Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
3 | 2017
Personnes âgées et vulnérabilités
Mélanie Lepori
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/popvuln/1765
DOI : 10.4000/popvuln.1765
ISSN : 2650-7684
Éditeur
LIR3S - Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche “Sociétés Sensibilités Soin” (UMR 7366 CNRS-uB)
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 2017
Pagination : 97-133
ISBN : 978-2-918-173-20-5
ISSN : 2269-0182
Référence électronique
Mélanie Lepori, « La vulnérabilité physique perçue par les personnes âgées, une comparaison
européenne », Populations vulnérables [En ligne], 3 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 29
juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/popvuln/1765 ; DOI : https://doi.org/10.4000/popvuln.
1765
es contenus de la revue Populations vulnérables sont mis à disposition selon les termes de la Licence
L
Creative Commons Attribution 4.0 International
La vulnérabilité physique perçue par les personnes âgées, une comparaison eur... 1
Mélanie Lepori
8 Ce travail repose sur les données de la quatrième vague de l’enquête Survey of Health,
Ageing and Retirement in Europe (SHARE) réalisée fin 2011 dans quinze pays européens et
dont le but est d’interroger les conditions de vie de la population âgée de 50 ans ou plus
(encadré 1). Ici, 29 877 individus âgés de 60 ans ou plus – limite d’âge fréquemment
prise en considération par les politiques de vieillesse en France – vivant à domicile
constituent la population étudiée. À l’instar des échelles employées pour le phénomène
de la solitude – et notamment réalisées à l’échelle européenne grâce aux données de
l’enquête SHARE (Shiovitz-Ezra, 2013) – une échelle de vulnérabilité physique est ici
proposée (encadré 2). Afin de comparer les différentes situations nationales, l’ensemble
des facteurs sur le fait de déclarer ou non une vulnérabilité physique et son niveau
seront testés dans trois analyses statistiques par régressions logistiques. La première
permettra, tous pays confondus, de dégager les spécificités des individus ayant déclaré
au moins une vulnérabilité physique tandis que la seconde fera de même dans chacun
des pays. Ce type de comparaison permet, en effet, de mettre en lumière des
comportements potentiellement différents (Ankri, 2007). Enfin, la troisième régression
permettra de repérer les caractéristiques des individus ayant déclaré une vulnérabilité
physique moyenne ou importante. Pour faciliter la comparaison européenne, quatre
groupes de pays ont été constitués en fonction de leur situation géographique. Le
premier regroupe les pays d’Europe dite « occidentale » (Autriche, Allemagne, France,
Suisse et Belgique), le deuxième ceux d’Europe du Nord (Pays-Bas, Danemark et Suède),
le troisième ceux d’Europe du Sud (Espagne, Portugal et Italie) et enfin, le dernier, ceux
d’Europe de l’Est (République tchèque, Hongrie, Pologne et Slovénie). Cette
classification n’est cependant pas la seule envisageable et ne doit pas occulter les
différences au sein même des pays ou des groupes de pays.
Figure 1. Répartition des pays en fonction du score moyen de vulnérabilité des 60 ans ou plus en
2011
Lecture : dans le groupe Europe occidentale, la Suisse a un score moyen de vulnérabilité physique
perçue de 3,4 tandis que celui de la Belgique est de 3,7
Légende : AT = Autriche, DE = Allemagne, FR = France, CH = Suisse, BE = Belgique, SW = Suède, NL =
Pays-Bas, DN = Danemark, SP = Espagne, IT = Italie, PT = Portugal, CZ = République tchèque, PL =
Pologne, HU = Hongrie et SL = Slovénie
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes.
Source : enquête SHARE, vague 4
11 Ces tendances globales masquent toutefois les effets discriminants comme les
caractéristiques démographiques, les conditions d’habitat, les niveaux de vie ainsi que
la taille du réseau social.
12 Chercher à évaluer le caractère inhérent de la vulnérabilité au vieillissement individuel
nécessite également de prendre en considération les caractéristiques individuelles et
leurs potentiels effets, examinés dans la partie suivante.
13 Les femmes et les personnes les plus âgées sont généralement décrites comme plus
fréquemment et fortement soumises aux diverses formes d’incapacités physiques
(Cambois et al., 2004). Ici, l’âge est considéré de manière absolue et non via le
positionnement individuel vis-à-vis de l’espérance de vie, afin de séparer les effets liés
au vieillissement comme l’impact des conditions de vie, le sexe ou encore des dispositifs
médicaux et sociaux en œuvre dans les pays considérés.
14 Dans un premier temps, les hypothèses relatives au sexe et à l’âge semblent se
confirmer (figures 2 et tableau 1) : le fait d’être une femme augmente les scores moyens
de vulnérabilité physique dans tous les pays. Néanmoins, l’effet du sexe au sein de
chacun des territoires nationaux n’est pas similaire laissant alors apparaître deux types
de situations : « toutes choses égales par ailleurs », l’absence de différences marquées
entre les deux sous-populations féminine et masculine (Allemagne, Hongrie et
Slovénie) et, dans les autres pays, une vulnérabilité plus importante chez les femmes
(tableau 1). De manière similaire, les 70-79 ans puis les 80 ans ou plus se déclarent plus
intensément vulnérables que leurs cadets, sauf en Suède où une absence d’évolution
significative du phénomène entre les 60-69 ans et les 70-79 ans est relevée. Plus que
l’avancée en âge, c’est l’entrée dans les âges les plus élevés qui paraît partout avoir
l’effet le plus important.
Figures 2. Score moyen de vulnérabilité physique perçue en fonction du pays de résidence et des
caractéristiques démographiques des 60 ans ou plus en 2011
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
15 Alors que les 80 ans ou plus sont également plus souvent modérément ou fortement
vulnérables que les 60-69 ans, les différences ne sont pas marquées entre les 70-79 ans
et ces derniers (tableau 2).
16 En outre, les conditions d’habitat peuvent avoir des effets sur la vulnérabilité comme la
présence ou non d’aménagements du logement conçus pour les personnes rencontrant
des difficultés physiques ou des problèmes de santé (comme des portes plus larges ou
automatisées, des systèmes d’alerte, des translateurs pour escalier). Le choix de cette
variable permet ainsi de vérifier deux effets opposés. D’un côté, ces dispositifs
pourraient avoir un effet positif en raison de leur fonction palliative aux difficultés
physiques : ils pourraient ainsi conduire à accroître l’autonomie des habitants du
logement et diminuer leur sentiment d’insécurité pour se mouvoir et leur ressenti vis-
à-vis de leur vulnérabilité (Morestin et al., 2011). À l’inverse, ces travaux pourraient
également être le fait d’une part de la population se considérant déjà comme
vulnérable et qui cherche à contourner cette dernière.
17 Le fait d’avoir ou non aménagé son logement paraît avoir un effet identique dans tous
les pays européens malgré une intensité différente de la perception de la vulnérabilité
(figures 3). L’hypothèse selon laquelle l’aménagement du logement pourrait pallier des
incapacités physiques, permettant ainsi de diminuer le sentiment de vulnérabilité,
paraît invalidée. Les aménagements semblent plutôt se produire une fois les difficultés
physiques réellement installées et ne pas parvenir à réduire le sentiment perçu de
vulnérabilité. « Toutes choses égales par ailleurs », les individus n’ayant pas aménagé
leur logement déclarent moins souvent une vulnérabilité et lorsqu’ils en déclarent,
celles-ci sont moins élevées (tableaux 1 et 2). L’effet de l’aménagement du logement
semble toutefois plus ou moins marqué en fonction des différents territoires. Les
disparités par pays sont perceptibles : les Allemands, Italiens, Polonais, Hongrois et
Slovènes sont ceux pour lesquels le fait de ne pas avoir aménagé son logement conduit
à la plus faible probabilité de se déclarer vulnérable (annexe 1).
18 Dans une même approche, partant de l’hypothèse que plus le logement sera adapté aux
besoins et aux difficultés éprouvés, moins les incapacités physiques seront perçues
comme telles, le type de logement et de zone d’habitation pouvant influencer le
ressenti de la vulnérabilité. Vivre dans un logement de type appartement ou résider
dans une zone urbaine permettant l’accès à une offre plus importante de services
pourrait avoir un effet positif sur la vulnérabilité physique ressentie du fait de
l’environnement. Pour cela, le type de logement habité est étudié avec, d’un côté, le fait
de vivre en « maison » individuelle (maisons mitoyennes et fermes comprises) et, d’un
autre côté, le fait de vivre en appartement. La zone d’habitation est considérée selon
trois modalités : les grandes villes et leurs banlieues, les villes de taille moyenne ou
petite ainsi que les villages et zones rurales.
19 Trois groupes de pays se distinguent (figures 3) : ceux où les habitants vivent en maison
et déclarent une vulnérabilité plus faible (Allemagne, Suisse, Suède, Pays-Bas,
Danemark et Portugal), ceux dont la vulnérabilité perçue est plus importante (Belgique,
Espagne, Pologne, Hongrie et Slovénie) et enfin ceux dont le type de logement ne
semble finalement pas avoir d’effet significatif.
20 « Toutes choses égales par ailleurs », le type de logement semble avoir peu d’incidence
sur le fait de se déclarer ou non vulnérable (tableau 1) et sur l’intensité de la
vulnérabilité (tableau 2). Les personnes vivant en appartement déclarent une
vulnérabilité plus faible en Autriche, France, Belgique, Hongrie, au Portugal et en
Slovénie et plus forte en Allemagne, Suède, Italie, au Danemark et en République
tchèque. Dans les quatre pays restants, le type de logement paraît avoir peu
d’influence. Les différences observées entre pays soulignent l’absence d’effet
systématique entre le type de logement et la perception de la vulnérabilité physique et
interroge sur les effets d’autres facteurs (annexe 1).
21 De la même manière, l’effet de la zone d’habitation et l’hypothèse d’une moindre
vulnérabilité perçue dans les zones urbaines (où les services sont plus accessibles) sont
difficiles à valider en raison des disparités nationales observées (figures 3). « Toutes
choses égales par ailleurs », la zone d’habitation a peu d’effet sur le fait de se déclarer
vulnérable (tableau 1) mais les habitants de zones rurales semblent toutefois se sentir
plus souvent modérément ou fortement vulnérables que ceux résidant dans des
grandes villes ou leurs banlieues (tableau 2). Au contraire, ceux résidant dans des villes
de petite ou moyenne taille se déclarent moins souvent fortement ou moyennement
vulnérables que ceux vivant dans de grandes villes.
22 Le fait de se déclarer vulnérable est variable en fonction des pays (annexe 1) : la zone
d’habitation a peu d’effet en Autriche et Italie. En République tchèque, Belgique et
Hongrie, le fait de résider dans des villes moyennes ou petites a peu d’effet sur le
sentiment de la vulnérabilité alors que le fait de résider en zones rurales conduit au
contraire à se sentir plus fréquemment vulnérable. Le Portugal, quant à lui, se distingue
par une moindre importance de la vulnérabilité dans les zones rurales au contraire des
villes moyennes ou petites. Enfin, deux groupes de pays se distinguent : d’un côté, une
moindre fréquence de la vulnérabilité physique à la fois pour les habitants de zones
rurales et de villes moyennes ou petites (Allemagne, Suède, Pologne, Slovénie) et de
l’autre, une plus forte importance de la vulnérabilité dans les villes moyennes ou
petites (Espagne, France, Danemark, Suisse).
Figures 3. Score moyen de vulnérabilité physique perçue en fonction du pays de résidence et des
caractéristiques d’habitat des 60 ans ou plus en 2011
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
3) La situation socio-économique
difficultés (Mormiche et al., 2003). Afin de vérifier ce résultat, le statut d’occupation est
utilisé pour tester l’hypothèse selon laquelle les propriétaires auraient des conditions
matérielles plus favorables que les non-propriétaires (locataires, sous-locataires,
personnes logées gratuitement).
24 Dans tous les pays – à l’exception de l’Espagne – la vulnérabilité physique perçue est
moins déclarée chez les propriétaires et ce, particulièrement au Portugal (figure 5).
« Toute chose égale par ailleurs », les non propriétaires sont également plus
fréquemment vulnérables (tableau 1) mais des disparités apparaissent entre pays : en
Espagne et en République tchèque, ils semblent, au contraire, moins souvent
vulnérables que les propriétaires et l’effet du statut d’occupation a peu d’importance en
Italie et en Pologne (annexe 1).
25 De la même manière, le nombre de pièces du logement est considéré comme un
indicateur de niveau de vie : une taille de logement importante pouvant refléter des
conditions socio-économiques plus satisfaisantes.
26 La taille du logement a un effet similaire dans l’ensemble des pays : plus la taille du
logement est petite, plus la vulnérabilité physique est perçue fortement. Ceci s’avère
particulièrement prégnant pour l’Autriche, l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la Hongrie
avec des différences marquées selon la taille de logement. À l’inverse, dans certains
pays, les disparités sont peu marquées entre certaines tailles de logement comme en
France ou au Portugal où la vulnérabilité physique perçue est similaire chez les
habitants de logements de 1-2 pièces et de 3-4 pièces (figure 4).
27 Les régressions logistiques permettent de mettre en évidence une plus faible
propension à déclarer une vulnérabilité chez les personnes vivant dans de grands
logements (tableau 1), les habitants de petits logements déclarant plus fréquemment
une vulnérabilité moyenne ou importante (tableau 2). Le fait de déclarer une
vulnérabilité apparaît moins fréquent pour les habitants de grands logements (au
moins trois pièces) dans un plus grand nombre de pays et concerne les Autrichiens,
Espagnols, Italiens, Danois, Suisses, Polonais, Hongrois, Portugais et Slovènes. Trois
autres cas de figure apparaissent : une absence d’effet du fait de vivre dans un logement
de 3-4 pièces associée à une moindre fréquence de la déclaration de la vulnérabilité
pour les habitants des plus grands logements (Suède, Pays-Bas) ; une plus fréquente
déclaration de vulnérabilité pour les habitants de logements d’au moins trois pièces
(France, Belgique) et enfin, une plus faible propension à déclarer une vulnérabilité pour
les habitants de logements de 3-4 pièces associée à une plus forte propension pour les
habitants de logements de cinq pièces ou plus (Allemagne) (annexe 1).
28 Enfin, le niveau de vie est étudié en fonction du nombre d’années d’études à temps
plein déclaré par les personnes de 60 ans ou plus et leurs perceptions de leurs
conditions financières (des fins de mois perçues comme faciles ou assez faciles versus
des fins de mois perçues comme présentant quelques ou de grandes difficultés).
29 Les résultats confirment les hypothèses relatives aux niveaux de vie (figures 4). Ainsi,
les personnes déclarant un nombre moyen d’années d’études plus faible ont tendance à
se déclarer plus vulnérables. Les différences entre les deux sous-populations sont alors
les plus importantes en Hongrie et Slovénie tandis qu’elles restent les plus faibles en
Suisse et au Danemark. Les régressions semblent alors confirmer ces résultats : les
individus ayant fait le moins d’études sont également ceux qui se déclarent le plus
fréquemment vulnérables (tableau 1) et ce, quel que soit le pays considéré à l’exception
de la Suède où le niveau d’études n’a que peu d’effets (annexe 1). Par ailleurs,
l’influence du niveau d’études est accentuée lorsqu’il s’agit de la vulnérabilité physique
modérée ou importante (tableau 2).
30 Les mêmes observations peuvent être établies concernant les conditions financières
avec une vulnérabilité plus faible pour ceux déclarant une certaine aisance financière.
Cette fois, les différences les plus importantes entre les deux sous-populations peuvent
être notées en Italie et Espagne. Une nouvelle fois, ces observations sont corroborées
par les régressions logistiques et ce, particulièrement pour la vulnérabilité moyenne ou
importante (tableaux 1 et 2). Toutefois, au Danemark, les individus avec les niveaux de
vie les moins importants déclarent également moins fréquemment une vulnérabilité
(annexe 1).
Figures 4. Score moyen de vulnérabilité physique perçue en fonction du pays de résidence et des
caractéristiques relatives au niveau de vie des 60 ans et plus en 2011
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
4) Le réseau social
31 Le réseau social peut avoir un effet positif sur les difficultés physiques : plus les
individus sont entourés, moins ils risquent de les ressentir (Andrew, 2005). L’entourage
est capté, dans l’étude par les personnes identifiées comme des « confidents »
(familiaux ou non) et considérées comme proches2 de la personne.
32 La taille du réseau social a une influence différente selon le pays, infirmant ainsi notre
hypothèse (figure 5). En Autriche, Allemagne, Suisse, République tchèque et Hongrie, le
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
Sexe
Femme 1,41***
Homme Réf.
Âge
Logement
Rural 1,03***
Appartement 1,04***
Maison Réf.
Conditions de vie
Propriétaire Réf.
Entourage
2 ou 3 confidents 1,27***
Lecture : les personnes âgées de 80 ans et plus ont plus de 6 fois plus de risque de ressentir une
vulnérabilité quelle que soit son intensité par rapport aux personnes âgées de 60 à 69 ans
Légende : * = 10 %, ** = 5 %, *** = 1 % ; Réf. = modalité de référence
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE vague 4
Sexe
Femme 0,74***
Homme Réf.
Âge
Logement
Rural 1,16***
Appartement 0,92***
Maison Réf.
Conditions de vie
Propriétaire Réf.
Entourage
2 ou 3 confidents 1,25***
Lecture : les personnes âgées de 80 ans et plus ont plus de 5 fois plus de risque de ressentir une
vulnérabilité quelle que soit son intensité par rapport aux personnes âgées entre 60 et 69 ans
Légende : * = 10%, ** = 5%, *** = 1% ; Réf. = modalité de référence
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de « selfcare » et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE vague 4
incapacités en lien avec la réalisation des activités quotidiennes (autres que toilette et
habillage) est, par ailleurs, relativement proche de celui lié aux difficultés de marche
(M=1,27 ; StD=0,51). À nouveau, la Suède se distingue par le score moyen le plus faible
(M=1,09 ; StD=0,31) tandis que la Hongrie présente celui le plus élevé (M=1,49 ;
StD=0,62). Enfin, les incapacités dans le domaine du selfcare sont celles qui sont les
moins intensément notées par les 60 ans ou plus (M=1,14 ; StD=0,4). Pour cette
composante, les disparités entre les pays sont encore plus restreintes que pour les deux
premières ce qui nécessiterait une analyse plus fine pour en comprendre les raisons.
Ainsi, la moitié des pays présente un score moyen indiquant une absence de difficultés
(Allemagne, France, Suisse, Suède, Pays-Bas, Danemark et République tchèque) et aucun
pays n’affiche de score supérieur à 1,3.
Figures 6. Répartition des pays en fonction du score moyen de difficulté par composante de la
vulnérabilité physique des 60 ans ou plus en 2011
Lecture : dans le groupe Europe occidentale, la Suisse a un score moyen de difficultés de marche de
1,2 tandis que celui de la Belgique est de 1,3
Légende : AT = Autriche, DE = Allemagne, FR = France, CH = Suisse, BE = Belgique, SW = Suède, NL =
Pays-Bas, DN = Danemark, SP = Espagne, IT = Italie, PT = Portugal, CZ = République tchèque, PL =
Pologne, HU = Hongrie et SL = Slovénie
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
36 À l’échelle agrégée, quelle que soit la variable, les personnes âgées de 60 ans ou plus
déclarent moins souvent de difficultés vis-à-vis du selfcare au contraire de celles liées à
la marche. Par ailleurs, des tendances observées précédemment apparaissent à
nouveau : les femmes se disent plus en difficulté et ce, quelle que soit la composante de
vulnérabilité considérée. La même observation peut être faite concernant l’âge : les
70-79 ans – et surtout les 80 ans ou plus – déclarant pour toutes les composantes avoir
plus de difficultés que leurs cadets.
37 Des constats similaires peuvent être émis concernant les conditions de vie avec une
situation plus favorable chez les propriétaires concernant la marche et la réalisation
des activités quotidiennes (les déclarations concernant le selfcare sont similaires pour
les deux sous-populations) et plus la taille du logement est importante, plus la
déclaration de chaque composante de la vulnérabilité est faible. Également, les
personnes ayant une certaine aisance financière, tout comme celles ayant un parcours
d’instruction plus long, se disent moins gênées pour chacune des composantes étudiées.
38 Par ailleurs, les personnes ayant aménagé leur logement ont plus de difficultés dans
chaque domaine (toilette, habillage, autres activités de la vie quotidienne et mobilité)
tandis que les différences observées entre les habitants de maison et ceux de
différentes zones d’habitations restent relativement faibles.
39 Enfin, pour chaque composante, les disparités entre individus ayant peu ou beaucoup
de confidents restent également relativement restreintes.
V. Conclusion
40 La vulnérabilité physique perçue par la population âgée de 60 ans et plus est évaluée de
faible intensité et semble fortement liée aux caractéristiques individuelles. Ceci semble
donc aller à l’encontre de la vision institutionnelle de l’état physique de la population
âgée (voir supra). Si les plus âgés sont également ceux qui se perçoivent les plus
fortement vulnérables, les résultats présentés dans cet article ne peuvent cependant
certifier du caractère inéluctable de la vulnérabilité avec l’avancée en âge. Malgré la
hausse de son intensité, l’appréciation de la vulnérabilité physique demeure
relativement faible même pour les individus les plus âgés. Par ailleurs, les données
utilisées ne permettent pas de distinguer un potentiel effet d’âge d’un effet de
génération bien que le premier puisse être, sans grand risque, avancé. Les variations
constatées entre les différentes caractéristiques individuelles nous amènent également
à envisager leur interrelation dans le processus d’apparition de la vulnérabilité – voire
dans son évolution. Les différences entre les pays conduisent aussi à s’interroger sur les
causes culturelles, institutionnelles ou politiques conduisant à ces constats. Enfin, ce
sont essentiellement les difficultés liées à la marche qui sont mises en évidence par les
déclarations des personnes âgées. Dès lors, la perte d’autonomie et la dépendance
semblent, à travers cette analyse, relativement limitées parmi les personnes vivant à
leur domicile interrogées dans les différents pays européens.
Présentation de l’enquête
Lancée en 2002 et menée tous les deux ans depuis 2004, l’enquête SHARE devrait
être conduite jusqu’en 2024 en s’intéressant particulièrement aux questions
relatives à la santé, aux conditions de vie socio-économiques ainsi qu’aux relations
sociales des européens de 50 ans ou plus. Le but de l’enquête est ainsi de constituer
un panel de personnes âgées à l’échelle européenne et de constituer une source de
données de grande ampleur.
Aujourd’hui constituée de cinq vagues d’enquêtes, SHARE se base sur quatre types
de collecte d’informations : des interviews en face-à-face, des tests physiques et
cognitifs, un questionnaire auto-administré ainsi qu’un entretien de fin de vie avec
un proche du répondant en cas de décès. Elle permet une exploitation
longitudinale des données via un suivi de l’échantillon et présente plusieurs
particularités et intérêts : le fait qu’elle soit menée et utilisée avec une visée
pluridisciplinaire, une harmonisation des données ex ante ainsi que la conduite d’une
troisième vague entièrement rétrospective portant sur l’ensemble des grands
questionnements de SHARE (Barangé et al., 2008 ; Blanchet, Dourgnon, 2004 ;
Börsch-Supan, 2013).
Caractéristiques de la population
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE, vague 4
de). Ces critères ont ensuite été sommés en une échelle unique de vulnérabilité
dont les valeurs sont comprises entre 3 et 9 inclus5. Dès lors, les valeurs les plus
faibles s’apparentent à une vulnérabilité faible ou inexistante tandis que les plus
élevées révèlent une intensité importante du phénomène. L’étude des différentes
composantes du score de vulnérabilité physique met en avant une faiblesse de
l’intensité des déclarations sur l’ensemble des trois composantes prises en compte
(marche, selfcare et réalisation des autres activités quotidiennes). À l’échelle
agrégée, les personnes âgées de 60 ans ou plus déclarent moins souvent de
difficultés vis-à-vis du selfcare et plus souvent de difficultés liées à la marche. Les
femmes se disent plus en difficulté et ce, quelle que soit la composante de
vulnérabilité considérée. La même observation peut être faite concernant l’âge :
les 70-79 ans – et surtout les 80 ans ou plus – déclarant pour toutes les
composantes avoir plus de difficultés que leurs cadets.
Légende : *=10 %, **=5 %, ***=1% ; Réf=modalité de référence
Champ : personnes âgées de 60 ans ou plus en 2011 vivant à domicile et ayant répondu à l’ensemble
des questions relatives aux capacités de mobilité, de selfcare et de réalisation des activités
quotidiennes
Source : enquête SHARE vague 4
BIBLIOGRAPHIE
ANDREW M. K. (2005), « Le capital social et la santé des personnes âgées », Retraite et société,
n° 46, p. 131-145.
BARANGE C., EUDIER V., SIRVEN N. (2008), « L’enquête SHARE sur la santé, le vieillissement et
la retraite en Europe devient longitudinale. Les données de la deuxième vague sont désormais
disponibles », Questions d’économie de la santé, n° 137.
BLANCHET D., DOURGNON P. (2004), « SHARE : vers un panel européen sur la santé et le
vieillissement », Questions d’économie de la santé, n° 88.
BÖRSCH-SUPAN A. (2013), « SHARE Wave Four: New Countries, New Content, New Legal and
Financial Framework », in Malter F., Börsch-Supan A. (dir.), SHARE Wave 4. Innovations and
Methodology, Munich, Center for the Economics of Aging (MEA), p. 5-10.
BOUISSON J. (2011), « Vieillesse et vulnérabilité », in Bouisson J., Brisset C., Tournier I., Vion C.
(dir.), Vieillissement et vieillesse, vulnérabilité et ressources : regards croisés, Pessac, Maison des
Sciences de l’Homme d’Aquitaine.
CAMBOIS E., DESESQUELLES A., RAVAUD J.-F. (2004), « Femmes et hommes ne sont pas égaux
face au handicap », Gérontologie et société, n° 110, p. 283-291.
CAVALLI S., BICKELJ-F., LALIVE D’EPINAY C. (2002), « Les événements marquants du grand âge
sont-ils des facteurs d’exclusion ? », Gérontologie et société, n° 102, p. 137-151.
CLEMENT S., ROLLAND C., THOER-FABRE C. (2007), « Usages, normes, autonomie. Analyse
critique de la bibliographie concernant le vieillissement de la population », PUCA, Recherche.
DEINDL C., HANK K., BRANDT M. (2013), « Social networks and self-rated health in later life »,
in Börsch-Supan A., Brandt M., Litwin H. and Weber G. (dir.), Active ageing and solidarity between
generations in Europe. First results from SHARE after the economic crisis, Berlin, De Gruyter, p. 301-309.
DELOR F., HUBERT M. (2000), « Revisiting the concept of “vulnerability”, Social Science and
Medecine, vol. 50, n° 11, p. 557-1570.
FREUND A. M., BALTES P.B. (1998), « Selection, optimization, and compensation as strategies of
life management: correlations with subjective indicators of successfulaging », Psychological and
Aging, vol. 13, n° 4, p. 531-543.
GRUNDY E. (2006), « Ageing and vulnerable elderly people: European perspectives », Ageing and
Society, n° 26, p. 105-134.
MONOD S., SAUTEBIN A. (2009), « Vieillir et devenir vulnérable », Revue médicale Suisse, vol. 5,
p. 2353-2357.
SHIOVITZ-EZRA S. (2013), « Confidant networks and loneliness », in Börsch-Supan A., Brandt M.,
Litwin H., Weber G. (dir.), Ageing and solidarity between generations in Europe. First results from SHARE
after the economic crisis, Berlin, De Gruyter.
NOTES
1. Thèse de démographie intitulée Conditions d’habitat, entourage, politiques publiques : l’adaptation
des logements des personnes âgées en Europe.
2. La question posée dans l’enquête est la suivante : « En pensant aux douze derniers mois,
quelles sont les personnes avec qui vous avez le plus souvent discuté des choses importantes
pour vous ? Ces personnes peuvent être des membres de votre famille, des amis, voisins ou autres
connaissances. ».
3. Lors de cette vague d’enquête, le questionnaire auto-administré se concentrait exclusivement
sur les questions de santé physique et mentale, incluant notamment des questions sur le
sentiment de solitude.
4. La question est ainsi posée de la manière suivante : « Premièrement, nous listons quelques
éléments que les personnes ont utilisés pour décrire leur santé. En cochant une case dans chacun
des groupes suivants, indiquez quels éléments décrivent le mieux votre propre état de santé
actuellement » et les modalités suivantes étaient proposées : « 1. Je n’ai aucun problème à
effectuer mes activités habituelles ; 2. J’ai quelques problèmes à effectuer mes activités
habituelles ; 3. Je suis incapable de réaliser mes activités habituelles. »
5. Alpha de Cronbach=0,8. Ce coefficient permet de mesurer la corrélation entre les questions
posées sur un même sujet. Sa valeur est comprise entre 0 et 1 et doit être supérieure à 0,7.
RÉSUMÉS
Cet article traite de la question de la vulnérabilité physique perçue par les personnes âgées de 60
ans ou plus résidant dans quinze pays européens. L’intensité de la vulnérabilité y est
appréhendée selon les caractéristiques démographiques des individus, leurs conditions d’habitat,
leurs niveaux de vie et leurs réseaux sociaux. Si les personnes appartenant aux groupes d’âge les
plus avancés se déclarent plus fortement vulnérables, certains résultats (comme le sexe, la durée
des études et le niveau de revenu ou encore le statut d’occupation vis-à-vis de l’activité
professionnelle) sont largement observés dans plusieurs pays, et pour d’autres (comme le type de
logement ou de zone d’habitation et la taille du réseau social), les différences entre les pays sont
trop marquées pour établir un modèle de compréhension des disparités.
INDEX
Mots-clés : vulnérabilité physique, vulnérabilité perçue, personnes âgées, Europe
Keywords : physical vulnerability, perceived vulnerability, older people, Europe
AUTEUR
MÉLANIE LEPORI
Doctorante en démographie à l’Université de Strasbourg, laboratoire Sociétés, Acteurs,
Gouvernement en Europe (SAGE, UMR 7363). Sa thèse s’intéresse à la question du logement des
personnes âgées dans plusieurs pays européens