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outil

7 Gérer les interactions en classe

Acquérir des automatismes

Réguler les prises Alterner une fille


de parole spontanées et un garçon

Gestion de la
parole égalitaire

Diversifier le type
de sollicitation Suivre l’ordre
pour chaque sexe des rangées

Cocher une liste

En résumé
Les recherches en éducation ont montré que Ces aspects quantitatifs se doublent d’une
les enseignant·e·s n’interrogent pas de la même dimension qualitative. Certaines recherches
manière les filles et les garçons. Dans les années montrent que les filles sont davantage sollici-
1970, les sociologues de langue anglaise ont mis tées pour rappeler les savoirs appris antérieu-
en évidence la règle des deux tiers/un tiers  : rement, sans doute parce qu’on leur prête un
deux tiers du nombre des interactions, c’est-à- bon esprit de synthèse. On suppose qu’elles
dire du nombre de fois où un élève prend la ont écouté en classe et appris leur leçon. Les
parole et où cette prise de parole est prise en garçons en revanche sont davantage mobilisés
compte par l’enseignant·e, sont alors réservées lors des moments de construction collective
aux garçons  ; deux tiers du temps de parole du savoir, notamment au tableau (Mosconi et
également. Aujourd’hui, ces écarts entre les Loudet-Verdier, 1997). Il est donc nécessaire de
filles et les garçons se sont resserrés mais la mettre en place des critères afin de construire
gestion de la prise de parole dans la classe par en classe une gestion des interactions égali-
les enseignant·e·s n’est toujours pas égalitaire. taire.

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Dossier 2  Dans la classe, dans l’école et les établissements Outil
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Pourquoi l’utiliser ? ii Sur le plan qualitatif :
ii Diversifier les types de sollicitations adres-
Objectif sées aux filles et aux garçons : émission d’hy-
Interroger les élèves, quel que soit leur sexe, pothèse, explication, reformulation… Construire une
de manière égalitaire, sur le plan quantitatif et répartition
qualitatif. Méthodologie et conseils égalitaire de la
ii Il est possible de commencer par réaliser parole.
Contexte un bilan impressionniste des élèves interro-
Alors que les écarts entre le temps de parole attri- gé·e·s ou qui ont pris la parole au sortir d’une
bué aux filles et aux garçons restent importants séance.
dans le second degré, dans le premier degré, ils ii Certains moments sont plus propices à la
se sont resserés. Il semble que les enseignant·e·s mise en place de l’une ou l’autre de ces options
interrogent les élèves de manière égalitaire. (temps de lecture en classe, corrections d’exer-
Pourtant, un différentiel demeure  : 45  % des cices, moment de débats…). Il peut être inté-
interractions et du temps de parole sont pour ressant de commencer par ces temps avant
les filles  ; 55  % pour les garçons. En effet, ces d’étendre sa vigilance à d’autres séances.
derniers interviennent davantage spontanément
ii Bien que toutes les recherches ne soient pas
et les enseignant·e·s valident leurs interventions
convergentes, certaines montrent que les gar-
sans leur rappeler qu’ils doivent respecter les
çons sont davantage interrogés dans les disci-
règles mises en place dans la classe.
plines scientifiques, les filles l’étant un peu plus
Le temps de réflexion qui est laissé aux gar-
dans les disciplines littéraires. Il importe donc
çons entre le moment où une question leur est
de veiller à l’équilibre du temps de parole dans
posée et celui où ils apportent une réponse est
toutes les disciplines, quelles que soient les repré-
également plus important ; ce qui n’est pas sans
sentations sexuées dont elles sont l’objet. 
incidence sur la qualité de la réponse apportée.
Suite à leurs interventions, les garçons béné-
ficient en outre de relances plus complexes et
plus nombreuses. Les compliments qui leur
sont adressés portent enfin davantage sur
leurs performances ; ceux qui le sont aux filles
sur leur écriture, leur conformité aux codes Avantages
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scolaires ou leur apparence (Duru-Bellat, 1995). ■■  Permettreà tou·te·s les élèves de prendre part

Gérer les interactions en classe


aux échanges en classe et d’expérimenter une
répartition égalitaire de la parole.
Comment l’utiliser ?
Étapes Précautions à prendre
Plusieurs pistes de travail existent :
■■  Lorsque la parole est distribuée alternativement
ii Interroger alternativement une fille puis un
entre les sexes, il est nécessaire de prendre
garçon ;
garde à ne pas interroger toujours les mêmes
ii Suivre l’ordre des rangées ou l’ordre alpha-
filles et toujours les mêmes garçons et à ne pas
bétique en suivant la liste des élèves ;
oublier certain·e·s élèves.
ii Cocher sur une liste ou sur un plan de classe ■■  Être attentif à réguler les prises de parole spon-
le nom des élèves interrogé·e·s ; tanées des élèves et à ce que les garçons ne
ii Faire appel à un observateur ou une obser- coupent pas la parole aux filles.
vatrice extérieur·e ou s’enregistrer.

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7 Gérer les interactions en classe

Exemple 1 – A
 ssocier les élèves à la construction
de l’égalité dans les interactions en classe
(Élémentaire, Collège, Lycées)

Contexte L’avantage d’une telle situation est par ailleurs


Les tentatives de rééquilbrage du temps de de ne pas agir à l’insu des élèves. Certain·e·s
parole, du nombre d’interactions et du type de enseignant·e·s constatent qu’elle permet de
sollicitations adressées aux filles et aux gar- mieux faire accepter les mesures correctrices.
çons ne sont pas toujours vécues de manière La possibilité de constater le déséquilibre par
positive par les élèves, quel que soit leur sexe. soi-même peut enfin offrir la possibilité de
Les unes et les autres sont en effet habitué·e·s vaincre plus facilement l’incrédulité que sus-
à ces inégalités depuis le début de leur sco- cite parfois le simple exposé de la part de
larité et parfois même avant, sans qu’elles ou l’enseignant·e des résultats de recherches en
ils en aient conscience. Les garçons peuvent éducation concernant la prise de parole dans
ainsi se sentir délaissés et commencer à s’agi- la classe.
ter. Certains peuvent également interpeller
directement les enseignant·e·s et les accuser Objectif
de favoritisme en faveur des filles. Interroger Construire avec les élèves la légitimité des
régulièrement les garçons fait en effet partie stratégies visant à construire une répartition
des stratégies mises en œuvre spontanément égalitaire de la parole.
par l’adulte pour conserver leur attention.
En raison de leur socialisation, certains gar- Étapes
çons ont en effet tendance à se montrer plus Proposer aux élèves la situation suivante :
bruyants et actifs. ii Enregistrer un temps de cours dialogué ou
Le déficit d’attention dont elles font habituel- de débat organisé en classe.
lement l’objet a par ailleurs conduit certaines ii Sectionner l’enregistrement et confier
filles à développer des formes d’autonomie chaque partie à un groupe d’élèves.
sous couvert d’attention aux propos de l’ensei-
ii Demander aux élèves de réaliser des comp-
gnant·e·s. Elles ne voient pas forcément avec
tages  : nombre de prises de parole de la part
plaisir cette autonomie remise en cause par
des filles ou des garçons ; mesure du temps de
des sollicitations plus nombreuses.
parole selon le sexe à l’aide d’un chronomètre ;
En conséquence, il peut être intéressant d’asso-
à l’aide d’une liste des élèves de la classe, rele-
cier les élèves au souci d’égalité dans la classe.
ver celles et ceux qui prennent la parole afin
Une situation qui leur permet de découvrir par
elles-mêmes et eux-mêmes certaines des iné- de constater si certain·e·s élèves ne s’expri-
galités quotidiennes dans lesquelles elles et ils ment jamais  ; relever les types de questions
sont engagé·e·s peut ainsi servir de point de ou de sollicitations dont sont l’objet les filles
départ. Cette situation permet de montrer aux et les garçons : demande d’explication, d’émis-
élèves que l’enseignant·e n’est pas le seul ou sion d’hypothèse, de confirmation…
la seule responsable du climat de classe mais ii Mettre en commun des résultats.
que ce climat doit constituer une préoccupa- ii Recherche collective de solutions avec l’en-
tion partagée. seignant·e.

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Conseils implicite : la construction collective et publique


ii Les élèves peuvent être associés à l’établis- d’un savoir à partir des interventions des un·e·s
sement de la liste des critères qui vont être et des autres et des relances de l’enseignant·e.
pris en compte. Ces critères peuvent varier en Les enseignant·e·s ont bien souvent tendance
fonction de leur âge. à considérer que leur cours est réussi lorsque
ii Les solutions mises en œuvre doivent per- les élèves ont bien participé. Pourtant, filles
mettre aux élèves d’être partie prenante et garçons peuvent investir différemment
dans la vigilance quotidienne nécessaire à la cette prise de parole. Les recherches d’Isabelle
construction de l’égalité afin que celle-ci ne Collet (2015) montrent que les filles ont ten-
repose pas uniquement sur l’enseignant·e. dance à lever le doigt uniquement lorsqu’elles
Lorsqu’un déséquilibre apparaît en classe, elles sont certaines d’avoir la bonne réponse et
et ils doivent pouvoir le faire remarquer. donc à ne pas s’engager dans l’exercice d’es-
ii Même si les filles semblent jouer davantage le sais, d’erreurs, de rectifications et d’ajuste-
jeu scolaire que les garçons, les recherches de ment que le cours dialogué nécessite. D’une
Séverine Depoilly (2014) en lycée profession- manière générale, elles peinent également à
nel mettent en évidence que certaines d’entre accéder à la parole publique mais savent que
elles mettent en place des activités buisson- les enseignant·e·s pourront vérifier autrement
nières en classe à l’insu des enseignant·e·s. leurs apprentissages. Toutefois, en raison de
Elles adoptent à leur attention les signes exté- ce moindre accès, elles n’auront pas toujours
rieurs de l’étude mais peuvent se consacrer à fait les apprentissages nécessaires pour faire
des activités sans lien avec le cours comme valoir leur travail et leurs compétences et se
des discussions avec leurs camarades. À l’in- sentir légitime à le faire ; ce qui ne sera peut-
verse, certains garçons qui paraissent agités être pas sans conséquence plus tard dans un
et adoptent des prises de parole intempes- contexte professionnel. En revanche, certains
tives, peuvent être fortement investis dans la garçons investissent cette modalité d’ensei-
tâche demandée par l’enseignant·e. Ils peuvent gnement d’une dimension compétitive  : pour
­tester les limites de l’enseignant·e, mais aussi eux, l’important est de prendre la parole le
avoir une mauvaise appréciation de ce qui plus vite possible et de montrer ainsi son
est attendu d’eux dans le champ scolaire en investissement dans la situation scolaire ; peu
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termes de «  manières d’être et de faire  » et importe la qualité de la réponse fournie. Il est

Gérer les interactions en classe


il peut être intéressant de travailler ces codes donc nécessaire d’expliciter régulièrement en
scolaires avec eux. classe les objectifs et les modalités de fonc-
ii En classe, le « cours dialogué » souvent mis tionnement des situations proposées pour évi-
en place par les enseignant·e·s repose sur un ter ces malentendus.

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7 Gérer les interactions en classe

Exemple 2 – L
 ’humour en classe, vecteur
de domination masculine ?
(Élémentaire, Collège, Lycées)

Contexte inégalités entre les sexes. Il est ainsi néces-


Si l’humour peut apparaître comme un allié saire pour les enseignant·e·s d’apprendre à
précieux en classe pour créer de la complicité se méfier de leurs propres automatismes et
avec les élèves ou détendre l’atmosphère après perceptions, qui renforcent sans qu’elles et ils
un temps de concentration exigeant, ses mani- s’en aperçoivent les normes et stéréotypes de
festations ne sont pas neutres. Les recherches sexe. Ainsi, la propension des garçons à uti-
d’Isabelle Collet ont ainsi mis en évidence liser l’humour en classe n’est peut-être pas
que les enseignant·e·s en usaient principale- sans lien avec le sentiment que disent éprou-
ment avec les « bons élèves ». L’humour peut ver les enseignant·e·s d’avoir plus de plaisir
également, lorsqu’il est exercé par les élèves, à leur enseigner. Et ce, quand bien même
servir certaines formes de domination mascu- elles et ils reconnaissent que les garçons leur
line, avec la complicité involontaire des ensei- posent davantage de problèmes de gestion
gnant·e·s. De fait, l’humour est avant tout le de classe. L’humour participe à la perception
fait des garçons qui construisent par son inter- des garçons comme des individus singuliers et
médiaire leur domination sonore sur la classe, stimulants alors que les filles, parce qu’elles
notamment au travers d’intervention sponta- paraissent généralement montrer une plus
nées. Il tend par ailleurs souvent à s’exercer grande intégration des codes scolaires, sont
à l’encontre des filles ou de certaines d’entre avant tout envisagées comme les membres
elles, ou encore de certains garçons ne cor- d’un collectif, sans individualité propre et
respondant pas aux normes de la masculinité donc plus ternes. Le nombre plus important
dominante. Les enseignant·e·s ne savent pas d’oubli de prénom dont elles font l’objet de la
toujours gérer l’humour, recourant parfois eux- part des enseignant·e·s en atteste.
mêmes ou elles-mêmes à certains stéréotypes
Objectif
genrés pour endiguer certaines manifestations
(qualifier les garçons concernés de «  pipe- ii Réaliser un état des lieux des manifestations
lettes » colportant des « ragots », comme s’ils d’humour en classe.
étaient dans un « salon de thé »…), préférant ii Déterminer dans quelle mesure elles servent
parfois faire semblant de ne pas entendre, la reproduction de rapport de pouvoirs.
jusqu’à ce qu’elles ou ils considèrent qu’un
seuil a été atteint. Étapes
Il ne s’agit bien évidemment pas de proscrire Isabelle Collet propose de distinguer trois
toute manifestation d’humour dans la classe. formes d’humour exercées par les élèves  :
L’humour peut être un outil pédagogique judi- « l’humour de résistance, qui permet d’exister
cieux, dans les mains de l’adulte comme des dans la classe, en marge du cadre posé par l’en-
élèves. Toutefois, il importe d’être vigilant·e·s seignant·e  ; l’humour spécifiquement hostile
quant à ses manifestations, l’ambiance qu’il envers un groupe construit comme différent
instaure dans la classe, et les possibilités et, en particulier, l’humour hétéro/sexiste et
de reconduction par son intermédiaire des l’humour de convivialité » (p. 131). Ces formes

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d’humour ne sont pas exclusives l’une de l’autre ne pas pouvoir être accusé de discrimination.
et peuvent se combiner. Celles et ceux qui manifestent leur désappro-
Afin d’établir un état des lieux de la situation bation sont accusé·e·s de ne pas avoir d’hu-
de sa classe, il est possible de suivre les étapes mour, de ne pas savoir rigoler, et de «  voir le
suivantes : mal partout  ». Celui ou celle qui profère ces
ii Durant une période déterminée (par plaisanteries peut de son côté prétendre le
exemple, une ou deux semaines), comptage et faire avec distance et ne pas souscrire pleine-
relevé par l’enseignant·e des différentes mani- ment aux idées qu’elles véhiculent. Une telle
festations d’humour (au sens large) en classe situation amène bien souvent les personnes
qu’elle ou il peut observer. À chaque fois, il visées par ces plaisanteries à rire elles-mêmes
peut être intéressant d’identifier les procédés pour éviter les situations de conflit ou ne pas
utilisés par l’auteur ou l’autrice et les effets amplifier le rejet dont elles sont l’objet. Ce rire
dans la classe. ne doit pas constituer pour l’enseignant·e le
ii Ces différentes manifestations sont classées gage du caractère anodin de ces plaisanteries.
dans la typologie établie par Isabelle Collet. ii Lors de la discussion collective qui s’engage
Pour chacune d’elle est précisé le sexe de ou avec les élèves, il est nécessaire de veiller à
des auteurs ou autrices, ainsi que le sexe, le ne pas opposer deux groupes de sexes  : les
statut, ou les caractéristiques des personnes garçons qui auraient de l’humour et les filles
éventuellement visées. qui n’en auraient pas. Bien qu’elles semblent
ii Cet état des lieux à destination de l’ensei- peu faire d’humour en classe, tout au moins
gnant·e peut servir dans un second temps de publiquement, les filles peuvent tout à fait y
base de discussion avec la classe. Il peut être recourir dans leur cercle amical ou familial. Il
proposé aux élèves de le compléter sur une importe aussi de ne pas valider les stratégies
période donnée. des filles qui vont soutenir les blagues des gar-
ii La discussion peut alors porter sur les mani- çons pour ostraciser d’autres filles.
festations d’humour acceptables et celles qui ii Certain·e·s élèves en difficulté scolaire, sou-
le sont moins, les possibilités d’y recourir dans vent des garçons, tendent à recourir à l’hu-
le contexte de la classe sans nuire aux possibi- mour pour se construire une image positive
lités d’expression de chacun·e. dans la classe et renforcer leur propre estime.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’enseignant·e doit prendre garde à ne pas

Gérer les interactions en classe


Conseils renforcer le hiatus entre humour et réussite
ii Que ce soit dans le cadre de plaisanteries scolaire, sans pour autant plaisanter avec les
antisémites, homophobes, racistes ou sexistes, seul·e·s élèves en position scolaire haute.
l’humour est en général utilisé de manière à

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