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A/ LES CAUSES INTERNES ACQUISES

A1/ Diapo 1— MALADIE - L’hypothèse de la maladie


criminogène ne pouvait pas ne pas être envisagée. On songe d’abord
tout particulièrement à la démence, qui est une maladie acquise et non
congénitale, et aux diverses névroses. Il est évident que les maladies
mentales prédisposent à la délinquance et les criminologues qui ont
voulu classer les délinquants en plusieurs catégories ont toujours
accordé une place importante aux délinquants poussés par la
démence : ainsi Lombroso (avec le criminel-fou), Ferri (avec le
criminel aliéné), Di Tullio (avec le criminel-fou).
Diapo 2 /D’autres maladies ont encore une influence non
négligeable, tels la syphilis, la tuberculose et le sida. Surtout plusieurs
criminologues ont étudié les relations entre le fonctionnement des
glandes endocriniennes et le psychisme de l’individu. Un excès ou
une insuffisance de sécrétion de ces glandes (hypophyse, thyroïde,
glandes surrénales, glandes génitales) auraient une incidence sur le
comportement de l’intéressé (travaux de Schlapp et Smith aux États-
unis).
Diapo 3/Enfin la consommation de produits toxiques, (alcool,
stupéfiants) est une cause importante et indiscutée de nombreux
crimes et délits. Stricto sensu il ne s’agit pas véritablement de
maladies, mais d’habitudes contractées, quoiqu’il puisse arriver que
ce genre d’excès soit la source de certaines lésions.
Diapo4— PSYCHISME - Une place à part doit être faite aux
facteurs proprement psychiques de la délinquance. Il existe en
premier lieu des théories psychanalitiques.
On signalera celle du Français Daniel Lagache
(Psychocriminogenèse, 1950) qui distingue deux phases essentielles
dans le processus de formation de la personnalité, processus qualifié
par les psychologues de socialisation progressive de l’individu. La
première phase est dite de retrait, ou refus de l’identification au
groupe, le sujet voyant alors son processus de maturation troublé par
des anomalies, d’où des troubles se manifestant par l’égocentrisme et
l’immaturité. La seconde phase est dite de restitution, ou tentative
d’ajustement. Détaché d’un groupe, le délinquant va en chercher un
autre. Lagache perçoit à cet égard les aspects interpersonnel et
intrapersonnel des conduites criminelles Le premier concerne les
rapports entre le délinquant et les groupes auxquels il participe.
L’infraction révèle que son auteur commet une agression contre les
valeurs du groupe dont il enfreint les règles et qu’il pose d’autres
valeurs propres au groupe auquel il aspire. Le second concerne les
rapports entre le délinquant et son acte. Le conflit inconscient interne
au sujet sera résolu par une action extérieure, le crime, qui est donc
une tentative d’ajustement.
En deuxième lieu doit être mentionnée la théorie psycho-
physiologique, principalement illustrée par le Belge Etienne de Greef
(Introduction à la criminologie, 1937). Chacun est un délinquant
virtuel et inconscient, car le système neurophysiologique transmet à
tout individu des incitations constantes à l’agressivité. Le plus
souvent l’homme réussit à les endiguer, à les contenir en édictant une
barrière morale à l’aide de son psychisme supérieur qui sécrétera
certaines valeurs altruistes, à savoir l’amour, la sympathie. Mais il
arrive que le sujet succombe et devienne alors délinquant. De Greef a
dégagé le concept de fonctions incorruptibles, qui échappent
complètement à la volonté. Ces fonctions, indifférentes au bien et au
mal, se reconnaissent notamment dans les sentiments de
responsabilité, de justice, de destinée. Si elles jouent sous l’impulsion
des instincts de défense, sans contrôle, le sujet commettra alors une
infraction, laissant libre cours aux réactions de son mésencéphale (ou
cerveau moyen). Il importe par conséquent d’avoir en soi des
fonctions de protection suffisantes. De Greef écrivait : « Un honnête
homme est un sujet qui se trouve constamment en équilibre instable.
Il est toujours en train de perdre son honnêteté. Il est toujours en train
de la retrouver ».

§ 2 -  LES CAUSES EXTERNES


25 — QUELQUES DONNEES ESSENTIELLES ET
QUELQUES CONCLUSIONS QUI LE SONT MOINS - Nul ne
doute de l’importance des facteurs du milieu dans la genèse du
phénomène de la délinquance.
Il y a d’abord le milieu familial dont l’influence peut être énorme.
Une enquête effectuée dans l’agglomération a montré que 88% des
délinquants mineurs étaient issus de familles dissociées (divorce,
séparation de corps ou de fait, mésentente). Pareillement diverses
études ont mis en lumière le poids d’un niveau socio-économique
modeste de la famille d’origine et celui du comportement des parents.
Le milieu physique est également important : ainsi le milieu rural
favorise la criminalité violente et le milieu urbain une délinquance
d’une autre nature, plus orientée vers les biens. Surtout l’influence de
l’habitat paraît prédominante, neuf enfants inadaptés sur dix ayant
vécu dans des taudis ou bidonvilles. Outre le milieu familial et le
milieu physique il faut encore citer le milieu économique, le milieu
social et même le milieu répressif, notamment le milieu carcéral.
Forts de ces constatations quelques criminologues ont dégagé à
partir d’observations statistiques certaines lois criminologiques qui
traduisent l’impact des facteurs exogènes. Ferri par exemple a
découvert la loi de la saturation criminelle s’exprimant telle une
formulation chimique. Le niveau de la criminalité est déterminé
chaque année par les différentes conditions du milieu physique et
social combinées avec les tendances héréditaires et les impulsions
occasionnelles de l’individu. De la sorte s’explique le concept de
saturation : selon les conditions de chaque milieu considéré on arrive
à connaître avec précision le nombre de crimes. Une autre loi due au
même auteur est celle de la sursaturation qui joue en cas de
changement social important. La quantité de crimes augmente alors,
comme celle du sel dans l’eau quand la température de ce mélange est
portée plus haut.
De son côté le Belge Quételet est l’inventeur de la loi de la
régularité constante du crime dont la formulation est mécanique. En
vertu de cette loi les crimes se reproduisent chaque année au même
nombre, dans les mêmes proportions et avec des peines identiques,
d’où la possibilité de déterminer à l’avance combien de personnes
tueront, voleront, violeront...
Une autre loi célèbre est la loi thermique de la criminalité
formulée par Quételet et le Français Guerry. Les infractions contre les
personnes, en vertu de cette loi, sont plus nombreuses dans les
régions méridionales et pendant les saisons chaudes, alors que les
infractions contre les biens prédominent dans les régions
septentrionales et pendant les saisons froides.
Gabriel Tarde devait démontrer plus tard qu’il n’y avait là
qu’illusion, le contraste entre le nord et le sud s’expliquant par le
degré différent d’urbanisation. Toutes ces lois tirent donc des
conclusions à partir de phénomènes statistiques et telle est leur seule
ambition.
Plus récemment la criminologie a découvert le rôle majeur que
joue la victime dans bien des cas. Ainsi la victime peut être un agent
actif lorsqu’elle commet une infraction pour mettre fin à son état de
victime : par exemple une femme maltraitée qui en vient à tuer son
mari brutal. La victime peut encore être un agent passif, lorsque en
particulier son attitude provoque le délinquant, l’illustration classique
étant celle de la femme violée qui par un comportement de
complaisance initiale aura attisé les pulsions du criminel.
26 — CRIMINOLOGIE SOCIOLOGIQUE - Divers courants
existent au sein des explications du mécanisme de la socio-
criminogenèse. Le premier et le plus ancien est le courant de la
criminologie sociologique qui comporte plusieurs manifestations. Il y
a ainsi la théorie de l’anomie, ou disparition des valeurs sociales. Ce
concept, élaboré par Durkheim, a été développé en criminologie
principalement par l’Américain Merton dans son ouvrage Éléments
de théorie et de méthode sociologique (1949). Les structures sociales
présentent deux éléments : les buts et objectifs culturels proposés par
la société à ses membres et les moyens légitimes pour y parvenir.
Lorsque la coïncidence entre buts et moyens disparaît, il y a
délinquance ; alors les buts dépassent les moyens. Tous les individus
sont de plus en plus soumis dans la société à un « processus
d’exaltation des fins » sans cesse grandissant, les moyens restant
toutefois identiques. Deviennent délinquants ceux dont le mode
d’adaptation se caractérise par l’un des procédés suivants: innovation
— l’individu accepte le but proposé par la société mais refuse les
normes sociales —, évasion — l’individu ne partage aucune des
valeurs communes —, rébellion — l’individu rejette la structure
sociale existante —. Échappent au contraire à la délinquance deux
catégories d’individus : les conformistes — qui acceptent les buts et
les moyens définis par la société, — et les ritualistes — qui renoncent
à l’idéal de la réussite financière pour se cantonner à des projets plus
réalisables.
La seconde théorie importante est celle des conflits de cultures du
criminologue américain Sellin (Culture conflict and crime, 1938 ;
Conflits culturels et criminalité, R.D.P.C. 1960, 815 et 879). Un tel
conflit surgit quand les valeurs morales et les règles de conduite
sanctionnées par le Code pénal d’un pays donné à un moment donné
contredisent les valeurs et normes adoptées par certains groupes
sociaux. Afin d’assimiler la minorité, la majorité fait pression sur
elle, d’où une crise. Ainsi la criminalité procède de la difficulté pour
une personne élevée dans un certain milieu de s’adapter à un autre
milieu. Les exemples de tels conflits abondent : conflits lors de la
colonisation de pays du Tiers-monde entre la culture européenne et la
culture des indigènes, conflit dans un pays entre immigrés et
nationaux, conflit entre certaines minorités politiques agissantes
(gauchistes) et le reste de la nation, etc.
La troisième théorie, dite de l’association différentielle, est due à
l’Américain Sutherland (Principes de criminologie, publiés en France
en 1966) qui s’est inspiré de la loi de l’imitation dégagée par Tarde,
loi selon laquelle le milieu social agit sur l’individu parce que chacun
cherche à imiter la conduite des autres. Ainsi pour Sutherland le
comportement criminel est appris au contact d’autres personnes par
des processus de communication individuelle. Deux éléments
peuvent être distingués dans cette formation : l’enseignement des
techniques de commission de l’infraction et l’orientation des mobiles,
des tendances impulsives. Et celle-ci ne peut se faire dans le sens de
la délinquance que si l’individu est en contact avec des modèles
criminels. Tel est le principe de l’association différentielle.
27 — THEORIE DU LABEL - Un autre courant,
appelé courant interactionniste — représenté en particulier par les
Américains Lemert (Social pathology, 1951) et Becker (Outsiders,
studies in the sociology of deviance, 1963) —, insiste sur le rôle
essentiel que jouent les institutions pénales et les attitudes sociales
dans l’apparition de la délinquance ou dans l’essor des
comportements déviants. Ce sont le législateur et la société qui, au
terme d’un processus d’interaction, fixent la liste des actes
infractionnels, stigmatisent pareils comportements, d’où l’expression
américaine de labelling theory ou théorie du label.
En quelque sorte certains individus sont poussés par la société à
la délinquance. Cette explication est radicalement opposée à
l’explication classique fournie par la criminologie sociologique pour
laquelle la déviance conduit au contrôle social, puisque ici c’est le
contrôle social qui mène à la déviance. Il en résulte une modification
considérable de l’objet de la criminologie parce que l’on passe de la
criminologie de l’acte à la criminologie de la réaction sociale. Cette
théorie, qui explique d’ailleurs mieux le phénomène de la récidive, a
eu un grand succès dans les années 1960. Elle ne présente pas moins
la faiblesse majeure de ne pas avoir vu que les définitions par la
société des comportements délinquants ne sont pas arbitraires.
La labelling theory confond bel et bien la délinquance et sa sanction
en parlant de criminologie de la réaction sociale (v. Gassin, De
quelques tendances récentes de la criminologie anglaise et nord-
américaine, Rev.sc.crim. 1977, 266 et 267).
28 — CRIMINOLOGIE POLITIQUE - Le dernier courant,
que l’on peut considérer comme un courant de contestation politico-
économique, est représenté par la criminologie
radicale ou criminologie critique, née aux États-unis et en Grande-
Bretagne vers 1970. Ses principaux représentants sont les Américains
Schwendinger, les Anglais Taylor, Walton et Young et le Français
Michel Foucault.
Ce mouvement a pour origine certaines luttes politiques qui se
sont déroulées aux U.S.A. et l’influence du marxisme sur plusieurs
intellectuels anglo-saxons. La criminologie radicale propose une
intervention essentiellement politico-économique du phénomène
criminel. L’action criminelle est l’acte politique par lequel le
délinquant exprime son refus de l’organisation sociale en place. Mais
les tenants de cette école ne se contentent pas de cette analyse et ils
proposent des solutions. En effet ils pensent régler le problème
criminel avec la transformation révolutionnaire de la société et
l’élimination des systèmes économiques et politiques d’exploitation,
dans une perspective marxiste. Le criminologue a donc une tâche
normative : celle-ci « consiste à démasquer le vernis moral et
idéologique qui dissimule une société inégale et à lutter pour le
changement social et l’établissement, parmi les alternatives post-
capitalistes, d’une société conforme à son idéal » (Gassin, article
précité, p. 264). Qualifiée par les uns de « criminologie militante »
(Gassin, article précité), par d’autres d’« anticriminologie » (Merle et
Vitu, Traité de droit criminel, T. 1, n° 284), la criminologie radicale
se heurte à de sérieuses objections, en particulier au caractère
politique de son orientation.

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