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CM9

– Connaissances des phénomènes sociaux



Océane Pérona

29 novembre 2021

Introduction à la sociologie de la délinquance

Qu’est ce que la délinquance ? Comment l’expliquer ? Comment l’appréhender ?

Sociologie de la déviance vs sociologie de la délinquance.

Délinquance = forme particulière de déviance qui consiste en la transgression de normes
définies par la loi pénale.

Déviance = transgression d’une norme (qu’importe la norme). Elle ne se limite pas qu’à la
délinquance. Elle suppose deux choses :
- Adopter un comportement
- Transgresser une norme

Normes = ensemble de prescription qui ont pour but de de guider la vie des individus en
société. Elles ont trois caractéristiques :
- Plurielles
o Il y a des normes formelles (règles religieuses, règlements, etc.)
o Il y a des normes informelles ; il n’y a pas de document qui récapitule ces
normes (usages, coutumes, morale, règles de politesses, etc.)
- Relatives
o Elles varient selon le temps et les espaces. Il n’y a pas de déviance absolue, il
n’existe pas un acte qui soit universellement considéré comme une déviance.
§ Ex : meurtre pas une déviance dans la guerre, la légitime défense, la
condamnation à mort, etc.
§ Ex : l’homosexualité qui a été un délit pénale jusque dans les années 80
en France.
- Diversement appliquées
o Une norme existante mais qui n’est pas appliquée
§ Ex : l’amende pour ne pas avoir respecté le passage piéton en tant que
piéton

Les conséquences de la transgression des différentes normes ne sont pas les mêmes en
fonction des normes.
• Transgression de normes formelles
o Sanction pénale
• Transgression de normes informelles
o Sanction sociale (mise à l’écart, etc)

Les causes de la délinquance, d’où vient elle ? Quelle en est l’origine ?

Initialement, la sociologie de la délinquance s’est intéressé au passage à l’acte, c’est-à-dire
lorsque la loi est transgressé.

I. Des théories centrées sur le comportement déviant

1. L’anthropologie criminelle

Au 19e siècle vont fleurir des travaux médicaux et anthropologique sur la délinquance.

Pourquoi ? Conséquences de la révolution industrielle, le développement de l’urbanisation et
son corollaire de l’exode rurale.

Les nouvelles classes populaires urbaines vont attirer et concentrer l’attention sur elles. Elles
vont faire l’objet de discours et de préoccupations morales hygiénistes qui visent à éviter la
contagions de comportements marginaux à l’ensemble de la population.

Dans ce contexte, médecins et anthropologues vont chercher à comprendre l’origine du
comportement délinquant pour l’empêcher et le sanctionner.

L’anthropologie criminelle naît en Italie, qui a une réflexion sur la délinquance et la sanction
pénale dès le 18e siècle. Le Marquis Beccaria avait proposé dès le 18e une nouvelle hiérarchie
des peines, il propose d’indexer les sanctions à la dangerosité des individus ce qui va
transformer la manière que l’on a de penser la délinquance.

Au début du 19e siècle, l’Italie connaît d’importantes transformations politique, économique
et sociale qui vont engendrer de nouvelles formes de pauvreté, d’exclusion et de criminalité
dans les villes et sur les routes. Les pillages et les brigands se multiplient au point de devenir
une menace pour l’ordre sociale. En réaction à ça, les dirigeants politiques vont faire appel à
des scientifiques pour qu’ils trouvent l’origine des problèmes rencontrés par l’Italie.
Ø Ces scientifiques vont désigner les groupes sociaux qui étaient déjà stigmatisés comme
par exemple les vagabonds, les présentants qui ayant des prédispositions naturelles
au crime, que c’est inné.

Ce courant va être appelé l’école positiviste italienne – Lombroso
Ø Influencé par des théories naturalistes de la classification des races
o Chacune ayant des caractéristiques propres
Ø Influencé par les travaux de Franz-Joseph Gann (phrénologue – Allemand)
o Qui étudie la phrénologie, c’est-à-dire une pseudo science qui dit que la forme
d’un crâne explique le caractère d’une personne (ex : la bosse des maths)

Lombroso va formuler l’hypothèse que, la normalité d’un comportement est la conséquence
d’une anormalité physique.
Ø Il va donc tenter de prouver qu’il existe des caractéristiques physiques à tous les
criminels1. Il va écrire L’homme criminel (1887) dans lequel il va développer la théorie
du criminel né qui serait biologiquement déterminé et relativement déterministe.


1 L’habit ne fait pas le moine, si ?
Ø C’est le reflet d’une idéologie qui voulait que les pauvres, les non blancs ou encore les
femmes étaient des êtres dangereux et marginalisé en dehors de la société moderne.

Conclusion de cette théorie : délinquance = caractéristiques physiques et biologiques
d’individus marginalisés.

2. Le délinquant, un acteur rationnel : approches économiques de la délinquance

Ne voit pas la délinquance comme un déterminisme biologique, elle voit la délinquance
comme un choix rationnel.
Ø Quelqu’un de calculateur, qui cherche un maximum de satisfaction pour un minimum
d’efforts.
Ø Dérivé de la pensée économique, qui voit l’échange comme un équilibre qui s’établit
spontanément sur un marché et qui voit des individus comme des acteurs qui
cherchent uniquement à minimiser leurs biens et leurs pertes.

Ce modèle va être théorisé par un économiste Gary Becker (prix Nobel d’économie de
Chicago). Il publie l’article Crimes et châtiments en 1968 dans lequel il va se demander quelles
sont les sanctions qu’il faudrait mettre en œuvre pour que les lois et règlements soient
réellement appliqués.
Ø Il explique que la démarche la plus efficace pour le respect des lois est celle qui consiste
à augmenter le coût de l’activité criminelle et diminuer le bénéfice que le délinquant
gagne de l’infraction.
o Augmenter la probabilité d’être arrêté, jugé et sanctionné
o Sanctions financières : toutes les peines de prisons devraient selon lui être
remplacé par des amendes.

Quel problème ça engendrerait ?
Ø On ne serait pas tous égaux : Les riches seraient au dessus de la loi
Ø À partir du moment où l’on peut s’acquitter cela signifie qu’on peut commettre un
meurtre
Ø Tous les actes délinquants ne sont pas motivés par des raisons financières

Critiques :
• Ne prend pas en compte les objets symboliques et moraux de la motivation ni de la
sanction.
o Comment chiffrer le coût d’un meurtre / d’un viol etc, et comment chiffrer le
bénéfice de celui qui le commet.
• On ne prend pas en compte la dimension collective de la délinquance, un délinquant
n’agit pas tout le temps seul.

3. Analyse stratégique de la délinquance

Maurice Cusson (Canadien) va proposer une analyse de la délinquance elle aussi centrée sur
le passage à l’acte qui va voir les délinquants comme des stratégies militaires, et il va chercher
ce qui pousse les délinquants à agir.
Ø Appât du gain, crimes passionnels, réponse à un besoin, effet de groupe, mal être,
adrénaline, le groupe social, la domination, l’appropriation, etc.

Le fait de désigner les crimes conjugaux comme des crimes passionnels étaient une manière
d’atténuer la gravité de l’acte (utilisé par les avocats de La Défense).

M. Cusson, en 1989 à écrit Délinquant, pourquoi ?. Il va distinguer 4 buts à l’action
délinquante :
1) L’action en elle-même : manière de passer le temps.
2) L’appropriation : pour s’approprier des biens par besoin ou par logique consumériste
3) L’agression : intervient dans le cas d’un acte de vengeance
4) Domination : transgression qui permet d’assouvir un désir de puissance ou de cruauté
(ex : viol, torture, etc)

Il associe comme Becker des coûts à la délinquance.
1) Coût physique : peut occasionner des blessures, incarcération, etc
2) Coût moral : perte de l’estime des proches, dégradation de la vie affective
3) Coût sociaux : perte du travail, perte des relations sociales

Maurice Cusson ne prend pas seulement en compte des éléments économiques pour
expliquer le passage à l’acte. Il prend également des éléments subjectifs et symboliques
(consumérisme, ennuis, etc).

Il est très centré sur certaines formes stéréotypées de délinquance et donc n’a pas une valeur
réelle de la délinquance.

Ces approches s’intéressent au passage à l’acte et aux causes individuelles de ce passage à
l’acte.

Il existe d’autres approches qui s’intéresse non pas au comportement en lui-même mais de ce
qui va en résulter.

II. Du comportement délinquant à la réaction sociale

1. Mettre la norme au centre de l’analyse du crime : l’apport du Durkheim

Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, fin 19e. Il va proposer une théorie en totale
rupture avec les théories de son époque.

Selon lui, la délinquance résulte des conséquences de phénomènes sociaux :
- Ce n’est pas possible de hiérarchiser les rimes à partir de critères moraux
- Il n’existe pas de société sans crime, mais ce qui va être défini comme criminel varie
en fonction du temps et des époques.
- Le crime est normal au sens sociologique du terme car c’est quelque chose de stable
et récurent dans une société donnée. Quelque soit la société il y aura toujours des
actes considérés comme crimes.
- Ce n’est pas l’acte en lui-même qui est délinquant, ce qui fait d’un acte délinquant c’est
le fait que la société réagisse à l’acte pour le sanctionner.
o Nous ne réprouvons par un acte parce qu’il est criminel, mais il est criminel
parce que nous le réprouvons
- Le crime a une fonction sociale, non seulement il n’est pas anormal mais il est normal.
La criminalité à une fonction sociale.
- Pour Durkheim, la sanction pénale doit agir sur les honnêtes gens et non les criminels.
Elle ne sert pas à dissuader, punir ou amender le délinquant mais elle permet de
renforcer la conscience collective2.
- Ce qui fait des actes des crimes c’est d’avoir désigné des crimes et des sanctions à ces
actes. C’est partir de la norme et non pas du comportement lui-même. Cette approche
va se rapprocher de celle de Howard Becker.

2. Mettre l’action sociale au centre de l’analyse de la délinquance – l’apport
d’Howard Becker

Approche de la délinquance à rebours de celle produite à la même époque par Gary Becker.

En 1963, H. Becker va publier Outsiders : pour une sociologie de la déviance qui rassemble une
série d’articles qui rendent compte de son intégration ethnographique auprès de musiciens
du jazz et de fumeurs de majiruana (groupes considéré comme marginaux dans les années
60’).

Déviance =
• Produit d’une action collective qui consiste à créer des normes et à étiqueter des
comportements ; produit d’une interaction sociale (la déviance est créée par les
groupes sociaux. Cf. TD)
• La déviance est une carrière. Elle peut être définie comme un processus qu’on peut
décomposer en plusieurs étapes qui se suivent. Ce qui va permettre de renverser la
perspective de l’origine du comportement déviant. C’est le comportement déviant qui
au fur et a mesure produit la motivation déviante.
o Ex : fumeur de majiruana : 1ère fois ça les faits tousser, il faut apprendre à
apprécier, il faut donc répéter la pratique afin d’apprécier les sensations que
ça procure.


2 Sentiment d’appartenance à un groupe qui se construit selon l’accord sur des règles partagées.

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