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de la lumière
du même auteur
histoire de l’arc-en-ciel
Seuil, « Science ouverte », 2005
une histoire
de la lumière
de Platon au photon
ÉDITIONS DU SEUIL
25, bd Romain-Rolland, Paris XIVe
la première édition de cet ouvrage a été publiée
dans la collection « Points sciences », en 1981,
sous le titre La Lumière.
isbn 978-2-02-123706-1
le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
collective. toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé
que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une
contrefaçon sanctionnée par les articles l.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.seuil.com
À Corine, lasse d’une physique aussi froide et étrangère
qu’un vieux formulaire.
remerciements
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une histoire de la lumière
novembre 2014
avant-propos
–
Q u’est-ce que la lumière ?
À cette question, chacun de nous peut fournir une réponse :
– C’est une onde.
– elle se propage selon des rayons lumineux.
– elle est composée de particules : les photons…
tous ces concepts, affirmés, certains, restent pourtant vagues,
voire contradictoires. ils sont les témoins d’une éducation qui, à
l’évidence, se soucie plus d’affirmer que de faire comprendre. Ce
n’est pas en parcourant rapidement le texte de la dernière théorie
formulée que nous pouvons espérer trouver une réponse à notre inter-
rogation. d’ailleurs, le pourrions-nous alors que les livres de science
sont parsemés de tant de formules mathématiques ? Comprendre ce
qu’est la lumière, pouvoir expliquer les phénomènes auxquels elle
participe, suppose une démarche beaucoup plus progressive, lente,
démonstrative. Pourquoi n’interrogerions-nous pas l’histoire de l’édi-
fication de ce concept scientifique ? les balbutiements, les blocages,
les efforts, les succès, les renoncements de ceux qui ont tenté de se
représenter la lumière peuvent nous aider à prendre conscience de
nos propres incompréhensions et à améliorer l’image que nous nous
faisons du monde qui nous entoure. en regardant d’un œil critique
l’histoire de la lumière, nous pourrons accéder à notre tour à cette
logique savoureuse et amère que l’on appelle science.
Ce livre va tenter, à partir de l’exemple de l’optique, de nous
faire entrer dans cette science, de nous faire participer à ses inter-
rogations, à ses débats, de nous faire prendre en compte ses limites.
Certes, pour réaliser un tel projet, il a fallu soustraire et écarter bien
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* les appels de notes appelés par des chiffres renvoient aux références en fin de
volume, p. 355. les appels de notes appelés par des astérisques renvoient aux notes
en bas de page.
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* nous sommes à une époque où les dieux se nomment Jupiter, mercure, Vénus…
leurs noms seront donnés à des planètes, qui deviendront au moyen Âge créatures. les
Éléments, supposés depuis empédocle constituer le monde, ont alors des noms propres
et s’écrivent avec des majuscules. dans la longue durée de l’histoire de la lumière, les
noms des astres, de communs qu’ils étaient deviendront propres, tandis que la notion
d’éléments sera abandonnée. Pour donner une homogénéité à l’écriture, tout en diffé-
renciant les significations, nous adoptons dans ce livre les conventions suivantes : la
terre est l’astre, la terre est l’élément, la terre est la matière, etc.
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* maïmonide écrit Le Guide des égarés en arabe, ses écrits religieux le sont en hébreu.
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les positions des différentes sphères (des fixes, des planètes, des
éléments) sont également justifiées. Cette métaphysique de la lumière
a des conséquences pratiques : elle permet de définir des courbes,
des droites (géométrie), fait dériver le multiple de l’un (arithmétique),
montre que les mathématiques sont essentielles à la compréhension
de la nature. mais aussi, le lumen, se propage dans un monde empli
par l’éther et les autres éléments : il est donc matériel, aussi les
lois du mouvement peuvent-elles rendre compte de sa propagation.
analogue à celle du son produit par un corps sonore frappé, elle
consiste en une série de petites vagues qui agitent les milieux. les
objets de notre monde sublunaire enferment du lux. Celui-ci est mis
en branle par les vibrations reçues, vibre à son tour en fonction de
celles-ci et de la quantité de matière présente dans les objets et il
cause les couleurs. Plus le milieu est pur, plus les couleurs sont
éclatantes. le rouge correspond à une grande stimulation et à une
incorporation faible de matière, le bleu à une faible stimulation et
une grande incorporation. les couleurs peuvent être quantifiées : par
combinaisons, six couleurs au total peuvent être produites. les lois
du mouvement expliquent la propagation rectiligne de la lumière, la
réflexion, la réfraction : c’est une action propre mécanique analogue
à celle que produit un corps sonore frappé violemment : « celui-ci
se met à vibrer quelque temps parce que son mouvement violent
et un pouvoir naturel envoient alternativement des parties en avant
et en arrière, chacune dépassant sa position naturelle50 ». « il faut
qu’une vibration et qu’un mouvement similaire se produisent dans
l’air contigu qui l’entoure [le corps sonore], et que cette génération
se propage dans toutes les directions en lignes droites51. » il en est de
même pour la lumière. Voici une première conception « vibratoire »
de la lumière, qui s’accorde avec le monde plein d’aristote, mais
s’oppose à l’espace vide d’ibn al-haytham.
Grossetête peut alors développer une conception globale et sys-
tématique de la méthodologie que doit adopter la science expéri-
mentale. raisonner sur la nature comporte trois aspects : inductif,
expérimental, mathématique. l’induction consiste à trouver la cause
à partir de l’effet : pour cela il faut suivre aristote, partir des don-
nées sensibles, remonter par abstraction aux principes, en déduire
les explications logiques des faits. mais la déduction logique peut
conduire à plusieurs propositions. il faut alors mettre en œuvre une
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lire incroyablement loin les lettres les plus petites, compter les graines
et les grains de sable ou n’importe quel objet microscopique53. »
Grossetête occupe une place insigne dans l’histoire des sciences :
la méthodologie (induction, réfutations et propositions) qu’il met au
point influencera durablement toute la « philosophie anglaise », au
travers de Francis Bacon (1561-1626) et d’isaac newton (1643-1727).
l’œuvre de robert Grossetête se diffuse. elle est connue à Paris
par les dominicains albert le Grand et thomas d’aquin. Ceux-ci
réfutent sa conception de la lumière. thomas, le docteur angélique,
veut mettre en ordre et systématiser la philosophie. Partant d’un
aristote épuré de tous les ajouts et du néoplatonisme par averroès
(ibn rushd) (que thomas combat violemment par ailleurs lorsque
celui-ci nie l’existence de l’âme individuelle ou postule l’éternité
du monde *), il délaisse un peu – faute de temps ? – l’empirisme
aristotélicien (la physique, la physiologie, les météores…) et se
consacre surtout à la théologie naturelle, « le couronnement de la
philosophie ». une partie de celle-ci ne dépend que de la raison, une
autre de la révélation, mais il doit y avoir accord entre les deux.
le monde a été créé, c’est une question de foi, que l’on ne peut
démontrer, pas plus que la manière dont dieu a voulu le monde
(c’est son libre arbitre). Par contre, il est possible d’accéder à la
connaissance des choses terrestres : c’est une question de raison. et
thomas démontre l’existence du monde hiérarchisé d’aristote, ses
deux régions cosmiques et ses cinq éléments ; il reprend son échelle
des êtres, élabore une métaphysique chrétienne. Par exemple, c’est
au nom de la foi que thomas rejette avec vigueur l’atomisme : à
la messe, lors de la consécration, le pain et le vin sont réellement
transformés en corps et sang du Christ. or, leur apparence reste la
même : le vin garde l’aspect, l’odeur et le goût du vin. C’est que
les « accidents » sont conservés ; seule la substance a pu être trans-
formée. le calice contient donc le sang substantiel du Christ, qui
conserve l’apparence, les accidents du vin. Cette transsubstantiation
jouera un rôle important dans les sciences de la nature. Pour thomas
aussi, on peut passer, par incorporation de mal, du ciel à la terre,
de dieu à l’homme. Cette pensée thomiste est nouvelle et d’une
grande fécondité. la raison est enlevée à l’illusion de connaître les
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* roger Bacon va trop loin : même observées au moyen d’un instrument d’optique,
les étoiles restent ponctuelles.
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(fig. 10) ; ils paraissent orange puis jaunes s’ils parviennent sous
des angles de plus en plus petits. l’interprétation de l’arc-en-ciel
s’en déduit : le phénomène est dû à des réfractions et réflexions
successives des rayons du soleil dans les gouttes de pluie (fig. 11).
des couleurs différentes correspondent à des angles de réfraction
différents. Beaucoup de phénomènes colorés peuvent être interpré-
tés de manière analogue : la lumière renvoyée par le biseau d’une
glace ou celle qui traverse un prisme peint l’arc-en-ciel ; dans tous
les cas on peut faire correspondre à chacune des teintes observées
un angle de réfraction propre.
mais que sont les couleurs ? thierry tente de les expliquer par
le mélange de deux qualités opposées, par exemple l’« éclat » et
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nouvelles machines, de voler dans les airs, d’aller dans les mers
– Bacon nous décrit toutes ces conquêtes futures – mais sa valeur
finale est d’être au service de dieu. l’Église devrait s’en saisir dans
son œuvre d’évangélisation de l’humanité, lutter ainsi contre les infi-
dèles, encourager la découverte des secrets de la nature et de l’art,
conduire l’esprit à la contemplation du Créateur. en ce qui concerne
la lumière, Bacon – le « docteur mirabilis » – considère qu’elle est un
peu analogue au son. Pour la décrire, il préfère la théorie de Grosse-
tête à celle d’ibn al-haytham mais il essaie de concilier leurs thèses
contradictoires. il distingue la lumière essentielle, le lux, de la lumière
accidentelle, le lumen. il fait de ce lumen non plus un contact immé-
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les rois chrétiens à financer les voyages visant à chercher par l’ouest
une route des indes. Quelles que soient les motivations initiales,
l’influence ou non des travaux préalables des vulgarisateurs – tel
Pierre d’ailly (1351-1420), dont un exemplaire de l’Imago mundi59
(1410) a été annoté par Christophe Colomb (1451-1506) –, et des
géographes – tel Paolo toscanelli –, les voyages vers les « indes
occidentales » sont initiés et se développent (premier voyage de
Colomb en 1492). Ceci va amener la rencontre de nouveaux types
d’humanité et de religions, entraînant une modification décisive dans
le commerce, va permettre à l’europe de s’enrichir grâce à l’or des
indiens, et va conduire à un renforcement des mécènes et de la
bourgeoisie des villes. le développement des nouvelles catégories
de lettrés provoque une mutation des pratiques : l’augmentation
du nombre potentiel de lecteurs permet à l’invention de l’impri-
merie par Gutenberg (dés 1434) de trouver son public. Ceci induit
l’apparition d’un nouveau type d’intellectuel : l’érudit. Cet érudit
peut ne plus avoir recours aux maîtres : il échappe à leur autorité,
lit dans son cabinet, se retourne vers l’antiquité avec une extrême
avidité. il découvre Pythagore, Platon, s’intéresse à l’alchimie, à
l’astrologie, décline le jeu des possibles pour contester aristote.
C’est alors qu’un humaniste bibliophile, Poggio Bracciolini, dit le
Pogge (1380-1459), parcourt les monastères reculés à la recherche
de manuscrits antiques. en 1417, il trouve le De rerum natura de
lucrèce, alors perdu60. les copies effectuées circulent : quelques
décennies plus tard, l’atomisme réapparaît dans les courants de pensée
qui influencent l’époque et participent à cet énorme accroissement
des techniques, cette modification des représentations, cet élargisse-
ment des espaces géographique et intellectuel, cette élaboration de
textes, de tableaux, de sculptures. tout ceci amène une conception
nouvelle de l’homme et de la nature, que l’on réalise plutôt qu’on
ne la pense. À l’intellectualisme méditatif se substitue l’exaltation de
l’homme individuel ayant le goût de l’action, du luxe et du profit.
Ce mouvement se place dans un contexte où société et Église
vivent de fortes turbulences. l’europe est en pleine fermentation.
des hérésies se développent. des révoltes contre la papauté éclatent.
Ces mouvements sont utilisés par martin luther (1483-1546) qui,
soutenu par des princes, prêche la réforme (1517). Celle-ci s’oppose
autant à la scolastique thomiste qu’aux humanistes et revient à la
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l’est. dans ce cas, le corps revient en son lieu dès que la violence
cesse ; il reste alors au repos, accomplissant ainsi sa « nature ». des
lois physiques différentes régissent, nous le voyons, le ciel et le
monde sublunaire. Ce schéma général fut amélioré par Ptolémée :
pour expliquer les observations astronomiques, il supposa que le
soleil est accroché à une sphère dont l’axe de rotation ne passe
pas exactement par la terre – ce qui rend compte de la variation
de sa vitesse apparente – et que les planètes sont fixées à des
sphères en rotations uniformes autour d’un centre lui-même fixé à
une autre sphère animée d’un mouvement circulaire « parfait » – ce
qui permet d’expliquer avec une très bonne précision pourquoi les
planètes paraissent errer dans le ciel (fig. 13).
Ce schéma fut mis, nous l’avons dit, en accord avec les Écri-
tures : l’œuvre maîtresse de dieu, l’homme, vit sur la terre ;
celle-ci a donc l’importance principale, elle est le centre du monde.
mais le péché originel l’a corrompue : dans ses profondeurs se
trouve la fournaise centrale, l’enfer. le ciel est le domaine de
dieu donc de la perfection ; le mouvement des astres ne peut
qu’être circulaire et uniforme. le soleil tourne – Josué ne l’a-t-il
pas arrêté ? au xvie siècle, cette représentation géocentrique du
monde est une théorie achevée, dogmatisée (à la fois par les pro-
testants et les catholiques), une réalité indiscutable… qui est pour-
tant discutée !
Ptolémée lui-même soulignait que le mouvement des astres
pouvait être calculé plus simplement si on admettait la rotation de
la terre mais cette hypothèse contredisait tellement les apparences
immédiates et la physique d’aristote qu’il la rejeta. d’autres pen-
seurs postulèrent pourtant, au cours de l’antiquité et du moyen
Âge, que le soleil est fixe et la terre mobile, notamment héraclite
du Pont (340 avant notre ère), aristarque de samos (290 avant
notre ère), nicole oresme, Buridan, nicolas de Cues. au cours
d’un séjour en italie, Copernic s’était familiarisé avec le monde
unifié des perspectivistes du quattrocento, avait lu les écrits d’hé-
raclite du Pont2. reprenant donc ces idées déjà anciennes, les
repensant à l’aune du culte solaire de Ficin et de la renaissance3
et les améliorant, nicolas Copernic vint à proposer (en 1512) un
autre schéma que celui de Ptolémée : le soleil est fixe (il est au
centre du monde) ; les planètes tournent autour de lui d’un mou-
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Nicolas Copernic
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* si la terre est en mouvement autour du soleil, elle parcourt des distances énormes.
deux observations du ciel à des époques différentes devraient montrer des étoiles décalées
les unes par rapport aux autres. Ceci n’est jamais observé : les figures sont invariables,
le déplacement de la terre doit donc être négligeable par rapport à l’intervalle séparant
les étoiles… ou alors la terre est fixe !
** une nova est une étoile bien particulière : elle apparaît généralement en un
point où n’avait jamais été observé d’astre et sa luminosité varie très fortement (elle
peut augmenter de 100 à 1 000 000 fois en une seule journée), et paraît alors comme
la plus intense de tout le ciel ; son intensité lumineuse diminue ensuite et redevient
comparable à celle des autres étoiles en quelques dizaines ou centaines de jours. on
pense actuellement que les novae sont, à l’origine, des étoiles doubles très proches l’une
de l’autre ; l’hydrogène de l’une passerait dans l’enveloppe de l’autre et y provoquerait
une instabilité thermonucléaire conduisant à une explosion de l’étoile dont témoignerait
la brusque variation d’intensité.
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est brûlé vif comme hérétique au Campo dei Fiori de rome, ses
écrits sont brûlés avec lui et mis à l’index ; les spectateurs béné-
ficient d’indulgences ; un avis ironique est placardé sur les murs
de rome : « maintenant il doit savoir s’il disait la vérité7 ». les
coperniciens, rendus prudents, vont devoir se dégager de la tenta-
tion philosophique et essayer de rechercher les preuves physiques
de l’héliostatisme.
en 1604, Galilée découvre à son tour une nova. Ceci ne crée
qu’une émotion chez les péripatéticiens. en 1609, Kepler publie
ses Commentaires sur les mouvements de Mars. il y montre qu’il
n’est pas possible de faire correspondre les combinaisons de mou-
vements circulaires avec les positions observées de la planète. le
désaccord n’est que de 8’ mais Kepler fait confiance aux mesures
effectuées, à l’œil nu, par tycho ; il rejette les sphères et montre
que chaque planète décrit une ellipse * dont le soleil est l’un
des foyers. il peut alors calculer la vitesse orbitale des planètes.
mais on ne peut comprendre Kepler en faisant abstraction de son
mysticisme8. il voue au soleil un véritable culte, en fait la source
exclusive de la force maintenant la cohérence du monde, représente
une géométrie métaphysique où les orbites des six planètes connues
sont encastrées dans les cinq solides réguliers de Platon : les
courbes y représentent le spirituel et le droit le matériel (fig. 15).
son ouvrage paraît ésotérique à Galilée qui ne se donne pas la
peine de lire un livre aussi étranger à sa raison. il se demande
« comment une telle outre […] peut contenir du bon vin ». en
1609, Galilée est d’ailleurs absorbé par ses propres recherches :
il vient d’entendre parler d’une longue-vue qu’ont fabriquée des
artisans hollandais… et voit tout le parti qu’il pourrait tirer d’un
tel instrument !
* Kepler a essayé plus de cent courbes différentes avant de retenir l’ellipse : pytha-
goricien, il postulait que l’univers obéit à des lois mathématiques et voulait absolument
déterminer celles-ci ; il s’acharna donc à rechercher des relations numériques simples
qui devaient relier entre elles les caractéristiques des orbites planétaires et finit par
trouver des lois, encore admises actuellement, sur lesquelles nous reviendrons. l’œuvre
de Kepler occupe une position charnière : elle marque le passage de la science de la
renaissance à la science moderne ; les motivations de Kepler sont « métaphysiques » et
« mystiques » mais permettent la formulation des lois « modernes » décrivant précisément
un phénomène physique.
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Figure 15. — Modèle de l’Univers selon Kepler : les « sphères des planètes »
sont encastrées dans des solides réguliers selon l’ordre suivant :
sphère de Saturne – puis cube – puis sphère de Jupiter – tétraèdre – Mars
– dodécaèdre – Terre – icosaèdre – Vénus – octaèdre – Mercure – Soleil.
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* Jean Brueghel l'ancien en représente une dans un tableau datant d'avant 1600 et
conservé au musée Barberini de rome.
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* Le Message céleste. dans une de ses propositions, Giordano Bruno désignait les
astres comme les véritables messagers et interprètes de la voix divine… les découvertes
présentées ici ne sont pas toutes relatées dans l'ouvrage, certaines sont un peu plus tardives.
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Galilée
d’aristote qui explique tous les faits observés sur terre et dans le ciel
ainsi que le pourquoi des choses. les conceptions sont trop bien éta-
blies, les croyances trop profondes pour qu’une réaction d’opposition
entière, radicale, passionnelle, énorme, violente ne se produise pas.
Quoi, la terre ne serait qu’une poussière ? nous ne serions rien par
rapport à l’univers ? d’autres soleils existeraient ? d’autres planètes ?
la Création pourrait ne pas être unique ? notre place ne serait pas
fixée ? les astres ne commanderaient pas notre destinée ? l’homme
serait libre ! Blasphèmes. impossibilités. l’œuvre principale de dieu
ne peut être une misère. il est beaucoup plus sécurisant d’imaginer
à sa maison une place fixe dans l’espace, de concevoir un univers
fini avec la terre pour centre… la lunette est fallacieuse.
la confrontation entre Galilée et les péripatéticiens ne peut passer
inaperçue, d’autant que Galilée adopte un style de polémiste, de
propagandiste, il s’engage totalement et donne des preuves affectives
pouvant être admises par les nouvelles couches sociales – les artisans,
le peuple des villes – auxquelles il choisit de s’adresser : regardez
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* il trouve cet exemple dans les écrits du moyen Âge (Buridan, oresme).
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* ibn al-haytham et les clercs du moyen Âge connaissaient déjà, nous l’avons vu,
ce principe.
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Frontispice du Dialogo de Galilée.
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* salviati et sagredo étaient deux physiciens amis de Galilée morts avant la paru-
tion du Dialogo.
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* Bellarmin a été canonisé en 1936 par Pie Xi. le 31 octobre 1992, Jean-Paul ii a
déclaré : « Paradoxalement, Galilée, croyant sincère, s'est montré plus perspicace sur ce
point que ses adversaires théologiens… la majorité des théologiens ne percevaient pas
la distinction formelle entre l'Écriture sainte et son interprétation, ce qui les conduisit
à transposer indûment dans le domaine de la doctrine de la foi une question de fait
relevant de l'investigation scientifique. » Giordano Bruno n'est toujours pas réhabilité.
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Figure 20
représente un rayon réfracté par l’eau (il s’écarte de la normale au lieu de s’en appro-
cher), gageons que la version que nous rapportons est plausible (descartes – ou son
illustrateur – confond rayon réfracté et image observée – voir fig. 8).
* sin i / sin r = n, c’est-à-dire que dans les triangles rectangles ahB et Bh’F de
la figure 20, le rapport ah/h’F est constant quel que soit l’angle d’incidence i lorsque
la lumière se propage d’un milieu donné à un autre également donné.
** n = sin i / sin r = n2 / n1 donc n1 sin i = n2 sin r, où n1 est l’indice de réfraction
du milieu d’incidence et n2 celui du deuxième milieu.
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Figure 21
* les scolastiques, dont la doctrine lui a été enseignée par les jésuites à la Flèche.
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Figure 23
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d’un mouvement très rapide et très violent, qui dilacèrent les corps
qu’elles heurtent et provoquent la séparation des parties constitutives
de l’objet embrasé – les plus grosses donnent la cendre, les plus
petites la fumée et le feu. « C’est ce mouvement seul qui selon
les différents effets qu’il produit s’appelle tantôt chaleur et tantôt
lumière25 », affirme descartes, montrant ainsi qu’il entend ne pas
confondre le phénomène physique et les impressions que nous en
donnent les organes des sens. Pour nous convaincre de la validité de
ses conceptions, il va nous entraîner dans une vaste démonstration,
particulièrement importante pour la compréhension de sa physique.
Figure 24
tous les corps sont, comme le bois, formés d’un mélange de trois
éléments : la terre (cendre), l’air subtil (fumée) et le feu. les solides
sont constitués de parties de terre, de formes quelconques, au contact
les unes des autres ; l’air subtil et le feu circulent librement dans les
espaces laissés libres qu’ils remplissent. les liquides et les gaz sont
formés de parties de terre éloignées les unes des autres. Comme le
montrent les mouvements des poussières en suspension dans l’eau ou
dans l’air, en agitation constante, les parties constitutives des fluides
se déplacent, se heurtent, dévient ou rebondissent sans cesse ; l’air
subtil et le feu ne gênent en rien ces mouvements car ils sont beaucoup
plus mobiles que la terre. l’univers entier est lui aussi formé de
l’association des trois éléments : ne rompant pas en ce point avec la
physique aristotélicienne, descartes envisage un monde plein, empli
par des éléments, dans lequel la nature a horreur du vide – terre, air
subtil et feu sont intimement mêlés dans tout le cosmos. Pour rendre
compte de leur répartition, descartes imagine leur histoire : lors de
la création, la matière formait un mélange confus de morceaux que
dieu mit en mouvement. aussitôt, l’infinité des corps présents se
heurtent, dévient de leurs trajectoires rectilignes, décrivent des lignes
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Figure 25
brisées, tendent peu à peu à s’accorder, prennent enfin les seuls mou-
vements qu’ils puissent garder tous ensemble éternellement : circulaires
uniformes. mais les chocs usent les parties de matière : initialement
de formes et de tailles quelconques, la plupart deviennent sphériques
– comme les galets des rivières – et forment maintenant l’air subtil.
les éclats détachés par les chocs – les « raclures » – sont plus petits
et légers, circulent plus facilement, s’insinuent dans tous les vides
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Figure 26. — Figure extraite de La Dioptrique de Descartes :
l’image se forme sur la rétine. L’Âme l’interprète.
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Figure 27
mais les chats voient la nuit : il faut donc que chez eux la vision
résulte aussi de quelque chose qui part des yeux et se dirige vers
les objets (fig. 28) – par cette proposition descartes se montre quelque
peu platonicien. il montre surtout qu’il n’a pas rompu avec la vieille
tradition qui fait de la vision l’action du semblable sur le semblable.
Figure 28
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Figure 29
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La vision comparée à un contact
(planche extraite de L’Homme, de Descartes).
une histoire de la lumière
Figure 30
Figure 31
108
naissance de la science moderne
fort le bleu est créé (fig. 31) : selon cette explication, les couleurs
ne composent pas la lumière incidente mais sont dues à l’action
mécanique des surfaces. Voici donc justifiés tous les effets de la
lumière. Pouvons-nous nous satisfaire des représentations que propose
descartes ?
la simple lecture des arguments avancés fait apparaître une grande
incohérence ; comment peut-on soutenir à la fois que la lumière est
une « sorte de matière fort subtile qui s’étend sans interruption depuis
les astres jusqu’à nous et ne prend pas de temps à son passage » et
expliquer la réflexion, la réfraction, les couleurs en comparant ces
phénomènes au mouvement d’une balle rencontrant une surface ? si la
réfraction est due au ralentissement ou à l’accélération d’un projectile,
il est nécessaire d’admettre une vitesse finie pour la lumière. si la
transmission de celle-ci est instantanée la conséquence en est que la
réflexion ne peut se comparer à un rebond ! descartes n’est pas sans
remarquer cette contradiction : dans les Principes de la philosophie,
il revient sur l’explication donnée et la complète en affirmant que
la pression communiquée aux parties de « matière subtile » suit un
trajet identique à celui qu’emprunterait une sphère progressant libre-
ment et qu’il n’est pas utile d’imaginer que la lumière est réellement
constituée de projectiles. Cette précision n’est guère satisfaisante : la
propagation de l’effet d’un choc peut-elle être instantanée ? si elle
décrit une trajectoire, ne le fait-elle pas depuis le lieu d’ébranlement
jusqu’au lieu de réception en prenant du temps à son passage ? À
l’évidence, nous devons nous reposer le problème de la vitesse de
la lumière et discuter l’approche qu’en a faite descartes : celui-ci
estime, rappelons-le, que le fait d’avoir toujours observé précisément
la conjonction soleil-terre-lune au moment des éclipses de cette
dernière nécessite que la vitesse de la lumière soit instantanée. Pour
savoir si une telle conclusion peut effectivement être tirée de cette
observation, calculons (comme le fera un peu plus tard Christiaan
huygens) l’angle que font les trois astres dans l’hypothèse d’une
propagation de la lumière à vitesse finie. si elle met une heure
pour aller de la terre à la lune, l’angle soleil-terre-lune existant
lorsque l’on voit l’éclipse vaut 33 degrés, ce qui peut être apprécié
(fig. 32) ; il n’est que de 33 minutes si la distance est parcourue
en 60 secondes et de 6 minutes d’angle s’il faut 10 secondes à
la lumière pour effectuer le chemin terre-lune ! À partir de cette
109
une histoire de la lumière
Figure 32
110
naissance de la science moderne
Figure 33
111
une histoire de la lumière
112
naissance de la science moderne
113
une histoire de la lumière
se lancer dans cette étude […] à condition de le faire sans tenir compte
de l’autorité des maîtres mais en multipliant les expériences et en les
interprétant32. » Par ces phrases, écrites en 1663, Grimaldi se place
résolument derrière Galilée : il se méfie des apriorismes, des évidences
et va soumettre à l’expérience les résultats les mieux établis. Pour
vérifier la propagation rectiligne, il perce dans un volet un petit trou
qui laisse entrer un pinceau lumineux et il le fait tomber sur des objets.
les ombres de ceux-ci ne sont pas nettes mais bordées d’une zone de
pénombre qui avait toujours été interprétée comme étant le lieu des
points ne recevant qu’une partie des rayons rectilignes passant par le
trou (fig. 34). mais rien ne prouve réellement que la lumière se propage
Figure 34
114
naissance de la science moderne
Figure 35
115
une histoire de la lumière
Figure 36
116
naissance de la science moderne
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une histoire de la lumière
Figure 37
118
naissance de la science moderne
119
une histoire de la lumière
Figure 37 bis
120
naissance de la science moderne
trouvée à partir de ces observations est énorme : près de 215 000 km/s.
Ce résultat stupéfiant permet de rejeter définitivement toute théorie
faisant de la lumière un état. les problèmes se clarifient. deux
théories vont être élaborées qui marqueront profondément l’histoire
de l’optique : celle – corpusculaire – de newton et celle – ondula-
toire – de huygens.
iii
le triomphe de la mécanique :
espace plein et géométrisation
d’une lumière ondulatoire
par huygens
n ous avons tous étudié les grandes tragédies de Corneille et
racine, récité, expliqué ces grandes tirades qui exaltent la pré-
éminence du devoir sur le sentiment, magnifient l’autorité du père
et du prince, font de l’obéissance et du respect les vertus premières.
Ces œuvres ont été écrites à l’époque même où nous avons dit que
l’optique se développe considérablement. Progrès scientifiques et
nouvelles valeurs esthétiques s’inscrivent dans un contexte socio-
économique que nous allons évoquer brièvement.
125
une histoire de la lumière
126
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
127
une histoire de la lumière
* encore celui-ci moque-t-il nobles et nouveaux enrichis, ce qui n’est pas pour
déplaire au prince…
** l’académie française, créée par richelieu, avait déjà pour objet de renforcer
l’influence du pouvoir royal.
128
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
129
une histoire de la lumière
130
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
* mais Blaise Pascal assure la séparation nette entre dieu, indémontrable en phi-
losophie car atteignable par la seule foi, et les sciences ou la philosophie, qui étudient
la raison et la création.
131
une histoire de la lumière
Les ondes
Quand il arrive dans l’eau, un caillou provoque l’apparition de
rides circulaires qui progressent du centre vers la périphérie : on
appelle ondes les suites de crêtes ou de creux qui se propagent. si
un bouchon flotte à la surface, il s’élève ou descend au passage de
l’onde sans être entraîné par elle : le bouchon est porté par les par-
ticules d’eau dont il figure le mouvement, il entre en vibration. il
existe donc une différence fondamentale entre les mouvements de
l’onde et de l’eau : le mouvement de l’onde est celui du lieu des
points se trouvant dans un même état vibratoire (par exemple la
crête des vaguelettes), c’est donc le mouvement d’un état de la
matière et non celui de la matière elle-même ; le mouvement des
particules d’eau (le mouvement de la matière) étant la vibration de
haut en bas, de part et d’autre de la position d’équilibre. dans
l’exemple choisi les vibrations sont transversales à la direction de
propagation de l’onde. nous allons essayer de préciser les relations
existant entre ondes et vibrations : lorsqu’il touche la surface, le
caillou entraîne des particules d’eau vers le bas (fig. 38) ; celles-ci
tendent à revenir à leur position initiale mais la dépassent par iner-
tie et vibrent ; elles communiquent leur mouvement aux particules
voisines ; de proche en proche, le mouvement vibratoire se transmet,
du centre d’ébranlement à la périphérie. l’onde est donc une impul-
sion qui se propage par l’intermédiaire de la matière. ondes et
vibrations sont toujours associées.
si nous considérons la surface d’une mare dans laquelle vient de
tomber un caillou, nous voyons de nombreuses petites rides circu-
132
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
Figure 38
133
une histoire de la lumière
Figure 39 Figure 40
Figure 41
qui sont dans un même état vibratoire sont des sphères appelées
surfaces d’onde. les vibrations sont ici transversales à la direction
de propagation de l’onde mais on peut citer des exemples tridimen-
sionnels où elles sont longitudinales. soit un petit ballon sphérique
en caoutchouc placé dans une cuve d’eau ; il est gonflé et dégonflé
selon un mouvement rythmique ; les pulsions qu’il imprime aux
particules d’eau qui sont à son contact se propagent dans toutes les
directions par l’intermédiaire d’ondes sphériques (fig. 40) ; les
vibrations sont dirigées selon le rayon de celles-ci et sont bien
longitudinales. un observateur placé très loin du centre d’ébranle-
ment à partir duquel se propage une onde sphérique a l’impression
134
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
Le principe de Huygens
Christiaan huygens est issu d’une grande famille hollandaise. son
père, diplomate, poète, musicien, scientifique, s’entoure de philosophes
et d’artistes : il aide rembrandt, appuie Corneille, reçoit fréquemment
descartes qui lui soumet, avant de la publier, sa Dioptrique mais
qui, surtout, dirige l’éducation mathématique du jeune Christiaan
qu’il « tient en affection très ardente » et dit « être de son sang5 » ;
l’enfant possède de nombreux autres précepteurs qui lui enseignent la
musique, le dessin, le français, la mécanique… Bientôt l’adolescent
étudie à leyde, en devient le meilleur mathématicien, participe aux
batailles que mène le milieu tolérant et cosmopolite dans lequel il
vit, pour imposer le cartésianisme. descartes soumet à celui qu’il
appelle maintenant « le nouvel archimède » les problèmes qu’il ne
sait résoudre et notamment celui de la quadrature du cercle * dont
huygens démontre l’impossibilité.
descartes, même s’il n’a pas publié son ouvrage « trop » coperni-
cien Le Monde ou Traité de la lumière a donc enseigné sa concep-
tion de l’univers à son jeune élève et lui en a développé toutes les
subtilités. adulte, Christiaan huygens développe rationnellement,
logiquement et complètement une théorie de la lumière, conséquence
d’une vision du monde cartésienne. nous avons vu comment descartes
conçoit que tout l’espace est occupé par des sphères d’air subtil, au
contact les unes des autres, participant à de nombreux tourbillons
135
une histoire de la lumière
Christiaan Huygens
136
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
* notons l’identité du titre avec l’œuvre non publiée de descartes : l’allusion est
évidente ; newton va, de même, par ses Principia mathematica, répondre aux Princi-
pia philosophiae de descartes. huygens fait souvent référence à l’œuvre (perdue) de
Pardies, le premier à avoir tenté d’élaborer une théorie ondulatoire sur les bases de la
science moderne.
137
une histoire de la lumière
Figure 42
Figure 43
138
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
vitesse très grande dans le plan. l’éther transmet les ondes lumi-
neuses avec leur vitesse énorme de la même manière : il est méca-
niquement analogue à des sphères très dures au contact dans les
trois dimensions de l’espace * et s’insinue partout. dès lors « l’agi-
tation des parties d’un corps [qui cause le feu] » peut créer des
ébranlements très rapides qui se propagent dans toutes les directions :
les ondes lumineuses partiraient ainsi de chaque point de la source
et se renforceraient mutuellement. « ainsi dans la flamme d’une
chandelle […] les cercles concentriques décrits autour (des points
a, B, C – fig. 44) représentent les ondes qui en proviennent8. »
Jusqu’ici, huygens ne fait que reprendre les conceptions de des-
cartes. il va maintenant essayer de nous faire partager la conviction
qu’il a de l’existence de l’éther en démontrant que son introduction
résout le problème de la propagation rectiligne de rayons qui se
croisent sans s’affaiblir. C’est encore à une analogie mécanique
qu’il va avoir recours.
Figure 44
* huygens précise : « sans supposer que les particules altérées soient de forme
sphérique (car je ne vois pas d’ailleurs qu’il soit besoin de les supposer telles) » (op. cit.,
p. 17) et « on peut concevoir que ces particules de l’éther […] sont encore composées
d’autres parties, et que leur ressort consiste dans le mouvement très rapide d’une matière
subtile, qui les traverse de tous côtés » (op. cit., p. 15).
139
une histoire de la lumière
Figure 45
Figure 46
Figure 47
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le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
Figure 48
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une histoire de la lumière
Figure 49
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le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
Figure 50
143
une histoire de la lumière
Figure 51
* aG = an = v (t1 – t0) ; toutes les ondes secondaires ont des rayons égaux aux
Km ; les triangles anB et aCB sont égaux (rectangles en n et C, hypoténuse aB
commune et an = aG = CB) • angle BaC = angle aBn.
144
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
145
une histoire de la lumière
Figure 52
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une histoire de la lumière
Figure 53
148
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
La réfraction de la calcite
« À sa majesté sacrée Frédéric ii roi de danemark et de norvège,
roi des Vandales et des Goths […] est dédiée cette nouvelle étude
pour l’instruction des sages : l’expérience sur le cristal biréfringent
inondant les terres nordiques, mystère de dioptrique, spectacle entiè-
rement nouveau sur terre9. » Boniment de bateleur ? non : dédicace,
dans un style souvent utilisé à l’époque (1669), par laquelle Érasme
Bartholin introduit un traité faisant date dans l’histoire de l’optique :
il y décrit des cristaux de calcite rapportés d’une expédition en
islande ; leur grande taille, leur parfaite transparence ne peuvent laisser
inaperçue une propriété vraiment étrange : ils dédoublent les images
des objets, des textes, sur lesquels ils sont posés. il est aujourd’hui
facile de se procurer un petit cristal de calcite et de s’extasier en
reproduisant les expériences que Bartholin a faites pour étudier et
préciser ce phénomène.
l’image d’un point tracé sur un objet et regardé au travers d’un
prisme de verre posé dessus est unique et reste immobile si on
tourne le prisme sur sa base. Posons, par contre, un rhomboèdre *
de calcite sur une feuille de papier où nous avons figuré une petite
croix et regardons celle-ci au travers du cristal : nous voyons deux
images d’intensités égales. tournons la calcite sur sa base en lais-
sant celle-ci au contact du papier : une image suit le mouvement
du prisme, l’autre reste fixe (fig. 54) ; leur intensité est constante.
149
une histoire de la lumière
Figure 54
* C’est moi qui souligne : ces appellations sont encore utilisées de nos jours.
150
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
151
une histoire de la lumière
Figure 55
152
le triomphe de la mécanique : espace plein et géométrisation…
Figure 56
* C’est en effet l’axe de symétrie selon lequel se répètent, par rotation de 120°,
les faces du cristal.
153
une histoire de la lumière
Figure 57
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Figure 58
Figure 59
163
une histoire de la lumière
Figure 60
obtenu sur un second prisme abc : si les couleurs sont produites par
les surfaces, le second dispositif doit à nouveau permettre de les
peindre toutes sur un écran. l’expérience montre qu’il n’en est rien :
quel que soit le pinceau monochromatique sélectionné par le
diaphragme, l’image (m-n) observée reste de la couleur choisie ;
les déviations que subit le faisceau lumineux dans le second prisme
sont toujours plus faibles pour le rouge que pour le violet… Ce
résultat est fondamental : il prouve, à lui seul, que les couleurs ne
sont pas un effet des surfaces traversées par la lumière ; newton
vient de réaliser une expérience capable de déterminer la mort de
la théorie de descartes ; une telle expérience permettant de rejeter
définitivement une théorie physique (ou, au contraire, de la vérifier)
est appelée par newton « expérience cruciale ». si la théorie des
couleurs de descartes doit donc maintenant être rejetée, rien ne
prouve encore que les couleurs font partie de la lumière : d’autres
possibilités existent peut-être ! newton continue donc son raisonne-
ment : à partir d’un rayon solaire qui apparaît blanc sur un écran,
un prisme permet de séparer des couleurs ; si, au moyen d’un dis-
positif quelconque, on parvient à regrouper tous les faisceaux colorés
164
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
165
une histoire de la lumière
Figure 61
newton les présente entre 1666 et 1672, à la royal society, ainsi qu’il
vient d’être rapporté, mises en ordre logique selon la méthodologie
à l’honneur dans la compagnie, celle de Grossetête et de F. Bacon,
mais il les accompagne d’une explication postulant une nature cor-
pusculaire à la lumière2. il ne peut faire partager cette conclusion à la
majorité des membres de l’académie : elles heurtent trop les concep-
tions du « démonstrateur » de l’assemblée, hooke. newton insiste,
effectue devant les académiciens quelques expériences significatives,
rien n’y fait : une opposition violente demeure. le moins virulent
est huygens : il prend un grand intérêt aux expériences décrites,
mais note que le blanc peut être obtenu à partir de deux couleurs,
que donc « une hypothèse qui expliquerait mécaniquement et par
la nature du mouvement la couleur jaune et la bleue suffirait pour
toutes les autres3 ». Cet argument gêne newton. d’autres soulignent
qu’en décomposant la lumière, newton la dissèque. une dissection
ne se pratique que sur les cadavres. la dispersion tue la lumière,
les rayons colorés en sont les éléments devenus inactifs. mais les
principales critiques viennent de Pardies et de hooke. reconnaissant
la réalité des expériences, celui-ci montre que leur interprétation par
une théorie corpusculaire n’est pas nécessaire, que l’on peut en rendre
compte aussi bien par la théorie contenue dans sa Micrographia et
même par une troisième. « Je ne vois pas la raison pour laquelle il
devrait être nécessaire que tous ces mouvements, ou quoi que ce soit
d’autre qui engendre les couleurs, doivent être originellement dans
166
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
les rayons simples de lumière. Pas plus que tous ces sons que l’on
entend s’échapper des tuyaux d’orgue ne doivent être en premier lieu
dans l’air de la caisse de la soufflerie ou bien dans les cordes que
l’on pince ou frappe et qui les produisent4. » une corde d’un instru-
ment de musique est une « belle représentation de la configuration
d’un rayon réfracté pour l’œil […] car le rayon est analogue à une
corde tendue entre l’objet lumineux et l’œil, et l’arrêt où le doigt se
pose ressemble à la surface réfringente ; l’un des côtés de la corde
est sans mouvement, mais l’autre côté est en mouvement vibratoire
[…] le repos ou la rectilinéarité de la corde est produit par l’arrêt
des mouvements ou la composition de toutes les vibrations5 ». la
réfraction pourrait transformer le mouvement vibratoire simple de la
lumière blanche incidente en plusieurs vibrations qui peuvent, dans
certaines conditions, se composer ou se détruire et donner d’autres
couleurs ou la lumière blanche : « je peux […] concevoir la blancheur
ou le mouvement uniforme de la lumière comme étant composés
par la composition des mouvements de toutes les autres couleurs »,
ajoute hooke, qui admet donc une des conclusions de newton : le
blanc est composé6. nous verrons que ces arguments seront promis
à un bel avenir. ainsi donc, les travaux de newton seraient très
intéressants au point de vue de la mesure des phénomènes, mais ne
signifieraient rien quant à la lumière, qui pourrait aussi bien être
corpusculaire qu’ondulatoire. newton est peiné, vexé. admettant mal
les critiques, il fuit les controverses et écrit une lettre au premier
secrétaire de la royal society, henry oldenburg (1618-1677) : « J’ai
l’intention de ne plus m’occuper de philosophie […] vous favoriserez
ma détermination en empêchant les objections ou d’autres lettres me
concernant7. » trois ans plus tard, il présente cependant à la royal
society de nouvelles expériences sur les couleurs des lames minces
et rencontre à nouveau une forte opposition. il écrit : « Je vois que je
suis esclave de ma philosophie […] je lui dirai adieu pour toujours, à
l’exception de ce que je fais pour ma satisfaction privée ou de ce qui
sera publié après ma mort8. » newton continue donc « pour son seul
plaisir » ses recherches mais ne publie plus rien jusqu’à ce qu’il fasse
parvenir à la society, dix ans plus tard, en 1686, le manuscrit des
Principia dans lequel il démontre la gravitation universelle, propose
son « système du monde », en montre la cohérence et la généralité
en l’étendant à de nombreux domaines – dont l’optique : il propose
167
une histoire de la lumière
2. La mécanique newtonienne
dans l’histoire du développement scientifique, Galilée avait marqué
une rupture en ce sens qu’après lui la tendance scientifique dominante
décrivait un monde unifié où est affirmée la valeur objective d’une
science fondée sur l’expérience et les mathématiques (« le saint-
esprit nous apprend comment on doit aller au ciel et non comment
le ciel doit aller9 »). la méthode expérimentale consiste à observer
précisément les faits complexes que nous montre la nature et à
les mesurer afin d’en mettre en évidence les régularités. un effort
d’abstraction doit permettre d’exprimer celles-ci mathématiquement,
d’en tirer des concepts et leurs conséquences : si la déduction faite
est conforme au monde qui nous entoure, ces conséquences doivent
absolument pouvoir être observées. il importe donc, pour les mettre
en évidence, de préparer soigneusement les expériences, d’en exclure
toutes les conditions superflues et de comparer leurs résultats aux
conséquences prévues ; un accord représente une approche dans la
compréhension de la structure véritable d’une nature harmonieuse et
simple. Cette méthode écarte toute question relative à la « nature »
de l’objet : tous les faits particuliers y sont intégrés dans des lois
générales. répugnant à tout esprit de système, Galilée s’était refusé
à formuler une théorie générale qu’il assignait comme but de la
pratique scientifique mais avait préféré adopter une progression
empirique mieux adaptée, pensait-il, à l’état des connaissances et à
la complexité des données que fournit la nature.
Bien différente avait été la démarche de descartes10 : philosophe
nerveux vivant en hollande par crainte de richelieu, il prit peur
à la condamnation de Galilée, concéda à l’Église que les théories
scientifiques sont des fictions et devint « l’homme au masque ».
Fort de cette dissimulation, il avait pu développer un rationalisme
168
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
169
une histoire de la lumière
170
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 63
même matière mais plus grosse ; exerçons sur elle des poussées
identiques aux précédentes ; les accélérations qu’elle prend seront
plus faibles : sous l’action d’une même force, l’accélération prise
par un corps est inversement proportionnelle à sa masse ou, comme
le mesure newton, le rapport d’une force sur l’accélération qu’elle
induit est égal à la masse de l’objet F/a = m ou F = m.a.
Considérons maintenant une bille qui roule uniformément et
appliquons-lui, un bref instant, une force dirigée perpendiculairement
à sa trajectoire. après le choc, la bille est toujours en mouvement
rectiligne uniforme mais sa direction est modifiée : les symboles
représentatifs Vi et Vf sont indiqués sur la figure 64 a ; si la force
exercée est faible (F1), la trajectoire finale a une direction proche
de la droite suivie initialement (fig. 64 b) et inversement (fig. 64 c).
les accélérations (a1 et a2) prises par la bille sont toujours codirec-
tionnelles avec les forces exercées (F1 ou F2). dans tous les cas la
considération des vitesses initiale et finale nous donne donc l’accé-
lération subie par le corps et la direction de la force qui s’est exer-
cée sur lui : « toute modification du mouvement est proportionnelle
Figure 64
171
une histoire de la lumière
172
Figure 65
Figure 66
Figure 67 Figure 68
une histoire de la lumière
174
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 70
175
une histoire de la lumière
où
{ ML la masse de la lune
r la distance terre-lune
G une constante
176
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 71
Figure 72
177
une histoire de la lumière
178
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
en avait […] le pouvoir21 ». Cet innéisme fait que dieu n’a plus à
intervenir pour modifier le fonctionnement de l’horloge ou pour la
réparer : il se repose, c’est pour lui le sabbat.
newton réfute cette position : chaque choc entraînant une perte de
mouvement, les tourbillons ne peuvent que dépérir et s’arrêter. le monde
est donc vide, la matière n’occupe qu’une infime partie de l’espace,
elle est concentrée dans les étoiles, les planètes, les comètes. Pourquoi
celles-ci ont-elles des trajectoires plus excentrées que celles-là ? Parce
qu’elles ont un mouvement initial plus fort, démontre newton. il faut
donc qu’elles aient été lancées, il faut qu’elles aient été créées, il faut
une cause première, qui s’est réalisée dans la masse et le mouvement.
Cette cause première, c’est dieu : la science en démontre l’existence
puisque son introduction est nécessaire à la perfection de la théorie.
mais tout mouvement dépérit : il faut qu’il soit renouvelé sans cesse
par des principes actifs. l’un de ceux-ci est la gravité, sans laquelle
les planètes ne resteraient pas sur leurs orbes. Cette gravité, action
immédiate à distance, ne peut s’expliquer mécaniquement : newton
en fera l’action constante d’un dieu omniprésent et omnipotent, le
dieu de la Bible, le maître effectif, le « seigneur de toutes choses22 ».
À la différence de celle de descartes, la physique de newton décrit
un monde algébrique où intervient la masse. À la différence de
celle de descartes, l’horloge de newton suppose la permanence de
l’intervention de l’horloger. À la différence du dieu de descartes, le
dieu de newton est un monarque absolu. Ces différences ne sont pas
surprenantes : newton est engagé aux côtés des conservateurs dans
les luttes politico-religieuses que connaît l’angleterre : il veut faire
triompher l’absolutisme social et maudit le matérialisme cartésien en ce
que celui-ci – niant l’action constante de dieu – permet de l’exclure et
peut mener à l’athéisme. le « système du monde » newtonien répond
à un engagement qui finit par triompher en angleterre. en europe
continentale les philosophes – nous y reviendrons – n’acceptent pas
la permanence de l’action divine : ils considèrent comme scabreuse
une « influence » (la gravité) qui rappelle étrangement les « propriétés
occultes » jadis attribuées aux corps. Comment, par quel mécanisme
la force de la gravitation peut-elle s’exercer à distance sans contact,
demandent-ils ? Qu’est-ce que la constante universelle G ? Pour-
quoi prend-elle toujours une même valeur ? l’introduction d’une
constante en physique, fût-elle « universelle », masque toujours une
179
une histoire de la lumière
* Cette définition montre que newton appelle « rayon » ce que nous qualifions
aujourd’hui de « corpuscule ». Pourtant, il ajoute (définition 2) que les mathématiciens
supposent que les rayons de lumière sont des lignes s’étendant de la source à l’objet,
180
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
aussi il dit utiliser une définition générale pouvant convenir aux deux acceptions. Cette
ambiguïté ne gêne nullement newton lorsqu’il traite l’optique géométrique. Par contre,
pour certains problèmes plus complexes, il désignera par « rayon » les corpuscules et
par « trait » l’objet euclidien. nous placerons toujours le terme rayon au(x) sens de
newton entre guillemets.
181
une histoire de la lumière
Figure 73
182
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 74
183
une histoire de la lumière
Figure 75
184
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 76
185
Le télescope de Newton, d’après H.C. King ;
ab : miroir concave, dg : miroir plan, o : oculaire.
187
une histoire de la lumière
Figure 77
188
le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Les accès
Qui ne s’est amusé à faire des bulles de savon ? Qui ne s’est
émerveillé à la vue des teintes changeantes dont elles se peignent ?
Qui ne s’est attardé à les observer ? mais peut-être avons-nous
trouvé plus de plaisir à créer ces sphères fragiles, éphémères et à
les regarder s’élever et s’éloigner dans un ciel d’été qu’à étudier
précisément les couleurs qui défilent. abandonnons donc notre lecture
et passons quelque temps à analyser les apparences que prennent
successivement ces bulles.
lorsqu’elles se forment, elles sont incolores ou présentent des teintes
pâles, délavées qui paraissent peintes sur l’eau savonneuse. des nuances
plus vives apparaissent bientôt par le haut et gagnent progressivement
le bas : nous voyons passer un jaune, un vert, un rouge… jaune, vert,
rouge… jaune, vert, bleu intense, rouge, jaune ; la bulle redevient pâle,
incolore, puis éclate brusquement. reprenons notre expérience et, pour
mieux l’observer, immobilisons la bulle formée sur la manche de notre
tricot : les couleurs défilent toujours dans le même ordre, même lorsque
la bulle éclate rapidement avant qu’elles ne soient toutes passées. Ce
sont les mêmes couleurs que nous pouvons observer sur un sol mouillé
d’eau et de pétrole ainsi que dans tous les autres cas où deux milieux
transparents sont superposés en couches minces.
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une histoire de la lumière
Figure 78
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le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Figure 79
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Figure 80
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le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
* l’analogie mécanique est importante. dans les Principia, newton avait jeté les
bases de la mécanique des fluides et montré que les vibrations ont un effet périodique.
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le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
197
une histoire de la lumière
de cette question » mais il n’y entre nulle part ailleurs ! « Ceux qui
n’aiment point à admettre une nouvelle découverte, à moins qu’ils
ne puissent l’expliquer par une hypothèse, peuvent pour le présent
supposer » : aimerions-nous nous trouver parmi ces incrédules qui
ne conçoivent pas l’abstraction ? dans cette dernière phrase, newton
joue sur les mots : il ne décrit pas une nouvelle découverte expéri-
mentale mais propose une hypothèse théorique qui, justement, doit
permettre d’expliquer… Bientôt, newton ne va plus se contenter
d’user d’artifices de langage : il va dissimuler.
La diffraction
nous avons dit comment, dans les Principia, newton explique,
par exemple, l’apparition de franges lumineuses colorées sur l’un des
bords de l’ombre d’une pointe de couteau par la déviation des cor-
puscules sous l’effet de la force réfringente (fig. 77). nous ne nous
sommes pas arrêtés sur cette déduction et pourtant nous aurions dû
y prêter plus d’attention : Grimaldi n’avait-il pas démontré, en s’ap-
puyant sur l’expérience, que ces phénomènes de diffraction ne peuvent
être assimilés ni à une réflexion ni à une réfraction ? rappelons-nous :
en approchant ou en reculant l’écran de l’objet diffractant, il est pos-
sible de constater que les franges « ne sont ni sur une ligne droite
passant par la source et tangente à l’obstacle, ni sur une droite menée
du trou au point de l’écran sur lequel on les observe ». l’effet d’une
force réfringente est de dévier les corpuscules au passage de l’obstacle,
de briser leur trajectoire rectiligne ; pourquoi donc n’ont-ils plus une
trajectoire rectiligne après celui-ci ? Grimaldi avait aussi remarqué
que les irisations sont invariables « quel que soit le corps opaque
placé dans le cône lumineux, dense ou léger, lisse et poli, rugueux et
irrégulier, dur ou mou » : elles ne dépendent que de sa taille, non de
sa nature. si la force réfringente cause ces irisations, la déviation doit
être proportionnelle à la densité des corps donc varier avec leur nature.
Voilà une nouvelle contradiction : contrairement à ce qu’un examen
rapide pouvait le faire croire, l’explication de la diffraction ne s’intègre
pas facilement à l’ensemble de la théorie de newton. Celui-ci va
d’ailleurs revenir sur le problème : il reprend les expériences de Gri-
maldi, les cite, les complète, les enrichit de mesures soignées et
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Figure 81
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Figure 82
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le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
Couleurs et musique
Cette cohérence de la physique dans le plan de dieu, newton
l’exprime à nouveau et particulièrement nettement dans sa théorie des
couleurs. dans ses premières expériences (1666-1672), il représente
la dispersion en faisant figurer cinq couleurs après le prisme (fig. 59).
dans l’Optique, il dit avoir fait repérer la dispersion grâce à « une
personne […] ayant la vue plus pénétrante que moi ». il peut alors
tracer les « lignes qui marquent les confins des couleurs » (fig. 83) et
préciser que ces lignes coupent « le spectre en travers, de la même
manière qu’est divisée la corde d’un instrument de musique […] dans
la proportion des nombres 1, 8/9, 5/6, 3/4, 2/3, 3/5, 9/16,1/2 et qu’ainsi
elles représentent les cordes de la clé, du ton, de la tierce mineure, de
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Figure 83
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5. La théorie corpusculaire
dans la mécanique newtonienne
nous avons vu que, pour newton, la lumière est composée de
particules qui subissent l’action de forces dont résultent leurs trajec-
toires. Puisque l’action de la lumière produit de la chaleur et que les
corps chauffés émettent de la lumière, newton pense que ces deux
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Isaac Newton
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le triomphe de la mécanique : newton et sa conception…
6. La polémique Leibniz-Newton
newton avait affirmé, dans le dernier livre de l’Optique, ses convic-
tions scientifiques, philosophiques et religieuses bien plus précisément
que jamais auparavant. spinoza était mort depuis longtemps (1677),
huygens en 1695, c’est donc leibniz qui, de hanovre, va attaquer le
système du monde newtonien et faire front commun contre lui avec
les cartésiens. il écrit : « m. newton et ses sectateurs ont […] une
fort plaisante opinion de l’ouvrage de dieu. selon eux, dieu a besoin
de remonter de temps en temps sa montre : autrement elle cesserait
d’agir. il n’a pas eu assez de vue, pour en faire un mouvement
perpétuel. Cette machine de dieu est même si imparfaite selon eux,
qu’il est obligé de la décrasser de temps en temps par un concours
extraordinaire, et même de la raccommoder, comme un horloger
son ouvrage ; qui sera d’autant plus mauvais maître, qu’il sera plus
souvent obligé d’y retoucher et d’y corriger. selon mon sentiment,
la même force et vigueur subsiste toujours, et passe seulement de
matière en matière, suivant les lois de la nature et le Bel ordre
préétabli. et je tiens, quand dieu fait des miracles, que ce n’est pas
pour soutenir les besoins de la nature, mais pour ceux de la Grâce.
en juger autrement ce serait avoir une idée fort basse de la sagesse et
de la Puissance de dieu48. » et leibniz ajoute : « m. newton dit que
l’espace est l’organe dont dieu se sert pour sentir les choses *. mais
s’il a besoin de quelque moyen pour les sentir, elles ne dépendent
donc pas entièrement de lui et ne sont point sa production49. » la
causticité et la perfidie sont évidentes. newton est attaqué sur son
propre terrain : il est accusé d’introduire un dieu incapable, obligé
* son sensorium.
213
une histoire de la lumière
1. Les « philosophes »
dans l’europe des années 1700, l’économie de tous les pays
– sauf les Pays-Bas – est encore dominée par une agriculture de
type ancien. l’industrie reste elle aussi traditionnelle, seules quelques
manufactures textiles commencent à développer une production à
grande échelle. mais l’essor considérable que prend le commerce
d’outre-mer provoque un déplacement de l’équilibre social : en
vingt ans, le volume des échanges extérieurs augmente de moitié en
angleterre, double en France ; la production intérieure est stimulée
par l’introduction sur le marché de cotonnades provenant de l’inde
et le développement des ports (Bordeaux, liverpool…) s’accélère.
les États se centralisent, l’administration passe maintenant peu à peu
aux mains de spécialistes, la politique devient de jour en jour plus
ambitieuse, les impôts – de rendement faible – augmentent sans cesse1.
Parce que son sol est plus fertile, la population plus nombreuse,
l’unité mieux réalisée, la France est le pays le plus puissant de cette
europe. Pourtant, depuis la révocation de l’édit de nantes (1685),
les persécutions religieuses et philosophiques y ont repris. mais le
pays n’est pas sans contradictions : une douzaine de parlements
217
une histoire de la lumière
* un public relativement nombreux pour l’époque a reçu une bonne éducation d’un
clergé intelligent.
218
le siècle des lumières
219
une histoire de la lumière
220
le siècle des lumières
221
une histoire de la lumière
les populations, les caisses des États sont vides, la pression fiscale
s’accentue sans pouvoir les remplir… les nobles eux-mêmes, le clergé
pour ses propriétés sont taxés… des révoltes éclatent, parfois fomen-
tées par ceux-là mêmes qui voient leurs privilèges entamés et qui
exploitent la misère. en France, le parlement de rennes s’élève contre
le gouvernement de Paris : son chef est arrêté ; le parlement de Paris
s’oppose aux emprunts forcés : il est réorganisé. le pays est inondé
de brochures prenant la défense des parlements et mettant en cause
l’absolutisme royal. on parle de la convocation des états généraux…
le poids des guerres, de la misère, les révoltes amènent un net
recul du « principe de bienfaisance » : diderot ridiculise, dans Jacques
le Fataliste, l’idée de l’intervention d’une providence bienveillante ;
Voltaire, dans Candide, décrit une situation médiocre pour l’homme ;
sade écrit des œuvres empreintes de toute la révolte que lui inspire la
violence de l’homme contre son semblable. Paul henri thiry d’hol-
bach (1723-1789) entretient un cercle d’amis et, devant eux ou dans
des écrits publiés sous des pseudonymes divers, défend l’atomisme et
l’athéisme. Cette modification de la psychologie de masse provoque
bien sûr un changement de perspective pour la pensée scientifique,
évolution favorisée par des découvertes d’importance : les coquillages
trouvés dans tous les terrains d’europe sont identifiés comme des
fossiles beaucoup plus anciens que le déluge biblique, les collines
du Puy-de-dôme sont reconnues comme étant des volcans, Buffon
– pourtant newtonien – postule que le système solaire peut très bien
avoir été créé par la rencontre entre une comète et le soleil, ce qui
expliquerait les orbites des planètes… alors que l’Église en reste
à une interprétation littérale des Évangiles et à l’intervention de la
divine Providence, une conjonction s’établit entre une partie du courant
newtonien et les athées pour aboutir à l’élaboration d’un système qui
se passe de la nécessité d’expliquer la « cause première » de l’univers.
C’est ainsi que la force de gravité en vient à être décrite comme
une force purement naturelle, propriété inhérente à la matière qui,
loin de limiter le mécanisme, l’enrichit. Quant à l’univers matériel,
il devient illimité comme l’avait soutenu leibniz. un univers infini
d’une durée limitée paraissant illogique, la matière est considérée
comme éternelle. Chaque progrès de la physique newtonienne apporte
de nouvelles preuves des affirmations de leibniz : la force motrice
de l’univers ne diminue pas ; l’horloge du monde ne demande donc
222
Planche extraite de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
une histoire de la lumière
224
le siècle des lumières
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une histoire de la lumière
226
le siècle des lumières
2. La Révolution et l’Empire
nous n’avons pas l’intention de décrire ici cette période riche,
diverse, enthousiaste, pleine d’espoirs puis de déceptions ; nous dirons
simplement comment la révolution française – dont l’influence
s’étendit à toute l’europe – puis l’empire – qui la domina – purent
227
une histoire de la lumière
* lavoisier, lui-même académicien, tente de les sauver. marat veut les détruire :
outre qu’elles avaient été trop dépendantes du pouvoir monarchique, il leur conserve une
grande rancœur. alors qu’il était médecin du comte d’artois, l’académie des sciences
avait refusé son mémoire intitulé Découvertes de M. Marat sur la lumière et contesté
(avec quelque raison d’ailleurs) les expériences qu’il rapportait.
** les académies militaires, beaucoup plus dynamiques à la fin de l’ancien régime
que les universités, accordaient dans leur enseignement une grande place aux mathé-
matiques et aux sciences.
228
le siècle des lumières
229
une histoire de la lumière
* lewis s. Feuer définit ainsi la notion de ligne iso-émotionnelle : « une idée est
iso-émotionnelle d’une autre quand elle est l’expression, la réflexion, le résultat ou
la projection de la même émotion. Quand un secteur donné de la classe intellectuelle
partage la même émotivité […] ce secteur devient une communauté intellectuelle ; ses
productions […] expriment une tendance commune. »
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236
le siècle des lumières
Figure 85
que les lois de la réfraction sont vérifiées. il pense donc avoir prouvé
à la fois que la lumière se propage plus vite dans le verre que dans
l’air – comme l’affirme la mécanique newtonienne – et que « la nature,
dans la production de ses effets, agit toujours par les voies les plus
simples ». maupertuis remarque : « Je connais la répugnance que
plusieurs mathématiciens ont pour les causes finales appliquées à la
physique et je l’approuve même jusqu’à un certain point […] on ne
peut [cependant] douter que toutes choses ne soient réglées par un
Être suprême, qui, pendant qu’il a imprimé à la matière des forces
qui dénotent sa puissance, l’a destinée à exécuter des effets qui marquent
sa sagesse. » le dieu omnipotent de newton n’est pas entièrement
éliminé de la physique ! « notre principe […] laisse le monde dans
le besoin naturel de la puissance du Créateur et est une suite nécessaire
de l’emploi le plus sage de cette puissance », note maupertuis qui,
fort de cette déduction, estime logique d’étendre son principe au
domaine de la dynamique : il l’applique à résoudre le problème des
chocs entre deux corps. les conséquences qu’il en tire sont ensuite
démontrées et généralisées par euler et permettent d’englober tous les
chocs des corps élastiques ou des corps durs dans une même descrip-
tion. le principe de moindre action est encore retenu actuellement…
et on voit à partir de quels présupposés il a été énoncé…
Vi
Crise et mutation de l’optique
1. Malus et la « polarisation » de la lumière
« amateurs éclairés » des salons du xviiie siècle avaient réuni
l es
dans leurs « cabinets d’histoire naturelle » d’impressionnantes
quantités de curiosités glanées au cours d’excursions très à la mode,
ou ramenées par les voyageurs. les scientifiques de ce début du
xixe héritent donc d’un nombre impressionnant de bizarreries parmi
lesquelles de superbes minéraux cristallisés. ils entreprennent de
mesurer les angles des faces naturelles, redécouvrent les clivages,
établissent des lois de symétrie, tentent de les interpréter en ima-
ginant que les cristaux sont formés par la répétition régulière de
« molécules intégrantes » qui emplissent l’espace : la cristallographie
est une science à la mode. C’est tout naturellement donc que les
chercheurs sont de nouveau intrigués par cette calcite, si abondante,
si diverse, si transparente, qui dédouble les images des objets sur
lesquels elle est placée…
un anglais, Wollaston, mesure les deux angles de réfraction du
minéral et trouve des valeurs qui le surprennent : elles concordent
exactement avec celles que donne huygens, contredisent donc newton.
en France, haüy obtient le même résultat. le monde scientifique
est incrédule. l’institut veut que la question soit définitivement
tranchée : il annonce (janvier 1808) qu’il attribuera un prix à qui
donnera « de la double réfraction que subit la lumière en traversant
diverses substances cristallisées, une théorie mathématique vérifiée
par l’expérience ». la formulation est significative de l’époque… les
chercheurs se mettent au travail ; parmi eux malus, un ancien élève
241
une histoire de la lumière
* Cette observation fortuite est rapportée par arago et a été vérifiée en 2014.
242
crise et mutation de l’optique
Figure 86 Figure 87
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Figure 90 Figure 91
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une histoire de la lumière
248
crise et mutation de l’optique
molécules »… rien n’est dit, aucun calcul n’est possible. malus n’est
plus maître de ses hypothèses qui ne sont que la transcription de la
symétrie de l’expérience. il se rend compte de la situation et écrit :
« la connaissance des forces qui produisent la double réfraction est
en quelque sorte étrangère à la loi des phénomènes et indépendante
des preuves qui établissent son caractère mathématique » leur intensité
est « indéterminable, parce que la loi des phénomènes en est indépen-
dante, et par la même raison […] devient inutile dans les recherches
qui ont pour but de lier les phénomènes par une même loi ; ce qui
est le seul objet des théories physiques10 ». selon cette position,
la science ne viserait qu’à étudier les régularités et à les exprimer
mathématiquement ; les causes étant indéterminables et indépendantes
des lois : voici une attitude positiviste que malus n’avait pas adoptée
lorsqu’il imaginait une structure moléculaire à la lumière et une forme
aux molécules ; il est vrai qu’il ajoutait alors : « Je ne prétends pas
indiquer la cause de cette propriété générale des forces répulsives qui
agissent sur la lumière, je donne seulement les moyens de lier entre
eux les phénomènes, de les prévoir par le calcul et de les mesurer
avec exactitude […] en rapportant les formes des molécules à trois
axes rectangulaires comme le sont ceux d’un octaèdre ; je ne préjuge
rien sur la forme réelle de ces molécules, mais je présente ce résultat
comme une conséquence du calcul auquel m’a conduit l’analyse des
phénomènes que j’ai observés11. » C’est dans cette logique qu’il écrit
même : « J’adopte […] l’opinion de newton, non comme une vérité
incontestable, mais comme un moyen de fixer les idées et d’interpré-
ter les opérations de l’analyse. C’est une simple hypothèse qui n’a
d’ailleurs aucune influence sur les résultats définitifs du calcul12. » les
scientifiques ne pouvant plus fournir d’explications plausibles, certains
(comme malus) renoncent à en donner et se réfugient derrière une
vérité des calculs leur permettant de décrire et de prévoir les phéno-
mènes… ils assignent à la science ce seul rôle de prévision… cette
réduction ne peut masquer le fait que l’optique newtonienne entre en
crise, crise accentuée par les découvertes d’arago (1811) et de Biot
(1815) qui mettent en évidence d’autres phénomènes de polarisation
plus complexes que ceux décrits plus haut *, crise qui s’amplifie encore
lorsque sont connues les importantes observations que viennent de
249
une histoire de la lumière
250
crise et mutation de l’optique
251
une histoire de la lumière
courbe appelée sinusoïde (fig. 93) que nous pouvons caractériser par
la distance séparant une position haute (ou basse) de la position de
repos (amplitude a) et par la longueur qui sépare deux points dans
le même état vibratoire (longueur d’onde λ).
Figure 93
* Ou à un multiple impair de demi- longueur d’onde : Δ = (2k + l) λ / 2 ; k nombre
entier.
** Ou à un multiple entier de longueur d’onde : Δ = k.λ ; k nombre entier.
252
crise et mutation de l’optique
Figure 94
Les interférences
Comme newton, Young va s’attacher à préciser l’expérience des
bulles de savon en réalisant une lame mince d’air limitée par un plan
et une lentille concave. il observe alors les anneaux (fig. 78-79-80) et
note lui aussi que les mêmes teintes apparaissent toujours lorsque les
épaisseurs traversées sont multiples les unes des autres : il existe bien
une périodicité dans le comportement de la lumière. Cette périodicité
n’est-elle pas justement due à l’extinction des vibrations pour lesquelles
la différence de marche entre des ondes qui se sont réfléchies sur l’une
et l’autre face de la lame vaut un multiple impair de demi-longueur
d’onde ? Young en est convaincu et pense avoir ainsi démontré que
253
une histoire de la lumière
254
crise et mutation de l’optique
Figure 95
* Puisque (fig. 96 b) d est très grand devant i et a nous avons : , où Δ est la
255
une histoire de la lumière
Figure 96
256
crise et mutation de l’optique
257
une histoire de la lumière
3. L’œuvre de Fresnel
ingénieur des Ponts et Chaussées, Fresnel n’est guère motivé par
l’exercice d’une fonction – surveiller l’état des routes de la drôme –
qu’il exerce pourtant avec scrupule et application19. il passe tous ses
loisirs à tenter de résoudre les problèmes qui le préoccupent : fabri-
cation d’encre de Chine, projet de machine hydraulique, combustion
du charbon, mais aussi, nous allons le voir, nature de la lumière et
aberration des étoiles, deux questions étroitement liées.
au cours de l’année, les étoiles semblent décrire une trajectoire
elliptique (l’aberration) découverte en 1728 par Bradley, qui avait été
expliquée comme résultant de la composition du mouvement annuel
de la terre sur son orbite et du mouvement rectiligne de la lumière
provenant de l’étoile. Cette interprétation rendant compte parfaitement
des observations avait été utilisée pour ruiner définitivement la concep-
tion cosmologique de descartes et confirmer la théorie corpusculaire
de la lumière : si, en effet, il est facile de supposer que des particules
éjectées à grande vitesse se propagent selon des droites, il est impos-
sible qu’une pression communiquée de proche en proche aux parties
d’une matière subtile participant à de nombreux mouvements circulaires
différents puisse suivre un chemin rectiligne : la trajectoire se brise
forcément lors du passage d’un tourbillon à l’autre. Fresnel est gêné
par cet argument : il ne peut admettre la théorie corpusculaire et se
demande comment des particules de masses différentes peuvent se
propager avec la même vitesse : ont-elles donc été éjectées avec des
forces différentes ? Quel mécanisme peut alors rendre compte de cette
émission ? il écrit à son frère : « tire-moi de là […] en attendant,
je t’avoue que je suis fort tenté de croire aux vibrations d’un fluide
particulier pour la transmission de la lumière et de la chaleur. » on
ne peut qu’être frappé de la similitude de cette approche et de celle
qu’avait huygens – que Fresnel n’a pas lu alors. les carnets de chan-
tier de l’ingénieur se couvrent – à côté des plans de nivellement des
routes – de réfutations de la théorie corpusculaire. il écrit encore à
son frère : « Je conçois vaguement comment on pourrait expliquer la
réfraction et surtout les accès […] dans l’hypothèse des vibrations20 »
mais « l’explication du mouvement rectiligne de la lumière [est] plus
facile à concevoir […] dans l’hypothèse de newton que dans celle de
258
crise et mutation de l’optique
* C’est moi qui souligne. Fresnel a appris les conceptions cartésiennes de la bouche
de l’abbé de la rivière, son professeur de logique à l’école centrale de Caen.
** arago ne cite pas huygens qui ne parle pas de la diffraction.
259
une histoire de la lumière
La diffraction
Puisque Fresnel est convaincu de la validité de la théorie ondu-
latoire, il se met à calculer quel effet doivent produire deux ondes
qui se rencontrent. Pour mener à bien ses calculs, il fait seulement
trois hypothèses : 1. les vibrations de la lumière sont les plus simples
possibles – c’est-à-dire sinusoïdales ; 2. la diffraction est due à la
superposition d’ondes provenant de la source et d’ondelettes réémi-
ses par les extrémités de l’écran diffractant (fig. 97) ; 3. les vibrations
qui interfèrent se renforcent lorsqu’elles sont dans le même état
vibratoire – elles ont alors une différence de marche valant un nombre
entier de longueurs d’ondes – Fresnel dit qu’elles sont en phase ;
au contraire, les vibrations s’annulent lorsqu’elles s’opposent – elles
ont alors une différence de marche valant un nombre impair de
demi-longueur d’ondes – il les dit en opposition de phase. À partir
de ces prémices, Fresnel conduit son calcul et parvient au résultat
que des franges claires et noires doivent alterner et qu’elles sont
situées sur des hyperboles24. il confronte ces conclusions théoriques
et l’expérience : celle-ci confirme les prévisions et par là même les
trois hypothèses. Fresnel est enthousiaste : convaincu d’avoir atteint
son but, de détruire la théorie corpusculaire et de faire triompher la
conception ondulatoire, il rédige un mémoire, y détaille ses calculs
et ses expériences, y explique – rapidement – la réflexion, la réfrac-
tion, les couleurs par la théorie des ondes, et l’envoie à arago pour
qu’il le présente à l’institut. arago lui répond immédiatement
(novembre 1815) : « J’ai trouvé [dans votre mémoire] un grand
nombre d’expériences intéressantes, dont quelques-unes avaient déjà
été faites par le docteur t. Young – qui, en général, envisage ce
phénomène d’une manière assez analogue à celle que vous avez
adoptée. mais ce que ni lui, ni personne n’avait vu avant vous, c’est
que les bandes colorées extérieures ne cheminent * pas en ligne
droite ** […] Vous pouvez compter sur l’empressement que je mettrai
à faire valoir votre expérience : la conséquence qui s’en déduit est
tellement opposée au système à la mode*, que je dois m’attendre à
260
crise et mutation de l’optique
Figure 97
261
une histoire de la lumière
262
crise et mutation de l’optique
lumière dans les vibrations d’un fluide infiniment subtil répandu dans
l’espace conduit ainsi à des explications satisfaisantes des lois de la
réflexion, de la réfraction, du phénomène des anneaux colorés […],
et enfin de la diffraction, qui présente des phénomènes […] dont
la théorie newtonienne n’a jamais pu rendre raison. À la vérité, la
double réfraction et la polarisation n’ont pas encore été expliquées
dans le système des ondulations, mais l’ont-elles été davantage dans
celui de newton28 ? »
les newtoniens ne peuvent répondre, mais savent qu’entre les deux
théories il faut maintenant trancher. l’académie annonce qu’elle ouvre
un concours et qu’elle offrira, en mai 1819, un prix sur le sujet suivant :
« les phénomènes de diffraction ont été ces derniers temps l’objet de
recherches de nombreux physiciens […] mais on n’a pas encore déter-
miné suffisamment le mouvement des rayons à proximité des corps où
se produit l’inflexion […] il importe […] d’approfondir […] la manière
physique avec laquelle les rayons sont infléchis et séparés en diverses
bandes […] Ceci a conduit l’académie à proposer cette recherche […]
en la présentant de la manière suivante : 1. déterminer […] tous les
effets de la diffraction des rayons […] directs et réfléchis quand ils
passent […] près des extrémités d’un […] corps […] 2. déduire de ces
expériences, au moyen de l’induction mathématique, les mouvements des
rayons dans leur passage près des corps29 ». sujet newtonien, exprimé
en langage newtonien… deux réponses parviennent à l’académie :
l’une est assez légère, l’autre, volumineuse, précise, mathématique,
engagée, s’appuie sur une théorie ondulatoire parfaitement expri-
mée, maniée avec subtilité, et démontre l’impossibilité de la thèse de
l’émission. Ce mémoire – œuvre, évidemment, de Fresnel – décrit un
nombre impressionnant d’expériences de diffraction expliquées, toutes,
par un même principe (encore différent de celui exposé dans les deux
premiers mémoires mais s’accordant maintenant parfaitement avec
les faits et qui sera définitif) : les franges sont dues aux interférences
des ondelettes émises par chaque point de l’écran diffractant (fig. 98).
Cette conception – appelée aujourd’hui principe de Fresnel – précise
et généralise le principe de huygens : alors que celui-ci identifiait la
somme des ondelettes avec leur enveloppe commune, Fresnel compose
les ondelettes en faisant intervenir leurs mouvements vibratoires : si
ceux-ci s’accordent entre eux (sont en phase), ils se renforcent, s’ils
sont en opposition de phase, ils se détruisent.
263
une histoire de la lumière
Figure 98
264
crise et mutation de l’optique
La polarisation
huygens et newton n’avaient pu proposer d’explication acceptable
aux phénomènes de polarisation. si, à la suite de ses travaux, malus
avait imaginé un mécanisme rendant compte des faits, c’est bien
parce qu’il avait transcrit, dans le langage de la théorie, la symétrie
de l’expérience sans se soucier de la vraisemblance des hypothèses
qu’il formulait. Fresnel savait qu’il devait se préoccuper du problème
posé pour compléter une théorie encore imparfaite… et que beaucoup
de newtoniens l’attendaient maintenant sur ce terrain. avant même
que son mémoire sur la diffraction soit couronné par l’académie, il
décide donc, avec arago, de consacrer toute son activité à l’étude
de la polarisation. ensemble, ils refont les expériences de malus,
Biot et Brewster… et obtiennent les mêmes résultats : la lumière
polarisée ne possède plus les mêmes propriétés dans toutes les direc-
tions perpendiculaires aux rayons ; deux d’entre elles, à 90° l’une de
l’autre, situées dans le plan d’incidence et le plan de polarisation,
semblent bien particulières. C’est alors qu’arago a une idée : il pense
qu’il « serait curieux » de regarder comment deux rayons polarisés
interfèrent et notamment de mesurer si les franges habituelles sont
déplacées par la polarisation. l’expérience est réalisée, d’abord avec
deux ondes dont les plans de polarisation sont « du même sens »
(deux ondes ordinaires ou deux ondes extraordinaires) : il n’y a
aucune modification du système. arago et Fresnel essayent ensuite
de faire interférer deux ondes dont les polarisations sont « en sens
contraire » (fig. 99) : à leur grande surprise, ils ne parviennent plus
alors à obtenir la moindre frange, quelle que soit la différence de
marche introduite entre les ondes. deux ondes polarisées en sens
contraire ont perdu la propriété de pouvoir se composer… Cette
observation est nouvelle ; Fresnel et arago la publient mais ils ne
265
une histoire de la lumière
Figure 99
266
crise et mutation de l’optique
267
une histoire de la lumière
268
Figure 100
Figure 101
une histoire de la lumière
270
crise et mutation de l’optique
Augustin Fresnel
271
une histoire de la lumière
* depuis la mort de malus, à l’âge de 36 ans, Biot est le grand spécialiste new-
tonien de la polarisation.
** C’est moi qui souligne.
272
crise et mutation de l’optique
L’éther de Fresnel
Puisqu’il lui faut maintenant déterminer la nature d’un fluide
élastique d’un genre bien particulier et inconnu, Fresnel ne peut que
remettre en cause les principes mêmes sur lesquels repose la méca-
nique des fluides. il écrit : « les géomètres qui se sont occupés des
vibrations des fluides élastiques [les ont considérées comme] une
273
une histoire de la lumière
274
crise et mutation de l’optique
Figure 102
275
une histoire de la lumière
276
crise et mutation de l’optique
avec l’idée que les plus grands physiciens se sont faite de l’extrême
porosité des corps. on peut demander, à la vérité, comment, un
corps opaque très mince interceptant la lumière, il arrive qu’il s’éta-
blisse un courant d’éther * au travers de notre globe. sans prétendre
répondre complètement à l’objection, je ferai remarquer cependant
que ces deux sortes de mouvements sont d’une nature trop différente
pour qu’on puisse appliquer à l’un ce qu’on observe relativement à
l’autre. le mouvement lumineux n’est point un courant, mais une
vibration de l’éther […] l’opacité de la terre n’est donc pas une
raison suffisante pour nier l’existence d’un courant d’éther entre ses
molécules, et l’on peut la supposer assez poreuse pour qu’elle ne
communique à ce fluide qu’une très petite partie de son mouvement.
À l’aide de cette hypothèse, le phénomène de l’aberration est aussi
facile à concevoir dans la théorie des ondulations que dans celle de
l’émission43. » dernier succès donc pour une théorie qui nécessite
maintenant que l’éther soit immobile et passe librement au travers
des astres, qu’il existe donc un mouvement relatif entre l’astre et
l’éther : les physiciens auront à rechercher et à mesurer les effets
de ce « courant d’éther ».
la théorie ondulatoire de la lumière est maintenant complète mais
il faut la foi de Fresnel pour ne pas ressentir un certain malaise.
en paraphrasant la déclaration qu’il faisait lui-même jadis au sujet
de la théorie de l’émission, on peut dire qu’« il faut accumuler sur
l’éther un grand nombre de propriétés diverses, souvent très difficiles
à concilier entre elles » : l’éther existe, c’est un fluide extrêmement
subtil, qui s’insinue partout, qui passe librement au travers des astres,
qui ne leur oppose donc aucune résistance mécanique et qui transmet
les vibrations lumineuses comme le fait de la gelée visqueuse… il
va falloir se pencher sur cet étrange fluide dans lequel se propagent
les perturbations lumineuses… ou rejeter la théorie ondulatoire.
allons ! les newtoniens ne désespèrent pas : certes, comme Biot, ils
expliquent toute une classe de phénomènes avec d’autres indétermina-
tions, mais l’avenir lèvera à coup sûr les difficultés… ils continuent
donc d’enseigner la théorie de l’émission et estiment que seule une
« expérience cruciale » pourrait trancher entre les deux théories : si
la lumière est formée de corpuscules, elle doit se propager à une
277
une histoire de la lumière
278
crise et mutation de l’optique
4. La situation de la science
au milieu du xixe siècle
le problème de l’éther n’est pas le seul qui se pose à la physique
du début du xixe siècle : bien des découvertes, bien des conséquences
modifient radicalement les perspectives dans lesquelles évolue la
science. Pour les évoquer, revenons un peu en arrière.
nous avons tous observé qu’un corps « chaud » et un corps
« froid » mis au contact prennent, au bout d’un certain temps, la
même température. au xviiie siècle, cette subjectivité des sensations
de chaud et de froid était interprétée de plusieurs manières. Pour nol-
let, électricité, lumière et feu sont expliqués par l’action d’un même
fluide diversement modifié auquel sont sensibles nos organes des
sens. Pour d’autres, la chaleur est une substance qui peut s’écouler ;
d’autres encore en font un mouvement intestin et désordonné d’une
matière continue, ou alors le mouvement désordonné d’atomes…
dans la seconde moitié du siècle, Joseph Black (1728-1799) dis-
tingue nettement chaleur et température, met en évidence dans le
passage d’un corps chaud à un corps froid la conservation d’un terme
d’échange, la chaleur, définit pour chaque corps une chaleur spécifique
et introduit le concept de chaleur latente46. ses travaux renforcent
l’idée qu’il existe une matière de la chaleur, que lavoisier nomme le
calorique, dont les échanges sont mesurés par le calorimètre, inventé
par laplace et lavoisier en 1782. Comme on n’observe jamais de
différence de poids quand un corps est ou non chauffé, la physique
se dote alors d’un fluide impondérable. en 1822, Joseph Fourier
(1768-1830) compare le rayonnement de la chaleur à celui de la
lumière et publie sa Théorie analytique de la chaleur dans laquelle il
se refuse à appliquer les lois de la mécanique à la chaleur, préférant
analyser le passage irréversible de cette chaleur des parties les plus
chaudes aux plus froides par dissipation d’une molécule à une autre
extrêmement voisine : il obtient des équations de propagation liant
279
une histoire de la lumière
280
crise et mutation de l’optique
Figure 103
281
une histoire de la lumière
* Clausius écrit : « C'est à dessein que j'ai formé ce mot […] de manière à ce qu'il
se rapproche autant que possible du mot énergie parce que ces deux quantités ont une
analogie dans leur signification physique. » Voir r. locqueneux, Une histoire…, op.
cit., p. 147.
282
crise et mutation de l’optique
d e tout temps, les hommes ont été intrigués par certains phé-
nomènes curieux : feux de saint-elme (lueurs que lancent
parfois les pointes des lances d’une troupe en marche, étincelles sur
les épées, feux à l’extrémité des mâts des bateaux ou le long des
filins), orages bien sûr… le cheval de tibère se constellait, dit-on,
d’étincelles lorsqu’on le frottait énergiquement. ne nous sommes-nous
jamais amusés à frotter violemment une règle de plastique contre la
manche d’un vêtement afin de pouvoir attirer de très petits morceaux
de papier ? Peut-être avons-nous même pu constater que l’autre
extrémité de la règle peut repousser d’autres papiers suspendus à
des fils ? Personne n’ignore que la boussole s’oriente naturellement
vers le nord ; l’usage de cet appareil, qui semble venir de Chine, se
répand en pays arabes et latins dés le xiie siècle… Ces phénomènes
avaient été étudiés dés l’antiquité. au xiiie siècle, Pierre de maricourt
écrit un traité sur l’aimant et imagine un moteur magnétomécanique1.
Vers 1600, J.B. Porta étudie les spectres de limaille de fer, tandis
que William Gilbert (1544-1603) effectue de nombreuses expériences
d’électricité et de magnétisme, publie dans son De magnete lois et
théories auxquelles vingt ans d’expérimentations l’ont conduit2. au
xviie, Kepler fait du magnétisme la force qui retient les planètes autour
du soleil, tandis que otto von Guericke (1602-1686) conçoit une
machine électrostatique qui fonctionne par frottements. elle sera le
premier générateur d’électricité, largement utilisé au xviiie siècle, où
nous avons dit combien les études sur l’électricité et le magnétisme
287
une histoire de la lumière
* il faisait arriver un fil de cuivre dans l’eau et reçut une violente décharge… il
hésita longtemps avant de renouveler l’expérience. le stockage réalisé, il devint à la
mode de se donner quelques frissons en s’électrisant volontairement ; on en vint à vendre
des « cannes à surprise » qui étaient de petites bouteilles de leyde… un physicien
voulut emmagasiner l’électricité de l’éclair… il fit aboutir le fil d’un paratonnerre dans
un laboratoire et vint expérimenter un jour d’orage. on retrouva son corps calciné5.
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vers une nouvelle perspective
Figure 104
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290
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Figure 105
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Figure 106
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* la gravitation exerce une action analogue entre les masses : le champ gravita-
tionnel a donc la même structure.
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une histoire de la lumière
l’écarter du sujet, ni sur une théorie physique qui peut donner des
idées fausses, mais sur une analyse s’appuyant sur des analogies.
Qu’appelle-t-il analogies ? Pour illustrer son propos, il prend l’exemple
de la lumière et souligne que l’on peut décrire parfaitement le che-
min des rayons lumineux en prenant l’analogie d’une particule qui
se déplace en lignes droites, mais qu’il ne faut pas croire que la
lumière est réellement formée de corpuscules parce que cette iden-
tification ne nous permettrait pas de rendre compte des vitesses ; de
même, on peut décrire les interférences et la polarisation en prenant
l’analogie d’ondes transversales, mais il ne faut pas déduire que la
lumière est réellement formée d’ondes transversales, ce qui entraînerait
d’autres incompréhensions : corpuscules et ondes transversales sont
des analogies physiques utiles sur lesquelles l’esprit peut s’appuyer
pour développer une analyse mathématique qui puisse rendre compte
d’une certaine classe de phénomènes. ainsi, les représentations phy-
siques perdent le statut de vérité. maxwell ne prétend pas décrire
par un mécanisme le monde tel qu’il est mais veut se servir d’un
mécanisme qui rende compte des faits pour développer dans des
limites strictes une analyse mathématique. il libère son esprit de
la réduction qu’imposent les modèles, il rompt avec la tradition de
vouloir décrire le monde en termes de mécanique. tout de suite, il
va donner un exemple d’application de sa méthode en étudiant les
phénomènes électromagnétiques. Puisque les représentations concrètes
ne sont que de simples analogies, maxwell peut bien reprendre les
images de Faraday mais celles-ci, si elles ont l’intérêt de décrire
la structure du champ, ne permettent pas de fonder une analyse
mathématique : comment calculer les positions des tentacules de la
pieuvre ? maxwell va donc essayer de mettre au point un modèle
mécanique qui puisse à la fois rendre compte des faits observés et
se décrire mathématiquement. il lui faudra six années pour résoudre
le problème *. il imagine alors que le champ électromagnétique
résulte de tensions et de pressions qui s’exercent sur un fluide. les
tensions s’exerceraient selon les lignes de forces, les pressions dans
300
vers une nouvelle perspective
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une histoire de la lumière
Figure 114
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vers une nouvelle perspective
Figure 115
303
une histoire de la lumière
3. La théorie électromagnétique
les objections de ses confrères ne découragent pas maxwell qui
entreprend maintenant l’analyse mathématique de son « analogie ».
il remarque tout d’abord : « l’effet des tourbillons est proportionnel
[…] à leur vitesse tangentielle. il est indépendant de leur diamètre
[…] cette vitesse doit être énorme pour avoir des effets aussi impor-
tants dans un milieu (l’éther) aussi rare […] le diamètre des tourbil-
lons, indéterminé, est très certainement beaucoup plus petit que le
diamètre des molécules de la matière10 » : chacun d’eux peut donc
facilement être assimilé à un point ; leurs grandeurs et leurs formes
disparaissent, de même que celles des pignons. en idéalisant de la
sorte, maxwell peut caractériser l’effet du champ électrique et du
champ magnétique en un point ; en passant de celui-ci à son voisin
puis à tout l’espace, il rend compte de l’évolution du champ électro-
magnétique, c’est-à-dire de sa propagation : celle-ci est entièrement
décrite quantitativement, en fonction des caractéristiques du milieu,
par quatre équations devenues célèbres sous le nom d’équations de
Maxwell. les caractéristiques du milieu avaient été mesurées par
Weber et Kohlrausch ; maxwell peut donc calculer la vitesse de
propagation de la perturbation électromagnétique. la valeur qu’il
trouve est… approximativement 300 000 km/s : la vitesse de la
lumière que vient de mesurer Fizeau !
mais les équations de maxwell permettent d’aller plus loin dans
cette comparaison : Faraday a montré que la variation d’un champ
magnétique entraîne l’existence d’un courant induit pouvant être mis
en évidence grâce à un circuit perpendiculaire aux lignes de forces
(fig. 116). de même, un courant électrique entraîne une variation de
champ magnétique qui s’enroule autour du courant (fig. 108) et se
situe donc perpendiculairement au plan de la boucle, sous celle-ci.
304
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une histoire de la lumière
306
vers une nouvelle perspective
« remplir l’espace d’un nouveau milieu toutes les fois que l’on
doit expliquer un nouveau phénomène ne serait point un procédé
bien philosophique ; au contraire, si, étant arrivés indépendamment
par l’étude de deux branches différentes de la science à l’hypothèse
d’un milieu, les propriétés qu’il faut attribuer à ce milieu pour rendre
compte des phénomènes électromagnétiques se trouvent être de la
même nature que celles que nous devons attribuer à l’éther lumineux
pour expliquer les phénomènes de la lumière, nos raisons de croire
à l’existence physique d’un pareil milieu se trouveront sérieusement
confirmées.
« mais les propriétés des corps sont susceptibles de mesures
quantitatives. nous obtenons ainsi la valeur numérique de certaines
propriétés du milieu, par exemple de la vitesse avec laquelle s’y
propage une perturbation, vitesse que nous pouvons calculer d’après
les expériences électromagnétiques et que nous pouvons observer
directement dans le cas de la lumière. si l’on trouve que la vitesse
de propagation des perturbations électromagnétiques est la même que
la vitesse de la lumière, et cela, non seulement dans l’air, mais dans
tous les autres milieux transparents, nous aurons de fortes raisons
de croire que la lumière est un phénomène électromagnétique, et,
par la combinaison des preuves optiques et électriques, nous nous
convaincrons de la réalité de ce milieu, absolument comme, dans le
cas des autres espèces de matière, nous nous convainquons par le
témoignage combiné des sens15. »
et maxwell applique ses équations de propagation d’une onde
électromagnétique aux milieux conducteurs, non conducteurs, opaques,
transparents… tous les effets qu’il déduit s’accordent à ceux de la
lumière ; tous les phénomènes lumineux peuvent être expliqués à
partir de l’onde électromagnétique : la lumière est une onde élec-
tromagnétique.
tous les résultats, toutes les interprétations proposées par Fresnel
peuvent encore être retenus : maxwell y ajoute maintenant la nature
de l’« onde transversale » qu’est la lumière. il n’est plus besoin de
chercher à définir la rigidité de l’éther mais seulement d’admettre
que celui-ci est un milieu apte à transmettre les perturbations élec-
tromagnétiques. le pas définitif est franchi : deux disciplines tota-
lement différentes viennent d’être liées ensemble ; une unification
considérable en résulte.
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une histoire de la lumière
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Figure 119
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* maxwell donnait tous les soirs des cours aux ouvriers et passait une partie de son
temps dans les usines pour étudier le fonctionnement des machines.
** les bourgeois voulaient voir dans ces actions spontanées l’œuvre des troupes
d’un mystérieux général ludd.
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une histoire de la lumière
* michelson imagine que tout l’éther de l’univers est entraîné par la terre !
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325
une histoire de la lumière
326
la lumière dans la physique contemporaine
fait que notre conception ne fait aucun usage d’un “espace absolu au
repos” doué de propriétés particulières, et ne fait pas correspondre à un
point de l’espace vide, où ont lieu des processus électromagnétiques,
un vecteur de vitesse4 »). Cette triple attitude permet à einstein de
s’interroger sur la notion de simultanéité et de déduire que le temps
et les longueurs ne sont pas absolus mais relatifs au système de
coordonnées : par rapport à un référentiel, les longueurs et les temps
d’un autre système se contractent dans le sens du mouvement, ils se
dilatent dans le sens opposé au mouvement. en relativité, l’espace et
le temps ne sont plus des entités séparables. einstein calcule alors que
la valeur de la contraction est exactement donnée par les formules
établies par lorentz pour rendre compte des résultats de michelson
mais, alors que le physicien hollandais n’avait trouvé qu’un artifice
rendant compte d’un phénomène, einstein intègre les transformations
de Lorentz dans un cadre théorique qui les explique et les généralise :
il formule une théorie que nous connaissons sous le nom de théorie
de la relativité restreinte. Grâce à elle, il parvient à construire une
électrodynamique des corps en mouvement s’appuyant sur la théorie
de maxwell mais « maintenant exempte de contradictions » : les inte-
ractions des aimants et des courants y sont décrites symétriquement.
en privilégiant ainsi, lors d’un changement de référentiel, les
transformations de lorentz par rapport aux transformations de Gali-
lée, einstein vient de construire une théorie « esthétiquement belle »
qu’il va développer en affirmant le caractère relatif de la masse et en
écrivant la fameuse équivalence : e = mc2 (« la masse est énergie
et l’énergie a une masse. les deux lois de conservation sont combi-
nées en une seule, la loi de conservation de la masse-énergie »). en
1908, hermann minkowski (1864-1909) bâtit un continuum espace-
temps à quatre dimensions : il élabore ainsi un cadre mathématique
qui permet de définir des grandeurs physiques dont la mesure reste
invariante lors d’un changement de référentiel. Cet espace est utilisé
en 1916 par einstein : la relativité qu’il avait élaborée en 1905 était
restreinte aux référentiels d’inertie ; il peut maintenant la généraliser
aux référentiels uniformément accélérés ou en rotation uniforme.
Pour cela, il part de l’identité inexpliquée (et sur laquelle d’ailleurs
personne ne s’était penché, tant elle paraissait « évidente ») entre la
masse « pesante » mesurée dans un champ de gravitation (F = mg) et
la masse « inerte » qui rend compte de la résistance de la matière à
327
une histoire de la lumière
la variation de son mouvement (F = m γ). Pour l’expliquer, Einstein
recourt à une expérience de pensée : un observateur placé dans un
référentiel accéléré ne peut distinguer les effets de l’accélération γ
ou de la gravité g ; il constate que les rayons lumineux sont courbes,
courbure qu’il peut expliquer par sa propre accélération ou par le
champ de gravitation. einstein est alors amené à supposer que le
continuum espace-temps est courbe, que les rayons lumineux suivent
les géodésiques de cet espace à quatre dimensions, que la matière
courbe l’espace-temps et que la gravitation traduit cette courbure.
tout ceci est énoncé dans sa théorie de la relativité générale, par
laquelle il tend à la « perfection esthétique » à laquelle il aspire.
ses prédicats sont confortés par les mesures effectuées en 1919 lors
d’une éclipse totale du soleil : l’écartement d’étoiles apparaissant de
chaque côté de notre étoile est compatible avec les déviations des
rayons lumineux par la masse solaire. dans la relativité générale,
la gravitation n’est plus décrite comme une action immédiate : elle
possède une structure de champ. une nouvelle cosmologie va naître
de cette description. une ère nouvelle s’ouvre dans l’expérience
humaine… mais la lumière ne peut plus être considérée comme se
propageant en lignes droites, ni être associée à des vibrations dans un
milieu continu puisque – dès 1905 – l’existence de l’éther est niée.
la situation de la théorie de la lumière reste donc critique. nous
verrons qu’einstein utilise cette instabilité théorique pour avancer
de nouvelles hypothèses sur sa nature physique.
328
la lumière dans la physique contemporaine
329
une histoire de la lumière
* nous savons qu’une onde peut être définie par sa longueur ; puisque, dans un
même milieu, la vitesse de propagation est constante, on peut aussi définir l’onde par
l’intervalle de temps qu’elle met pour parcourir une distance égale à la longueur d’onde ;
on appelle période (t) cette durée. la fréquence (v) est le nombre de périodes par
seconde (égal à 1/t) ; c’est donc le nombre de longueurs d’ondes qui défilent en une
seconde. Plus la longueur d’onde est grande, plus la fréquence est faible et réciproque-
ment. λ = c.T donc λ = c / v.
330
la lumière dans la physique contemporaine
Figure 123
dans le feu devrait donc, selon la théorie, être la source d’un rayon-
nement énergétique infini… Ce résultat paradoxal en désaccord
flagrant avec l’expérience fut appelé « catastrophe ultraviolette » par
le facétieux ehrenfest. dés lors deux attitudes furent adoptées par
les physiciens théoriciens : les uns plongèrent dans l’embarras, tan-
dis que d’autres se contentaient d’admettre deux formules expéri-
mentales contradictoires, s’appliquant chacune à une des parties de
la courbe, qu’ils ne reliaient pas. À la fin du xixe siècle, lord Kelvin,
dans une opinion reflétant l’état d’esprit de l’immense majorité des
physiciens, croyait cependant pouvoir affirmer : « la physique est
définitivement constituée dans ses concepts fondamentaux ; tout ce
331
une histoire de la lumière
332
la lumière dans la physique contemporaine
* soit trois mois avant son article « sur l’électrodynamique des corps en mouve-
ment » ; dans l’intervalle, il a encore envoyé un travail sur le mouvement brownien :
tous ces sujets ont donc mûri en même temps chez einstein.
333
une histoire de la lumière
* Cette valeur est celle déterminée par Planck. actuellement, la valeur admise est
h = 6,62 10-34 joule.seconde.
334
la lumière dans la physique contemporaine
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une histoire de la lumière
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la lumière dans la physique contemporaine
337
une histoire de la lumière
atome excité ont donc tendance à revenir sur les niveaux stables en,
en’… en émettant des quanta hv et hv’ tels que : hv = en+j – en ;
hv’ = en’+j’ – en’ (fig. 124).
Figure 124
338
la lumière dans la physique contemporaine
6. La physique quantique
la physique classique distingue, nous l’avons dit, deux caté-
gories d’objets inconciliables : les corpuscules et les ondes. « le
339
une histoire de la lumière
corpuscule est un petit objet bien localisé qui décrit dans l’espace au
cours du temps une trajectoire sensiblement linéaire sur laquelle il
occupe à chaque instant une position bien définie et est animé d’une
vitesse bien déterminée15 » ; on peut le caractériser par son énergie
e et sa quantité de mouvement p, deux grandeurs physiques liées
à sa vitesse. les corpuscules sont discrets en nombre (on peut les
compter) et discrets en extension (ils peuvent être représentés par
un point matériel). les ondes décrivent des phénomènes continus
non localisables, occupant tout l’espace (le plan d’onde est infini) ;
elles peuvent être définies par leur longueur d’ondes λ ou mieux par
leur fréquence spatiale (c’est-à-dire le nombre de longueurs d’ondes
par unité d’espace) – appelée nombre d’onde k = 1 / λ – et leur
fréquence temporelle v = 1 / t. elles sont continues en nombre et
continues en extension.
C’est au refus de distinguer à l’échelle subatomique ces deux
objets que vont conduire les réflexions menées sur l’atome, d’une
part, sur la lumière, d’autre part.
La mécanique quantique
Bohr a conscience que la représentation de l’atome qu’il pro-
pose est faite de manière ad hoc et ressemble à un bricolage. Pour
construire une véritable théorie, il cherche d’abord une « généralisation
rationnelle » des théories classiques qui amènerait les quanta, vise à
établir le principe d’une correspondance générale entre descriptions
classique et quantique des phénomènes atomiques, retient pour cela
le mouvement des électrons sur des orbites représentant les états
stationnaires et veut le mettre en relation avec le rayonnement émis.
il est amené à conserver des grandeurs de la physique classique
inaccessibles à l’expérience (rayon des orbites, période de révolution
des électrons…) pour espérer retrouver les quanta. À heisenberg
qui l’interroge (1922) sur la signification des images d’atomes qu’il
utilise dans ses conférences, Bohr répond : « Ces images ont été […]
devinées à partir de faits expérimentaux et ne sont pas le fruit […]
de calculs théoriques. J’espère qu’elles décrivent les atomes aussi
bien – mais seulement aussi bien – que cela est possible dans le
langage visuel de la physique classique. nous devons nous rendre
340
la lumière dans la physique contemporaine
341
une histoire de la lumière
La mécanique ondulatoire
tout autre est l’approche d’un autre groupe de physiciens. Pour
la comprendre18, reprenons le dispositif de Young : une plaque per-
cée de deux trous est intercalée entre une source et un écran. sup-
posons que la source émet des corpuscules. les courbes de réparti-
tion sur l’écran des impacts d’objets étant passés par l’un ou l’autre
trou peuvent être obtenues en bouchant successivement chaque trou.
lorsque ces trous sont tous deux ouverts, la courbe de distribution
des impacts est la somme des deux précédentes (fig. 126).
Considérons maintenant que la source émet des ondes. si l’un
puis l’autre des trous est seul ouvert, les courbes d’intensité i1 et
i2 d’ondes sur l’écran ressemblent – à la diffraction près – aux
courbes C1 et C2 précédentes. Par contre, si nous ouvrons à la fois
les deux trous, l’intensité sur l’écran présente des maxima (lorsque
les deux ondes « émises » par les trous sont en phase) et des minima
nuls (lorsque ces deux ondes s’opposent) (fig. 127). nous pouvons
observer ce phénomène avec des ondes sonores ou avec une source
lumineuse intense. l’aspect des franges d’interférences peut, dans
ce dernier cas, parfaitement s’expliquer – comme l’ont fait Young et
Fresnel – au moyen de l’onde : les franges brillantes sont les régions
où l’intensité de l’onde est grande, les franges obscures les régions
342
la lumière dans la physique contemporaine
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une histoire de la lumière
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une histoire de la lumière
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la lumière dans la physique contemporaine
Nombre Étendue
Particule discret discrète
Onde continu continue
Quanton discret continue
Figure 128
349
une histoire de la lumière
7. Les lasers
les problèmes d’ordre épistémologiques et pédagogiques que nous
venons de soulever ne constituent pas la principale préoccupation
de la majorité des spécialistes actuels de la physique quantique.
l’attention de ceux-ci se concentre sur les développements permis
par l’évolution des pratiques expérimentales et la mise au point de
nouveaux outils, grâce auxquels l’histoire de l’optique vit actuelle-
ment une phase de développement importante. en 1916, einstein
postule qu’un électron situé dans un niveau énergétique bas (fonda-
mental) peut absorber une énergie quantifiée hν et sauter dans un
niveau supérieur (excité) ; si une même énergie hν est alors reçue
par l’atome, elle ne peut plus être absorbée puisque l’électron est
déjà dans le niveau à énergie élevée ; einstein prévoit alors que
l’atome se comportera comme s’il voulait quand même absorber
cette énergie : ne le pouvant pas, il verra l’électron excité revenir à
l’état fondamental en émettant l’énergie hν : on dit que cette énergie
est stimulée ; l’énergie totale émise par l’atome est donc hν non
captée + hν stimulée = 2 hν. En 1950, Alfred Kastler (1902-1984)
propose une méthode pour « inverser » la population électronique
des atomes, c’est-à-dire envoyer tous leurs électrons dans un état
excité ; l’arrivée d’une onde portant l’énergie hν stimule alors le
retour de tous ces électrons vers le niveau fondamental ; une onde
est émise dont l’énergie est très intense (nhν) et la fréquence bien
déterminée. C’est le « pompage optique ».
le dispositif expérimental sera réalisé d’abord dans le domaine
radio. en effet l’émission spontanée de photons conduit à la disper-
sion de ceux-ci, tandis que l’émission stimulée les concentre dans
un faisceau directif utilisable. or le ratio émission stimulée/émission
spontanée est beaucoup plus important dans le domaine des ondes
radio que dans celui des ondes lumineuses. en 1954, Charles townes
(1915- ) met au point le maser, appelé ainsi par abréviation de
Microwaves Amplification by Stimulated Emission of Radiation. en
1960, theodore maiman (1927-2007) réalise le premier laser
(Light Amplifier by Stimulated Emission of Radiation) à rubis émettant
dans le visible (rouge). les lasers permettent d’obtenir un faisceau
lumineux très intense, cohérent et parfaitement monochromatique.
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la lumière dans la physique contemporaine
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une histoire de la lumière
19. aristote, De l’âme, trad par J. tricot, Paris, Vrin, 1992, ii-7, 418 a
25, p. 105.
20. B. maitte, op. cit., p. 34-42.
21. aristote, Petits Traités d’histoire naturelle, trad. par P.-m. morel, Paris,
Garnier-Flammarion, 2000, 410 a 10, p. 75.
22. Ibid., 410 a 3, p. 76.
23. Ptolémée, Optique, livre ii, cité par G. simon, op. cit., p. 167.
24. a. djebbar, Une histoire de la science arabe, Paris, seuil, « Points
sciences », 2001.
25. al-‘ala’ ibn sahl, Le Livre sur les miroirs ardents, in r. rashed, Géo-
métrie et dioptrique au xe siècle, Paris, les Belles lettres, 1993, p. 1 sq.
26. Contrairement à ce qu’affirme r. rashed à ce sujet.
27. ibn al-haytham, Optics, trad. par a.i. sabra, londres, 1989.
28. ibn al-haytham, « alhazen – le discours sur la lumière », trad. crit. par
r. rashed, Rev. Hist. Sci., t. XXi, 1968, p. 197-224.
29. Ibid., p. 205.
30. ibn al-haytham, cité par r. rashed, « optique géométrique et doctrine
optique chez ibn al-haytham », Archive for History of Exact Sciences,
vol. 6, 1970, p. 272, n° 4.
31. r. rashed, Entre arithmétique et algèbre, Paris, les Belles lettres,
1984, p. 314.
32. Ibid., p. 315.
33. ibn al-haytham, « alhazen – le discours sur la lumière », op. cit.
34. Voir « optique géométrique et doctrine optique chez ibn al-haytham »,
op. cit., p. 278.
35. ibn al-haytham, Opticae Thesaurus libri septem a Federico Risnero
Basilae, 1572, livre i, chap. v, p. 7, cité par V. ronchi, op. cit. Voir
aussi r. rashed, « alhazen – le discours sur la lumière », op. cit.
36. G. simon, op. cit., p. 197.
37. Ibid., p. 191.
38. B. maitte, op. cit., p. 59-65.
39. Le Roman de la Rose, réédition par a. mahy, Paris, nrF, 1947, chap. xvi,
p. 303-307, cité par m. mollat in Genèse médiévale de la France
moderne, Paris, seuil, « Points histoire », 1977.
40. r. Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, Paris, seuil, « Points
histoire », 1979.
41. É. Gilson, La Philosophie au Moyen Âge, Paris, Payot, 1944.
42. la Bible, trad. œcuménique, alliance biblique universelle-le Cerf, 1988,
Jean i-9, p. 1513.
43. É. Gilson, cité par a.C. Crombie, Histoire des sciences, de saint Augustin
à Galilée, Paris, PuF, 1959, p. 17.
44. a.C. Crombie, op. cit., p. 24.
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notes
45. Cité par J. le Goff, Les Intellectuels au Moyen Âge, Paris, seuil, 1957, p. 17.
46. J. le Goff, op. cit., p. 24.
47. J. mcevoy, Robert Grossetête et la théologie à l’université d’Oxford
(1190-1250), cité par J. Gimpel, La Révolution industrielle au Moyen
Âge, Paris, seuil, « Points histoire », 1975, p. 163.
48. J. mcevoy, op. cit., Paris, Éditions du Cerf, 1999, p. 80.
49. Ibid., p. 76.
50. r. Grossetête, cité par a.C. Crombie, op. cit., p. 88.
51. Ibid., p. 224-232.
52. Ibid., p. 231.
53. l. thorndike, History of Magic and Experimental Science, cité par
J. Gimpel, op. cit., p. 174.
54. roger Bacon, Opus Majus, cité par J. Gimpel, op. cit., p. 178.
55. Cité par Fernand hallyn, La Structure poétique du monde, Paris, seuil,
1987, p. 113-114.
56. m. Ficin, Quid sit lumen, Paris, alia, 1998, chap. vii.
57. J.-l. Ferrier, Holbein / Les Ambassadeurs, Paris, denoël-Gonthier,
« médiations », 1977.
58. J. Baltrusaitis, Anamorphoses ou Perspectives curieuses, Paris, Pygma-
lion, 1969.
59. P. d’ailly, Ymago mundi. Texte latin et traduction française des quatre
traités cosmographiques de d’Ailly et des notes marginales de Christophe
Colomb (1410), trad. par e. Buron, Paris, maisonneuve Frères, 1930, 3 vol.
60. s. Greenblatt, Quattrocento, Paris, Flammarion, 2013.
61. J.B. Porta, Magia Naturalis…, 1558.
62. dans le De Refractione, paru en 1593.
63. Cité par V. ronchi, op. cit., chap. ii.
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notes
6. J.G. Crowther, James Clerk Maxwell, trad. par m.a. Béra, Paris, her-
man, 1948, p. 37.
7. r. locqueneux, Ampère…, op. cit.
8. J.C. maxwell, « on Faraday’s lines of Force », Scientific Papers, vol. 1,
p. 155 sq.
9. Ibid., lre partie, vol. 1, p. 451 sq.
10. Ibid., 2e partie, vol. 1, p. 467 sq.
11. thomson, cité par J.G. Crowther, op. cit., p. 63.
12. J.C. maxwell, « on Physical lines of Forces », 3e partie (janvier 1862),
op. cit., vol. 1, p. 489 sq.
13. J.C. maxwell, « a dynamical theory of the electromagnetic Field »,
op. cit., vol. 1, p. 526 sq.
14. J.C. maxwell, Traité d’électricité et de magnétisme (1873), trad. par
G. seligmann-lui, Paris, Gauthier-Villars, 1885.
15. Ibid., tome 2, p. 485.
16. J.G. Crowther, op. cit., p. 17.
17. J.C. maxwell, « Éther », op. cit. (ccxliv), vol. 2, p. 763 s.
18. B. maitte, Histoire de l’arc-en-ciel, op. cit., p. 249-253.
19. J.-P. rioux, La Révolution industrielle : 1780-1880, Paris, seuil, « Points
histoire », 1971.
20. m. Crosland, « la science et le pouvoir », in La Recherche, n° 71.
l’offre se trouve dans Le Moniteur, 23 février 1852.
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bibliographie
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augustin, saint, 38-39, 48, 130. Bulles de savon, 161, 189, 191, 192,
Bacon, roger, 48, 54, 98. 251, 253 ; voir aussi lame mince.
Bacon, Francis, 47, 93. Bunsen, robert, 320.
Balmer, Johann Jakob, 321. Buridan, Jean, 58, 72, 73, 86.
Barberini, maffeo, voir urbain Viii. Cabinet d’optique, 64-65.
Barrow, issac, 162. Calcul infinitésimal, 130, 174, 176.
Bartholin, Érasme, 130, 149–151, 244. Calorique, 279-280.
Batterie, 288. Capacité (électrique), 288.
Becquerel, henri, 320. Carnot, lazare, 229.
Bell, John stewart, 348. Carnot, sadi, 280, 282, 314.
Bellarmin, robert, 85, 91. Cartésianisme, voir système du monde
Bénédictins, 40. de Descartes.
Bernard, Claude, 315. Cassini, Jean-dominique, 129.
Bernard de Chartres, 41. Catastrophe ultraviolette, 331.
Bernard de Clairvaux, 42. Causes finales, 112, 237.
Bernouilli, Jacques et Jean, 227. Cause première, 219-220 ; voir aussi
Berthelot, marcelin, 316. Dieu.
Berthollet, Claude-louis, 229, 231. Chaleur – dissipée, 207 ; – latente
Bienfaisance, principe de –, 219-224. 279 ; – spécifique 279 ; concept,
Biot, Jean-Baptiste, 231, 249, 265, 272, 279-282.
274, 277, 278. Chambre noire, 34, 35, 61.
Biréfringence, voir double réfraction. Champ, 294-295, 297, 308 ; – de gravi-
Black, Joseph, 279. tation, 327-328 ; – électrique, 296-
Blanc d’ordre supérieur, 191. 297, 303-305, 311, 346 ; – magné-
Bohr, niels, 337-341, 347. tique, 294, 296-297, 302-305, 311,
Boltzmann, ludwig, 329, 331. 320 ; – électromagnétique, 300,
Bonaparte, napoléon, 228 ; voir aussi 302-305, 320, 349 ; voir aussi onde
napoléon ier. électromagnétique.
Bonaventure de Bagnoregio, 43. Charge électrique, 288, 290, 296, 326,
Bossuet, Jacques-Bénigne, 128. 330.
Bouteille de Leyde, 288. Charlemagne, 39.
Born, max, 341, 347. Charles ii, 127, 129.
Boyle, robert, 130, 161. Chateaubriand, vicomte François-rené
Bradley, James, 258, 322. de, 229.
Brahé, tycho, 74. Châtelet, Gabrielle Émilie le tonnelier
Brewster, sir david, 265, 278. de Breteuil, marquise du, 218.
Broglie, louis de, 339, 343-348, 366, Chemin optique, 46, 95, 110, 192, 236,
370. 248, 253, 257, 323, 324.
Brougham, henry, lord, 257. Cigoli, lodovico, 84.
Bruno, Giordano, 74, 76, 82, 85, 91. Clairaut, alexis-Claude, 220, 221.
Brunelleschi, Filippo, 60-62. Clarke, samuel, 213.
Buffon, Georges-louis leclerc, comte Classicisme, 127.
de, 222, 229. Clausius, rudolf, 282.
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lucrèce, 16, 19, 65, 128. Mécanique, 90-91, 113, 117, 131, 156,
lully, Jean-Baptiste, 128. 168, 200, 224, 227, 230, 275, 278-
Lumen, 39, 44-45, 48, 55, 57, 92. 279, 300 ; – des fluides, 195, 273,
Lumière, – naturelle / polarisée, 248, 275 ; ondulatoire, 342, 345-347 ; –
266, 268 ; matérialité de la –, 29, quantique, 340-342, 347-349 ;
118, 138 ; voir aussi corpuscule, – statistique, 328-329, 331.
ondes, photon, vibration ; nature Membranes, voir écorces.
physique de la –, voir aussi théorie mersenne, marin, 129.
de la –, 30, 44. Méthode expérimentale, 23, 31, 54,
Lunette (d’approche), 79-80, 82-85, 56-58, 93, 168, 178, 231.
92, 94, 147, 187, 276. michelet, Jules, 64.
Lunettes (de vue), 42, 66. michelson, albert abraham, 322-325,
luther, martin, 65, 74. 327, 332 ; interféromètre de –, 323-
Lux, 39, 44-45, 48, 55-57, 92. 324.
malpighi, marcello, 130. millikan, robert andrews, 337.
Magnétisme, 145, 225, 248, 280, 283, minkowski, hermann, 327.
287, 290-291, 293, 299, 306. Mirage, 147-148.
maiman, théodore, 350. Miroir, 18-22, 25, 29, 30, 32, 87, 186,
maïmonide, moïse, 29, 37. 274, 323-324.
malebranche, nicolas de, 225, 232-233. Modèle mécanique, 110, 112, 235, 278,
malus, Étienne-louis, 231, 241-249, 279, 297-298, 300, 305, 308.
257, 259, 265, 272. Molécule, 241, 244, 246, 248, 249, 259,
marat, Jean-Paul, 228. 264, 266, 268, 270, 274-275, 277,
marie de médicis, 84. 279, 289, 293, 304, 309, 329-330.
mariotte, edme, 130. molière, Jean-Baptiste Poquelin, 128.
masaccio, tommaso, 60, 61. Monisme quantique, 349.
Maser, 350. Moindre action, principe de –, 236-237.
Masse, 169, 171, 175-179, 187-189, monge, Gaspard, 229.
195, 210, 212, 222, 226, 232-233, montaigne, michel de, 129.
244, 258, 280, 290, 292, 296, 320, morley, edward Williams, 322, 324.
349 ; principe de conservation de Mouvement, 23, 32, 35, 45, 54, 57, 58,
la – énergie, 327. 72, 86-88, 100, 132, 137, 169-185,
Mathématiques, 31-32, 35, 44-46, 54, 204, 207-209, 213-214, 251, 270,
62-63, 77, 130, 168, 205, 212, 299, 276, 279, 322, 324-329, 340.
308, 345. Moyen Âge, 37, 58, 64, 79, 86, 87,
maupertuis, Pierre-louis moreau de, 92, 113, 131.
336-337. musschenbroeck, Pieter van, 288.
maurolico, Francesco, 250. Museum national d’histoire naturelle,
maxwell, James Clerk, 12, 297-313, 228.
322, 326-333, 349 ; équations de Myopie, 42.
–, 304, 307-308, 333. napier, Jean, 92.
mayer, Julius robert von, 280-281. napoléon ier, 229, 230, 259 ; voir aussi
mazarin, Jules mazarini, 127. Bonaparte.
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