Vous êtes sur la page 1sur 7

INTRODUCTION

Combien il est louable à un prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non dans la
fourberie, chacun le conçoit clairement. Cependant, l'histoire de notre temps enseigne que seuls ont
accompli de grandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la
cervelle des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et des loyaux. Sachez donc qu'il existe
deux manières de combattre : l'une par les lois et l'autre par la force ». A notre avis, c'est en ces termes
que se résume tout l'enseignement de Machiavel, que nous avons nommé le credo machiavélien.
Machiavel, ce nom propre universellement connu, évoque une époque, la Renaissance ; une nation, l'Italie,
une ville, Florence et enfin, l'homme lui-même, le bon fonctionnaire florentin qui, en toute ignorance, et
toute ignorance de l'étrange avenir, portait ce nom, voué à la réputation la plus éclatante et la plus
équivoque.
Bien que convaincu des ses croyances religieuses, Machiavel est forcé à mettre momentanément de côté la
morale chrétienne. « La faim chasse le loup hors du bois », dit-on. Autrement dit, la nécessité contraint les
hommes à faire les choses qui ne sont pas de leur goût. C'est, semble-t-il, ce qui obligea ce grand stratège à
trouver son chemin de Damas. Avant d'aborder pleinement ce chapitre, il ne serait guère charitable
d'abandonner notre lecteur sans lui fournir un petit aide memoire sur certains concepts du temps de
Machiavel.
Deux grands principes sont cardinaux chez Machiavel : l’État comme puissance et l’autonomie du politique.
I. La doctrine politique de Nicolas machiavel
A. Définition de la doctrine
La doctrine politique de Machiavel est fondée sur l'idée que, pour réussir, l'exercice du
pouvoir politique doit être indépendant de la morale et de toute obligation de sincérité, par extension,
pour des affaires privées, la conduite d'une personne sans loyauté, sans scrupule, faisant preuve de ruse,
de fourberie, de perfidie.

B. Les circonstances historiques

Nous sommes à la fin du 15è siècle, début 16é siècle. L'Italie n'est alors qu'un conglomérat d'États qui se
font continuellement la guerre et sur lesquels pèse l'appétit des grandes puissances : la France, l'Espagne
et le Saint Empire germanique. Elle (l'Italie) est une belle proie pour elles. Sur place, les personnages les
plus puissants sont les légendaires condottieres dont les plus brillants ont pris le pouvoir dans de
nombreux États : Bentivoglio à Bologne, Este à Ferrare, Gonzague à Mantoue, les Visconti et les Sforza à
Milan. La guerre qui était pour eux un gagne-pain devient pour eux un moyen d'agrandir leurs États et
leurs fortunes. Seules les villes de Rome (appartenant au pape), Naples (qui était entre les mains de
l'Espagne) et les cités de Venise et Florence (les deux seuls États républicains) échappèrent à ces familles.
Mais Florence n'était pas complètement épargnée car le système républicain qui s'y trouva a été vicié par
les Médicis.

Entre temps, le jeune Machiavel, qui a hérité de son père la littérature et de sa mère la poésie, refuse,
après ses études secondaires du deuxième cycle, d'aller à l'université et commence à remplir quelques
petits travaux mal payés : traduction, copies, etc, jusqu'à ce que la chance lui sourît.

C'est alors la grande époque du moine Jérôme Savonarole (1452-1498), qui dénonce les mœurs du temps
dans ses prêches et accable les Médicis. On a souvent essayé de l'assassiner mais  « il désarme les sbires
par son regard : ses grands yeux noirs sous ses sourcils roux et broussailleux paralysent les assassins
comme ils fascinent les fidèles ! »17(*). Il a même si bien bouleversé le roi de France, Charles VII, que ce
dernier a épargné Florence qui, sans cela, aurait été réduite à feu et à sang. Florence a plus peur de
Savonarole que de Charles VII,  « les poètes déchirent leurs vers licencieux, les érudits ferment leurs livres,
les peintres crèvent leurs toiles, les seigneurs commencent à mener une vie chaste »18(*). Or, l'homme
comblé ne dure pas (cf. Psaume 49, 13). Voilà qu'à la manière du sanhédrin juif, les florentins complotent
contre le pauvre pieux moine et cherchent voies et moyens pour le faire périr. Le gouvernement
théocratique du moine va s'effondrer effectivement bientôt, au moment précis où Machiavel entre comme
fonctionnaire au palais et devient secrétaire des Dix.

Pour avoir prêché l'austérité des mœurs, osé invectiver la puissante famille des Médicis et voulu bannir de
la ville toute activité allant contre les préceptes de l'Évangile, le moine dominicain, sous les hurlements de
la foule, lève les yeux au ciel, abandonnant sans regret son corps torturé et brûlé. De la fenêtre du palais,
un homme de vingt-neuf ans, qui vient d'entrer pour la première fois dans son bureau de fonctionnaire,
regarde mourir celui que le pape appelle la « monstrueuse idole ». Ainsi, devant ce vieillard agonisant, et
face au ciel énigmatique, le plus grand théoricien de la politique, Niccoló Machivelli, commence sa
singulière carrière. Savonarole, mort, a perdu son pari ; Machiavel s'apprête à gagner le sien devant la
prospérité.  « Qu'un homme aussi influent vint à une si misérable fin, apprit à Machiavel une leçon précoce
au sujet du pouvoir relatif des forces du bien et du mal dans la société ».

Devant une telle situation, il faut à tout prix un libérateur, un messie qui puisse enfin incarner l'Italie et
mettre fin à ses déchirements. Ce sera alors la préoccupation de Machiavel ; toute sa vie durant il sera à la
recherche d'un véritable chef, un guide digne de ce nom. « C'est pour cela qu'il a tant travaillé, réfléchi, lu,
médité, écrit ; c'est pour cela qu'il entre dans l'administration afin de perfectionner son expérience
politique ; c'est pour cela, enfin, qu'il a écrit ses livres ». Les fins aussi tragiques que sottes de César Borgia,
du pape Jules II, du pape Clément VII et de Laurent le Magnifique sur qui Machiavel comptait énormément
pour la libération de l'Italie, ne furent qu'augmenter en lui le désir d'un monarque. En février 1513, déjà
privé de toutes ses fonctions, il est emprisonné et torturé, car soupçonné d'un complot. Libéré le 13 mars,
il se réfugie à la campagne. C'est dans ce contexte qu'il se met à écrire le premier ouvrage de la politique
des temps modernes, son chef-d’œuvre qui fît à la fois sa gloire immortelle et son aversion perpétuelle : Le
Prince, une œuvre qu'on ne saurait lire sans prêter attention à l'avertissement de Marie Gaille-Nikodimov :
« Lecteur, tu tiens entre tes mains un texte mille fois lu, sans cesse traduit et infiniment commenté. Solaire
et clairvoyant pour les uns, diabolique et courtisan pour d'autres, il a traversé les siècles avec fracas, allant
conquérir des lecteurs qui s'en considèrent les disciples, croient y voir énoncées des recettes et veulent les
appliquer, qui au politique, qui au militaire, qui à la séduction amoureuse, qui à l'économie du marché ».

Tel a été grosso modo le sitz im leben qui a révolté l'homme que Spinoza appelle « sagace », l'obligeant à
remettre partiellement en cause la morale chrétienne, foulant ainsi au pied le type d'État proposé par
Thomas d'Aquin tout en transformant les pensées politiques d'Érasme et de Martin Luther en une base
radicalement séculière.

II. Machiavel et l’exercice du pouvoir : le prince


A. Les astuces pour conserver le pouvoir
Dans Le Prince, Machiavel exclut du domaine politique toute perspective de ce type : l’objectif du Prince
étant de conserver son pouvoir, il doit se délier des obligations morales et « entrer en mal » si les
circonstances l’exigent. Il n’hésite pas ainsi à trahir ses promesses si un tel parjure lui permet de maintenir
son autorité et de préserver l’unité et la sécurité collectives. Les entorses à la morale commune seront
légitimées a posteriori par la considération de leurs effets positifs. Car le peuple lui-même est
conséquentialiste : il juge « selon les yeux » et apprécie les faits et gestes du Prince en fonction de « l’issue
des choses ». Si l’homme au pouvoir a recours au vice et à la violence et qu’il réussit son entreprise, de tels
moyens « seront toujours jugés honorables et loués de tous ».
Il considère que l’usage de vertus morales ne conduirait le prince qu’à sa ruine ; la morale est hors du
champ de la politique.
Machiavel considère ainsi que le prince (celui qui détient l’autorité politique) doit user de tous les moyens
nécessaires à la réalisation de ses objectifs : selon une phrase qui lui est injustement attribuée, « la fin
justifie les moyens ». Le prince doit conserver le pouvoir autant qu’il peut ; il peut ainsi user de la force, de
la ruse, de la violence ou dissimuler pour y parvenir, le but étant d’être efficace afin de parvenir le plus
rapidement possible à ses fins. Le mal est donc un instrument nécessaire en politique.
Machiavel considère cette méthode juste dans la mesure où tout homme bénéficiant du pouvoir agirait de
la même manière que le prince, les hommes étant méchants par nature. La morale n’est donc pas
applicable au principe, qui se place au-dessus d’elle et des hommes.
Le prince peut également utiliser la religion pour asseoir son pouvoir et contraindre le peuple. Machiavel
ne voit pourtant pas dans la religion le fondement du pouvoir (qui vient de la force) ; il n’est qu’un moyen
pour le prince de paraitre juste et légitime. Afin de ne pas être haï, le prince doit en effet satisfaire à
certaines nécessités, et notamment celle de se conformer à la religion.
L’Etat use de la force, mais dans le but de mettre en place des lois pour le bien du peuple. Machiavel
recherche à créer un pouvoir fort destiné à assurer la paix. Il tente de déterminer la manière dont le prince
peut prendre le pouvoir puis le conserver. La politique n’est donc qu’une stratégie, tout étant fondée sur
un rapport de force, entre le pouvoir, les rivalités et les conquêtes. Comme une guerre, le jeu politique doit
se mettre en place avec une certaine habileté.
Le prince cherche à modifier l’ancien modèle de pouvoir afin de stabiliser le sien, et, avec le temps, devenir
légitime. C’est une modification totale du système qui doit s’opérer : les habitants devront rebâtir les villes
détruites et s’adapter.
Le fonctionnement d’un Etat dépend de :

 La nécessité : la nature des hommes et du monde qui conduit à un déroulement particulier des
choses
 La fortune : caractère imprévisible des évènements
 La virtu : la force engagée contre les évènements
La maitrise rationnelle de la réalité sociale et des passions humaines permet de lutter conter l’instabilité
des évènements (la fortune). Le prince vient donc bouleverser la réalité sociologique ; Machiavel élabore
ainsi un lien entre les éléments sociologiques et la conduite politique d’un pays.

B. La déontologie politique du prince


L'originalité de la pensée de Machiavel est de ne pas conseiller pour autant au prince de mépriser toute
forme de moralité. « Il ne dit pas : sois un usurpateur, ou : empare-toi du gouvernement par des
canailleries (...). En revanche voilà ce qu'il dit bel et bien : si jamais tu es un usurpateur, ou si jamais tu es
parvenu au gouvernement par des canailleries, il est à tout prendre encore préférable que nous te
conservions, maintenant que nous t'avons au pouvoir, plutôt que de voir un nouvel usurpateur ou une
nouvelle canaille te succéder et susciter de nouveaux troubles et de nouvelles canailleries (...) ». Machiavel
n'hésite pas à inviter le prince à « fuir ces choses qui le rendent haïssable et méprisable (...) ». Il s'agit des
actions comme « être rapace, et d'attenter, soit au bien de ses sujets, soit à l'honneur de leurs femmes »,
la dernière action étant, par-dessus tout, ce qui rend le prince haïssable.
Aussi, pour s'assurer le soutien et l'appui de la population, le prince devra respecter publiquement, au
moins en apparence, les règles de morale admises par son peuple, peu importe qu'en privé, il méprise ces
règles. Il devra souvent aller contre la morale dans ses actions politiques secrètes, par exemple ne pas
hésiter à trahir sa propre parole si c'est un moyen de conserver le pouvoir, mais publiquement il devra
toujours être capable de « donner le change » afin que son peuple ne se retourne pas contre lui.
Machiavel, disons-nous, visait le meilleur gouvernement pour les hommes. Si l'adjectif « meilleur » nous
renvoie à l'éthique, l'on pourrait d'emblée affirmer que la politique de Machiavel est éthique. Or, l'éthique
se distingue bien de la morale, car d'après Nicole Huybens, bien que l'éthique, la morale et la déontologie,
comme les lois, définissent ce qui est bien, permis ou juste ou mal, défendu ou injuste, «  L'éthique dans
l'action s'inspire de ces règles générales, mais accepte les contradictions entre les valeurs morales et oblige
à faire des choix. Les éthiciens appellent cela : `prendre la meilleure décision dans les circonstances' et pas
`prendre la bonne décision' ». Dans la même optique, Marcel Brion de l'Académie française ajoute : « Son
éthique (celle de Machiavel) est rigoureuse, sévère, et ses lois, pour n'être pas conformes à celles de la
morale coutumière, gardent quelque chose d'austère et de grave, qui impose le respect, sinon toujours
l'acquiescement ». Cela nous rappelle le titre de l'ouvrage de Gérard Sfez : Machiavel. La Politique du
moindre mal (1999). Si le moindre mal ici est compris comme une alternative face au pire, alors le Prince
proposé par Machiavel serait machiavélien et non machiavélique.
C. Le prince face aux peuple et aux grands
Machiavel ne recherche pas la vérité de l'être, mais la détermination des conditions de l'action du prince.
Cela passe par un discours sur les choses telles qu'elles sont, comme le souligne le chapitre 15 centré sur
l'expression de vérité effective qui se trouve déjà être synthétisée dans la Dédicace : « Cette œuvre, je ne
l'ai ni ornée ni farcie des clauses amples, des mots ampoulés et magnifiques ou de quelque autre artifice et
ornement extrinsèque avec lesquels beaucoup ont coutume de décrire et orner leurs propres choses,
parce que j'ai voulu ou que rien ne l'honore, ou que seule la variété de la matière et la gravité du sujet la
rendent agréable ». S'il cherche à conseiller le prince, il n'est pas prisonnier de son point de vue. Afin de
mieux servir le besoin de celui-ci de conquérir et de se maintenir à la tête d'une cité ou d'une nation, il se
montre apte à envisager et à décrire les points de vue de tous ceux que le prince rencontre sur son
chemin : il ne pourra en effet parvenir à ses fins que s'il comprend ces derniers et les amène à le favoriser
ou du moins, à ne pas lui nuire. Aussi comprend-on que dès la Dédicace, Machiavel évoque à travers une
comparaison entre son travail et celui du peintre, les lieux d'où observer et connaître au mieux la nature
des princes et celle du peuple : « De même pour bien connaître la nature des peuples, il faut être prince et
pour connaître bien celle des princes, il faut être du peuple ».
Machiavel insiste sur la nécessité de s'attirer l'amitié du peuple : la conserver si c'est le peuple qui a porté
le prince au pouvoir, l'acquérir si ce sont les grands. Mais le prince ne peut négliger les grands, pour des
raisons différentes : à leur égard, ce qui prévaut n'est évidemment pas leur nombre, mais le fait qu'ils
voient plus loin et sont plus rusés que le peuple. En toute cité, Machiavel dit, au chapitre 9, qu'il y a deux
désirs : pour les grands, il s'agit de commander, de dominer, d'opprimer et pour le peuple, de n'être pas
commandé, dominé ou opprimé, voire de détenir une part du pouvoir. Cet antagonisme, dit Maurice
Duverger, se manifeste dans toutes les sociétés humaines. Ces désirs sont cependant variables selon
l'histoire de la cité. Dans le cas d'une cité dont les membres sont accoutumés, « le peuple désire la liberté
et revendique une part du pouvoir de délibération et de décision ». Tandis que dans le cas d'une cité régie
depuis toujours par un monarque, « le désir de liberté est inexistant et le peuple désire pour lui-même,
alors que le désir d'opprimer des grands est extrêmement puissant ».
Entre le recours aux armes, l'exil, l'assassinat et la création d'une loi qui permette aux grands et au peuple
d'assouvir leurs appétits ou d'une institution qui règle les conflits spécifiques entre les grands et le peuple -
comme le parlement dans le royaume de France (chapitre 19) - le prince doit donner aux grands les
sentiments qu'ils détiennent un pouvoir de commander correspondant à leurs prétentions et à la
conception qu'ils se font de leur rang, tout en faisant en sorte que le peuple ne se sente pas opprimé par
eux.
D. CITATIONS

"Les hommes oublient plus facilement la mort de leur père que la perte de leur patrimoine."
Nicolas Machiavel - 1469-1529 - Le prince, 1513

"Combien il est louable à un prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non dans les
fourberies, chacun le conçoit clairement. Cependant, l'histoire de notre temps enseigne que seuls ont
accompli de grandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la
cervelle des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et des loyaux. Sachez donc qu'il existe
deux manières de combattre : l'une par les lois, l'autre par la force. L'une est propre aux hommes, l'autre
appartient aux bêtes ; mais comme très souvent la première ne suffit point, il faut recourir à la seconde.
C'est pourquoi il importe qu'un prince sache user adroitement de l'homme et de la bête."
Nicolas Machiavel - 1469-1529 - Le prince, 1513

"Les princes doivent mettre sur le dos des autres les besognes désagréables, et se réserver à eux-mêmes
les agréables. Et j'en conclus de nouveau qu'il doit certes faire cas des puissants, mais gagner la sympathie
des faibles."
Nicolas Machiavel - 1469-1529 - Le prince, 1513

"Les Anciens ont dit que les hommes s'affligeaient du mal et se lassaient du bien, et que ces deux
contraires amenaient les mêmes résultats. En effet, toutes les fois que les hommes sont privés de
combattre par nécessité, ils combattent par ambition. Cette passion est si puissante qu'elle ne les
abandonne jamais, à quelque rang qu'ils soient élevés. La raison, la voici : la nature a créé l'homme tel qu'il
peut désirer tout sans pouvoir tout obtenir ; ainsi le désir étant toujours supérieur à la faculté d'acquérir, il
obtient le mécontentement de celui qu'il dépossède pour n'avoir lui-même que petit contentement de sa
conquête. De là naît la diversité de la Fortune humaine. Partagés entre la cupidité de conquérir davantage
et la peur de perdre leur conquête, les citoyens passent des inimitiés aux guerres, et des guerres il s'ensuit
la ruine de leur pays et le triomphe d'un autre."
Nicolas Machiavel - 1469-1529 - Discours sur la première Décade de Tite-Live
CONCLUSION
La philosophie politique de Machiavel est le fruit de son expérience et de ses lectures. Comme l'indique
sans ambiguïté le chapitre final de Le Prince, l'Italie a besoin d'un prince qui sache la soigner de ses
blessures et de bâtir aux fondations sûres, autrement dit d'un prince à la fois médecin et architecte. A trop
définir le prince dépeint par Machiavel - parce qu'il n'est pas un lieutenant de Dieu sur terre - on oublie
qu'il faut aussi l'envisager positivement à partir de sa vertu, mais aussi à travers le réseau dense de
métaphores et de comparaisons qui l'apparente à un médecin qui prévient la maladie ou la guérit, mais
aussi à un architecte et bâtisseur. Le fondateur d'un État, qu'il le crée ou qu'il en prenne le commandement
à un moment où celui-ci est en ruine, est par excellence l'objet des louanges machiavéliennes. Pourtant,
comme Maurice Joly le fait dire à Machiavel dans Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu,
les hommes, ayant mal compris Machiavel, ont qualifié sa pensée d'immorale en lui adjoignant l'adjectif
« machiavélique ».

Vous aimerez peut-être aussi