Vous êtes sur la page 1sur 19

Langue française

Les noms propres métaphoriques : construction et interprétation


Kerstin Jonasson

Citer ce document / Cite this document :

Jonasson Kerstin. Les noms propres métaphoriques : construction et interprétation. In: Langue française, n°92, 1991. Syntaxe
et sémantique des noms propres. pp. 64-81;

doi : https://doi.org/10.3406/lfr.1991.6212

https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1991_num_92_1_6212

Fichier pdf généré le 05/05/2018


Kerstin JONASSON
Institut d'Études romanes
Université de Stockholm

LES NOMS PROPRES MÉTAPHORIQUES :


CONSTRUCTION ET INTERPRÉTATION *

0. Introduction

Dans des énoncés tels que ceux de (1), l'usage qu'on fait du nom propre (désormais Npr) est
communément appelé métaphorique ' :

(1) a. Quelques petits Davids vont finir par vaincre un Goliath qu'ils combattent depuis
21 ans (NO, cité par Togeby 1982 : 163)
b. Paul est un vrai Napoléon (Kleiber 1981 : 410)
c. La scène française de notre époque manque de Molières (Kalverkàmper 1978 : 330)
d. L'héroïne de Vladimir Menchov est un joli Rastignac en jupon (NO 912 : 12)
e. Les adultes nourrissent une fierté secrète pour ce Tarzan tombé du nid (BPD : 171) 2
Le Npr métaphorique se distingue syntaxiquement du Npr référentiel, comme Paul dans
Paul danse, par le fait qu'il est en général précédé d'un déterminant 3, et souvent accompagné
de divers types de compléments. Parfois, mais rarement, il prend même l's du pluriel, comme
dans (la, c) (voir section 1.1. ci-dessous). À cette distinction syntaxique correspond une
différence sémantique : au lieu de désigner un particulier, le Npr dénote maintenant un type ou
une catégorie, dont les membres sont interprétés comme portant une certaine ressemblance avec
un particulier bien connu, portant le Npr en question. Ce particulier peut être une personne, un
lieu ou autre chose encore, mais dans la présente étude, qui comprend deux parties, on se limitera
à l'emploi métaphorique des Npr de personnes. Dans la première partie sera examinée la
construction syntaxique du Npr métaphorique, la structure interne du SN dont il constitue la
tête, ainsi que sa position syntaxique dans la phrase et la fonction discursive qu'il assume dans
l'énoncé. Dans la seconde partie sera étudiée son interprétation, aussi bien en tant que Npr qu'en
tant qu'expression figurée. Comment doit-on par exemple rendre compte de son interprétation
à partir de l'hypothèse que le Npr référentiel ordinaire est dépourvu de sens lexical codifié 4 ?
Est-il soumis aux mêmes contraintes sémantiques caractéristiques des métaphores, notamment

* Cette étude s'inscrit dans le cadre du projet « Les noms propres métaphoriques et métonymiques : deux
types d'expressions figurées en français », subventionné par le Conseil Suédois de Recherches pour les Sciences
Humaines et Sociales, nos F 539/88 et F 408/90.
1. Cf. pourtant Flaux (ici-même) qui préfère le terme antonomase pour désigner cet emploi du Npr. Elle
note pourtant bien des similarités syntaxiques aussi bien que sémantiques entre l'antonomase du Npr et
l'emploi métaphorique (ou figuré) des noms commune et constate qu'ils se rapprochent l'un de l'autre. Comme
on le verra dans la présente étude, d'autres ressemblances s'ajouteront à celles observées par Flaux, de façon,
il me semble, que le terme Npr métaphorique pourra se justifier dans la mesure où l'on considère que l'adjectif
métaphorique désigne un emploi particulier, ou une application extraordinaire, d'un terme. De plus, sans
contester les ressemblances observées par Flaux, une description qui repose sur l'hypothèse qu'il s'agit de deux
effets obtenue par le même mécanisme linguistique ou cognitive me paraît intéressante dans la mesure où on
peut supposer qu'elle atteindra une plus grande généralité.
2. Les références qui consistent en trois lettres et une indication de page viennent du matériau d'Engwall
(1984). NO = Le nouvel observateur ; HD = Humanité dimanche.
3. Voir note 5.
4. Cette hypothèse, originaire de J. S. Mill (1843) et reprise par Kripke (1972), est soutenue aussi dans
Jonasson (à paraître b et en préparation).

64
à celle de l'implication de deux domaines conceptuels distincts ? Quel est le rôle sémantique joué
par les compléments ? Voilà des questions auxquelles je tâcherai de répondre dans la présente
étude.

1. La construction des Npr métaphoriques

1.1. Définition et structure interne


Par Npr métaphorique j'entends un Npr introduit par un déterminant 5 et souvent
accompagné de divers types de compléments. Son caractère propriai est signalé par une
majuscule 6 et il s'interprète comme décrivant ou désignant une personne qui ne porte pas le Npr
en question mais qui est censée ressembler d'une manière ou d'une autre à un porteur réel ou
fictif du Npr généralement connu dans la communauté linguistique.
On trouve toutes sortes de Npr de personnes employés métaphoriquement, des prénoms, des
noms de famille, ainsi que des Npr complets, comportant les deux. Il ne semble exister de
restrictions ni en ce qui concerne le type de déterminant qui introduit le Npr, ni en ce qui
concerne son nombre, qui est le singulier dans (2), le pluriel dans (3) :

(2) a. Je devine que Simenon s'ennuie à raconter sa vie. Il a besoin d'ure Maigret (NO 890 :
45)
b. Alain Delon est notre Clint Eastwood à nous (NO 881 : 10)
с ... le projet qui fera de Savary un nouveau Jules Ferry (NO 968 : 21)
d. Michael Heltau [...] qu'on nomme le Gérard Philippe autrichien (NO 1146 : 61)
e. Ajar, c'est le Pouchkine des ténèbres de Paris (Pawlovitch, P., L'homme que l'on
croyait, p. 60)
f. Sartre, ce Hugo de notre siècle (NO 1080 : 61)

(3) a. ... les pères ne sont pas des Pénélope (NO 968 : 56)
b. Les Emma Bovary de Balzac, Madame de Bargeton et Madame de la Baudroye, ...
(F. Marceau, cité par Le Bihan 1974 : 133)
с ... nos Tarzan du fusain [= les auteurs de B.D.] (NO 955 : 11)
d. ... les mœurs de certains Rastignac soviétiques d'aujourd'hui (NO 982 : 39)
En ce qui concerne la forme du pluriel, on peut observer qu'elle s'écrit dans la majorité des
cas sans s final, mais qu'on trouve parfois Г s du pluriel, « surtout avec des noms comme les
Mécènes - les Don Juans - les Césars » (Togeby 1982 : 163). Citant ces Npr, qui figurent tous dans
le Petit Robert 1 , (désormais PR), Togeby semble sans doute vouloir dire que plus un Npr
métaphorique est lexicalisé, plus forte est la tendance à mettre Г s du pluriel. Dans (la, c) on a
vu les formes Davids et Molières, Npr dont l'usage métaphorique semble également bien
répandu, mais j'ai aussi recueilli des Fokoches, dont la lexicalisation est loin d'être établie.
L'observation de Togeby étant sans doute correcte, la situation est cependant trop confuse pour
qu'on parle de normes vraiment bien établies 7. Toujours est-il que je n'ai pas trouvé de s pluriel
ajouté à un Npr complet, comportant prénom et nom de famille. Le caractère propriai de ce type
de Npr est vraisemblablement assez fort pour empêcher la flexion des noms communs.

5. Martin (1987 : 147) donne un exemple d'usage métaphorique du Npr, où il n'est pas introduit par un
déterminant : Cest Machiavel en personne. Il s'agit d'un autre type de construction, dont Martin dit que c'est
« une identification objectivement fausse ». Il ne sera pas étudié ici. Pour l'absence « normale » de
déterminante devant les Npr métaphoriques, voir plus bas dans le texte.
6. A l'encontre de ce que pense Wilmet (ici-même), la majuscule me paraît être un indice important du
statut propriai du Npr, jouant un rôle décisif dans son interprétation. Dans une construction comme celle
étudiée ici, où le Npr se comporte syntaxiquement comme un Nco, elle devient d'autant plus importante que
c'est elle seule qui signale ce statut propriai. Il est vrai que c'est un indice qui n'apparaît qu'à l'écrit ; aussi
les Npr métaphoriques semblent -Us plus fréquente dans des textes écrits que dans l'oral.
7. Voir plus bas dans le texte, sous 2.1.3. Cf. aussi Jonasson 1990c pour un exposé de la situation.

65
On trouve évidemment des Npr métaphoriques sans déterminant, comme dans (le), où
l'absence d'article est conforme aux règles gouvernant l'usage de l'article devant les noms
communs. Considérez les énoncés dé (4) :

(4) a. André Rétif de la Bretonne, poussiéreux et sarcastique Rouletabille, ... (NO 914 : 54)
b. Mel Brooks, Don Quichotte du rire, ... (NO 899 : 61)
с Ils se déplacent sans hâte, Arsène Lupin des temps modernes (GPE : 118)
d. Cayrol a écrit son portrait de l'artiste en guignol... en Ulysse clownesque (NO 953 :
6)
Dans (4a-c), l'absence d'article est liée à la fonction appositive du Npr métaphorique ; dans
(4d), c'est la fonction de régime de la préposition en qui fait tomber l'article.
Un fait remarquable en ce qui concerne la structure interne du SN abritant le Npr
métaphorique, c'est la présence assidue de compléments modifieurs de divers types. Les adjectifs
épithètes, ainsi que les compléments en de sont légion, comme il ressort des exemples cités. À côté
des nombreux compléments en de, on note le nombre élevé d'adjectifs « ethniques », français,
allemand, autrichien, gaulois, etc., dont le rôle sémantique est souvent comparable 8. Considérez
(2d-f), (3b-d), ainsi que (5) et (6) :

(5) a. Il [= Jean Anouilh] rêvait d'être le Molière de notre époque (NO 1196 : 56)
b. ... ce nouvel Hamlet de Manhattan [= Woody Allen] (NO 983 : 50)
с ... cette Madame de La Fayette de l'ère du soupçon [ = Marguerite Duras] (NO 1067 :
51)
d. Cet Edouard Leclerc du tourisme... [= Jacques Maillot] (NO 917 : 16)
e. Le Boris Vian de la S. F. américaine... [= Robert Scheckley] (NO 1011 : 10)
f. ... ce Napoléon des acteurs [= Jean Cabin] (La Revue du Grand Livre du Mois, NO
42 : 24)

(6) a. ... le Cayatte américain [= Sidney Lumet] (NO 953 : 8)


b. ... le Pindare gaulois [= Ronsard] (NO 1069 : 66)
с ... un Hamlet yiddish [= Woody Allen] (NO 983 : 50)
d. Celui-ci [...] était tout de même une sorte de Malraux italien (NO 889 : 59)
Selon François Rastier, la fonction sémantique du complément en de serait ici celle d'une
enclosure 9, en ce sens qu'il « neutralise les incompatibilités entre les domaines sémantiques »
(1987 : 162). Cette hypothèse sera examinée dans la deuxième partie de cette étude (sous 2.2.3. ),
mais signalons dès maintenant qu'on observe la présence d'enclosures telles que une sorte de, un
vrai/véritable dans les SN hébergeant le Npr métaphorique. Considérez (lb) et (6d) ci-dessus, ainsi
que (7) et (8) :

(7) a. Sandrine Bonnaire, une sorte de petite Jeanne Moreau autodidacte (NO 1102 : 60)
b. ... une sorte de Vauvenargues impétueux [ = De Gaulle] (NO 1039 : 62)
с ... un présentateur de télé, une sorte de Poivre d'Arvor de l'Est, se jette dans la piscine
(NO 1307 : 64)

(8) a. ... c'est un véritable Roi Lear [= Michel Vitold] (NO 1011 : 7)
b. La plus jeune n'avait pas quatre ans et la plus vieille tout juste douze. De vraies
Cosette. (NO 1021 : 47)
Parmi les enclosures, il me semble qu'on pourrait également ranger l'adjectif préposé
nouveau, dans la mesure où cette épithète modifie la référence du Npr suivant. Considérez (2c)
ci-dessus ainsi que (9) :

8. Cf. p. ex. Bartning (1986).


9. Le terme « enclosure » est proposé par Kleiber et Riegel (1978) comme traduction française du terme
anglais hedge, lancé dans Lakoff (1972).

66
(9) a. M. Vivien voit dans Claude Estier un nouveau Goebbels (N0 886 : 48)
b. Il est le nouveau Don Juan et ses conquêtes sont innombrables [ = Romain Gary]
(Pawlovitch, P., L'homme que l'on croyait, p. 49)
c. ... ce nouveau Caspar Hauser (N0 1191 : 61)
II faut remarquer cependant que dans mon matériau, le Npr métaphorique est beaucoup
plue fréquemment accompagné de compléments postposés (adjectivaux, nominaux,
prépositionnels ou propositionnels), qu'introduit par des enclosures préposées. J'en ai déjà cité bien des
exemples ; vous en trouverez encore dans (10) :

(10) a. ... un Quichotte lucide [= Claude Mauriac] (NO 953 : 54)


b. Vous n'êtes qu'un Caligula puceau (NO 1046 : 45)
с Un Giraudoux paysan [ = Crommelynck] (NO 955 : 7)
d. ... un Chérubin noir éblouissant de sauvagerie et de grâce [= Michael Jackson] (NO
1189 : 47)
e. ... un Narcisse sans passion (Guimard, P., Les choses de la vie, p. 113)
On étudiera dans la deuxième partie de cette étude le rôle sémantique joué par ces
compléments.

1.2. Le rôle syntaxique et discursif du Npr métaphorique


Le Npr métaphorique ne semble pas être soumis à des contraintes particulières en ce qui
concerne la fonction syntaxique qu'il peut assumer dans la phrase. Il apparaît dans toutes les
positions permises aux SN et fonctionne comme sujet, objet direct ou indirect, comme attribut
du sujet ou de l'objet ou comme régime d'une préposition, ce qu'on peut constater à partir des
exemples cités dans la section précédente. Il est utilisé aussi bien comme expression référentielle
qu'en tant qu'attribut prédicatif. Notamment on constate qu'il se retrouve fréquemment dans
des cadres syntaxiques propices à l'apparition d'une interprétation figurée. Ainsi, toutes les
constructions observées par Tamine (1978) ou Tamba-Mecz (1981) pour le français et par
Brooke-Rose (1965) pour l'anglais comme favorisant le sens figuré, contribuent à véhiculer le
sens métaphorique des Npr. Il s'agit notamment des cadres syntaxiques SN-être-SN, où le Npr
a normalement la fonction d'attribut du sujet (cf. (lb, d), (2b, e), (3a), (5a), (6d), (8a), (9b),
(10b)) ; SN, SN, où il est apposition (ou sujet) (cf. (2f), (3b), (4a-c), (7a-c)) ; et SN de SN, où il
constitue le nom tête qui est suivi d'un complément en de 10. Dans ce dernier cadre, le rapport
sémantique entre le Npr et son complément est différent de celui qui s'établit normalement entre
un nom commun métaphorique et le même complément, car il y a ici un rapport d'appartenance,
non d'identité (voir ci-dessous, section 2.2.3.), mais les deux premières constructions sont tout à
fait parallèles pour les Npr métaphoriques et les métaphores nominales en général : le sujet est
une expression référentielle « littérale », désignant son réfèrent « ordinaire », l'attribut ou
l'apposition décrit ce réfèrent d'une manière « oblique » à l'aide d'une expression métaphorique.
Les rôles respectifs peuvent être inversés, comme on le voit dans (3b) ci-dessus ou dans (11) :

(11) D'ici à ce que sa Bovary, ce soit toi (BPD : 81)


A ces trois cadres syntaxiques productifs d'un rapport métaphorique entre deux SN
s'ajoute une construction avec le verbe jouer. Considérez (12), où on peut hésiter entre une
analyse du Npr métaphorique comme un attribut ou un objet direct :

(12) a. Combien de temps du vas continuer h jouer les Robinson des villes ? (NO 924 : 43)
b. Daguin qui joue les d'Artagnan de la poêle à frire, pourrait pondre « les Trois Godets
de Gascogne » (NO 891 : 5)

10. Le dernier cadre représente ce que Brooke-Rose (1965) appelle « the genitive link ». Celui-ci se laisse
exprimer également à l'aide d'adjectifs dénominaux comme français, américain, gaulois, etc. Martin (1983 :
191) l'appelle « la tournure genitive ».

67
c. Comment M. Arthur Conte a-t-il pu accepter de venir jouer les Guy Lux à
l'antenne ? (Le monde, cité par Le Bihan 1974 : 204)
d. Mais Claude Mauriac ne saurait se contenter de jouer les Eckermann de
quelques-uns des plus grands esprits de notre temps (NO 1146 : 55)
Le verbe jouer a ici le sens de « incarner », dans lequel il est normalement suivi du Npr d'un
rôle de théâtre (jouer Antigone, jouer Néron) mais où il peut être employé au figuré également
avec le sens « affecter des sentiments qu'on n'a pas » (PR 1987, jouer, III, 6) n. On peut
s'étonner du pluriel dans les exemples de (12), mais apparemment il s'agit d'une construction
figée caractéristique du Npr métaphorique, car elle est citée par PR à l'endroit de certains Npr
métaphoriques lexicalisés. Ainsi sous Don Juan, Don Quichotte et Tarzan on trouve
respectivement «jouer les don Juan ou les dons Juans » (PR 1987 : 568), «.jouer les don Quichottes » (ibid. :
569), « II joue les Tarzans sur la plage » (ibid. : 1927).
Ces constructions favorisant l'apparition d'une interprétation métaphorique du Npr aussi
bien que du nom commun comportent toutes, sauf SN de SN, deux SN coréférentiels, dont l'un
est interprété littéralement, l'autre métaphoriquement. Mais le Npr métaphorique n'est pas
exclu d'autres cadres syntaxiques moins favorables à l'interprétation métaphorique. De tels
cadres sont par exemple la fonction de sujet, d'objet direct ou indirect dans des énoncés ne
comportant pas d'autre SN coréférentiel du Npr métaphorique, comme dans (la, c, e), (2a),
(Зс-d) et dans plusieurs des exemples cités dans (5), (6) et par la suite. En général le contexte
verbal fournit alors un SN coréférentiel, comme il apparaît dans les exemples où le Npr de ce
réfèrent a été cité entre crochets après l'exemple 12. On trouve cependant des Npr
métaphoriques, pour qui le contexte ne fournit pas de SN coréférentiel, des prétendues métaphores in
absentia 13. Un Maigret dans (2a), ainsi que certains Rastignac soviétiques d'aujourd'hui dans (3d)
en sont des exemples. Vous en trouverez deux autres dans (13) :

(13) a. Quand il a terminé sa causerie, il se laisse draguer dans les coulisses par une Lolita
de douze ans (NO 986 : 18)
b. Ajoutons la rencontre d'un Charlus de la rive gauche (NO 1009 : 56)
On trouve également des Npr métaphoriques dans des énoncée existentiels d'un type
particulier, qui sert à affirmer l'existence de membres d'une classe dénotée par le Npr
métaphorique. Ceci pourrait éventuellement étonner, vu que c'est une construction qui n'est
nulle part citée comme propice à l'apparition d'une interprétation figurée. Considérez (14) :

(14) a. Hélas ! par une mutation imprévisible, les Césars engendrent des Nérons, voire des
Brutus (NO 1189 : 50)
b. ... la dernière guerre mondiale a fait des milliers de Polynice, morts sans sépulture
pourrissant au soleil, des milliers ď Antigone emmurées dans les cachots (NO 1154 :
52)
с (Prenez Folcoche. Elle n'aime pas ses enfants, car elle a épousé un homme qu'elle
n'aime pas. J'observe autour de moi.) Des Folcoches, il y en a des dizaines (HD 60 :
37)
d. (Borg a gagné trop d'argent, récolté trop de gloire aux quatre coins de la planète.
Il a décidé de se reposer, de s'enfermer dans le silence. Mais on n'échappe pas si
facilement à la gloire.) Des Borg il n'y en aura pas un cette année à Roland-Garros
mais des milliers (NO 915 : 44)

11. Les exemples qu'en donne PR sont -.jouer les incompris, jouer les victimes. Dans Lexis on trouve sous
jouer 4 (1988 : 998) le sens de « faire semblant d'avoir tel ou tel sentiment ; imiter un type de personnage »,
suivi de l'exemple Ne jouez pas les sceptiques. Bernet & Rézeau (1989 : 326) citeyouer les terreurs, où terreur est
défini comme « personne redoutable, qui fait régner la terreur ».
12. Il s'agit alors de ce que Brooke-Rose appelle un « simple replacement » et Tamba-Mecz (1981) une
« jonction anaphorique ». Voir Jonasson (à paraître a) pour un exposé des rapports entre le Npr et son « point
d'ancrage référentiel ».
13. Pour un examen des Npr métaphoriques in absentia, voir Jonasson (1990c).

68
e. (Vanessa... Une fille mince, jolie, sensible, de 19 ans, qui a voulu « en finir avec tout
ça » [...]) Au service de réanimation de l'hôpital Pellegrin, le docteur Xavier
Pommereau, psychiatre, en voit tous les jours, des Vanessa, et même plusieurs fois
par jour (N0 1374 : 18) [Vanessa est le Npr d'une jeune fille qui a fait une tentative
de suicide.]
La construction syntaxique de ces Npr, qu'il faudra sans aucun doute qualifier de
métaphoriques, ne semble pas productive d'une interprétation métaphorique des noms
communs. Effectivement, il semble qu'elle soit normalement plutôt réfractaire à une telle
interprétation. Aussi ces Npr métaphoriques semblent-ils à plusieurs égards se distinguer d'un
autre type de Npr métaphoriques qui se construisent eux, comme des métaphores nominales
typiques. Cette distinction sera examinée à la section 2.1.3. ci-dessous.
Résumons maintenant le rôle discursif assumé par le Npr métaphorique. Dans les
descriptions de la construction des métaphores nominales on constate en général que celles-ci
décrivent ou désignent un réfèrent qui le plus souvent a déjà été introduit dans le discoure par
une expression référentielle, parfois appelée « terme propre » 14. Appelons ce réfèrent le topique.
Il existe alors dans le discours une chaîne référentielle ou anaphorique IS, constituée par les
expressions désignant ce topique, à laquelle se rattache l'expression métaphorique. Telle est
également la situation de la plupart des Npr métaphoriques, dont le topique est en général facile
à repérer, car il est souvent saillant dans le discours, constituant parfois son thème. Dans deux
des cadres particulièrement productifs de métaphores, l'énoncé équatif (SN-être-SN) et la
construction appositive, le topique et le Npr métaphorique se retrouvent à l'intérieur de la même
phrase, le Npr métaphorique ayant alors une fonction predicative. Mais très souvent le Npr
métaphorique se trouve dans une position référentielle, reprenant anaphoriquement 16 un
topique introduit dans un autre énoncé du discours. C'est alors le déterminant du Npr (le plus
souvent dans ce cas l'article démonstratif), qui assure la relation de coréférence avec le topique.
Dans certains cas cependant aucun topique ne pourra être repéré dans le contexte environnant,
le Npr métaphorique étant alors une métaphore in absentia. En tant que telle, il introduit parfois
un nouveau réfèrent, comme dans (13a), où le personnage dénoté par une Lolita de douze ans n'a
pas été mentionné dans le discours précédent. Vu dans la perspective de la construction des
métaphores nominales en général, le rôle joué par les Npr métaphoriques de (14) est
remarquable. D'abord on observe que ce sont tous des SN indéfinis au pluriel. L'absence d'un
topique thématique est évidente dans (14a-b), dont le premier est un énoncé générique, le dernier
un énoncé décrivant une situation.
Si (14c-e) semblent également décrire des situations, le remarquable ici, c'est que dans le
contexte qui précède c'était justement le réfèrent original du Npr qui était le thème.
Or, en général ce réfèrent original n'est pas du tout saillant dans le discours entourant le
Npr métaphorique. Ici, le réfèrent thématique est d'abord décrit, ensuite cette description est
utilisée comme base descriptive d'un concept ou d'une classe, dont on affirme qu'elle est loin
d'être vide. Mais nous voilà glissant vers l'interprétation des Npr métaphoriques qui fera l'objet
de la deuxième partie de cette étude.

2. L'interprétation des Npr métaphoriques

2.1. La base descriptive

On vient de voir à propos des exemples (14c-e) que le contexte précédant l'apparition des
Npr métaphoriques des Borg, des Folcoches, des Vanessa, leur confère un contenu descriptif, une

14. Cf. p. ex. Tamine (1978), Tamba-Mecz (1981).


15. Cf. Kittay (1987 : 303).
16. Il y a également des emploie cataphoriquee, rares, du Npr métaphorique. Un tel emploi est illustré
dans (10c), qui figure comme titre d'un article où le topique est spécifié. Voir Jonasson (à paraître a).

69
base descriptive, en caractérisant pour chacun de ces Npr un réfèrent qui servira ensuite de
modèle interprétatif, de prototype. Ainsi Une Folcoche sera interprété comme dénotant une
femme qui n'aime pas ses enfants parce qu'elle n'aime pas son mari, leur père. Un Borg sera un
jeune sportif qui a trop vite accédé à la gloire et qui pour cela boude le public, et une Vanessa
est une jeune fille qui avait tout pour réussir mais qui a essayé de se suicider. Or, une telle
présentation d'un réfèrent original du Npr, ou d'un modèle interprétatif, est rarement présent
dans le discours. En général, l'auteur suppose les lecteurs capables de fournir eux-mêmes le
contenu descriptif nécessaire à la bonne interprétation du Npr. Ceci n'a rien d'étonnant, vu qu'à
presque tous les Npr métaphoriques utilisés est associé un réfèrent, réel ou fictif, bien connu dans
la communauté linguistique. Presque tous figurent en effet dans la partie encyclopédique du
Petit Larousse, et certains aussi dans sa partie linguistique 17. Le type ontologique de ce réfèrent
modèle ne semble pas avoir d'impact sur la possibilité qu'il serve de base descriptive d'un Npr
métaphorique, seul importe qu'il y ait dans la mémoire des sujets parlants un lien stable entre
le Npr, le réfèrent et sa ou ses propriété(s) caractéristique(s).
Comme on l'a vu à propos des Npr Borg, Folcoche et Vanessa, la base descriptive alimentant
l'interprétation des Npr métaphoriques peut être paraphrasée à l'aide d'une expression
caractérisant le réfèrent original du Npr. C'est également le cas, lorsque le sens métaphorique est
suffisamment lexicalisé pour apparaître dans les dictionnaires. Ainsi pour Don Juan et Don
Quichotte, PR donne respectivement « séducteur sans scrupules » et « homme généreux et
chimérique qui se pose en redresseur de torts, en défenseur des opprimés » ; pour Tarzan on
trouve « bel athlète », etc. Plusieurs remarques s'imposent à propos de cette base descriptive :
concernant premièrement le type de propriétés qu'elle détient, deuxièmement la présence d'un
réfèrent original, troisièmement les Npr métaphoriques dont la base descriptive semble plus
difficile à paraphraser.

2.1.1. Les propriétés sélectionnées


De quel type sont les propriétés retenues dans la base descriptive des Npr métaphoriques ?
Lyons parle de « l'arrière-plan descriptif d'un nom propre [qui] pourra servir de base à
l'utilisation predicative de ce nom dans des phrases comme 'Ce n'est pas un Molière' (où 'Molière'
symbolise le talent comique) » (1978 : 180). Lyons emprunte le terme « arrière-plan descriptif»
à Searle (1969, 1971), pour qui cette notion correspond à un ensemble de descriptions
identifiantes exprimant « certains faits essentiels et établis » (1971 : 138) au sujet du réfèrent. Or,
pour Searle, cet arrière-plan descriptif sert de base aux emplois référentiel (Paul danse) et
existentiel (Molière n'a jamais existé) d'un Npr et non à son emploi métaphorique, comme le
prétend Lyons. Ainsi, l'arrière-plan descriptif de Searle contient des faits et propriétés qui aident
à établir l'identité du réfèrent, tels que « être un philosophe grec, né à Stagire en 384 av. J.-C,
le précepteur d'Alexandre le Grand et l'auteur d'un grand nombre de traités de logique, etc. »
pour le Npr Aristote, ou simplement « la femme de Socrate » ou « le chat de mon voisin » pour
Xantippe. Étant donné qu'il s'agit de descriptions identifiantes, on pourra imaginer tous les
renseignements du type inclus dans un passeport comme fournissant l'arrière-plan descriptif à
l'emploi référentiel du Npr : date et lieu de naissance, nationalité, sexe, état civil, profession,
couleurs des yeux et des cheveux, taille, etc. Or, ce type de renseignements ne jouent pas un
grand rôle dans l'interprétation métaphorique du Npr et les propriétés de ce type sont souvent
explicitement gommées par les compléments des Npr métaphoriques, comme en témoignent des
exemples tels que le Gérard Philippe autrichien, un joli Rastignac en jupon, le Hugo de notre siècle,
ce Hamlet de Manhattan, le Joffre de l'économie, etc.
La base descriptive des Npr métaphoriques est d'une toute autre espèce. Dans cet emploi
du Npr, ce n'est pas l'établissement de l'identité exacte du réfèrent qui compte. Ici le Npr a une

17. Cf. Jonasson (1990c). Il s'agit de Npr de personnages historiques comme Napoléon, Mme de Lafayette,
Mme de Pompadour , Cléopâtre, Néron ; bibliques comme David, Goliath, Elie ; ou politiques comme Reagan,
Joffre, Jules Ferry, Messmer ; de Npr d'écrivains comme Molière, Hugo, Sartre, Musset ou Pindare ; de héros
mythologiques comme Ulysse, Antigone, Astyanax, Bérénice ou tirés d'oeuvres littéraires comme Hamlet,
Ophélie, Macbeth, Sherlock Holmes, Madame Bovary, Rastignac, Arsène Lupin ou Maigret ; de personnages réels
célèbres dans divers domaines culturels comme Mozart, Strehler, Borg, Isadora Duncan ou Elvis.

70
fonction descriptive (même en position référentielle) et non plus une fonction identifiante, et les
propriétés retenues sont donc tout autres que celles retenues dans son emploi référentiel. C'est
maintenant une ou plusieurs propriété(s) caractéristique^) ou un destin particulier qui
constitue(nt) la base descriptive. Ces aspects permettent d'établir un modèle mental du réfèrent
original qui en est conçu comme l'incarnation ou le parangon 18. Il s'agit en fait des propriétés
caractéristiques constitutives du sens prototypique des vocables. Car il faut en fait constater que
le Npr métaphorique renvoie en général à une catégorie 19 dont la structure est celle d'une
catégorie prototypique comportant un membre central idéal et des membres dont la
ressemblance avec ce membre modèle est plus ou moins parfaite. C'est cette structure prototypique de
la catégorie dénotée par le Npr métaphorique qui explique la présence des enclosures (une sorte
ele, vrai, véritable, etc.) notée dans la première partie de cette étude. Si les propriétés sur lesquelles
repose l'interprétation métaphorique des Npr ne sont donc pas en principe des propriétés
identifiantes du réfèrent, cela ne veut pas dire qu'il ne soit pas une propriété qui ne pourrait être
en même temps identifiante et caractéristique. Ainsi par exemple pour le Npr Pénélope (cf. (3a)),
dont l'une des interprétations métaphoriques est « épouse fidèle » 20, la propriété d'être marié me
semble pouvoir être considérée comme contribuant à la fois à l'établissement de l'identité du
réfèrent original et à l'image mentale qu'on se fait de lui et qui servira de base descriptive à
l'interprétation métaphorique.
Une autre question qui se pose au sujet de la base descriptive, c'est de savoir quelle(s)
propriété(s) caractéristique(s) sera ou seront sélectionnées(s) dans l'interprétation métaphorique.
Dans le cas des exemples du type (14), le contexte précédent indique comment il faut interpréter
les Npr y figurant. De même, pour les Npr dont la lecture métaphorique a été plus ou moins
lexicalisée, le problème ne se pose plus, une convention réglant désormais l'interprétation. Tel est
le cas de Don Juan, Don Quichotte, Hercule, David, Goliath, Tartuffe, Harpagon, Messaline, et j'en
passe. Parfois cependant, l'emploi d'un Npr semble être doublement métaphorique, comme celui
de Tarzan dans (3c). Si ce Npr doit ici être interprété dans le sens de « bel athlète », donné par
PR, on aura « nos beaux athlètes du fusain », qu'il faudra encore ré-interpréter, afin d'obtenir
l'isotopie nécessaire à la compréhension de l'énoncé. Cette constatation laisse soupçonner que
c'est en partie le topique qui décide du choix des propriétés retenues. Cela sera d'autant plus
évident que bour bien des Npr utilisés métaphoriquement, aucune propriété ne se présente a
priori comme caractéristique du réfèrent original. Il mènerait pourtant trop loin d'essayer de
répondre à cette question ici, et je la laisserai donc en suspens.

2.1.2. La présence d'un réfèrent


II est bien évident que le contenu descriptif, sur lequel repose l'interprétation métaphorique
des Npr, trouve son origine dans l'existence d'un réfèrent connu du Npr. La connaissance de ce
réfèrent doit être commune aux sujets parlants pour assurer la bonne interprétation du Npr.
Voilà une constatation qui peut paraître bien banale. J'aimerais pourtant soutenir qu'elle n'est
ni banale, ni triviale, mais qu'elle apporte de la lumière dans les deux domaines linguistiques
examinés ici, à savoir ceux du Npr et de la métaphore. Car elle met en relief l'importance du
réfèrent dans le processus de la métaphorisation 21. Or, on a suggéré qu'il était possible
d'assimiler l'interprétation métaphorique du Npr à son interprétation connotative 22. Mais
l'existence indispensable d'un réfèrent possédant certaines propriétés caractéristiques rend
impossible une telle assimilation. A un Npr peuvent effectivement être associées un tas de
connotations sans que cela permette un emploi métaphorique. Ce qu'il faut, c'est la présence
d'un réfèrent connu des interlocuteurs. Considérez un énoncé comme (15), dans lequel

18. Cf. Lakoff (1987), Kleiber(1990).


19. Voir ci-dessous, section 2.2.3., pour une précision en ce qui concerne la presupposition de l'existence
d'une catégorie ou d'une classe véhiculée par le Npr métaphorique.
20. L'autre interprétation étant selon Migliorini (1927) celle de « tisseuse ».
21. Cf. à ce sujet Villard (1984 : 55).
22. Cf. par exemple Kleiber (1981 : 410) et Marmaridou (1989).

71
manifestement le Npr Katchaturian est fortement connoté 23. La situation est la suivante : la
narratrice a mal aux dents et consulte l'annuaire pour trouver un dentiste qui pourra la soigner
et elle constate :

(15) De même, je repousse un Katchaturian, redoutant qu'il n'ait fait ses études chez les
Cosaques, dans un monde où la souffrance compte peu (BFG : 138).

Le Npr Katchaturian évoque chez la narratrice l'image d'un cosaque, et par l'intermédiaire
d'une croyance populaire, elle infère qu'il s'agit d'une personne dure, cruelle et insensible, qui lui
ferait sans doute du mal en la traitant. Aucun réfèrent précis n'est pourtant lié au Npr. Aussi un
emploi métaphorique du Npr Katchaturian semble-t-il impossible sans autre contexte spécifié.
Considérez (16) :

(16) Son dentiste était un vrai Katchaturian


Sans réfèrent original désigné pa Katchaturian, réfèrent qui puisse servir de modèle mental,
ce Npr reste difficile à interpréter comme métaphorique. Le seul cas où on puisse se passer de
l'image d'un réfèrent original connu, c'est lorsque l'interprétation métaphorique du Npr est
complètement lexicalisée et le lien entre le Npr et son réfèrent original effacé en faveur d'un lien
direct entre le Npr et un contenu descriptif. C'est le cas de mécène, qui ne s'écrit plus avec une
majuscule, tellement son origine propriale est oubliée 2*.
La présence nécessaire d'un réfèrent original porteur du Npr ainsi que de propriétés
caractéristiques de celui-ci, les deux choses fournissant un modèle interprétatif prototypique,
semble écarter une autre hypothèse concernant l'interprétation métaphorique, selon laquelle
cette interprétation, tout en assertant les connotations d'un item lexical, en nierait le sens littéral
dénotatif. Or, si c'était le cas, le Npr ne se serait pas appliqué d'abord à un réfèrent porteur du
Npr, comme il l'est manifestement. La lecture métaphorique du Npr présuppose au contraire que
celui-ci a d'abord été appliqué d'une manière « littérale », à quelqu'un qui le porte justement
comme nom propre. Dans les descriptions proposées récemment de la métaphore en général 25,
on constate également que l'interprétation figurée d'un item lexical présuppose l'existence d'un
sens littéral distinct. L'interprétation métaphorique s'alimente effectivement des propriétés
caractéristiques des entités « littéralement » dénotées par les lexemes. Pour le Npr cela signifie
que l'emploi métaphorique ne pourra surgir que s'il a d'abord été employé référentiellement,
appliqué à l'un de ses porteurs particuliers. Un tarzan ne recevra une interprétation
métaphorique que s'il existe ou a existé un particulier, réel ou fictif, appelé Tarzan 26.
Cela n'implique pas qu'il faille automatiquement adhérer à l'hypothèse soutenue par
Kleiber (1981) concernant le sens du Npr. Selon cette hypothèse, tout Npr référentiel
contiendrait le prédicat être appelé /iV/. On trouve cependant bien des arguments à l'encontre de
cette hypothèse 27, qui parlent en faveur d'une autre hypothèse faisant du Npr référentiel un
désignateur rigide 28, vide d'un sens lexical codifié qu'on pourrait appeler littéral. La contrainte
imposée à l'emploi métaphorique du Npr concernant la présence préalable d'un réfèrent se
formulera donc en termes d'emploi préalable comme désignateur rigide et non en termes de sens
littéral préalable. Cet emploi du Npr comme désignateur rigide correspondrait, pour le nom
commun, à une application littérale.

23. Cf. Jonasson (1990a).


24. On trouve dans mon matériau un seul exemple infirmant l'hypothèse selon laquelle la présence d'un
réfèrent comme origine de la base descriptive serait nécessaire. Il s'agit du Npr Marie-Chanted, qui figure dans
le titre d'un article du Nouvel Observateur traitant de l'écrivain danois Karen Blixen : Une Marie-Chantal de
la brousse. Le Npr Marie-Chantal admet un sens conventionnalisé de « jeune fille snob de la bourgeoisie aisée »,
fondé non sur un réfèrent connu mais sur des connotations nourries de la fréquente attribution de ce Npr aux
femmes de la haute bourgeoisie parisienne du XVIe arrondissement. Cf. Wilmet (dans ce volume).
25. Cf. par exemple Kittay (1987), Rastier (1987).
26. Dans la terminologie de Gardiner (1954) on dirait que le Npr doit être « incarné » afin d'être employé
métaphoriquement.
27. Voir par exemple Martin (1983, 1987), Le Bihan (1987) et Jonasson (en préparation).
28. Cf. Kripke (1972).

72
2.1.3. Deux types de Npr métaphoriques
La base descriptive sur laquelle se fonde l'interprétation métaphorique de Npr comme Don
Juan (« séducteur sans scrupules »), Don Quichotte (« redresseur de torts, etc. »), Hercule
(« homme d'une force physique exceptionnelle »), Tartuffe (« personne hypocrite ») ou Tarzan
(« bel athlète ») est conventionnalisée et reste assez stable à travers les usages attestés, de
manière qu'on peut parler d'une lexicalisation de ces Npr métaphoriques. Mais il y a d'autres
Npr pour lesquels on hésiterait à donner tout de suite une paraphrase de la base descriptive.
Pour Mozart on peut encore dans la littérature trouver l'interprétation « génie musical », pour
Molière « talent comique » 29, mais qu'est-ce qu'une Jeanne Moreau, une Madame de La Fayette,
un Marcuse, un Edouard Leclerc, un Joffre, un Mauroy, un Clint Eastwood, etc. ? On ne saurait
répondre à ces questions sans avoir recours au contexte dans lequel figurent ces Npr. Leur emploi
métaphorique est loin d'être lexicalisé et semble en fait résulter d'une impression originale que
l'auteur ressent un besoin d'exprimer. On aperçoit ici le rôle fondamental joué par les
compléments modifieurs entourant ces Npr métaphoriques. Aucun de ces Npr ne figure seul avec
l'article indéfini, et ils sont tous modifiés par un complément. Ainsi, dans (7a) le Npr Jeanne
Moreau est modifié par trois expressions différentes et les autres Npr cités ci-dessus rentrent tous
dans la tournure genitive : ils sont introduite par un article défini, possessif ou démonstratif et
leur complément détermine l'appartenance du topique à un domaine particulier, temporel,
géographique ou professionnel en l'occurrence. De plus, ces Npr métaphoriques n'apparaissent
pas comme des métaphores in absentia, un topique explicite étant toujours présent dans le
discours.
Il semble en effet possible de distinguer deux types de Npr métaphoriques, dont les uns
seraient plus ou moins lexicalisés, les autres pas du tout. La frontière entre ces deux types
n'étant pas toujours nette, il semble s'agir plutôt d'une différence de degré que d'une stricte
délimitation. Le type lexicalisé est représenté par le premier groupe de Npr cité ci-dessus, par les
Npr de (14), ainsi que par des Npr comme Cassandre, Pénélope, Ulysse, Lolita, Rastignac, Mozart,
Molière, etc. Ils consistent presque toujours en un seul Npr, un prénom ou un nom de famille,
qui peut prendre l's du pluriel. Ils se construisent parfois avec des compléments mais, souvent
uniquement avec l'article, souvent l'indéfini du pluriel. Ils figurent dans des chaînes anaphori-
ques établies en tant que foyers d'une métaphore dont le topique est explicitement présent dans
le contexte, mais aussi comme métaphores in absentia. D'origine, ils désignent en général, mais
pas toujours, des personnages mythologiques ou fictifs. Leur base descriptive est
conventionnalisée et reste stable à travers les usages attestés, et ils se rapprochent effectivement de noms
communs. Dans ce groupe il faut également ranger Borg, Folcoche et Vanessa de (14), bien que
ces Npr ne soient pas lexicalisés dans la langue. L'auteur de ces exemples, leur ayant fourni un
contenu descriptif dans le contexte immédiatement précédant, fait pourtant comme s'ils étaient
lexicalisés. Ils figurent comme des métaphores in absentia et Folcoche prend Vs du pluriel. Pour
signaler le caractère paradoxal de cet emploi, on pourrait le qualifier de lexicalisation discursive
ou immédiate du Npr.
Le type non-lexicalisé est illustré dans le second groupe du paragraphe précédent et dans
des exemples tels que (2 b-e), (4c), (5c-e), (6a-d), (7). Du type non-lexicalisé sont également
Isadora Duncan, Karl Kraus, McEnroe, Madeleine Robinson, Orson Welles, etc. Ces Npr
métaphoriques ne consistent jamais en un seul prénom, mais souvent en un Npr complet,
comprenant un prénom et un nom de famille. Ils ne prennent jamais Vs du pluriel. De plus, ils
n'apparaissent pas seuls avec l'article indéfini, mais toujours avec des compléments ou des
enclosures et souvent avec les articles défini, possessif ou démonstratif. Ils ne figurent pas comme
des métaphores in absentia mais toujours dans une chaîne anaphorique comportant un topique
explicite dans le discours. Leur réfèrent original est d'habitude un personnage réel, souvent plus
ou moins notre contemporain. Leur base descriptive n'est pas conventionnalisée et leur
interprétation est fortement influencée par leur construction syntaxique qui contient de
nombreux indices invitant à une lecture métaphorique. Dans la section 2.2.3 on examinera le rôle
instructif des compléments modifieurs dans le processus métaphorique.

29. Cf. Lyone (1978 : 180), Kalverkamper (1978 : 327ee.).

73
2.2. La métaphorisation

2.2.1. L'implication des deux domaines


Dans la plupart des descriptions récentes de la métaphore, celle-ci est considérée comme
l'application d'un terme servant normalement à dénoter une entité appartenant à un certain
domaine notionnel à un phénomène appartenant à un autre champ conceptuel 30. Ainsi des
termes comme loup ou lion, s'appliquant normalement à des animaux, sont interprétés comme
métaphoriques, lorsqu'ils sont appliqués à des humains. Dans le lendemain, cette gueuse (Céline),
le terme gueuse, s'appliquant normalement à une femme, est appliqué à une portion du temps,
à un phénomène temporel. Dans la cave de l'existence (Céline), un phénomène abstrait est décrit
à l'aide du terme cave, renvoyant d'habitude à la partie basse d'une maison, donc à quelque
chose de concret. Cette application « anomale » entraîne un transfert de propriétés d'un domaine
(celui des animaux, des hommes ou des choses concrètes) à un autre domaine conceptuel (celui
des humains, des phénomènes temporels et abstraits respectivement). Si, par contre, on emploie
un terme pour un autre à l'intérieur d'un même domaine conceptuel, on obtient non pas une
métaphore mais un autre type de figure, comme la métonymie 31 : on a par exemple voile pour
bateau dans le domaine de la navigation, fourchette pour mangeur dans le domaine de
l'alimentation 32, etc. L'implication de deux domaines conceptuels distincts semble en effet être
une condition nécessaire à l'apparition d'une métaphore. On ne pourra donc pas employer chat
pour chien ou orme pour chêne 33, chaise pour table, fourchette pour couteau ou stylo pour crayon 3*.
Dans la mesure où l'on arrive à construire des métaphores dont le topique et le foyer semblent
appartenir au même domaine sémantique, il s'avérera que ceci n'est qu'une apparence.
Considérez les exemples suivants, proposés respectivement par Rastier (1987 : 196), Kittay
(1987) et Turner (1988) :

(16) a. La lune est le soleil des loups


b. L'aveugle est un voyant
с Ce pékinois est un doberman

Selon Rastier, le contraste nécessaire dans (16a) entre les domaines respectifs de lune et de
soleil, qui appartiennent tous les deux au domaine 35 des corps célestes, est assuré par le
complément des loups. Créant un paradigme nouveau, ce contexte situe la lune dans le domaine
des animaux et par inference le soleil dans celui des humains. De même, Kittay constate au sujet
de (16b), qu'aveugle et voyant, qui sont des antonymes dans le domaine de la capacité visuelle,
seraient impossibles à joindre dans un rapport métaphorique, si voyant n'appartenait pas aussi
à un autre domaine, à savoir celui de la capacité de lire l'avenir. Le raisonnement de Turner
(1988 : 16) à propos de (16c) est un peu différent, vu qu'il s'intéresse au rapport cognitif
d'analogie plutôt qu'au rapport linguistique de métaphore, mais l'important dans (16c), c'est
que doberman, tout en désignant, comme pékinois, une race de chien, s'inscrit aussi dans le
paradigme des humeurs et des tempéraments canins, vu que ce terme connaît déjà un emploi

30. Lee termes « domaine notionnel » et « champ conceptuel » eont ici interchangeables et correspondent

antres. C'est ainsi que sont constitué les « champs sémantiques », qui sont donc des domaines conceptuels
articulés par des champs lexicaux. Un domaine notionnel peut cependant être identifié sans être articulé,!, ce
qui est important quand il s'agit de comprendre le rôle cognitif de la métaphore. Les domaines conceptutels
sont identifiés perceptuellement (formes, couleurs, etc.) ou culturellement (activités, sciences, arts, etc.).
31. Cf. Kittay (1987 : 293ss).
32. Cf. Rastier (1987 : 187).
33. Cf. Rastier (1987 : 187).
34. Cf. Kittay (1987 : 291).
35. Dans la terminologie de Rastier, lune et soleil font partie non seulement du même domaine mais du
même taxème, en partageant le sème microgénérique 'corps céleste', mais cet aspect n'a pas d'importance pour
le raisonnement ici.

74
métaphorique conventionnalisé suggérant l'aggreseivité 36. La reconnaissance du caractère
métaphorique des énoncés de (16) ainsi que leur interprétabilité sont pourtant fortement
tributaires de certains indices signalant une interprétation métaphorique des SN attributs : à
part la construction avec être, qui convient également à des rapports équatifs littéraux (La
baleine est un mammifère, Le mari de Sylvie est l'amant de Madeleine), il y a dans (16a) le
complément en de, la tournure genitive, dont on a déjà vu la pertinence et qu'on verra encore
examinée ci-dessous (section 2.2.3). Dans (16b-c) l'attribut connaît déjà un emploi métaphorique
lexicalisé. De plus, le sujet spécifique de (16c) contribue à faciliter l'interprétation métaphorique,
comme cela se produit également dans (17a-b) 37 :

(17) a. ? Un médecin est un boucher


b. Ce médecin est un boucher
Alors que (17a) est difficile à interpréter à cause du rapport équatif instauré entre deux
termes incompatibles relevant du même domaine conceptuel (celui des professions), (17b) est
reconnu et interprété comme un énoncé métaphorique. Le terme boucher est alors interprété dans
le sens métaphorique conventionnalisé de « chirurgien maladroit et brutal ». Pourquoi cette
interprétation n'est-elle pas disponible pour (17a) ? La différence s'explique par la différence de
statut des deux énoncés : (17a), étant un énoncé générique, exprime une équivalence entre deux
catégories. Son but est donc d'influencer notre manière de catégoriser en transgressant nos
structures conceptuelles. (17b) par contre, étant une prédication avec un sujet spécifique,
n'essaie pas de violer ces structures mais les utilise pour caractériser un particulier. Or, un
membre particulier d'une catégorie peut naturellement se distinguer du reste de la catégorie sans
que la position de celle-ci soit menacée 38. Il est clair que cette contrainte concernant la spécificité
du sujet topique joue un grand rôle pour les Npr métaphoriques, dont le topique est presque
toujours un particulier.

2.2.2. Les domaines et les Npr


Le problème principal qui se pose dans l'examen des domaines dans lesquels s'inscrivent les
Npr relève naturellement de leur position en dehors de la structure sémantique de la langue et
de leur absence de relations intersémémiques 39. Etant donné que les Npr sont dépourvus d'un
sens lexical codifié, spécifiant leurs conditions d'application, et qu'ils ne sont pas attribués aux
particuliers conformément aux règles linguistiques, ils ne sont pas sérieusement concernés par la
structuration du lexique ordinaire. Si on a proposé que les Npr se répartissent en champs
sémantiques selon qu'ils désignent des personnes, des animaux, des voitures, des groupes de
rock, etc. 40, on voit mal pourtant comment ces champs seraient articulés, et les uns par rapport
aux autres et sur le plan interne. De plus, étant donné que les Npr étudiés ici désignent tous des
personnes, ils se situeraient tous dans un même domaine, celui des termes désignant des
humains. Comment peut-on alors joindre dans un rapport métaphorique un topique humain et
un Npr foyer qui relève du même domaine conceptuel ? Une partie de la réponse a déjà été

36. Cf. aussi Martin (1983 : 193), qui dit à propos de l'énoncé Ce bouleau est un chêne, que son
interprétation métaphorique est rendue possible grâce à la construction d'un « genre » comme celui « arbres
de grande taille ». Une autre manière de dire cela, c'est de constater que le terme chêne, qui entre dans le
domaine des espèces d'arbre, contribue également à décrire le domaine de la taille des arbres.
37. Cf. aussi l'exemple cité dans la note (26), ainsi que Kleiber (1983).
38. Cf. Turner (1988 : 16), qui dit : « The deictic "this pekinese" clarifies that I am not talking about the
category pekinese, and thus I am not endeavouring to transcend category structure. We all know that a
category can have some unusual particular members, and that to comment on one particular member is not
to disturb the category ». Il faudra peut-être ajouter que s'il semble particulièrement difficile d'accepter un
énoncé générique comme (17a), c'est sans doute parce qu'il est dur de voir la similarité généralisée entre les
médecins et les bouchers, le rôle des premiers étant notamment de sauver la vie et non de la supprimer comme
le suggère le terme boucher. En plus de la structure conceptuelle, il y aurait donc des connaissances
extra-linguistiques, des normes culturelles et sociales pour empêcher l'interprétation de (17a).
39. Cf. Kleiber (1981 : 404-417).
40. Cf. Adrienne Lehrer au cours d'une conférence donnée à Stockholm le 22 mai 1989. Cf. aussi Allerton
(1987) pour une sous-catégorisation sémantique des Npr.

75
donnée à propos des exemples (16c) et (17b) : en utilisant certains indices, qui fonctionneront
comme des instructions guidant l'interprétation métaphorique, en créant de nouveaux champs,
domaines ou paradigmes. Avant d'examiner quels peuvent être ces domaines, penchons-nous un
peu sur la nature du Npr comparée à celle du nom commun.
Il faudra d'abord constater que le Npr a une autre fonction dans la langue que le nom
commun : il n'est pas là pour distinguer une catégorie de phénomènes ayant des propriétés en
commun, il est là pour désigner un particulier, pour le distinguer des autres particuliers qui
peuvent lui ressembler. En le désignant, le Npr le distingue des autres particuliers à l'aide
uniquement de sa propre forme, et non pas en vertu des propriétés que ce particulier possède. Les
particuliers désignés ne pourront donc pas à partir de leur Npr être répartis hiérarchiquement en
catégories, classes, domaines, etc., mais uniquement en catégories de particuliers portant le
même Npr. C'est ainsi qu'on pourra dire qu'un Alfred est une personne appelée Alfred. On pourra
alors suggérer que, si on dit d'une personne appelée Alfred que c'est un Napoléon, il se passe à
peu près la même chose qu'en (16c) et (17b) : On a deux SN relevant du même domaine mais
dénotant des catégories incompatibles. Pour interpréter l'énoncé, il faudra construire un
nouveau domaine dans lequel l'attribut entrera. Un domaine accessible sera celui des types
humaine, étant donné qu'au Npr Napoléon est associée l'image d'un type humain incarné par un
réfèrent original bien connu, l'empereur Napoléon Bonaparte.
Pourra-t-on conclure alors que le fait qu'on sache qu'une personne ne porte pas un certain
Npr qui lui est appliqué, est suffisant pour reconnaître ce Npr comme métaphorique ?
Evidemment, un tel fait est un indice signalant la possibilité d'une interprétation métaphorique
du Npr, mais il constitue une condition qui n'est ni suffisante, ni nécessaire à l'apparition d'une
interprétation métaphorique du Npr. Elle est insuffisante, car il y a des énoncés comme ceux de
(18), où un Romanov et un Chabut ne sont pas employés métaphoriquement 41 :

(18) a. Waldo Cox (mon jardinier) est un Romanov (Kleiber 1981 : 343)
b. Mme Remage était une Chabut (Simenon, cité par Togeby 1982 : 162)
Les Npr Chabut et Romanov doivent ici être interprétés comme « membre de la famille
Chabut » et « membre de la dynastie des Romanov ». Tout Npr appliqué à une personne qui ne
le porte pas, n'est donc pas métaphorique. De plus, cette même condition n'est pas nécessaire à
l'apparition de la lecture métaphorique d'un Npr. Dans bien des cas, on ne connaît pas le Npr
porté par le ou les particulier(s) au(x)quel(s) est appliqué le Npr métaphorique. Considérez à ce
sujet les exemples (la), (3a, c-e), (4c), (7c), (8b), (13a-b), dans lesquels les Npr portés par les
topiques ne sont pas mentionnés, et (le) et (2a) où les topiques sont non-spécifiques, etc. Le
caractère non-nécessaire de la condition (que le topique porte un autre Npr que celui qui lui est
appliqué métaphoriquement) apparaît aussi dans les exemples fabriqués de (19) :

(19) a. Lolita Smith est une vraie Lolita


b. Hercule Poirot n'est pas un Hercule
Quelqu'un qui s'appelle Lolita peut bien être une jeune fille du type décrit et immortalisé
dans le roman de Nabokov, et un monsieur s'appelant Hercule peut être ou ne pas être « un
homme d'une force physique exceptionnelle ». L'origine même du sens des Npr métaphoriques
semble aussi infirmer l'hypothèse qu'une personne ne peut pas porter le Npr qui lui est appliqué
comme caractérisation : le réfèrent original était bien porteur du Npr métaphorique, tout en
étant devenu ensuite le membre par excellence, le prototype d'une catégorie désignée par ce Npr.
A en juger par les exemples (18) et (19), l'apparition de la lecture métaphorique d'un Npr
serait donc plus ou moins indépendante de l'existence d'un contraste entre le Npr porté par le
topique et le Npr employé métaphoriquement. Il faut cependant observer que les énoncés de (19)
contiennent des indices qui favorisent une interprétation métaphorique du Npr attribut. Dans
(19a) il s'agit de l'enclosure un vrai, qui signale que la catégorie dénotée par le Npr est du type
prototypique et non du type classique, bien délimité, comme elle le serait si le Npr était

41. Cf. Kleiber (1981) et Jonaeson (1990a).

76
interprété dans le sens dénominatif, être appelé /IV/ *2. Dans (19b), c'est la négation qui indique
que cette dernière interprétation est exclue, vu que le particulier désigné s'appelle en effet
Hercule et est donc « un Hercule » dans le sens dénominatif du Npr. Sans ces indices, les énoncés
seraient ambigus, et seul le contexte dans lequel ils s'inséreraient serait décisif pour leur
interprétation. Dans la plupart des cas cependant, il faut bien l'admettre, le topique porte un
Npr différent du Npr qui lui est appliqué métaphoriquement, des énoncés comme ceux de (18)
et (19) étant plutôt exceptionnels. L'interprétation des Npr métaphoriques ne posera alors pas
de problème dans la mesure où le domaine des types humains s'ouvre devant nous. Tel est
évidemment le cas des Npr discutés dans cette section, Napoléon, Lolita, Hercule. Étant plus ou
moins lexicalisés, ils connaissent déjà un emploi métaphorique conventionnalisé, dans lequel ils
décrivent un type humain. Cet emploi est signalé par la présence de l'article indéfini, qui
présuppose l'existence d'une classe référentielle. On peut donc dire que la présence de l'article
indéfini rend disponible le champ conceptuel des propriétés et types humaine. Précédée de
l'article indéfini et appliqués à un particulier dans le but de le décrire, ils produisent alors un
transfert des propriétés d'un type à un particulier. La métaphorisation des Npr pourrait alors
être décrite comme l'application au domaine des propriétés et types humains, d'un terme qui sert
à désigner un particulier.
Le problème se pose encore pourtant, lorsque le Npr n'est pas associé à une interprétation
métaphorique conventionnalisée, c'est-à-dire lorsqu'on emploie un Npr non-lexicalisé comme
métaphore. Si le domaine des types humains s'ouvre plus ou moins automatiquement à l'aide de
l'article indéfini, on pourra quand même hésiter en ce qui concerne l'interprétation du Npr,
lorsqu'on n'a pas une base descriptive stable. On verra dans la section suivante que par
l'intermédiaire des compléments, d'autres types de domaines pourront être distingués au sujet
des particuliers.

2.2.3. Le rôle des compléments


En ce qui concerne le rôle des compléments accompagnant les Npr métaphoriques, on
observe d'abord, que sémantiquement ils ne se rapportent pas au réfèrent original de ce Npr,
mais au topique. Ainsi, dans (10a) c'est bien Claude Mauriac qui est lucide, pas Quichotte, dans
(ld) ce n'est pas le héros de Balzac mais l'héroïne de Menchov qui porte le jupon, et dans (2b)
c'est Alain Delon et non Clint Eastwood qui est à nous. De même, c'est en réalité Heltau et non
Gérard Philippe qui est autrichien dans (2d), et Ajar et non Pouchkine circule dans les ténèbres
de Paris. La propriété ou l'appartenance exprimées par ces compléments semblent même être en
opposition avec ce qu'on sait du réfèrent original du Npr métaphorique : la lucidité ne fut guère
caractéristique de Quichotte, ni le jupon de Rastignac et la France est aussi peu la patrie de Clint
Eastwood que l'est l'Autriche en ce qui concerne Gérard Phib'ppe. Les compléments font donc
naître un contraste à l'intérieur du SN hébergeant le Npr métaphorique entre le réfèrent original
et sa propriété ou son appartenance, qui ne sont pas celles du réfèrent original mais du topique.
Ce contraste freine une interprétation « littérale » du Npr et agit comme instruction à
l'interlocuteur de construire une interprétation métaphorique du Npr. Il y a dans mon matériau
un exemple pour lequel cette constatation ne joue pas, et c'est l'exemple (13a), où le Npr Lolita
est modifié par de douze ans. Cet âge était bien celui de la Lolita originale de Nabokov, et le
contraste recherché n'apparaît donc pas. Du coup, le caractère métaphorique du Npr paraît
nettement moins sensible. La « double vision » si caractéristique du rapport métaphorique
disparaît à la faveur de l'impression d'une lexicalisation complète du Npr Lolita, impression
d'autant plus forte qu'il s'agit dans (13a) d'une métaphore in absentia.
On constate également que le rôle sémantique des compléments n'est pas toujours le même.
De fait, ils se répartissent en deux groupes selon qu'ils ont une fonction classifiante ou
caractérisante. Il est évident que les compléments en de et les adjectifs ethniques, exprimant
l'appartenance, sont plutôt classifiants. Par contre, de nombreux compléments postposés,
décrivant des propriétés, sont caractérisants, comme les adjectifs obèse, jeune, clownesque, muet,

42. Pour ce terme, voir Jonaeson (1990b).

77
éloquent, lucide, etc., ou les syntagmes prépositionnels en pantoufles, de bonne humeur, aux cheveux
roux, sans passion, etc. Cette différence s'accompagne d'une différence dans l'emploi des articles.
La plupart (20 sur 35) des Npr métaphoriques contenant un complément en de, et 8 des 10
comportant un adjectif ethnique, sont introduits par l'article défini le (la). Dans tout le reste de
mon matériau, ce sont les articles indéfini et démonstratif qui dominent. On a donc d'un côté des
Npr métaphoriques du type le Boris Vian de la S.F. américaine, d'autre part le type un Karl
Kraus muet, cet Orson Welles aux cheveux roux. Cette distinction entre deux types de Npr
métaphoriques paraît refléter une différence située d'une part dans le rôle sémantique du
complément et d'autre part dans le type de métaphorisation mis en jeu.

2.2.3.1. Les compléments caractérisants


Si, comme on le verra ci-dessous, le complément classifiant sert surtout à signaler le
contraste nécessaire entre deux domaines, le rôle principal du complément caractérisant semble
être d'atténuer un contraste entre les images de deux modèles mentaux, en modifiant le contenu
descriptif apporté par le Npr afin de le rendre plus conforme au topique. Si on peut dire que le
Npr métaphorique impose au topique l'image de son réfèrent original, cette image est altérée par
certaines propriétés relevant du topique. Ainsi, lorsqu'on affirme dans (7a) à propos de Sandrine
Bonnaire qu'elle est une sorte de petite Jeanne Moreau autodidacte, l'image de cette dernière est
modifiée par les adjectifs petit et autodidacte : il faut la voir plus petite et moins professionnelle.
Dans ce cas et si on n'est pas trop pointilleux (condition suggérée par l'enclosure une sorte de),
on acceptera peut-être l'assimilation de Sandrine avec Jeanne. De même, si on choisit de décrire
une femme à l'aide du Npr Rastignac qui est un Npr masculin, il faudra peut-être ajouter le
complément en jupon pour qu'on ne voie pas cette femme en veste et pantalon, dans l'habit
typique du héros balzacien.
Étant donné que les compléments caractérisants figurent surtout dans des SN où le Npr
métaphorique est introduit par un article indéfini ou démonstratif, articles qui présupposent
l'existence d'une classe référentielle dénotée par le Npr, rendant ainsi disponible le domaine
conceptuel des types humains, leur premier rôle n'est pas de créer un nouveau domaine. Leur rôle
ici est avant tout de faire coïncider les deux images évoquées et assimilées : celle du réfèrent
original et celle du réfèrent topique.

2.2.3.2. Les compléments classifiants


Rappelons que les Npr métaphoriques dont le complément est classifiant, sont presque
toujours introduits par l'article défini. L'article défini présuppose l'existence d'un particulier et
non celle d'une classe, comme le font les articles indéfini et démonstratif. C'est l'image non d'un
type mais d'un particulier qui est évoquée. Si les Npr métaphoriques du type le Boris Vian de
la S.F. américaine ne donne donc pas toujours immédiatement accès au domaine conceptuel des
types humains, le complément fournit ici le contraste nécessaire entre les domaines. Ces
domaines seront pourtant un peu différents des domaines conceptuels mis en jeu dans la
métaphorisation des noms communs. Comme on l'a signalé ci-dessus, sous 2.2.2., les Npr ne
s'inscrivent pas dans des réseaux lexicaux, dans des structures hiérarchiques sémantiques, étant
donné qu'ils désignent des particuliers sans les répartir en catégories conceptuelles. Or, ces
particuliers eux-mêmes se situent dans des domaines mondains ou encyclopédiques divers, qu'il
est possible d'exploiter cognitivement. Ainsi, les particuliers sont installés à divers endroits dans
l'espace et le temps, sur l'échelle sociale et dans des catégories professionnelles. De même ils ont
un certain âge, un état civil et appartiennent au sexe masculin ou féminin. Ces domaines, qui
relèvent de connaissances plutôt encyclopédiques que linguistiques ou lexicales, s'avèrent en
effet pertinents, lorsqu'il s'agit de catégoriser les particuliers humains. Le lecteur aura
certainement déjà observé que c'est à ce type de domaines encyclopédiques que se rapportent
bien des compléments postposés des Npr métaphoriques. On a ainsi des compléments renvoyant
à des domaines temporels, comme de notre époque, de son temps, des années 20, de l'ère du soupçon,
des temps modernes, d'aujourd'hui, etc., professionnels, comme des acteurs, de l'économie, du rire,

78
du show-biz, des networks, du tourisme, du fusain, etc., ou spatiaux, comme de l'Est, de Manhattan,
du Vendômois, de la rive gauche, etc. Si l'espace est un pays, le complément a la forme d'un
adjectif ethnique : français, allemand, italian, chinois, etc. Le lieu est souvent caractérisé d'une
manière ou d'une autre, et il s'agit alors plutôt du milieu environnant, comme dans des ténèbres
de Paris, des steppes, des villes, du dedans, etc. On se rappelle que tous ces compléments
expriment l'appartenance du topique, et non celle du réfèrent original, à un domaine
encyclopédique, si bien qu'il y a toujours un contraste à l'intérieur du SN abritant le Npr
métaphorique. S'il s'agit ici du contraste entre les domaines nécessaire à la lecture métaphorique,
ce contraste pourra donc apparaître dans la métaphorisation des Npr en termes encyclopédiques
aussi bien que conceptuels. Cela s'expliquerait du fait qu'ils désignent des particuliers mondains
et non des catégories sémantiquement organisées.
Si le rôle du complément classifiant est donc principalement de signaler les deux domaines
qu'il faudra comparer, il sert en même temps d'instruction à l'interlocuteur dans le choix des
aspects qu'il devra sélectionner du réfèrent original du Npr. Si Barre est le Joffre de l'économie,
son rôle dans la gérance de l'économie française sera comparable au rôle tenu par le maréchal
Joffre dans la première guerre mondiale, caractérisé par de grandes batailles contre les forces
trop importantes de l'ennemi. Il faudra faire abstraction de tout ce qui a trait au côté concret
de la guerre bien sûr, ce qui ne serait pas le cas si on disait d'un officier allemand qu'il était le
Joffre allemand.
De cette manière le complément classifiant n'est pas sans jouer un peu le même rôle que le
complément caractérisant : modifier l'image du réfèrent original afin de l'adapter au réfèrent
topique. En effet, on trouve pas mal d'exemples où le complément joue pour ainsi dire un double
rôle : celui de signaler un contraste entre les divers domaines et en même temps atténuer la
différence entre les deux images évoquées. C'est le cas dans une Emma Bovary des steppes, un
Musset de province, ce Quichotte de brasserie. Ce double rôle est particulièrement net dans certains
compléments métonymiques, décrivant le vêtement maie concernant soit le sexe, soit une
époque : en jupon, en costume moderne.
Pour le type le Boris Vian de la S. F. américaine, la métaphorisation du Npr consisterait
donc en un rapprochement entre deux domaines encyclopédiques distincts. A l'intérieur d'un de
ces domaines le réfèrent original du Npr occupe une position privilégiée, qui l'a rendu plus ou
moins célèbre. Lorsque cette structure ou figuration est appliquée à l'un des domaines
encyclopédiques dans lesquels s'inscrit le réfèrent topique, il s'avère que la position de celui-ci
dans ce nouveau domaine peut être comparée à celle du réfèrent original dans le domaine initial.
L'interlocuteur donnera d'autant plus facilement son accord que l'image livrée du réfèrent
original du Npr est modifiée pour mieux coïncider avec celle du réfèrent topique. Rappelons la
remarque de François Rastier au sujet du rôle du complément en de (cf. ci-dessus, section 1.1.),
qui serait celui de neutraliser les incompatibilités entre les domaines sémantiques. Cette
remarque ne semble correcte qu'à moitié, car le complément sert d'une part à signaler une
incompatibilité et d'autre part à atténuer les différences entre deux images mentales entre
lesquelles est affirmée une ressemblance.
Comme les exemples cités dans cette étude l'auront montré, la métaphorisation des Npr est
un mécanisme très productif en français contemporain. Dans la presse hebdomadaire
d'information, où je l'ai surtout examinée, on trouve chaque semaine des exemples mettant en jeu de
nouveaux Npr métaphorisés. N'importe quel Npr de famille ou complet, désignant un réfèrent
connu dans la communauté linguistique semble pouvoir être métaphorisé dans les constructions
syntaxiques propices à une interprétation métaphorique ou dans une position référentielle
anaphorique. Les propriétés caractéristiques de ce réfèrent connu servent de base descriptive à
l'interprétation métaphorique, à l'apparition de laquelle contribue la présence du déterminant et
des compléments de divers types, dont le rôle peut être double. Certains Npr connaissent un
emploi métaphorique plus ou moins lexicalisé. Ils consistent en général en un seul Npr, souvent
un prénom, et prennent parfois l's du pluriel. Ces Npr se retrouvent souvent dans des contextes
peu favorables à l'apparition de la lecture métaphorique, tels que les énoncés existentiels. Là, ils
constituent des métaphores in absentia. Un type un peu particulier, mais productif lui aussi, de
métaphorisation in absentia d'un Npr était exemplifié par les Npr Borg, Folcoche et Vanessa. Un
de leurs referents est d'abord décrit dans le discours comme ayant certaines propriétés. Puis le

79
Npr servira comme nom d'une catégorie pour constater que son réfèrent n'est pas unique à
posséder ces propriétés, mais qu'il représente en fait un type humain commun. Dans le discours
a alors été instaurée une nouvelle catégorie d'humains dénotés par le Npr en question. Cela se
laisse faire dans la mesure où le Npr n'a pas de sens lexical codifié représentant une catégorie,
sens qui empêcherait peut-être ce deuxième sens de s'épanouir.
La productivité constatée de la métaphorisation du Npr tient sans doute à l'effet cognitif
obtenu de l'emploi des métaphores en général et de celui du Npr métaphorique en particulier :
à l'aide d'une structure conceptuelle familière ou de l'image d'un réfèrent bien connu une réalité
fort complexe peut être saisie en très peu de mots.

BIBLIOGRAPHIE

ALLERTON, D. J., 1987 : The linguistic and sociolinguistic status of proper names. What are
they, and who do they belong to ? Journal of Pragmatics, Vol. 11, pp. 61-92.
BartNING, I., 1986 : Le parallélisme entre les syntagmes Nom + adjectif ethnique et les
syntagmes prépositionnels correspondants en N-de-(Det)-N en français. Revue romane,
Vol. 21 : 1, pp. 3-52.
BERNET, С & RÉZEAU, P., 1989 : Dictionnaire du français parlé. Le monde des expressions
familières. Paris.
BROOKE-ROSE, C, 1965 : A Grammar of metaphor. Londres.
DUCROT, О. & TODOROV, T., 1972 : Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris.
ENGWALL, G., 1984 : Vocabulaire du roman français (1962-1968). Dictionnaire des fréquences.
Stockholm.
FLAUX, N. (ici-même) : L'antonomase du nom propre et La mémoire du réfèrent.
GARDINER, A., 1954 : The Theory of Proper Names. A controversial Essay. Londres.
GrEVISSE, M., 1964 : Le bon usage. Gembloux.
HENRY, A., 1984 : Métonymie et métaphore. Bruxelles.
JESPERSEN, 0., 1924 : The Philosophy of Grammar. Londres.
JONASSON, К., 1982 : On modified Proper Names. Nordic Linguistic Bulletin, Vol. 6 : 4,
pp. 12-13.
JONASSON, K., 1987 : Articles génériques et noms propres modifiés, dans Kleiber, G. (éd.)
Rencontre(s) avec la généricité. Paris, pp. 57-72.
JONASSON, K., 1990a : Sens dénotatif, sens connotatif et noms propres modifiés. Actes du dixième
congrès des romanistes Scandinaves, Lund 10-14 août 1987. Lund, pp. 219-225.
JONASSON, K., 1990b : Le double statut mondain et métalinguistique du nom propre. Studier i
modem sprâkvetenskap, Vol. 9, pp. 123-151.
JONASSON, K., 1990c : Métaphores in absentia et la lexicalisation des noms propres. Actes du
onzième congrès des romanistes Scandinaves, Trondheim 13-17 août 1990. Trondheim, pp. 261-
271.
JONASSON, K. : A paraître a. Le point d'ancrage référentiel des noms propres métaphoriques.
Actes du dix-neuvième congrès international de linguistique et de philologie romanes, Santiago
de Compostela 4-9 septembre 1989.
JONASSON, K. : A paraître b. La référence des noms propres relève-t-elle de la deixis ? Actes du
colloque sur la deixis. Paris les 8-9 juin 1990.
JONASSON, K. : En préparation. Le nom propre. De la désignation à la catégorisation. La
construction du sens des noms propres modifiés.
KalVERKÀMPER, H. : 1978. Textlinguistik der Eigennamen. Stuttgart.
KlTTAY, E. F., 1987 : Metaphor. Its Cognitive Force and Linguistic Structure. Oxford.
KLEIBER, G., 1981 : Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres. Paris.
KLEIBER, G., 1983 : Métaphores et vérité. LINX no 9, pp. 89-130.
KLEIBER, G., 1990 : La sémantique du prototype. Paris.

80
KLEIBER, G. & RlEGEL, M., 1978 : Les « Grammaires floues ». Bulletin des Jeunes Romanistes,
Vol. XXI, pp. 67-123.
Kripke, S., 1972 : Naming and Necessity, dans Davidson, D. & G. Harman (éds.), Semantics of
Natural Language. Dordrecht, pp. 253-355.
LAKOFF, G., 1987 : Women, Fire, and Dangerous Things. Chicago.
LE BlHAN, M., 1974 : Le nom propre. Etude de grammaire et de rhétorique. Thèse de troisième cycle
dactylographiée. Université de Rennes.
Lexis. Dictionnaire de la langue française. 1988. Paris.
LYONS, J., 1978 : Éléments de sémantique. Paris.
MaRMARIDOU, S., 1989 : Proper names in communication. Linguistics, Vol. 25, pp. 355-372.
MARTIN, R., 1982 : Compte rendu de Kleiber (1981). Revue de linguistique romane, Vol. 46,
pp. 416-419.
MARTIN, R., 1983 : Pour une logique du sens. Paris.
MARTIN, R., 1987 : Langage et croyance. Les « univers de croyance » dans la théorie sémantique.
Bruxelles.
MlGLIORINI, В., 1927 : Dal nome proprio al nome comune. Genève.
Petit Larousse Illustré 1989. 1988. Paris.
Le Petit Robert 1. 1987. Paris.
RaSTIER, F., 1987 : Sémantique interprétative. Paris.
SEARLE, J., 1969 : Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language. Cambridge.
SEARLE, J., 1971 : The problem of proper names, dans Steinberg, D. & Jakobovits, L., (éds.),
Semantics. Cambridge, pp. 135-141.
Tamba-MecZ, I., 1981 : Le sens figuré. Paris.
ТамшЕ, J., 1978 : Description syntaxique du sens figuré : la métaphore. Thèse de doctorat d'état,
Université de Paris VII. Paris.
TOGEBY, K., 1982 : Grammaire française. Volume 1 : Le Nom, publié par Magnus Berg, Ghani
Merad et Ebbe Spang-Hanssen. Copenhague.
TURNER, M., 1988 : Categories and analogies, dans Helman, D.H. (éd.) Analogical Reasoning,
pp. 3-24.
VlLLARD, M., 1984 : Les universaux métaphoriques. Etude contrastive de la métaphore en japonais
et en français, suivi de Conception de la métaphore au Japon. Berne.
WlLMET, M. (ici-même) : Nom propre et ambiguïté.

81

Vous aimerez peut-être aussi