Contexte iatrogène ?
Excès d’apport
Oui Alcalose post- Cl–u < 20 mmol/l
hypercapnie
Non

HTA ?

Rénine Sténose de Cl–u > 20 mmol/l


haute l’artère rénale
HTA maligne K+u > 20 mmol/l
Oui
Hyperaldo-
Rénine Cl–u > 20 mmol/l
stéronisme I
basse K+u > 20 mmol/l
Réglisse

Vomissements (+++) Cl–u < 20 mmol/l


Diurétiques (+++) K+u > 20 mmol/l

Cl–u > 20 mmol/l


Non Déplétion potassique
K+u < 20 mmol/l

Cl–u < 20 mmol/l


Adénome villeux
K+u < 20 mmol/l

Figure 6.11. Arbre diagnostique simplifié devant une alcalose métabolique.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j HTA ;
j encombrement trachéobronchique ;
j diminution de la contractilité diaphragmatique ;
j voire signes neurologiques : céphalées, obnubilation, encéphalopathie respira-
toire…
La compensation métabolique rénale consiste en une augmentation de la bicar-
bonatémie :
j en cas d’acidose respiratoire aiguë, la compensation rénale est peu efficace car
le rein met un certain temps à s’adapter ;
j en cas d’acidose respiratoire chronique, la compensation rénale est plus effi-
cace.
140 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Application
Chez un patient avec fonction rénale normale :
j
en cas d’acidose respiratoire aiguë, la compensation attendue de la bicarbonatémie
est de 1 à 2 mmol/l (au-dessus de 25 mmol/l) pour une élévation de 10 mm Hg de la
PaCO2 (au-dessus de 40 mm Hg) ;
j
en cas d’acidose respiratoire chronique, la compensation attendue de la bicarbona-
témie est de 3 à 4 mmol/l (au-dessus de 25 mmol/l) pour une élévation de 10 mm Hg
de la PaCO2 (au-dessus de 40 mm Hg).
Par exemple, chez un patient avec bronchopneumopathie chronique obstructive et
PaCO2 à 50 mm Hg, la bicarbonatémie attendue est de 29 mmol/l.

Étiologie
Les principales causes d’acidose respiratoire sont listées dans le tableau 6.6.

Principes thérapeutiques
Le traitement de l’acidose respiratoire est étiologique et ne sera pas détaillé ici.
Dans les situations aiguës graves, la ventilation assistée ou la ventilation non inva-
sive sont souvent nécessaires.

Tableau 6.6. Principales causes d’acidose respiratoire.


Mécanisme Causes
Anomalies • Traumatismes cérébraux
de la commande • Tumeurs cérébrales
neurologique • Lésions du tronc cérébral
• Encéphalites
• Sédatifs, hypnotiques, morphiniques…
• Tétanos
• Parkinson
Anomalies • Myasthénie
neuromusculaires • Myopathies
• Troubles métaboliques (hypokaliémie, hypophosphatémie)
Pathologies • Cyphoscoliose
de la cage thoracique • Spondylarthrite ankylosante
• Épanchement pleural
Hypoventilation • Bronchopneumopathie chronique obstructive
d’origine pulmonaire • Emphysème
• Résection chirurgicale pulmonaire
Anomalies de l’équilibre acido-basique 141

Les alcaloses respiratoires


Définition
L’alcalose respiratoire est définie par :
j
un pH artériel > 7,42 ;
j
et une PaCO2 < 35 mm Hg.

Conséquences cliniques
L’hypocapnie traduit une hyperventilation alvéolaire.
Les signes sont :
j ceux liés à la cause pulmonaire (pneumopathie, par exemple) ;
j avec parfois des signes neurologiques liés à la diminution du débit sanguin
cérébral secondaire à l’hypocapnie et des signes associés à l’hypocalcémie ionisée
associée (tétanie) ;
j ou encore la découverte d’une diminution de la bicarbonatémie, qui peut
conduire à tort au diagnostic d’acidose métabolique en l’absence de gaz du
sang.
La compensation rénale repose sur une diminution de l’excrétion nette
d’ions H+ par le rein avec diminution de l’ammoniurie et augmentation de
la bicarbonaturie.

Application
Chez un patient avec fonction rénale normale :
j
en cas d’alcalose respiratoire aiguë, la compensation attendue est une diminution
de la bicarbonatémie de 2 mmol/l (au-dessous de 25 mmol/l) pour une diminution de
10 mm Hg de la PaCO2 (au-dessous de 40 mm Hg) ;
j
en cas d’alcalose respiratoire chronique, la compensation attendue est une diminu-
tion de la bicarbonatémie de 4 mmol/l (au-dessous de 25 mmol/l) pour une diminu-
tion de 10 mm Hg de la PaCO2 (au-dessous de 40 mm Hg).
Par exemple, chez un patient avec fibrose pulmonaire et PaCO2 à 30 mm Hg, la bicar-
bonatémie attendue est de 21 mmol/l.

Étiologie
Les principales causes d’alcalose respiratoire sont listées dans le tableau 6.7.

Principes thérapeutiques
Le traitement est avant tout étiologique et ne sera pas détaillé ici.
142 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 6.7. Principales causes d’alcalose respiratoire.


Avec hypoxémie* Sans hypoxémie
• Pneumopathie • Crises d’angoisse, tétanie, panique
• Œdème pulmonaire aigu • Sepsis graves
• Embolie pulmonaire • Fièvre élevée
• Atélectasies • Affections traumatiques ou tumorales du système
• Fibroses pulmonaires nerveux central
• Fausses routes • Grossesse normale
• Mal des montagnes… • Intoxication aux salicylés
• Insuffisance hépatique sévère…
* PaO2 < 85 mm Hg.

Attention
On rappelle que les gaz du sang sont indispensables devant une diminu-
tion des bicarbonates plasmatiques, afin de distinguer acidose métabolique
d’alcalose respiratoire.
En cas d’alcalose respiratoire, l’apport de bicarbonates est potentiellement
dangereux car il vient aggraver les signes neurologiques déjà présents du fait
de l’alcalose respiratoire.

Troubles complexes de l’équilibre


acido-basique
Généralités
Troubles mixtes
Les troubles mixtes associent :
j acidose métabolique + acidose respiratoire ;
j alcalose métabolique + alcalose respiratoire.
Dans ces situations, les mécanismes compensatoires sont insuffisants.

Troubles opposés
Les troubles dits « opposés » associent un trouble métabolique et un trouble res-
piratoire de sens opposé.
Le pH peut être voisin de la normale (+++).

Principales causes des troubles complexes


Le tableau 6.8 illustre certains de ces troubles acido-basiques complexes.
Anomalies de l’équilibre acido-basique 143

Tableau 6.8. Troubles acido-basiques complexes.


Trouble acido-basique Mécanisme Causes
Mixtes Acidoses mixtes • Absence de diminution • Épuisement respiratoire
de la PaCO2 en cas au cours d’une acidose
d’acidose métabolique lactique
• Absence d’élévation de • Détresse respiratoire
la bicarbonatémie en cas aiguë au cours d’une
d’acidose respiratoire insuffisance rénale aiguë
Alcaloses mixtes • Absence d’augmentation • Aspiration gastrique
de la PaCO2 en cas avec ventilation assistée
d’alcalose métabolique et diminution excessive
• Absence de diminution de la PaCO2
de la bicarbonatémie en • Cirrhose hépatique
cas d’alcalose respiratoire décompensée (ascite
avec hyperventilation)
traitée par diurétiques
de l’anse
Opposés Acidose métabo- • Bicarbonatémie et • Intoxication aux salicylés
lique et alcalose PaCO2 toutes deux
ventilatoire diminuées
Acidose • Bicarbonatémie et • Insuffisant respiratoire
respiratoire PaCO2 toutes deux chronique traité par
et alcalose élevées diurétiques de l’anse ou
métabolique thiazidiques

Entraînement

Cas clinique 1
Une femme de 60 ans est conduite aux urgences pour diarrhées abondantes au retour
d’un voyage en Afrique. Les premiers résultats montrent :
j
Gaz du sang : pH = 7,25 ; PaCO2 = 28 mm Hg ; PaO2 = 100 mm Hg.
j
Ionogramme plasmatique : Na+ = 140 mmol/l ; K+ = 2,8 mmol/l ; Cl– = 117 mmol/l ;
HCO–3  = 13 mmol/l.
j
Créatininémie = 85 µmol/l.
j
Glycémie = 5,4 mmol/l.
j
Ionogramme urinaire : Na+ = 30 mmol/l ; K+ = 50 mmol/l ; Cl– = 100 mmol/l.
Comment analyser le trouble acido-basique ?

Cas clinique 2
Un homme de 60 ans suivi pour une bronchopneumopathie chronique obstructive
est hospitalisé pour fièvre et expectoration purulente. Les premiers résultats montrent :
j
Gaz du sang : pH = 7,20 ; PaCO2 = 70 mm Hg ; PaO2 = 40 mm Hg.
144 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j
Ionogramme plasmatique : Na+ = 135 mmol/l ; K+ = 5 mmol/l ; Cl– = 85 mmol/l ;
HCO–3  = 25 mmol/l.
j
Créatininémie = 80 µmol/l.
j
Ionogramme urinaire : Na+ = 30 mmol/l ; K+ = 40 mmol/l ; Cl– = 60 mmol/l.
j
Lactates = 9 mmol/l.
Comment analyser le trouble acido-basique ?

Cas clinique 3
Une femme de 30  ans consulte pour hypokaliémie à 2,5  mmol/l découverte sur un
bilan fait en ville au décours de vomissements. Elle a des signes de déshydratation
extracellulaire. Les premiers résultats montrent :
j
Ionogramme plasmatique : Na+ = 132 mmol/l ; K+ = 2,0 mmol/l ; Cl– = 75 mmol/l ;
HCO–3  = 40 mmol/l.
j
pH veineux = 7,58.
j
Créatininémie = 100 µmol/l.
j
Ionogramme urinaire : Na+ = 40 mmol/l ; K+ = 70 mmol/l ; Cl– = 12 mmol/l.
Comment analyser le trouble acido-basique ?

Bibliographie
Diagnostic et prise en charge de l’acidose métabolique. Recommandations formalisées d’experts, SRLF-
SFMU, 2019.
Finkel KW, Dubose TF. Metabolic acidosis. In: Dubose Hamm TJL, editor. Acid-base and electrolyte
disorders: a companion to Brenner & Rector’s The Kidney. Philadelphia: Elsevier, Saunders; 2002.
p. 55-66.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition. Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series. St.
Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Seifter JL, Chang HY. Disorders of acid-base balance: new perspectives. Kidney Dis 2017;2(4):170-86.
CHAPITRE

7
Anomalies du bilan
du calcium

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques sur le calcium
� Bilan du calcium
� Absorption intestinale de calcium
� Réabsorption rénale du calcium
� Le calcium plasmatique
� Principaux déterminants impliqués dans les variations de la calcémie
j Les hypocalcémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Tableau de synthèse
� Traitement
j Les hypercalcémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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146 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Rappels physiologiques sur le calcium


Bilan du calcium
j Plus de 99 % du calcium de l’organisme est fixé dans l’os.
j La concentration plasmatique normale de calcium est de 2,25 à 2,55 mmol/l
(soit 90 à 102 mg/l).
j La figure 7.1 décrit la répartition du calcium dans l’organisme.
j Les apports quotidiens sont environ de 1 000 mg par jour.
j Chaque jour, 800 mg sont éliminés dans les selles et 200 mg par le rein.
j Les deux sources principales du calcium sanguin sont le tube digestif et l’os : il
existe des échanges permanents entre le plasma et les cellules et entre le plasma
et le tissu osseux.
Facteurs de conversion
j mg/l × 0,025 → mmol/l
j mmol/l × 40 → mg/l

Figure 7.1. Répartition du calcium dans l’organisme.


Flux de calcium entre les différents compartiments de l’organisme. L’équilibre du bilan
du calcium fait intervenir l’os, le tube digestif et le rein.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du calcium 147

Absorption intestinale de calcium


L’absorption intestinale du calcium a lieu essentiellement dans l’iléon.
L’absorption est stimulée par :
j la 1,25-(OH)2-vitamine D3 (calcitriol) ;
j les œstrogènes à un moindre degré.
L’absorption est inhibée par :
j les glucocorticoïdes, qui inhibent l’effet de la 1,25-(OH)2-vitamine  D3 sur
l’absorption du calcium et sur la résorption osseuse ;
j les hormones thyroïdiennes T3 et T4.

Réabsorption rénale du calcium


Le transport rénal du calcium est résumé dans les figures 7.2 et 7.3 :
j 60-65 % du calcium sont réabsorbés dans le tube contourné proximal ;
j 20-25 % sont réabsorbés dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé,
où la réabsorption est sous le contrôle de la PTH ; à ce niveau, le récepteur de la
PTH et le récepteur sensible au calcium (CaSR) sont exprimés au pôle basolatéral
des cellules ;
j 10 % sont réabsorbés au niveau du tube contourné distal et très peu dans le
tube collecteur.

Figure 7.2. Transport rénal du calcium.


Le long du néphron, la majeure partie du calcium est réabsorbée au niveau proximal,
mais la régulation s’exerce dans les segments distaux du néphron. La PTH augmente
la réabsorption de calcium dans la branche ascendante large de l’anse de Henlé et le
tube contourné distal/tube connecteur.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
148 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 7.3.
Réabsorption rénale
du calcium.
A. Au niveau du tube
contourné proximal,
la réabsorption est
majoritairement
passive, par la voie
paracellulaire, couplée
à la réabsorption
active du sodium
et de l’eau. B. Au
niveau de la branche
large ascendante de
l’anse de Henlé, la
réabsorption se fait
également par la
voie paracellulaire et
est favorisée par le
gradient électrique
transépithélial
(lumière du tubule
positive, le potassium
rentrant par le canal
NKCC2 étant renvoyé
dans le tubule via le
canal ROMK). Les
claudines, protéines
des jonctions serrées
impliquées dans le
passage paracellulaire,
sont soumises à
une régulation
positive ou négative,
respectivement par la
PTH et le CaSR. 
Anomalies du bilan du calcium 149

 C. Au niveau du
tubule distal, la
fixation de la PTH sur
son récepteur stimule
la réabsorption active
du calcium par la
voie transcellulaire en
activant les canaux
apicaux TRPV5.
CaSR, Calcium
Sensing Receptor ;
NKCC2, Na-K-2Cl
Cotransporter
2 ; NCC, Na-Cl
Cotransporter ;
ROMK, Renal
Outer Medullary
Potassium channel ;
TRPV5, Transient
Receptor Potential
cation channel,
subfamily V,
member 5.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Le calcium plasmatique
Le calcium est présent dans le plasma sous deux formes :
j la forme liée aux protéines (albumine principalement), qui constitue environ
40  % du calcium total (soit environ 1  mmol/l)  ; son interprétation doit tenir
compte de la concentration d’albumine :
C
 alcium corrigé = Calcium total + (40 – Albuminémie) × 0,02

Une hypoalbuminémie (avec diminution de 40 à 30  g/l) conduit à une


diminution du calcium total (0,2 mmol/l dans ce cas) sans diminution du
calcium ionisé, et donc sans conséquences cliniques ou biologiques.
150 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j la forme libre, qui représente environ 50 % du calcium total :


Ÿ ce calcium est majoritairement ionisé et ultrafiltrable ;
Ÿ sa concentration est finement régulée (valeur normale : 1,15-1,35 mmol/l) ;
Ÿ il peut être facilement mesuré au laboratoire en routine ;
Ÿ il joue un rôle physiologique majeur, en particulier dans la contraction
musculaire et les fonctions des parois vasculaires.

Principaux déterminants impliqués dans les variations


de la calcémie
Ces déterminants sont :
j hormonaux :
Ÿ PTH ;
Ÿ 1,25-(OH)2-vitamine D3 (calcitriol) ;
j non hormonaux :
Ÿ volume extracellulaire (lorsqu’il augmente, il y a augmentation de l’excré-
tion urinaire de calcium, et inversement) ;
Ÿ augmentation de la calcémie ionisée (associée à une augmentation de
l’excrétion urinaire de calcium par augmentation de la charge filtrée et diminu-
tion de la PTH) ;
Ÿ état acido-basique (l’alcalose diminue la fraction ionisée de la calcémie) ;
j modulés par les diurétiques :
Ÿ diurétiques de l’anse (qui augmentent la calciurie) ;
Ÿ diurétiques thiazidiques (qui diminuent la calciurie).
Le tableau 7.1 détaille les principaux facteurs qui interviennent dans le maintien
d’une calcémie normale.
Les figures 7.4 et 7.5 illustrent les principaux médiateurs régulant la calcémie.

Les hypocalcémies
Définition
L’hypocalcémie est définie par une calcémie totale < 2,25 mmol/l.
Seules les hypocalcémies ionisées (≤ 1,10 mmol/l) ont des conséquences
cliniques.
Anomalies du bilan du calcium 151

Tableau 7.1. Principaux facteurs influençant la calcémie.


Facteurs Mécanismes
Apports alimentaires • Cause très rare de variation de la calcémie
de calcium
Absorption intes- • Transport actif
tinale de calcium • Seulement quand la concentration luminale de calcium est
inférieure à la calcémie
• Transport stimulé alors par la 1,25-(OH)2-vitamine D3
Excrétion rénale de • Dépendant de plusieurs facteurs :
calcium – la charge filtrée, fonction du DFG et de la calcémie
– la réabsorption tubulaire :
- stimulée par la PTH
- stimulée par la DEC, les thiazidiques, l’amiloride
- inhibée par l’HEC et les diurétiques de l’anse
Accrétion osseuse • La minéralisation osseuse tend à diminuer la calcémie
(activité ostéoblas- • L’ostéoclasie tend à augmenter la calcémie
tique/ostéoclasie)
Équilibre acide-base • L’alcalose diminue la fraction ionisée de la calcémie
Facteurs de régulation • L’hormone parathyroïdienne (PTH) :
– stimule la réabsorption tubulaire du calcium dans la branche
large de Henlé et le tubule distal
– stimule l’ostéoclasie (résorption osseuse)
– augmente la 1α-hydroxylase et donc la production de
1,25-(OH)2-vitamine D3
• La 1,25-(OH)2-vitamine D3 :
– stimule l’absorption digestive du calcium
– stimule l’activité ostéoblastique
– augmente l’activité ostéoclastique de la PTH
• Le récepteur sensible au calcium (CaSR) :
– est exprimé par les cellules parathyroïdiennes, tubulaires
rénales et jéjunales
– détecte les variations de la calcémie
– met en jeu les systèmes de régulation
DFG, débit de filtration glomérulaire ; DEC, déshydratation extracellulaire ; HEC, hyperhydratation extracellulaire.

Conséquences cliniques
Les conséquences cliniques de l’hypocalcémie s’observent essentiellement quand
l’hypocalcémie est profonde et d’installation rapide. On peut alors observer :
j asthénie ;
j paresthésies péribuccales et des extrémités ;
j crampes musculaires avec parfois signe de Trousseau (contraction des doigts
en « main d’accoucheur ») ou signe de Chvostek (contraction faciale après per-
cussion de la joue) ;
152 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 7.4. Rôles de la PTH et de la 1,25-(OH)2-vitamine D3 dans la régulation de la


calcémie.
En cas d’hypocalcémie, la PTH (action rapide) va libérer le calcium osseux et augmenter
la réabsorption tubulaire du calcium. La 1,25-(OH)2-vitamine D3 (action plus lente)
va augmenter l’absorption digestive de calcium et la résorption osseuse. Ces deux
mécanismes tendent à normaliser la calcémie.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

j crise de tétanie avec spasme laryngé ;


j voire convulsions.
Ces signes sont majorés ou favorisés par une alcalose métabolique ou ventila-
toire (hyperventilation).
L’hypocalcémie peut aggraver une insuffisance cardiaque.
L’ECG peut mettre en évidence :
j un allongement de l’intervalle QT le plus souvent asymptomatique ;
j parfois des ondes T amples et pointues ;
j une bradycardie, voire un bloc auriculoventriculaire.
Anomalies du bilan du calcium 153

Figure 7.5. Rôle du récepteur sensible au calcium (CaSR).


Le CaSR permet de transmettre aux cellules parathyroïdiennes les variations de la
calcémie, afin de faire varier la PTH dans un sens ou dans un autre : lorsqu’il est activé
par le calcium extracellulaire, le CaSR inhibe la sécrétion de PTH (à gauche) ; en cas de
baisse de la calcémie ionisée, il voit son activité réduite : la PTH est sécrétée (à droite)
et la calcémie ionisée est normalisée.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
154 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Examens utiles
Examens utiles devant une hypocalcémie selon le contexte clinique :
j calcémie totale et albuminémie ;
j calcémie ionisée ;
j créatininémie ;
j phosphatémie ;
j magnésémie ;
j PTH ;
j 25-(OH)-vitamine D ;
j 1,25-(OH)2-vitamine D3 ;
j calciurie des 24 heures ;
j ECG.

Étiologie
D’une manière schématique, les mécanismes de l’hypocalcémie résultent :
j soit d’une augmentation des « pertes » de calcium hors du secteur vasculaire :
Ÿ dépôts tissulaires ;
Ÿ transferts osseux ;
Ÿ pertes urinaires ;
Ÿ chélation intravasculaire ;
j soit d’une diminution des entrées plasmatiques de calcium :
Ÿ malabsorption intestinale ;
Ÿ diminution de la résorption osseuse.
Le tableau 7.2 résume les principales causes d’hypocalcémie et les signes biolo-
giques associés.

Tableau 7.2. Principales causes d’hypocalcémie.


Causes Présentation Contexte clinique, signes associés
Hypoparathyroïdie Chronique • Cause : suites de parathyroïdectomie
• Signes :
– PTH basse (inadaptée)
– phosphatémie élevée
Carence en vitamine D Chronique • Fréquente (+++)
• Causes :
– carence d’apport
– malabsorption
– exposition solaire insuffisante
• Signes :
– tableau d’ostéomalacie
– PTH augmentée (adaptée)
– phosphatémie normale ou diminuée

Anomalies du bilan du calcium 155

 Causes Présentation Contexte clinique, signes associés


Insuffisance rénale Chronique • Cause : défaut de 1α-hydroxylation rénale
chronique et donc carence en vitamine D active
• Signes :
– PTH augmentée (adaptée)
– hyperphosphatémie associée
Pancréatite aiguë Aiguë • Dépôts de calcium dans les tissus lésés
Précipitations intravas- Aiguë • Syndrome de lyse tumorale
culaires • Rhabdomyolyse
• Chélations d’origine iatrogène :
– ransfusion massive de plasma citraté
– foscarnet…
Causes médicamenteuses Variable • Bisphosphonates
• Dénosumab (anti-RANK Ligand)
Hypomagnésémie sévère Aiguë • Magnésémie < 0,5 mmol/l
• Synthèse de PTH freinée
Causes génétiques rares Chronique • Mutation du gène ou d’un facteur de trans-
cription de la PTH (tableau d’hypopara-
thyroïdie)
• Hypocalcémie hypercalciurique familiale
(mutation du CaSR, tableau d’hypopara-
thyroïdie)
• Pseudohypoparathyroïdie (mutation dans
les voies de signalisation de la PTH)

Tableau de synthèse
Les principales situations cliniques avec hypocalcémie sont résumées dans le
tableau 7.3.
L’analyse de la calcémie, de la phosphatémie, de la PTH et de la 25-(OH)-vita-
mine D permet le plus souvent d’aboutir à un diagnostic.

Tableau 7.3. Principales causes d’hypocalcémie et anomalies biologiques associées.


1,25-(OH)2-
Calcémie Phosphatémie PTH 25-(OH)-vit. D vit. D3
Hypoparathyroïdie ↓ ↑ ↓ Variable =
Carence ↓ ↓ ↑ ↓ ↓
en vitamine D
Insuffisance rénale ↓ ↑ ↑ ↓ ↓
chronique
Hypomagnésémie ↓ ↓ ↓ Variable =
156 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Traitement
Le traitement des hypocalcémies repose sur :
j les apports de calcium per os (carbonate de calcium le plus souvent) : 500 mg
à 1,5 g par jour ;
j les apports de calcium par voie veineuse en cas d’hypocalcémie symptoma-
tique :
Ÿ gluconate de calcium : 1 ampoule contient 2,3 mmol de calcium-élément
pour 10 ml ;
Ÿ chlorure de calcium : 1 ampoule contient 4,5 mmol de calcium-élément
pour 10 ml (apports plus importants et action plus rapide) ;
j la correction d’une carence en vitamine D définie par un dosage de 25-(OH)-
vitamine D < 30 ng/ml :
Ÿ vitamine D2 (ergocalciférol, Stérogyl©) ;
Ÿ ou vitamine D3 (cholécalciférol, Uvedose©) ;
j l’apport de vitamine D hydroxylée (Un-Alfa©, Rocaltrol©) :
Ÿ en cas d’insuffisance rénale chronique et en l’absence d’hyperphosphatémie ;
Ÿ en cas d’hypoparathyroïdie après thyroïdectomie totale ; si l’hypoparathy-
roïdie est réfractaire, on peut avoir recours à des injections de PTH recombi-
nante ;
j la correction d’une hypomagnésémie si besoin.
Enfin, au cours des rhabdomyolyses, la correction d’une hypocalcémie doit être
prudente car il existe souvent une hypercalcémie à la phase de récupération du
fait de mobilisation des dépôts calciques intramusculaires.

Les hypercalcémies
Définition
L’hypercalcémie est définie par une calcémie totale >  2,55  mmol/l. Le
retentissement clinique n’apparaît que lorsque la calcémie ionisée est
> 1,30 mmol/l.
En cas de déshydratation extracellulaire avec hémoconcentration et aug-
mentation de l’albuminémie, la calcémie totale augmente mais la calcémie
ionisée reste normale.

Conséquences cliniques
L’hypercalcémie est en règle :
j asymptomatique tant que la calcémie est < 2,8-3,0 mmol/l ;
j symptomatique au-delà de ces valeurs ;
j menaçante pour le pronostic vital au-dessus de 3,5 mmol/l.
Anomalies du bilan du calcium 157

Hypercalcémie aiguë
Les signes cliniques d’une hypercalcémie aiguë sont souvent peu spécifiques.
j Signes généraux :
Ÿ anorexie ;
Ÿ asthénie ;
Ÿ troubles de l’humeur.
j Signes digestifs :
Ÿ vomissements ;
Ÿ constipation ;
Ÿ voire tableau digestif grave : pancréatite aiguë, ulcère.
j Signes neuropsychiques :
Ÿ confusion ;
Ÿ agitation ;
Ÿ délire ;
Ÿ coma.
j Signes rénaux :
Ÿ polyuro-polydipsie avec polyurie hypotonique (osmolalité urinaire
< 200 mOsmol/kg d’eau) avec une diurèse dépassant rarement 4 litres par jour ;
Ÿ signes de déshydratation extracellulaire secondaire aux vomissements,
à la polyurie mais aussi à une natriurèse «  obligatoire  » inappropriée
(>  30  mmol/l) avec alcalose métabolique (élimination rénale de bicarbo-
nate de sodium) ;
Ÿ insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.

L’hypovolémie entraîne une augmentation de la réabsorption de calcium


(en parallèle avec le sodium) dans le tube contourné proximal et est donc
un facteur d’entretien d’une hypercalcémie.

Hypercalcémie chronique
Les hypercalcémies chroniques peuvent se compliquer de :
j lithiases rénales secondaires à l’hypercalciurie (hyperparathyroïdie, sarcoïdose,
etc.) ;
j néphrocalcinose avec tableau de néphropathie interstitielle chronique ;
j dépôts calciques dans les vaisseaux.

Examens utiles
Examens utiles devant une hypercalcémie selon le contexte clinique :
j calcémie totale et albuminémie ;
j calcémie ionisée ;
158 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j phosphatémie ;
j PTH ;
j 25-(OH)-vitamine D et 1,25-(OH)2-vitamine D3 ;
j calciurie des 24 heures ;
j PTHrp (protéine PTH-like se liant au récepteur de la PTH et sécrétée par divers
types de cancers) ;
j ECG.

Étiologie
Deux causes, l’hyperparathyroïdie primitive et les cancers, représentent à elles
seules au moins 85 % des causes d’hypercalcémie.

Hyperparathyroïdie primitive
Présentations cliniques
L’hyperparathyroïdie primitive survient typiquement chez des femmes jeunes ou
d’âge moyen et associe les signes suivants :
j lithiase rénale calcique ;
j découverte fortuite :
Ÿ d’une hypercalcémie lors d’un examen sanguin (situation fréquente) ;
Ÿ d’une hypophosphatémie ;
Ÿ d’une hypercalciurie (> 0,1 mmol/kg par jour, ou > 7,5 mmol par jour chez
l’homme et 6,25 mmol par jour chez la femme) et ce malgré l’augmentation
de la réabsorption tubulaire de calcium, du fait de l’augmentation de la charge
filtrée de calcium ;
j augmentation de la concentration plasmatique de PTH :
Ÿ parfois modérée, à la limite supérieure de la normale ;
Ÿ cependant toujours inappropriée à l’hypercalcémie ;
j signes osseux radiologiques rarement observés de nos jours malgré l’augmen-
tation de l’ostéolyse induite par la PTH.

Causes des hyperparathyroïdies primitives


j Le plus souvent, l’hyperparathyroïdie est secondaire à un adénome parathy-
roïdien que l’on peut localiser par échographie ou scintigraphie ; le traitement est
chirurgical.
j En cas d’hyperplasie parathyroïdienne, il faut chercher une néoplasie endo-
crinienne multiple génétique (NEM) :
Ÿ de type 1 (avec tumeurs endocriniennes pancréatiques et tumeurs hypo-
physaires) ;
Ÿ de type 2 (avec cancer médullaire de la thyroïde et phéochromocy-
tome).
Anomalies du bilan du calcium 159

Situation particulière
Hyperparathyroïdie tertiaire
Tableau similaire à celui d’hyperparathyroïdie primitive.
j
Survenant après transplantation rénale.
j
Associant hypercalcémie, hypophosphatémie et taux de PTH inadapté.
j
Observée après :
– une longue période d’insuffisance rénale chronique avec hyperpara-
thyroïdie secondaire ;
– avec autonomisation de l’hyperparathyroïdie (transformation adé-
nomateuse d’une hyperplasie d’une des glandes parathyroïdiennes).
j
L’hypercalcémie secondaire à l’adénome ne se dévoile que quand la
fonction rénale se normalise après la transplantation rénale.

Hypercalcémies des cancers


Les hypercalcémies des cancers représentent la seconde cause fréquente d’hyper-
calcémie.
Le diagnostic est souvent évident en présence d’un cancer connu.
Ces hypercalcémies peuvent être la conséquence de deux mécanismes :
j l’ostéolyse locale :
Ÿ avec métastases d’un cancer du sein, de la prostate… ;
Ÿ l’hypercalcémie peut être dans ce cas directement secondaire à la lyse ou
être médiée par la production de cytokines (TNF, interleukines…) ;
j l’hypercalcémie humorale sans métastases osseuses :
Ÿ par sécrétion de PTHrp par les cellules tumorales — le tableau biologique
ressemble alors à une hyperparathyroïdie primitive mais avec PTH basse et
PTHrp élevée ;
Ÿ par synthèse excessive de 1,25-(OH)2-vitamine  D3 comme observé au
cours de certains lymphomes.

Autres causes d’hypercalcémie


Elles sont résumées dans le tableau 7.4.

Arbre diagnostique
La conduite à tenir devant une hypercalcémie est résumée dans la figure 7.6.

Traitement
Traitement de l’hypercalcémie aiguë symptomatique
j La mesure essentielle est l’hydratation qui permet toujours une diminution
de la calcémie :
160 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 7.4. Causes des hypercalcémies en dehors de l’hyperparathyroïdie


primitive et des cancers.
Causes Mécanismes, caractéristiques
Intoxication par la • Hyperabsorption intestinale de calcium
vitamine D
Abus de carbonate de • Abus essentiellement constaté au cours de l’insuffisance
calcium (ou de lait) rénale chronique
Augmentation de la • Granulomatoses (sarcoïdose, tuberculose, histoplasmose) et
1,25-(OH)2-vitamine D3 lymphomes (non hodgkiniens)
(PTH ↓, calciurie ↑) • Activité excessive de 1α-hydroxylase par les cellules lympho-
mateuses ou par les cellules inflammatoires des granulomes
• Concentration élevée de 1,25-(OH)2-vitamine D3, la 25-(OH)-
vitamine D pouvant être normale*
• Efficacité des corticoïdes +++
Hyperthyroïdie aiguë • Situation rare (excrétion rénale normale)
sévère • Par augmentation de la résorption osseuse
Hypervitaminose A • Intoxication par les rétinoïdes (récepteur homologue au VDR,
récepteur de la vitamine D)
• Surconsommation d’abats, de carottes, de vitamine A…
Phase de guérison des • Mobilisation des dépôts calciques intramusculaires
rhabdomyolyses
Diurétiques thiazidiques • Augmentation de la réabsorption tubulaire de calcium et
diminution de la calciurie
Immobilisation prolongée • Relargage osseux
Hypercalcémie idiopa- • Mutation inactivatrice du CaSR (tableau d’hyperparathyroïdie
thique familiale primaire avec hypocalciurie)
* Les valeurs normales de la 25-(OH)-vitamine D sont de 30 à 100 ng/ml. Les concentrations de 1,25-(OH)2-vita-
mine D3 sont 1 000 fois inférieures.

Ÿ prescription de soluté salé isotonique (9  g/l) en cas de déshydratation


extracellulaire pure ;
Ÿ prescription de soluté salé hypotonique (4,5 g/l) en cas de déshydratation
intracellulaire associée (hypernatrémie).
j Arrêt des médicaments hypercalcémiants (diurétiques thiazidiques).
j Augmentation du débit urinaire de calcium et donc de la calciurie :
Ÿ furosémide par voie intraveineuse ;
Ÿ après correction préalable de l’hypovolémie et en compensant la diurèse
volume pour volume ;
Ÿ ce traitement est de moins en moins utilisé.
j Bisphosphonates :
Ÿ inhibiteurs de la résorption osseuse ;
Ÿ normalisation de la calcémie en 2 à 5 jours ;
Anomalies du bilan du calcium 161

Figure 7.6. Arbre diagnostique devant une hypercalcémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Ÿ à adapter en fonction du degré de la calcémie ;


Ÿ contre-indiqués si DFG < 30 ml/min/1,73 m2 ;
Ÿ on peut utiliser le pamidronate de sodium (Aredia©) par voie veineuse 30 à
90 mg ou le zolédronate (Zometa©) 4 mg par voie intraveineuse.
j Calcitonine, qui augmente la calciurie ; rarement utilisée car l’effet est très tran-
sitoire, mais efficace et bien tolérée.
j Enfin, la dialyse dans les formes graves (avec bain de dialyse pauvre en cal-
cium), qui permet une correction rapide de l’hypercalcémie.

Traitement étiologique de l’hypercalcémie


j Hyperparathyroïdie primitive :
Ÿ traitement le plus souvent chirurgical, avec peu de contre-indications ;
Ÿ chez les rares patients inopérables  : bisphosphonates et/ou cinacalcet
(Mimpara©), calcimimétique agoniste du CaSR  ; ce dernier simule l’effet du
calcium et inhibe la PTH.
162 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Sarcoïdose :
Ÿ le traitement étiologique repose sur la corticothérapie (0,3 à 0,5 mg/kg par
jour avec diminution lente au bout d’un mois) ;
Ÿ qui permet une diminution de l’absorption digestive du calcium.
j En cas de pathologies malignes : outre le traitement symptomatique, le traite-
ment est spécifique et adapté à chaque cas.

Entraînement

QCM 1
Les signes cliniques évoquant une hypocalcémie sont :
A. Une confusion.
B. Des paresthésies péribuccales.
C. Une constipation.
D. Un signe de Chvostek.
E. Des convulsions.
QCM 2
Une hypocalcémie aiguë peut s’observer au cours :
A. D’un syndrome de lyse tumorale.
B. D’une rhabdomyolyse.
C. D’une hyperthyroïdie.
D. De transfusion massive de plasma.
E. D’une hypomagnésémie sévère.

QCM 3
Parmi les causes d’hypercalcémie suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) à PTH basse ?
A. Sarcoïdose.
B. Hypercalcémie d’immobilisation.
C. Intoxication à la vitamine D.
D. Hypercalcémie paranéoplasique (PTHrp).
E. Hyperparathyroïdie primaire.

QCM 4
Au cours des hypercalcémies :
A. Les signes cliniques sont rares tant que la calcémie est < 3,0 mmol/l.
B. L’hypovolémie est un facteur d’entretien d’une hypercalcémie.
C. Il existe une polyurie hypertonique (osmolalité urinaire > 300 mOsmol/kg d’eau).
D. La prise au long cours de diurétiques thiazidiques est une cause d’hypercalcémie.
E. Les glucocorticoïdes font partie du traitement symptomatique de l’hypercalcémie.

Bibliographie
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Anomalies du bilan du calcium 163

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Riccardi D, Brown EM. Physiology and physiopathology of the calcium-sensing receptor in the kidney.
Am J Physiol Renal Physiol 2010;298:F485-99.
CHAPITRE

8
Anomalies du bilan
du phosphate

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques sur le phosphate
� Bilan du phosphate
� Absorption intestinale de phosphate
� Réabsorption rénale du phosphate
� Phosphatémie normale
� Principaux déterminants impliqués dans les variations de la phosphatémie
j Les hypophosphatémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement
j Les hyperphosphatémies
� Définition
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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166 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Rappels physiologiques sur le phosphate


Bilan du phosphate
j Pour mémoire, le phosphore est un des éléments du tableau de Mendeleïev
dont le symbole est P et le numéro d’atome 15.
j Le phosphate est un produit chimique inorganique, sel ou ester (résultant de
la combinaison avec une base), dont la formule est PO34−. C’est sous cette forme
qu’il circule dans l’organisme et à travers les membranes cellulaires.
j Le phosphore intracellulaire représente la quasi-totalité du phosphore de
l’organisme :
Ÿ phosphore osseux (environ 600 g, soit 85 % du phosphore total) ;
Ÿ phosphore intracellulaire (environ 90 g, soit 14 %).
j Le phosphore extracellulaire ne représente que 1 % du phosphore total.
Le phosphore ingéré est transporté de part et d’autre d’une membrane cellulaire
sous forme de phosphate (31  mg/l de phosphore-élément correspondant à
1 mmol/l de phosphate).
Le bilan du phosphate est résumé dans la figure 8.1.

Figure 8.1. Bilan du phosphate.


Le bilan du phosphore fait intervenir les apports de phosphate, le tissu osseux,
l’intestin et le rein.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du phosphate 167

Absorption intestinale de phosphate


L’apport alimentaire est très variable. En moyenne chez l’adulte occidental, il est de
40 à 50 mmol par jour (soit 1 200 à 1 500 mg), mais reste très variable en fonction
des apports en produits laitiers.
L’absorption digestive a lieu principalement dans le jéjunum sous la dépendance
de la 1,25-(OH)2-vitamine D3.
Environ 20 mmol de phosphore sont éliminées chaque jour dans les selles.

Réabsorption rénale du phosphate


La réabsorption du phosphate a lieu essentiellement dans le tube contourné
proximal (figure 8.2).

Phosphatémie normale
Définition
La phosphatémie normale est de 0,8 à 1,3  mmol/l (25 à 40  mg/l) chez
l’adulte (jusqu’à 2 mmol/l chez l’enfant).

j 10 % du phosphate non filtrables (liés aux protéines).


j 6 % complexés au Ca++ et au Mg++.
j 84 % libres, ultrafiltrables.

Figure 8.2. Transport rénal du phosphate.


La majeure partie du phosphate (87 %) est réabsorbée dans le tube contourné proximal.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
168 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Facteurs de conversion
j mg/l × 0,03 → mmol/l
j mmol/l × 31 → mg/l

Principaux déterminants impliqués dans les variations


de la phosphatémie
Le rein
Le rein est l’organe qui détermine la phosphatémie.
L’excrétion rénale est régulée par la PTH et le FGF23.
PTH
j Cette hormone peptidique, synthétisée par les parathyroïdes, se lie à son
récepteur situé au pôle basolatéral des cellules tubulaires proximales.
j Elle diminue la réabsorption tubulaire en diminuant le nombre de transpor-
teurs membranaires du pôle apical (transporteurs dénommés NPT2a et NPT2c).
j Elle inhibe ainsi la réabsorption du phosphate (figure 8.3).
j Outre ses effets sur la réabsorption du calcium (cf. chapitre 7 « Anomalies du
bilan du calcium ») et du phosphate, la PTH stimule la production rénale de
1,25-(OH)2-vitamine D3.
FGF23
j Cette hormone plus récemment décrite est synthétisée par les ostéocytes et
les ostéoblastes.
j Elle agit sur les cellules tubulaires proximales en inhibant la réabsorption du
phosphate.
j Le corécepteur du FGF23 est la protéine Klotho, produite par le rein et impli-
quée dans la longévité cellulaire et la protection cardiovasculaire.
j En présence de la protéine Klotho, le FGF23 active le récepteur de type 1 du
FGF (FGFR1) situé au pôle basal des cellules tubulaires proximales.
j Le FGF23 diminue alors l’expression rénale de NPT2a et NPT2c (figure  8.3),
inhibant ainsi la réabsorption du phosphate.
j La concentration plasmatique de FGF23 chez le sujet sain est ≤ 50 pg/ml.
j Le FGF23 a aussi pour effet de diminuer la synthèse de 1,25-(OH)2-vitamine D3,
modulant ainsi l’absorption digestive de phosphore.
La PTH et le FGF23 sont des hormones phosphaturiques (figure 8.4) . Ces deux
hormones ont des effets inverses sur la production de 1,25-(OH)2-vitamine D3.
Les facteurs qui augmentent la synthèse du FGF23 sont :
j les apports digestifs de phosphate et de calcium ;
j l’hyperphosphatémie ;
j la 1,25-(OH)2-vitamine D3 ;
j la PTH.
Anomalies du bilan du phosphate 169

Figure 8.3. Rôles de la PTH et du FGF23 dans la réabsorption tubulaire proximale


du phosphate.
La réabsorption du phosphate, assurée par les cotransports NPT2a et NPT2c
apicaux, est inhibée par la PTH et par le FGF23. La protéine Klotho, qui agit comme
corécepteur, est indispensable à l’action du FGF23.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Le FGF23 permet, aux stades précoces de l’insuffisance rénale chronique,


de maintenir l’excrétion rénale du phosphate malgré la baisse du DFG. Il est
impliqué dans la mortalité cardiovasculaire (HVG).

Le tissu osseux
Le tissu osseux influence également directement la phosphatémie :
j l’activité des ostéoclastes tend à augmenter la phosphatémie ;
j tandis que l’activité ostéoblastique et la minéralisation osseuse tendent à la
diminuer.

Les transferts de phosphate


L’insuline favorise le transfert du phosphate du milieu extracellulaire vers le milieu
intracellulaire.
170 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 8.4. Rôle de la PTH, de la 1,25-(OH)2-vitamine D3 et du FGF23


dans la régulation du bilan phosphocalcique.
Le FGF23 a pour effets :
- de diminuer la réabsorption rénale du phosphate ;
- de diminuer la synthèse de 1,25-(OH)2-vitamine D3, modulant ainsi l’absorption
digestive de phosphore.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du phosphate 171

Les hypophosphatémies
Définition
L’hypophosphatémie est définie par une phosphatémie<  0,8  mmol/l
(25 mg/l).

Application
TmPi et seuil rénal de réabsorption du phosphate
La réabsorption proximale du phosphate est un phénomène saturable, limité par un
seuil appelé le transport maximal du phosphate (TmPi).
En pratique clinique, pour déterminer l’origine rénale ou digestive d’une hypophos-
phatémie, on peut quantifier le TmPi. Le rapport entre le TmPi et le débit de filtration
glomérulaire (TmPi/DFG) définit le seuil rénal de réabsorption du phosphate.
Ce seuil est :
j
diminué s’il s’agit d’une hypophosphatémie d’origine rénale (diminution de la réab-
sorption tubulaire proximale), par exemple en cas d’hyperparathyroïdie primaire ou de
tubulopathie proximale ;
j
augmenté si l’hypophosphatémie est d’origine digestive.
Ce seuil rénal de réabsorption est obtenu à partir d’un diagramme, nommé nomo-
gramme de Bijvoet. La figure 8.5 illustre, à partir d’un cas, l’utilisation de ce diagramme.

Application
j
Phosphatémie = 0,50 mmol/l.
j
Phosphaturie = 22 mmol/l.
j
Créatininémie = 60 µmol/l, soit 0,060 mmol/l.
j
Créatininurie = 15 mmol/l.
1. Calculer l’excrétion fractionnelle (EF) du phosphate :
Phosphaturie × Créatininémie
EF = 
Phosphatémie × Créatininurie
Soit ici EF = 0,176.
2. Calculer le taux de réabsorption du phosphate (TRP) :
Quantité filtrée (100 %) – EF = 1 – 0,176 = 0,82
Le TRP est donc de 0,82, soit 82 %.
3. Obtenir la valeur du TmPi/DFG :
En reliant la phosphatémie (à gauche de la figure) et le TRP (en vert), on obtient sur le
diagramme la valeur du TmPi/DFG (N > 0,77 mmol/l de filtrat glomérulaire).

172 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 8.5. Le seuil rénal du phosphate : utilisation du nomogramme de Bijvoet.


L’estimation du TmPi/DFG est utile pour savoir si l’hypophosphatémie est
d’origine digestive ou rénale. Dans ce cas, le TmPi/DFG est < 0,77, traduisant une
hypophosphatémie d’origine rénale.
(Source : reprinted from The Lancet, Vol. 2, Walton RJ, Bijvoet OL, Nomogram for derivation of renal threshold
phosphate concentration, 307-10, Copyright (1975), with permission from Elsevier.

Conséquences cliniques
Les signes cliniques n’apparaissent que quand la phosphatémie est < 0,5 mmol/l
(soit 16 mg/l).
j Signes musculaires :
Ÿ faiblesse musculaire ;
Ÿ rhabdomyolyse avec élévation des CPK ;
Ÿ diminution de la contractilité du myocarde ;
Ÿ hypocontractilité du diaphragme (et difficultés possibles du sevrage de la
ventilation mécanique).
j Signes hématologiques :
Ÿ diminution de la délivrance de l’oxygène aux tissus par déplétion érythro-
cytaire en 2,3-diphosphoglycérate (2,3-DPG), cette déplétion entraînant une
augmentation de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène ;
Ÿ anémie hémolytique aiguë et diminution des fonctions bactéricides des
polynucléaires neutrophiles par déplétion en ATP décrites dans les hypophos-
phatémies très profondes (< 0,30 mmol/l).
Anomalies du bilan du phosphate 173

j Signes neurologiques : confusion, troubles de la vision, paresthésies, mouve-


ments anormaux, voire convulsions — probablement en rapport avec l’hypoxie
cellulaire (déficit en 2,3-DPG).
j Signes osseux dans les formes chroniques :
Ÿ défaut de minéralisation ;
Ÿ tableau de rachitisme.

Examens utiles
Examens utiles devant une hypoposphatémie selon le contexte clinique :
j 25-(OH)-vitamine D ;
j PTH ;
j pH artériel ;
j kaliémie, bicarbonatémie ;
j uricémie ;
j voire le dosage de FGF23 dans le futur.

Étiologie
Les mécanismes et les causes des hypophosphatémies sont résumés dans le
tableau 8.1.
Tableau 8.1. Causes des hypophosphatémies.
Mécanisme Causes
Carence d’apport • Dénutrition
• Alcoolisme chronique
Diminution de • Carence en 25-(OH)-vitamine D :
l’absorption intestinale – rachitisme
de phosphore – ostéomalacie
• Diarrhées chroniques, malabsorption
Fuite urinaire par • Hyperparathyroïdie primitive
diminution de la • Hyperparathyroïdie tertiaire après transplantation rénale,
réabsorption rénale mimant un tableau d’hyperparathyroïdie primaire
• Rares hypophosphatémies héréditaires avec FGF23 élevé
• Tubulopathie proximale (syndrome de Fanconi ; cf. chapitre 5
« Anomalies du bilan du potassium » et chapitre 10 « Anomalies
du bilan de l’acide urique ») associant de façon inconstante :
– hypokaliémie
– acidose tubulaire proximale
– glycosurie sans hyperglycémie
– hypo-uricémie
– aminoacidurie
• Les causes des syndromes de Fanconi sont dominées
par le myélome et les causes médicamenteuses :
– aminosides
– ifosfamide
– cisplatine
– ténofovir… 
174 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Mécanisme Causes
Transfert du phosphate • Insuline (lors d’un accident acidocétosique)
du milieu extracellulaire • Alcalose respiratoire aiguë, alcalose métabolique
vers les cellules • Alimentation parentérale sans apports de phosphore
et syndrome de renutrition
Hungry bone syndrome • Minéralisation osseuse rapide post-parathyroïdectomie
(hypercalcémie associée)

Arbre diagnostique
La conduite à tenir devant une hypophosphatémie est schématisée dans la
figure 8.6.

Figure 8.6. Arbre diagnostique devant une hypophosphatémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du phosphate 175

Traitement

Attention
En cas de phosphatémie< 0,40 mmol/l (<  12  mg/l) ou en cas de symp-
tômes graves, la voie veineuse est indispensable.

Apports de phosphore par voie veineuse


j Le plus souvent  : solution de phosphate disodique (Phocytan©) contenant
0,33 mmol/ml ou 0,66 mmol/ml de phosphore ; cette solution est hyperosmo-
laire et doit être diluée dans un volume de 1 litre.
j En cas d’alimentation parentérale, on considère comme nécessaire l’apport de
7,5 à 15 mmol de phosphore pour 1 000 calories.
j Le risque d’un apport trop important est celui d’hyperphosphatémie, d’hypo-
calcémie et de précipitation phosphocalcique dans les tissus mous.

Apports per os
j Prescription d’acide phosphorique (Phosphoneuros©), seule formulation dis-
ponible per os.
j Dans 10 gouttes, il y a 78,8 mg, soit 2,5 mmol de phosphore-élément.
j La posologie est souvent supérieure ou égale à 100 gouttes par jour.

Les hyperphosphatémies
Définition
L’hyperphosphatémie est définie par une phosphatémie>  1,45  mmol/l
(soit 45 mg/l).

Conséquences cliniques
Les signes n’apparaissent que lorsque la phosphatémie est > 2,0 mmol/l (62 mg/l).
Ces signes sont l’hypocalcémie et les calcifications des tissus mous.

Hypocalcémie
j L’hypocalcémie peut être symptomatique (cf. « Les hypocalcémies » au cha-
pitre 7).
j Elle est secondaire à la formation de complexes insolubles de phosphate de
calcium (quand le produit phosphocalcique molaire est > 5,5).
j Toute augmentation de la phosphatémie de 1 mmol/l entraîne une diminution
de la calcémie de 0,08 mmol/l — ce mécanisme joue un rôle dans l’hypocalcémie
de l’insuffisance rénale chronique.
176 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j De plus, l’hyperphosphatémie inhibe la formation rénale de 1,25-(OH)2-vita-


mine D3, aggravant ainsi l’hypocalcémie.

Calcifications des tissus mous


j Les calcifications sont la conséquence de la précipitation des complexes phos-
phocalciques.
j Elles sont d’autant plus fréquentes que le produit phosphocalcique est élevé.
j Elles sont détectables dans divers tissus :
Ÿ les parois vasculaires, où elles sont source d’athérosclérose accélérée ;
Ÿ les tissus sous-cutanés, à l’origine de calciphylaxie au cours de l’insuffisance
rénale chronique ;
Ÿ mais aussi les reins, les tissus articulaires, le système nerveux central…

Examens utiles
Examens utiles devant une hyperphosphatémie selon le contexte clinique :
j avant tout : créatininémie en cas d’insuffisance rénale aiguë et estimation du
DFG en cas d’insuffisance rénale chronique ;
j calcémie ;
j 25-(OH)-vitamine D ;
j PTH.

Étiologie
Les causes d’hyperphosphatémie, dominées par l’insuffisance rénale chronique
sont décrites dans le tableau 8.2 ci-dessous.

Tableau 8.2. Causes des hyperphosphatémies.


Mécanisme Causes
Apports excessifs • Apports excessifs de phosphore par voie veineuse
• Apports excessifs de vitamine D
Défaut d’excrétion • Insuffisance rénale chronique avec DFG < 30 ml /min/1,73 m2
rénale • Insuffisance rénale aiguë
Transfert des cellules • Rhabdomyolyse
vers le plasma • Syndrome de lyse tumorale
Hypoparathyroïdie • Post-parathyroïdectomie
• Post-thyroïdectomie totale
• Auto-immune (exceptionnel)
• Par infiltration tissulaire (hémochromatose, amylose)
DFG, débit de filtration glomérulaire.
Anomalies du bilan du phosphate 177

La cause principale est donc l’insuffisance rénale chronique.


L’hyperphosphatémie :
j est un problème majeur au cours de l’insuffisance rénale chronique ;
j est responsable, de façon indépendante, d’une augmentation de la mortalité
cardiovasculaire, dès le stade 3 de la maladie rénale chronique (DFG estimé entre
30 et 45 ml/min/1,73 m2) et ce alors même que la phosphatémie augmente lente-
ment tout en restant dans les valeurs normales.
Le FGF23 tente de maintenir une phosphatémie normale, mais son augmentation
devient insuffisante avec la progression de la maladie rénale chronique.
La figure  8.7 illustre les modifications du bilan phosphocalcique au cours de
l’insuffisance rénale chronique.

Arbre diagnostique
La conduite à tenir devant une hyperphosphatémie est schématisée dans la
figure 8.8.

Traitement
Seul le traitement symptomatique au cours de l’insuffisance rénale chronique
est décrit ici.
Il repose avant tout sur la prescription de chélateurs du phosphore :
j chélateurs calciques :
Ÿ carbonate de calcium (1 à 2,5 g par jour) qui permet :
– de corriger l’hypocalcémie lorsqu’il est pris entre les repas ;
– et de corriger l’hyperphosphatémie lorsqu’il est pris pendant les repas ;
Ÿ Phosphosorb© (acétate de calcium) ;
j chélateurs non calciques prescrits en règle aux stades tardifs de l’insuffisance
rénale chronique (stade 5 le plus souvent) :
Ÿ sévélamer chlorhydrate (Renagel©, 800 à 2 400 mg par jour) ;
Ÿ lanthane (Fosrenol©) ;
Ÿ oxyhydroxyde sucro-ferrique (Velphoro©).
La restriction protidique (0,8 à 1  g/kg par jour) permet une diminution des
apports alimentaires en phosphore.
Parfois, la parathyroïdectomie est indiquée au stade terminal de l’insuffisance
rénale chronique quand l’hyperparathyroïdie secondaire échappe au traitement
médical.
Un anticorps monoclonal anti-FGF23 (burosumab) est en cours d’essai dans les
stades avancés de maladie rénale chronique.

L’objectif à atteindre au cours de l’insuffisance rénale chronique est une


phosphatémie≤ 1,5 mmol/l (46 mg/l).
178 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 8.7. Anomalies du bilan du phosphate au cours de l’insuffisance rénale


chronique et ses conséquences.
L’association hypocalcémie (secondaire à la diminution de la 1,25-(OH)2-vitamine D3)
et hyperphosphatémie (secondaire à la diminution du DFG) favorise la survenue de
calcifications vasculaires. L’augmentation du FGF23 tente de maintenir une phosphatémie
normale par deux mécanismes : diminution de la 1,25-(OH)2-vitamine D3 (et donc
de l’absorption digestive de phosphate) et augmentation de l’excrétion urinaire de
phosphate. Mais cette augmentation du FGF23, via la diminution de la proteine Klotho,
favorise l’hypertrophie ventriculaire gauche.
HVG, hypertrophie ventriculaire gauche.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du phosphate 179

Figure 8.8. Arbre diagnostique devant une hyperphosphatémie.


IRC, insuffisance rénale chronique.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
180 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Entraînement
QCM 1
La calcémie et la phosphatémie varient en sens inverse dans :
A. L’hyperparathyroïdie primaire.
B. L’hyperparathyroïdie secondaire à l’insuffisance rénale chronique.
C. L’hyperparathyroïdie tertiaire.
D. La carence en vitamine D active.
E. L’immobilisation prolongée.

QCM 2
Devant une hypophosphatémie, vous allez rechercher :
A. Une dénutrition.
B. Une augmentation de la 1,25-(OH)2-vitamine D3.
C. Un syndrome de Fanconi (tubulopathie proximale).
D. Une acidose métabolique.
E. Une alcalose ventilatoire.

QCM 3
Une hyperphosphatémie peut être secondaire à :
A. Une insuffisance rénale aiguë.
B. Une insuffisance rénale chronique.
C. La prescription d’insuline.
D. Un syndrome de lyse tumorale.
E. Une thyroïdectomie totale.

Bibliographie
Blaine J, et al. Renal control of calcium, phosphate and magnesium homeostasis. Clin J Am Soc Nephrol
2015;(10):1257-72.
Foster IC, Hernando N, Biber J, Murer H. Proximal tubular handling of phosphate. Kidney Int
2006;70:1548-59.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition. Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series.
St. Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Marks JS, Debman ES, Unwin RJ. Phosphate homeostasis and the renal-gastrointestinal axis. Am J Phy-
siol Renal Physiol 2010;299:F285-96.
CHAPITRE

9
Anomalies du bilan
du magnésium

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques sur le magnésium
� Bilan du magnésium
� Absorption intestinale de magnésium
� Transport rénal du magnésium
� Magnésémie
� Principaux déterminants impliqués dans la régulation de la magnésémie
j Les hypomagnésémies
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement
j Les hypermagnésémies
� Conséquences cliniques
� Examens utiles
� Étiologie
� Arbre diagnostique
� Traitement

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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182 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Rappels physiologiques sur le magnésium


Bilan du magnésium
j Le magnésium est le deuxième cation intracellulaire le plus abondant après le
potassium.
j 80 % du magnésium total est lié à l’ATP.
j Il joue un rôle très important dans :
Ÿ le maintien des propriétés des membranes cellulaires (transport de potas-
sium, activité des canaux calciques…) ;
Ÿ de nombreuses voies de signalisation intracellulaire ;
Ÿ la synthèse des acides nucléiques et des protéines ;
Ÿ la conduction nerveuse et l’excitabilité neuromusculaire ;
Ÿ le tonus cardiovasculaire ;
Ÿ la formation osseuse.
j Du fait de toutes ces actions, l’hypomagnésémie sévère a des conséquences
physiologiques systémiques car elle est responsable d’une dysfonction des cel-
lules endothéliales.
j Le magnésium est cofacteur de très nombreuses enzymes :
Ÿ Na+/K+-ATPase ;
Ÿ enzymes de la phosphorylation oxydative ;
Ÿ adénylate cyclase ;
Ÿ phospholipase C ;
Ÿ lipoprotéine lipase…
j L’organisme contient environ 25 g de magnésium (figure 9.1), majoritairement
intracellulaire avec :
Ÿ 60 % dans le tissu osseux ;
Ÿ 40 % dans les cellules, essentiellement les cellules musculaires ;
Ÿ 1 % dans le milieu extracellulaire, dont un tiers dans le plasma.
La figure 9.2 résume les flux de magnésium entre les différents compartiments de
l’organisme.

Figure 9.1. Répartition du magnésium dans l’organisme.


Seul 1 % du magnésium total de l’organisme est dans le secteur extracellulaire.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du magnésium 183

Figure 9.2. Flux de magnésium entre les différents compartiments de l’organisme.


L’équilibre du bilan du magnésium fait intervenir l’os, le tube digestif et le rein.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Absorption intestinale de magnésium


Chaque jour, un adulte ingère environ 12 mmol de magnésium (soit environ 300 mg).
La moitié de ces apports (environ 6 mmol) est absorbée dans le jéjunum, l’iléon et
à un moindre degré dans le côlon.
Les 6 mmol non absorbées sont éliminées dans les selles.
La quantité absorbée par l’intestin varie cependant en fonction des apports, avec
jusqu’à 75 % du magnésium ingéré réabsorbé en cas d’apports pauvres en magnésium.
Les inhibiteurs de la pompe à protons, surtout en cas d’utilisation prolongée,
inhibent l’absorption intestinale de magnésium.

Transport rénal du magnésium


Les reins filtrent chaque jour 2 000 à 2 400 mg de magnésium (environ 100 mmol).
Le magnésium filtré est ensuite réabsorbé :
j 25 % dans le tube contourné proximal ;
j 65-70 % au niveau de la branche large ascendante de Henlé, où deux types
de protéines jouent un rôle important  : des protéines des jonctions serrées
intercellulaires dénommées «  claudines  » (en particulier la claudine-16 et la
claudine-19) et le récepteur sensible au calcium (CaSR, décrit dans le chapitre 7
« Anomalies du bilan du calcium ») ;
184 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j les 5-10 % restants au niveau des segments distaux (tubule distal et tube col-
lecteur), où l’activation du récepteur de l’EGF joue un rôle important. L’EGF (Epi-
dermal Growth Factor) est un facteur de croissance épidermique aux multiples
actions, principalement trophiques, qui exerce ses effets après fixation à ses récep-
teurs. Point important, au niveau du tubule distal, la réabsorption de magnésium
est couplée à celle du sodium et un traitement par diurétique thiazidique ou une
mutation inactivant le cotransporteur Na-Cl (syndrome de Gitelman) s’accompa-
gnent d’une augmentation de la magnésurie.

La magnésurie chez un adulte sain est de l’ordre de 4 à 5 mmol par jour.

Le transport rénal du magnésium est schématisé dans la figure 9.3.

Magnésémie

Définition
Le taux plasmatique normal varie de 0,65 à 1,05 mmol/l (soit 17 à 26 mg/l).

Mais ce taux reflète mal les stocks de magnésium car l’équilibre entre os, cellules
et secteur plasmatique se fait lentement.

Figure 9.3. Transport rénal du magnésium.


La majeure partie du magnésium filtré est réabsorbée au niveau de la branche large
ascendante de l’anse de Henlé.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Anomalies du bilan du magnésium 185

Le magnésium plasmatique est :


j pour 60 % sous forme ultrafiltrable ionisée ;
j pour 30 % sous forme liée à l’albumine ; de ce fait, l’hypoalbuminémie peut
entraîner des valeurs faussement basses de magnésium ;
j les 10 % restants étant complexés à divers anions.

Attention
L’hypomagnésémie peut entraîner :
j
une hypocalcémie (via une diminution de la PTH) ;
j
une hypokaliémie (via ses effets sur les canaux potassiques et sur la
pompe Na+/K+-ATPase).
Facteurs de conversion
j mg/l × 0,041 → mmol/l
j mmol/l × 24,3 → mg/l

Principaux déterminants impliqués dans la régulation


de la magnésémie
L’intestin, le rein et l’os participent au maintien d’une magnésémie normale.
La régulation du bilan du magnésium semble être rénale, mais toutes les hormones
maintenant la magnésémie normale ne sont pas clairement caractérisées. Les trois
principales sont :
j la prostaglandine E2, qui diminue la réabsorption proximale ;
j le CaSR et donc la PTH, qui régulent la réabsorption dans la branche large
ascendante de l’anse de Henlé ;
j l’EGF, qui stimule la réabsorption distale par stimulation du canal TRPM6
(Transient Receptor Potential cation channel subfamily M member 6).
La figure 9.4 représente les mécanismes de réabsorption le long du tubule.
Le tableau  9.1 résume les principaux facteurs modulant le transport rénal du
magnésium.
Le magnésium diminue la sécrétion de PTH principalement en présence d’une
concentration modérée en calcium. Il module également la fonction des glandes
parathyroïdes par le biais d’une augmentation du récepteur sensible au calcium
CaSR (cf. chapitre 7 « Anomalies du bilan du calcium »).

Tableau 9.1. Principaux facteurs affectant le transport rénal du magnésium.


Augmentation de la réabsorption rénale Diminution de la réabsorption rénale
• Diminution des apports • Hypermagnésémie
• Prostaglandine E2 • Hypercalcémie
• PTH et calcitonine • Hypophosphatémie
• Glucagon et insuline • Hypokaliémie
• EGF • Diurétiques de l’anse et thiazidiques
• Alcalose métabolique • Acidose métabolique
PTH, parathormone ; EGF, Epidermal Growth Factor.
186 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 9.4.
Réabsorption
rénale du
magnésium.
A. Au niveau du
tube contourné
proximal, la
réabsorption
est couplée au
calcium par la voie
paracellulaire.
B. Au niveau de
la branche large
ascendante de
l’anse de Henlé, la
réabsorption se fait
également par la
voie paracellulaire
(rôle important
des protéines des
jonctions serrées,
en particulier les
claudines) et est
favorisée par le
gradient électrique
transépithélial
(lumière du
tubule positive, le
potassium rentrant
par le canal NKCC2
étant renvoyé dans
le tubule via le
canal ROMK).


Anomalies du bilan du magnésium 187

 C. Au niveau du
tubule distal,
la fixation de
l’EGF sur son
récepteur favorise
la réabsorption
du magnésium en
activant les canaux
apicaux TRPM6.
NKCC2 : Na-K-2Cl
Cotransporter
2 ; NCC : Na-Cl
Cotransporter ;
EGF : Epidermal
Growth Factor ;
TRPM6 : Transient
Receptor Potential
cation channel,
subfamily M,
member 6.
(Source : Marie-Noëlle
Peraldi.)

Les hypomagnésémies
Définition
L’hypomagnésémie est définie par une magnésémie < 0,65 mmol/l (< 17
mg/l). Elle est sévère si < 0,5 mmol/l.
L’hypomagnésémie est :
j fréquente chez les sujets âgés sous diurétiques ;
j présente chez :
Ÿ 10 % des patients hospitalisés hors réanimation ;
Ÿ 60 % des patients hospitalisés en unités de soins intensifs.
188 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Attention
40 à 50 % des patients qui ont une hypomagnésémie ont aussi une hypo-
kaliémie. Cette dernière est d’origine rénale et médiée par l’ouverture des
canaux potassiques (ROMK) responsables de l’excrétion urinaire de potas-
sium dans les segments distaux du néphron.

Conséquences cliniques
Les manifestations cliniques de l’hypomagnésémie isolée sont peu fréquentes et
non spécifiques, pouvant être méconnues en particulier chez les patients dialysés,
transplantés, au cours d’une hyperparathyroïdie primaire.
Elles se voient surtout en cas d’association avec d’autres troubles électrolytiques
comme l’hypokaliémie ou l’hypocalcémie (cf. chapitres 5 et 7).
On peut observer :
j des signes neuromusculaires :
Ÿ hyperréflexie, signe de Chvostek, signe de Trousseau, comme au cours des
hypocalcémies ;
Ÿ paresthésies ;
Ÿ faiblesse musculaire ;
Ÿ voire convulsions ;
j des signes généraux : fatigue, anorexie ;
j des signes neuropsychiatriques : apathie, dépression ;
j ces signes sont d’autant plus marqués qu’il existe une hypocalcémie associée ;
j surtout, des signes ECG (figure 9.5) :
Ÿ ondes T pointues ;
Ÿ élargissement des complexes QRS ;
Ÿ puis allongement du PR pouvant mener à des arythmies ventriculaires  ;
l’hypomagnésémie double le risque d’arythmies ventriculaires dans les 24 pre-
mières heures après un infarctus ;
j une hypocalcémie secondaire à une hypoparathyroïdie fonctionnelle (résis-
tance à la PTH) dans les formes sévères entraînant une hypocalcémie ;
j des signes d’hypokaliémie (cf. chapitre 5 « Anomalies du bilan du potassium »).
Anomalies du bilan du magnésium 189

Figure 9.5. Signes ECG au cours des hypomagnésémies.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
190 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Examens utiles

Il est nécessaire de rechercher une hypomagnésémie en particulier chez les


patients hospitalisés en réanimation, au décours d’un infarctus du myocarde,
et chez les patients recevant les traitements énumérés dans le tableau 9.2
(cf. infra).

Tableau 9.2. Principales causes d’hypomagnésémie.


Mécanisme Cause
Carence d’apport • Alcoolisme chronique
• Dénutrition
Malabsorptions • Malabsorptions chroniques
• Résections intestinales étendues
Pertes digestives • Vomissements
(Mg++ urinaire • Diarrhées
< 1 mmol/l)
Pertes rénales • D’origine médicamenteuse :
(Mg++ urinaire – diurétiques de l’anse et thiazidiques
> 2 mmol/l) – aminosides
– cisplatine
– cétuximab (anticorps monoclonal anti-récepteur de l’EGF)
– ciclosporine et tacrolimus
• Au cours des polyuries :
– diurèses osmotiques
– polyurie des hypercalcémies
– reprise de diurèse après transplantation rénale
– levée d’obstacle
• Au cours des acidoses métaboliques
• De cause génétique :
– le syndrome de Gitelman, secondaire à une mutation du
cotransporteur Na-Cl (NCC) : mime la prise de diurétiques
thiazidiques
– le syndrome de Bartter* : mime la prise de diurétiques de l’anse
– autres mutations dans les gènes de :
- HNF1β : diabète MODY 5
- claudine-16 et claudine-19 : FHHNC, hypomagnésémie
familiale avec hypercalciurie et néphrocalcinose
- mutation du gène codant TRPM6
• Liste non exhaustive (barttine, Calcium Sensing Receptor…)
Transfert du secteur • Insuline (lors d’une acidocétose en particulier)
extracellulaire vers le • Réalimentation après jeûne prolongé
secteur intracellulaire
* Le syndrome de Bartter est lié à des mutations dans différents gènes codant le cotransport Na-K-2Cl (NKCC2), le
canal potassique ROMK…
Anomalies du bilan du magnésium 191

Examens utiles devant une hypomagnésémie selon le contexte clinique :


j kaliémie ;
j calcémie ;
j PTH ;
j magnésurie ;
j pH artériel.

Application
Origine digestive ou rénale ?
Pour déterminer l’origine digestive ou rénale d’une hypomagnésémie, on peut s’aider
de la formule suivante :
Magnésurie à jeun[mmol/1] × Créatininémie[µ mol/]
Créatininurie[mmol/l] x 1000
j
Si ce rapport est > 0,01 : fuite rénale.
j
Si ce rapport est < 0,01 : fuite digestive.

Étiologie
Les causes principales d’hypomagnésémie sont résumées dans le tableau 9.2.

Parmi les causes génétiques


Une des plus fréquentes est le diabète de type MODY 5 (Maturity-Onset Diabetes
of the Young), qui correspond à 3 à 5  % des diabètes, dont la transmission est
autosomique dominante et qui associe, outre une hypomagnésémie fréquente,
les signes suivants :
j kystes rénaux bilatéraux précédant le diagnostic du diabète ;
j insuffisance pancréatique ;
j malformations de l’appareil génital…
Les différences entre les syndromes de Bartter et de Gitelman sont décrites dans
le tableau 5.4 au chapitre 5.

Parmi les causes médicamenteuses


Le cisplatine entraîne de façon fréquente (30 à 40 % des cas) une hypomagnésé-
mie, premier signe d’atteinte rénale, qui doit être recherché systématiquement car
il peut précéder de quelques semaines ou mois la survenue de l’insuffisance rénale.
Les anticorps anti-récepteur de l’EGF (cétuximab, panitumumab), de plus en plus
utilisés en oncologie, entraînent une hypomagnésémie chez 90 % des patients,
hypomagnésémie qui est sévère dans 10 à 20 % des cas.

Arbre diagnostique
La démarche diagnostique devant une hypomagnésémie est schématisée dans la
figure 9.6.
192 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 9.6. Arbre diagnostique devant une hypomagnésémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Traitement
Traitement symptomatique d’une hypomagnésémie modérée
L’apport de magnésium per os est suffisant :
j Mag 2©, 100 mg/cp. (3 à 4 comprimés par jour) ou 184 mg/sachet (2 sachets
par jour) ;
j Magné B6©, 48 mg/cp. (3 à 6 comprimés par jour) ;
j Mag 2 24 h©, 300 mg/cp. (1 comprimé par jour), seule forme à libération pro-
longée, remboursée dans certaines conditions.
L’absorption est incomplète et les troubles digestifs fréquents.
Anomalies du bilan du magnésium 193

Traitement symptomatique d’une hypomagnésémie sévère


Dans les formes plus sévères et lorsque l’apport per os est inefficace (malabsorp-
tions, diarrhées, intolérance) :
j utiliser la voie veineuse ;
j sous forme de chlorure de magnésium ou de sulfate de magnésium ;
j à la dose de 50 à 150 mmol par jour (soit environ 1 200 à 3 500 mg).
Le traitement doit être prolongé sur plusieurs jours afin de reconstituer les stocks
intracellulaires de magnésium mal reflétés par la magnésémie.

Attention
En cas d’hypokaliémie ou d’hypocalcémie associées à l’hypomagnésémie, il
est indispensable d’ajouter au traitement des apports de potassium et de
calcium.

Situations d’urgence
Dans certaines situations (post-infarctus du myocarde, après chirurgie cardiaque),
la prescription de magnésium par voie veineuse limiterait le risque d’arythmies
ventriculaires.
Le sulfate de magnésium (MgSO4) est indiqué dans le traitement de la crise
d’éclampsie et la prévention de sa récidive : le MgSO4 est supérieur au diazépam
et à la phénytoïne pour le traitement d’une crise en cours et pour la prévention
de sa récidive ; le schéma recommandé est le suivant :
j bolus de 4 g de MgSO4 15 % en perfusion sur 20 minutes, soit 26 ml de MgSO4
15 % ;
j puis perfusion d’entretien en intraveineux continu à la dose de 1  g/h soit
6,5 ml/h de MgSO4 15 %.

Situation particulière
Hypomagnésémie sous diurétiques
Les patients présentant une hypomagnésémie sous diurétiques de
l’anse ou thiazidiques peuvent bénéficier de l’addition d’un diurétique
épargneur de potassium comme l’amiloride — en bloquant l’ouverture
des canaux sodiques, il crée un gradient électrique favorable pour
l’absorption du magnésium au niveau du tubule distal et du tube
collecteur.
Dans les formes chroniques, on peut conseiller l’eau minérale Hépar,
particulièrement riche en magnésium (119 mg/l).
194 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Les hypermagnésémies
Définition
L’hypermagnésémie est définie par une concentration plasmatique > 1,05
mmol/l (> 25 mg/l).

Il s’agit d’une situation rare.

Conséquences cliniques
j Signes digestifs : nausées.
j Signes neuromusculaires :
Ÿ disparition des réflexes ostéotendineux ;
Ÿ voire paralysie flasque (effet «  curare-like ») dans les formes sévères avec
magnésémie > 2 mmol/l.
j Signes ECG, secondaires au blocage des canaux calciques et potassiques :
Ÿ bradycardie ;
Ÿ allongement de l’espace QT ;
Ÿ bloc auriculoventriculaire.

Examens utiles
Les examens utiles devant une hypermagnésémie sont limités :
j créatininémie ;
j estimation du DFG.

Étiologie
L’hypermagnésémie survient principalement :
j en cas d’apports importants de magnésium chez un patient avec diminution
de la fonction rénale (insuffisance rénale aiguë ou chronique) ;
j et/ou lors de l’administration (par voie intraveineuse ou orale) de grandes
quantités de magnésium (par exemple lors du traitement de l’éclampsie).
L’hypermagnésémie peut s’intégrer dans le syndrome HELIX (Hypohidrosis, Elec-
trolyte abnormalities, Lacrimal deficiency, Ichtyosis, Xerostomia), secondaire à une
mutation dans le gène codant la claudine-10 (protéine des jonctions serrées inter-
cellulaires) ; ce syndrome associe, outre une hypermagnésémie :
j une perte rénale de sodium responsable d’un hyperaldostéronisme secon-
daire ;
j une hypokaliémie ;
j une diminution des sécrétions salivaires, sudorales et lacrymales.
Anomalies du bilan du magnésium 195

Chez les insuffisants rénaux chroniques, l’hypermagnésémie est le plus


souvent asymptomatique et peut devenir sévère et symptomatique en cas
d’administration de médicaments riches en magnésium (antiacides, laxatifs).

Arbre diagnostique
La démarche diagnostique devant une hypermagnésémie est schématisée dans
la figure 9.7.

Traitement
Le traitement de l’hypermagnésémie repose sur l’arrêt des apports de magnésium.
En cas d’insuffisance rénale sévère et d’hypermagnésémie symptomatique,
l’hémodialyse doit être envisagée.
L’administration par voie veineuse de gluconate de calcium (100 à 200 mg en 5
à 10 minutes) antagonise rapidement les répercussions cardiaques et neuromus-
culaires de l’hypermagnésémie, permettant d’attendre l’initiation de l’hémodialyse.

Figure 9.7. Arbre diagnostique devant une hypermagnésémie.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
196 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Entraînement
QCM 1
Une hypomagnésémie peut être secondaire à la prise de :
A. Diurétiques de l’anse.
B. Inhibiteurs de la pompe à protons.
C. Prednisone.
D. Anticorps monoclonal anti-récepteur de l’EGF.
E. Ciclosporine.

QCM 2
Quelles sont les propositions exactes concernant l’hypermagnésémie ?
A. Elle est rare en dehors de l’insuffisance rénale aiguë ou chronique.
B. Elle est aggravée par la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons.
C. Elle est aggravée par la prise de laxatifs.
D. Elle peut entraîner la survenue de blocs auriculoventriculaires.
E. Elle peut survenir au décours d’un traitement de l’éclampsie par sulfate de magné-
sium.

Bibliographie
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Blaine J, Choncol M, Levi M. Renal control of calcium, phosphate and magnesium homeostasis. Clin J
Am Soc Nephrol 2015;10:1257-72.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series.
St.Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Topf JM, Murray PT. Hypomagnesemia and hypermagnesemia. Rev Endocr Metab Disord 2003;4:195-
206.
CHAPITRE

10
Anomalies du bilan
de l’acide urique

PLAN DU CHAPITRE
j Rappels physiologiques sur l’acide urique
� Métabolisme de l’acide urique
� Valeurs normales
� Élimination de l’acide urique
j Les hyperuricémies
� Définition
� Hyperuricémies primitives
� Hyperuricémies secondaires
� Conséquences de l’hyperuricémie
� Traitement
j Les hypo-uricémies
� Définition
� Circonstances de découverte
� Étiologie

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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198 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Rappels physiologiques sur l’acide urique


Métabolisme de l’acide urique
j L’acide urique est le produit final du métabolisme des bases puriques
(figure 10.1) dont l’origine est :
Ÿ exogène : catabolisme des acides nucléiques alimentaires ;
Ÿ endogène :
– purino-synthèse de novo ;
– catabolisme des acides nucléiques cellulaires.
j L’ensemble de ces voies alimente le pool miscible de l’acide urique, c’est-à-dire
la quantité d’acide urique échangeable de l’organisme  ; il se forme en majeure
partie dans le foie après :
Ÿ catabolisme des purines alimentaires ou endogènes ;
Ÿ métabolisme des acides nucléiques cellulaires ;
Ÿ purino-synthèse de novo.

Figure 10.1. Voies du métabolisme de l’acide urique.


L’acide urique est une molécule peu soluble dans l’eau et qui résulte principalement
de la dégradation des purines (guanine et adénine) chez l’homme.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)
Anomalies du bilan de l’acide urique 199

j Au pH physiologique :
Ÿ l’acide urique est à 98 % ionisé ;
Ÿ il est présent dans le plasma sous la forme d’urate de sodium dont la limite
de solubilité est de 380 µmol/l.
j Au-delà de cette concentration, il peut cristalliser.
j La production journalière d’acide urique est d’environ 600 à 700 mg.
j Le pool d’acide urique de l’organisme est :
Ÿ déterminé par l’équilibre entre synthèse et élimination ;
Ÿ quantifié à 1 000 à 1 200 mg chez l’homme, 600 mg chez la femme.

Valeurs normales
Uricémie
j Femme : 25-60 mg/l (150-360 µmol/l).
j Homme : 35-70 mg/l (210-420 µmol/l).
Le pool d’acide urique de l’homme est supérieur à celui de la femme, chez qui
l’élimination urinaire est plus importante sous l’effet uricosurique des œstrogènes.
La concentration plasmatique augmente lorsque le DFG estimé est <  20  ml/
min/1,73 m2.

Uricurie
Chez le sujet en régime normal, elle est de 400 à 800  mg par 24  heures (2,4-
4,8 mmol par 24 heures).
L’uricurie augmente en fonction de la charge filtrée.
Elle diminue avec un régime pauvre en urates : 250 à 600 mg par 24 heures.
L’excrétion fractionnelle d’acide urique est anormale quand elle est > 10-12 %,
traduisant une fuite rénale d’acide urique.
Facteurs de conversion
Acide urique plasmatique :
j mg/l × 5,95 → µmol/l
j µmol/l × 0,168 → mg/l
Acide urique urinaire :
j mg/24 h × 0,006 → mmol/24 heures
j mmol/24 h × 168 → mg/24 heures

Élimination de l’acide urique


Élimination rénale
Le rein est la voie principale d’élimination de l’acide urique (70 %).
Les principales étapes du transport rénal de l’acide urique sont représentées dans
la figure 10.2 :
j filtration glomérulaire : très peu lié aux protéines plasmatiques, 95 % de l’acide
urique est filtré par les glomérules ;
200 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 10.2. Transport rénal de l’acide urique.


Transport rénal le long du tube contourné proximal avec réabsorption massive
dans le segment S1, puis sécrétion dans le segment S2, puis réabsorption au niveau
du segment S3.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

j réabsorption tubulaire proximale : on rappelle que le tube contourné proximal


est constitué de trois segments fonctionnels appelés S1, S2 et S3 :
Ÿ 98 à 100  % de l’acide urique filtré sont réabsorbés activement par un
transporteur tubulaire URAT1 au niveau du segment S1 du tube contourné
proximal ;
Ÿ les médicaments uricosuriques inhibent l’activité de URAT1 en augmen-
tant l’excrétion urinaire de l’acide urique (probénécide, benzbromarone) (cf.
infra figure 10.3) ;
j sécrétion tubulaire  : cette réabsorption massive est suivie d’une sécrétion
active au niveau du segment S2 du tube contourné proximal par des mécanismes
moléculaires complexes ; cette sécrétion est inhibée :
Ÿ directement par le lactate ;
Ÿ indirectement par l’éthanol (dont le métabolisme augmente la concen-
tration de lactate), d’où le rôle joué par l’alcool ;
j réabsorption tubulaire post-sécrétoire :
Ÿ elle a lieu au niveau du segment S3 du tube contourné proximal ;
Ÿ environ 40 % de la quantité initialement filtrée est réabsorbée dans ce segment ;
j excrétion urinaire finale :
Ÿ elle ne représente que 10 % de la charge filtrée ;
Ÿ elle provient essentiellement de la sécrétion tubulaire ;
Ÿ l’excrétion journalière est d’environ 2,7 mmol/jour (450 mg/jour), soit 70 %
d’acide urique éliminé par le rein.
Anomalies du bilan de l’acide urique 201

Une urine acide est le principal facteur contribuant à la cristallisation de


l’acide urique :
j
au pH urinaire de 7, la majeure partie de l’acide urique est présente sous
la forme d’urate soluble ;
j
au pH urinaire de 5, l’acide urique est sous la forme non dissociée moins
soluble.

Élimination par voie digestive


L’acide urique est déversé dans l’intestin par voie passive par l’intermédiaire des
sécrétions digestives (salivaires, biliaires, pancréatiques et intestinales).
Les bactéries intestinales pourvues d’uricase dégradent l’acide urique en allan-
toïne. Dans les conditions normales, environ 150 mg par jour d’acide urique sont
totalement dégradés dans les selles.

Les hyperuricémies
Définition
L’hyperuricémie est définie par une uricémie :
j
> 70 mg/l (420 µmol/l) chez l’homme ;
j
> 60 mg/l (360 µmol/l) chez la femme.

L’hyperuricémie est :
j plus fréquente chez l’homme ;
j avec un lien démontré entre hyperuricémie et alimentation, syndrome méta-
bolique et obésité.
L’hyperuricémie est un diagnostic :
j aisé quand elle est symptomatique  : arthropathie microcristalline et goutte
(l’acide urique précipite dans des solutions aqueuses telles que le liquide synovial
ou les urines) ;
j inaperçu si elle est asymptomatique et non recherchée.
Les hyperuricémies peuvent être primitives ou secondaires.

Hyperuricémies primitives
Hyperuricémies primitives idiopathiques

Les hyperuricémies primitives idiopathiques comptent pour 98 % des gouttes


primitives.

La goutte est due à un dépôt de cristaux d’urate de sodium dans les articulations
résultant d’une hyperuricémie chronique.
Seulement environ 10 % des patients hyperuricémiques développent une goutte.
202 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

L’hyperuricémie est rapportée à :


j une alimentation riche en purines ;
j un facteur génétique familial de goutte.
Il existe des facteurs de risque d’hyperuricémie symptomatique :
j le sexe masculin ;
j le degré d’hyperuricémie ;
j l’alimentation, la consommation d’alcool ;
j l’insuffisance rénale chronique aux stades 4 et 5, avec prévalence élevée :
Ÿ de comorbidités associées au syndrome métabolique ;
Ÿ d’HTA (aggravation de l’hyperuricémie en cas de traitement par un diuré-
tique de l’anse ou un diurétique thiazidique).

Hyperuricémies monogéniques
j Syndrome de Lesch-Nyhan :
Ÿ transmission récessive liée à l’X touchant les enfants de sexe masculin ;
Ÿ secondaire à une mutation du gène codant l’enzyme HGPRT (hypoxan-
thine-guanine phosphoribosyl transférase), mutation responsable d’une accu-
mulation d’hypoxanthine et de guanine ;
Ÿ tableau clinique apparaissant dès la petite enfance associant un retard de
développement, une hypotonie, un retard mental marqué, une tendance
compulsive à l’automutilation, une hyperuricémie, des lithiases rénales et une
goutte sévère.
j Glycogénose hépatique de type 1 (déficit en glucose-6-phosphatase).

Hyperuricémies secondaires
Insuffisance rénale aiguë
j Hyperuricémie majeure au cours de la rhabdomyolyse et du syndrome de lyse
tumorale par libération d’acides nucléiques intracellulaires.
j Hyperuricémie présente également dans les autres formes sévères d’insuffi-
sance rénale aiguë.

Insuffisance rénale chronique


j Hyperuricémie fréquente, toutes causes confondues, par diminution de la fil-
tration glomérulaire conduisant à l’accumulation de déchets azotés et d’urates.
j Cas particulier de la néphropathie hyperuricémique familiale juvénile :
Ÿ maladie autosomique dominante ;
Ÿ secondaire à une mutation du gène UMOD, qui code pour l’uromoduline,
ou protéine de Tamm-Horsfall ;
Ÿ caractérisée par une hyperuricémie, une goutte précoce et une insuffisance
rénale progressive.
Anomalies du bilan de l’acide urique 203

Hémopathies malignes
j Après traitement par des médicaments cytolytiques avec ou sans insuffisance
rénale aiguë.
j Moins fréquentes du fait de l’utilisation de médicaments hypo-uricémiants
dans les situations à risque de lyse tumorale.

Prééclampsie
j Hyperuricémie due à une diminution relative de la filtration glomérulaire.
j L’élévation de l’uricémie précède l’HTA et la protéinurie et est corrélée à des
signes de souffrance fœtale.

Causes médicamenteuses
j Aspirine à faible dose, pyrazinamide (Pirilène©) par inhibition de la sécrétion et
donc diminution de l’excrétion d’acide urique.
j Diurétiques de l’anse et diurétiques thiazidiques, facteurs de risque majeurs
de goutte, par augmentation de la réabsorption d’urates secondaire à la contrac-
tion du volume extracellulaire.
j Ciclosporine par réduction de la filtration glomérulaire.
j Chimiothérapies cytotoxiques par lyse cellulaire..

Conséquences de l’hyperuricémie
j Plusieurs études récentes considèrent l’hyperuricémie chronique comme un
facteur de risque cardiovasculaire :
Ÿ patients avec HTA primaire, obésité, résistance à l’insuline ;
Ÿ risque d’infarctus du myocarde multiplié par 2 chez le goutteux.
j La néphropathie uratique, décrite au cours de certaines néphropathies
tubulo-interstitielles chroniques, pourrait s’observer en cas de goutte tophacée,
mais elle est devenue aujourd’hui rare car la goutte est le plus souvent traitée
efficacement. De plus, cette entité reste controversée (effets pro-inflammatoires
de l’acide urique bien documentés, rôles des cristaux moins bien renseignés).
j Lithiases uriques :
Ÿ calcul d’acide urique pur ;
Ÿ calcul d’oxalate de calcium : un pH urinaire à 5 associé à une hyperuricurie
augmente la précipitation d’oxalate de calcium.

Traitement
Hyperuricémies asymptomatiques
j Hyperuricémie asymptomatique avec un taux > 70 mg/l (420 µmol/l) : absence
de recommandations de traitement médicamenteux visant à réduire le taux san-
guin d’acide urique, mais des mesures non médicamenteuses sont nécessaires :
204 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Tableau 10.1. Recommandations diététiques en cas d’hyperuricémie.


À éviter • Boissons : alcools forts (whisky, vodka, cognac, etc.), bières même sans alcool,
boissons sucrées riches en fructose (coca-cola)
• Abats : ris de veau surtout, rognons, foie de veau, cervelle, tripes
• Fruits de mer et poissons riches en purine : crustacés, sardines, anchois,
hareng, truite, poissons en conserve
À limiter • Viandes rouges
• Charcuterie
• Légumes : épinards, asperges, champignons, légumes secs
• Produits laitiers : lait entier, fromage > 30 % de matières grasses
Aliments riches en purines déconseillés surtout en quantité.

Ÿ éviter ou limiter les apports alimentaires riches en purine (tableau 10.1) et


interdire certains aliments ou boissons susceptibles de déclencher une crise de
goutte ;
Ÿ perte de poids chez les patients présentant un indice de masse corporelle
élevé ;
Ÿ prise en charge des autres comorbidités (HTA, diabète, syndrome métabo-
lique, etc.) ;
Ÿ augmentation du débit urinaire (boire 2 litres d’eau par jour) ;
Ÿ arrêt des médicaments hyperuricémiants non essentiels : aspirine à faible
dose, diurétiques dans la mesure du possible ;
Ÿ en cas d’HTA, préférer le losartan qui a une action hypo-uricémiante.
j En cas d’uricémie> 90 mg/l (540 µmol/l) : selon les recommandations inter-
nationales KDIGO 2013, il n’est pas indiqué de traiter systématiquement ces
patients, car seule une minorité est symptomatique ; néanmoins, l’acide urique
étant considéré comme un facteur de risque cardiovasculaire, il y a pour certains
auteurs indication à prescrire un médicament hypo-uricémiant.

Hyperuricémies symptomatiques
Du fait du lien étroit entre hyperuricémie, insuffisance rénale et goutte, il faut
toujours associer le dosage de l’uricémie à celui de la créatininémie afin d’estimer
le DFG avant tout traitement.
Les traitements et leurs modes d’action sont résumés dans la figure 10.3.
j Inhibiteurs de l’uricosynthèse :
Ÿ allopurinol : traitement clé contre la goutte, il agit en inhibant la xanthine
oxydase, responsable de la conversion de l’hypoxanthine en xanthine et de
la xanthine en acide urique. Il y a nécessité indispensable d’une phase de
titration de la dose d’allopurinol. Il faut rester vigilant quant au syndrome
d’hypersensibilité induit par ce traitement ;
Ÿ fébuxostat : en cas d’intolérance ou d’efficacité insuffisante de l’allopurinol.
Anomalies du bilan de l’acide urique 205

Figure 10.3. Mode d’action des traitements hypo-uricémiants.


Le traitement de l’hyperuricémie repose, selon le contexte, sur les inhibiteurs
de l’uricosynthèse, les uricolytiques ou les médicaments uricosuriques.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

j Médicaments uricosuriques : alternative thérapeutique en cas de contre-indi-


cation ou d’intolérance à l’allopurinol ou au fébuxostat ; ils inhibent l’activité de
URAT1 en augmentant l’excrétion urinaire de l’acide urique :
Ÿ probénécide ou benzbromarone à utiliser en première intention ;
Ÿ contre-indiqués :
– si DFG estimé < 30 ml/min/1,73 m2 ;
– si uricurie > 4,2 mmol/24 heures (> 700 mg/24 heures) ;
– en cas de lithiase urique.
j Colchicine :
Ÿ traitement de l’accès aigu de goutte ;
Ÿ prophylaxie des accès aigus de goutte chez le goutteux chronique notam-
ment lors de l’instauration du traitement hypo-uricémiant ;
Ÿ en cas de contre-indication à la colchicine : on peut utiliser les AINS ou les
corticoïdes.
206 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

j Médicaments uricolytiques :
Ÿ rasburicase (Fasturtec©), pégloticase (Krystexxa©) ;
Ÿ ils catalysent l’oxydation enzymatique de l’acide urique en allantoïne, subs-
tance soluble inactive rapidement excrétée dans les urines.
j Indication à un traitement curatif (rasburicase) ou préventif (allopurinol) en
cas d’hyperuricémie secondaire au syndrome de lyse tumorale.

La cible du traitement hypo-uricémiant est : < 60 mg/l (360 mmol/l).

Les hypo-uricémies
Définition
L’hypo-uricémie est définie par une uricémie< 120-130 µmol/l (< 20 mg/l),
que ce soit chez l’homme ou chez la femme.

Circonstances de découverte
L’hypo-uricémie est en règle de découverte fortuite et sans conséquence
clinique pour le patient.

Les signes cliniques sont liés à la pathologie responsable de l’hypo-uricémie.

Étiologie
Diminution de la synthèse
j Causes médicamenteuses : allopurinol, fébuxostat (inhibiteurs de la xanthine
oxydase).
j Causes génétiques : déficit en xanthine oxydase (xanthinurie héréditaire).
j Insuffisance hépatocellulaire sévère.

Augmentation de l’excrétion urinaire


j Grossesse  : l’acide urique diminue pendant les cinq premiers mois par aug-
mentation de sa clairance rénale.
j Médicaments uricosuriques (cf. figure 10.3).
j Médicaments uricolytiques (cf. figure 10.3).

Sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH)


j Le mécanisme de l’hypo-uricémie est le suivant :
Ÿ expansion exclusive en eau du secteur plasmatique avec augmentation du
flux sanguin rénal, du DFG et diminution de la réabsorption sodée proximale
du sodium et d’urate ;
Ÿ concentrations plasmatiques abaissées d’urée et d’acide urique, du fait de
l’augmentation de leur clairance (avec la restriction hydrique, on observe la
normalisation de ces éléments comme c’est aussi le cas pour la natrémie).
Anomalies du bilan de l’acide urique 207

j Le SIADH est détaillé dans la section « Hyperhydratation intracellulaire isolée »


au chapitre 3.
Syndrome de Fanconi : tubulopathie du tube contourné proximal
j Le syndrome de Fanconi associe de façon inconstante :
Ÿ hypo-uricémie ;
Ÿ glycosurie normoglycémique ;
Ÿ aminoacidurie et protéinurie tubulaire ;
Ÿ acidose tubulaire proximale ;
Ÿ hypophosphatémie ;
Ÿ hypokaliémie ;
Ÿ diabète insipide néphrogénique.
j Les principales causes sont :
Ÿ le myélome et les gammapathies monoclonales avec atteintes rénales
(MGRS, Monoclonal Gammopathy of Renal Significance) (+++ ) ;
Ÿ les médicaments  : aminosides, cidofovir, ifosfamide, ténofovir, cisplatine,
valproate de sodium ;
Ÿ la maladie de Wilson ;
Ÿ l’intoxication au plomb ;
Ÿ le syndrome de Sjögren ;
Ÿ la cystinose.
Hypo-uricémie rénale héréditaire
j Elle est définie par une hypo-uricémie et une hyperuricurie.
j Caractérisée par une mutation du transporteur membranaire du tube
contourné proximal URAT1.
j À transmission autosomique récessive.
j Relativement fréquente dans les populations d’origine asiatique.
j Se manifestant par une insuffisance rénale aiguë induite par l’exercice physique
qui libère de l’acide urique.

Entraînement
QCM 1
Parmi les propositions suivantes rapportées à l’hyperuricémie, laquelle (lesquelles) est
(sont) exacte(s) ?
A. Toutes les hyperuricémies > 80 mg/l (480 µmol/l) sont symptomatiques.
B. L’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque d’hyperuricémie symptoma-
tique.
C. La prescription de diurétiques thiazidiques favorise la survenue d’une crise de goutte.
D. La sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) s’accompagne d’une
hyperuricémie.
E. Le losartan a l’avantage d’être hypo-uricémiant.

208 Les troubles hydro-électrolytiques faciles


QCM 2
Parmi les signes suivants associés à une hypo-uricémie, lequel (lesquels) oriente(nt) vers
le syndrome de Fanconi ?
A. Glycosurie normoglycémique.
B. Hypokaliémie.
C. Hypomagnésémie.
D. Hypophosphatémie.
E. Acidose tubulaire proximale.

Bibliographie
Jalal D. Hyperuricemia, the kidneys, and the spectrum of associated diseases : a narrative review. Curr
Med Res Opin 2016;32(11):1863-9.
Johnson R, et al. Why focus on uric acid? Curr Med Res Opin 2015;31:3-7.
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition. Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Khanna D, et al. 2012 American College of Rheumatology guidelines for management of gout. Part I :
Systematic non-pharmacologic and pharmacologic therapeutic approaches to hyperuricemia.
Arthritis Care Res (Hoboken) 2012;64(10):1431-46.
Koeppen BM, Stanton BA. Renal Physiology. 5th edition. The Mosby Physiology Monograph Series.
St.Louis MO : Mosby-Elsevier ; 2012.
Richette P, et al. 2016 updated EULAR evidence-based. Ann Rheum Dis 2017;76(1):29-42.
Zhang W, et al. EULAR evidence based recommandations for gout. Part II. Management. Ann Rheum
Dis 2006;65(10):1312-24.
CHAPITRE

11
Examens biologiques
utiles à l’exploration
des lithiases

PLAN DU CHAPITRE
j Notions de base
� Épidémiologie
� Composition des calculs
� Facteurs favorisants
j Examens biologiques utiles
� En première intention
� En seconde intention
j Conduite à tenir devant une hypercalciurie
� Définition de l’hypercalciurie
� L’hypercalciurie est-elle associée à une hypercalcémie ?
� L’hypercalciurie normocalcémique est-elle « diététique » ?
� Y a-t-il d’autres situations ?
j Autres dosages potentiellement utiles
� Phosphaturie
� Uricurie
� Oxalurie
� Citraturie
� Cystinurie

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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210 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Notions de base
Épidémiologie
La lithiase urinaire touche près de 2 millions de personnes en France et affecte
deux hommes pour une femme.
L’âge moyen du premier calcul est de 35  ans chez l’homme et 30  ans chez la
femme.
Le diagnostic étiologique est très important pour optimiser la prise en charge et
éviter les récidives.

Composition des calculs


Il existe dans la majorité des cas plusieurs constituants à un calcul, dont un est le
plus souvent majoritaire :
j la lithiase oxalocalcique est de loin la plus fréquente : 75 % des cas environ.
Elle peut être constituée :
Ÿ d’oxalate de calcium monohydraté, ou whewellite (50 % des cas) ;
Ÿ d’oxalate de calcium dihydraté, ou weddellite (25 % des cas) ;
j la lithiase majoritairement composée de phosphate de calcium représente
environ 10 % des calculs ; elle peut être constituée de :
Ÿ carbapatite ;
Ÿ brushite ;
Ÿ struvite ;
j enfin, les calculs d’acide urique correspondent à 10 à 12 % des cas.
Les autres causes (cystine, médicaments) sont beaucoup plus rares.

Facteurs favorisants
Les facteurs favorisants sont nombreux :
j apports liquidiens faibles (dilution insuffisante des urines) ;
j malformations des voies urinaires : maladie de Cacchi-Ricci, diverticules cali-
ciels, duplicité pyélique, méga-uretère, etc. ;
j facteurs familiaux ;
j apports alimentaires excessifs :
Ÿ apports élevés en sel  : natriurèse >  150  mmol par jour (favorise l’hyper-
calciurie) ;
Ÿ apports élevés en protéines animales > 1,2 g/kg par jour (favorise l’hyper-
calciurie) ;
Ÿ apports de calcium > 1 g par jour (favorise l’hypercalciurie) ;
Ÿ aliments riches en oxalate (chocolat, fruits secs, épinards…) ;
Ÿ aliments riches en purines (abats, charcuterie…) ;
Examens biologiques utiles à l’exploration des lithiases 211

j anomalies du pH urinaire :
Ÿ un pH à 5 favorise les calculs d’acide urique et de cystine ;
Ÿ un pH à 7 favorise les calculs de phosphate de calcium et les lithiases infec-
tieuses ;
j infections urinaires : en particulier à Proteus mirabilis, qui favorisent la forma-
tion de calculs phospho-ammoniaco-magnésiens ;
j médicaments lithogènes : indinavir, atazanavir, sulfadiazine.
Le tableau 11.1 résume les principaux facteurs favorisants en fonction de la nature
du calcul.
La figure  11.1 résume les principales anomalies métaboliques associées aux
lithiases.

Examens biologiques utiles


En première intention
Les explorations de première intention doivent être réalisées au moins un mois
après l’épisode aigu et son traitement symptomatique.

Dans le sang
j Créatinine (évaluation de la fonction rénale).
j Calcémie et protidémie, ou calcémie ionisée (à la recherche d’une hypercalcémie).
j Acide urique (à la recherche d’une hyperuricémie et d’un syndrome métabo-
lique).
j Glycémie (à la recherche d’un diabète et d’un syndrome métabolique).

Tableau 11.1. Principaux facteurs favorisant la survenue de calculs.


Composant majoritaire Fréquence Principal facteur favorisant
• Oxalate de calcium 75 %
– Whewhellite – 50 % Hyperoxalurie
– Weddellite – 25 % Hypercalciurie
• Phosphate de calcium : 10 %
– Carbapatite – 6 % Hypercalciurie
– Brushite – 2 % Hypercalciurie
– Struvite – 2 % Infections urinaires
• Acide urique 12 % pH urinaire acide
• Autres : 3 %
– Cystine
Médicaments
212 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 11.1. Lithiase et anomalies métaboliques.


(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Sur les urines du lever


j pH urinaire à la bandelette (cf. supra).
j Densité urinaire à la bandelette (facteur de risque si > 1 012).
j ECBU (à la recherche d’une infection).
j Cristallurie (+++ ) si le calcul n’a pu être analysé.

Sur les urines des 24 heures


j Volume de la diurèse.
j Créatinine (pour vérifier l’exhaustivité du recueil des 24 heures).
j Calcium (facteur de risque si la calciurie est > 0,1 mmol/kg/24 heures).
j Acide urique (facteur de risque si l’uricurie est > 5 mmol/24 heures).
j Urée (pour estimer la consommation quotidienne de protéines). On rappelle
que Urée urinaire [mmol]/5 = Quantité de protéines ingérées [g].
Examens biologiques utiles à l’exploration des lithiases 213

j Sodium (pour estimer la consommation quotidienne de sel). On rappelle


qu’une natriurèse de 170 mmol/24 heures correspond à l’ingestion de 10 g de sel.

La composition d’un calcul est affirmée par méthode morphoconstitution-


nelle avec spectrophotométrie infrarouge (cristallurie).

En seconde intention
Les examens se discutent au cas par cas, selon l’âge, le contexte clinique, etc.
Chez l’adulte, les examens les plus demandés sont :
j le dosage de la PTH ;
j le dosage de la 1,25-(OH)2-vitamine D ;
j éventuellement des explorations fonctionnelles rénales pour préciser le méca-
nisme de l’hypercalciurie.

Conduite à tenir devant une hypercalciurie


(Cf. figure 11.2.)

Définition de l’hypercalciurie
Au moins 50 % des patients lithiasiques ont une hypercalciurie.
On définit :
j l’hypercalciurie de concentration  : calciurie >  3,8  mmol/l sur échantillon
urinaire ;
j l’hypercalciurie de débit (parfois dénommée hypercalciurie « vraie ») mesurée
sur les urines de 24 heures :
Ÿ > 7,5 mmol/24 heures chez l’homme ;
Ÿ > 6,25 mmol/24 heures chez la femme.

Définition
En pratique, une hypercalciurie est définie par une calciurie > 0,1 mmol/
kg/24 heures (> 4 mg/kg/24 heures).

Facteurs de conversion
j mmol/24 heures × 40 → mg/24 heures
j mg/24 heures × 0,025 → mmol/24 heures

L’hypercalciurie est-elle associée à une hypercalcémie ?


La principale cause est l’hyperparathyroïdie primaire — on rappelle cependant
que, dans cette situation, la calcémie peut être normale.
214 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Les autres causes d’hypercalcémie sont : sécrétion de PTHrp, hypervitaminoses D


au cours des granulomatoses, résorption osseuse, etc.
La conduite à tenir devant une hypercalcémie est détaillée dans le chapitre  7
« Anomalies du bilan du calcium ».

L’hypercalciurie normocalcémique est-elle « diététique » ?


Il s’agit d’une situation fréquente et trois questions doivent être posées.

Quels sont les apports sodés ?


Plus les apports sodés augmentent et plus la calciurie augmente (réabsorption du
calcium liée à celle du sodium).
Il y a nécessité de mesurer la natriurèse des 24 heures (facteur d’hypercalciurie :
natriurèse > 150 mmol/24 heures).
Il est recommandé de diminuer les apports sodés pour prévenir les récidives.

Quels sont les apports protéiques ?


Plus les apports protidiques augmentent plus la calciurie mais aussi l’oxalurie
augmentent.
Les apports protidiques, en augmentant la charge acide, augmentent la libération
des tampons osseux et du calcium osseux.
Il y a nécessité de mesurer l’urée urinaire des 24 heures (facteur d’hypercalciurie :
urée urinaire > 5,5 mmol/kg/24 heures).
Il est recommandé de limiter les apports protidiques à 1-1,2 g/kg par jour.

Quels sont les apports de calcium ?


Les apports très importants en calcium (> 1,5 g par jour) peuvent être source
d’hypercalciurie ; mais un régime pauvre en calcium (0,4-0,5 g par jour) aug-
mente le risque de récidive de lithiase ++++.
Il est donc recommandé de donner un régime dit normal en calcium aux patients
lithiasiques (1 à 1,2 g par jour).

Y a-t-il d’autres situations ?


Une fois éliminées les hypercalciuries hypercalcémiques et les hypercalciuries nor-
mocalcémiques diététiques, d’autres explorations sont parfois nécessaires.
Le test de Pak (charge calcique) peut alors aider au diagnostic :
j conditions de réalisation :
Ÿ régime pauvre en calcium pendant trois jours et arrêt de tout traitement
pouvant moduler la calciurie (diurétiques de l’anse, thiazidiques, vitamine
D…) ;
Examens biologiques utiles à l’exploration des lithiases 215

Ÿ un mois ou plus après le dernier épisode lithiasique ou trois mois après un


geste urologique ;
j interprétation :
Ÿ mesure de la calciurie à jeun, reflet de la résorption osseuse ;
Ÿ ingestion de 1 g de calcium ;
Ÿ mesure de la calciurie après charge calcique.

Application
Interprétation du test de Pack
Calciurie après charge calcique – Calciurie à jeun = Absorption digestive de calcium.
Si l’absorption digestive de calcium est :
j
élevée : hypercalciurie digestive ;
j
basse : hypercalciurie d’origine rénale.

Causes
j Hypercalciuries digestives :
Ÿ maladie de Crohn, maladie cœliaque, résection du grêle… ;
Ÿ hyperoxalurie associée (+++ ).
j Hypercalciuries d’origine rénale :
Ÿ souvent associée à une résorption osseuse (+++ ) : ostéopénie, ostéopo-
rose ;
Ÿ outre l’hyperparathyroïdie primaire qui entre dans ce cadre, les causes
sont :
– les hypercalciuries idiopathiques qui peuvent, après échec des mesures
diététiques, être traitées par diurétiques thiazidiques ;
– la carence en œstrogènes ;
– les diabètes phosphatés de cause génétique ;
– diverses tubulopathies rares : acidose tubulaire distale de type 1, diabète
phosphaté.
La conduite à tenir devant une hypercalciurie est schématisée dans la figure 11.2.

Autres dosages potentiellement utiles


Phosphaturie
La phosphaturie varie avec l’alimentation.
Les valeurs normales varient de 10 à 20 mmol/24 heures soit 300 à 600 mg/24 heures.
Doser la phosphaturie n’a pas d’intérêt dans ce contexte car l’hyperphosphaturie
ne constitue pas en soi une cause de lithiase, mais les phosphates urinaires ont
un rôle indirect dans la lithogenèse.
216 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Figure 11.2. Conduite à tenir devant une hypercalciurie.


HPT, hyperparathyroïdie primaire.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Examens biologiques utiles à l’exploration des lithiases 217

Uricurie
Les valeurs normales sont de 2,4 à 4,8 mmol/24 heures soit 400 à 800 mg/24 heures.
L’hyperuricurie > 5 mmol/24 heures est un facteur de risque de lithiase calcique
car elle augmente la précipitation de l’oxalate de calcium.
Les lithiases d’acide urique sont favorisées par :
j l’hyperuricosurie ;
j un pH urinaire acide.

Oxalurie
Les valeurs normales sont < 500 µmol/24 heures.
On distingue :
j l’hyperoxalurie de concentration, mesurée sur échantillon : > 0,3 mmol/l ;
j l’hyperoxalurie de débit, mesurée sur les urines de 24 heures : > 500 μmol/
24 heures.
Causes d’hyperoxalurie
j Excès d’apport d’oxalate (rhubarbe, thé, oseille, épinards, chocolat noir…) et
dilution insuffisante des urines.
j Excès d’absorption d’oxalate :
Ÿ régime pauvre en calcium ;
Ÿ hyperoxalurie entérique (+++) : maladie de Crohn, résection iléale, mala­
die cœliaque, insuffisance pancréatique, bypass intestinal +++  (chirurgie
bariatrique).
j Hyperoxalurie primitive : maladie génétique rare (un cas pour 105) due à un
défaut de production hépatique d’une enzyme hépatique, la L-alanine-glyoxylate
aminotransférase (AGT).
j Hyperoxalurie idiopathique modérée de cause peu claire.

Citraturie
Le citrate est un inhibiteur de la précipitation des cristaux de phosphate de cal-
cium.
L’hypocitraturie < 1,5 mmol/24 heures est un facteur de risque de lithiase cal-
cique.

Cystinurie
Les lithiases cystiniques (moins de 1 % des lithiases) ne s’observent que chez les
sujets atteints de cystinurie, maladie génétique à transmission autosomique réces-
sive.
L’examen par cristallurie affirme le diagnostic de cystinurie.
218 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Entraînement

QCM
Parmi les propositions suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
A. L’hypercalciurie est toujours secondaire à une hypercalcémie.
B. L’hyperphosphaturie est une cause de lithiase.
C. L’hyperoxalurie est le plus souvent idiopathique.
D. L’hypercitraturie favorise la lithiase calcique.
E. L’hyperuricurie favorise la lithiase calcique.

Bibliographie
Daudon M, Jungers P, Traxer O. Lithiase urinaire. 2e édition Paris: Lavoisier, Médecine Sciences Publi-
cations; 2012.
Escribano J, Balaguer A, Roqué i Figuls M, Feliu A, Ferre N. Dietary interventions for preventing compli-
cations in idiopathic hypercalciuria. Cochrane Database Syst Rev 2014;2:CD006022.
Pak CY, Nicar M, Northcutt C. The definitions of the mechanism of hypercalciuria is necessary for the
treatment of recurrent stone formers. Contrib Nephrol 1982;33:136-51.
CHAPITRE

12
Les diurétiques

PLAN DU CHAPITRE
j Notions de base
� Les natriurétiques
� Les aquarétiques
j Les natriurétiques
� Natriurétiques agissant au niveau du tube contourné proximal
� Natriurétiques de l’anse
� Natriurétiques agissant au niveau du tubule distal (thiazidiques)
� Diurétiques épargneurs de potassium
� Adaptation au traitement diurétique
� Résistance au traitement diurétique
� Conduite à tenir en cas d’œdèmes
j Les aquarétiques

Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles


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220 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Notions de base
Les natriurétiques
Les natriurétiques, appelés diurétiques dans la pratique courante, sont parmi les
médicaments les plus fréquemment prescrits.
Ils agissent pour la plupart en inhibant la réabsorption du sodium dans différents
segments du néphron.
On rappelle que, chaque jour, environ :
j 180 litres d’eau sont filtrés ;
j 25 000 mmol de Na+ sont filtrées et que plus de 99 % de cette charge filtrée est
réabsorbée le long du néphron (cf. figure 2.2 au chapitre 2).
La classification des diurétiques est fondée sur :
j la puissance de leur effet natriurétique ;
j leur site d’action le long du néphron.
L’énergie nécessaire à la réabsorption massive de sodium est assurée par la pompe
Na+/K+-ATPase exprimée sur la membrane basolatérale des cellules épithéliales
du néphron.

Les aquarétiques
De découverte plus récente, les aquarétiques sont des inhibiteurs des récepteurs
de l’ADH (vaptans), récepteurs situés au pôle basolatéral des cellules du tube
collecteur.
Ils agissent en augmentant l’excrétion d’eau « libre », c’est-à-dire non associée au
sodium.

Les natriurétiques
Natriurétiques agissant au niveau du tube contourné
proximal
Mode d’action
On rappelle que les deux tiers du sodium filtré sont réabsorbés au niveau du tube
contourné proximal.
Cette réabsorption se fait par :
j divers cotransporteurs (sodium-phosphate, sodium-glucose…) ;
j et en échange d’un ion H+, via l’échangeur Na+/H+ (dénommé NHE3).
Les protons H+ extrudés hors de la cellule s’associent à un ion bicarbonate, for-
mant de l’acide carbonique (H2CO3), qui se transforme en H2O et CO2 grâce à
l’anhydrase carbonique présente au niveau de la bordure en brosse.
Les diurétiques 221

Comme représenté sur la figure 12.1, l’anhydrase carbonique est également pré-


sente à l’intérieur des cellules, permettant la régénération des bicarbonates et la
réabsorption de sodium.
L’inhibiteur de l’anhydrase carbonique (acétazolamide) inhibe l’enzyme au niveau
de la bordure en brosse et au niveau intracytoplasmique.

Figure 12.1. Réabsorption du sodium au niveau du tube contourné proximal.


En présence d’anhydrase carbonique (AC) intracellulaire, les ions H+ sortent de la
cellule. En échange, un ion Na+ est réabsorbé. L’inhibiteur de l’anhydrase carbonique
inhibe indirectement l’échangeur Na+/H+ empêchant la réabsorption sodée. La
production intracellulaire de HCO3− est inhibée, diminuant sa sortie dans le capillaire
péritubulaire et entraînant ainsi une acidose.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
222 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Il inhibe :
j la réabsorption du sodium et du bicarbonate ;
j l’activité de l’échangeur Na+/H+.

L’inhibiteur de l’anhydrase carbonique a un effet natriurétique peu puissant,


car une réabsorption compensatrice de sodium survient dans les segments
suivants du néphron.

Indications
L’acétazolamide n’est pas utilisé comme diurétique et sa prescription est limitée
au :
j traitement chronique des hypertonies oculaires ;
j traitement aigu du mal des montagnes ;
j certaines alcaloses métaboliques hypervolémiques (alcaloses post-hypercap-
nie en particulier).

Effets indésirables
Il s’agit essentiellement d’une acidose métabolique.

À part
Les substances osmotiques (mannitol et glycérol)
Le mannitol agit principalement au niveau du tube contourné proximal. Il
augmente l’excrétion de sodium, de potassium, de chlore et des bicarbo-
nates. Il est indiqué pour traiter l’œdème cérébral.

Natriurétiques de l’anse
Mode d’action
Au niveau de la branche large ascendante de l’anse de Henlé, 25 % environ du
sodium filtré est réabsorbé.
Comme indiqué dans la figure 12.2, le cotransporteur Na-K-2Cl (NKCC2) joue un
rôle majeur dans cette réabsorption.
Le furosémide (sulfamide) et le bumétanide inhibent ce cotransporteur.
Ces diurétiques sont des anions qui, après filtration, sont sécrétés dans la
lumière du tube contourné proximal grâce au transporteur OAT1 (Organic
Anion Transporter 1). En cas de lésions du tube contourné proximal, ils sont
moins sécrétés dans la lumière tubulaire et, donc, moins délivrés au niveau de
leur site d’action.
Les diurétiques 223

Figure 12.2. Réabsorption du sodium au niveau de la branche large ascendante de


l’anse de Henlé.
Les diurétiques de l’anse inhibent le cotransporteur Na-K-2Cl (NKCC2) en prenant la
place du chlore.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Ils se lient à l’albumine, d’où la nécessité d’augmenter les doses en cas d’hypo-
albuminémie.
Les principales caractéristiques pharmacologiques des diurétiques de l’anse sont
résumées dans le tableau 12.1.
À côté de leur effet natriurétique, les diurétiques de l’anse exercent des effets
hémodynamiques :
j augmentation des prostaglandines vasodilatatrices ;
j stimulation forte du système rénine-angiotensine-aldostérone  ;
j maintien du DFG malgré l’hypovolémie.
224 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Tableau 12.1. Caractéristiques pharmacologiques des principaux diurétiques.


Classe de Molécule Biodisponibilité Demi-vie Voie principale
diurétiques orale d’élimination d’élimination
Diurétiques • Furosémide 30-60 % 1,5-2 h Rénale
de l’anse • Bumétanide 95 % 1,5 h Rénale
Diurétiques • Hydrochloro- 60-75 % 2,5 h Rénale
thiazidiques thiazide
• Indapamide 90 % 15-20 h Hépatique
Diurétiques • Spironolactone 90 % 1,5 h Rénale et biliaire
épargneurs de • Éplérénone 70 % 4-6 h Hépatique
potassium • Amiloride 50 % 15-20 h Rénale
et digestive

Les diurétiques de l’anse sont les plus puissants des diurétiques disponibles.
Ils permettent une excrétion de 20 à 25 % du sodium filtré.

Indications
Les diurétiques de l’anse sont indiqués dans les situations suivantes :
j insuffisance cardiaque décompensée :
Ÿ outre les effets suscités, ils entraînent une diminution de la pression vei-
neuse centrale ;
Ÿ utilisation préférentielle de la voie veineuse (car l’absorption per os est dimi-
nuée du fait de la congestion des parois digestives) ;
Ÿ efficacité identique en bolus ou en perfusion continue ;
j cirrhose décompensée :
Ÿ diurétiques de l’anse utilisés du fait de leur puissance ;
Ÿ nécessité d’augmenter les doses en cas d’hypoalbuminémie ;
j syndrome néphrotique  :
Ÿ l’hypoalbuminémie du syndrome néphrotique limite l’arrivée du diurétique
à son site d’action tubulaire ; de plus, la fuite glomérulaire d’albumine s’accom-
pagne d’une augmentation de la liaison albumine-diurétiques de l’anse dans la
lumière tubulaire, inhibant ainsi leur action ;
Ÿ les doses doivent donc être augmentées jusqu’à 2 à 3 fois la posologie habi-
tuelle pour accroître la fraction libre de diurétique dans la lumière tubulaire et
le rendre efficace ;
j insuffisance rénale chronique :
Ÿ la quantité de diurétiques de l’anse atteignant la lumière tubulaire est dimi-
nuée ;
Ÿ quand le DFG est < 15 ml/min/1,73 m2, la dose sécrétée dans le tubule est
de l’ordre de 5 à 10 % de celle d’un sujet à fonction rénale normale ; une plus
grande dose doit donc être administrée pour obtenir le même effet ;
Les diurétiques 225

Ÿ traitement de l’HTA : seule classe de diurétiques dans cette indication au


cours de l’IRC ;
Ÿ posologie très variable selon le degré de l’insuffisance rénale chronique, la
dose pouvant pour le furosémide atteindre 500 mg par jour ;
j hypercalcémie sévère : traitement de moins en moins utilisé dans cette indica-
tion (cf. chapitre 7 « Anomalies du bilan du calcium »).

Au cours des nécroses tubulaires aiguës, plusieurs études ont montré que
la prescription de diurétiques de l’anse ne s’accompagne d’aucun bénéfice
clinique, que ce soit en termes de mortalité ou de durée de l’insuffisance
rénale aiguë. Les diurétiques de l’anse permettent cependant dans certains cas
le maintien d’une diurèse et une gestion plus simple des bilans entrées-sorties.

Effets indésirables
Les effets indésirables des diurétiques de l’anse sont énumérés dans le tableau 12.2.
Ces effets sont la conséquence de leur mode d’action :
j augmentation de l’excrétion de sodium et de chlore et donc diminution du
volume extracellulaire ;
j insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, en particulier en cas d’association avec
un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone ;
j alcalose métabolique par contraction du volume extracellulaire et du fait de
l’hyperaldostéronisme secondaire qui stimule la sécrétion des ions H+ ;
j hypokaliémie par augmentation de l’excrétion de potassium du fait du blocage
de NKCC2 mais surtout du fait de l’hyperaldostéronisme secondaire (augmenta-
tion de la sécrétion distale de potassium) et de l’hypomagnésémie ;

Tableau 12.2. Principaux effets secondaires des traitements diurétiques.


Diurétiques de Diurétiques Diurétiques épargneurs
l’anse thiazidiques de potassium
Déplétion volémique ++++ ++ +
IRA fonctionnelle ++ + ±
Hyponatrémie + +++ –
Hypokaliémie ++ ++ –
Hyperkaliémie – – ++
Hypomagnésémie ++ + –
Hypercalciurie + – –
Alcalose métabolique ++ + –
Acidose métabolique – – +
Hyperuricémie + + –
IRA, insuffisance rénale aiguë.
226 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

j hypercalciurie par augmentation de l’excrétion de calcium ;


j hypomagnésémie par augmentation de l’excrétion de magnésium (cf. cha-
pitre 9 « Anomalies du bilan du magnésium ») ;
j défaut à la fois de dilution et de concentration des urines :
Ÿ présence de Na+ et de Cl– en grande quantité dans le tubule distal, qui est
le segment de dilution ;
Ÿ absence de réabsorption sodée et donc impossibilité d’obtenir une concen-
tration riche en Na+ dans l’interstitium tubulaire médullaire, entraînant un
défaut de concentration des urines ;
j hyperuricémie par augmentation de la réabsorption d’urates secondaire à la
contraction du volume extracellulaire ;
j hypoacousie parfois sévère lors de l’administration de doses élevées par voie
veineuse ; les doses de furosémide > 200 mg doivent être perfusées lentement
(20 minutes ou plus) ; en perfusion continue, le débit maximal de 40 mg/h ne doit
pas être dépassé ;
j manifestations allergiques : rash cutané…

Natriurétiques agissant au niveau du tube contourné distal


(thiazidiques)
Mode d’action
Au niveau du tube contourné distal, 6 à 8 % du sodium filtré sont réabsorbés.
Le cotransporteur apical Na-Cl (nommé NCC) joue un rôle majeur dans cette
réabsorption (figure 12.3).
Comme les diurétiques de l’anse, les diurétiques thiazidiques sont sécrétés dans
la lumière tubulaire par le transporteur OAT1, transportés jusqu’au tubule distal
où ils se lient à NCC et inhibent son action de réabsorption de sodium et de chl
ore.
Physiologiquement, après la réabsorption du Na+ dans le tube contourné proxi-
mal puis dans la partie ascendante de l’anse de Henlé, la réabsorption de NaCl
dans ce segment du néphron contribue à la dilution de l’urine. Les thiazidiques
limitent donc la capacité de dilution — sans altérer, contrairement aux diurétiques
de l’anse, la capacité de concentration dans la médullaire.
Les caractéristiques pharmacologiques des diurétiques thiazidiques sont résu-
mées dans le tableau 12.1.
Les thiazidiques, comme les diurétiques de l’anse, sont transportés dans le plasma
sous forme liée à l’albumine. L’hypoalbuminémie limite ainsi l’arrivée du diuré-
tique à son site d’action tubulaire.

L’effet des diurétiques thiazidiques est plus faible que celui des diurétiques
de l’anse : ils permettent une excrétion de 5 à 10 % du sodium filtré.
Les diurétiques 227

Figure 12.3. Réabsorption du sodium au niveau du tubule distal.


Les diurétiques thiazidiques inhibent le cotransporteur apical Na-Cl (NCC).
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

Indications
Les diurétiques thiazidiques sont indiqués dans les situations suivantes :
j insuffisance cardiaque et autres causes d’œdèmes :
Ÿ rarement en première ligne ;
Ÿ en association avec un diurétique de l’anse en cas de rétention hydrosodée
persistante (résistance aux diurétiques de l’anse) ;
j hypertension artérielle :
Ÿ leur efficacité est reconnue dans le traitement de l’HTA essentielle en pre-
mière ligne (recommandations SFHTA/HAS, 2016)  ; en particulier, efficacité
documentée chez le sujet âgé, le sujet noir, en cas d’antécédent d’accident vas-
culaire cérébral ;
228 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Ÿ une surveillance de la kaliémie est instaurée  ; possibilité d’ajouter en cas


d’hypokaliémie et selon les situations, un bloqueur du système rénine-angio-
tensine ou un diurétique épargneur de potassium ;
Ÿ en cas d’insuffisance rénale chronique avec DFG estimé <  40  ml/
min/1,73 m2, les diurétiques thiazidiques sont peu efficaces seuls ; ils peuvent
cependant garder une certaine efficacité au stade modéré en association avec
un diurétique de l’anse ;
j lithiase rénale récidivante avec hypercalciurie idiopathique : en cas d’échec
des mesures diététiques.

Effets indésirables
Ils apparaissent dans le tableau 12.1 :
j contraction du volume extracellulaire ;
j insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, surtout en cas d’association avec un
bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone ;
j hyponatrémie particulièrement fréquente du fait du blocage de la réabsorp-
tion de sodium au site impliqué dans la dilution de l’urine ;
j hypokaliémie particulièrement fréquente, mais en règle modérée lors de l’utili-
sation chronique des diurétiques thiazidiques ;
j hypomagnésémie modérée (qui contribue à l’hypokaliémie) ;
j intolérance au glucose (peut-être médiée par l’hypokaliémie) ;
j diminution de la calciurie de mécanisme complexe :
Ÿ contraction du volume extracellulaire avec augmentation de la réabsorp-
tion de sodium et de calcium au niveau du tube contourné proximal (ces deux
réabsorptions se faisant de façon couplée) ;
Ÿ effets directs du blocage du cotransporteur NCC avec activation des
canaux calciques apicaux ;
Ÿ hypercalcémie relativement rare ;
j manifestations allergiques avec l’hydrochlorothiazide (sulfamide) :
Ÿ rash cutané ;
Ÿ néphrite interstitielle aiguë immunoallergique…

Diurétiques épargneurs de potassium


Mode d’action
Les diurétiques épargneurs de potassium agissent au niveau des segments dis-
taux du tubule sensibles à l’aldostérone (court segment du tubule distal et tube
collecteur cortical) (cf. figure 2.2 au chapitre 2).
À ce niveau, 1 à 3 % du sodium filtré est réabsorbé.
Le transport de sodium se fait grâce au canal à sodium épithélial, ENaC. Ce
transport électrogène favorise la sortie de potassium via un canal à potassium
Les diurétiques 229

dénommé ROMK (figure 12.4). L’expression de ces deux canaux est stimulée par
l’aldostérone.
Comme le Na+ et le K+ n’utilisent pas le même canal, les deux transports sont
liés pour des raisons d’électroneutralité : toute molécule affectant un des deux
canaux affectera indirectement l’autre.
L’amiloride inhibe directement le canal ENaC. Le voltage transépithélial diminue
et la sécrétion de K+ est inhibée, « épargnant » ainsi le potassium.
La spironolactone et l’éplérénone sont des antagonistes compétiteurs du récep-
teur minéralocorticoïde. L’éplérénone est plus spécifique du récepteur minéralo-
corticoïde que la spironolactone, qui stimule par ailleurs le récepteur sensible aux
œstrogènes.

Figure 12.4. Réabsorption du sodium au niveau des segments distaux sensibles à


l’aldostérone.
Les diurétiques distaux épargneurs de potassium agissent soit en bloquant le
canal à sodium épithélial ENaC, soit en exerçant des effets antagonistes de ceux de
l’aldostérone.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
230 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

L’effet natriurétique des diurétiques épargneurs de potassium est faible,


entraînant une excrétion de 1 à 3 % du sodium filtré.

Indications
Les diurétiques épargneurs de potassium sont indiqués dans les situations sui-
vantes :
j insuffisance cardiaque :
Ÿ au long cours, la spironolactone est associée à une augmentation de la
survie chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ;
Ÿ l’éplérénone apporte le même bénéfice avec des effets indésirables moin-
dres (gynécomastie) ;
j HTA secondaire à un hyperaldostéronisme primaire : la spironolactone est le
traitement le plus physiopathologique dans cette situation ;
j cirrhose décompensée : souvent en association avec des diurétiques de l’anse ;
j syndrome néphrotique  : souvent en association avec des diurétiques de
l’anse ;
j prévention de l’hypokaliémie : en association avec un diurétique de l’anse ou
un diurétique thiazidique.

Attention
Les diurétiques épargneurs de potassium sont dangereux au cours de
l’insuffisance rénale chronique (risque d’hyperkaliémie sévère), surtout
lorsqu’ils sont associés à un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou à un
antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II.

Effets indésirables
Ils sont listés dans le tableau 12.2 :
j l’hyperkaliémie est le principal effet indésirable (cf. chapitre  5 «  Anomalies
du bilan du potassium ») et est particulièrement fréquente dans les situations
suivantes :
Ÿ insuffisance rénale chronique ;
Ÿ néphropathie diabétique (hyporéninisme-hypoaldostéronisme) ;
Ÿ administration d’un bloqueur du système rénine-angiotensine ;
Ÿ association à la prise d’AINS (inhibition des prostaglandines entraînant une
inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone) ;
Ÿ traitement par bêtabloquants (transfert du potassium) ;
Ÿ supplémentation potassique ;
Les diurétiques 231

j l’acidose métabolique est en règle modérée ;


j gynécomastie et impuissance compliquent le traitement au long cours par la
spironolactone (du fait de son effet sur le récepteur des œstrogènes).

Adaptation au traitement diurétique


Adaptation en situation chronique
j Au long cours, après quelques jours, la balance sodée se négative. Une hypovo-
lémie s’installe.
j Secondairement, un nouvel équilibre apparaît avec natriurèse égale aux
apports, mais diminution persistante de la volémie.

En clinique, pour maintenir le traitement diurétique efficace, il est indispen-


sable d’associer un régime limité en apports sodés.

Résistance au traitement diurétique


Les facteurs de résistance à un traitement diurétique sont :
j des apports sodés qui restent importants (> 4-6 g par jour) ; en chronique,
une natriurèse > 100-120 mmol/24 heures traduit cet excès d’apports sodés ;
j l’absorption digestive du diurétique qui peut être limitée par l’œdème de la
muqueuse intestinale décrite au cours des œdèmes généralisés ;
j l’insuffisance rénale, qui diminue la sécrétion tubulaire proximale des diuré-
tiques ;
j une dose insuffisante : le rapport en termes d’équivalence de doses entre le
furosémide et le bumétanide est de 40/1 pour les patients à fonction rénale
normale, mais seulement de 20/1 chez les patients aux stades 4 et 5 de la mala-
die rénale chronique (baisse plus importante de la clairance du furosémide) ;
j l’hypoalbuminémie, qui est un facteur de résistance nécessitant une augmen-
tation des doses ;
j la baisse du débit cardiaque ;
j l’hypertrophie et l’hyperactivité des cellules du tubule distal, qui vont aug-
menter la réabsorption sodée (augmentation du nombre des pompes Na+/
K+-ATPase), d’où l’intérêt d’associer à un diurétique de l’anse un diurétique thiazi-
dique (figure 12.5) ;
j les AINS, qui diminuent l’efficacité des diurétiques de l’anse et des diurétiques
thiazidiques et peuvent causer une hyperkaliémie, en particulier lors d’association
avec un diurétique d’épargne potassique.
En cas de résistance aux diurétiques, en particulier lors d’une insuffisance rénale
associée (syndrome cardiorénal), un traitement par ultrafiltration peut être envisagé.
232 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Figure 12.5. Effet synergique de l’association d’un diurétique de l’anse et d’un


thiazidique.
En cas de prise chronique d’un diurétique de l’anse, l’hypertrophie et l’hyperactivité
des cellules distales vont augmenter la réabsorption distale de Na+, limitant l’efficacité
des diurétiques de l’anse, d’où l’intérêt d’associer un diurétique thiazidique.
(Source : Bruno Hurault de Ligny.)

Conduite à tenir en cas d’œdèmes


j Régime pauvre en sel (2 à 4 g par jour selon la sévérité clinique) dans tous les cas.
j Restriction hydrique en cas d’hyponatrémie.
j En cas d’insuffisance cardiaque décompensée ou de syndrome néphrotique :
diurétique de l’anse par voie veineuse (40 à 120 mg de furosémide, par exemple,
pour commencer), avec secondairement augmentation de doses (importance de
la pesée quotidienne et de la natriurèse) et association à un diurétique thiazidique
(hydrochlorothiazide 25 mg par jour ou spironolactone 25 mg par jour).
Les diurétiques 233

j En cas de cirrhose : association d’un diurétique de l’anse (par exemple, 40 à


80 mg de furosémide per os) à 50 mg de spironolactone.
j Dans tous les cas : recherche systématique d’une insuffisance rénale aiguë fonc-
tionnelle secondaire.
La conduite à tenir en cas de résistance au traitement diurétique est schématisée
sur la figure 12.6.

Figure 12.6. Algorithme en cas de résistance aux diurétiques.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
234 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Les aquarétiques
Mode d’action
L’hormone antidiurétique ADH (également appelée arginine-vasopressine, AVP)
régule l’expression du bilan de l’eau par le rein.
Elle exerce ses effets via deux récepteurs :
j des récepteurs V1 exprimés par de nombreux types cellulaires, en particulier
au niveau des cellules musculaires des parois vasculaires ;
j des récepteurs V2 exprimés au pôle basal des cellules du tube collecteur.
Au niveau du tube collecteur, la fixation de l’ADH aux récepteurs V2 permet
l’insertion à la membrane apicale des aquaporines 2 (canaux à eau), permettant
la réabsorption d’eau (figure 12.7).
L’insuffisance cardiaque congestive, la cirrhose ou le syndrome de sécrétion inap-
propriée d’ADH (SIADH) s’accompagnent d’un taux élevé d’ADH, source d’hypo-
natrémie (cf. section « Hyponatrémie » au chapitre 3).
Le tolvaptan, inhibiteur des récepteurs V2 de l’ADH, bloque les effets de l’ADH
(figure 12.7).

Figure 12.7. Mode d’action du tolvaptan.


Le tolvaptan inhibe directement les récepteurs V2 de l’ADH, empêchant l’adressage
à la membrane des aquaporines 2, inhibant ainsi la réabsorption de l’eau.
ADH, hormone antidiurétique ; AQP2, aquaporines 2.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
Les diurétiques 235

Indications
Du fait des données physiopathologiques, le tolvaptan, comparé à un placebo,
a été prescrit dans l’insuffisance cardiaque. Il améliore la perte pondérale et la
dyspnée au cours des 24 premières heures, sans amélioration clinique à plus long
terme car cette molécule n’agit pas sur la rétention sodée.
De même, au cours de la cirrhose décompensée, l’effet bénéfique du tolvaptan
est transitoire et son hépatotoxicité potentielle limite son utilisation dans cette
indication.
Les indications du tolvaptan se limitent donc :
j à l’hyponatrémie euvolémique sévère secondaire au SIADH (cf. section
« Hyponatrémies » au chapitre 3), habituellement traitée en réanimation ;
j au ralentissement de la croissance des kystes et donc de la progression de l’IRC
dans la polykystose rénale autosomique dominante chez l’adulte ; dans cette
indication, la prescription est réservée au néphrologue.

Effets indésirables
Ce sont essentiellement :
j la polyurie (nécessité de boire 3,5 à 4 litres par jour au minimum) ;
j la toxicité hépatique.

Entraînement
QCM 1
Quelles sont les indications des diurétiques de l’anse ?
A. Syndrome néphrotique.
B. Insuffisance cardiaque globale.
C. Hyperaldostéronisme primaire.
D. HTA essentielle en première intention.
E. Surcharge hydrosodée au cours de l’insuffisance rénale chronique.
QCM 2
Quels sont les effets secondaires des diurétiques thiazidiques ?
A. Hypokaliémie.
B. Acidose métabolique.
C. Hyperuricémie.
D. Hypercalcémie.
E. Hypercalciurie.

Bibliographie
Gobin N, et al. Résistance aux diurétiques de l’anse en clinique. Rev Med Suisse 2010;6:438-42.
Felker GM, et al. Diuretic strategies in patients with acute decompensated heart failure. N Engl J Med
2011;364:797-805.
236 Les troubles hydro-électrolytiques ou ioniques faciles

Pitt B, et  al. Spironolactone for heart failure with preserved ejection fraction. N Engl J Med
2014;370:1383-92.
Roush GC, et al. Diuretics: A review and update. J Cardiovasc Pharmacol Ther 2014;19:5-13.
Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte. Recommandations SFHTA/HAS, septembre
2016.
CHAPITRE

13
Renseignements fournis
par l’analyse d’urines

PLAN DU CHAPITRE
j Notions de base
� Quelle est l’utilité de ces tests urinaires ?
� Que faut-il demander : analyses sur échantillon ou sur les urines de 24 heures ?
j L’analyse d’urines sur échantillon
� Bandelette urinaire
� Créatininurie
� Microalbuminurie et protéinurie
� Ionogramme urinaire
� Urée urinaire
� Calcul des excrétions fractionnelles
� Osmolalité urinaire sur échantillon
� Calciurie
j Les analyses sur urines des 24 heures
� Créatininurie
� Urée urinaire
� Natriurèse
� Calciurie, uricurie, oxalurie, citraturie, phosphaturie

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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238 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Notions de base
Quelle est l’utilité de ces tests urinaires ?
Les analyses d’urines ont deux intérêts.

Chez le sujet sain en situation d’équilibre


Entrées (orales ou parentérales) = Sorties (rénales et extra-rénales).
Quand les sorties extra-rénales sont négligeables, l’analyse d’urines permet d’avoir
un reflet des entrées (principalement apports sodés et protidiques).

En cas de pathologies rénales


Les analyses d’urines permettent :
j de caractériser le type de l’insuffisance rénale aiguë (insuffisance rénale aiguë
fonctionnelle ou nécrose tubulaire aiguë, (cf. infra tableau 13.3) ;
j d’aider à définir le type de l’atteinte du parenchyme rénal (atteinte gloméru-
laire, interstitielle, tubulaire, vasculaire) ;
j de poser le diagnostic étiologique de lithiase ;
j de suivre le ralentissement de la progression de la maladie rénale chronique
(protéinurie) ;
j d’apprécier les fonctions tubulaires.

Que faut-il demander : analyses sur échantillon


ou sur les urines de 24 heures ?
j L’échantillon urinaire est utile pour les examens suivants :
Ÿ bandelette urinaire ;
Ÿ créatinine ;
Ÿ microalbumine ;
Ÿ protéines ;
Ÿ ionogramme (Na, K, Cl) ;
Ÿ urée ;
Ÿ calcium ;
Ÿ calcul des excrétions fractionnelles ;
Ÿ osmolalité ;
Ÿ glucose.
j Le recueil des urines de 24 heures est utile pour les examens suivants :
Ÿ créatinine (pour apprécier la qualité du recueil des urines de 24 heures) ;
Ÿ urée (pour quantifier les apports protidiques) ;
Ÿ sodium (pour quantifier les apports sodés) ;
Ÿ exploration d’une lithiase.

Quelle que soit la méthode, avant d’interpréter les résultats, il faut prendre
en compte l’anamnèse, le contexte clinique, la prise de médicaments.
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 239

L’analyse d’urines sur échantillon


Bandelette urinaire
L’analyse de la bandelette urinaire est un outil précieux pour le néphrologue et
peut être source de nombreuses informations.
Leucocytes urinaires
j Appréciation semi-quantitative.
j Cotée en « + » :
Ÿ (traces) = 15/µl ;
Ÿ (+) = 70/µl ;
Ÿ (++) = 125/µl ;
Ÿ (+++) = 500/µl.
Sang
j Appréciation semi-quantitative.
j Cotée en « + » :
Ÿ (+) = 25/µl ;
Ÿ (++) = 80/µl ;
Ÿ (+++) = 200/µl.
j Peut détecter aussi les hèmes-protéines :
Ÿ hémoglobine (hémolyse) ;
Ÿ myoglobine (rhabdomyolyse).
Nitrites
j Dépistage des entérobactéries qui possèdent une nitrate réductase transfor-
mant les nitrates en nitrites.
j Par exemple : Escherichia coli.
j Mais le seuil de détection des nitrites est élevé (correspondant à environ
105 UFC) et la détection peut être négative en cas de bactériurie plus faible.
Protéines
j Détection de l’albumine.
j Estimation semi-quantitative de la concentration de protéines.
j Cotée en « + » :
Ÿ (++) = 1 g/l ;
Ÿ (+++) = 3 g/l.
La bandelette ne détecte ni la microalbuminurie ni la présence de chaînes
légères d’immunoglobulines.
pH urinaire
j Variable entre 5 et 8,5.
j Utile pour vérifier que les urines sont alcalines (lithiase urique, tubulopathie
myélomateuse (+++), certaines chimiothérapies).
240 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Densité urinaire
j Échelle entre 1 000 et 1 030.
j Évalue le pouvoir de concentration du rein.
j Permet d’estimer l’osmolalité urinaire en appliquant la formule suivante  :
Osmolalité urinaire (mOsmol/kg d’eau) = (31 400) × (Densité urinaire – 1).

Corps cétoniques
Détectés lors :
j du diabète ;
j du jeûne ;
j de l’exercice physique intense.

Glucose
Dépistage :
j du diabète ;
j de la glycosurie normoglycémique (dysfonction du tube contourné proximal).

Créatininurie
Rappels
La créatinine est le produit de la créatine musculaire et dépend donc de la masse
musculaire.
De petit poids moléculaire (113 Da), elle est filtrée par les glomérules et est élimi-
née dans l’urine sous forme inchangée.
La quantité excrétée est cependant supérieure à la quantité filtrée à cause d’une
sécrétion tubulaire.

L’excrétion urinaire de créatinine est constante à l’état d’équilibre. Elle cor-


respond à la production de créatinine par les muscles et ne dépend pas de la
fonction rénale.

Valeurs normales
Elles figurent dans le tableau 13.1.

Tableau 13.1. Valeur de créatininurie selon le sexe.


Créatininurie Créatininurie
(mmol/24 h) (g/24 h)
Homme 10-14 1,1-1,5
Femme 8-12 0,9-1,3
Approximation utilisée en routine ≈ 10 ≈1
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 241

Facteurs de conversion
Créatinine :
j mg/l × 0,00884 → mmol/l ; mg/l × 8,84 → µmol/l ; g/l × 8,84 → mmol/l
j mmol/l × 113,1 → mg/l ; µmol/l × 0,113 → mg/l ; mmol/l × 0,113 → g/l
j 1 g ↔ 8,84 mmol ≈ 10 mmol
Afin de simplifier les calculs d’excrétion urinaire d’une substance à partir de la créa-
tininurie (cf. encadré Application), on arrondit 8,84 à 10 mmol : ainsi, l’excrétion
urinaire moyenne de créatinine est de 10 mmol par jour, soit 1 g par jour.
Intérêt du dosage de la créatininurie sur échantillon
Le dosage de la créatininurie est utile pour estimer, à partir d’un échantillon d’urine,
l’excrétion urinaire d’une substance sans avoir recours au recueil des urines de 24 heures.

Application
Par exemple :
j
Rapport Protéinurie/Créatininurie =  500  mg/mmol →  Protéinurie/24  h ≈ 5  000
mg/24 h = 5 g/24 h.
j
Rapport Protéinurie/Créatininurie = 5 g/g → Protéinurie/24 h ≈ 5 g/24 h.
On multiplie par 10 si le rapport est exprimé en mg/mmol (car excrétion quotidienne
de créatinine urinaire de 10 mmol).
On multiplie par 1 si le rapport est exprimé en g/g (car excrétion quotidienne de créa-
tinine urinaire de 1 g).

Il est utile pour apprécier le caractère concentré ou non des urines et, donc, pour
différencier insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et nécrose tubulaire aiguë (cf.
infra tableau 13.3).
Il sert à calculer les excrétions fractionnelles :
j la clairance de la créatinine est quantifiée par la formule
U × V où U est la
créatininurie, V le volume de la diurèse et P la créatininémie ; P
Uα × V
j l’excrétion fractionnelle (EF) d’une substance α est égale à de cette subs-

UCréat × V Uα x PCréat
tance, rapportée à . Donc : EFα =
PCréat Pα x UCréat
j cette formule permet de calculer l’excrétion fractionnelle du sodium, mais
aussi celle du potassium, de l’urée, du calcium, du phosphate, de l’acide urique.

Microalbuminurie et protéinurie
Tests utiles en première intention
j Dosage de la microalbuminurie.
j Dosage de la protéinurie.
j Rapport Microalbuminurie/Créatininurie.
j Rapport Albuminurie/Créatininurie.
j Rapport Protéinurie/Créatininurie.
242 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Valeurs normales
Elles sont résumées dans le tableau 13.2.

Indications de la quantification
La quantification est indiquée dans les situations suivantes :
j néphrodétection : dépistage de la protéinurie à la bandelette urinaire ;
j dosage de la microalbuminurie (recommandations HAS, 2013) :
Ÿ chez tous les diabétiques de type 1 à partir de la cinquième année de dia-
bète, puis une fois par an ;
Ÿ chez tous les diabétiques de type 2 au moment du diagnostic de diabète
(sauf si la bandelette urinaire détecte une protéinurie), puis une fois par an ;
j en présence d’œdèmes : suspicion de syndrome néphrotique (tableau 13.2) ;
j diagnostic et suivi des néphropathies glomérulaires avec ou sans syndrome
néphrotique ;
j néphroprotection des néphropathies chroniques.
Après quantification, il faut caractériser la composition de la protéinurie, selon le
contexte :
j simple dosage de l’albuminurie ;
j intérêt de l’électrophorèse des protéines urinaires (+++) ;
j intérêt de l’immunofixation urinaire (technique la plus utilisée) qui permet de
caractériser la chaîne légère et la chaîne lourde de l’immunoglobuline monoclo-
nale lorsque celle-ci est présente.
On distingue ainsi :
j les protéinuries majoritairement composées d’albumine, sans composant
monoclonal, présentes dans toutes les néphropathies glomérulaires ;
j les protéinuries avec composant monoclonal (chaînes légères libres mono-
clonales) :

Tableau 13.2. Microalbuminurie, albuminurie et protéinurie.


Estimation par 24 h
Albuminurie physiologique < 30 mg/g < 30 mg/24 h
< 3 mg/mmol
Microalbuminurie Albuminurie 30-300 mg/g 30-300 mg/24 h
Créatininurie 3-30 mg/mmol
Albuminurie > 300 mg/g > 300 mg/24 h
> 30 mg/mmol
Protéinurie de signification > 500 mg/g > 500 mg/24 h
clinique Protéinurie > 50 mg/mmol
Protéinurie néphrotique Créatininurie > 3 g/g > 3 g/24 h
> 300 mg/mmol
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 243

Ÿ atteintes glomérulaires de l’amylose (albuminurie majoritaire) ;


Ÿ atteintes tubulaires de la tubulopathie à cylindres myélomateux (albuminu-
rie minoritaire) ;
j les protéinuries tubulaires  : défaut de réabsorption tubulaire proximale des
protéines :
Ÿ protéinurie < 1 g/24 heures ;
Ÿ composée de globulines de faible poids moléculaire dont la β2-microglo-
buline.
Orientation diagnostique devant une protéinurie
L’arbre diagnostique est résumé dans la figure 13.1.

Ionogramme urinaire
Rappels
Classiquement le ionogramme urinaire comprend  la mesure du sodium, du
chlore et du potassium.
Il n’est jamais demandé seul, toujours couplé à un ionogramme sanguin.

Figure 13.1. Orientation diagnostique devant une protéinurie > 500 mg/24 h.


(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)
244 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Il n’y a pas de normes chez le sujet normal — tout dépend des apports quoti-
diens.
L’analyse du résultat doit tenir compte des apports en sel et en eau, du contexte
médical, de l’examen clinique, des médicaments reçus.

L’analyse des ions urinaires oriente le diagnostic étiologique des troubles


électrolytiques (d’origine rénale, extra-rénale) et acido-basiques. Le sodium
et l’osmolalité urinaires sont importants à prendre en considération dans
l’analyse des dysnatrémies et dans l’insuffisance rénale aiguë.

Natriurèse et kaliurèse
Intérêt du rapport Na+/K+ urinaire
Cf. encadré.

Application
Rapport Na+/K+ urinaire
Na
Chez un sujet normal en régime occidental, le rapport est > 1.
K
Il est utile au diagnostic d’hyperaldostéronisme primaire et secondaire : le rapport est
alors < 1.
Il permet le diagnostic différentiel entre insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et nécrose
tubulaire aiguë. Le tableau 13.3 rappelle les indices urinaires utiles dans cette situation.

Tableau 13.3. Indices urinaires permettant de distinguer insuffisance rénale


aiguë fonctionnelle et nécrose tubulaire aiguë.
Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle Nécrose tubulaire aiguë
Indices d’activation du SRAA
• Na+/K+ urinaire < 1 > 1
• Na+ urinaire < 20 mmol/l * > 40 mmol/l
• FENa < 1 % * > 1-2 %
Indices de concentration urinaire
Urines concentrées Urines non concentrées
• U/PUrée > 10 < 10
• U/PCréatinine > 30 < 30
• U/POsm > 2 <2
SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone ; FENa, fraction excrétée de sodium.
* En l’absence de diurétiques.

(Cf. chapitre 2.)
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 245

Intérêt de la kaliurèse
j En cas d’hypokaliémie, l’analyse de la kaliurèse permet d’orienter la recherche
de sa cause :
Ÿ K u+ < 25 mmol/l : perte extra-rénale ;
Ÿ K u+ > 25 mmol/l : perte rénale.
j Elle permet le calcul du GTTK (cf. infra « Osmolalité urinaire sur échantillon »).

Chlorurie
La chlorurie est variable selon les apports : entre 80 à 250 mmol par jour.
En général, sa concentration urinaire est voisine de celle du sodium.
Le dosage a deux intérêts principaux :
j en cas d’alcalose métabolique, une chlorurie basse (< 30 mmol/l) doit faire
rechercher des vomissements abondants, provoqués ou non, ou des aspirations
gastriques prolongées ;
j en cas d’acidose métabolique à trou anionique plasmatique (TAP) normal
(cf. chapitre 6 ), la chlorurie permet de calculer le trou anionique urinaire (TAU),
reflet de l’excrétion rénale d’acide sous la forme de NH+4 , et de distinguer ainsi les
acidoses de cause rénale des acidoses de cause digestive.

Application
Trou anionique urinaire
TAU = [Na+U ] + [K +U ]–[ClU– ]
j
TAU positif (NH+4 bas, inadapté)  : cause rénale à l’acidose métabolique (acidose
tubulaire) ;
j
TAU négatif (NH+4 élevé, adapté)  : cause digestive à l’acidose métabolique (diar-
rhées...).
(Cf. figure 6.4 au chapitre 6.)

Urée urinaire
On rappelle que l’urée urinaire est le produit du catabolisme des protéines.
La quantification de l’urée urinaire sur échantillon, marqueur de concentration
urinaire, est utile essentiellement pour le diagnostic différentiel entre insuffisance
rénale aiguë fonctionnelle et nécrose tubulaire aiguë (cf. tableau 13.3).
Pour certains auteurs, le calcul de l’excrétion fractionnelle de l’urée est utile en cas
de prise de diurétiques pour distinguer insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et
nécrose tubulaire aiguë :
j EFUrée < 35 % en cas d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle ;
j EFUrée > 35-40 % en cas de nécrose tubulaire aiguë.
246 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Calcul des excrétions fractionnelles


Les calculs les plus courants apparaissent dans le tableau 13.4.

Tableau 13.4. Exemples d’excrétions fractionnelles utiles en clinique.


Valeur normale Intérêt clinique
EF du sodium 0,1 à 1 % • Diagnostic différentiel entre IRA fonctionnelle
(EF < 1 %) et NTA (EF > 1 %)
• Mais :
– EF > 1 % en cas d’IRA fonctionnelle
secondaire à la prise de diurétiques
– EF < 1 % en cas de rhabdomyolyse
EF de l’urée 50 à 65 % • < 35 % en cas d’hypovolémie avec IRA
fonctionnelle
EF de l’acide urique < 10 à 12 % • Fuite rénale d’acide urique si > 12 %
(cf. chapitre 10)
EF du phosphate < 20 % • Fuite rénale de phosphate si > 20 %
(cf. chapitre 8)
EF, excrétion fractionnelle ; IRA, insuffisance rénale aiguë ; NTA, nécrose tubulaire aiguë.

Osmolalité urinaire sur échantillon


Sa mesure est utile :
j lors des anomalies du bilan de l’eau et du sodium (+++) (tableau 13.5) ;
j comme un des outils du diagnostic différentiel entre insuffisance rénale aiguë
fonctionnelle et nécrose tubulaire aiguë (cf. tableau 13.3) ;

Tableau 13.5. Natrémie et osmolalité urinaire.


Osmolalité urinaire
(mOsmol/kg)
Hyponatrémie < 100 > 100
• Potomanie • Avec œdèmes :
• Tea and toast syndrome – Insuffisance cardiaque
• Syndrome des « buveurs de bière » – Syndrome néphrotique
– Cirrhose hépatique
• Avec hypovolémie
Hypernatrémie < 300 > 300
• Diabètes insipides • Déshydratation globale
• Diurèse osmotique
• Défaut d’apport d’eau
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 247

K +u Osm
j pour le calcul du gradient trans-tubulaire de potassium : GTTK = × + p  ;
Osmu Kp
peu utilisé en routine, il est surtout utile en cas d’hypokaliémie pour diagnostiquer
un hyperaldostéronisme (cf. chapitre 8 « Anomalies du bilan du potassium »).

Calciurie
(Cf. chapitre 11 « Examens biologiques utiles à l’exploration des lithiases ».)
La calciurie mesurée sur échantillon (calciurie dite de concentration) est norma-
lement ≤ 3,8 mmol/l.
L’hypercalciurie « vraie » (dite de débit) s’apprécie sur les urines des 24 heures (cf.
infra).

Les analyses sur urines des 24 heures


Créatininurie
Les valeurs usuelles sont :
j 10 à 15 mmol/24 heures chez l’homme ;
j 8 à 12 mmol/24 heures chez la femme.
La mesure de la créatininurie permet de vérifier que le recueil des urines de
24 heures a été fait correctement.
Le résultat d’un dosage d’une substance par 24 heures (par exemple, celui d’hor-
mones) est pour cette raison toujours associé à celui de la créatininurie avant
d’interpréter le résultat du dosage.

Application
Exemple chez une femme chez qui l’on suspecte un hypercorticisme :
j
cortisol urinaire : 200 nmol/24 heures (normale : 25-110 nmol/24 heures) ;
j
créatininurie : 10 mmol/24 heures (normale : 10 mmol/24 heures) ;
j
recueil correct des urines de 24 heures, donc diagnostic d’hypercorticisme confirmé.

Urée urinaire
Valeurs usuelles : 250 à 560 mmol/24 heures (15 à 35 g/24 heures).
La mesure de l’urée urinaire des 24 heures permet d’estimer la quantité de pro-
téines ingérées par jour.
La formule utilisée est la suivante :
Protéines ingérées [g/kg/24  heures] =  Urée urinaire [mmol/24  heures]/Poids
[kg]/5.
248 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

(5 mmol d’urée ≈ catabolisme de 1 g de protéines.)

Application
j
Urée urinaire = 520 mmol/24 heures.
j
Poids : 80 kg.
→ Consommation protidique estimée : 1,3 g de protides/kg par jour.

On rappelle que les recommandations d’apports protéiques au cours de l’insuffi-


sance rénale chronique sont :
j environ 0,8-1 g/kg par jour à partir du stade 2 de la maladie rénale chronique ;
j 1,2 g/kg par jour chez le patient traité par dialyse.

Natriurèse
La natriurèse est variable selon les apports quotidiens en sel.
Elle est en moyenne en France de 100 à 300 mmol par jour (6 à 18 g par jour).
Le seul intérêt du recueil des urines de 24 heures est d’estimer la consommation
sodée chez un sujet : 1 g de NaCl = 17 mmol de NaCl.

Application
Si la natriurèse est de 170 mmol par jour, l’estimation de sel quotidien ingéré est : 170/17
= 10 g par jour.

Recommandations
Apports sodés :
j
en cas d’HTA : ≈ 6 g par jour ;
j
au cours de l’insuffisance rénale : ≈ 4 à 6 g par jour ;
j
en présence d’œdèmes : ≈ 2 à 4 g par jour.

Calciurie, uricurie, oxalurie, citraturie, phosphaturie


Ces dosages sont détaillés dans le chapitre  11 «  Examens biologiques utiles à
l’exploration des lithiases ».
Renseignements fournis par l’analyse d’urines 249

Entraînement
QCM 1
La bandelette urinaire :
A. Détecte l’albumine.
B. Détecte les protéines tubulaires.
C. Détecte les chaînes légères d’immunoglobulines.
D. Suffit au diagnostic de cystite chez une femme symptomatique.
E. Permet d’estimer l’osmolalité urinaire.

QCM 2
Un patient diabétique de type 2 suivi pour une insuffisance rénale chronique modérée
et une hypertension artérielle vous montre les résultats suivants : diurèse = 1,5 l, natriu-
rèse = 100 mmol/l, urée urinaire = 400 mmol/l. Que lui dites-vous ?
A. La diurèse est insuffisante. Il faut boire davantage.
B. Les apports sodés sont corrects, calculés ici à environ 6 g par jour.
C. Les apports sodés sont trop importants, calculés ici à environ 9 g par jour.
D. La concentration d’urée urinaire traduit une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.
E. Les apports protidiques sont élevés, estimés ici à environ 120 g par jour.

Bibliographie
Hall JE, Guyton AC. Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology. 12th edition Philadelphia PA:
Saunders-Elsevier; 2011.
Corrigés

Chapitre 1
QCM 1
A. Faux.
B. Vrai.
C. Vrai.
D. Faux.
E. Vrai.
QCM 2
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Vrai.

Chapitre 2
QCM 1
A. Faux (5 % du poids du corps).
B. Vrai.
C. Vrai.
D. Vrai (cf. cas clinique dans le chapitre).
E. Faux (elle peut être normale, augmentée ou diminuée avec hypovolémie effi-
cace selon les situations).
QCM 2
A. Vrai.
B. Faux.
C. Vrai.
D. Faux en cas de pertes rénales de sodium.
E. Vrai.
Les troubles hydro-électrolytiques faciles
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252 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Chapitre 3
QCM 1
A. Faux.
B. Vrai.
C. Faux.
D. Faux.
E. Vrai.
QCM 2
A. Vrai.
B. Faux.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Vrai.
Cas clinique
1. Il a une DEC (car hypotension orthostatique) et une DIC (car hypernatrémie).
2. Le déficit hydrique est de 6,8 litres (60 % × Poids × [(Natrémie/140) – 1].
3. Soluté salé isotonique pour corriger d’abord la DEC, en lui apportant des bois-
sons.

Chapitre 4
QCM 1
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Faux.
QCM 2
A. Vrai.
B. Faux.
C. Vrai.
D. Vrai.
E. Vrai.

Chapitre 5
Cas clinique 1
1. L’ECG montre-t-il des signes d’hypokaliémie ? Comment est la kaliurèse ?
Corrigés 253

2.
A. Faux (la kaliurèse serait < 20 mmol/l).
B. Vrai (fuite urinaire de K+).
C. Faux (la pression artérielle serait élevée).
D. Vrai (fuite urinaire de K+ ).
E. Vrai (ressemble à une prise de thiazidiques).
Cas clinique 2
A. Faux.
B. Vrai (rénine plasmatique et aldostéronémie élevées).
C. Faux (hyperaldostéronisme secondaire et plutôt tendance à l’alcalose).
D. Faux (hyperaldostéronisme secondaire).
E. Vrai (hyperaldostéronisme secondaire).
QCM 1
A. Vrai.
B. Faux (trouble plutôt associé à une hypokaliémie).
C. Faux (bradycardie à QRS larges sauf dans certains cas).
D. Faux (grandes ondes T).
E. Faux (idem réponse C).
QCM 2
A. Faux (alcalose métabolique et hypokaliémie).
B. Vrai (défaut d’excrétion du potassium et des ions H+).
C. Faux (acidose métabolique et hypokaliémie).
D. Vrai (acidose tubulaire hyperkaliémique).
E. Faux (alcalose métabolique et hypokaliémie).
QCM 3
A. Vrai (diminution de la synthèse d’aldostérone).
B. Faux (hypokaliémie de transfert).
C. Vrai (hyperkaliémie de transfert).
D. Vrai (diminution de la sécrétion).
E. Vrai (diminution de la sécrétion).

Chapitre 6
Cas clinique 1
j Il s’agit d’une acidose métabolique.
j Le trou anionique plasmatique est de 140 – (117 + 13) = 10 mEq/l, donc non
augmenté.
j Le trou anionique urinaire est de (30 + 50) – 100 = – 20 mEq/l, donc négatif.
j Le trouble est secondaire à la perte digestive de bicarbonates.
254 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Cas clinique 2
j Il s’agit d’une acidose.
j Il existe une part ventilatoire à l’acidose (PaCO2 élevée).
j Mais pour une PaCO2 à 70  mm  Hg (+  30  mm  Hg au-dessus de 40), on
s’attendrait à une élévation de la bicarbonatémie de 3 à 6 mmol/l au-dessus de
25 mmol/l, soit une bicarbonatémie entre 28 et 31 mmol/l. Or, celle-ci n’est que
de 25 mmol/l.
j Il y a donc une acidose métabolique associée, avec trou anionique plasmatique
élevé.
j La composante métabolique est liée à l’accumulation de lactates.

Cas clinique 3
j Il s’agit d’une alcalose métabolique sévère avec hypovolémie.
j L’hypochlorémie est constante au cours des alcaloses métaboliques.
j L’hypokaliémie nécessite la réalisation d’un ECG et doit être traitée en urgence.
j Le rein tente d’éliminer les bicarbonates sous forme de bicarbonate de sodium
et de potassium. La natriurèse n’est pas effondrée, malgré l’activation du système
rénine-angiotensine-aldostérone, et l’hypokaliémie s’accompagne d’une fuite uri-
naire de potassium.
j La chlorurie très basse est typique des vomissements.

Chapitre 7
QCM 1
A. Faux (se voit plutôt au cours des hypercalcémies).
B. Vrai.
C. Faux (fréquent au cours des hypercalcémies).
D. Vrai.
E. Vrai (formes sévères et aiguës).
QCM 2
A. Vrai (précipitation intravasculaire et tissulaire).
B. Vrai (précipitation intravasculaire et tissulaire).
C. Vrai (hypercalcémie quand la thyrotoxicose est sévère).
D. Vrai (apports de citrate).
E. Vrai (synthèse de PTH freinée).
QCM 3
A. Vrai (PTH adaptée).
B. Vrai (PTH adaptée).
C. Vrai (PTH adaptée).
D. Vrai (substance PTH-like se liant au récepteur de la PTH, PTH effondrée).
E. Faux.
Corrigés 255

QCM 4
A. Vrai (souvent asymptomatique).
B. Vrai (augmentation de la réabsorption tubulaire proximale du calcium avec le
sodium).
C. Faux (polyurie hypotonique).
D. Vrai.
E. Faux (seulement au cours des hypervitaminoses D).

Chapitre 8
QCM 1
A. Vrai (la PTH est hypercalcémiante et phosphaturique).
B. Vrai (avec une hypocalcémie secondaire à la diminution de 1,25-(OH)2-
vitamine D. et une hyperphosphatémie secondaire à la diminution du DFG).
C. Vrai (tableau d’hyperparathyroïdie autonomisée après transplantation rénale).
D. Faux (il y a alors hypocalcémie et hypophosphatémie).
E. Faux (il y a hypercalcémie avec phosphatémie normale ou modérément
élevée).
QCM 2
A. Vrai (par carence d’apports).
B. Faux (c’est au contraire une carence qui est responsable).
C. Vrai.
D. Faux (c’est l’alcalose qui entraîne une hypophosphatémie de transfert).
E. Vrai.
QCM 3
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux (risque d’hypophosphatémie).
D. Vrai.
E. Vrai.

Chapitre 9
QCM 1
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Vrai.
256 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

QCM 2
A. Vrai.
B. Faux.
C. Vrai.
D. Vrai.
E. Vrai.

Chapitre 10
QCM 1
A. Faux (la plupart sont asymptomatiques).
B. Vrai (du fait de son caractère chronique).
C. Vrai (effet indésirable classique).
D. Faux (une hypo-uricémie).
E. Vrai (le seul de sa classe).
QCM 2
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Vrai.
A, D et E vrais car glucose, phosphate et bicarbonates sont réabsorbés par le tube
contourné proximal.

Chapitre 11
QCM
A. Faux.
B. Faux (les phosphates urinaires ont un rôle indirect dans la lithogenèse).
C. Vrai (favorisée par des apports alimentaires riches en oxalate).
D. Faux (le citrate est un inhibiteur de la lithiase calcique).
E. Vrai (elle augmente la précipitation de calcium).

Chapitre 12
QCM 1
A. Vrai.
B. Vrai.
C. Faux (spironolactones).
D. Faux (thiazidiques).
E. Vrai.
Corrigés 257

QCM 2
A. Vrai.
B. Faux (alcalose métabolique par contraction du volume extracellulaire).
C. Vrai.
D. Vrai.
E. Faux.

Chapitre 13
QCM 1
A. Vrai.
B. Faux.
C. Faux.
D. Vrai.
E. Vrai.
QCM 2
A. Faux.
B. Faux (car natriurèse exprimée en mmol/l).
C. Vrai (natriurèse rapporté au volume urinaire : 150 mmol/17 = 9).
D. Faux.
E. Vrai (400 × 1,5/5 = 120).
Annexe
Formules utiles

Clairance de la créatinine, débit de filtration


glomérulaire
Débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe)
Les formules MDRD (Modification of Diet in Renal Disease Study, 2006) et CKD-EPI
(Chronic Kidney Disease Epidemiology, 2009) estiment directement le DFG indexé
sur la surface corporelle (en ml/min/1,73 m2). Elles incluent le sexe, l’âge, la créati-
ninémie et l’ethnie, mais pas le poids.

À savoir
Ces deux formules sont aujourd’hui intégrées dans le résultat donné à
partir du dosage de la créatinine plasmatique.
Formule MDRD simplifiée
DFGe = 175 × (Créatininémie [µmol/l] × 0,885)–1,154 × Âge–0,203 × (0,742
si femme) × (1,21 si Afro-Américain).
Formule CKD-EPI
DFGe =  141 ×  min(Créatininémie ×  0,885/k  ; 1)α ×  max(Créatininémie
× 0,885/k ; 1)–1,209 × 0,993Âge × (1,018 si femme) × (1,159 si Afro-Américain).
Avec :
k = 0,7 pour les femmes et 0,9 pour les hommes.
α = – 0,329 pour les femmes et – 0,411 pour les hommes.
« min » indique la valeur minimale de : Créatininémie × 0,885/k ou 1.
« max » indique la valeur maximale de : Créatininémie × 0,885/k ou 1.

Les troubles hydro-électrolytiques faciles


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260 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

La HAS et les guidelines internationales recommandent l’usage de la formule


CKD-EPI, supérieure à la formule MDRD, à partir d’une créatininémie dosée
par méthode enzymatique. Compte tenu de sa complexité, des calculateurs sont
disponibles, notamment sur le site de la Société française de néphrologie : http://
www.soc-nephrologie.org/eser-vice/calcul/eDFG.htm
La mesure du DFG par clairance de traceur exogène (inuline, iohexol, Chrome-
EDTA) est réservée à des situations nécessitant une valeur très précise du DFG ou
en cas de mauvaises performances des formules d’estimation.

Clairance calculée de Cockcroft et Gault


La formule de Cockcroft et Gault estime la clairance de la créatinine et non le DFG.
Très utile il y a plusieurs années, car calculée au lit du malade, cette formule ne
l’est plus aujourd’hui, car imprécise chez les sujets âgés ou obèses. Mais elle garde
encore une place, car c’est elle qui a été utilisée pour adapter la posologie de nom-
breux médicaments selon la fonction rénale.

À savoir
Clairance de la créatinine
(140 − Âge[années]× Poids[kg]) × k
Clairance de la créatinine = 
Créatinémie[µmol/1]
k = 1,23 chez l’homme et 1,04 chez la femme.

Anomalies du bilan de l’eau et du sodium


Tonicité, osmolalité
Tonicité plasmatique
Tonicité plasmatique = (Na+ × 2) + Glucose [exprimés en mmol/l] = 285 ±
5 mOsm/kg H2O.

Osmolalité plasmatique
Osmolalité plasmatique =  (Na+ +  K+) ×  2 +  Glucose +  Urée [exprimés
en mmol/l].

Osmolalité urinaire
Osmolalité urinaire =(Na+u + K +u ) × 2 + Urée [exprimés en mmol/l].
Osmolalité urinaire =  31  400 ×  (Densité urinaire –  1), où la densité est
donnée par la bandelette urinaire.
Annexe 261

Par exemple : une densité lue de 1,010 donne une osmolalité urinaire = 31 400
× 0,010 = 314 mOsm/kg H2O.

Clairance osmolaire rénale


Volume de plasma pouvant être entièrement débarrassé des osmoles par minute
par le rein :

Cosm = (Uosm/Posm) × V.


Où V est le volume urinaire.

Clairance de l’eau libre


Quantité d’eau qu’il faudrait ajouter à l’urine (dans le cas d’une urine concen-
trée) ou soustraire de l’urine (dans le cas d’une urine diluée) pour obtenir une
osmolalité urinaire égale à l’osmolalité plasmatique :

Osmu
CH2O = V × 1−
Osmp

j Si la concentration en osmoles urinaires (Uosm) est supérieure à la concen-


tration en osmoles plasmatiques (Posm), les urines sont plus concentrées que le
plasma → CH2O négative (sécrétion d’ADH).
j Si la concentration en osmoles urinaires (Uosm) est inférieure à la concentration
en osmoles plasmatiques (Posm), les urines sont moins concentrées que le plasma
→ CH2O positive (diabète insipide).

Déficit extracellulaire

Déficit extracellulaire (en litres) = 20 % × Poids actuel × ([Hématocrite


actuel/0,45] – 1).

Non valable chez les patients anémiques.

Déficit en eau

Déficit en eau = 60 % × Poids × ([Natrémie/140] – 1).


262 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Excès en eau

Excès en Eau = 60  % × Poids × ([Natrémie/140] – 1).

Excrétion fractionnelle
Toute clairance est fondée sur la formule UV/P.
Avec :
■ U, concentration urinaire d’une substance ;
■ V, volume urinaire des 24 heures ;
■ P, concentration plasmatique de la substance.
L’excrétion fractionnelle (EF) d’une substance donnée est égale à UV/P de cette
substance rapportée à UV/P de la créatinine :

USodium × V
PSodium U ×V P U ×P
EFSodium =  = Sodium × Créatinine = Sodium Créatinine .
UCréatinine × V PSodium UCréatinine × V PSodium × UCréatinine
PCréatinine

Synonyme : FENa.
Exemple :
USodium = 20 mmol/l ; PSodium = 132 mmol/l ; UCréatinine = 15 mmol/l ; PCréatinine
= 130 µmol/l = 0,130 mmol/l.
EFSodium = 0,1 %.
Dans le cadre du diagnostic différentiel entre insuffisance rénale aiguë et nécrose
tubulaire aiguë, une EFSodium < 1 % est en faveur d’une insuffisance rénale aiguë
fonctionnelle.
Cette formule permet de calculer l’excrétion fractionnelle du sodium, mais aussi
celle du potassium, de l’urée, du calcium, du phosphate, de l’acide urique.

Trou anionique plasmatique


TAP simplifié = (Na+) – (Cl– + HCO−3 ) = 12 ± 4 mEq/l (le plus utilisé).
TAP = (Na+ + K+) – (Cl– + HCO−3 ) = 16 ± 4 mEq/l.
Annexe 263

Trou anionique urinaire

TAU = Na+u + K +u − Clu−.



Si TAU < 0 (= concentration de NH+4 urinaire élevée) = réponse rénale
adaptée

→ Origine extra-rénale de l’acidose.

Si TAU > 0 (= concentration de NH+4 urinaire basse) = réponse rénale
inadaptée

→ Origine tubulaire rénale de l’acidose.

Différencier une insuffisance rénale aiguë


fonctionnelle d’une nécrose tubulaire aiguë
Insuffisance rénale aiguë Nécrose tubulaire aiguë
fonctionnelle
Indices d’activation du SRAA
• Na+/K+ urinaire < 1 > 1
• Na+ urinaire < 20 mmol/l * > 40 mmol/l
• FENa < 1 % * > 1-2 %
Indices de concentration urinaire
Urines concentrées Urines non concentrées
• U/PUrée > 10 < 10
• U/PCréatinine > 30 < 30
• U/POsm > 2 <2
SRAA, système rénine-angiotensine-aldostérone  ; FENa, fraction excrétée de sodium.
* En l’absence de diurétiques.

Divers
Natrémie corrigée pour le glucose
■ [Na+]Corrigée = [Na+]Mesurée + (0,3 × Glucose – 5)
[Glucose en mmol/l].
■ [Na+]Corrigée = [Na+]Mesurée + (1,6 × Glucose – 1)
[Glucose en g/l].
264 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

Calcium
Calcium corrigé = Calcium total + (40 – Albuminémie) × 0,02.

Potassium
Estimation de la sécrétion distale de potassium :
K +u Osm
Index du gradient trans-tubulaire de potassium : GTTK= × + p.
Osmu Kp

Consommation quotidienne estimée


Consommation protidique
Estimation = Urée urinaire [mmol/j]/Poids [kg]/5.
Par exemple : 630/85/5 = 1,5 g/kg/j de protides.

Consommation sodée
1 g de sel de cuisine (NaCl) = 17 mmol de sodium.
Si la natriurèse est de 170 mmol par jour, alors la consommation est de 170/17
= 10 g de sel par jour.

Indice de masse corporelle


IMC = Poids [kg]/(Taille [m])2.

Protéinurie
Calculer une protéinurie en g/24 h à partir d’un échantillon d’urines :
■ Toujours prescrire le dosage de la protéinurie et de la créatininurie.
■ On trouve les rapports sous diverses unités ; la créatininurie est plus souvent
exprimée en mmol/l qu’en µmol/l.
■ Rapports (fondés sur le fait que l’excrétion quotidienne de créatinine urinaire
est de 8,84 mmol) :
• Protéinurie en g/24 h = Uprot [g/l] × 8,84/Ucréat [mmol/l] (le plus souvent
utilisé).
• Protéinurie en g/24 h = Uprot [mg/l] × 8,84/Ucréat [µmol/l].
• Protéinurie en g/24 h = Uprot [mg/l] × 8,84/(Ucréat [mmol/l] × 1 000).
Par exemple  : Protéinurie =  5  g/l, créatininurie =  10  mmol/l  ; rapport  : 5  g/l
× 8,84/10 mmol/l = 4,42 g/24 heures.
Pour simplifier, on multiplie par 10 au lieu de 8,84.
D’où l’estimation : 5 × 10/10 ≈ 5 g/24 heures.
Annexe 265

Équilibre acide-base
Formule de Winter
En cas d’acidose métabolique simple, la baisse de la concentration de bicarbo-
nates [HCO−3 ] entraîne une baisse prévisible de PaCO2 estimée par la formule de
Winter :
PaCO2 (mm Hg) attendue= 1,5 × [HCO−3 ] + 8 ± 2.

Suspecter un trouble complexe avec alcalose respiratoire


surajoutée
Le caractère « pur  » ou « mixte » de l’alcalose métabolique est évalué à partir des
valeurs attendues de la PCO2 (compensation respiratoire adaptée ou non) : PCO2
[mm Hg] qui doit normalement augmenter des trois-quarts de la variation des
bicarbonates :
Réponse compensatrice : ∆PCO2 = 0,75 × ∆HCO−3 .
Si la PCO2 est moins élevée que ne le prédit la formule, il faut suspecter un trouble
complexe avec alcalose respiratoire surajoutée. Cette situation fréquente en
milieu de réanimation est responsable d’une élévation extrême du pH artériel
avec une mortalité élevée.
266 Les troubles hydro-électrolytiques faciles

PTH Glucose, AA, Na+ EGF


FGF23 protéines, K+ Urée PTH
vitamines, lactates, Cl– Cl– +
Na+ +
acide urique HCO3– Ca2+
Mg2+ HCO3– Mg2+
Ca2+ Aldostérone
– HPO42–
H2O
100
Na+ +
(a) (f)
(b) (g)
300 300 K+
300 150 Cortex
H2 O 300
NH3 H+
Acide urique NH3
Créatinine
400 200 Cl– HCO3–
Na+
Médicaments HPO2– (h)
Cl– 4
Médullaire
(e) H2O
H2O Ca2+, Mg2+ ADH externe
600 400
+ – 600

Réabsorption passive
H2O H2 O +
900 700 PTH CaSR
Réabsorption active
900 Médullaire
(c) (d)
Diffusion passive Na+ interne
H2O Cl–
Excrétion active
1000 800 H2O
Urée
700 Osmolalité 1200
1200

(a) Tube contourné proximal ((début)) (d) Branche grêle ascendante de l’anse de Henlé
l ((g)) S
Segment d’union et tube collecteur cortical
Na+
Na+ Na+/K+-ATPase Cl– Cl–
3 Na+ 3 Na+
NHE3 H2O ROMK K+
NH4+ +
2 K+ ? ?
Urée 2 K+
Na+ +
NHE3 Na+ (e) Branche large ascendante de l’anse de Henlé
H+ ENaC Na+ Aldo.
HPO3– +
PTH
Na+ CaSR
HPO42– HPO42–
Glucose, AA… Ca2+
+ – Cellule principale
Glucose, AA…
Mg2+ 3 Na+
AQP1 ROMK K+ HCO3–
H2O 2 K+ NH3 H+/K+-ATPase AE1
K+ Cl–
K+ +
Na+ –
NKCC2 K+ Cl– H+ H+ Cl
2Cl–
Cl– H+-ATPase +
K+
(b) Tube contourné proximal (fin)
Aldo.
Ca2+ H2O NH4+
Cellule type A
Mg2+
3 Na+
Na+ (f) Tube contourné distal, début (1) et fin (2)
NHE3 HCO3–
H+ 2 K+ Pendrine Cl–
Cl– 3 Na+ Cl–
Cl– Cl–
Formate NCC
2 K+ H+-ATPase
? ? Na+ H+
Urée
Na+ Mg2+ TRPM6 Mg2+
? Cellule type B
Cl– +
EGF
TCD1
(h) Tube collecteur médullaire
(c) Branche descendante de l’anse de Henlé 3 Na+
Cl–
NCC H2O AQP3
Na+ 2 K+ AQP2
AQP1 H2O
H2O Ca2+-ATPase +
Ca2+ TRPV5
+ ADH
PTH +
ENaC Na+ + H2O
H2O
Aldo. AQP2 AQP4
ROMK K+ +
UT-A2 UT-A2 TCD2 UT-A1 UT-A3
Urée Urée

Récapitulatif des échanges (excrétion, réabsorption) le long du néphron et principaux


mécanismes cellulaires.
(Source : Marie-Noëlle Peraldi.)

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