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Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

Le régime prudentiel des placements des compagnies


d’assurances marocaines

ABDELMOUMEN BERJAOUI
Enseignant chercheur à la Faculté de Droit de Kenitra
abdelmoumen.berjaoui@gmail.com

Résumé 
Pour honorer les engagements pris envers les assurés, les compagnies d’assurances placent
les fonds collectés. Ils constituent de ce fait la garantie de leurs engagements envers les assurés.
Vu l’importance des montants mobilisés, l’Etat intervient par des mesures restrictives permettant
de garantir la rentabilité et la liquidité des placements. Les modalités comptables de ces derniers
sont loin d’être similaires à celles prévues par le Code général de la normalisation comptable
(CGNC). Le code des assurances (2005) a prévu une liste exhaustive, une règle de couverture,
des ratios et des provisions particulières.8

Mots clés : placements, code des assurances, règles de répartition et de dispersion,


provisions sur placements.

The prudential investment system of moroccan


insurance companies

Abstract
To honor their commitments to policyholders, insurance companies invest the funds
collected. They are thus guaranteeing their obligations to policyholders. Given the importance
of the amounts raised, the state intervenes by restrictive measures to ensure the profitability and
liquidity of these investments. Accounting procedures of these are far from being similar to those
provided by General Code Accounting Standards (CNAC). The Insurance Code (2005) provides
an exhaustive list, a coverage rule, ratios and specific provisions.

Keywords: investments, insurance code, allocation and dispersion rules, provisions on


investments.

Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°9-10, Janvier-Décembre 2014 439


ABDELMOUMEN BERJAOUI

INTRODUCTION
Les entreprises d’assurances profitent du décalage existant entre l’encaissement des primes et
le règlement des sinistres pour placer les fonds disponibles. Elles assurent la transformation des
ressources liquides en un investissement à moyen et long terme. Elles appartiennent de ce fait à la
famille des intermédiaires financiers.
8Les placements des sociétés d’assurances constituent la garantie de leurs engagements envers
les assurés. D’après l’article 238 du code des assurances : « Ils doivent à tout moment couvrir les
provisions techniques ».
Les modalités comptables des placements des compagnies d’assurances sont pourtant loin
d’être similaires à celles prévues par le Code général de la normalisation comptable (CGNC).
Afin de protéger les intérêts des assurés et vu l’importance des sommes en jeux, l’autorité de
contrôle impose aux assureurs une liste exhaustive, des règles de répartition et de dispersion et
de provisionnement des placements.
La réglementation des placements se veut prudentielle pour éviter les cas de ruine. En fait,
une faillite d’une compagnie d’assurances a un effet externe très sensible. A la différence d’une
entreprise industrielle, ce ne sont pas deux mais trois catégories de partenaires qui se trouvent
touchés. Aux actionnaires et au personnel s’ajoutent les assurés dont le nombre peut atteindre dans
le cas d’une entreprise de bonne taille 2 ou 3 millions de personnes (Vilain, 1990).
Les entreprises d’assurances placent une forte partie de leur actif en valeurs à revenus fixes
(obligations) pour couvrir avec un minimum de risque leurs engagements. Et pour se prémunir
contre l’inflation et améliorer la rentabilité de l’ensemble de leur portefeuille, elles sont incitées
à investir en actions et en immeubles (Vilain, 1990). Les entreprises d’assurances opérant dans
la branche « vie » ont des taux minimums obligatoire à garantir aux assurés. La prudence leur
commande un investissement massif en obligations à taux fixes, notamment les obligations d’Etat
ou garanties par celle-ci. L’objectif recherché par le législateur est de permettre aux compagnies
de confectionner une gestion financière permettant aux contrats d’absorber les chocs des marchés
financiers et techniques tels les sinistres en masse.
En matière de placements des compagnies d’assurances on distingue entre deux types d’actifs
financiers. Il y a d’abord la rubrique 24/25 Immobilisations financières, évaluées selon les dispositions
du droit commun appelées également « titres libres », et la rubrique 26 Placements affectés aux
opérations d’assurances dits « placements réglementés » ou « affectés à la représentation des
engagements techniques » ou « admis en couverture des provisions techniques », dont l’évaluation
fait l’objet de plusieurs textes prudentiels. Cette dernière rubrique constitue le deuxième élément
du bilan d’une compagnie d’assurance qui suscite plus d’attention après les provisions techniques.
8Cet article est divisé en deux sections. La première section aborde la structure des placements
réglementés prévue par le plan comptable des assurances (PCA 2005) ainsi que les différentes
règles prudentielles. La deuxième section traite les modalités d’évaluation et de provisionnement.

1. Structure des placements et règles prudentielles


8Les placements affectés aux opérations d’assurances sont définis par le plan comptable des
assurances (PCA) (1.1). Ils font l’objet de règles prudentielles particulières (1.2).

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Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

1.1. Les placements selon le plan comptable des assurances


8Le PCA (2005) prévoit la structure suivante de la rubrique 26 Placements affectés aux
opérations d’assurances:
261 Placements immobiliers (1.1.1)
262 Obligations, bons et TCN (1.1.2)
263 Actions et parts sociales (1.1.3)
264 Effets et prêts assimilés (1.1.4)
265 Dépôts et comptes indisponibles (1.1.5)
267 Dépôts auprès des cédantes (1.1.6)
1.1.1. Les placements immobiliers
8Les placements immobiliers sont répartis par le PCA (2005) selon la logique suivante:
2611 Terrains
2612 Constructions
2613 Parts et actions des sociétés immobilières
2618 Autres placements immobiliers
2619 Placements immobiliers en cours
8Les placements immobiliers sont inscrits en comptabilité:
- à leur coût d’acquisition pour ceux acquis à titre onéreux. Ainsi, les immeubles (terrains et
constructions) sont inscrits en comptabilité pour leur coût réel d’achat ou de production. Les frais
engagés à l’occasion de l’acquisition des biens immobiliers tels que les droits de mutation, les
honoraires ou commissions et les frais d’actes, ne sont pas compris dans ce coût mais sont portés
au compte 2122 Frais d’acquisition des placements. Si par contre ils sont produits par l’entreprise
pour elle-même, c’est avec leur coût de production qu’ils seront inscrits en comptabilité;
- à leur valeur actuelle pour les biens acquis par voie d’échange, cette valeur étant déterminée
par la valeur de celui des deux lots dont l’estimation est la plus sûre;
- à la valeur d’apport stipulée dans l’acte d’apport pour les valeurs apportées en société;
- à leur coût calculé pour les biens acquis conjointement.
8La valeur d’inventaire de ce type de placement peut faire l’objet d’une expertise dans le
cadre d’une réévaluation partielle ou totale. Selon l’article 42 de l’arrêté du 10 octobre 2005,
par dérogation au principe de prudence, l’entreprise peut procéder à la réévaluation de tout ou
une partie de ses actifs. Cet article ajoute que cette opération s’effectue soit à la demande de
l’administration soit par la compagnie. Elle est néanmoins renouvelée à intervalles non inférieurs
à trois ans. Les frais d’expertise sont à la charge de la compagnie. Les plus ou moins values
dégagées sont comptabilisées dans le compte de résultat.
1.1.2. Obligations et titre de créances négociables
8Le PCA (2005) a prévu la ventilation suivante à ce type de placement:

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2621 Titres cotés


2622 Titres non cotés
2623 Titres et hypothécaires (obligations)
2624 Titres de créances négociables
2625 Titres de créances échus.
8Ces titres sont inscrits en comptabilité avec leur prix d’achat hors frais d’acquisition et net
du prorata d’intérêts courus depuis la dernière échéance. Le nouveau plan comptable (2005) a
introduit la règle dit du « coût amorti » selon laquelle toute différence entre le prix d’achat et la
valeur nette de remboursement est à étaler sur la durée résiduelle du titre.
1.1.3. Actions et parts sociales
8Les actions et les parts sociales sont définies par le PCA (2005) comme suit:
2631 Titres de participation
2632 Actions cotées
2633 Actions non cotées
2634 Actions et parts des OPCVM détenant exclusivement des titres à revenus fixes
2635 Actions et parts des autres OPCVM
2636 Parts des FCP
2638 Autres actions et parts sociales.
8Le compte 2631 enregistre les titres dont la possession durable est estimée utile à l’activité de
l’entreprise et lorsqu’ils atteignent au moins 10% du capital de la société émettrice.
8Par ailleurs, le PCA (2005) considère les titres détenus par une société d’assurances et de
réassurance sur une autre société d’assurances et de réassurance comme des titres de participation,
quelque soit la part du capital possédé, même s’il ne permet pas d’exercer une influence dans la
société émettrice.
8La valeur d’entrée des actions et parts sociales est le prix d’achat déduction des frais d’achat
et du coupon attaché dont le montant est connu et payable à brève échéance.
1.1.4. Prêts et effets assimilés
Les prêts et effets assimilés prévus par le PCA (2005) sont:
2641 Prêts en première hypothèque
2643 Avances sur polices vie
2644 Prêts nantis par des obligations
2648 Autres prêts
8Le compte 2641 enregistre les prêts garantis par une hypothèque de premier rang dans les
conditions prévues par la réglementation des assurances. Les avances sur polices vie (2643) sont
aussi régies par la dite réglementation. Le compte 2644 enregistre quant à lui les prêts accordés par
l’entreprise lorsque ces prêts sont couverts par des obligations.

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1.1.5. Les dépôts en comptes indisponibles


Il s’agit des comptes suivants:
2651 Dépôts à terme
2653 Actions et parts des OPCVM monétaires
2658 Autres dépôts
8Le compte 2651 enregistre les dépôts à terme en comptes indisponibles ouverts auprès des
établissements de crédit. Le compte 2653 est débité, à l’acquisition des actions et parts, par le
crédit d’un compte de trésorerie. S’agissant du compte 2658, il enregistre les espèces à vue en
comptes indisponibles ouverts auprès des établissements de crédit (PCA, 2005) (Article 48-49-50
de l’arrêté du 10 octobre 2005).
8Les comptes des dépôts indisponibles sont en pratique appelés « les comptes réserves
techniques ». Ils sont mouvementés à l’occasion des opérations de placements affectés aux
engagements. L’autorité de contrôle peut toutefois donner son autorisation pour utiliser ces
comptes dans des opérations autres que placements. Par ailleurs, en raison de l’extrême liquidité
des actions et parts des OPCVM monétaires, l’autorité de contrôle a préféré les intégrer avec les
comptes de dépôts en compte indisponible et ce pour des raisons de suivi et de contrôle.
1.1.6. Dépôts auprès des cédantes
Il s’agit en fait de titres ou de fonds déposés par la compagnie auprès de ses réassureurs comme
garantie du bon déroulement des opérations de réassurances.
8Les comptes des dépôts auprès des cédantes sont:
2672 Valeurs remises aux cédantes
2675 Créances pour espèces remises aux cédantes
8Le compte 2672 enregistre la valeur boursière des titres déposés chez les cédantes. En cas
de plus-value, celle-ci est débitée au compte 2672 par le crédit de 4492 Différence d’estimation.
Par contre, en cas de moins-value, la provision pour dépréciation doit être constatée au crédit
du compte 2967 Provisions pour dépréciation des dépôts auprès des cédantes. Le compte 2675
enregistre quant à lui le montant de la créance pour dépôts effectués en espèces auprès des cédantes
(PCA, 2005).

1.2. Les règles prudentielles


8Les valeurs mobilières sont définies par les dispositions du dahir portant loi n° 1-93-211
(1.2.1). Les titres représentatifs des engagements envers les assurés subissent les règles prudentielles
suivantes: les règles de représentation et de couverture (1.2.2), les règles de dispersion et de
répartition: sécurité, liquidité et rentabilité (1.2.3).
1.2.1. Définition et typologie des placements
8Selon l’article 2 du dahir portant loi n° 1-93-211 relatif à la bourse des valeurs: « sont
considérés comme valeurs mobilières, les titres émis par des personnes morales publiques ou
privées, transmissibles par inscription en compte ou par tradition, et qui conférant par catégories,
des droits identiques de propriétés ou de créances sur le patrimoine de la personne morale qui les
émet ». D’après cet article on distingue entre les titres de capital et les titres de créances.

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8Les titres de capital sont toutes les types d’actions formant le capital d’une société ainsi que
toutes les autres valeurs émanant de ces actions sous une quelconque forme ou appellation et
conférant un droit de propriété sur le patrimoine de la société notamment les actions, actions de
jouissance, parts sociales, certificats d’investissements, etc.8888
8L’action est une valeur mobilière représentant les droits de l’actionnaire. Elle peut être cotée
en bourse. Seules les sociétés anonymes sont habilitées à émettre des actions. Elles sont négociables
et représentent le montant de l’apport de l’actionnaire. L’action peut être au porteur ou nominative,
en numéraire ou d’apport, ordinaire ou prioritaire.
8Les actions donnent à leurs titulaires, le droit à l’information, le droit de vote aux assemblées
et des droits pécuniaires comme par exemple le droit aux dividendes, aux distributions d’actions
gratuites, droit préférentiel de souscription aux opérations de capital, etc.
8Les titres de créances sont toutes les catégories de titres représentatifs d’emprunts obligataires
notamment les obligations, les bons de caisse et autres titres d’emprunt y compris les titres de
créances négociables qui comprennent les certificats de dépôts, les bons de sociétés de financement
et les billets de trésorerie (Dahir portant loi n° 1-93-211).
8Les obligations sont des titres négociables qui dans une même émission, confèrent les mêmes
droits de créances pour une même valeur nominale. Elles sont émises par une société pour constater
l’existence contre elle d’une créance. S’agissant des bons de trésor on distingue généralement
entre:
- Les bons à court terme: durée de 13, 26 ou 52 semaines;
- les bons à moyen terme: 2 à 5 ans amortissables au terme du placement;
- les bons à long terme: 10 à 15 ans.
8En ce qui concerne les titres de créances négociables, on distingue entre:
- les billets de trésorerie: titres négociables d’une valeur nominale de 100.000,00 DH en
représentation d’un droit de créance portant intérêt pour une durée déterminée (10 jours au moins
et 1an au plus);
- les certificats de dépôts: titres négociables d’une valeur nominale de 100.000,00 DH émis
par les banques, et constatent l’engagement de leurs émetteurs de rembourser à une échéance
déterminée (10 jours au moins et 7ans au plus);
- les bons des sociétés de financement: titres négociables d’une valeur nominale de 100.000,00
DH émis par les sociétés de financement. Le droit de créance étant de 2ans au moins et 7ans au
plus.
1.2.2. Règles de représentation et de couverture
8L’arrêté du 10 octobre 2005 édicte dans son article 27 les différentes catégories de titres admis
en couverture des provisions techniques (1.2.2.1). La marge de cette couverture doit être de l’ordre
de 30 % (1.2.2.2).
1.2.2.1. Les valeurs admises
8La liste exhaustive des valeurs admises en représentation des provisions techniques sont
citées au niveau de l’article 27 de l’arrêté du 10 octobre 2005. D’après cet article, les provisions
techniques ainsi que les autres passifs visés à l’article 238 de la loi 17-99 précitée, sont représentées

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à l’actif des entreprises d’assurances par les valeurs énumérées en (A1):


1.2.2.2. La règle de la couverture
8La réglementation des entreprises d’assurances au Maroc a imposé une marge de couverture
de l’ordre de 30%. Ce taux est fixé à partir d’études réalisées sur le marché marocain par l’autorité
de contrôle. Cette exigence de couverture, jugée excessive par les professionnelles de l’assurance,
est vérifiée par l’autorité de contrôle à la date de clôture de chaque exercice. En cas d’insuffisance
de couverture, un délai de 6 mois est accordé pour régularisation.
Les données du tableau ci-après tirées des rapports de la DAPS entre 2002 et 2010 (en milliards
de dirhams) montrent toutefois que le secteur est dans sa globalité en besoin de couverture. Certes,
elle n’a cessé de s’améliorer à partir de 2007, mais elle est toujours inferieure au taux prévu
par la réglementation. Nous regrettons toutefois l’absence des données détaillées permettant de
l’apprécier compagnie par compagnie.
Tableau N°1 : calcul de la marge ou besoin de couverture

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010


Provisions techniques brutes 53,24 56,61 59,72 63,28 69,87 77 ,16 84,16 90,74 96,61
Placements bruts affectés 50,87 54,61 54,21 60,26 65,36 79,27 85,58 93,10 101,79
aux opérations d’assurances
Marge de couverture ou -4,45% -3,53% -9,22% -4,77% -6,45% 2,66% 1,66% 2,53% 5,09%
besoin de couverture

Source : tableau préparé par nos soins à partir du site du ministère de l’économie et des
finances :
http://www.finances.gov.ma/portal/page?_pageid=53,17813558&_dad=portal&_
schema=PORTAL&idtheme=4 (Date de la consultation : le 11/02/2013)
Il est à signaler que le respect de la règle de couverture est l’une des conditions à satisfaire pour
avoir l’autorisation de distribuer des dividendes. Selon l’article 240 de la loi n° 17-99 portant code
des assurances, les entreprise d’assurances et de réassurance ne peuvent procéder à la distribution
de dividendes ou à la répartition d’excédents de recettes (les ristournes pour le cas des mutuelles)
que si elles respectent les dispositions des articles 238 (règle de couverture) et 239 (règles sur la
marges de solvabilité).
8Le besoin en couverture n’est qu’une exigence réglementaire. Il s’agit d’une hypothèse qui
suppose une adéquation entre la date d’exigibilité du passif et la date de disponibilité de l’actif.
Cette hypothèse n’est pas pour autant vérifiée en pratique car la disponibilité de l’actif n’est pas
forcément liée à l’exigibilité du passif. Par ailleurs, un excédent de couverture ne signifie pas une
aptitude certaine de la compagnie à honorer ses engagements. L’adéquation entre les flux du passif
et de l’actif ne pourrait s’apprécier qu’au fil du temps par le biais des modèles stochastiques.
1.2.3. Les règles de dispersion et de répartition: sécurité, liquidité et
rentabilité
8Les ratios de dispersion prévus dans l’article 32 de l’arrêté du 10 octobre 2005 ont pour
finalité de limiter la part d’un même immeuble, d’une même société immobilière, ou des valeurs
émises et prêts obtenus d’un même organisme, dans le montant global des placements.
8S’agissant de la répartition (A2), l’article 33 du dit arrêté impose aux placements certaines

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limitations par catégories. Ainsi, nous pourrons tracer le tableau synthétique suivant des règles de
dispersion et de répartition et de limitation de certaines catégories de titres :
Tableau N°2 : tableau synthétique des limitations par catégories

Liste des valeurs Dispersion Diversification Limitation

Valeurs de l’Etat
Valeurs jouissant de la garantie de l’Etat
Créance sur le FSA
Créance sur la SCR   Min 30%
Obligations émises par les banques 5% PT(A3)

Avances sur contrats vie 80 % PM(A4)


Actions ou parts d’OPCVM (valeurs de l’Etat ou jouissant de sa garantie)
Primes ou cotisations à recevoir vie, moins de deux mois    
Placements immobiliers (immeubles, parts et action des SI) 10% 30% PT
Prêts hypothécaires 2,50% 10% PT
Prés garantis par les valeurs de l’Etat ou jouissant de sa garantie   15% PT
Bons des sociétés de financement 2,50% 10% PT
Certificats de dépôts 5%
Obligations cotées à la BVC 5%
50% PT
Actions cotées à la BVC 10%
Actions ou parts des autres OPCVM   Max 70% PT
Autres obligations (visées par CDVM) 2,50% 5% PT
Obligations émises par les FPCT 10% 15% PT
Billets de trésorerie (garantis par des avals bancaires) 2,50%
Primes à recevoir non vie moins de deux mois   10% PT
Espèces  
20% PPNA
Charges d’acquisitions reportées   (A5)
Autres placements sur autorisation, pour chaque cas   15% PT

Source : tableau élaboré par nos soins


Les règles de répartition et de dispersion visent: sécurité, liquidité et rentabilité des titres.
L’exigence de sécurité est la première. Elle peut être jugée suffisante pour le cas des titres cotés
du fait que la cotation est surveillée par les autorités de marché. La liquidité est le corollaire
du fait que c’est à tout moment que les entreprises d’assurances doivent être en mesure de faire
face aux engagements qu’elles ont contractés à l’égard des assurés. Ceci trouve son application
concrète lorsqu’ une entreprise se trouve en face d’un important sinistre à régler ou dans l’optique
liquidative. La rentabilité en fin est une règle de bonne gestion: sa recherche est souhaitable tant
pour les assureurs que pour les assurés (Vilain, 1990).

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2. Les règles d’évaluation et de provisionnement


8Les règles d’évaluation des placements des compagnies d’assurances dérogent à celles du droit
commun (2.1). Des provisions particulières relatives à ces titres sont prévues par la réglementation
prudentielle (2.2).

2.1. Cadre général


8Les règles d’évaluation à la date de l’inventaire des placements affectés aux opérations
d’assurances sont édictées par les articles 38 pour les obligations et assimilés (2.1.1), 39 et 40
pour les actions, les immeubles et assimilés (2.1.2). Les dispositions de ces articles dérogent à
celles préconisées par la norme comptable générale. Comme nous l’avons souligné dans un article
précédant (berjaoui 2011), le principe de prudence et celui de non compensation connaissent en
matière de placement une application toute particulière.
La réglementation des entreprises d’assurances prévoit par exemple dans l’article 38 de l’arrêté
de 10 octobre 2005 que pour les obligations émises ou garanties par l’Etat, tout écart constaté à la
date de l’inventaire entre le prix d’achat et le prix de remboursement est étalé sur la durée de vie
résiduelle des titres. Par ailleurs, même en cas de moins- values apparente, les règles d’évaluation
prévoient une compensation entre les plus et moins-values latentes.
2.1.1. Évaluation des obligations selon l’article 38 de l’arrêté du 10
octobre 2005
8Les valeurs mobilières amortissables plus particulièrement les obligations, sont évaluées
d’après les dispositions de l’article 38 de l’arrêté du 10 octobre 2005. Les valeurs énumérées aux
1°, 2°, 5°, 12°, 13°, 15, 16°, et 20° de l’article 27 précité, sont comptabilisées au prix d’achat à la
date d’acquisition. Il ajoute toutefois que dans le cas ou le prix d’achat de ces titres est supérieur à
leur prix de remboursement, la différence est amortie sur la durée de vie résiduelle des dits titres.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le prix d’achat est inférieur au prix de remboursement, la
différence est portée en produits sur la durée de vie résiduelle.
Tableau N° 3 : exemple d’évaluation des obligations selon l’article 38

Valeurs PA PR Durée Constatation comptable à


Remboursement
résiduelle l’inventaire
DR D C D C D C D C
3496 734/744 634/644 4496 5141 262 4496 3496
A 1000 1500 10ans 50 50 1500 1000 500
B 2000 1500 5ans 100 100 1500 2000 500
C 1050 2000 2ans 475 475 2000 1050 950

Source : tableau élaboré par nos soins (voir intitulés des comptes en A6)
8A l’arrêté comptable, les moins-values latentes ressortant de la différence entre la valeur
comptable, diminuée des amortissements (634/644) et majorée des produits ci-dessus (734/744)
et la valeur de réalisation des titres (cours en bourse), ne font pas l’objet de provisions. Toutefois,
lorsqu’il est supposé que le débiteur ne sera pas en mesure de respecter ses engagements, soit pour
le paiement des intérêts, soit pour le remboursement du principal, une provision pour dépréciation

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doit être constituée à l’inventaire. Le cours en bourse n’entre donc plus en ligne de compte pour
l’évaluation des valeurs mobilières amortissables. Tout écart est aujourd’hui constaté uniquement
entre la valeur d’achat et la valeur de remboursement et est étalé sur la durée résiduelle du titre.
L’autorité de contrôle cherche par cette mesure de permettre aux entreprises d’assurances de garder
plus de temps dans leurs portefeuilles les valeurs mobilières amortissables.
2.1.2. Evaluation des actions et des immeuble d’après les articles 39 et
40 de l’arrêté du 10 octobre 2005
A l’exception des valeurs citées dans l’article 38, les actifs mentionnés à l’article 27, plus
particulièrement les actions, sont évalués conformément à l’article 39 de l’arrêté du 10 octobre
2005 qui stipule qu’ils sont évalués à la date d’acquisition à leur valeur d’entrée (Article 39 de
l’arrêté du 10 octobre 2005).
8Il avance que les valeurs mobilières dont la moins-value au jour de l’inventaire atteint 25%
de leur valeur d’entrée, sont provisionnées à concurrence de la dite moins-value. Elle est égale
à la valeur d’entrée diminuée de la valeur de marché moyenne des trois derniers mois précédant
la date de l’inventaire (Article 39, a°) de l’arrêté du 10 octobre 2005). La valeur de marché est
calculée aujourd’hui sur la base de trois mois au lieu du seul jour de l’inventaire comme prévoyait
l’ancienne réglementation. La nouvelle valeur de marché permet d’avoir une information plus
fiable sur l’évolution des titres et atténuer l’effet des opérations d’allers-retours à la clôture de
l’exercice.
8S’agissant des immeubles et parts ou actions des sociétés immobilières non cotées, la valeur
d’entrée est soit le prix d’achat ou de revient ou selon la valeur d’expertise conformément à l’article
40. Les valeurs sont diminuées des amortissements pratiqués. Le prix de revient des immeubles est
celui qui ressort des travaux de construction et d’amélioration, à l’exclusion des travaux d’entretien
proprement dits.

2.2. Les provisions sur placements


8Le régime prudentiel des compagnies d’assurances marocaines prévoit également des
provisions techniques propres à l’activité des placements. Il s’agit de la provision pour risque
d’exigibilité des engagements techniques (2.2.1). La provision de capitalisation (2.2.2) et la
provision pour aléas financiers (2.2.3).
2.2.1. La provision pour risque d’exigibilité des engagements tech-
niques
8La provision pour risques d’exigibilité des engagements techniques était considérée par
l’ancienne réglementation comme un actif soustractif. Mais avec l’entrée en vigueur du nouveau
code des assurances elle est devenue une provision technique à part entière.
Cette provision est destinée à faire face à une insuffisante liquidité des placements, notamment
en cas d’accélération du rythme de règlement des sinistres. Cette provision est exigée aussi bien
pour les opérations vie que non-vie. Le principe de cette provision, contrairement au droit commun
comptable, réside d’une comparaison globale des valeurs comptables et des valeurs de réalisation
à l’inventaire. Il permet ainsi de créer une provision pour dépréciation globale de l’ensemble des
placements (Simonet, 1998). Les modalités de calcul de cette provision sont prévues à l’article 22
précité.
8Le PCA (2005) a prévu les comptes suivants pour la provision pour risque d’exigibilité des
engagements techniques :

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Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

16911 Provision pour risque d’exigibilité vie


16912 Provision pour risque d’exigibilité non vie
6391 Dotation aux provisions pour risque d’exigibilité
7391 Reprise des provisions pour risque d’exigibilité
2.2.2. La provision de capitalisation
8Les nouvelles dispositions réglementaires et comptables ont permis à cette provision d’étendre
son champ d’application (2.2.2.1). Afin de cerner ses particularités, un exemple de calcul est prévu
en (2.2.2.2).
2.2.2.1. Dispositions réglementaires
8Il s’agit d’une « provision destinée à parer à la dépréciation des valeurs comprises dans l’actif
de la société et à la diminution de leur revenu » (Article 16,8°) et article 15,6°) de l’arrêté du 10
octobre 2005). Elle vise aussi à éviter que l’entreprise ne fasse des bénéfices distribuables en ayant
recours à la réalisation des plus-values obligataires au détriment des produits financiers futurs
(Tossetti et al, 2002). Elle est déterminée conformément aux dépositions de l’article 25.
8Avant 1997, cette provision concernait uniquement les plus-values sur obligations affectées à
des provisions portant sur la branche vie. Mais en décembre 1997 une modification de l’arrêté du 10
juin 1996 a permis d’étendre cette provision aux opérations non vie. La provision de capitalisation
est constituée dans le cas de réalisations de plus-values sur certains titres. Il s’agit en fait des
valeurs énumérées aux 1°/,2°/, 5°/, 12°/, 13°/, 15°/, 16°/, et 20°/ de l’article 27.
8L’alimentation de cette provision est effectuée par les plus-values réalisées en cas de vente
ou de remboursement des dites valeurs. En effet, l’article 25 stipule que si, en cas de vente ou de
remboursement des dites valeurs, le prix, diminué des intérêts courus, est supérieur au montant
pour lequel ces valeurs figuraient à l’actif y compris le solde de la différence mentionnée à l’article
38, une somme égale à la différence est portée à la provision de capitalisation. Dans le cas contraire,
la réserve de capitalisation sert à compenser les moins-values subies. La provision de capitalisation
est alimentée tant que son montant n’a pas atteint 15% du montant des valeurs visées dans cet
article. Sur le plan pratique, cette provision doit être constituée distinctement pour les deux types
d’opérations vie et non-vie. Elle est soumise aussi à la règle de couverture
2.2.2.2. Exemple de calcul de la provision de capitalisation
8Une société dispose d’une provision mathématique de l’ordre de 100.000,00 DH couverte à
l’actif du bilan par un portefeuille d’obligations de 100.000,00 DH constitué de:
Tableau N°4 : exemple d’un portefeuille d’obligations pour le calcul de la provision de
capitalisation

Nature Nombre Prix d’achat Montant


Obligations A 100 95 9.500,00
Obligations B 200 90 18.000,00
Obligations C 500 100 50.000,00
Obligations D 250 100 25.000,00
Source : tableau élaboré par nos soins

Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°9-10, Janvier-Décembre 2014 449


ABDELMOUMEN BERJAOUI

On suppose en fait qu’une provision pour dépréciation de 2.500,00 sur le titre D a été constatée
conformément aux dispositions de l’article 38.
Au cours de l’exercice, les mouvements suivants on été constatés:
- vente de 50 obligations A: 5.000,00
- remboursement de 100 obligations B: 10.000,00
- vente de 10 titres C: 950,00
- remboursement de 5 titres D: 450,00.
Soit donc le tableau suivant:
Tableau N° 5 : calcul de la provision pour capitalisation

Nature Nombre Vente ou Prix d’achat Prix de vente ou de Plus ou


remboursement remboursement moins-value
A 50 Vente 4.750,00 5.000,00 + 250
B 100 Remboursement 9.000,00 10.000,00 + 1.000,00
C 10 Vente 1.000,00 950,00 -50,00
D 5 Remboursement 500,00 450,00 -50,00
15.250,00 16.400,00 1.150,00

Source : tableau élaboré par nos soins


8Dans le dernier cas il n’y a pas de moins-value comptable parce que les titres D figuraient
déjà à l’actif du bilan à leur valeur de remboursement. La provision de capitalisation est égale
à la différence entre le produit de la vente ou du remboursement et la valeur d’achat des titres
sortis indépendamment des provisions par dépréciation auparavant constatées. Les provisions pour
dépréciations précédemment constituées sont soit augmentées soit diminuées sans incidence sur le
montant à porter en provision de capitalisation.
8Le PCA (2005) a prévu les comptes suivants pour la provision de capitalisation :
16951 Provision de capitalisation vie
16952 Provision de capitalisation non vie
6395 Dotation à la provision de capitalisation
7395 Reprises sur provision de capitalisation
8L’objet de la provision de capitalisation est en partie similaire à celui de la provision pour
aléas financiers, et son mécanisme est à rapprocher de celui de cette dernière.
2.2.3. La provision pour aléas financiers
8La provision pour aléas financiers et la provision de capitalisation sont deux mécanismes
reliant l’évaluation des provisions et l’évaluation des placements (A7). La provision pour aléas
financiers vise à compenser la baisse des rendements de l’actif au regard des hypothèses faites dans
le tarif : taux, table et frais ( Tosetti, 2002) Au Maroc cette provision est régie par l’article 26 de
l’arrêté du 10 octobre 2005. Il stipule en effet que « si le taux de rendement (A8) des placements
affectés à la représentation des provisions techniques afférentes aux opérations d’assurances visées

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Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

aux 1°/ à 4°/ et 6°/ de l’article premier ci-dessus ou, diminué d’un dixième, est inférieur au quotient
du montant des intérêts techniques (A9) et du montant moyen des provisions mathématiques brutes
de réassurance des deux derniers exercices, une provision pour aléas financiers est constituée. Cette
provision est égale à la différence entre le montant des provisions mathématiques calculées avec le
taux de rendement réel des placements mentionnés au premier alinéa, diminué d’un dixième et le
montant des provisions mathématiques à l’inventaire. Le taux de rendement sus mentionné est égal
au rapport:
- du produit des placements sus-visés net de charges au sens de l’état modèle de détermination
de la participation des assurés aux bénéfices (A10),
- au montant moyen, des deux derniers exercices, des provisions mathématiques, brutes de
réassurance, afférentes aux opérations d’assurances sur la vie, d’assurances nuptialité- natalité, de
capitalisation ou à la gestion spéciale des rentes accident du travail.
8La provision ainsi constituée est reprise dans les comptes de l’entreprise à l’ouverture de
l’exercice suivant. Les contrats à capital variable ne sont pas concernés par ces dispositions ».
8En pratique, la provision pour aléas financiers concerne:
- les opérations d’assurances sur la vie;
- la capitalisation;
- le gestion spéciale des rentes AT.
8A partir de cet article on peut dire que la provision pour aléas financiers est calculée lorsque:
90% TR<IT/PM moyenne
Tel que:
- TR est le taux de rendements des placements affectés à la représentation des provisions
techniques concernées;
- IT: intérêts techniques;
- PM moyen = PM à l’ouverture + PM à la clôture/2.
8Le PCA (2005) a prévu les comptes suivants pour la provision pour aléas financiers:
6051 Variations des provisions pour aléas financiers vie
60520 Variation des provisions pour aléas financier non vie
1651 Provisions pour aléas financiers vie
1652 Provisions pour aléas financiers non vie
La provision à l’ouverture est reprise par le crédit des mêmes comptes.

Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°9-10, Janvier-Décembre 2014 451


ABDELMOUMEN BERJAOUI

CONCLUSION
Nous avons essayé dans cet article d’expliquer le régime prudentiel des placements ainsi que
les différentes interprétations pratiques qui en résultent. C’était aussi l’occasion de présenter l’une
des spécificités du ce régime à savoir le lien actif-passif.
8Afin de leur permettre d’honorer les engagements pris envers les assurés, les compagnies
d’assurances placent les fonds collectés dans le marché financier et immobilier. L’Etat intervient
en force dans la politique financière des compagnies en leur imposant un ensemble de règles.
L’objectif recherché est que ces placements soient en mesure de satisfaire les conditions de sécurité,
de liquidité et de rentabilité.
8Dans un premier temps l’article 27 de l’arrêté du 10 octobre 2005 prévoit une liste exhaustive
des actifs admis en couverture des engagements, classés en grandes catégories: obligations et
autres titres de taux garantis ou non garantis par l’Etat, actions et assimilées, actifs immobiliers,
prêts et dépôts. Les provisions techniques ainsi que les autres passifs visés à l’article 238 de la loi
17-99 précitée, sont représentées à l’actif des entreprises d’assurances par les valeurs énumérées
dans l’article 27. C’est ce qu’on appelle la règle de couverture. La réglementation des entreprises
d’assurances au Maroc a imposé une marge de couverture de l’ordre de 30%.
8Vient par la suite les ratios de dispersion et de répartition prévus par l’article 35 de l’arrêté
du 10 octobre 2005. Ces ratios permettent de se prémunir contre les risques d’actif. Il s’agit plus
exactement d’un moyen qui vise à limiter la part d’un même immeuble, d’une même société
immobilière, ou des valeurs émises et prêts obtenus d’un même organisme dans la valeur globale
des placements par rapport au montant des provisions techniques.
8En matière d’évaluation, ces titres sont enregistrés au cours de l’exercice avec leur prix d’achat
hors frais d’acquisition et net du prorata d’intérêts courus depuis la dernière échéance. Mais à la
date de l’inventaire leur estimation déroge à celle du droit commun. Des provisions particulières
relatives à ces titres sont prévues par la réglementation prudentielle.
8L’article 38 de l’arrêté du 10 octobre 2005 stipule en effet que pour les obligations émises ou
garanties par l’Etat, tout écart constaté à la date de l’inventaire entre le prix d’achat et le prix de
remboursement est étalé sur la durée de vie résiduelle des titres. Cette nouvelle mesure permet donc
l’enregistrement des plus et moins-values latentes et ce contrairement à l’ancienne réglementation
(l’article 23 de l’arrêté du 10 juin 1996). Il s’agit selon le plan comptable (2005) de la règle dite
du « coût amorti ». Le cours en bourse n’entre plus en ligne de compte pour l’évaluation de
ces titres. Tout écart est aujourd’hui constaté uniquement entre la valeur d’achat et la valeur de
remboursement.
Par ailleurs, A l’exception des valeurs citées dans l’article 38 précité, les actifs mentionnés
à l’article 27 sont évalués conformément à l’article 39 de l’arrêté du 10 octobre 2005. Il stipule
que les valeurs mobilières dont la moins-value au jour de l’inventaire atteint 25% de leur valeur
d’entrée, sont provisionnées à concurrence de la dite moins-value. Elle est égale à la valeur d’entrée
diminuée de la valeur de marché moyenne des trois derniers mois précédant la date de l’inventaire.
La valeur du marché est désormais calculée sur la base de trois mois au lieu du seul jour de
l’inventaire comme prévoyait l’ancienne réglementation.
8S’agissant des immeubles et parts ou actions des sociétés immobilières non cotées, la valeur
d’entrée et soit le prix d’achat ou de revient ou selon la valeur d’expertise conformément à l’article
40. Les valeurs sont diminuées des amortissements pratiqués.

452 Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°9-10, Janvier-Décembre 2014


Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

8Les provisions propres à l’activité des placements sont: la provision pour risque d’exigibilité
des engagements techniques, la provision de capitalisation et la provision pour aléas financiers.
8Le principe de la provision pour risque d’exigibilité déroge au droit commun comptable. Il
réside d’une comparaison globale des valeurs comptables et des valeurs de réalisation à l’inventaire.
Il permet ainsi de constater une provision pour dépréciation globale de l’ensemble des placements.
Cette provision est calculée selon les modalités prévues à l’article 22 de l’arrêté précité.
8Concernant la provision de capitalisation, il est à signaler que les nouvelles dispositions
réglementaires et comptables ont permis à cette provision d’étendre son champ d’application. Il
s’agit d’une provision destinée à parer à la dépréciation des valeurs comprises dans l’actif de la
société et à la diminution de leurs revenus. Elle vise aussi à éviter que l’entreprise ne fasse des
bénéfices distribuables en ayant recours à la réalisation des plus-values obligataires au détriment
des produits financiers futurs. Elle est déterminée conformément aux dépositions de l’article 25 du
dit arrêté. La provision de capitalisation est constituée dans le cas de réalisation des plus-values
sur certaines catégories de titres. L’alimentation de cette provision est effectuée par les plus-values
réalisées en cas de vente ou de remboursement des dites valeurs. Cette provision est soumise aussi
à la règle de couverture.
8La provision pour aléas financier et la provision de capitalisation sont deux mécanismes
reliant l’évaluation des engagements et l’évaluation des actifs. La provision pour aléas financiers
vise à compenser la baisse des rendements de l’actif au regard des hypothèses faites dans le tarif.
Au Maroc cette provision est prévue par l’article 26 de l’arrêté du 10 octobre 2005.
8Le régime prudentiel des placements qui apparaît jusqu’à maintenant parfaitement adaptés
à l’activité des entreprises d’assurances marocaines, subira les conséquences de la conception
économique des normes IFRS.

Annexe
A1 :
1°- valeurs de l’Etat;
2°- valeurs jouissant de la garantie de l’Etat;
3°- créances sur le fonds de solidarité des assurances;
4°- créance sur la société centrale de réassurance (SCR) ;
5°- obligations émises par les banques;
6°- avances octroyées aux assurés de la branche vie;
7°- immeubles urbains bâtis, situés au Maroc;
8°- autres immeubles urbains situés au Maroc;
9°- parts et actions de sociétés immobilières y compris les avances en compte courant;
10°- prêts en première hypothèque sur des immeubles situés au Maroc;
11°- prêts sur les valeurs énumérées aux 1° et 2° du présent article;
12°- titre de créances négociables (certificats de dépôt);

Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°9-10, Janvier-Décembre 2014 453


ABDELMOUMEN BERJAOUI

13°- titres de créances négociables (bons des sociétés de financement);


14°- titres de créances négociables (billets de trésorerie);
15°- obligations cotées à la bourse des valeurs;
16°- autres obligations dont l’émission a reçu le visa du Conseil déontologique des valeurs
mobilières;
17°- actions cotées à la bourse des valeurs;
18°- actions des sociétés d’investissement à capital variable ou parts de fonds communs de
placements dont l’objet est limité à la gestion d’un portefeuille de valeurs mentionnées aux 1°
et 2° du présent article;
19°- actions des sociétés d’investissement à capital variable ou parts de fonds communs de
placement dont l’objet n’est pas limité seulement à la gestion d’un portefeuille de valeurs
mentionnées aux 1° et 2° du présent article;
20°- obligations émises par les fonds de placements collectifs en titrisation;
21°- primes ou cotisations à recevoir, afférentes à des opérations d’assurances vie, de deux
mois de date au plus, nettes de taxes et de charges d’acquisition;
22°- primes ou cotisations à recevoir afférentes à des opérations d’assurances non-vie, de deux
mois de date au plus, nettes de taxes et de charges d’acquisition;
23°- créances sur les entreprises d’assurances et de réassurance visées à l’article 158 de la
loi n° 17-99 précitée correspondant à des provisions afférentes aux cessions facultatives non
déposées auprès des cédants;
24°- créances nettes sur les cédants au titre des acceptations en réassurance;
25°- espèces en caisse ou déposées auprès des organismes visées à l’article 48 du présent
arrêté;
26°- charges d’acquisitions reportées;
27°- autres placements, sur autorisation, pour chaque cas, par le ministre chargé des finances.
A2 : le dicton « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier » se traduit
ici par une règle qui veut qu’en général la faillite d’une entreprise ou l’écoulement d’un
immeuble ne puisse pas coûter plus de 5% à 10% des provisions techniques.
A3 : Provisions techniques.
A4 : Provision mathématique.
A5 : Provisions pour primes non acquises
A6 :
3496 Différence sur prix de remboursement à percevoir sur titres.
4496 Amortissement des différences sur prix de remboursement des titres
634/644 Amortissement des différences sur prix de remboursement
734/744 Produits des différences sur prix de remboursement à percevoir.

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Le régime prudentiel des placements des compagnies d’assurances marocaines

A7 : pour les contrats en unités de compte, la liaison actif-passif n’existe pas du fait
que l’engagement de l’entreprise évolue en fonction de l’évolution du titre représentatif de
l’unité de compte. L’assureur ne court pas le risque de placement car il est transféré sur
l’assuré.
A8 : en pratique c’est le quotient des Produits financiers nets et le montant moyen de la
provision mathématique. (D’après la DAPS).
A9 : intérêts techniques = Provision mathématique (N) x taux technique garanti à
l’assuré.
A10: voir « le dossier statistique et financier » en annexe du code des assurances : état
modèle D19.

Bibliographie
• Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 213-05 du 15 Hijja 1425(26 janvier
2005) relatif aux assurances obligatoires.
• Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 2240-04 du 14 Kaada 1425 (27
decembre2004) relatif aux contrats d’assurances.
• Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 2241-04 du 14 Kaada 1425(27 décembre
2004) relatif à la présentation des opérations d’assurances.
• Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 857-05 du 2 Rabii I 1426 (11 avril 2005)
fixant les conditions générales types des contrats relatifs à l’assurance responsabilités civiles
automobile.
• Auffret M.Y, Bellando J.L. , Dardhalon M., Henriot B.P., Kessler D., Lavais F., Le Douit J., Papaz
R., Simonet G., Tabourot J. et Valing., «Comment lire les comptes d’une société d’assurance »,
journée d’étude du 16 septembre 1994.
• Axa- Befecpwc (1994), Gestion et analyse financière, L’argus.
• Axa- Befecpwc (1997), Normes et réglementation comptable de l’assurance vie, L’argus.
• Berjaoui A (2011), « La nouvelle réglementation comptable des entreprises d’assurances
marocaines  », série de publications de l’équipe de recherche sur le management des organisations,
ouvrage collectif, Dar el kalam.

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