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- on en connaît le contexte (il s’agit de bas-reliefs de bronze pour le concours organisé en 1401-1402 par
l’Arte di Calimala de Florence pour désigner le décorateur de la “porte” Nord de Baptistère Saint-
Jean);
- il permet la confrontation significative de deux versions d’un thème, et leur comparaison (élément-clé
en histoire de l’art);
- traitant de pièces maîtresses dans l’évolution de l’art, il permet d’approcher les enjeux majeurs d’une
période capitale de l’art occidental.
LE CONTEXTE
1. Un cahier des charges, avec “figures imposées” du concours perceptibles dans la comparaison des
projets conservés :
* la demande générale :
- le sujet et son iconographie (Le sacrifice d’Abraham que le vainqueur n’aura pas à traiter dans la
“porte” à réaliser, consacrée au Nouveau Testament, mais qui peut être mis en rapport avec les
commanditaires, la corporation “des arts de la laine”, par l’’évocation du sacrifice d’un mouton);
L’histoire est rapportée dans la Génèse (27). Pour éprouver la foi d’Abraham, Dieu lui demande de partir
dans la montagne avec son fils Isaac, le seul qu’il ait eu tardivement de Sara, sa femme, pour l’y sacrifier.
Au dernier moment, l’ange de Dieu intervient et propose l’échange avec un mouton. Pour les Chrétiens,
l’épisode est associé à la Crucifixion (sacrifice de Jésus par son Père)et à l’Eucharistie (rituel rappelant ce
sacrifice). Semblable association s’inscrit dans la mentalité médiévale (mais perdure bien au-delà) qui
rapproche tel épisode de l’Ancien testament à tel autre du Nouveau, qu’en tant qu’ “antétype”, il est
censé annoncer.
- la technique (sculpture en bas-relief de bronze);
- les dimensions (53 x 45 cm.);
- le format (losange quadilobé “traditionnel”, instauré par Andrea Pisano pour la “porte” sud en 1330-
1336);
* des éléments particuliers suggérés par ce qui rapproche les ouvrages conservés de Brunelleschi et de
Ghiberti (en l’absence du document):
- certains personnages (outre Abraham, Isaac, l’ange : deux serviteurs);
- le choix opéré pour le cadre “naturel” (la montagne, l’autel, l’âne ayant servi au voyage, le mouton qui
doit remplacer finalement Isaac, après l’intervention de l’ange de Dieu, un arbre);
=> autrement dit, savoir raconter une “histoire” avec son décor, ou mieux : présenter une image
convaincante du monde, dans sa diversité, et de l’homme, dans son histoire.
Nota : Cette première comparaison désigne, inversément, une première divergence imputable aux
artistes en ce qui est représenté sur l’autel:
- un motif de rinceau “antiquisant”
chez Ghiberti;
- chez Brunelleschi, l’Annonciation,
dont le Sacrifice d’Abraham est
un antétype (= sujet de l’Ancien
Testament présageant d’un épisode du
Nouveau Testament, mode de pensée
religieux particulièrement développé
au Moyen-Âge mais qui perdure bien
au-delà); l’annonciation est le moment
de l’incarnation du Christ, fils de Dieu
“sacrifié” sur la croix par son Père..
Ces points doivent nourrir la réflexion finale, au moment de prendre du recul à partir de l’analyse,
autrement dit la conclusion.
2. ANALYSE FORMELLE
Remarques préliminaires.
A. LE PROJET DE GHIBERTI.
Il faut commencer par étudier les incitations du format avec lequel l’artiste doit composer (aux deux
sens du terme).
4. INTERPRÉTATION CONCLUSIVE.
- Ghiberti, jeune orfèvre virtuose, propose de montrer le sacrifice d’Isaac sans heurt, déjà joué : le ton est
solennel, Isaac montre fièrement son torse et ne paraît pas vouloir fuir; aussi terrible que soit la
demande de Dieu, les protagonistes montrent leur confiance aveugle à son égard.
- Le parcours proposé, sans réelle inquiétude, peut déployer des éléments référencés ou pittoresques qui
rencontrent le goût du public humaniste, partisan d’un retour à l’Antique et de la consultation de la
nature.
Ghiberti opte pour l’affirmation du détail élégant, raffiné, très travaillé et déploie l’aspect narratif du
thème, approche caractéristique du Gothique International.
B. LE PROJET DE BRUNELLESCHI.
2. LA COMPOSITION.
a. Suggestions du format :
==> Le métier est secondaire par rapport à un schéma compositionnel fortement géométrique.
4. INTERPRÉTATION CONCLUSIVE
- Brunelleschi s’efforce de présenter un drame psychologique en une composition réunissant tous les
protagonistes, jouant sur la diversité de leurs réactions pour mettre en évidence les enjeux de l’histoire,
par le biais des sentiments face à la demande divine.
EPILOGUE GÉNÉRAL.
La solution proposée par Brunelleschi est intellectuellement la plus avancée et, avec l’intensité
dramatique suggérée, a pu frapper les esprits au point qu’il ait été choisi à parité avec Ghiberti. Dans
l’enchaînement des chefs-d’oeuvre, ses préoccupations semblent “en avance sur son temps”. Ce serait
supposer un “progrès en art” qui passerait avant tout, en l’occurence, par la dimension intellectuelle.
Néanmoins, c’est l’efficacité de l’approche technique de Ghiberti mais aussi son accord avec
l’interprétation faite du thème, présentant Abraham comme un modèle de foi, non comme un père torturé,
qui a finalement triomphé. Il ne faut pas oublier que la réussite d’une oeuvre se mesure d’abord en son
temps et en fonction de cet accord recherché, en quoi il semble que son adversaire ait failli et s’en étant
aperçu, ait peut-être jugé préférable de se retirer (mais fut-ce sous ce prétexte?)...
L’examen direct des ouvrages, à mon sens, confirme le verdict des commanditaires (pas évident sur
reproduction). Il se dégage de l’ouvrage de Ghiberti une vigueur plastique qui donne l’impression que
l’histoire naît du bronze sous nos yeux. Comparativement, la version de Brunelleschi semble laborieuse.
Le composite et le composé ne sont pas forcément où l’on pense, de ce point de vue...
Enfin c’est l’occasion de rappeler que l’art, c’est l’esprit et la main, et que la réussite vient de l’harmonie
entre l’une et l’autre. Celle de Ghiberti, il faut bien le dire, est éblouissante.