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285
D’OÙ VENONS-NOUS ?
HISTOIRE DE
3’:HIKMPH=^UZ^UX:?k@c@i@p@f";
C’EST SI BON
DE LÉGUER !
Johanna 92 ans, gymnaste,
soutient la recherche sur le cancer.
© Photo : René Schwerdtel/gymmedia.de/wi-bo.de
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Science et Vie
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SÉRIE
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Édito DÉ MB
285
2018
cesse réécrite
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: Agnès Chatelet, Daniel Rougier
DIRECTEUR ADMINISTRATIF ET FINANCIER
Hervé Godard Il y a 40 000 ans, Homo sapiens explorait la planète presque entière, ornait
FINANCE MANAGER
Renaud Terrade
ÉDITEUR de fresques les parois des grottes, taillait des pierres et chassait des
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N° ISSN : 1966-9437
N° de commission paritaire : 1020 K 79977 des gènes avec notre espèce. Il y a 40 000 ans, c’était il y a seulement…
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Impact sur l’eau Ptot 0,007 kg/tonne c’est certain, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. S&V - HS
LE TEMPS
DE LA VIE
8 Les chemins évolutifs qui
ont mené aux différentes
espèces vivantes.
2
LE TEMPS
DES HUMAINS
E E
de la lignée humaine.
E M
D’OÙ VENONS-
D É C
NOUS ?
14 Sur la trace
de nos ancêtres
À chaque découverte, le portrait
des différentes espèces qui
ont participé à l’histoire de
l’humanité s’affine peu à peu.
36 La fin du berceau
unique
Homo sapiens n’est pas né en
Afrique de l’Est : il est apparu
en divers lieux d’Afrique, du
métissage de plusieurs groupes.
46 Pourquoi sapiens
est-il seul ?
De toutes les lignées humaines
qui ont existé, il ne subsiste
plus que la nôtre, Homo sapiens.
Recevez Science & Vie Qu’est-il donc arrivé aux autres ?
56
et ses Hors-Série
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des animaux singuliers ?
84 La datation : l’art
indispensable de la recherche.
Non seulement elles rendent
de remonter le temps
SHUTTERSTOCK - F. VINKEN
de la Terre
Le système solaire, et la Terre avec lui, s’est formé
voici 4,5 milliards d’années (Ga), soit un peu
plus de 9 milliards d’années après la naissance de 248 Ma
l’Univers. Assez vite (il y a 3,8 milliards d’années),
alors que la planète s’est couverte d’eau,
la vie apparaît, à l’état cellulaire. Des plaques
continentales se forment, qui se mettent à dériver,
changeant peu à peu la morphologie de la planète.
Il y a 2 milliards d’années, les premières cellules
à noyaux (eucaryotes) se forment, puis la vie
mien
se développe et se diversifie, surtout à partir r
du Cambrien (– 570 millions d’années). Pe
On sait aujourd’hui que l’histoire de la vie et celle
de la Terre sont imbriquées, qu’elles ont coévolué :
les êtres vivants ont façonné la Terre autant qu’elle
leur a permis d’apparaître et qu’elle a conditionné
leur environnement – et donc leur évolution.
Le développement de la vie jusqu’à aujourd’hui
est ainsi ponctué de cinq extinctions massives
e
ifèr
(il y a 438, 360, 248, 213 et 65 millions d’années),
bon
souvent liées aux humeurs de la planète
(volcanisme notamment), dont la dernière fit
Car
disparaître les dinosaures après 175 millions
d’années de règne. Les premiers primates
apparaissent il y a 60 millions d’années, et les
premiers hominines il y a 7 millions d’années. Extinction
À l’échelle de la Terre, c’était il y a quelques du Dévonien
poignées de secondes à peine. 360 Ma
PALÉOZOÏQUE
Dévonien
1,2 Ga :
premières
algues
400 Ma :
premières
plantes
terrestres
Columbia, – 1,8 Ga Pangée, – 200 Ma
Silu
enri
438 Ma
Or
do
vic
ien
Rodinia, – 800 Ma La Pangée disloquée, – 120 Ma
Extinction
Ordovicien-
Silurien
213 Ma
Trias
Jur
as
MÉ siq
SO ue
ZO
ÏQ
UE
2 Ga :
premiers
eucaryotes
Crét
acé
4,5 Ga :
formation
de la Terre
3,8 Ga : Extinction
apparition Crétacé-Tertiaire
de la vie 65 Ma
60 Ma :
CÉ
Tertiaire
premiers
N
primates
OZOÏQU
N
RIE
E
B
AM
ÉC
PR
7 Ma :
-na ater
premiers
Qu
ire
hominines
Cambrien
570 Ma
B.BOURGEOIS
Bactéries
Protistes Vers
Éponges
Archées
Plantes Arthropodes
* Millions d’années
– 10
5M
a
– 74
… un Ma
mammifère – 30 Gibbons Orangs- Gorilles Chimpanzés
Contrairement Ma outans
aux autres
– 20
amniotes (lézards, … un Ma
oiseaux…), primate
les mammifères, – 16
dont nous faisons Parmi les euthé- Ma
partie, présentent riens, nous
des mamelles, un nous rangeons
cœur à 4 cavités, dans la catégorie … un –9 M
a
un système des primates : hominoïdé
des plantigrades Les hominoïdés –7 M
nerveux et a
encéphalique (animaux mar- rassemblent … un
développé, ainsi chant en posant les hominoïdes hominidé
qu’une tempé- … un toute la plante à l’exclusion Les pongidés
rature interne euthérien
du pied au sol) des gibbons. (orangs-outans) Hominine
constante. au cerveau … un Les seuls homi- se sont séparés … un
Les euthériens développé et hominoïde noïdés présents des autres
sont placentaires : dont le pouce Les hominoïdes sur Terre aujour- hominoïdés
homininé
ils accouchent est opposable. désignent d’hui sont les il y a environ Enfin, les
de juvéniles, l’ensemble orangs-outans, 16 millions d’an- représentants
à la différence des grands singes les gorilles, nées, laissant des lignées
des marsupiaux (les singes les chimpanzés les hommes, des chimpanzés
qui accouchent qui ne possèdent et les hommes. les gorilles et et des hommes
de larves ou pas de queue) les chimpanzés se sont séparés
des monotrèmes des gorilles il y a
B.BOURGEOIS
Les paranthropes
Également surnommés
« australopithèques
– 500 000 ANS
robustes », ils se situent
sur une branche sœur de
celle des australopithèques. Les australopithèques
Ils sont contemporains
des premiers représentants Ces hominines présentent
du genre Homo. à la fois des caractères archaïques
(notamment un petit cerveau) et
– 1 MILLION D’ANNÉES (Ma) modernes (l’aptitude à la bipédie,
par exemple). On y adjoint souvent
K. platyops, dont le genre fait
encore débat. Le plus célèbre sque-
lette d’australopithèque est celui
de Lucy, découvert en Éthiopie.
Australopithecus
sediba
– 2 Ma
Paranthropus Paranthropus
robustus boisei Australopithecus
garhi Homo
rudolfensis
Australopithecus
– 3 Ma Paranthropus prometheus
aethiopicus (Little foot)
Australopithecus
deyiremeda
Australopithecus
africanus
Australopithecus
Australopithecus bahrelghazali (Abel)
afarensis (Lucy)
– 4 Ma
– 6 Ma
Orrorin
tugenensis
Sahelanthropus
– 7 Ma tchadensis (Toumaï)
Homo
sapiens
Denisova
Homo naledi
Homo
neanderthalensis Homo
rhodesiensis
Homo
heidelbergensis
Homo habilis
Kenyanthropus
platyops
Le temps de l’humanité
À ses débuts, la paléoanthropologie donnait au pluriel ! Car s’il n’en reste qu’une aujourd’hui,
de l’évolution humaine une vision très linéaire : de nombreuses espèces d’humains se sont côtoyées
Homo erectus avait évolué pour devenir Homo et ont échangé au cours de leurs migrations.
neanderthalensis, qui lui-même était à l’origine Les fossiles retrouvés jusqu’à présent font d’ailleurs
d’Homo sapiens. Chaque fossile trouvé était alors état d’une diversité remarquable entre – 4 millions
considéré (non sans difficulté) comme un chaînon d’années et – 200 000 ans. Après cette période,
manquant entre deux espèces de la lignée humaine. Homo sapiens, né en Afrique, commence à coloniser
Le paradigme a complètement changé aujourd’hui. toute l’Eurasie et l’Océanie. Il rencontre et se mêle
On sait désormais que notre histoire est bien à l’occasion aux autres espèces, puis finit par les
plus complexe (certaines branches se sont éteintes, remplacer. Les récentes et spectaculaires décou-
d’autres se sont enchevêtrées) et remonte beaucoup vertes d’Homo naledi ou de Denisova ont permis
plus loin que ce que l’on imaginait au X Xe siècle. aux chercheurs de compléter notre histoire. Mais
L’humanité est devenue un véritable « buisson ». les découvertes futures ne manqueront pas d’ajouter
B.BOURGEOIS
Il faudrait d’ailleurs plutôt parler d’humanités de nouvelles branches au buisson de nos origines.
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D’OÙ
VENONS-NOUS ?
de l’homme ?
S&V Hors Série • 13
SUR LA TRACE DE
NOS
Australopithecus, Homo
habilis, Homo erectus,
Homo naledi… (ici, recons-
titués par la plasticienne
Élisabeth Daynès) forment
avec notre espèce, Homo
sapiens, la lignée humaine.
ANCÊTRES
S’il n’en reste qu’une aujourd’hui, la nôtre, de nombreuses
P. PLAILLY, E. DAYNES/LOOK AT SCIENCES
les remises en question, séparer les espèces pas exploitables. Mais il se pourrait plus sim-
les unes des autres est essentiel. « Il faut rester plement que certains fossiles de la lignée des
pragmatique : le concept d’espèce est très utile chimpanzés soient en fait souvent attribués à
pour comprendre et expliquer », rappelle Martin tort à la lignée humaine ! Il est, en effet, plus
Pickford. De plus, cette notion d’espèce n’est valorisant de répondre à la question de l’origine
pas le principal défi auquel fait face la paléo- de l’homme que de celle du singe.
anthropologie dans la quête de nos origines. Reste à espérer que, dans les prochaines
années, de nouveaux sites de fouilles et de
DES DÉCOUVERTES TROUBLANTES nouveaux outils permettront des découvertes
En fait, chaque nouvelle découverte est suscep- spectaculaires et éclairantes. Le développement
tible de bouleverser un scénario patiemment de la paléogénétique est extrêmement promet-
élaboré et qui aura mis du temps à s’imposer ! teur. Des fragments de fossiles déjà décou-
Les découvertes récentes d’Homo floresiensis, verts attendent d’être séquencés et analysés,
un tout petit homme de la taille d’un australopi- comme ceux de la désormais célèbre grotte de
thèque, ayant vécu il n’y a même pas 100 000 ans Denisova. La mise au jour de nouveaux osse-
en Indonésie, puis celle d’Homo naledi, qui pré- ments avec de l’ADN exploitable permettra
sente à la fois des caractères d’australopithèque peut-être des avancées aussi spectaculaires que
et d’autres plus modernes, en Afrique du Sud la découverte des dénisoviens en 2008. Mais les
(respectivement en 2003 et en 2013), en sont de
bons exemples : elles ont suscité une grande
méfiance dans la communauté scientifique et
peinent à s’intégrer dans le modèle d’évolu-
Le contenu d’une
tion actuellement en vigueur. Il faut dire que la
espèce est comme
un nuage, il change
discipline attire volontiers des « chasseurs de
gloire », sous forme d’explorateurs intrépides et
en permanence
peu scrupuleux, et que la méfiance des spécia-
listes n’est pas toujours déplacée. Mais même
lorsque les découvertes sont sérieuses, celles
qui vont à l’encontre du schéma général ont
quelque mal à se faire accepter d’une commu- fossiles assez bien conservés pour que du maté-
nauté scientifique assez conservatrice. riel génétique en soit extrait sont rares. Les pro-
En outre, l’origine de l’être humain n’est rien chaines années connaîtront probablement un
d’autre qu’une quête de soi… Et la fascination essor de l’analyse d’ADN trouvé directement
que nous avons de nous-mêmes peut facile- dans des sédiments, sans véritables fossiles.
ment introduire des biais dans la démarche Cependant, la limite majeure que rencontre la
scientifique. On peut ainsi légitimement s’éton- paléogénétique est la barrière du temps. Il n’est
ner du fait que l’on ne connaisse que très peu donc pas envisageable de se passer des osse-
de fossiles attribués aux ancêtres des chimpan- ments et des fouilles traditionnelles, même si
zés, notre plus proche parent actuel, alors que ces dernières sont incertaines, chronophages et
le registre fossile des gorilles est plus docu- demandent des moyens importants. Des lieux
menté. Une première explication est que les encore inexplorés, car peu accessibles (pour des
terrains où il est possible d’en trouver ne sont raisons de sécurité, par exemple), renferment
sans doute des trésors paléoanthropologiques.
L’érosion de certains terrains révélera peut-
être aussi de nouveaux lieux de fouilles. Mais
on peut aussi rêver de futures découvertes
tout simplement issues des collections de fos-
siles réexaminés sous un nouveau jour. D’où
qu’elles viennent, les futures découvertes ne
manqueront pas de bousculer l’ordre établi et
de complexifier l’histoire de nos origines. •
S&V Hors Série • 17
EN T RE –7 ET –5 MI LLI O NS D’A NNÉ ES
Sahelanthropus
tchadensis (ci-contre)
DÉCOUVERTE
En 2001, au Tchad, par l’équipe de
Michel Brunet. Baptisé Toumaï, son
crâne est daté à 7 millions d’années.
MORPHOLOGIE
Capacité crânienne : env. 360 cm³
Taille : de 1 m à 1,15 m
Poids : 35 kg
Alimentation : végétarienne
RESTES RETROUVÉS
Ossements d’au moins 6 individus.
Australopithecus
DÉCOUVERTE
Le premier australopithèque a été
découvert en 1924, en Afrique
du Sud, par l’Australien Raymond
Dart. Depuis, de nombreux fossiles
ont été mis au jour, comme la
célèbre Lucy (en 1974, en Éthiopie,
par le Français Yves Coppens, entre
autres) ou Little Foot (en 1994, en
Afrique du Sud, par le Britannique
Ronald J. Clarke). On en connaît à
ce jour huit espèces : A. afarensis,
A. africanus, A. anamensis, A. bah-
relghazali, A. deyiremeda, A. garhi,
A. prometheus, A. sediba.
MORPHOLOGIE
Très variable selon l’espèce.
Capacité crânienne : de 385
à 550 cm³
Taille : de 1 m à 1,50 m
Poids : de 29 à 50 kg
Alimentation : végétarienne et, à
l’occasion, omnivore pour certains.
APTITUDES
On les connaît mal. Certaines
espèces ont pu fabriquer des outils.
RESTES RETROUVÉS
Au total plus d’un millier de restes
(plus de 500 pour afarensis, un seul
E. DAYNES/LOOK AT SCIENCES S. HARMAND/STONY BROOK UNIV. L. BRUXELLES/INRAP
pour bahrelghazali).
FOSSILES
DÉCOUVERTS
Aire de répartition
Les australopithèques étaient
présents sur une grande partie
de l’Afrique.
Homo habilis
DÉCOUVERTE
Les premiers fossiles ont été trou-
vés en 1960 sur le site d’Olduvai,
en Tanzanie, par Jonathan Leakey,
le fils des paléontologues Louis
et Mary Leakey.
MORPHOLOGIE
Il y a une grande variabilité anato-
mique entre les individus. Mais
leur face est moins projetée
vers l’avant et plus plate que
celle des australopithèques.
Capacité crânienne : de 500
à 850 cm³
Taille : de 1,15 m à 1,50 m
Poids : de 30 à 40 kg
Alimentation : omnivore.
Le régime d’habilis était
diversifié et opportuniste.
APTITUDES
Habilis était partiellement arbori-
cole. Il savait s’adapter à des envi-
ronnements et à des climats variés,
et utilisait des outils en pierre.
RESTES RETROUVÉS
Près de 200 fossiles sont attribués
à habilis, tous découverts dans des
sites de la vallée du Rift. Ce sont
principalement des dents isolées ;
crânes et mandibules sont rares. S. ENTRESSANGLE, E. DAYNES/LOOK AT SCIENCES UNIV. MALAGA
FOSSILES
DÉCOUVERTS
Aire de répartition
Homo habilis était présent en Afrique
orientale et en Afrique australe.
Homo erectus
Homo naledi
Homo floresiensis
DÉCOUVERTE
En 2003, par une équipe dirigée
par l’Australien Mike Morwood
et l’Indonésien Radien Soejono,
sur l’île de Flores, en Indonésie.
MORPHOLOGIE
Les étranges proportions des
fossiles ont surpris les paléoanthro-
pologues : l’homme de Flores
ne mesure qu’un peu plus de 1 m
à l’âge adulte, soit la taille d’un
enfant sapiens de 4 ou 5 ans, et
ses pieds sont aussi longs que ses
tibias. Certains de ses caractères le
rapprochent des australopithèques,
d’autres des erectus et d’autres
encore des sapiens.
Capacité crânienne : 426 cm³
Taille : 1,10 m
Poids : de 16 à 28 kg
Alimentation : supposée omnivore
APTITUDES
L’établissement d’une population
sur l’île de Flores implique que ses
ancêtres ont été capables de navi-
guer. On ignore encore s’il maîtri-
sait le feu et s’il utilisait des outils.
RESTES RETROUVÉS
Les os d’au moins 10 individus.
E. DAYNES/LOOK AT SCIENCES A. IBRAHIM/AP/SIPA
ÎLE DE FLORES
Indonésie
L’homme de Denisova
I S R A Ë L Grotte de Misliya
UN MAXILLAIRE DATÉ
DE 180 000 ANS
UNE OCCUPATION
HUMAINE REMONTANT Madjedbebe
À 65 000 ANS
AU S T R A L I E
I. HERSHKOVITZ, TEL AVIV UNIV. - GUNDJEIHMI ABORIGINAL CORPORATION - CLARKSON ET AL.
Coppens de Lucy, un australopithèque vieux de conduit beaucoup plus tard jusqu’à sapiens. Alors
3,2 millions d’années, alors considéré (à tort) qu’à l’ouest, plus humide, la forêt aurait, à l’in-
comme un ancêtre bipède de l’espèce humaine, verse, favorisé un comportement arboricole ayant
donne alors du crédit à une théorie formulée abouti aux grands singes.
quelques années plus tôt, baptisée East Side Story.
Son fondement : près de la Corne de l’Afrique, la DES AUSTRALOPITHÈQUES ARBORICOLES
formation de la vallée du Grand Rift, une série de L’histoire est séduisante, mais ce modèle est rapi-
failles géologiques de 6 000 km de longueur sur- dement pris en défaut par des découvertes qui
venues il y a environ 10 millions d’années, aurait ne s’y inscrivent pas parfaitement. Comme des
été suivie d’une différenciation climatique et envi- ossements d’australopithèques trahissant des
ronnementale. À l’est de cette vallée, le climat sec comportements arboricoles et, surtout, des aus-
et aride aurait modifié la végétation au profit de tralopithèques comme Abel (Australopithecus
la savane et progressivement poussé les espèces bahrelghazali), vieux de 3 à 3,5 millions d’années,
emprisonnées par cette barrière naturelle, les aus- mais retrouvés au Tchad, en Afrique centrale,
tralopithèques comme Lucy, à passer progressive- bien à l’ouest du Grand Rift. « Le berceau de l’hu-
ment à la bipédie pour se déplacer et repérer les manité se promène », titre d’ailleurs à l’époque
proies et les prédateurs dans les herbes hautes. le journal Libération. La découverte de Toumaï
Une adaptation dont l’une des branches aurait (Sahelanthropus tchadensis), en 2001, enfonce le
L’ORIGINE AFRICAINE
clou. Ce bipède affichant l’âge vénérable de 7 mil- rope, l’Asie, puis l’Indonésie. Plusieurs vagues
lions d’années, considéré comme le plus ancien de sorties d’Afrique se seraient ensuite succédé,
spécimen connu plus proche de l’homme que du donnant naissance aux différents Homo (hommes
singe, lui aussi exhumé au Tchad, donne le coup de Neandertal en Europe, de Denisova au nord de
de grâce au modèle East Side Story. l’Eurasie, de Florès en Indonésie…) qui seront au
Si l’Est a depuis été remis en question (lire final remplacés par sapiens.
encadré page de droite), l’origine africaine des Mais, depuis quelques années, la découverte
Homo continue toutefois rallier la majorité des d’ossements et d’outils anciens en Asie redonne
45 000 ans
120 000-
80 000 ans La découverte de nombreux fossiles d’hominidés,
dont les plus anciens remontent à 7 millions
60 000 ans d’années, dans la vallée du Grand Rift, a largement
contribué à la croyance d’un berceau est-africain
SAPIENS de l’humanité dans cette région à cheval sur
Descendants le Kenya et l’Éthiopie. Elle a même donné naissance
d’heidelbergensis africains 60 000 ans
à un modèle baptisé « East Side Story », popularisé
par la découverte en 1974 de l’australopithèque
Lucy en Éthiopie par l’équipe d’Yves Coppens. Mais
Homo sapiens aurait émergé en Afrique il y a 200 000 ans cette « preuve » géographique est une illusion d’op-
et atteint le Moyen-Orient il y a 120 000 à 80 000 ans. tique, un biais lié au fait que cette région est géolo-
Il se serait plus tardivement répandu en Europe et en Asie giquement propice à la conservation des ossements
par vagues successives. (lire p. 74), à l’origine d’une véritable ruée vers l’os
qui dure encore aujourd’hui. « Il est vrai que 90 %
45 000 ans des fossiles trouvés se situent à l’est (au Kenya, en
120 000- 60 000 ans Éthiopie, en Tanzanie…) et un peu au sud (en Afrique
80 000 ans du Sud), relate Jean-Jacques Hublin, le découvreur
120 000- de l’Homo sapiens le plus ancien trouvé à ce jour
80 000 ans (315 000 ans), au Maroc. Mais c’est parce que
SAPIENS les conditions de conservation y sont exceptionnelles.
Descendants des hominines Il y avait probablement des populations ailleurs, mais
du Moyen-Orient 60 000 ans
leurs traces sont plus rarement parvenues jusqu’à
nous. C’est un peu l’histoire de l’ivrogne qui cherche
sa clé perdue sous le réverbère parce que c’est là
Les Homo sapiens seraient apparus en Afrique, issus qu’il y a de la lumière : ça ne veut pas dire qu’elle n’est
d’Homo heidelbergensis ou d’autres hominines dérivés pas ailleurs. » Dans de nombreuses autres régions
de ceux du Moyen-Orient, et se seraient dispersés d’Afrique, l’érosion et la présence de forêts,
en Eurasie selon plusieurs vagues. synonymes de sols acides agressifs pour les fossiles,
se sont opposées à la conservation des traces. Ce
qui ne signifie pas que celles-ci n’ont jamais existé !
Plusieurs travaux récents tendent ainsi à vou- Par ailleurs, on sait maintenant que la branche
loir repousser le centre de gravité du berceau de à laquelle appartenait Lucy n’a pas donné naissance
l’humanité vers l’Asie. Comme cette étude publiée à la lignée humaine : non seulement le berceau
en juillet dernier dans Nature par une équipe n’était pas à l’est, mais ce n’était pas un berceau !
chinoise qui estime que des outils taillés (carac- Jean-Jacques Hublin explique l’illusion d’un
téristiques du genre Homo) retrouvés au nord berceau unique de l’humanité par les conditions
exceptionnelles de conservation des fossiles en
du pays, sur le plateau de Lœss, remonteraient Afrique de l’Est.
à 2,1 millions d’années. Soit une sortie d’Afrique
précoce qui amènerait à reculer la date d’appari-
tion d’Homo en Asie, alors que les traces les plus
anciennes (1,85 million d’années) d’Homo hors
d’Afrique avaient jusqu’ici été trouvées à Dmanisi,
en Géorgie. Ou cette autre étude publiée fin 2017
dans l’American Journal of Physical Anthropology
sur le crâne de Dali, trouvé en Chine en 1978, vieux
de 260 000 ans, qui estime que certains de ses traits
sont assez proches du sapiens du Djebel Irhoud
(315 000 ans) et qui émet l’hypothèse que l’Eura-
P. GROLLIER/PASCO
l’humanité à des fins politiques, reste loin de faire allons de visions simplistes et caricaturales vers
l’unanimité. Car certaines des datations restent une réalité plus subtile et compliquée », résume
sujettes à caution. « Des outils de 2 millions Jean-Jacques Hublin. « Le modèle d’une popula-
d’années en Chine ? Je ne suis guère convaincu, tion ancestrale issue d’un berceau bien localisé
estime un paléoanthropologue. C’est un site pro- prête à confusion, abonde Lounès Chikhi, car cela
blématique, un canyon bordé d’une pente raide sur suppose un peuple originel unique, comme dans
laquelle le matériel a pu se déplacer, ce qui fausse certaines idéologies douteuses. Et si, en réalité,
toute datation. » Sans compter que pour l’heure, les populations s’étaient connectées, déconnectées
les données issues de la génétique restent têtues. et reconnectées à de multiples reprises à l’échelle
« Les fossiles découverts en Asie suggèrent que du continent africain : un grand mélange et une
des êtres humains y ont vécu plus tôt qu’on ne le humanité sans cesse renouvelée ? »
pensait. Reste qu’ils n’ont pas contribué au patri- « On passe progressivement d’un modèle linéaire
moine génétique actuel, c’est un fait solidement à quelque chose de plus buissonnant, qui part un
établi jusqu’à preuve du contraire », tranche Lounès peu dans tous les sens. Les migrations se sont sûre-
Chikhi. « Certains travaux, dont les miens, recon- ment faites de façon graduelle, continue, et dans
naissent les revendications croissantes concernant les deux sens, hors d’Afrique et vers l’Afrique,
des fossiles anciens de type sapiens en dehors de depuis 2 millions d’années », estime lui aussi
l’Afrique. D’autres ont tendance à réfuter totale- Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum
ment ces revendications. Il n’y a pas de consensus national d’histoire naturelle. Quand et dans quels
clair pour le moment », résume Chris Stringer. sens ces échanges entre l’Afrique et le reste du
Ces différentes découvertes complexifient monde se sont-ils déroulés ? Comment les coha-
toutefois un peu le paysage et appellent à des bitations qu’ils ont créées se sont-elles passées ?
approches plus nuancées. « Il faut abandonner la Comment ont-elles fini par donner naissance à
vision linéaire de l’évolution des espèces au profit sapiens ? Bref, d’où venons-nous ? La réponse
d’une vision buissonnante, même s’il ne reste plus paléoanthropologique à cette question existentielle
qu’une seule brindille de ce buisson : sapiens. Nous est encore loin d’être tranchée. •
44 • S&V Hors Série
Neandertal s’est éteint
après 300 000 ans d’occupation
BCA/RUE DES ARCHIVES
POURQUOI
SAPIENS
EST-IL SEUL ?
De tous les Homo,
sapiens est le dernier à
exister encore aujourd’hui.
Pourquoi ? Quel rôle a-t-il
D es centaines d’espèces différentes de
méduses, des milliers d’espèces de papil-
lons… et une seule d’hommes. Homo
sapiens est aujourd’hui l’unique représentant du
genre Homo. Pourtant, il y a des dizaines de mil-
liers d’années, la situation était très différente.
L’autre spécimen humain le plus connu à ce jour est
joué dans la disparition l’homme de Neandertal, ou Homo neanderthalen-
sis, dont de nombreux fossiles ont été retrouvés
des autres espèces et, dès le XIXe siècle. D’abord considéré comme une
notamment, dans celle étape ultime avant Homo sapiens dans la chaîne
évolutive, il a été reconnu dans les années 1970
de Neandertal, dont il a comme une espèce à part entière, qui a cohabité
avec sapiens. Grâce à des moyens d’investigation
été le contemporain ? de plus en plus performants comme la paléobiogéo-
et les dénisoviens, gènes que l’on retrouve dans C’est comme comparer l’homme d’aujourd’hui et
certaines populations actuelles. celui du Moyen-Âge, et en déduire que l’on est plus
Mais alors, aurions-nous poussé les autres vers intelligent parce que l’on a Internet. Cela n’a pas
l’extinction ? La question se pose depuis longtemps de sens ! », s’insurge Antoine Balzeau, chercheur au
en ce qui concerne Neandertal. D’abord qualifié CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle.
Une étude approfondie des fossiles a permis de des épieux en bois et des lances. Quant au langage,
montrer que Neandertal n’était pas la brute que la génétique a montré la présence chez les néander-
l’on croyait et, depuis quelques années, il fait l’objet taliens du gène FoxP2, qui est associé au langage
d’une véritable campagne de réhabilitation. « Parler articulé chez nous. De plus, Neandertal, tout comme
de cognition inférieure est totalement dépassé sapiens, enterrait ses morts, sans hiérarchie de
aujourd’hui », considère Marylène Patou-Mathis, sexe ou d’âge, et procédait à des rituels funéraires
directrice de recherche au CNRS rattachée au complexes. « Les néandertaliens savaient diversi-
Muséum national d’histoire naturelle. Pour preuve, fier leur alimentation et leurs techniques d’acqui-
les néandertaliens auraient été à l’origine de la sition de la nourriture (notamment du gibier), ils
technique de débitage de la pierre dite « Levallois », connaissaient parfaitement leurs territoires d’ap-
qui sert à créer des objets spécifiques tels que les provisionnement et ils avaient une grande capa-
racloirs. Les hommes modernes l’auraient même cité d’adaptation à différents environnements »,
copiée. Neandertal fabriquait également des armes : résume Marylène Patou-Mathis. Rappelons que les
une petite différence de couleur de peau, de dia- dertalienne. « Un pareil phénomène ne peut s’expli-
lecte ou de religion a suffi à pousser un groupe quer que par l’érosion de diversité qu’entraîne une
de sapiens à en exterminer un autre. Les anciens chute démographique », relèvent Silvana Condemi,
sapiens auraient-ils été plus tolérants envers une paléoanthropologue à l’université d’Aix-Marseille
espèce humaine entièrement différente ? Il se et directrice de recherches au CNRS, et François
peut fort bien que la rencontre des sapiens et des Savatier, dans leur livre Neandertal, mon frère ;
Neandertal ait donné lieu à la première et la plus 300 000 ans d’histoire de l’homme.
Enfin, d’autres hypothèses, plus farfelues, ont suffisamment nombreux pour qu’une petite partie
été émises : « Certains avancent que Neandertal du génome de Neandertal soit transmise à travers
était cannibale et qu’il est mort de la maladie de les générations jusqu’à aujourd’hui.
la vache folle. D’autres pointent les changements La thèse d’un déclin démographique chez nos
cosmologiques qui se sont produits à l’époque où cousins éloignés est aujourd’hui discutée. « Une
sapiens est arrivé en Europe : Neandertal n’au- baisse démographique a pu arriver, mais nous
rait pas supporté les rayons ultraviolets. Mais on n’avons pas assez de données pour l’affirmer. De
se demande alors pourquoi sapiens si », ajoute, plus, leur grande expansion géographique montre
amusée, Silvana Condemi. Une alimentation trop que les néandertaliens n’ont pas eu de problèmes
spécialisée, pauvre en oméga 3 et trop riche en de reproduction pendant 300 000 ans. Pourquoi,
protéines animales, ou même la fumée des foyers d’un seul coup, auraient-ils arrêté de se repro-
ont aussi été évoquées comme autant de causes duire ? », questionne le chercheur. Si une baisse
possibles de son extinction… de la population néandertalienne n’est pas avé-
Quelle hypothèse privilégier ? Si elle paraît plau- rée, la progression démographique de son cousin
sible, la piste d’une éradication de Neandertal sapiens paraît, elle, indiscutable. « Pour preuve, il
par la violence ne tient pas. « Les génocides sont sort d’Afrique et va conquérir d’autres territoires »,
rapides, ils ne prennent pas entre cinq mille et souligne Silvana Condemi.
dix mille ans. Or, c’est à peu près le temps de dis- C’est finalement le scénario d’une « absorp-
parition des néandertaliens après une cohabitation tion » génétique des néandertaliens par l’homme
avec sapiens. Même si des conflits et de la vio- moderne qui se révèle aujourd’hui le plus fondé.
lence ont pu avoir lieu localement, il y a surtout Dès son arrivée en Europe, l’homme moderne
Flores auraient-ils décliné à cause de la consangui- n’ont pas contribué au patrimoine génétique de
nité ou de ressources limitées ? l’humanité actuelle. C’est une seconde vague
Pour Nick Scroxton, chercheur au département d’Homo sapiens, arrivée il y a 60 000 ans depuis
de géosciences de l’université Massachusetts, l’Afrique, qui explique la diversité actuelle », ajoute
aux États-Unis, il y a trois candidats possibles Antoine Balzeau. De quoi relativiser la prétendue
pour expliquer la fin de celui que l’on surnomme le supériorité de sapiens… •
S&V Hors Série • 53
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SHUTTERSTOCK
QUEL EST LE
PROPRE DE
L’HOMME ?
Le constat est rude pour l’ego humain : plus
on étudie l’homme et ses ancêtres, plus ce qui nous
distingue des autres animaux nous échappe.
Qu’est-ce qui nous définit, finalement ? La bipédie ?
Le langage ? La création d’outils ? La maîtrise
du feu ? La spiritualité ? La pratique artistique ?
Ou la conjugaison de tout cela ? Les explorateurs du
passé tentent de dater l’apparition de nos différentes
capacités et d’en apprécier la singularité.
Découvertes en Tan-
zanie dans de la cendre
volcanique durcie, ces
traces de pas datent de
3,6 millions d’années.
Des restes de
silex, de bois et
de graines brûlés
(ci-contre, de l’oli-
vier sauvage et
un grain d’égilope
vus au micros-
cope) ont été
trouvés à Gesher
Benot Ya’aqov,
en Israël. Répartis
en des endroits
spécifiques du
site, ils seraient
les vestiges de
foyers allumés il y
a 790 000 ans…
LA MAÎTRISE DU FEU
DES FOYERS D’AU MOINS 400 000 ANS
Le feu a changé la vie de l’homme. vont bien plus loin : des graines brûlées
Il l’a sorti de l’obscurité, lui a permis trouvées à Gesher Benot Ya’aqov, en Is-
d’améliorer sa nourriture et ses outils, raël, feraient remonter les premiers
de voyager vers les régions froides… foyers à 790 000 ans. D’autres traces,
Savoir où et quand sa maîtrise est sur des sites kényans et sud-africains
apparue est ainsi un débat brûlant en particulier, suggèrent qu’Homo
chez les spécialistes. Ils en cherchent erectus utilisait déjà le feu entre – 1,6
les plus anciennes traces archéolo- et – 1 million d’années. Mais il s’agissait
giques, mais peinent à déterminer probablement d’une utilisation ponc-
si elles témoignent d’une utilisation tuelle de feu naturel, ce qui n’est pas
intentionnelle. Les chercheurs s’ac- strictement le propre de l’homme : en
cordent toutefois sur des preuves Australie, certains rapaces relancent ou
claires de sa domestication il y a déplacent des feux naturels au moyen
400 000 ans, dans des sites en Europe, de brindilles enflammées, pour mieux
en Asie et au Proche-Orient. Et certains chasser leurs proies effrayées. L.H.
Il y a 92 000 ans ce jeune
sapiens de 12-13 ans était
inhumé avec les bois d’un
cervidé. Une marque d’at-
GETTY
LE LANGAGE
UN APANAGE DE L’HOMME DIFFICILE À RETRACER
Certes, les animaux communiquent sentations artistiques plus anciennes entre taille du cerveau et aptitude
et certains de façon très élaborée. Mais conduisent à la repousser. Gravures au langage : faut-il un minimum de 400
seuls les hommes ont inventé, avec abstraites de plus de 70 000 ans à 500 cm3, comme chez les australo-
un nombre limité de sons, une infinité et parures de coquillages colorés pithèques ? Ou de 600 cm3, comme
de mots qui s’emboîtent pour créer de 85 000 ans révèlent la présence chez Homo habilis ? La morphologie
du sens, grâce à la syntaxe. Le langage probable d’un langage sophistiqué il y a de la boîte crânienne peut-elle aider
est donc clairement propre à l’homme : au moins 100 000 ans, c’est-à-dire à y voir plus clair ? Celle des australo-
« Nous sommes même passés d’un au moment de l’expansion des sapiens. pithèques gahri laisse déjà poindre
primate incapable de parler à un primate l’empreinte d’une asymétrie, mais c’est
incapable de se taire ! », plaisantait Jean- SAPIENS, MAIS PAS UNIQUEMENT surtout à partir d’habilis que la région
Louis Dessalles, chercheur à ParisTech, D’ailleurs, il y a 100 000 ans, d’autres temporale gauche, qui contient les aires
dans les colonnes de Science & Vie espèces peuplaient la Terre, dont du langage, apparaît véritablement
en 2011. Comment et quand s’est-il Neandertal. Or, au vu de ce qu’il a laissé développée. Peut-on en déduire
imposé chez les humains, alors que comme traces, (outils, œuvres d’art…), qu’habilis parlait ? Peut-être. Mais plus
d’autres primates sont restés muets ? nul doute qu’il savait parler. Peut-on, que la taille, à un instant t, c’est son
Les paléoanthropologues peinent dès lors, imaginer l’émergence du lan- augmentation qui attire l’attention
à répondre à la question, les fossiles gage chez des espèces antérieures ? des spécialistes. En un million d’années,
étant peu bavards sur ce sujet. Leur Les outils sophistiqués de 1,7 million les hominines sont passés d’un cerveau
première piste : tenter de dater d’autres d’années ne supposent-ils pas un re- de 400 cm3 à 1 000 cm3, ce qui coïncide
signes de l’émergence d’une pensée cours à un niveau d’abstraction que seul avec l’émergence d’Homo erectus,
symbolique, comme la fabrication le langage autorise ? La domestication premier humain capable de quitter
D’ERRICO/HENSHILWOOD
d’outils sophistiqués, la pratique du feu, il y a 400 000 ans, ne révèle- l’Afrique et de s’adapter à nouvel envi-
de sépultures ou l’expression artistique. t-elle pas l’existence d’un système ronnement. Un succès évolutif qui
La date de 40 000 ans, qui correspond de communication perfectionné ? laisse penser qu’il avait acquis une arme
à une explosion artistique en Europe, Ces questions sont largement débat- prodigieuse. Le langage ? Un proto-
a longtemps prévalu. Mais des repré- tues, tout comme celle du rapport langage ? Peut-être… D’après A.G.
maîtrise de l’estompe
et de la perspective.
L’ÉLEVAGE
DES ANIMAUX
À NOTRE SERVICE
Le premier animal apprivoisé par l’homme
fut le loup, qui devint ainsi le chien,
il y a probablement plus de 14 000 ans.
S’ensuivit une longue phase de contrôle
des animaux sauvages, entre – 12 000
et – 9 000, qui précéda les débuts
de la domestication. Au moment
de l’apparition de l’agriculture, sapiens
se met à élever de nombreuses espèces,
dont des ossements ont été exhumés
lors de fouilles archéologiques au Proche-
Orient : chèvres, moutons, cochons
et bovins. Le même processus se produit
à la même époque de manière indépen-
dante en Amérique du Sud (lamas,
alpacas, cochons d’Inde, canards
de barbarie) et du Nord (dindons),
en Extrême-Orient (cochons, chèvres,
buffles, coqs), en Afrique (ânes et peut-
être bovins), en Asie centrale (chevaux et
chameaux) et même en Europe (cochons).
Dans de nombreuses régions du globe,
plantes et animaux domestiqués
ont formé très tôt un système intégré,
les seconds étant nourris avec des déchets
agricoles, menés sur les champs après
les récoltes pour les régénérer grâce
à leur fumier, et fournissant viande,
graisse, peaux, poils et produits laitiers.
L’utilisation des bovins pour leur force
motrice dans l’agriculture ne s’est
développée, elle, que plus tardivement,
vers le e- e millénaire. D’après P.T.-V.
L’AGRICULTURE
UNE RÉVOLUTION NÉE AU PROCHE ORIENT
C’est un événement majeur de (avec les piments, les courges, les
l’histoire de l’humanité. Il y a environ haricots et le maïs), en Afrique et en
11 000 ans, sapiens, qui vivait en petites Océanie (avec les bananes, les cannes
communautés se déplaçant sans cesse à sucre et les ignames), où des cultures
pour se nourrir, s’est organisé en sont apparues entre les V e et e millé-
sociétés fixes et productrices. Une révo- naires avant notre ère. Aucune trace,
lution, car maîtriser la culture de nom- en revanche, de quelque centre
breuses plantes (dont les céréales, qui de primo-domestication d’espèces
fournissent aujourd’hui les trois-quarts végétales en Australie, en Sibérie
des calories alimentaires de l’humanité) et au Groenland. Quant à l’Europe,
a permis une augmentation specta- l’agriculture n’y a pris racine, entre
culaire des ressources disponibles, les V e et Ve millénaires avant notre ère,
une croissance démographique sans que grâce à des variétés initialement
précédent et, par la suite, l’émergence cultivées au Proche-Orient. Des travaux
des premières cités. Les plus anciennes en génétique des populations humaines
traces de culture se situent au Proche- suggèrent que ce sont des agriculteurs
Orient (vigne sauvage et blé en Israël, venus du Proche-Orient avec leurs
orge et blé en Égypte), au e millénaire plantes et leurs modes de vie qui ont
avant notre ère. Mais au moins converti les populations autochtones
dix autres aires de domestication des à l’agriculture. La diffusion des langues
plantes ont déjà été repérées, en Asie indo-européennes a d’ailleurs suivi
(avec le riz et le millet), en Amérique le même chemin. D’après P.T.-V.
La culture
des plantes,
et surtout celle
des céréales (ici,
le fossile d’un épi
d’orge carbonisé
retrouvé en Ar-
AKG IMAGES G. WILLCOX
ménie), a permis
une croissance
démographique
sans précédent.
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LES OUTILS
DE LA
PALÉONTOLOGIE
74 La prospection : repérer
les sites fossilifères
80 Les fouilles : l’étape clé
du terrain
84 La datation : l’art
de remonter le temps
88 L’analyse ADN : faire parler
les génomes préhistoriques
SHUTTERSTOCK
96 La reconstitution : redonner
chair à nos ancêtres
S&V Hors Série • 73
La vallée du Rift (visible ici sur
une image radar), en Afrique, a
livré de nombreux fossiles. Cette
région connaît en effet un climat
sec depuis des millénaires, favo-
rable à la conservation des os.
Les outils de la paléontologie
LA PROSPECTION
Repérer
les sites
fossilifères
Le choix d’un site
de fouille est le résultat
d’un minutieux travail
de recherche sur le climat,
C’ est la base même de l’archéologie et de
la paléontologie : fouiller dans l’espoir
de trouver des traces laissées par nos
ancêtres ou leurs cousins. Des pierres taillées, des
outils façonnés, des parures et, bien sûr, des sque-
lettes. Le tout suffisamment bien conservé pour es-
pérer identifier l’espèce à laquelle ils appartenaient
la géographie et la géo- et la situer dans la grande histoire de l’évolution. Une
chasse au trésor loin d’être gagnée, pour laquelle les
logie du passé. Objectif : archéologues choisissent soigneusement leur site de
identifier les rares lieux fouilles, afin d’optimiser leurs chances de succès.
Première étape : identifier un endroit où une popu-
susceptibles d’avoir lation primitive aurait pu vivre sur une durée assez
longue ou répétée. Soit, le plus souvent, à proximité
conservé les fragiles traces d’une source d’eau potable. « Il est essentiel de
de nos lointains ancêtres. chercher près de l’eau, car c’est là que les sociétés
s’installaient », résume Benjamin Lans, géologue
NGA/JPL/NASA
séjourner ne suffit pas. Encore faut-il que leurs leur découverte », précise Francesco d’Errico, anthro-
éventuelles traces aient réussi à traverser le temps pologue aux universités de Bordeaux et de Bergen,
première chose que les chercheurs regardent quand route, de l’eau, de l’électricité… », rappelle Benjamin
une découverte est publiée : le contexte du lieu et sa Lans. « En Namibie, il y a des endroits où l’on pense
configuration, pour vérifier s’il est probant ou non. » avoir une bonne chance de tomber sur des austra-
Reste ensuite à situer les sédiments correspondant lopithèques, explique Laurent Bruxelles. Mais c’est
à l’époque ciblée. Outre les géologues, spécialisés à 400 km de la première route, en autonomie totale,
dans l’origine des roches souterraines, les paléon- au milieu des lions et des éléphants. Le potentiel est
tologues font aussi souvent appel à des géomorpho- bon, mais le site n’a pas encore été fouillé. »
logues, spécialisés dans la formation des paysages Tout le potentiel de découvertes est donc loin
et des reliefs. Leur rôle : trouver les endroits où des d’être épuisé. D’autant que, depuis quelques an-
sédiments anciens affleurent, sous l’effet de la tec- nées, les archéologues s’aperçoivent que des tré-
tonique des plaques, comme c’est le cas en Afrique, sors se cachent dans des endroits où ils n’auraient
dans la vallée du Rift, où les couches géologiques se pas pensé à creuser. « En France, depuis une quin-
sont soulevées et apparaissent désormais à la sur- zaine d’années et l’obligation légale de faire des
face, en oblique, comme un véritable livre ouvert sur fouilles préalables le long des chantiers de chemins
le passé. Les paléontologues font aussi appel à des de fer ou d’autoroute, on trouve dix fois plus de sites
karstologues, spécialisés dans la formation et l’évo- que dans les années 1950 », constate Francesco
lution des grottes, pour trouver des cavités formées d’Errico. « Environ 90 % des sites découverts sont
T. COULTHARD, UNIV. OF HULL, UK M. SOHIM
LES FOUILLES
L’étape clé
du terrain
La mise au jour de fossiles
n’a rien d’improvisé.
C’est une succession
d’opérations strictement
O n l’imagine bien, mi-aventurier mi-
savant fou, passant son temps le nez
dans les cailloux, en train de dégager
minutieusement le fémur ou le crâne de la future
star du passé qui fera sa gloire. Pourtant, le paléon-
tologue consacre davantage de temps à prospec-
ter (une étape théorique à base de recherche
définies pour garantir documentaire et de cartographie), à interpréter
des données et à rédiger des articles qu’à fouil-
la collecte d’un maximum ler véritablement. Et, quand il le fait, la démarche
Les sondages consistent à creuser sous la sur- S’adapter aux contraintes du site
face à intervalles réguliers avec, selon la nature En 2013, une nouvelle espèce humaine appelée
du sol, une pelle mécanique, un carottier ou des Homo naledi était découverte en Afrique du Sud,
tarières manuelles (des spirales métalliques qui dans le réseau de grottes Rising Star. Supervisée
s’enfoncent dans le sol). Quelques innovations depuis l’extérieur au moyen de caméras par le pro-
fesseur Lee Berger, la collecte des fossiles a été
moins invasives sont également de plus en plus
effectuée par des femmes assez menues pour se
utilisées, comme le radar à pénétration de sol,
faufiler dans l’étroite fissure conduisant à la salle
qui permet de visualiser les différents milieux
qui abritait les fragments d’os (ci-contre, à droite).
souterrains à l’aide d’ondes électromagnétiques.
Dès qu’une structure intéressante est décelée, les
chercheurs sortent alors les traditionnels pelles, prélèvements plus ou moins réguliers. » La princi-
truelles, seaux et autres brosses. pale problématique pour les professionnels sur le
terrain consiste à « sentir » à quel moment et à quel
DE PRÉCIEUX SÉDIMENTS ENVIRONNANTS endroit un échantillon doit être pris. Car le coût et le
C’est là que cela devient vraiment délicat. Car temps que représentent les prélèvements limitent
fouiller un sol, c’est comme lire un livre en brû- la tentation de les multiplier à l’infini.
lant chaque page au fil de la lecture : pour accéder Différentes techniques sont utilisées afin de
à ce qui est enfoui, parfois à plusieurs mètres de conserver les informations sur les différentes
profondeur, les archéologues doivent se débarras- couches de sédiments rencontrées. « C’est le cas
ser des couches du dessus. « Or, l’environnement de la photogrammétrie, qui consiste à prendre un
autour duquel est trouvé un objet ou un fossile est grand nombre de photos du chantier au fil de son
au moins aussi important que l’objet lui-même, avancement pour, ensuite, mettre au point des
indique Jean-Jacques Bahain, professeur au modélisations 3D de celui-ci », ajoute François
Muséum national d’histoire naturelle. Ce fameux Giligny. Mais la véritable révolution des dernières
“contexte” renferme en effet une quantité phéno- décennies aura sans aucun doute été l’utilisation
ménale de renseignements nécessaires pour dater d’ordinateurs sur les sites de fouille. « Ils augmen-
ou étudier plus généralement ce qui a été décou- tent considérablement la quantité et la qualité
vert. » Il est donc essentiel de recueillir le maximum des informations recueillies par les équipes sur le
BARCROFT MEDIA/GETTY - GETTY
d’informations sur les couches sédimentaires tra- terrain, indique Shannon McPherron, de l’Institut
versées lors de la fouille avant de les détruire pour Max-Planck d’anthropologie évolutionniste de
de bon. « En premier lieu, détaille François Giligny, Leipzig, en Allemagne. Couplés à des GPS ou à
il faut procéder à une analyse qualitative des sédi- des lasers télémètres, des logiciels spécialisés
ments (nature et densité de la couche, types d’in- peuvent enregistrer et cartographier un endroit du
clusions rencontrées, etc.) avant de réaliser des site en trois dimensions en un temps record. Les
L A DATAT I ON
L’art de
remonter
le temps
Depuis l’invention de la
datation au carbone 14,
d’autres méthodes ont été
développées pour estimer
L a datation est une étape décisive des
recherches en paléoanthropologie. Elle peut
faire d’une banale trouvaille une véritable
révolution, et inversement. Ainsi, la découverte du
crâne de Toumaï au Tchad, en 2001, n’aurait pas
quitté la sphère des spécialistes s’il n’avait été daté
à 7 millions d’années, ce qui le consacra comme
l’âge d’un fossile. Le choix plus ancien représentant de la lignée humaine.
Mais la datation ne va pas de soi et certains fossiles
de l’une d’entre elles étant gardent farouchement le secret de leur grand âge. Si
souvent dicté par le lieu plusieurs méthodes existent, aucune n’est exempte
de défauts, aussi les chercheurs s’emploient à les
de la découverte. Le point perfectionner et à en inventer de nouvelles.
Parmi les procédés les plus utilisés, la datation par
sur ces différents outils le carbone 14, mise au point dès les années 1950, est
R. SHONE/SPL/COSMOS
de chronologie. le plus célèbre. « Elle repose sur le fait que les êtres
vivants disposent tous d’un stock connu de l’iso-
PAR SIMON DE O tope 14 du carbone », détaille Emmanuelle Delqué-
Koli du Laboratoire de mesure du carbone 14, à
Saclay. Plus précisément, l’air que nous respirons
humain découvert en France] car elle a été retrou- qu’elles avaient disparu depuis un demi-million
vée dans un sol archéologique dont les chercheurs d’années au moins. Reposant sur des événements
connaissaient l’âge. » Pour dater l’âge d’un sol, les de longue durée (extinction ou apparition d’une
scientifiques recourent là encore à des méthodes espèce, intervalle entre deux inversions du champ
radiométriques, comme la mesure de l’argon 40, magnétique…), ces méthodes stratigraphiques ne
d’origine volcanique. Elle couvre avec une bonne donnent néanmoins qu’une estimation imprécise.
L’A NALYSE A DN
Faire parler
les génomes
préhistoriques
Grâce aux progrès
du séquençage, il est
possible d’accéder au
génome complet de nos
É té 2008, sud de la Sibérie. L’équipe du
paléontologue russe Anatoli Derevianko
met au jour dans une caverne, la grotte de
Denisova, un minuscule os humain. Il s’agit d’une
phalange d’auriculaire. Sa petite taille indique qu’il
a appartenu à un enfant qui vivait là il y a environ
40 000 ans. Difficile d’en dire plus… L’histoire aurait
lointains ancêtres. Une pu s’arrêter là si le paléontologue n’avait pas envoyé
ce petit bout d’os au laboratoire de Svante Pääbo,
mine d’informations sur directeur du département de génétique de l’Institut
de l’ADN de dinosaures ! Hélas, nombre de ces résul- sont ceux que l’on a trouvés congelés dans le per-
tats se révéleront par la suite faux, y compris celui mafrost. En l’occurrence, le record est détenu non
des momies égyptiennes de Pääbo et, bien sûr, celui pas par des ossements humains, mais par ceux d’un
de l’ADN des dinosaures. équidé, vieux de 700 000 ans.
Et pour cause ! À peine un être vivant est-il mort Ce sont donc les conditions climatiques de la
que son ADN commence à se dégrader. « Dans des Sibérie qui ont permis d’y faire de fructueuses dé-
ossements anciens, la quantité d’ADN qui reste couvertes. Avec son climat tempéré, l’Europe offre
est infime et sous forme de très petits fragments », encore des conditions de conservation acceptables,
explique Eva-Maria Geigl, responsable de l’équipe en particulier dans les grottes où la température
Épigénome et Paléogénome à l’Institut Jacques reste relativement fraîche et constante. Ainsi, « le
Monod (CNRS/université Paris-Diderot). Pire, cer- plus vieux reste humain dont l’ADN a été séquencé
tains nucléotides (les briques constitutives de appartient à un Homo heidelbergensis, un ancêtre
l’ADN) sont remplacés par d’autres. Aussi, lorsque de Neandertal, trouvé dans la grotte de Sima de los
l’on compare une séquence d’ADN ancien à celle Huesos, en Espagne, et daté d’environ 400 000 ans »,
d’ADN contemporain et qu’elles diffèrent, il est diffi- indique Eva-Maria Geigl. Mais les choses se com-
cile de dire si cette différence est réelle ou si elle est pliquent clairement en Afrique où la température
seulement le fait d’une « mutation » post-mortem. est bien plus élevée : entre 2010 et 2017, seuls 30 gé-
« Le niveau de dégradation de l’ADN dépend essen- nomes africains anciens ont été séquencés et les
tiellement de deux paramètres, précise Céline Bon, plus vieux n’avaient que 8 000 ans.
chercheuse en anthropologie évolutive au Muséum Un autre obstacle vient compliquer l’analyse géné-
national d’histoire naturelle. Le temps : plus il s’en tique. Les squelettes sont principalement enfouis
écoule, plus se succèdent des réactions chimiques dans le sol. Or, « au fil du temps, les micro-organismes
présents dans ce sol pénètrent dans l’os. Si bien que, niveau de contamination et/ou discriminer l’ADN
dans la majorité des ossements retrouvés, 99 % de ancien. Par exemple, sachant que certaines modifi-
l’ADN que l’on extrait n’est autre que de l’ADN en- cations de l’ADN sont caractéristiques de la dégra-
vironnemental, entre autres bactérien ! », prévient dation post-mortem, ils utilisent uniquement l’ADN
Eva-Maria Geigl. Autre risque de contamination, où sont visibles ces modifications.
celui qui provient de l’ADN humain de tous ceux En même temps que les scientifiques élaboraient
qui sont amenés à manipuler les ossements. « Pour des protocoles de plus en plus stricts pour valider
l’éviter sur les chantiers de fouilles, il faut privilégier l’authenticité de leurs résultats, la technologie a elle
les prélèvements sous conditions aseptiques avec aussi évolué. À partir de 2005, des machines ont
totalité des allèles que l’on a examinés montrent que hommes de Denisova et de Neandertal. Puis, plus ré-
nos ancêtres avaient une forte pigmentation de la cemment, entre 200 000 et 470 000 ans, Denisova et
leurs femmes ? « Pas forcément, répond Évelyne Dès 1963, l’Italien Luigi Luca qu’elles se sont séparées
Heyer, anthropologue généticienne au Muséum Cavalli-Sforza, considéré d’autant plus tôt.
national d’histoire naturelle. Peut-être les hommes comme l’inventeur de la géo- « Les résultats obtenus jusque
des steppes ont-ils tout simplement eu un meilleur
graphie génétique, a établi dans les années 1980-1990
le premier arbre évolutif se faisaient au prix de certaines
succès reproducteur que les hommes agriculteurs. »
des populations humaines simplifications, précise Étienne
Car, aussi puissant que soit l’ADN, il ne dit pas tout.
en utilisant la répartition dans Patin, de l’Institut Pasteur. On
Il ne dit rien de la politique qui a pu s’établir entre les différentes populations postulait qu’après la séparation
ces différents peuples. D’où le nécessaire dialogue humaines d’une vingtaine des populations il n’y avait ni
entre cette nouvelle discipline qu’est la paléo- de gènes correspondant métissage ni sélection naturelle
génomique et l’anthropologie, ou l’archéologie. •
94 • S&V Hors Série
Les génomes contemporains sont également à l’ori-
gine de découvertes. À partir de ceux de 2 055 Africains
actuels issus de 57 populations d’Afrique subsaharienne
(ici, au Lesotho), une équipe de l’Institut Pasteur dirigée
par Lluis Quintana Murci (ci-dessous) a pu retracer le
chemin migratoire des peuples de langues bantoues.
LA RECONSTITUTION
Redonner
chair à nos
ancêtres
Les techniques d’ima-
gerie médicale ont révo-
lutionné la reconstitution
des fossiles. En plus de
E n dépit du grand nombre de campagnes de
fouilles menées chaque année sur la pla-
nète, les paléoanthropologues ne mettent
que rarement la main sur de nouveaux fossiles. Et,
lorsqu’un crâne ou quelques ossements miraculeu-
sement conservés dans une couche de sédiments
sont dénichés, ils sont souvent fragmentaires et
leur rendre leur apparence usés par le temps. Il faut dont les reconstituer.
« Une reconstitution n’est par essence jamais
d’origine, elles donnent exacte, prévient Amélie Vialet, paléoanthropologue
sée par un logiciel parfait, mais c’est faux, insiste miner, regrette Antoine Balzeau. La création d’un
Amélie Vialet. Il s’agit toujours d’un travail d’inter- immense fonds commun d’imagerie fossile aurait
prétation des chercheurs, aidés par les machines. Il pu aider à dépasser ces barrières. Mais, pour l’ins-
subsiste une pluralité de reconstitutions, souvent tant, la plupart des chercheurs sont réfractaires au
contradictoires. C’est d’ailleurs en comparant nos partage des informations et préfèrent garder pour
approches que nous avançons. » Sans oublier les eux les reconstitutions qu’ils effectuent, afin de
biais techniques liés au fonctionnement des logi- conserver l’exclusivité de la découverte. »
ciels, notamment lors du passage de la 2D à la 3D Plus qu’une innovation technique, c’est un boule-
(des vues en coupes à la reconstitution en volume). versement dans la manière de travailler et dans la
Enfin, certaines difficultés actuelles découlent mentalité des chercheurs qui permettra de dépasser
non pas des techniques, mais du fonctionnement ces problèmes. Des changements qui, malheureuse-
de la discipline elle-même. Il y a une vingtaine ment, ont tendance à se faire sur des temps beau-
d’années, la plupart des spécialistes s’accordaient coup plus longs que les avancées techniques… •
S&V Hors Série • 99
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OÙ
ALLONS-NOUS ?
de ne plus être soumis pour comprendre, aux lois de l’évolution : elles sti-
pulent que des petites variations de caractères (dues
à la sélection naturelle ? à des mutations génétiques) apparaissent au hasard
chez les nouveaux êtres et se transmettent de géné-
Ce serait nier la diversité ration en génération, faisant « évoluer » l’espèce. Au
PAR CORA INE LOI EAU jeu. Mais sans pour autant arrêter la partie.
En effet, la culture (les pratiques médicales ou groupe plus important, lois de la statistique obligent,
alimentaires, par exemple) ne stoppe pas l’évolu- ce trait se frayera un chemin chez plus d’individus
tion, elle se contente d’en affecter les directions. Ce et pourra s’installer durablement dans la population.
phénomène, les chercheurs l’ont baptisé « évolution Toutefois, ces modifications génétiques révélées
bioculturelle ». L’histoire récente compte d’ailleurs par les chercheurs ne sont jamais que des adapta-
nombre de ces changements visibles dans notre tions locales : elles ne concernent que des lignées
génome : les chercheurs en décrivent de nouveaux s’adaptant aux conditions particulières d’une
chaque année (voir encadrés pages suivantes). Le région. Pour qu’un caractère se répande dans
fleurissement de ces nouveaux traits de caractères toute l’espèce, il faudrait que les barrières entre les
chez l’humain, nous le devons en partie à la grande populations tombent. Or, si les déplacements sont
taille de la population humaine. « Plus une popula- facilités aujourd’hui, « il semble difficile de dire si
D D V X
La concentration des spermatozoïdes chez Alors que l’espérance de vie n’était que de
l’homme est en baisse, avec une diminution 35 ans en 1800, elle atteignait 64 ans en
de 52,4 % depuis 1973 dans les pays occi- 1990 et sera de 72 ans en 2020, dans les
dentaux, impactant la fertilité. Est-ce une pays occidentaux. Le résultat de meilleures
évolution naturelle ? Les facteurs environ- conditions de vie, d’une accidentabilité plus
nementaux sont ici probablement en cause. faible et de meilleurs traitements médicaux.
cains. » En effet, d’autres barrières contribuent à l’organisme, mais elle a le mérite d’inhiber la crois-
isoler un groupe : la langue, la religion, le mode de sance du parasite Plasmodium falciparum ! Si être
vie… En cette matière, prévoir est ardu. homozygote SS, et donc atteint de drépanocytose,
Pour prendre la mesure du nombre de facteurs est délétère pour la survie (en l’absence de traite-
impliqués dans notre évolution et des conséquences ment), être hétérozygote (c’est-à-dire n’avoir qu’un
inattendues qui découlent de leur intrication, pre- allèle S) permet à la fois de conserver une hémo-
nons l’exemple de l’interaction entre drépanocytose, globine saine et de disposer d’une hémoglobine S
manioc et paludisme. La drépanocytose est une protégeant contre le parasite ! L’apparition d’indi-
maladie génétique qui affecte les homozygotes (les vidus homozygotes dans la population n’est donc
personnes ayant reçu les deux allèles mutés) et qui qu’un « dégât collatéral » fâcheux, d’une mutation
est caractérisée par la production d’une hémoglobine par ailleurs avantageuse contre Plasmodium.
dite S qui donne aux globules rouges une forme de
faucille, les rendant moins fonctionnels. Plasmodium UNE SÉLECTION SOUS CONTRAINTES
falciparum, lui, est un parasite transmis par les mous- C’est là qu’intervient un troisième paramètre : la
tiques qui est responsable du paludisme. Aucun lien consommation locale de manioc. Modérée, cette
évident entre les deux, a priori. Pourtant, la carte de ingestion apporte des « glucosides cyanogénétiques »
répartition de falciparum se superpose avec celle de qui inhibent la déformation de l’hémoglobine S chez
la drépanocytose. Le fait est assez intrigant. Avec les porteurs de l’allèle délétère : les homozygotes
l’évolution, ces deux pathologies auraient pu dispa- qui en consomment sont donc moins pénalisés.
GETTY SHUTTERSTOCK
raître, l’une par la sélection génétique des allèles Parallèlement, l’avantage conféré par un seul allèle S
codant pour l’hémoglobine fonctionnelle, l’autre chez les hétérozygotes pour lutter contre falciparum
par le développement d’une résistance au parasite. est au contraire réduit. Toutefois, si l’on considère la
Mais la réalité est plus complexe : l’hémoglobine S population globale, la baisse de la nocivité de l’hémo-
n’assure certes pas bien sa fonction principale dans globine S est plus importante que la réduction de son
exergue ces différences génétiques, et c’est donc là contaminées à l’arsenic, du Chili parue en 2017
la véritable origine de l’obésité actuelle. » issu des roches volcaniques dans l’American Journal
De façon plus générale, l’être humain est connu lavées par les eaux souter- of Physical Anthropology,
pour être le primate qui stocke le mieux les graisses.
raines. Alors que le seuil de des individus présentaient
sécurité prôné par l’OMS une mutation sur le gène
Peut-être une conséquence de notre histoire évolu-
est de 0,01 microgramme AS3MT de leur chromo-
tive, héritage d’une époque où Homo sapiens a connu
par litre, les puits de some 10. Ce qui leur
de longues périodes de privation, durant lesquelles
À L’INGESTION D’ARSENIC
confère l’avantage énorme de ce gène muté s’est
de produire une enzyme opérée, notamment du fait
décomposant l’arsenic en que l’empoisonnement
deux molécules, le rendant chronique à l’arsenic aug-
moins toxique pour l’orga- mentait le risque de fausses
nisme. Il faut dire que l’ex- couches chez les femmes
position à ce poison dans dépourvues du gène muté.
le nord du Chili ne date pas Si bien qu’aujourd’hui
d’hier : comme l’a montré la 68 % des habitants des
chercheuse Ioanna Kakoulli, Camarones ont un génome
à partir de cheveux prélevés leur apportant un semblant
sur une momie (ci-contre), de protection à l’arsenic.
les populations vivant
dans cette région il y a plus C’est une mutation géné-
de 3 000 ans étaient déjà tique qui protège une com-
munauté chilienne d’une
empoisonnées. Au fil des pollution à l’arsenic qui,
générations, une sélection autrement, lui serait fatale.
de mise, car les sélections opérées ne peuvent les montagnes du Tibet. des fréquences car-
être observées que de manière rétrospective. Il Dans chacune de ces diaques et respiratoires.
faut plusieurs siècles ou millénaires pour qu’une
zones, les populations Mais c’est une réaction
ont développé des adap- temporaire et l’essouf-
mutation se répande dans une population : l’homme
tations particulières au flement n’est jamais
du présent nous renseigne sur son évolution
manque d’oxygène, qui loin, sans compter
passée. Pour son évolution présente, rendez-vous entraîne une saturation les risques de throm-
dans quelques milliers d’années. •
108 • S&V Hors Série
UNE FLORE INTESTINALE
ADAPTÉE À L’ALIMENTATION
Les changements du bétail, induisant
culturels déclenchent un changement ali-
parfois des change- mentaire pour utiliser
ments biologiques : cette ressource désor-
c’est l’évolution mais à disposition,
bio-culturelle. le lait. Pouvoir le digérer
Un argument végan apportait un avantage
en vogue consiste à dire – dont la nature est
que l’homme adulte encore discutée – favo-
n’a pas à boire du lait, risant la propagation
que c’est un aliment des gènes associés.
destiné en premier lieu Il aura fallu 5 000 à
aux petits des mammi- 7 000 ans de ce régime
fères. Voilà qui était alimentaire pour que
sans doute vrai il y a la mutation s’installe
quelque 10 000 ans. de façon conséquente.
Pourtant, dans plu- Ainsi, en Europe,
sieurs populations la fréquence de cette
distinctes autour du tolérance au lactose
globe, un pourcentage s’élève à 50 % des
important des adultes individus au Sud et,
maintient une lactase au Nord, à… 90 % !
active spécialement À titre de comparaison,
dédiée à cette consom- la population non-
mation de produits pastorale de la Chine
laitiers. Cette nou- ne comporte que 1 %
veauté remonterait d’individus dotés
à la domestication de cette capacité.
Avec la domestication du bétail, la consommation
de lait (vu ici au microscope) par les adultes s’est ré-
pandue et, avec elle, le maintien d’une lactase active.
AU MANQUE EN OXYGÈNE
bose et d’œdème pulmo- Réponse à l’altitude,
naire liés à ces réponses ! le flux sanguin (mesuré ici
par Cynthia Beall) est plus
L’équipe de l’anthropo- élevé chez les Tibétains.
logue américaine Cynthia
Beall a montré en 2007 molécule d’hémoglobine
que les Tibétains ont, eux, est toujours sous-saturée
développé un flux sanguin en oxygène, mais la
plus élevé, mais sans qu’ils concentration en hémo-
soient pour autant plus globine est plus forte,
sujets à l’hypertension. sans pour autant
Par la suite, d’autres causer de thrombose !
chercheurs ont mis en Quant aux Éthiopiens
évidence chez eux des des plateaux, l’oxygène
facteurs génétiques a beau être rare, leur
augmentant la saturation hémoglobine en est tout
en oxygène de l’hémo- de même saturée. Mais
globine. Chez les Andins, le mécanisme exact n’a
en revanche, chaque pas encore été mis à jour.
Un monde
qui change
trop vite ?
Les transformations
récentes de notre
environnement rendent
certains de nos instincts,
N otre vie est gouvernée par des décisions
que nous croyons prendre de façon
consciente, mais qui sont motivées par
des mécanismes inconscients, implantés dans notre
cerveau par des milliers d’années d’évolution. Des
milliers d’années au cours desquels nos caractères
sont apparus, d’abord fortuitement, au hasard des
façonnés par des milliers modifications génétiques à chaque génération, puis
ont été passés au tamis de l’environnement. Seuls
d’années d’histoire les caractères les plus adaptés ont persisté (nous
L’environnement
a changé
trop vite pour
que notre
comportement
social et notre
organisme soient bien
adaptés à la vie moderne
NICO S B UM R
C ’ÉV
À ’I J -N ,ÀP
rapport au monde, à un rythme sans précédent. Un les années 1990 l’hypothèse d’un « décalage
phénomène qui s’accélère de façon criante depuis évolutionnaire ». Des caractères autrefois adap-
la révolution industrielle, au point de faire dire à tatifs deviendraient maladaptatifs, c’est-à-dire
certains spécialistes que nous sommes entrés dans carrément nuisibles. Nous sommes certainement
une nouvelle ère géologique, celle de l’« anthropo- nombreux à en faire les frais en ce qui concerne
cène ». « L’environnement a radicalement changé en l’alimentation : on a beau savoir qu’il faut « man-
cent cinquante ans, alors que la vitesse d’adapta- ger sain », il est difficile de résister aux tentations.
tion se compte en dizaines de générations, voire en D’autant plus que ces tentations ont été inscrites
centaines de générations, indique Nicolas Baumard, dans notre cerveau bien avant l’invention de la
chercheur en psychologie de l’évolution à l’Institut pâtisserie ou des barres chocolatées.
Jean-Nicod, à Paris. Il est donc impossible que notre « Dans les environnements ancestraux, les goûts
comportement social et notre organisme soient sucrés étaient associés à des nourritures comme
bien adaptés à la vie moderne. » les fruits ou le miel », écrivent en 2017 Mark van
Le fossé s’est-il creusé trop rapidement entre Vugt et ses collègues du département de psycho-
nos modes de vie et nous ? C’est le soupçon de logie expérimentale et appliquée de l’Université
nombreux chercheurs, qui développent depuis libre d’Amsterdam (Pays-Bas), alors qu’ils passent
en revue la littérature scientifique consacrée à Si, dans le cas du sucre, le mismatch est assez clair,
ces « mismatchs évolutifs ». « Des aliments qui faire le tri entre les traits qui sont toujours adapta-
présentent naturellement des niveaux utiles en tifs et ceux qui ne le sont plus n’est pas toujours
glucides et en nutriments. En conséquence, la règle aussi simple. Ne maudissons ainsi pas trop vite nos
de décision de préférer et de manger les choses instincts alimentaires : le sentiment de dégoût, par
les plus sucrées menait à une consommation exemple, n’est pas une expérience agréable, mais il
bénéfique de ces nourritures. » Mais, aujourd’hui, peut nous sauver la vie. Cette sensation est le reflet
d’autres aliments sucrés sont à portée de main : d’une capacité innée à détecter les pathogènes.
des produits industriels contenant de forts taux C’est elle qui nous retient de manger de la viande
de sucres raffinés et pauvres en nutriments. On avariée ou des aliments moisis, et qui, dans les cas
est loin des fruits. « Cela conduit à des maladies extrêmes, nous fera vomir les potentiels poisons que
comme le diabète, notent les chercheurs, parce nous avons eu le malheur d’avaler. En dépit de son
que les mécanismes physiologiques impliquant côté déplaisant, cet instinct est donc adaptatif.
l’insuline et le glucagon n’ont pas évolué pour
métaboliser de façon répétée des quantités de LUTTER CONTRE CERTAINS INSTINCTS
sucre aussi anormalement élevées. » Mais ce n’est pas le cas de notre consommation
problématique de sucre, qui pourrait cependant
être résolue par la voie de la psychologie. En effet,
pour éviter ce risque nouveau de nos sociétés
modernes, il s’avère impossible de compter sur ce
que nous dicte notre instinct. Il faut donc choisir
son alimentation consciemment, en dépit de nos
préférences inconscientes. Ce qui n’est pas un exer-
cice facile ! « Si je vous dis : “Il ne faut pas consom-
mer de sucre, c’est mauvais pour la santé”, ça ne
changera rien du tout à votre envie d’en manger,
relève Nicolas Baumard. Notre cerveau n’a pas
évolué pour prendre des décisions alimentaires en
DR SHUTTERSTOCK
bien des conditions. « Nous sommes capables de créatures raisonnables et critiques. Au contraire,
coopérer, mais seulement si c’est donnant-donnant, bon nombre de nos comportements sont gouvernés
réciproque. Si l’on a les moyens de savoir que les par nos instincts. Lorsqu’ils ne sont plus à même
autres se comportent eux aussi moralement », pré- de nous guider correctement dans un monde qui a
cise le chercheur. Les nudges ont peut-être ici un rôle changé trop vite, donner un « coup de pouce » à notre
à jouer. En 2008, une équipe de chercheurs améri- cerveau peut se révéler plus efficace que d’en appe-
cains a étudié l’impact d’un simple message adressé ler à la raison. Pas magiques pour autant, les nudges
aux habitants de San Marcos, en Californie. Le but : sont un outil qui pourrait donner un nouveau souffle
les inciter à utiliser des ventilateurs plutôt que la aux politiques mises en place pour lutter contre les
climatisation, afin de consommer moins d’énergie. nouvelles menaces de l’anthropocène. •
S&V Hors Série • 115
Où allons-nous ?
La diversité
éclairée par
la génétique
Le séquençage du
génome humain a révélé
qu’humanité rime avec
diversité. Une évidence qui
G rand, blond, roux, noir, trapu, yeux
bleus… Quoi de plus banal, dans notre
société mondialisée, que la diversité
de nos semblables ? Et quoi de plus superficiel que
ces différences ? Car la science n’a cessé de le répé-
ter depuis plus de cinquante ans : ces variations
apparentes masquent une profonde uniformité de
ne doit plus être niée si l’on l’espèce humaine. Cette vision d’une espèce hu-
maine homogène est née du poids de l’histoire :
veut comprendre l’histoire alors que le siècle venait de connaître un de
C O NS T I T U T I O N
PRÉAMBUL E
au niveau d’une séquence donnée. Gènes et chro- Le 12 juillet 2018, En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la
République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer
des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de
mosomes sont en effet composés d’ADN, un pro- l’Assemblée nationale fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.
________
a voté la suppression
gramme long de 3,5 milliards de paires de bases. Or,
ARTICLE PREMIER . La France est une République indivisible, laïque,
du mot « race » démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son
organisation est décentralisée.
notre machinerie cellulaire peut se tromper en le du- de l’article 1er de la La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.
Constitution, au nom
pliquant. Si cette erreur se produit lors de la forma- de l’égalité entre les
tion de nos gamètes (spermatozoïdes et ovocytes),
1
groupes humains.
elle sera transmise à notre descendance. Commun à
toutes les espèces, ce moteur de diversité injecte ré- global. Elles interviennent généralement dans les
gulièrement et au hasard des variations dans notre parties de génomes qui assurent la régulation des
programme interne. D’énormes projets de recherche gènes ou dans les immenses portions d’ADN dont
internationaux (comme HapMap lancé en 2002 ou on ne connaît pas encore le rôle. La partie codante
1 000 Genomes en 2008) se sont donnés pour but de du génome, les gènes et leurs séquences régula-
traquer chez nous ces petits changements appelés trices nous renseignent sur notre histoire adapta-
SNPs (Single Nucleotid Polymorphism). Et ils en ont tive. Alors que le génome non-codant nous raconte
trouvé des millions ! Les génomes de deux individus notre histoire démographique, nos migrations, qui
pris au hasard sont similaires à 99,9 %. Ils ont donc, est parti d’où… Et c’est cette longue histoire, qui
en gros, une différence toutes les 1 000 bases, soit a façonné notre diversité actuelle, que révèlent
3 millions sur environ 3 milliards de paires de bases, depuis dix ans les généticiens.
alors qu’avec un chimpanzé, notre différence est
de une toutes les 100 bases. L’AFRIQUE, TERRE DE BRASSAGE GÉNÉTIQUE
Ces innombrables SNPs racontent des histoires Alors qu’elle a offert les fossiles les plus emblé-
différentes en fonction de leur place dans le gé- matiques de notre lignée et s’est imposée comme
nome. Ils peuvent toucher les gènes codant les pro- la terre de nos origines, l’Afrique a dû attendre
téines qui nous composent. Mais la plupart de ces 2006 le séquençage d’un de ses représentants. En
mutations ne sont pas gardées par la sélection natu- vertu de l’accumulation des mutations au fil du
relle, car les protéines ne peuvent pas beaucoup temps, le berceau africain avait forcément beau-
SHUTTERSTOCK
varier sans perdre leur fonction. Les SNPs tombent coup à nous apprendre sur notre passé lointain. La
en fait le plus souvent à côté de ces sacro-saints richesse entrevue a confirmé le potentiel de cette
gènes qui constituent moins de 5 % de notre ADN terra incognita génétique. Professeur en médecine
© Patrick Tourneboeuf