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Les processus chimiques dans

les 4 imaginations cosmiques


de Rudolf Steiner

Armin Scheffler
Préface

Les quatre contributions du Dr. Armin Scheffler présentées ici sont initialement parues dans l'hebdomadaire Das
Goetheanum – Wochenschrift für Anthroposophie en 1995 et 1996.

Elles se réfèrent aux conférences de Rudolf Steiner Quatre imaginations cosmiques – La vie de l'âme dans sa
participation au cours de l'année (GA 229) parues aux Éditions Triades. En s'appuyant sur les résultats de la
recherche scientifique moderne, l'auteur montre la présence de l'esprit à l'œuvre derrière les phénomènes de la
nature. Cette présence de l'esprit peut particulièrement être perçue aux points forts que sont nos fêtes cardinales
dans le déroulement de l'année solaire. Armin Scheffler éclaire ainsi le sens de nos fêtes chrétiennes qui se
commémorent à ces moments de l'année et au-delà, il montre qu'elles sont intimement reliées à la présence de
la vie éthérique qui baigne la terre et les êtres qui l'habitent. Avec "de la clarté dans le détail et de la profondeur
dans le tout", selon la devise de Rudolf Steiner, il réalise un travail qui dépasse la contribution scientifique pour
s'étendre aussi à l'art et à la vie religieuse (au sens de religare, relier), dans une puissante synthèse comme seule
l'anthroposophie permet de la faire actuellement.

Les gens de la terre que sont nos fermiers biodynamiques, y trouveront de nombreuses impulsions et thèmes de
réflexion pour leur travail avec la terre, les plantes et les animaux. Mais aussi tous ceux qui œuvrent au service de
la vie (médecins, pharmaciens, pédagogues, artistes, scientifiques, etc.) y trouveront matière à méditer et à agir
dans la conscience et la clarté de l'esprit.

Nous admettons que notre style alourdit la lecture de ces contributions, mais il fallait absolument respecter la
pensée de l'auteur dans sa précision, quitte à bousculer un peu l'expression française. Nous prions le lecteur de
bien vouloir ne pas nous en tenir rigueur.

Daniel Kmiécik

Dr. ès sciences naturelles (biochimie)


Les processus lies au soufre et au fer
À propos d'une imagination du moment de la Saint Michel

Nos pensées parviennent à un niveau plus imprégné d'esprit, lorsque nous progressons de la pensée d'abstractions
à la pensée d'images. On accède à un autre niveau de la présence de l'esprit, lorsqu'on apprend à penser dans les
substances. Qu'arrive-t-il lorsque mes pensées sur ces choses deviennent sulfureuses? Quelles formes prennent-
elles lorsqu'elles deviennent ferreuses? Il ne s'agit pas de penser sur les substances mais de développer ses pensées
en les imprégnant des qualités et des effets des substances – penser (al)chimiquement – cela fait réellement sortir
l'homme de son être propre et cela le fait grandir avec la nature et sa spiritualité. La contribution du pharmacien
Armin Scheffler nous introduit dans cette manière de penser, et avec elle, dans l'activité de l'entité cosmique de
l'archange Michel.

Lorsqu'on fait évoluer un cerf-volant, on est rendu attentif à deux choses: on s'exerce d'une part à guider la
voilure dans les airs; par une adroite conduite de la corde et en jouant sur les formes de la queue qui équilibre le
cerf-volant, on parvient à lui faire prendre toutes sortes de mouvements figuratifs artistiques. D'autre part, on a
besoin d'un grand champ, pour faire cela, ainsi que d'un espace en plein vent. Or cela n'est en général possible
que lorsque les récoltes ont été faites; c'est la raison pour laquelle on pratique le cerf-volant à l'automne. Parfois
on évoque aussi à ce moment les légendes du chevalier Georges ou de Saint Michel. Elles traitent de l'acte libre
décidé par l'homme qui reconnaît la détresse d'autrui. Il faut aussi bien du courage et de la bravoure pour vaincre
le dragon(a). Il est possible qu'il y ait dans la maîtrise de l'élément aérien un symbole de l'espace intérieur de
liberté, tel qu'il peut être appréhendé dans l'ambiance de la Saint Michel et que l'homme doit trouver en lui-
même pour se décider à entreprendre des actes dangereux, d'une manière désintéressée; c'est peut-être pour
cela que l'on fait évoluer des cerfs-volants de tous types que l'on désigne aussi comme des dragons volants.

Existe-t-il aussi, au-delà de cette comparaison symbolique, une relation avec les processus qui se déroulent dans
la nature à l'automne? À ce moment, le point maximum de la croissance végétale est dépassé, la période de
floraison est typiquement terminée et les fruits et les graines sont formés. Le 1 er octobre, c'est la fête d'action de
grâces pour les récoltes, qui est à peine encore prise en compte dans les campagnes aujourd'hui, mais largement
ignorée en ville. C'est encore moins le cas pour la fête de la Saint Michel, le 29 septembre. Il n'est généralement
pas question de fête, en effet, ce jour là. Dans la nature extérieure, et en dehors des plantes qui portent des fruits
et sur lesquelles les processus de dépérissement se font déjà remarquer, l'ambiance automnale se révèle dans la
diminution des jours, les changements de temps accompagnés d'une atmosphère beaucoup plus limpide, mais
aussi par les tempêtes et la pluie. Les eaux se clarifient, et l'eau des lacs est bouleversée. Les animaux amassent
de la nourriture ou se gavent pour former leur lard en prévision de l'hiver. Et enfin, l'automne est l'époque des
plus fréquentes pluies de météorites. Dans le tableau ci-dessous, on a indiqué les chutes de météorites les plus
importantes avec leur durée de visibilité et le moment de leur maximum.1 Il est frappant que les durées les plus
longues se trouvent en automne. Entre le 4 janvier et le 20 avril, aucune pluie de météorites importante n'est
signalée. Est-ce que ce processus naturel a quelque chose à faire avec la Saint Michel?

Est-ce qu'il existe un rapport réel entre l'attitude intérieure du chevalier Georges ou de l'archange Michel, telle
qu'elle est décrite dans les légendes, avec les processus à l'œuvre dans la nature? Est-ce que le fait de faire voler
des cerfs-volants est un symbole approprié de la Saint Michel, destiné aux enfants précisément à ce moment de
l'année? Les indications de Rudolf Steiner, qu'il a données dans l'imagination de la Saint Michel2, sont des aides
dans la recherche d'une réponse à cette question. Dans la composition de cette imagination, il signale les
processus soufre et fer dans la nature et en l'homme. On traitera donc de ces deux processus dans ce qui suit.
Tournons-nous d'abord vers la question de savoir comment concevoir le processus soufre dans la nature.

Le processus soufre

Le soufre se trouve à l'état d'élément dans de grands gisements naturels. À vrai dire, la plus grande quantité se
présente sous la forme de sulfates, comme par exemple dans le gypse, l'anhydrite (b), et le sulfate de magnésium.
Une part considérable est contenue dans les sels dissous dans les océans. Nous ressentons comme normale la
présence du soufre sous la forme de sels ou de minéraux. Par contre il est surprenant de constater l'existence
d'importants gisements de soufre à l'état élémentaire, car le soufre est combustible. Qu'une roche – car c'est
sous cette forme que le soufre est extrait par l'industrie minière – soit inflammable suite à un échauffement
modéré, c'est vraiment tout à fait inhabituel pour une substance qui apparaît ainsi à l'état naturel. Toute aussi
stupéfiante est l'apparition de cette flamme sombre et bleutée pour celui qui la voit la première fois. Parmi les 30
millions de tonnes de soufre qui sont extraites chaque année, une partie considérable provient du volcanisme. Le
soufre est un élément provenant des vapeurs et des sources thermales contenant du sulfure d'hydrogène (H2S).
Le soufre en tant qu'élément peut lui-même apparaître sous forme de vapeur. On appelle sublimation le passage
direct de l'état solide à l'état gazeux. Mais la plus grande partie du soufre que l'on rencontre à l'état sédimentaire
a une origine biologique. Il apparaît en partie directement par les sécrétions bactériennes et en partie par les
contacts avec les matériaux organiques riches en carbone par la chaleur.3

L'inflammabilité, l'apparition par la chaleur, le passage facile de l'état solide à l'état gazeux, tout cela caractérise
donc le soufre minéral. L'origine biologique, et l'odeur des sources sulfureuses, liée à la présence de sulfure
d'hydrogène, font entrevoir une relation avec les protéines. Dans l'Antiquité, les vapeurs des fumerolles sortant
du sol étaient désignées comme le souffle malsain du monde inférieur, de l'enfer. De nos jours le rapport entre le
soufre et l'odeur des oeufs pourris est généralement connu. Nous sommes rendus attentifs avec cela à une
différence essentielle par rapport au soufre à l'état minéral. Premièrement, le soufre est presque toujours relié
aux protéines dans le vivant, et il n'est pas dissociable des phénomènes vivants. Deuxièmement, ce n'est pas sa
présence matérielle quantitative qui est significative dans ce domaine, mais sa fonction. C'est ce que nous indique
déjà l'odeur perçue. Il s'y manifeste une activité biologique qui est provoquée par de toutes petites quantités de
substance gazeuse et qui est la plupart du temps une réponse réactive des organismes.

Parmi les substances biologiques, les protéines ont une situation proéminente. Considérons dans ce qui suit
comment cette situation est liée au soufre. Pour qu'une protéine, par exemple un enzyme digestif ou le
fibrinogène indispensable à la coagulation du sang, puisse être fonctionnellement active, l'acquisition d'une
conformation spatiale déterminée est nécessaire. Après la condensation des acides aminés dans le bon ordre,
selon une séquence correcte, la molécule de protéine naissante se replie et forme des structures en hélices(c). Le
repliement des protéines est en particulier réalisé et stabilisé par la formation de ponts disulfure entre deux
acides aminés porteurs d'un radical soufré (cystéine). La perte de la conformation spatiale, par exemple par
coagulation, entraîne aussi la perte de l'activité biologique. À cela s'ajoute un autre caractère de l'activité
fonctionnelle portée par le soufre: Pratiquement toutes les substances doivent d'abord être activées avant de
pouvoir être transformées dans les processus vivants. Cela se produit soit à l'aide du phosphore, ou celle du
soufre. Un coenzyme contenant du soufre(d), active par exemple les acides gras et beaucoup d'autres acides
organiques dans l'organisme, si bien que les protéines (enzymes) peuvent alors provoquer les transformations
métaboliques concernées. L'énergie nécessaire à ses transformations provient des processus respiratoires et
d'absorption de la lumière et aussi bien les processus d'absorption lumineuse que les processus respiratoires ne
se déroulent qu'avec l'aide des liaisons avec le soufre et le fer.
Tout cela indique que le soufre n'est pas seulement un support de processus dans le domaine inorganique, mais il
a aussi à faire dans le domaine organique avec l'activation de processus physiologiques. On retrouve le soufre de
la substance organique partout où les protéines sont actives. Chez la plante, cela survient particulièrement
pendant la phase de croissance de la saison, c'est-à-dire comme c'est le cas au printemps et à l'été dans ses
organes verts. La paille et le roseau sec peuvent rester longtemps dans l'eau sans faire naître une odeur putride.
Des fleurs fraîchement coupées, surtout lorsque des feuilles se trouvent immergées dans l'eau du vase,
engendrent très vite une odeur de pourriture par la formation de sulfure d'hydrogène. Le profane peut ainsi avoir
son attention attirée sur le fait que le soufre est à la base de processus physiologiques.

Mais il faut observer que l'activité liée au soufre ne concerne pas seulement les processus anaboliques (processus
d'élaboration de substances). La respiration indique précisément le contraire. Suite aux processus respiratoires du
tissu musculaire, nous pouvons nous mouvoir et déployer notre volonté. Un exemple quelque peu singulier est
donné par l'action hémolysante des venins de serpent. Ils sont particulièrement riches en protéines soufrées et
peuvent stimuler l'autolyse des tissus animaux accompagnée par des phénomènes inflammatoires.

La relation du processus soufre-protéine avec le cours de l'année est donc la suivante: Dans la plante, la feuille est
le lieu des processus anaboliques (processus de construction). Son activité est prépondérante au printemps et en
été. Cependant les processus de décomposition des substances organiques dans la terre arable sont fortement
marqués dans ces saisons. Cela montre que l'activation des processus protéiques par le soufre peut être mise en
corrélation avec le printemps. C'est ce que représente le schéma ci-joint, en s'appuyant sur le cours de
développement saisonnier typique de la plante:

Le processus fer

Lorsqu'on expose ensuite comment l'activité des processus protéiques de l'anabolisme et du catabolisme peut
être ramenée au repos, la question se pose alors de savoir avec quoi se réalise cet endiguement du processus
soufre.

Pour répondre à cette question, on doit passer au niveau humain d'abord et décrire la formation des globules
rouges du sang ou érythropoïèse, à titre d'exemple. Pendant la période embryonnaire, c'est-à-dire pendant les
deux premiers mois du développement corporel, les globules rouges sont formés à la périphérie de l'embryon,
dans le sac vitellin. Ces cellules sont grandes et renferment un noyau (voir le schéma). C'est là le signe d'une
grande activité biologique chez ces cellules. Pendant la seconde phase, du deuxième au neuvième mois de la
grossesse, des érythrocytes sans noyau(e) sont déjà formés.4 Mais l'affinité de l'hémoglobine vis-à-vis de
l'oxygène est beaucoup plus élevée dans le milieu pauvre en oxygène dans lequel le foetus se développe, que
dans l'érythrocyte du nouveau-né. On voit cela dans le fait que, peu de temps après la naissance, un nouveau-né
en bonne santé possède une coloration rose vif. Peu après, l'ensemble du volume sanguin est remplacé, c'est
pourquoi les enfants prennent une coloration souvent plus jaunâtre au quatrième jour après la naissance. Des
érythrocytes, pareillement énucléés, sont alors formés qui ont réduit toutes leurs fonctions biologiques jusqu'à un
minimum. L'ensemble du phénomène est représenté par les courbes ci-dessous.5
L'érythropoïèse du nouveau-né doit à présent faire l'objet d'un examen plus détaillé. Le lieu de formation n'est
plus le foie, ou la rate, mais la moelle depuis le cinquième mois de grossesse, quoique le foie conserve en principe
une capacité l'érythropoïétique. Dans la moelle se trouvent les cellules souches(f) d'où peuvent naître les
différentes lignées de cellules du sang. Par une première différenciation cellulaire, les cellules souches donnent le
proérythroblaste, c'est-à-dire une cellule formatrice (blaste), qui donnera naissance à un érythrocyte (erythro),
mais le précurseur en est le proérythroblaste. Le proérythroblaste donne l'érythroblaste basophile puis
l'érythroblaste acidophile, par condensation de la chromatine nucléaire(g), ce qui indique aussi une réduction de la
vitalité cellulaire. L'érythroblaste acidophile donne ensuite l'érythroblaste proprement dit (en perdant son
noyau), c'est-à-dire la cellule formant l’érythrocyte (voir schéma). L'hémoglobine est formée au cours des
différents stades de formation des érythroblastes, que l'on désigne aussi par le terme de normoblastes. La partie
protéique est d'abord synthétisée: la globine. Ensuite le pigment groupe prosthétique est formé, dont l'élément
constitutif le plus important est le noyau porphyrique. Enfin, le fer vient s'y loger et l'ensemble constituant l'hème
est lié à la protéine.

La modification du rayonnement et de la couleur du sang est remarquable à cette occasion.6 Un tissu vivant
contenant des protéines peut être excité par la lumière. Lorsque cela se produit par la lumière ultraviolette, par
exemple, on parle d'émission lumineuse ou de fluorescence. La protéine vivante sous lumière ultraviolette émet
une lumière vert-bleuâtre, dont l'aspect rappelle celui de la combustion du soufre. Naturellement ce n'est qu'une
comparaison imagée qui n'a pas de fondement objectif. Les porphyrines sont des substances qui renvoient une
lumière rouge vive par fluorescence, mais qui ne sont pas colorées par elle-même. C'est surprenant que la
fluorescence de la porphyrine soit supprimée au moment où le fer s'y incorpore. La couleur rouge objective du
sang apparaît alors.

Celui qui souhaiterait créer les conditions d'expérience de l'apparition de la fluorescence rouge, pourrait tenter
de dissoudre dans de l'éther à l'air libre de la chlorophylle à partir de feuilles de persil finement broyées. Mais il
est important d'avoir un peu d'eau dans l'éther (environ 2 ml pour 100 ml d'éther). On peut ensuite filtrer la
solution obtenue et éliminer le matériel insoluble en le retenant sur un filtre à café. La solution éthérée limpide
peut ensuite être conservée pendant une année à l'obscurité et au réfrigérateur(h) dans un flacon en verre
parfaitement bouché. Si la solution est très concentrée, on verra déjà apparaître la fluorescence rouge intense de
la porphyrine lorsque la lumière du jour passera au travers du flacon. Mais il est aussi possible de diluer la
solution par un apport suffisant d'éther pour qu'elle reste claire et verte sous l'éclairage normal du jour et ne
montre une fluorescence rouge que sous une illumination plus forte, telle que celle d'une lampe de poche ou d'un
projecteur.

Pendant le développement des globules rouges du sang, on ne remarque d'abord qu'une fluorescence bleu-
verdâtre émise par la protéine sous une illumination à la lumière ultraviolette. La fluorescence rouge intense de la
porphyrine se produit ensuite. Elle s'éteint à l'instant de l'incorporation du fer et la couleur rouge objective des
hématies apparaît alors. Les autres stades de différenciation se succèdent après l'incorporation du fer. À partir
des érythroblastes naissent les réticulocytes et c'est le stade où les cellules se défont de leur noyau qui est
expulsé. C'est pourquoi on ne parle plus de cellules précurseurs (blastes), mais de cytes (cellules). Les hématies
énucléées quittent alors la moelle osseuse et achève leur maturation dans le sang périphérique. Parmi les
organites d'une cellule vivante, les érythrocytes ne possèdent plus qu'une membrane, à l'intérieur de laquelle le
sucre peut être transformé pour maintenir un minimum de processus métaboliques par fermentation. Au reste,
ils ne contiennent que de l'hémoglobine et aucun autre compartiment fonctionnel(i). Sous cette forme, presque
dépourvue de vie, ils sont étonnamment stables et restent environ 120 jours dans le sang circulant. Comme on le
sait, ils transportent l'oxygène depuis les poumons jusqu'au reste des tissus corporels et prennent le gaz
carbonique en retour.

L'incorporation du fer, accompagnée de l'extinction de la plus grande partie des fonctions vivantes, est donc un
processus à concevoir comme agissant dans le sens d'un dépérissement. Mais il n'aboutit pas à la mort complète,
mais seulement à un équilibre entre deux directions de forces polaires: le processus soufre, qui stimule les
échanges métaboliques et le processus fer qui les entrave. Les globules rouges du sang sont une expression de
l'équilibre entre ces deux forces. Dans l'imagination de la Saint Michel, Rudolf Steiner recourt à la formulation
selon laquelle il se produit dans notre sang, lors de la formation de chaque érythrocyte, comme une image
d'étoile filante. Cela ne doit pas être compris d'une manière concrète matérielle, en ayant en arrière-plan la
différenciation des hématies telle qu'elle vient d'être décrite. Ce n'est pas un rayonnement physique qui se
produit, mais tout le contraire. Le rayonnement physique (fluorescence) en tant qu'expression de l'activité
d'échange métabolique est supprimé par l'incorporation du fer. La force formatrice ainsi libérée peut à présent
devenir une force de conscience de l'homme. On veut donc dire qu'il s'agit d'une métamorphose de forces
formatrices physiques corporelles en forces de l'âme et de l'esprit.6

Nous pouvons maintenant revenir aux phénomènes de la nature, tels qu'ils ont été esquissés sur le schéma. Après
la phase d'élaboration au printemps, la plante développe en été ses fleurs, d'une manière typique, puis ses fruits
en automne. On avait posé la question des forces d'étouffement(j) inhérentes à la saison automnale. Pour élucider
cet effet, on doit appeler l'attention sur la formation de la graine. Considérons pour cela la formation d'un noyau
d'amande. Ce dernier est facilement séparé en deux parties après avoir été ébouillanté rapidement. On a donc les
deux cotylédons devant soi. Si on observe plus précisément les deux moitiés, on trouve à une extrémité le
minuscule embryon avec la pointe de la racine à venir tournée vers l'extérieur. Vers l'intérieur, entre les deux
cotylédons, on trouve l'axe de la pousse(k). Si l'on suit maintenant l'orientation de l'axe de la pousse et de la
pointe de la racine à l'intérieur du fruit, par rapport aux tissus nourriciers qui ont donné naissance à la graine, et
aussi par rapport à l'environnement à partir duquel le pollen fécondant était arrivé au moment de la floraison, on
peut alors remarquer avec étonnement que la pointe de la future racine est tournée vers le cosmos, tandis que la
pointe de l'axe de pousse est, elle, tournée vers la terre, c’est-à-dire en direction du placenta nourricier. Même si
le placenta peut croître au bout d'un pédoncule et prendre une position inverse de celle décrite ci-dessus dans le
fruit, la même orientation prévaut toujours, à savoir que la pointe de l'axe de croissance indique justement le
placenta, et donc la terre, et la pointe de la racine future, le ciel.

Cette position, inversée par rapport à la plante en croissance, qui pousse ses racines dans le sol et sa jeune
pousse vers le ciel, est la position de repos d'une plante. C'est ainsi qu'au sein de la graine, l'être végétal est
dissimulé à l'état de germe.7
Il est intéressant à présent de comparer avec l'être humain: Une croissance et une élaboration importante de
substances se déroulent pendant la phase de développement embryonnaire. Cette phase correspond à la plante
en pleine croissance et qui va vers la floraison. En rapport avec l'orientation spatiale, le fœtus humain occupe
habituellement une position renversée dans l'utérus. Le placenta a toujours sa position typique, au-dessus et en
arrière accolé à l'utérus. Le cordon ombilical, c'est-à-dire le pôle métabolique du fœtus, est relié avec lui. La tête
est typiquement aussi orientée vers le bas immédiatement avant la naissance.

La position verticale de l'homme adulte ne représente-t-elle pas aussi une sorte de repos du développement
corporel semblable à celui de la graine, accompagné de la formation concomitante d'une conscience spirituelle?
Dans la graine de la plante, cela se réalise par un affrontement de forces formatrices polaires. La formation de la
racine est empêchée, par exemple, par les effets biologiques d'origine cosmique. Nous trouvons quelque chose de
semblable dans le sang de l'homme. La faculté de développement de la cellule sanguine est empêchée par
l'incorporation du fer. La faculté de stimulation du soufre se tient à l'opposé du processus apaisant du fer.

L'imagination au moment de la Saint Michel

Devant cet arrière-plan que nous venons de dépeindre, la signification de la situation d'équilibre telle qu'elle
existe dans l'être humain doit maintenant faire l'objet de nos considérations. Les deux processus naturels que
nous venons de décrire s'activent en son sein en formant les organes, comme cela a été montré dans
l'érythropoïèse. Au sein de l'homme métabolique, survient donc l'équilibre en question, entre l'activité
stimulante des forces liées au soufre et aux protéines et les forces inhibitrices du fer. Ce domaine engourdi de la
formation organique se situe globalement en opposition à l'activité d'éveil du pôle formant la conscience chez
l'homme. Deux processus s'activent ici aussi ensemble. Lorsque l'homme veut mettre sa volonté, en activité, il
peut le faire tantôt par ses sens, tantôt par ses membres locomoteurs. Le fait que les deux domaines puissent
être séparés est une caractéristique propre à l'humain, de même que la possibilité d'élaboration des pensées
dans le champ de la conscience. Cette élaboration de pensées dans le champ de l'âme et de l'esprit correspond à
un état d'équilibre comparable à celui de la graine, dans le domaine physiologique. Ainsi l'homme possède-t-il
une physiologie qui le rend en principe capable de décider d'agir en toute liberté, ou bien de se soumettre à elle.
Cela peut consister en actes de bravoure, même s'il se met en danger, mais cela peut être aussi des agissements
dont il se dispense, bien que son désir veuille le déterminer à le faire. Les processus physiologiques nous
montrent donc l'événement de l'archange Michel combattant le dragon, intérieurement condensé en images.

Nous pouvons à la fois appréhender le processus soufre et le processus fer dans les phénomènes naturels en
automne par l'intellect et les concevoir d'une manière imaginative comme l'activité de l'archange Michel. Les
processus de dépérissement dans le domaine foliaire avec la chute des feuilles, et en même temps la formation
des bourgeons et des graines, autant de potentialités des phénomènes vivants futures, sont pour nous
emblématiques pour les processus agissant dans la nature. La pluie d'étoiles filantes sous la forme de matériel
provenant du cosmos est tout aussi emblématique. Ce matériel se vaporise en achevant de se consumer et nous
montre ainsi comment la cessation de l'apparition physique accompagne intrinsèquement la formation de la
lumière. Cela exprime en grand le cours de l'événement de l'époque de la Saint Michel en la nature humaine.

Pour conclure cette réflexion, on doit encore acquiescer aux deux thèmes de méditation donnés Rudolf Steiner
pour cette période de l'année. L'une est la strophe du Calendrier de l'âme relative à l'ambiance de la Saint
Michel(l): On y est rendu attentif au fait que les forces du soufre sont des processus de la nature dont l'action
formatrice se trouve à la base de la volonté humaine. Au moyen de la décomposition des substances naturelles de
la terre, nous pouvons développer les forces pour mouvoir nos membres locomoteurs et agir. Mais les forces de
conscience de la partie supérieure de l'homme sont nécessaires et ne sont possibles qu'à partir de l'équilibre
apporté par les forces formatrices du fer. Elles sont donc forgées par la puissance de feu des forces volontaires et
caractérisées alors comme des impulsions de l'esprit. Dans l'équilibre de ces deux types de forces, le Je humain
peut faire l'expérience de soi. C'est là une expérience de passage de seuil, qui souligne le fait que l'homme ne
peut pas trouver son individualité dans la nature, mais seulement à partir du moment où les forces naturelles
opposées parviennent à être maintenues dans un équilibre dynamique en lui. L'homme qui exerce un acte libre à
partir de cet équilibre, peut alors remarquer que, depuis la fin du 19e siècle en particulier, le développement
scientifique et technique s'essouffle de plus en plus vite au point de donner de sérieux motifs d'inquiétude. Le
savoir incroyablement profond concernant les processus matériels dans le monde non-vivant et dans le monde
vivant a placé l'homme dans la position d'intervenir volontairement dans les processus qui animent les
substances de l'organisme terrestre et des êtres vivants. Il a créé pour cela une énorme quantité d'outils
techniques. Des démarches fausses dans la manière de mener ces activités font que de plus en plus d'hommes
ressentent de l'inquiétude et se posent la question de savoir comment une application de ce savoir selon une
orientation qui tienne compte de l'homme et de la nature serait possible. Si cette inquiétude se transforme en
impulsion à la formation d'une conscience écologique, on peut alors la concevoir comme une table de loi de
nature spirituelle. Beaucoup d'hommes de notre époque le ressentent intuitivement déjà ainsi. Cette table de loi,
Rudolf Steiner l'a forgée dans ces paroles:

“Ô! Homme, tu le façonnes à ton service, tu le manifestes conformément à la valeur de sa substance dans tes
œuvres, mais il ne sera sain pour toi que lorsque la haute puissance de son esprit se révélera à toi.”

C'est de la vertu du fer qu'il s'agit ici; le fer, qui dans la première partie sert encore totalement l'application
arbitraire de l'homme; dans la seconde, en revanche, il s'agit de la vertu du fer créant la conscience et la liberté,
comme il a été tenté de la décrire dans cet article.

Remerciements: Je suis redevable au travail du Dr. Roselies Gehlig concernant la couleur et le rayonnement du
sang humain5, dans lequel j'ai retiré des suggestions décisives, ainsi qu'au travail de Thomas Göbel et du Dr.
Wolfgang Schad sur la métamorphose des plantes.6

1 Brockhaus Enzyklopädie, 19e édition, volume 14, article Pluie de météore, p.529 (1191)
2 Steiner, R.: Conférences du 5 et du 15 octobre 1923; La vie de l'âme dans sa participation au cours de l'année au
travers de quatre imaginations cosmiques, GA 229, p.13-30 et 101-117. Éditions Triades.
3 Ramdohr, P., Strunz, H..: Manuel Klockmann de minéralogie; (16e édition), p.412, Enke, Stuttgart 1978.
4 Erslev, A.J.: La fonction hématopoïétique du foie; dans Arias, I.M. et al. (Éditeurs): Le foie – Biologie et
pathologie, p.1227-1234; Raven Press, New York 1994.
5 Thews, G., Mutschler, E., Vaupel, M.A.: Anatomie, physiologie, pathophysiologie de l'homme; p.88-89. Librairie
scientifique, Stuttgart 1989.
6 Gehlig, R.: Effet du fer et luminescence dans le sang; Annales Tycho de Brahe pour le goethéanisme, p84-105.
Éditions Tycho Brahe, Niefern-Öschelbronn 1985.
7 Schad, W.: Changements par métamorphoses – Pour le 200e anniversaire de la parution de “la Métamorphose
des Plantes” de Goethe: Annales Tycho de Brahe pour le goethéanisme, p10-42. Éditions Tycho Brahe, Niefern-
Öschelbronn 1990.

Notes du traducteur:
(a) Faire du cerf-volant se dit "Drachensteigenlassen" (littéralement: Laisser monter un dragon) en allemand.
(b) Sulfate de calcium anhydre orthorhombique, formant en général des cristaux blanchâtres enchevêtrés
possédant la dureté et l'aspect du marbre.
(c) Hélice droite de type  dont la structure est maintenue par la présence de liaisons hydrogènes entre les acides
aminés inclus dans la structure (3,6 acides aminés par tour avec un pas de 0,54 nm (5,4 Å).
(d) L'acétyl-Coenzyme A ou acétyl-CoA. La dégradation des acides gras fait de l'acétyl-coenzyme A, la biosynthèse
des acides gars en consomme.
(e) Les poissons, amphibiens reptiles et oiseaux possèdent encore des érythrocytes nucléés. Par contre les
hématies des mammifères n'en ont plus car le noyau est expulsé au passage du réticulocyte à l'érythrocyte au
sortir de la moelle. À signaler une exception remarquable celle des Camélidés (chameaux, dromadaires, lamas)
qui conservent des érythrocytes nucléés dans leur sang; on pense que cela est dû à des raisons d’adaptation aux
conditions de vie très rudes des déserts et des hautes altitudes. Voir à ce sujet le livre de Jean-Pierre Soulier Le
sang, 1983, Éditions Flammarion.
(f) Ou encore cellules pluripotentes, parce que tous les éléments figurés du sang en dérivent (voir aussi La
Recherche N°29 décembre 1972, La naissance des cellules du sang p.1045).
(g) La chromatine désigne l'ensemble du matériel génétique de la cellule à l'état diffus. Dans le cas de
l'érythrocyte nucléé qui ne se divise plus, on ne voit plus de chromosomes distincts, mais une chromatine diffuse
dont la condensation augmente au fur et à mesure de la maturation. On assiste aussi à des modifications de la
composition des protéines de la chromatine (histones) parmi lesquelles des histones spécifiques de ce type de
chromatine. 

(h) Il est extrêmement dangereux de mettre un flacon d'éther mal bouché dans le réfrigérateur. Les vapeurs
d'éther son susceptibles de s'enflammer et de provoquer une explosion au moment du déclenchement du
thermostat. Plusieurs laboratoires en France ont été détruits par l'incendie (en particulier des laboratoires du
CNRS) à cause de l'accumulation de solvants d'extraction à base d'éther dans les réfrigérateurs. Pour pallier à cet
inconvénient, on dispose maintenant de réfrigérateurs dont le thermostat a été disposé à l'extérieur du coffre de
l'appareil.
(i) L'hématie est dépourvue d'organites cellulaires tels que le Reticulum endoplasmique (lieu de synthèse des
protéines), l'appareil de Golgi (lieu de maturations protéiques), et, bien sûr, de noyaux. Tout cela montre bien que
les activités métaboliques normales d'une telle cellule sont abolies.
(j) Ou forces d'atténuation, d'endiguement.
(k) Future tige de la plantule.
(l) Nous avons préféré le nom de l'archange Michel, au lieu de Michaël. En effet, c'est sous ce nom que l'Archange
Michel est honoré et connu en France. Beaucoup de lieux témoignent de sa présence et de ses liens avec le
Mercure des Grecs. On pense d'abord au Mont Saint Michel, bien sûr; mais il existe même une petite commune
en bordure du marais Poitevin qui porte le nom de Saint-Michel-Mont-Mercure. On peut monter au sommet de
l'église du village qui est sous la protection d'une extraordianire statue de Saint Michel terrassant le dragon. Voir
aussi le numéro 2 du Volume VII de TRIADES consacré à la Saint Michel.
Processus sel, mercure et sulfure
Pour une imagination de la Noël

Parmi les fêtes chrétiennes de l'année, la Noël possède la plus grande importance chez nous, qui se révèle avant
tout dans la manière dont nous nous comportons dans la vie sociale. La période préparatoire de l'Avent, la
coutume des chants traditionnels de la Noël, le sapin de Noël avec ses décorations, et beaucoup d'autres usages
et cérémonies sont là pour appeler l'attention sur la naissance de l'Enfant Jésus. Mais les mauvais côtés de la vie
sociale deviennent précisément manifestes en cette période de Noël. Outre l'égoïsme commercial, c'est avant
tout la solitude qui vient en contradiction avec cette fête. Beaucoup de gens plus âgées se trouvent précisément
seules. Pour beaucoup de jeunes, il n’existe aucune forme pour exprimer le contenu spirituel qui convient à cette
fête. C'est pourquoi ils ne veulent plus rester à la maison et succombent facilement à de nombreux dérivatifs.
Celui qui ressent cela pose plus ou moins consciemment la question du sens plus profond de cette fête. Il est
évident aujourd'hui que la simple tradition n'apporte plus rien. La question du sens de cette fête exprime la
recherche de la réalité du monde spirituel. Et parce que cela concerne l'évolution future, cette question possède
même une dimension existentielle.

Il se peut qu'on cherche dans les conférences de Rudolf Steiner une signification plus profonde de la fête de Noël.
Il est facile de concevoir que l'on recoure dans ce but à la conférence sur l'imagination de Noël1. Il est justement
évident dans cette conférence que l'on ne se livre pas à l'édification sentimentale du lecteur. Au contraire, la
description est prosaïque, s'oriente sur les processus naturels et semble s'étendre à en perdre haleine sur les
descriptions des processus dont le calcaire, le soufre et le mercure sont le siège. Qui n'a pas mis de côté cette
conférence, en ressentant un certain désappointement, et ne s'est pas secrètement étonné de ces
développements, malgré toute l'inclination qu'il ressent pour l'œuvre de Rudolf Steiner?!

Rudolf Steiner prend comme point de départ, la participation que l'on ressent dans les processus naturels de
chaque saison. Mais les processus naturels sont fondamentalement liés à des transformations de substances.
N'est-ce pas surprenant qu'il s'agisse d'une méditation sur la chimie? N'est-ce pas à cause d'une insuffisance de
notre culture générale dans le domaine de la chimie que ces développements nous semblent si étrangers?
Parviendrait-on à saisir les particularités de ces processus pour les hausser sous la forme d'un tableau formant
une imagination? L'imagination deviendrait alors une image de processus spirituels qui se déroulent à la saison
hivernale. Essayons donc de suivre les événements stimulés dans les processus naturels et de remplir de vie cette
trame abstraite que Rudolf Steiner nous à donner. Commençons à esquisser quelques caractéristiques de la
situation hivernale dans la nature, telle qu'elles se présentent devant nos yeux.

La situation hivernale et Noël

Lors d'une promenade en forêt, au moment de Noël, on éprouve le repos particulier de l'hiver, même s'il ne gèle
pas et s'il n'a pas encore neigé. Nous observons les arbres dénudés et, de plus près, les bourgeons sur les
branches. Le sol forestier est recouvert de feuilles mortes qui ne sont pas décomposées et qui bruissent sous nos
pieds, spécialement lorsque le sol est gelé. Nous pouvons reconnaître sans difficulté de quelles plantes
proviennent ces feuilles. On ne perçoit aucun cri d'animaux; le chant des oiseaux, le bourdonnement des insectes
sont absents. Des troncs et couronnes noirâtres se dressent au-dessus du tapis brun des feuilles. La forêt de
conifère est noire aussi. Lorsque nous sortons du bois et entrons dans une prairie, une situation analogue se
présente, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une terre en friche. Les grandes herbes sauvages ont terminé leur
croissance et exhibent un feuillage coloré en brun-olive; les parties supérieures de diverses espèces sont mortes,
et le vert des herbes au sol en est largement tout recouvert. Les capsules des graines se trouvent encore sur les
tiges des plantes, mais elles sont vides. Si nous laissons vagabonder un regard interrogatif sur l'endroit où se
trouvent ces graines, nous ne pouvons plus les voir, mais nous savons seulement qu'elles sont largement
répandues dans le sol. Cela vaut en particulier pour les grosses graines comme celles du châtaignier et du chêne.
Tout cela a disparu sous le tapis de feuilles.

Spécialement lorsque le sol gelé et recouvert de neige, notre attention est attirée par la lumière qui rayonne du
soleil hivernal. C'est avec étonnement que nous remarquons combien le soleil est bas, et qu'il nous fait
pratiquement face en cette saison, même s'il est midi. Au plus fort de l'été, le soleil nous brûle la nuque à cette
heure, maintenant il se trouve en face de nous. Souvent une légère brume persiste pendant toute la journée, si
bien que le soleil hivernal apparaît blanchâtre, au point de sembler briller au sein même de la nébulosité.

Lorsque règne une période d'hiver typique, avec une couche de neige, sous une pression atmosphérique élevée et
par un léger vent d'est, les nuits deviennent extrêmement froides. Même s'il y a eu de la brume pendant la
journée précédente, l'humidité ambiante gèle alors le givre se forme. L'air devient extraordinairement limpide et
un ciel étoilé se met à briller, apparaissant incroyablement éloigné dans sa transparence de cristal. À cela s'ajoute
aussi le fait que les constellations de l'écliptique se dessinent très haut dans le ciel et que la lune décrit une orbite
particulièrement abrupte. La neige crisse sous les pas, indiquant que la température est descendue en dessous de
-10°C.

C'est dans ce moment, le plus froid et le plus sombre de l'année, qu'eut lieu dans la pauvreté, la naissance d'un
homme qui devait changer toute l'histoire du monde. Celui qui lit très attentivement les traditions, apprend que
la totalité du temps de la Noël est encadrée par la naissance de l'Enfant Jésus de la lignée de Nathan, le 24/25
décembre et la naissance de l'enfant Jésus de la lignée de Salomon, le 6 janvier2. C'est ce jour-là que, 30 ans plus
tard, eut lieu l'incarnation du Christ en Jésus, par le baptême du Jourdain, la véritable naissance spirituelle du
Christ. Dans l'église orthodoxe, Noël se fête le 6 janvier. C'est ainsi que la Noël occidentale et la Noël orientale
mènent ensemble au mystère de la naissance des deux Enfants Jésus, c'est-à-dire le pauvre enfant des bergers et
l'enfant royal doté de la sagesse du passé. Demandons-nous maintenant ce que ces événements de la naissance
ont à faire avec les processus naturels en hiver.

La plante en tant que source de processus chimiques

Rudolf Steiner utilise trois concepts fondamentaux pour souligner que la naissance du Christ est perceptible
année après année au cœur de l'hiver. Ce sont les trois principes (tria principia) ou processus de salification,
processus mercuriel et processus de sulfuration. Rudolf Steiner expose qu'à la saison hivernale, le résultat de
chacun de ces processus est le plus purement perceptible, chacun en soi, car à ce moment la terre est le plus
souvent parvenue à un état de repos, à un état le plus matériel. On est donc amené à s'interroger sur les trois
processus différents formant la substance, si on veut saisir le concept des tria principia. Qu'il s'agisse de mettre en
mouvement ou de transformer quelque chose dans le monde inanimé, le processus correspondant est lié en
principe à une perte d'énergie qui s'accompagne d'une libération de chaleur; et cette chaleur ne peut plus être
utilisée par la suite. Cela vaut pour les processus physiques et chimiques. Si cette légalité des lois physiques
prévalait, tous les processus parviendraient plus ou moins vite à l'état de repos complet, car plus aucune force
chimique motrice ne serait disponible. Où se trouve donc la source se rapportant à tous ces processus?

Lorsque l'homme veut activer chimiquement une substance inerte, il utilise le feu pour cela. Mais ne sont
combustibles dans le monde que les substances organiques, qui proviennent toutes, directement ou
indirectement des plantes, bien entendu à une exception près: le groupe unique des substances minérales
combustibles contenant du soufre à l'état naturel. Mais le soufre n'est combustible que lorsqu'il y a de l'oxygène à
disposition. Et l'oxygène provient de nouveau des plantes. La question des forces motrices des processus
chimiques nous conduit finalement à la plante verte chlorophyllienne, au processus d'absorption lumineuse et de
libération d'oxygène qui accompagne la formation de substance combustible. C'est pourquoi le pas suivant va
consister à indiquer comment les concepts de sel, mercure et sulfure (compris au sens de processus N.D.T.), qui
sont effectivement des gestes formateurs différents dans la chimie, peuvent évoluer au sein de la plante

Processus chimiques dans la feuille végétale

La feuille est le lieu où ça se passe. Si nous observons d'abord à l'oeil nu, nous pouvons distinguer nettement le
côté supérieur du côté inférieur des feuilles de la plupart des espèces végétales. Le côté supérieur est souvent
brillant et d'une couleur vert sombre et révèle des formes bombées à une observation plus précise. Sur le côté
inférieur apparaissent des nervures. Si nous suivons les nervures dans la direction de la tige, nous remarquons
qu'un lien est créé avec la terre, au moyen de formes qui remplissent de plus en plus l'espace, depuis le pétiole, le
rameau, la branche et finalement le tronc. Les formes concaves dominent sur le côté inférieur des feuilles, qui est
généralement d'un vert plus clair. Nous pouvons donc remarquer la différence entre les surfaces limitantes du
côté supérieur, qui font face au soleil, et le côté inférieur, relativement plus actif en échanges de substances, qui
révèle un lien avec le sol terrestre. Cette polarisation est déjà une expression frappante de processus chimiques
placés en opposition. Mais nous ne sommes pas habituellement en situation d'en retirer des concepts
différenciés. Nous en restons encore au niveau de la description.

Lorsque la feuille est coupée dans son épaisseur et que l'on observe le plan de coupe sous une grosse loupe ou un
microscope optique, une couche serrée de cellules décolorées, l'épiderme, apparaît typiquement former la face
supérieure de la feuille (conférez la figure ci-dessus). Celui-ci est recouvert d'une petite peau, la cuticule, qui
repose à son tour sur une série de grandes cellules allongées, d'un vert sombre. À cause de la disposition de ces
cellules en palissade, le tissu qu'elles forment est aussi appelé parenchyme palissadique. La face inférieure de la
feuille est pareillement refermée par une couche de cellules épidermiques régulièrement disposées qui sont, à
vrai dire, interrompues par les ouvertures délimitées par les cellules stomatiques. Derrière chaque stomate,
s'ouvre une chambre stomatique qui est en contact avec les espaces intercellulaires qui apparaissent arrondis
dans le plan de la coupe, car les cellules présentent des surfaces extérieures concaves3. Il en résulte ainsi un tissu
spongieux que l'on désigne du terme de parenchyme lacuneux (anciennement parenchyme de Schwamm). Les
échanges de substances avec l'air environnant et aussi de chaleur, en relation avec l'évaporation de l'eau, sont
régulés par les ouvertures des cellules stomatiques (ostioles). On voit ainsi combien l'ensemble de la face
inférieure de la feuille est judicieusement disposé en faveur de l'approvisionnement de la feuille en substances de
la terre, de l'eau et de l'air et exerce même une influence sur les conditions de chaleur. (L'évaporation de l'eau
s'accompagne en effet à ce niveau d'une perte d'énergie et donc d'un léger refroidissement, en cas de besoin.
N.D.T.)

On trouve aussi une disposition à peu près correspondante dans la partie supérieure de la feuille. Les cellules
épidermiques de la face supérieure, quelque peu gonflées, c'est-à-dire de forme convexe, agissent comme une
multitude de lentilles convergentes disposées côte à côte qui dirigent la lumière du soleil en la diffusant dans les
profonds "puits de jour" qui s'enfoncent plus bas dans les cellules palissadiques; celles-ci apparaissent arrondies
sur la coupe3, elles sont remplies d'une grosse vacuole en leur centre, c'est-à-dire par une goutte d'eau qui laisse
aisément passer la lumière. Le cytoplasme s'en trouve ainsi repoussé et presque complètement aplati sur les
parois et peut contenir jusqu'à plus de 100 chloroplastes4. Les zones limitantes, si judicieusement arrangées dans
l'espace et auprès desquelles la lumière (donc l'élément impondérable) est optiquement modifiée, sont
caractéristiques de la face supérieure des feuilles.

La même polarité, qui était déjà perceptible lors de l'observation de la feuille à l'œil nu, apparaît aussi ici: le côté
inférieur, occupant l'espace de son activité d'échange de substances et les surfaces limitantes du côté supérieur,
avec leur activité optique absorbant la lumière cosmique.

Cette image existe encore à un troisième niveau. À l'aide du microscope électronique, les grains verts de
chlorophylle (chloroplastes) peuvent être observés5. Ils mesurent 4 à 8 µm (4 à 8 millième de mm) et renferment,
dans un espace chloroplastique riche en protéines, le stroma, un système de membranes biologiques repliées
(empilements granaires ou de saccules appelées thylacoïdes de Menke N.D.T.) (Conférez figure ci-dessous). Ce
sont des couches de membranes empilées, constituées de lipides, qui sont généralement des substances
repoussant l'eau, mais qui présentent cependant une tendance à se lier à l'eau à leur surface supérieure6. Des
corps protéiques se trouvent soigneusement disposés régulièrement en association avec les pigments
chlorophylliens à l'intérieur des membranes7. En dehors de la chlorophylle, on y trouve aussi du carotène qui, par
ailleurs, apparaît chaque automne dans la coloration jaune brunâtre que prennent alors les feuilles. C'est par
l'entremise de ces pigments chlorophylliens et de quelques autres substances que la lumière transformée peut
donner naissance à divers processus. À cette occasion, l'eau disparaît d'un côté de la membrane avec formation
simultanée d'oxygène, tandis que de l'autre côté de la membrane de l'hydrogène est formé. En dehors d'un
transport d'ions hydrogène, qui nécessite beaucoup d'énergie, aucun autre mouvement de substances n'a lieu au
travers de la membrane, en rapport avec ce processus de photolyse de l'eau (lyse de l'eau par les photons,
N.D.T.). Les membranes délimitent de nombreux espaces creux, qui sont aplatis comme des poches empilées les
unes sur les autres. L'oxygène apparaît à l'intérieur de ses poches et est ensuite transporté en dehors de la plante.
L'hydrogène est formé du coté du stroma du chloroplaste8, mais il n'apparaît pas sous forme libre (ce qui serait
explosif pour les plantes! N.D.T.) mais est aussitôt utilisé à l'édification de substances organiques. Un peu de la
lumière s'incorpore ainsi dans la formation de substances, au-delà de l'hydrogène.
Photolyse et photosynthèse

Le trait essentiel de la photolyse est donc le suivant: les pigments chlorophylliens absorbent la lumière et la
transforment par étapes. Au sein de complexes protéiques (photosystèmes N.D.T.), ces pigments sont disposés
dans la membrane à des distances précises et forment des angles identiques entre eux7. Un transport direct de
substance n'est donc pas associé à cela. Du côté (cosmique) de la membrane, qui absorbe la lumière, apparaît
l'hydrogène; de l'autre côté (terrestre) un gaz est formé, l'oxygène. La lumière disparaît en même temps que l'eau
est lysée. Quel est donc le phénomène essentiel de ce processus? C'est la séparation! La possibilité d'une réaction
entre l'hydrogène et l'oxygène est ainsi formée. Celui qui a un jour fait l'expérience d'une explosion de gaz
détonnant, peut mesurer quel potentiel d'énergie a été ainsi formé par la séparation de l'oxygène et de
l'hydrogène.

C'est d'une manière parfaitement opposée au processus qui vient d'être décrit que se déroulent les autres
formations de substances végétales dans le stroma des chloroplastes et par la suite aussi dans le cytoplasme de la
cellule. La substance la plus impressionnante, qui naît de l'exposition des chloroplastes à la lumière, c'est l'amidon
néosynthétisé que l'on peut facilement mettre en évidence, en tant que substance de réserve, par des réactions
colorées9. Sa production peut être conçue comme celle d'un produit de série en usine. Selon un ordre strictement
établi, divers processus ont lieu les uns après les autres pour transformer le dioxyde de carbone (gaz carbonique),
l'eau et le phosphate en un sucre activé qui se polymérise en amidon. Le phénomène s'accompagne de
mouvements de substances. Son organisation temporelle est tout aussi indispensable, que l'était l'organisation
spatiale dans la membrane pour l'utilisation de la lumière. Tous les processus primaires et essentiels de la
formation de la substance végétale à partir de substances minérales ont lieu dans les chloroplastes. Des acides
aminés importants, des sucres et des acides gras y sont fabriqués. Ils sont ensuite sécrétés dans le cytoplasme, où
ils subissent des modifications, et d'autres différenciations jusqu'à finalement former les diverses substances
végétales telles qu'elles sont stockées dans la cellule végétale (par ex. amyloplastes, N.D.T.) ou bien dans sa paroi.

Processus de salification et de sulfuration

Deux orientations de processus sont ainsi associées dans la formation de la substance du végétal: de la substance
apparaît et se concentre en matière terrestre, tout en recelant en elle de multiples possibilités de processus
impondérables (par exemple la combustion ou la libération d'énergie, N.D.T.). Cette dualité se reflète aussi dans
les rapports des substances avec la plante en voie de formation. Un groupe d'entre elles se stabilise et forme des
substances de structure, qui ne seront plus jamais dégradées par l'organisme végétal en croissance. Elles sont une
expression durable de processus formateurs passés. L'autre groupe forme les substances de réserves (ou
nutritives), qui pourront être réutilisées par la suite. Une part en est toujours consommée par l'activité
respiratoire, si bien que cette activité révèle la potentialité qui provient de l'assimilation de la lumière (cette
activité de respiration du végétale se produit principalement la nuit, consomme de l'oxygène et libère du gaz
carbonique, comme chez l'animal. Elle correspond à une activité animale dans le végétal, N.D.T.). Ces substances
se tiennent avant tout à disposition pour des processus à venir. C'est ainsi que l'on distingue deux gestes dans
l'orientation de ces processus, l'un orienté vers le passé, l'autre vers l'avenir.

Une substance végétale reçoit toujours l'empreinte de ces deux orientations de processus. Directement formée,
une substance de structure stable renferme encore un potentiel chimique élevé pour d'autres organismes ou
pour des processus de combustion. Les substances minérales peuvent au contraire être dénuées de toute
possibilité de processus chimique. Si on cherche donc à caractériser un processus donné dont la formation de
substance est simplement dépouillée le plus possible de tout élément impondérable, on trouve alors le processus
de salification. Dans le domaine inorganique, le sel est l'aboutissement des processus chimiques. Deux choses
sont à distinguer ici: lors de la dissolution d'un sel minéral, soluble dans l'eau, la solution se refroidit, jusqu'à ce
que suffisamment de chaleur soit prise dans le milieu ambiant. Comme l'on peut encore produire de l'énergie, au
moyen d'un appareillage adéquat, en diluant des solutions salines concentrées, la solution saline diluée qui en
résulte – comme le cristal de sel lors de la cristallisation – est à considérer comme le point final des possibilités de
réaction. Le calcaire difficilement soluble dans l'eau apparaît sous forme cristalline à l'état solide. Il commence la
série des sels qui naissent par cristallisation dans l'eau au sein de la nature. Les sels solubles (et surtout le sel de
cuisine ou chlorure de sodium), se trouvent certes à l'état de gisements naturels après avoir cristallisé à partir
d'une solution diluée dans l'eau des océans. Ils s'abandonnent totalement à l'environnement. Ces gestes "d'être
privé" d'éléments impondérables, et "de pouvoir s'abandonner" à l'environnement, sont donc des
caractéristiques de la formation du sel ou du processus de salification, qui se reflètent donc aussi bien dans la
formation des cristaux que dans la solubilisation des sels.

Cette tendance est globalement caractéristique du monde minéral. Pourtant, il existe encore des éléments
combustibles parmi les minéraux, donc des substances douées d'un certain potentiel de transformation à venir.
Ce sont le soufre, déjà mentionné, et ses combinaisons ou sulfures. Si on veut donc une image d'une matière
inorganique, formée de substance combustible et chez laquelle la possibilité de combustion est essentielle, on
peut donc caractériser ce processus dans lequel la lumière et la chaleur s'activent, comme un processus soufre ou
un processus de sulfuration. Bien entendu, il faut aussi envisager ici, comme pour le processus de salification, la
dualité de "formation de possibilité de combustion" et "combustion" elle-même. Ce n'est qu'à partir de cette
dualité qu'il est possible de considérer les formations des organes de la plante conformément à la nature de celle-
ci.

La racine de la plante est reliée au processus de dissolution des substances inorganiques. Conformément à sa
forme, elle croît en s'introduisant dans les anfractuosités du sol et en s'y adaptant. Par ailleurs, elle est l'organe de
la plante dont la durée de vie est la plus longue, qui peut au mieux bourgeonner et repousser le plus tôt ou bien
qui peut être conservée le plus longtemps après la mort du végétal. À cela s'ajoute encore que les racines peuvent
s'orienter d'après la force de la pesanteur et que les exemplaires de la même espèce peuvent s'entregreffer.

Chez les fleurs tout cela est polaire. C'est avant tout la forme de la fleur qui révèle la nature de son espèce; d'où la
classification botanique à partir des fleurs. Le temps de floraison est souvent très bref, puis les organes floraux se
fanent rapidement. Conformément à l'espèce et à l'époque de floraison, les fleurs peuvent produire du pollen et
des parfums; elles libèrent aussi de la chaleur. Les tiges florales de l'érables sont un exemple particulier de ce
dernier point. Enfin, la graine, à partir de laquelle une autre plante peut se développer ultérieurement, se forme à
partir du processus de floraison.

Les racines de la plantes sont donc imprégnées par l'élément sel, et s'abandonnent donc de manière durable à
l'environnement. Les fleurs sont imprégnées par l'élément soufre en correspondance avec le premier. Il est
important de faire ressortir dans cette considération que la mise en forme des organes végétaux est une
expression des processus de sulfuration, qui peut apparaître en contradiction par rapport à la formation de
cristaux de sels. Cette contradiction se résout pourtant si on élargit le processus de sulfuration en le concevant
comme "l'intériorisation d'éléments impondérables", plutôt que d'en rester au sens de "combustibilité".
Lorsqu'une espèce végétale s'exprime dans la forme d'une plante, on peut dire qu'elle s'est intériorisée dans
l'organisme correspondant. Ce qui est désignée ici comme "espèce végétale" est tout autant impondérable que
les forces de la lumière et de la chaleur que nous avons évoquées jusqu'ici.
Le processus mercuriel

On doit maintenant s'attacher à rechercher l'élément médian entre le processus de salification, lors duquel la
matière se dépose (processus dont la racine est principalement le siège), et le processus de sulfuration qui
intériorise des éléments impondérables (processus dont la fleur est principalement le siège). Chacun d’eux
considérés en soi, et pour soi, tend à sortir de la vie agissant dans le présent. Pour autant que nous considérions
une substance, elle est un élément devenu, un produit du passé. Qu'il s'agisse maintenant d'une pure potentialité
cosmique, celle-ci n'est pas encore active. La vie véritable opère dans l'union présente de la terre et du cosmos.
Comme nous l'avons vu plus haut, cela se produit avant tout dans la feuille. Les processus de formation de
substances et les qualités chimiques de la substance y sont physiologiquement régulés par l'organisation
temporelle. Si on recherche un symbole pour exprimer cette maîtrise présente de la formation de substance, on
s'en approche en pensant à la surface d'un courant. Une goutte renferme encore en elle toutes les possibilités de
gonflement et de volatilisation (en effet, en milieu humide, elle grossit; en milieu sec, elle s’évapore et disparaît
N.D.T.). La mobilité inhérente à la surface d'un courant en est une expression. Dans la forme prise à l'instant
présent, la goutte est un symbole évocateur. Nous la trouvons particulièrement et nettement caractérisée par
l’élément eau.

L'eau est le milieu de dissolution pour les substances vivantes. Ces dernières développent leurs propriétés
chimiques caractéristiques d'une manière typique dans l'eau. Cela est particulièrement impressionnant dans
l'expérience qu'on peut faire de la qualité de l'élément acide. Chacun connaît l'acide, par le goût et par ses effets
immédiats. La particularité, liée au fait que la fonction acide n'apparaît généralement que dans l'élément liquide,
peut être rendue évidente avec la limonade sèche. La poudre de limonade se compose de levure chimique (ou
bicarbonate de soude), d'acide citrique et de sucre, à chaque fois sous une forme solide. Ces constituants sont
mélangés entre eux à l'état de poudres. Et ce n'est qu'à partir du moment où ce mélange entre en contact avec la
salive ou avec l'eau que la qualité acide de l'acide citrique s'éveille et provoque l'effervescence caractéristique
due à la décomposition de l'acide carbonique plus faible (en gaz carbonique et eau, N.D.T.) dans la solution diluée
de carbonate. Le sucre n'est là que pour donner le goût sucré, qu'il ne manifeste aussi qu'à partir du moment où il
est dissout dans l'eau. Tout comme un acide, une base peut devenir fonctionnelle de cette manière, ou bien
encore les propriétés hydrophobes d'une graisse, la force d'oxydation ou de réduction d'une substance. Dans un
organisme vivant, c'est-à-dire dans son système aqueux, une substance agit ainsi sur la base de ses qualités
chimiques. Naturellement on observe toujours que la vie fait face aux effets des substances dans le temps
présent. Une acidification déséquilibrée par exemple, n'est pas tolérée, car elle met la vie en danger. La maîtrise
des qualités des substances est assurée par l'organisation temporelle. On ne peut jamais assez insister sur le fait
que, la vie ne contredit certes nulle part les lois physico-chimiques, mais qu'elle peut pourtant renverser ou
modifier avec aisance la direction des processus qui proviennent des effets chimiques des substances, et cela
seulement au moyen d'une organisation remplie de sagesse. C'est ainsi que cette "organisation" peut elle-même
agir dans le sens d'une qualité chimique.

Pour l'activité chimique présente, l'eau peut être un symbole approprié. Mais celui-ci n'est pas assez
représentatif, pour ainsi dire trop habituel, si bien que les anciens lui ont préféré le symbole plus noble d'un
métal, qui est pareillement sujet à la formation de gouttes et sert de milieu de dissolution. C'est le vif-argent,
dont la vivacité de formation de gouttes devrait rester un souvenir scolaire. Mercurius vivus naturalis, c'est ainsi
qu'est appelé le vif-argent qui semble si vivant par sa propriété de former des gouttes (d'ailleurs on ne se méfie
pas assez du mercure qui se volatilise aussi facilement et s'avère alors un poison que l'on peut inhaler N.D.T.).
Mais c'est aussi un milieu de solubilisation de métaux nobles comme l'or et l'argent. Dans le domaine
inorganique, le vif-argent est aussi le symbole d'un processus animé, se déroulant dans le présent. On peut donc
le caractériser comme un processus mercuriel.
Les concepts de processus sel, mercure et de sulfure ont été développés en partant de la plante et en s'appuyant
jusqu'ici sur leurs reflets inorganiques. C'est pourquoi les processus de formation de la substance (salification) et
des potentialités (sulfuration), ont été placés trop fortement au premier plan et sont aussi trop fortement
imprégnés par la matière. Comme on l'a mentionné, la dissolution du sel et la combustion en font également
partie. La qualité impondérable de l'élément sulfureux doit aussi être caractérisée plus clairement.

Les processus sel, mercure et de sulfure dans l'animal et l'être humain.

Mais faisons encore un pas de plus. La simple comparaison suivante nous montre la polarité complète entre les
physiologies végétale et animale. Tandis que la plante, par l'absorption lumineuse, forme son corps à partir de
l'oxyde de carbone, des sels minéraux et l'eau en libérant de l'oxygène, l'animal inspire ce dernier, mange et
digère les substances végétales, dégage de la chaleur, s'éveille et se déplace en rejetant du gaz carbonique, de
l'eau et des sels minéraux. Sous la direction d'un corps astral, la tria principia subit aussi conformément à cela une
inversion: le processus de salification ne signifie plus seulement la formation d'une substance, mais aussi la
dissolution de la substance végétale, du sel, selon le cas, dans la digestion.

L'inversion correspondante du processus de sulfuration décrit plus haut, c'est la respiration. Elle se produit certes
dans tous les phénomènes du métabolisme et aussi dans la plante, mais elle devient plus évidente dans l'activité
des muscles et des nerfs et s'extériorise par l'excrétion de déchets métaboliques coûteux en énergie (par exemple
l'élimination rénale). Les plantes accumulent des produits d'échanges métaboliques (anabolisme), mais les
animaux sont capables d'excrétion (catabolisme). Dans cette mesure, l'incorporation de lumière et de chaleur
dans la substantialité du monde, n'appartient pas seulement au processus de sulfuration, mais la manifestation
de ces dernières en fait aussi partie.

Le processus mercuriel a à faire avec la maîtrise présente des qualités chimiques et de la formation de substance
dans la physiologie végétale et animale. Mais comme mentionné plus haut, la plante prélève les substances
minérales et les transforme en substances organiques. La maîtrise des processus d'excrétion de substances
minérales doit être mise en relief chez l'animal. Une inversion se révèle aussi ici. L'activité des poumons, du foie
(avec la bile) et des reins sur le sang sont les éléments à considérer ici.

Et que se manifeste-t-il lorsque ces phénomènes physiologiques se produisent? C'est l'âme incarnée! C'est
pourquoi la trinité des processus possède une correspondance au sein de l'âme. Ce qui en tant que pensées du
monde s'est condensé en substances, est éprouvé inconsciemment dans la désagrégation des substances pendant
la digestion. Cela forme une imagination au niveau du corps éthérique, qui trouve une vague forme d'expression
dans nos pensées11,12. C'est ainsi que Rudolf Steiner décrit comment le processus de salification se rattache à la
formation de représentations. La potentialité intériorisée à partir de la lumière, devient en contrepartie le
fondement physiologique de la volonté, comme indiqué plus haut. Le processus de sulfuration s'active dans ce
phénomène. Et ainsi, le sentiment vécu dans l'instant présent est une expression psychique du processus
mercuriel.

Enfin les trois principes peuvent être suivis à un niveau encore plus élevé. Il faut envisager ici l'incarnation du Je
humain, son activité pendant le cours de la vie humaine et la formation de sa destinée pour une vie future 13. La
formation de l'être humain à partir de l'état d'existence précédant sa naissance, correspond au processus de
salification orienté vers le passé. Elle imprègne en particulier les organes de la tête, qui sont une image de
l'incarnation passée. Le même Je individuel agit dans le processus sulfure, au sein du domaine de la volonté
humaine, en étant inspiré par l'avenir. Par ses actes, l'homme se forge son destin à venir. La médiation rythmique
de ces deux polarités, par exemple dans le phénomène d'alternance de la veille et du sommeil, forme le
processus spirituel mercuriel.
L'imagination de Noël

Avec toutes ces formulations conceptuelles, tournons-nous à présent à nouveau vers les phénomènes naturels,
tels qu'ils ont été dépeints au début. Dans le sol hivernal de la terre reposent côte à côte les graines porteuses des
germes14, qui peuvent réagir à l'avenir aux forces d'éveil en provenance de l'environnement cosmique et les
substances végétales mortes formées par l'activité de décomposition du sol maternel fécond. L'eau elle-même se
trouve séparée du sol et du cosmos par l'action du froid et de la neige, si bien que tout est encore au repos. Mais
la graine est déjà enfoncée dans la terre.

Un regard dans le lointain nous montre pareillement combien l'avenir, c'est-à-dire le soleil, dont les forces
reposent dans les graines et autres substances de réserve, et ce qui est devenu, c'est-à-dire la terre qui a fait
naître la matérialité, se tiennent l'un en face de l'autre. Entre le soleil et la terre s'étend à présent la couche
neigeuse, si bien que les trois principes sont perceptibles.

Enfin le regard se lève et rencontre le ciel étoilé avec son ordonnance stricte, d'après laquelle l'homme s'oriente
depuis des millénaires. Au moment de la Noël, une comète est apparue dans le ciel qui annonce la naissance de
l'Enfant Jésus. Cet événement discontinu, pour ainsi dire unique, donne une nouvelle impulsion dans
l'ordonnance héritée d'un lointain passé.

En hiver les trois principes sont donc parvenus dans l'état le plus matériel, et le plus isolé. L'élément à venir est
enfoncé dans la terre, sous la forme de la graine, il brille sur la terre par les rayons du soleil, et agit à la manière
d'une comète au sein des lois immuables du ciel étoilé. La nature nous présente ainsi, avec l'événement de la
naissance au cœur de l'hiver, la plongée d'une nouvelle impulsion.

Cette manière de voir à trois niveaux, condensée sous la forme d'imagination, a trouvé une expression dans la
Madone de saint Sixte. Si on considère la partie inférieure de la Madone avec le vêtement bleu, ses plis et la
position des pieds, c'est à peine si on peut s'empêcher d'avoir l'impression qu'il s'agit encore d'une attitude et
d'une démarche de femme enceinte. Le germe futur repose dans le sol maternel. Cela est d'autant plus
perceptible si l'on découvre la partie supérieure. Marie porte par contre l'Enfant Jésus nouveau-né sur son bras,
dans le domaine de la poitrine. Le passé, représenté par la mère, et l'avenir, représenté par l'Enfant Jésus, se
tiennent l'un à côté de l'autre, comme la terre et le soleil en hiver. La cape d'or de Marie les entoure tous les
deux, formant comme une sphère. Le regard se pose finalement sur le front de Marie et de l'Enfant. Cela nous
entraîne à la périphérie des visages, où l'on remarque, seulement maintenant, les nombreuses têtes enfantines, à
peine estompées à cause de la finesse et de la douceur des traits, formant comme un ciel étoilé autour des deux
visages. On attribue à chacun de ces enfants, encore non nés, des impulsions qui interviendront à l'avenir dans la
substantialité de la terre. Ainsi les têtes d'enfants non nés et celle de l'Enfant Jésus par rapport à celle de la mère,
se comportent ici comme les comètes par rapport à la stricte ordonnance des étoiles dans le ciel. La
représentation de la Madone avec son Enfant est donc une expression imaginative de l'événement hivernal dans
la nature.

L'image renferme encore d'autres emblèmes. D'une part le rideau vert frappe l'attention d'un manière vraiment
inhabituelle, d'autre part Saint Sixte et Sainte Barbe sont représentés, et finalement, deux personnages
angéliques apparaissent à la bordure inférieure du tableau. Si nous nous rappelons que les principes de la
formation de substance ont leur origine dans la feuille verte des plantes, cela ne nous étonne pas que le rideau
soit tiré sur les côtés, pour guider le regard sur les lois spirituelles qui règnent au sein de cette scène. Saint Sixte
est décrit comme un homme qui s'est tourné vers la souffrance du monde et a fait don de ses biens. C'est la
forme symbolique de l'amour qui est exprimée ici, et qui est appropriée au monde sensible. Cet amour peut être
caractérisé comme désintéressé, parce qu'il s'adresse à autrui. Ainsi Sixte montre-t-il de son doigt celui qui se
tient devant le tableau, comme un être vivant dans le monde sensible faisant face à l'Enfant Jésus.
Sainte Barbe (patronne des mineurs et des pompiers, entre autres, très honorée dans les pays miniers, N.D.T.),
est décrite comme une martyre qui ne voulait pas renier l'expérience intérieure du Christ et se vouer à la tradition
de la maison de ses parents. Il se révèle ici combien le perfectionnement personnel exige d'aspiration spirituelle
pour mener à la certitude intérieure. Cette façon de s'efforcer à se lier au monde spirituel peut être caractérisée
comme l'amour égoïste. Il est tout aussi indispensable à l'évolution du monde que l'amour désintéressé15. Car ce
n'est que lorsque les forces d'avenir du monde spirituel s'unissent au monde devenu que l'évolution peut avoir
lieu d'une manière salutaire. Il semble que la représentation de la scène doit être équilibrée par les enfants placés
dans le bas du tableau, qui n'ont manifestement pas encore perçu correctement le sérieux de la situation
dépeinte. Mais cette imagination peut nous conduire à méditer sur notre véritable essence humaine, si elle
devient une véritable expérience en nous.

Remerciements: l'élaboration conceptuelle des processus de salifications, mercuriels et de sulfuration a été


stimulée par les travaux d’Angelika Heinze sur les chloroplastes des feuilles16. Ces derniers temps, le travail a reçu
un encouragement intensif au travers d'entretiens menés au sein du cercle des chimistes anthroposophes de
Stuttgart, et en particulier de Klaus Frisch et Michael Kalisch. Qu'ils soient cordialement remerciés pour cela.

Notes :
1 Steiner R.: conférence du 6 octobre 1923, L'imagination de Noël: Quatre imaginations cosmiques. La vie de l'âme

dans sa participation au cours de l'année. GA 229 p.30-49; Éditions Triades Paris 1984.
2 Krause-Zimmer, H. Le problème des deux Enfants Jésus et sa trace dans l'art; 2e édition, Éditions Triades, Paris

1977.
3 Strasburger, E., Noll, F., Schenck, H. Schimper, A.F.W Lehrbuch de Botanik 32e édition, p. 112, Gustav Fischer

Verlag, Stuttgart 1983.


4 Strasburger, E., Noll, F., Schenck, H. Schimper, A.F.W Lehrbuch de Botanik 32e édition, p. 12, Gustav Fischer

Verlag, Stuttgart 1983.


5 Strasburger, E., Noll, F., Schenck, H. Schimper, A.F.W Lehrbuch de Botanik 32e édition, p. 65, Gustav Fischer

Verlag, Stuttgart 1983.


6 Gennis, R.B.: Biomembranes. Molecular Structure and Function; Springer Verlag, New York, Berlin, Heidelberg

1989
7 Kleinig, H., Sitte, P.: Zellbiologie; 3e édition, p.344-352 Gustav Fischer Verlag, Stuttgart 1992.

8 Strasburger, E., Noll, F., Schenck, H. Schimper, A.F.W Lehrbuch de Botanik 32e édition, p. 242, Gustav Fischer

Verlag, Stuttgart 1983.


9 Molish, H., Bobat, K.: Botanische Versuche und Beobachtungen mit einfachen Mitteln; p.100-102. Gustav Fischer

Verlag, Stuttgart 1979.


10 Steiner, R.: conférence du 31 mars 1920; Medecine et science spirituelle, GA 312, p187-202. Édition

Anthroposophiques Romandes (EAR) Genève 1978.


11 Steiner, R.: conférence du 27 mars 1911; Physiologie occulte, GA 128, p142 et suiv.. Édition Anthroposophiques

Romandes (EAR) Genève 1978.


12 Steiner, R.: conférence du 12 janvier 1923; Lebendiges Naturerkennen, intelektueller Sündenfall und spirit.

Sündenerhebung, GA 220, p.70-85. Verlag der Rudolf Steiner Nachlaßverwaltung, Dornach 1966.
13 Steiner, R.: conférence du 14 janvier 1923; Lebendiges Naturerkennen, intelektueller Sündenfall und spirit.

Sündenerhebung, GA 220, p.86-99. Verlag der Rudolf Steiner Nachlaßverwaltung, Dornach 1966.
14 Dans l'imagination de Noël, Rudolf steiner caractérise la graine comme la cendre qui reste à l'issue d'un

processus comparable à la combustion de la plante. Cela est souvent mal compris, puisque la cendre c'est ce qui
reste du feu et c'est donc considéré comme un élément devenu. La comparaison ne vaut toutefois qu'au niveau
de l'image du processus traversé par la plante lors de la formation des graines. L'ensemble de la plante, en dehors
de la graine, est déterminé à subir un processus de désagrégation par d'autres organismes ou événements qui
aboutit à une "combustion". Seule la graine (et les bourgeons végétatifs) subsistent, comme la cendre du feu,
pour poursuivre la vie de l'espèce, et donc s'adonner de nouveau à la lumière.
15 Steiner, R.: conférence du 25 août 1912; Le mystère du seuil, GA 147, p.33-60 EAR, Genève 1980.

16 Heinze, A.: Zur Metamorphose des Plastiden; Tycho de Brahe-Jahrbuch für Goetheanismus, p. 74-99? Tycho

Brahe Verlag, Niefen-Öschelbronn 1989.


Acide carbonique et Calcaire
À propos de l'imagination de Pâques

Dès le début de février, on peut nettement remarquer l'allongement de la durée du jour. Après la saison hivernale
froide et sinistre, il fait sensiblement plus clair et les rayons du soleil sont plus chauds. Cela fait sortir les premiers
messagers du printemps que tout le monde salue joyeusement: les elléborines, les perce-neige et les crocus, les
chatons du noisetier et du saule. Puis suivent les plantes bulbeuses de Pâques, iris, anémones et tulipes, et les
forsythias, magnolias et finalement les arbres fruitiers comme les pêchers, cerisiers, pruniers, poiriers, pommiers,
etc. Tous produisent des fleurs qui ont été formées dès l'année précédente. Elles reposent dans les tubercules,
oignons et bourgeons, et n'ont plus besoin que de bourgeonner avant de pouvoir fleurir rapidement. Dans la
poésie pour enfants "Vous chatons de saule...", Christian Morgenstern a attiré l'attention sur ce mystère.1 Les
formes et les teintes des fleurs, ainsi que leur douceur et leur beauté, sont ravissantes. Un parfum plus intense
est formé dans la chaleur du tout début de l'été. Les premières fleurs surgissent comme les enfants de la lumière
avant les feuilles.

La seconde chose qui indique sans équivoque le printemps, c'est le chant plus intense des oiseaux. La vivacité,
l'ardeur à construire le nid, les phénomènes de la parade, avec le renouvellement coloré du plumage, et
finalement la ponte et la couvaison font aussi partie de ce moment de l'année. Les soins prodigués aux nouvelles
générations nous font participer au processus de renouveau qui envahit la nature. Il en est de même lorsque le
regard plonge sur la vie du sol. Nous pouvons remarquer lors d'une promenade, par exemple sous un buisson de
prunellier, de vieilles coquilles d'escargot de Bourgogne. Si lors de cette même promenade, on arrive à une prairie
dont l'herbe repousse, on peut remarquer de nombreux escargots qui rongent les pousses d'herbe fraîchement
poussées et construisent leur nouvelle coquille. Celle-ci luit à la lumière du soleil et possède encore une bordure
molle. Avec les premières pluies un peu plus chaudes, les vers de terre s'animent dans le sol et l'air devient épicé.
Le sol commence à respirer sous l'emprise d'intenses processus de décomposition de la matière organique. Une
vie prodigieuse de petits animaux commence à se développer dans le sol.

Avec l'allongement de la durée du jour, le ciel étoilé défraîchit, les constellations d'hiver typiques, comme Orion,
sombrent à l'horizon et les activités diurnes commencent à nous occuper de plus en plus. Le soleil éveille plus
souvent notre attention que les étoiles à ce moment de l'année. La pleine lune de printemps a encore une
importance particulière, car elle détermine le jour de Pâques.

La fête de Pâques appartient donc à la saison printanière. Elle est préparée par le temps de la Passion du mardi
gras à Pâques. Certes, le temps du carême n'a plus qu'une mince signification aujourd'hui (au contraire du
carnaval) mais il a été aménagé, à l'origine, comme un temps de préparation, semblable à celui de l'Avent pour
Noël. C'est le temps pendant lequel le Christ s'avance consciemment sur son chemin de croix vers la crucifixion.
Nous nous souvenons de la crucifixion du vendredi saint et fêtons l'événement de la Résurrection comme la plus
importante des fêtes chrétiennes.

La promenade de Pâques, nous fait traditionnellement participer aux événements de la nature. Est-ce que ce
phénomène printanier est réellement en relation avec la mort et la Résurrection? Pouvons-nous réellement vivre
cela, lorsque nous considérons les fleurs, les animaux, le sol, les conditions de l'air et les changements du soleil et
de la lune? Tel serait le contenu de l'imagination de Pâques, si nous y parvenions. Lorsque le sens d'un événement
est imaginé, il s'agit donc de processus. Ces derniers sont toutefois constamment liés aux transformations
chimiques. Est-il donc étonnant que Rudolf Steiner ait pris comme point de départ pour la présentation de
l'imagination de Pâques, la description de transformations chimiques? La relation entre l'acide carbonique et le
calcaire au sein des cycles de la nature est d'une importance particulière pour le printemps.2 C'est pourquoi nous
devons d'abord décrire les processus acide carbonique et calcaire dans la nature et dans l'être humain.

La relation entre l'acide carbonique et le calcaire

Sous le terme d'acide carbonique, nous désignons la forme active du dioxyde de carbone (CO2) dans l'eau. Il s'agit
en fait d'une acide très faible, car il n'y a que très peu de gaz carbonique réellement activé en acide. La plupart du
gaz carbonique reste entraînable (volatil) dans l'eau, ce que l'on peut constater par le fait qu'on ne peut forcer
une plus grande quantité de gaz à pénétrer dans une bouteille d'eau minérale, par exemple, que sous l'effet de la
pression. Le dioxyde de carbone provient de la dégradation oxydative de substances organiques par les bactéries,
les champignons, les animaux et l'être humain et par la respiration même des plantes à l'obscurité. Naturellement
une partie non négligeable provient de la combustion de substances organiques ou fossiles, selon le cas.

Le processus inverse se déroule dans la plante verte avec l'assimilation chlorophyllienne. Sur les feuilles, le
dioxyde de carbone de l'air est absorbé avec l'eau et lié aux sels nutritifs que la plante prélève dans le sol pour
former de la substance végétale, en libérant de nouveau l'oxygène dans l'air. Il s'instaure donc dans la nature un
simple cycle entre l'activité d'édification de substance végétale dans la plante et la dégradation de la substance
végétale par les animaux et les bactéries. D'un côté nous avons le carbone, condensé en substance organique, et
l'oxygène. De l'autre côté, les deux sont de nouveau combinés l'un à l'autre et relâchés sous la forme de dioxyde
de carbone. Tous les êtres vivants se situent en interrelation au sein de ce cycle.

Deux systèmes stabilisent ce cycle, c'est-à-dire qu'ils en compensent les trop fortes variations. Le premier système
veille à immobiliser la substance organique contenant du carbone pour un temps assez long. Cela se produit
surtout chez les plantes supérieures ligneuses. Dans les eaux, où l'échange principal de substances organiques se
déroule dans le plancton, ce cycle est essentiellement plus rapide. Des arbres, qui peuvent avoir plusieurs
centaines d'années, emmagasinent une grande quantité de carbone qui, après leur mort, est progressivement
restituée au cycle du carbone dans la même proportion. Pour plus de commodité, on utilisera les termes de
"carbone", ou "substance carbonée", lorsqu'il sera question de la multiplicité des substances végétales. Car il ne
s'agit là que de substances organiques réduites placées en relation de polarité avec le dioxyde de carbone, qui en
est la forme oxydée.

Le second système, qui compense les variations des contenus en carbone et acide carbonique, c'est le rapport
entre l'acide carbonique et le calcaire. On peut distinguer deux cycles ici: Le premier est un grand cycle qui se
déroule à l'échelle des temps géologiques. Lorsque des minéraux contenant du calcium, comme par exemple les
feldspaths du granit, se désagrègent, le carbonate de calcium (CaCO3) se forme à partir du calcium soluble et
l'oxyde de carbone contenu dans l'air et l'eau de pluie. Les végétaux et les animaux participent dans une grande
mesure aux processus de désagrégation, à savoir, de dissolution de la roche, aussi bien qu'à la précipitation du
calcaire. Lorsque le calcaire est entraîné par les fleuves et parvient finalement au fond des mers et des océans, il
aboutit à la formation de sédiments et de diverses roches calcaires. Ceux-ci peuvent subir une nouvelle phase de
formation rocheuse lorsque le fond des océans s'enfonce sous le bloc continental. Dans ces zones de subduction,
comme on dit, règne un volcanisme abondant. Par la chaleur, le dioxyde de carbone contenu dans les sédiments
calcaires est de nouveau libéré et relâché dans l'atmosphère en grande quantité sous l'effet du volcanisme. Le
calcium est de nouveau associé à la silice sous forme de silicates. C'est ainsi que de nouvelles roches, pouvant
donner naissance à des montagnes, surgissent et sont de nouveau susceptibles un jour d'être dégradées et de
libérer du calcium.3

Un fait étonnant se révèle dans le petit cycle de l'acide carbonique et du calcaire: le carbonate de calcium
insoluble (CaCO3) est solubilisé par le gaz carbonique dont on ne peut enrichir l'eau que sous pression. D'un point
de vue formel, chaque ion calcium se lie avec deux ions carbonates (CO2 + H2O = H2CO3 puis H2CO3 + CaCO3 =
Ca(HCO3)2 N.D.T.). Ce processus peut être observé dans les grottes calcaires. Les grandes salles de ces grottes ont
pris naissance par la dissolution du calcaire par le gaz carbonique contenu dans l'eau – et non par érosion
mécanique comme on le raconte parfois. On peut reconnaître cela au fait que partout où se sont formées de
grandes salles, des crevasses transverses viennent à la rencontre de la crevasse principale. La force de dissoudre
plus de calcaire provient du mélange de deux courants d'eaux saturées de calcaire, sous de légères variations de
température et/ou de pression. Cela est possible parce qu'en principe, le mélange de deux courants d'eaux
contenant des concentrations différentes de calcaire peut dissoudre plus de calcaire que ne pourrait le faire une
eau contenant la moyenne de ces deux concentrations.4

Le mélange de l'acide carbonique et du calcaire est encore surprenant pour un autre fait. À savoir, qu'on ne peut
véritablement pas en obtenir de substance solide, comme un sel correspondant à une proportion donnée d'acide
carbonique et de calcaire. Si on tente de le faire, le calcaire dure se sépare aussitôt du gaz carbonique. Une liaison
des deux éléments n'est donc possible qu'en solution dans l'eau. C'est pourquoi une grande quantité de gaz
carbonique peut être prélevée dans l'air et immobiliser dans les divers eaux de la terre pour un certain temps. Au
sein de ces eaux toutefois, il existe un cycle aussi. C'est ce que nous allons voir maintenant.

L'influence des végétaux et des animaux sur le rapport entre l'acide carbonique
et le calcaire

Considérons par exemple un lac des contreforts des Alpes, dont l'eau est riche en calcaire. Cela vaut aussi en
principe pour les processus qui se déroulent dans le sol. Beaucoup d'acide carbonique se dissout dans l'eau, et
donc aussi du calcaire, surtout en hiver, lorsque les températures sont basses. Les concentrations en base
calcique et en acide carbonique s'équilibrent alors. Rudolf Steiner utilise pour cela l'expression de calcaire d'hiver
et le caractérise comme "satisfait". lorsque au début du printemps la luminosité augmente, la couche de glace
fond et l'eau se réchauffe quelque peu et beaucoup d'espèces végétale planctoniques commencent alors à se
développer. Elles se multiplient si vite que l'eau se trouble et devient vert-jaunâtre. La profondeur de visibilité du
lac de constance peut, par exemple, se réduire de 12 à 2 mètres.5 Une grande quantité de substance organique
s'est formée à partir du dioxyde de carbone de l'eau. Le calcaire, qui était dissous par le dioxyde de carbone, a
précipité en même temps. En mai, on découvre une croûte de craie distincte sur le fond du lac. Cette croûte de
craie y incruste tous les restes végétaux et animaux qui reposent sur le fond. Ce calcaire de printemps, Rudolf
Steiner le caractérise comme "avide", parce qu'il voudrait de nouveau absorber de l'acide carbonique. Il s'agit
d'un calcaire amorphe, non organisé. On le souligne ici, pour le distinguer du calcaire élaboré par les moules et les
escargots pour fabriquer leur coquille. S'il pouvait être organisé, ce calcaire crayeux deviendrait la forme
d'expression d'une âme, comme Rudolf Steiner l'a aussi signalé. Dans ce cas, le sol (la terre) recouvert de calcaire
pourrait devenir le porteur d'une certaine sensibilité. En résumé, le végétal:

– absorbe le dioxyde de carbone

– forme de la substance organique et

– fait précipiter du calcaire crayeux (amorphe).

L'influence des animaux est parfaitement complémentaire à cela. Peu après le développement des algues
fleurissant au printemps, on découvre aussi une prolifération abondante de petits crustacés qui dévorent les
algues. Il arrive qu'en juin, et pour peu de temps, la limpidité de l'eau du lac de Constance réapparaisse, avec une
profondeur de visibilité presque aussi importante qu'en hiver.5 Tandis que le zooplancton (animal) digère la
substance organique, il dégage une abondante quantité de dioxyde de carbone. Celui-ci redissout la plus grande
partie du calcaire précipité. Mais il est possible pour l'organisme animal de se lier au calcaire et de l'organiser sous
la forme de coquille spécifique de l'espèce, comme on peut le voir plus facilement à l'œil nu chez les moules et les
escargots que sur le plancton. Les animaux peuvent même faire cela lorsque l'eau est encore en mesure de
dissoudre du calcaire et qu'elle est donc insaturée. Nous voyons donc que les animaux:

– digèrent et oxydent la substance organique (carbone)

– expirent du dioxyde de carbone

– immobilisent le calcaire, en l'organisant pour former leur coquille, et dissolvent le calcaire amorphe par leur
excrétion d'acide carbonique.

La plante ne peut qu'édifier constamment de la matière organique et ne peut plus transformer ses organes, une
fois qu'ils ont été construits. La possibilité de détruire les organes ainsi édifiés lui fait défaut. La substance
végétale organisée est de ce fait une expression de processus qui se sont déroulés dans le passé. Ce qui n'est
encore que peu apparent chez les plantes aquatiques, devient très évident pour les plantes terrestres, a fortiori
pour les plantes ligneuses. Des organes formés d'une substance solide sont élaborés. Dans l'eau, on peut très bien
percevoir comment, parallèlement à l'assimilation de la substance carbonée, le calcaire incrusté est éliminé.
L'activité formatrice durcissante prédomine donc dans ces processus. C'est par le fait que l'organisme animal
développe une physiologie, par laquelle il peut dissoudre et éliminer, que la transformation et l'évolution
deviennent possibles. Des processus de dissolution créent de nouvelles possibilités et peuvent donc être
considérés comme tournés vers le futur. Ce qu'on veut dire par là, c'est que par l'adjonction de ces derniers aux
processus d'édification, la dynamique de la formation et de la dissolution rend seulement possible l'évolution et
donc l'intervention d'impulsions d'avenir.

Des espérances des esprits ahrimaniens et lucifériens

La solidification et le durcissement sont les activités indispensables des esprits ahrimaniens dans la nature.6
Rudolf Steiner caractérise aussi Ahrimane comme le seigneur de la mort, du règne minéral, de la substance solide.
L'intelligence qui s'exprime dans la mécanique du monde solide correspond à l'intelligence d'Ahrimane. C'est par
les esprits lucifériens que les substances solides sont dégradées dans les phénomènes naturels. On doit encore
dire expressément qu'il ne s'agit pas seulement là d'une simple dissolution, mais de décomposition et disparition
méthodiques. Considéré du point de vue psychique et spirituel, ce processus libère des pensées universelles, qui
ont été coagulées en substances. Elles peuvent alors exister psychiquement et spirituellement pour elles-mêmes,
c'est-à-dire sans corps, comme des êtres angéliques. Leur contenu constitue donc la sagesse et la beauté de la
nature.

Une tache indispensable dans la nature revient donc aux entités ahrimaniennes et lucifériennes. Mais comme
elles représentent des directions unilatérales de processus, elles recommencent à espérer à chaque printemps,
comme Rudolf Steiner l'exprime dans l'imagination de Pâques. Lorsque les plantes forment leur substance et que
le calcaire se dépose, les entités ahrimaniennes caressent l'espoir de pouvoir solidifier et scléroser la terre
entière. Mais cet espoir est presque simultanément réduit à néant pas l'activité des animaux qui dégradent la
substance organique et la redissolvent. C'est alors que les entités lucifériennes espèrent que toutes les pensées
universelles pourront se libérer sous la forme d'imaginations psychiques et spirituelles, et exister dans le monde à
la manière des anges, sans fondement corporel. Cet espoir est toutefois réduit à néant pas les plantes avec leur
activité d'assimilation chlorophyllienne. C'est ainsi que règne la paix dans la nature entre les esprits ahrimaniens
et lucifériens.6 Dans le cycle naturel harmonieux du végétal et de l'animal, on veille à l'équilibre correct entre les
deux directions de force.
"Mais en ce qui concerne l'être humain, qui a conquis de haute lutte la conscience de soi, nous, Lucifer et
Ahrimane, nous voulons être à couteaux tirés." comme l'exprime Rudolf Steiner à un autre endroit.7 Les deux
processus naturels, celui de la vie et celui de l'âme, l'homme les porte aussi en lui. Il doit autant que possible
maintenir lui-même, par son Je, l'équilibre entre ces deux processus et cela d'autant plus qu'il progresse dans le
développement de la conscience de soi. Comme toutefois ces processus sont remis à la liberté humaine,
Ahrimane et Lucifer peuvent nourrir des espoirs justifiés de contrefaire ces processus de manière unilatérale.
Avant d'aborder en détail ces possibilités de déviations de la formation humaine, on doit montrer, à l'exemple de
l'ossification, comment les deux possibilités de processus coexistent dans l'être humain.8,9

L'ossification de l'être humain

Nous pouvons distinguer deux types d'ossification chez l'homme: l'ossification de la tête et celle des os longs. La
première est désignée comme membranaire (dermale) et concerne avant tout les os de la calotte crânienne (os
membraneux). Pendant le développement embryonnaire, la forme des os apparaît d'abord comme une
membrane de cellules sécrétant la matrice osseuse. Celles-ci mûrissent et déposent un sel de calcium (phosphate
de calcium) tandis qu'elles dépérissent. Sur la partie extérieure de la cuticule, une nouvelle cuticule se dépose et
secrète à son tour de la matrice osseuse. L'ossification progresse donc de l'intérieur vers l'extérieur. Pourtant de
la substance peut être dissoute sur le côté interne des os. Il est donc possible d'avoir une certaine croissance des
os du crâne. Si nous considérons le geste formateur de l'os, il révèle une certaine analogie avec la formation du
végétal décrite plus haut. La maturation de l'os achevé se produit immédiatement à partir des tissus déposés.
C'est ainsi que l'os membraneux de la tête devient l'expression de forces formatrices qui ont agi dans le passé.

Il en est tout autrement de la formation de l'os long (articulaire), par exemple au niveau du col du fémur et du
bassin. La forme est d'abord disposer sous la forme de cartilage (le foetus possède déjà tous ses os longs en
"modèle réduit", composés uniquement de cartilage. N.D.T.). Lorsque sous l'effet du mouvement apparaissent
des forces de charges, la substance cartilagineuse est dissoute de l'intérieur par le bourgeonnement de capillaires
sanguins et remplacée par un tissu de cellules sécrétant la matrice osseuse (ostéoblastes).

On parle de remodelage de l'os (ou remplacement de l'ossification). Un caractère saillant de ce remplacement est
la formation d'un tissu fibreux à l'intérieur de l'os que l'on
désigne par spongiosa (ou matrice osseuse). On a
schématiquement représenté sur l'illustration ci-dessus le tracé
des lignes de la spongiosa sur la coupe d'un os du col du fémur
et des os du bassin.8 Le tracé des fibres osseuses correspond
exactement aux lignes des forces pesantes qui ont agi. La
capacité de remodeler cette structure fibreuse, en vue
d'équilibrer les exigences des forces de charges se maintient
pendant toute la vie. Lorsque quelqu'un est cloué au lit pendant
plusieurs semaines, une grande partie de la spongiosa est
dissoute. Le danger d'une augmentation de la fragilité osseuse se
présente alors, quand, après sa guérison le malade se remet sur
ses jambes; les forces de charge pèsent à nouveau sur les os. En
s'appuyant progressivement sur ses jambes et au moyen
d'exercice quotidien, le convalescent stimule la formation de la
spongiosa. Il se passe quelque chose de similaire, lorsqu'on
décide de pratiquer une nouvelle activité. Elle doit être exercé
progressivement et la réponse physiologique aboutira à
remodeler la structure de la matrice osseuse en fonction de
cette nouvelle activité. Même lorsque quelqu'un se met à suivre une nouvelle mode et qu'il augmente
considérablement la hauteur du talon de ses chaussures, il doit tout d'abord admettre qu'en dépit de la mode, les
chaussures sont d'abord inconfortables. Ce n'est qu'au bout de quatre semaines d'exercice quotidien qu'on
s'habitue à ses nouvelles chaussures. Pendant ce temps, la structure fibreuse des os a été transformée.

Avec ces exemples, on veut simplement montrer que l'exercice de la volonté humaine tournée vers l'avenir,
intervient jusqu'au sein de l'édification interne du corps et peut faire naître un changement au moyen de
processus de dissolution et de reconstruction. Cela indique la disposition de l'être humain par principe à
continuer d'évoluer. Cette évolution sera d'autant plus possible que l'espace de liberté issu de l’équilibre entre les
deux processus naturels, le durcissement et la dissolution, pourra être maintenu en l'homme.

Au sens de la tentation luciférienne et ahrimanienne, il existe de ce fait deux dangers qui saisissent le psychisme
et le spirituel en l'homme et qui peuvent agir jusqu'à l'intérieur de la corporéité. Du point de vue corporel, ce sont
les maladies à tendance durcissante (sclérose) et à tendance dissolvante (inflammation). La tendance au
durcissement prédomine d'une manière naturelle dans la vieillesse. Elle est l'expression de forces agissant depuis
le passé.

Pour éviter tout malentendu, on doit attirer l'attention ici sur la difficulté de compréhension suivante. L'activité
des forces ahrimaniennes est caractérisée aussi comme apportant quelque chose de prématuré, c'est-à-dire
comme une anticipation de processus formateurs. Cela apparaît contradictoire avec l'affirmation que le
durcissement ahrimanien a été exposé ici comme étant orienté vers le passé. On peut cependant le comprendre
si on réfléchit que l'effet maladif d'Ahrimane provoque une sclérose accrue dès l'âge moyen, ou bien même dès la
jeunesse. C'est alors que le processus, qui est normal dans la vieillesse, apparaît justement par anticipation, c'est-
à-dire que la vieillesse a été anticipée. Des forces formatrices sont cependant actives qui tendent à un
achèvement et dont l'activité ne doit être placée que dans le passé.

La tendance à l'inflammation peut être vue pareillement. Lorsque l'individualité humaine forme et appréhende
son corps, elle utilise le moyen des maladies inflammatoires pour individualiser ce corps. Cela est normal dans
l'enfance. Mais lorsque les processus de l'enfance continuent d'agir trop avant dans le vieillissement, ils peuvent
aboutir à de dangereuses évolutions de maladies. La continuation de processus, qui étaient justifiés dans le
passé, c'est un geste luciférien. Les processus de dégradation et de dissolution sont par principe actifs en rendant
possible une évolution future.

Nous voyons l'être humain tendu entre ces deux processus et nous reconnaissons aussi la nécessité de maintenir
un équilibre. Une possibilité d'évolution apparaît de ce fait qui veut attirer l'attention sur l'événement de Pâques.

La représentation artistique de l'imagination pascale

Si on doit exprimer par l'art ce qui se déroule dans l'être humain et dans la nature à Pâques, on doit aussi bien
exprimer le façonnement de la tête, ou de la plante respectivement, que l'effet dissolvant et régénérateur du
domaine des échanges métaboliques, ou de l'animal respectivement. Ceci se produit de deux manières: l'une par
une sculpture exprimant l'événement, l'autre, en représentant celui-ci comme un drame.

Le groupe sculpté que Rudolf Steiner a conçu et élaboré, met paradoxalement le processus en évidence. C'est
sous forme de relief plastique que les conséquences de la tentation luciférienne et ahrimanienne de l'être humain
sont représentées. On voit d'une part, du côté luciférien, la dissolution et le ramollissement du corps, mais la
volonté de faire l'expérience de soi est aussi exprimée. D'autre part, du côté ahrimanien, c'est la sclérose et
l'enchaînement de l'être humain à la terre qui est représenté. Le Représentant de l'humanité, au centre, apporte
l'équilibre entre la formation à partir du passé et exprime la possibilité de saisir l'avenir. Il en résulte un espace
libre, un centre-coeur vivant dans le présent. Le représentant de l'humanité est représenté comme une sculpture
entière se dressant librement. Nous voyons la tête, formée depuis le passé, dans une beauté idéalisée et les
membres dans la pleine maîtrise de l'attitude des doigts. La position de la jambe droite, avec le pied qui s'avance,
exprime la victoire sur la pesanteur. Et si le regard a saisi la direction du processus exprimée par la tête, et celle
manifestée par les membres, il tombe sur la poitrine libre, imposante et lumineuse. Plus on observe longuement
cette sculpture, plus ce domaine du représentant de l'humanité (la poitrine) s'agrandit et se libère. Avec la
formation de la tête, il remédie à la tendance luciférienne dissolvante, qui est de rendre l'incarnation inutile, et
surmonte la pesanteur et la solidité de la terre avec ses membres. Il se tient devant nous dans la plénitude du but.
Cela nous montre que le Christ s'est fait homme et que ses actes sont porteurs d'avenir.

L'imagination de Pâques a été ainsi représentée sous la forme d'une sculpture. Mais elle ne peut plus réellement
être transformée, en tant que sculpture. C'est pourquoi Pâques ne reçoit pleinement son expression imaginative
qu'à partir du moment où, devant la sculpture, on représente un drame. Le contenu de ce drame doit être la
manière dont Raphaël instruit l'être humain sur les forces de santé qui sont inhérentes aux substances. Il montre
pour cela comment la matière peut être comprise à partir des processus qui lui ont donné naissance. Il indique
que le processus sulfure repose à la base de la formation de dioxyde de carbone qui s'est formé par les processus
de dégradations, et que les processus de solidification et d'organisation dans la formation du sel calcaire, ont été
provoqués par le processus sel.10 Tandis que dans le drame, qui se déroule de manière événementielle, on
enseigne sur les forces de santé de la substance parvenue à un état de repos, une sculpture se trouve à l'arrière-
plan qui représente maintenant précisément l'événement du processus dans lequel les substances salutaires
peuvent intervenir.

C'est ainsi que l'imagination de Pâques, en tant qu'oeuvre artistique, exprime l'incarnation du Christ, avec la
nécessité de la mort, et ses actes avec leur vertu de la résurrection. Nous faisons cette expérience chaque
printemps, lorsque nous suivons la trace des processus formateurs des plantes qui fleurissent et des processus de
dissolution et de renouvellement dans le sol et le règne animal. Dans ces expériences vécues, nous pouvons
remarquer l'activité de l'Archange Raphaël en nous.

Remerciement: Je suis redevable au travail de Matthias Woernle et Thomas Gôbel pour les indications sur la
formation osseuse chez l'être humain; pour plus de détails voir les notes 8 et 9.

Das GoetheanumWochenschrift für AnthroposophieN° 1, 7 avril 1996


(Traduction Daniel Kmiécik)

Notes:
1 C. Morgenstern: Les chatons du saule; recueil de poésies II, Poèmes pour enfant, vol. 16, p.10. Bâle, 1978.
2 Rudolf Steiner: conférence du 7 octobre 1923, L'Imagination de Pâques; Quatre imaginations cosmiques, la vie
de l'âme dans sa participation au cours de l'année, GA 229, p. 50-66. Triades, 1984.
3 R.A. Berner, A.C. Lasage: Simulation du cycle du carbone géothermique; Spectrum der Wissenschaft, p.54-61, Mai
1989 (non traduit).
4 Füchtbauer, H.: Sédiments et roches sédimentaires; p.233 et suiv., Stuttgart 1988.
5 Simon M.: Processus vivants dans l'élément aqueux – Processus d'édification et de dégradation dans le lac de
Constance, en tant que reflets des saisons; Elemente des Naturwissenschaft, 40 (1), p.6-19, 1984 (non traduit).
6 Rudolf Steiner: conférence du 25 août 1913; Les Mystères du Seuil, GA 147, p.33-60, EAR, 1980.
7 Rudolf Steiner: conférence du 16 novembre 1922; Rapports spirituels dans la formation de l'organisme humain,
GA 218, p.148. Dornach, 1992 (non traduit).
8 Göbel, Th.: À propos de la formation du crâne de l'homme; Annuaire Tycho de Brahe pour le goethéanisme,
p.200-254, Niefern-Öschelbronn, 1984 (non traduit).
9 Woernle, M.: Caractéristiques de la formation osseuse chez l'homme dans Schad, W. (éditeur): Goetheanistische
Naturwissenschaft – Anthropologie, Vol. 4, p.30-50. Stuttgart, 1985 (non traduit).
10 Scheffler, A.: Processus sel, mercure et sulfure – À propos de l'imagination de Nöel; Das Goetheanum, N°37/38,
1995 (traduit).
Les processus or et argent
L'imagination de la Saint Jean d'été

Prendre part à la vie de la saison d'été, voilà qui ne nous donne pas beaucoup de peine. Nous recherchons la
chaleur et la lumière, prenons du plaisir à nous baigner, ou bien nous partons à la découverte de beaux paysages.
C'est à peine si, à une autre saison, l'être humain est plus directement relié aux processus de la nature qu'en été.
Cette participation peut-elle être élevée au-delà de la simple jouissance? Est-il possible de considérer les processus
de la nature de façon à ce qu'ils aient une signification morale pour l'être humain? Les réponses à de telles
questions se trouvent dans le sens profond des fêtes cardinales et des jours de fête de ce moment de l'année.

La Pentecôte, la Saint Jean et la fête du solstice d'été font partie des temps forts de l'été. Avec le solstice d'été, la
stimulation qu'exercent la lumière et la chaleur sur l'être humain atteint une culmination, si bien que les
Européens du Nord, en tout cas, fêtent ce moment avec joie et exubérance. On chante et on danse toute la nuit,
avant que la nature ne repasse progressivement dans l'obscurcissement et la froidure des jours plus courts. La
commémoration de Jean le Baptiste, le 24 juin, nous remémore, d'une part, Celui qui précéda et annonça la
venue du Christ, et d'autre part on sait, par l'Évangile de Jean, que Jean-Baptiste a pour la première fois fait
l'expérience de la transformation qui intervint entre les anciennes et les nouvelles formes d'initiation.1 La
Pentecôte est la fête du Saint Esprit qui se répand sur les Apôtres et les envoie de par le monde pour prêcher le
Christianisme. La confusion des langages, qui régnait auparavant, est surmontée par la Pentecôte. La Pentecôte
passe pour la fête de la Trinité, celle du Père, du Fils et du Saint Esprit. Pourquoi ces contenus spirituels, en
général si difficilement compréhensibles, nous sont-ils donnés en partage justement au cœur de l'été?

Au plus fort de l'été, nous contemplons le monde des plantes, qui vient juste de traverser sa période de pleine
croissance depuis le printemps. Les céréales ensemencées sont en floraison, les herbages sont déjà fauchés, après
ou pendant la floraison. Toutes les espèces de fleurs estivales se sont somptueusement développées et il en est
de même pour les insectes et tous les petits animaux. Des jeunes ont été élevés et la seconde couvée a eu lieu, ou
bien elle est en cours. L'humidité des sols se dégage dans l'atmosphère, si bien qu'ils apparaissent desséchés et
fendillés. L'air chaud s'est abondamment chargé d'une humidité qui se révèle le matin par une abondante rosée.
Si on considère le sol d'une prairie fraîchement coupée et qui vient de donner une récolte de foin, il semble
lessivé et poussiéreux. Le soleil a atteint son point culminant, si bien que par des jours de promenade, il nous
brûle la nuque. Par les nuits plus courtes, le ciel étoilé nous laisse moins d'impression que pendant l'hiver.

Mais pourquoi donc ces trois jours de fêtes cités ci-dessus font-ils justement partie d'une saison dans laquelle se
déroule ce processus? Qu'il soit question de supprimer le lundi de Pentecôte, cela montre déjà qu'il y a une perte
de la compréhension de cette fête; la Saint Jean n'est pas un jour de fête général, en tout cas; et sur quoi repose
le sens profond du solstice d'été? Une réponse à ces questions se trouve dans les considérations de Rudolf Steiner
sur les fêtes cardinales. Dans les imaginations de la Saint Jean2, il donne deux directions qui doivent être prises en
conscience. De cette manière, il doit donc être possible de concevoir la relation entre la fête cardinale chrétienne
et la saison. Mais la réflexion à mener est plus difficile que pour les autres moments de l'année. Il est nécessaire
de l'aborder sur un plan plus spirituel, ce à quoi l'être humain, qui s'appuie plutôt sur le sens de la vision est
moins apte à en saisir l'essentiel que celui qui s'appuie sur le sens de l'audition. Dans cette mesure, la réflexion
est inspiratrice.

Les deux directions se tournent vers les "profondeurs" et vers les "hauteurs". Pour suivre le "regard inspiratif dans
les profondeurs", nous ne devons pas pénétrer trop profondément dans la terre, pour autant que l'on considère
spatialement ce geste, mais rechercher l'événement estival présent qui se déroule dans le sol humifère. De même
pour le "regard correspondant dirigé vers les hauteurs", on ne doit pas aller trop loin. Les processus estivaux ont
lieu dans les parties éclairées de la plante et dans l'atmosphère qui l'environne. Considérons donc d'abord les
processus du sol humifère.

Le sol humifère – Équilibre des éléments

L'illustration 1b représente l'horizon d'un sol de terre arable fertile, tel qu'il s'en forme dans les sols de steppes à
base de loess.3 En Allemagne, on trouve de la terre arable dans la région agricole fertile de Magdebourg et la
zone de Hildesheim. Elle pourrait représenter aussi un bon sol de terre brune, bien entretenue. Ce qui est
essentiel pour un sol de ce type, sombre, fertile et meuble, c'est le mélange intensif de la partie supérieure du sol
avec la partie inférieure par la richesse des petits animaux qui y vivent. Ces sols hébergent beaucoup de vers de
terre. Des petits mammifères fouisseurs s'y activent aussi, en ramenant les couches profondes du sol en surface,
et participent au "retournement" ("bêchage") de la terre. À l'inverse, les vers de terre entraînent de la matière
végétale dans leurs galeries, dans lesquelles elle peut mieux pourrir. Les précipitations sont en général équilibrées
en rapport avec le taux d'évaporation, si bien que le sol est humidifié alternativement de bas en haut et de haut
en bas. Des périodes sèches alternes avec des périodes humides. On arrive ainsi à ce que la formation de couches
distinctes soit évitée. Un sol relativement homogène, formée d'une terre fertile et d'une couleur brune, sombre à
noire, se présente ainsi jusqu'à 60 cm de profondeur.

Une relation harmonieuse entre la roche, l'eau, l'aération et la chaleur du sol est requise pour sa formation. La
roche a pour tâche de donner une structure solide, de former pour ainsi dire le squelette du sol. Si elle est trop
ferme, c'est à dire incapable de gonfler, ou trop grossière, les autres éléments ne peuvent plus s'y maintenir, en
particulier l'humidité. Si elle est trop molle, le sol tend à former du Gley, c'est-à-dire qu'il prend une texture de
bouillie, coule et devient argileux en gardant trop fortement l'eau, ou bien encore, il forme des crevasses
importantes en se desséchant. Il en est de même en ce qui concerne l'importance de l'eau, de l'air et de la chaleur
dans ce phénomène: trop ou trop peu d'influence de l'un ou de l'autre mène à l'infertilité du sol. C'est l'échange
rythmique qui est favorable. On peut facilement se
représenter cela en détail. Il faut encore ne mentionner
ne serait-ce qu'un aspect de la chaleur. C'est étonnant
que l'humanité se soit laissé entraîner à l'utilisation de
sels, sous la forme d'engrais minéraux solubles à l'échelle
mondiale, et ait renoncé à la poussée végétative qui
repose à la base du réchauffement printanier du sol par la
dégradation microbienne des substances organiques. Car,
par la fumure à base de compost, on ne rend pas
seulement au sol des substances telles que l'azote, le
phosphore et la potasse, mais aussi des substances
organiques qui sont dégradées durant le réchauffement.
On utilise pourtant cela depuis longtemps dans la
technique des couches.
Cette indication nous apprend que pour former un sol fertile, les états solide, liquide, gazeux des substances et la
chaleur doivent se trouver en équilibre harmonieux. Comment la dysharmonie mène si facilement à l'infertilité,
c'est ce que vont nous montrer deux exemples tirés de la pédologie (sciences des sols).3

Sols podzoliques et sols à croûte calcaire: la dysharmonie conduit à l'infertilité

Les sols sableux du nord de l'Allemagne supportent une relativement grande quantité de précipitations et
présentent peu de capacité de rétention de l'eau. C'est la raison pour laquelle ils subissent fréquemment un
lessivage des minéraux solubles de la couche supérieure du sol. Un horizon blafard ou cendreux (podzol veut dire
"sols cendreux" en russe; N.D.T.), blanc comme neige, se forme ainsi sous une couche organique végétale peu
décomposée (voir l'illustration 1a, le sol podzolisé). Le milieu devient plus acide et la décomposition des
substances végétales est entravée. Au-dessus de l'horizon cendreux, se forme une couche d'humus brut (ou mor)
qui est peu dégradé. Au-dessous de l'horizon cendreux, il se produit une précipitation des minéraux lessivés, en
particulier des combinaisons de la silice et des hydroxydes de fer et d'aluminium, si bien que les grains de quartz
sont cimentés et forment une couche de concrétion de 30 cm environ. Pour les plantes qui s'enracinent plus
profondément, cette couche est impénétrable, si bien que ces sols (à horizon spodique, N.D.T.) ne peuvent
nourrir que des arbres aux racines superficielles tels que les bouleaux. Un paysage de lande à bruyère peu fertile
en surgit. Si l'évolution se poursuit plus loin, les mousses se développent et supplantent les autres plantes, par
leur prolifération et l'acidification croissante, et forment finalement des zones marécageuses à fagnes, ou
tourbières de montagnes. Au lieu que les substances minérale et végétale se mélangent intimement dans le sol
humifère, on en arrive à une formation unilatérale de substance végétale qui s'accumule simplement et reste
incomplètement décomposée en donnant finalement la tourbe.

La situation contraire se présente lorsque, sous l'effet de précipitations extrêmement rares, l'évaporation de l'eau
du sol prédomine. Par exemple les sols à croûte calcaire placés sur un fond granitique des régions prédésertiques
(voir 1c). Dans la zone de désagrégation du granit, le feldspath se dissout d'abord, puis le mica. Le quartz reste sur
place sous forme de sable. Par le dioxyde de carbone présent dans l'air, du calcaire se forme à partir du calcium
dissous et sédimente en formant, avec le sable, une croûte épaisse. Au-dessus de cette croûte, repose une couche
de sable d'environ 5 cm sur laquelle une couche végétale herbeuse clairsemée peut s'installer.

Il est frappant que dans ces deux cas, plusieurs couches horizontales strictement délimitées se forment. Cela ne
fait que souligner l'existence d'un équilibre dynamique constant dans un sol humifère fertile. Des oppositions
entre les substances des plantes décomposées et celles provenant de la dissolution des minéraux, sont
équilibrées (ou résolues) par la présence des substances humiques. On doit traiter ce point de vue par la suite.
Mais il faut d'abord souligner que les quatre règnes naturels, le minéral, le végétal, l'animal et aussi l'humain, par
les soins culturaux, contribuent à la formation du sol. Dans le domaine minéral, les conditions doivent aussi être
équilibrées. Du sable quartzeux pur (les dunes) ne donnera jamais un bon sol de culture, tandis que le lœss et la
lave, très riches en substances minérales, formeront un bon substrat de culture. Cela vaut aussi pour la plante.
Les monocultures sont souvent des causes de déséquilibre du sol. La multiplicité de la flore qui couvre le sol le
stabilise en même temps. Cela vaut aussi pour la faune qui vit sur ce sol; là aussi la multiplicité des espèces est
plutôt un facteur d'équilibre sanitaire, tandis que la prolifération d'une espèce unique agit toujours en
provoquant des dommages. Ce qui est évident pour les règnes naturels, vaut aussi naturellement pour les soins
prodigués au sol par l'être humain. Pendant des siècles, une structure de sol fertile s'est développée en Europe
sous l'effet stabilisateur du rythme de l'assolement triennal. Là aussi on retrouve le principe de l'équilibre et de
l'échange rythmique. Avec un travail du sol purement et simplement basé sur le profit, on observe dans notre
siècle un dépérissement accéléré des substances essentielles du sol formant l'humus au sens étroit du terme.
Cette évolution nouvelle doit être examinée de plus près dans ce qui suit.
La formation de l'humus

On a mentionné ci-dessus que l'humus se forme dans le sol à partir des matières végétales en décomposition et
des matières minérales; il apparaît ainsi comme une nouvelle substance dans le sol. Suivons d'abord la
transformation de la pierre vive qui peut être caractérisée comme un phénomène primaire. Dans le cas du granit,
il s'agit du feldspath, du mica et du quartz. Par l'action des lichens, des algues, des micro-organismes et des
racines des plantes avec leurs symbiotes, le feldspath, puis le mica, sont dissous et transférés dans un état
colloïdal. Aussi bien le dioxyde de silicium (quartz pur) que l'oxyde d'aluminium (alumine) sont des substances de
base remarquables pour la formation de colloïdes (kolla en grec veut dire colle). On peut se représenter ce
processus de la manière suivante: la silice finement divisée peut passer dans un état colloïdal sous l'effet des
bases, comme le potassium et la soude, libérées par la désagrégation du feldspath. Tant que le milieu reste
légèrement basique, ces "solutions siliceuses" se présentent sous la forme de colloïdes. Dans des conditions
acides, par contre, l'acide silicique passe d'abord dans un état de gel stable qui tend ensuite à cristalliser. Dans les
conditions naturelles du sol, les silicates ne cristallisent qu'en partie.4 L'autre partie s'échange entre les états
gélatineux et colloïdal dissous qui se trouvent encore tous les deux entre l'état solide et l'élément liquide. L'image
d'un équilibre surgit de nouveau.

Comment la substance siliceuse peut passer à un état colloïdal, on peut le mettre en évidence par l'expérience
suivante. Le silicate de soude est un sel basique sodique fort de l'acide silicique. On le conserve à l'état de solution
visqueuse diluée à environ 30% dans le commerce. Si on le dilue pour obtenir une solution de 3 à 5% dans l'eau et
qu'ensuite on ajoute de l'acide citrique ou tartrique solide, alors la solution, précédemment très fluide, passe à
l'état de gel. De la même manière que cette solution est gélatineuse, bien que finement divisée (puisqu'il s'agit
d'une solution de silicate de soude d'à peine 3 à 5% seulement! N.D.T.), on peut se représenter une partie de la
solution de silicate dans le sol dans le même état gélatineux.

Il en est de même avec les substances organiques qui se décomposent dans le sol. Des acides humiques
apparaissent d'abord en solutions diluées colloïdales et peuvent ensuite floculer. Il suffit pour cela de se rappeler
la coloration brune, couleur de thé, des ruisseaux des régions marécageuses.

Le silicate faiblement basique et les acides humiques se combinent, en se stabilisant l'un l'autre, sous la forme
d'un complexe coloré en marron foncé: la substance humique. Dans les sols fertiles, la part d'humus peut
atteindre 5%. Ces colloïdes finement divisés ont une surface d'échange prodigieuse sur laquelle des minéraux et
des substances organiques peuvent se lier par absorption. C'est-à-dire que ces substances sont retenues pour un
moment, mais peuvent aussi être rendues aux plantes et aux organismes présents dans le sol. Et c'est dans cet
échange entre la rétention et la mise à disposition que repose précisément la fécondité de la substance humique.

La tendance à la cristallisation dans le sol

Lorsque la chaleur pénètre le sol au printemps, les plantes germent, sortent de terre, et retirent de la substance
humique les éléments nécessaires à la vie en particulier l'azote, le phosphore et le potassium. Pour cela, elles
sécrètent en échange des acides à l'extrémité de leurs racines. Cette tendance à l'acidification mène à la
cristallisation de l'argile colloïdale, d'où résulte l'argile secondaire. Dans le cas d'un sol fertile ce mica à triple
feuillets est toujours capable de se gonfler d'eau, par exemple les montmorillonites (voir la note du traducteur
sur les argiles). Le type d'agrégat de l'argile secondaire dépend de la phytosociologie (la richesse et le type de
plantes présentes) et en particulier des soins culturaux prodigués au sol. Malgré toutes les tendances
rééquilibrantes, ces équilibres délicats se laissent détériorer si bien qu'au lieu de la formation du précieux mica
triple feuillets, il peut apparaître du mica double feuillets. Ceux-ci gonflent sensiblement moins et révèlent moins
d'attraction pour les solutions colloïdales diluées. Si ce processus se poursuit, on peut en arriver aux dépôts de
terre à porcelaine ou kaolin. Sous des conditions bien déterminées, ce mica est charrié par les eaux et se dépose
dans les dépressions sous la forme de couche de kaolin de plusieurs mètres d'épaisseur. Mais les sols
s’appauvrissent.

La tendance à la cristallisation de l'argile secondaire apparaît aussi chaque printemps avec la croissance des
plantes pour culminer au plus fort de l'été. La teneur en humus et l'état d'agrégation de l'argile secondaire,
constituent une expression immédiate de la qualité du sol et avec cela aussi, des soins culturaux. Si la formation
d'humus est détruite, on en arrive à une cristallisation irréversible. Finalement cette différenciation du matériau
aboutit à une moindre fécondité, qui résulte des actions de l'être humain sur le sol.

L'exhortation d'Uriel

Ce qui vient d'être exposé doit être étayé par une expérience plus large: lorsque le regard atteint l'arête
supérieure d'une paroi rocheuse de 50 m de haut située dans une carrière, on peut remarquer avec étonnement,
que la terre brune du sol de la prairie n'est reconnaissable que par la présence d'une ligne mince. Quelques
plantes peuvent encore s'élever à l'arrière-plan, mais l'atmosphère s'étend au-dessus d'elles sur des kilomètres
d'épaisseur, et sous la fine couche d'humus, la roche s'empile sur des kilomètres de profondeur. Toute la vie sur
terre dépend de cette couche de 30 à 40 cm de sol humifère. Les plantes s'y enracinent et relient les substances
de la terre avec la lumière qui l'entoure. Tous les autres êtres vivants n'ont que la substance végétale comme
ressource alimentaire. La dépendance de la nature vis-à-vis du sol humifère n'existe pas seulement en tant que
telle, le sol humifère, lui-même, est le résultat des effets de la nature et des règnes naturels, comme on l'a
mentionné. Les forces périphériques aussi, les rayons de chaleur, la lumière, les forces chimiques et vivantes
agissent sur le sol par les plantes. La terre humifère est donc le point de revirement de l'univers. Est-ce donc si
étonnant que tout acte ait une influence sur le sol humifère? Toute réelle façon d'un objet, toute transformation
chimique, tout transport doit être "digérés" par la terre d'une façon ou d'une autre. Les conséquences de ces
actes agissent finalement sur le sol humifère (y compris la zone éclairée des mers). Certes, il se peut que l'acte
individuel d'un homme nous semble minime, mais cela reste néanmoins valable: Tout acte laisse derrière lui un
résultat, qui agit sur le sol humifère ou dans la sphère de l'eau. Nous pouvons donc lire dans la bonne qualité du
sol, de l'eau, de l'air les effets des actes de l'être humain – et sous le signe de la crise écologique actuelle, ce n'est
même pas remis en question. Ces effets se déposent dans la cristallisation de la substance solide, même si les
changements ont d'abord eu lieu dans l'air et l'eau. C'est ce que remarque le regard qui plonge dans les
profondeurs. C'est comme si quelqu'un, développant une haute conscience, sérieuse et exhortante, se trouvait
derrière l'être humain pour lui indiquer inexorablement les conséquences de ses actes. Parce que cela peut être
vécu dans le processus de formation du sol humifère en été, l'événement qui a lieu est d'une nature beaucoup
plus spirituelle que si une matière s'était formée ou une forme avait pris naissance. Tout ce passe comme si l'on
devait tendre l'oreille et saisir la continuité intérieure des actes. La force spirituelle, ou bien l'entité selon le cas,
qui dirige le regard sur l'expérience intérieure de ce moment est désignée sous le nom d'Uriel dans l'imagination
de la Saint Jean. Le jugement prononcé sur les actes humains devient possible, si la conscience écologique est
développée, c'est-à-dire si on sait comment les processus de l'ordre de la nature doivent se dérouler
conformément à ces actes. Cette conscience correspond à la conscience d'Uriel, qui considère les effets des actes
humains d'un regard sévère et exhortant.
La transformation de la substance sous l'effet de la lumière

La seconde direction de formation de l'imagination de la Saint Jean nous fait regarder vers les hauteurs. Mais pas
très loin, comme nous l'avons dit, simplement là où l'environnement agit sur les processus vivants de la plante.
Les plantes tirent les matières terrestres du sol, de l'eau et de l'air et les transforment avec l'énergie lumineuse en
substances organiques. Les plus importants des éléments chimiques qui forment les substances organiques sont:
le carbone, l'azote, l'hydrogène et l'oxygène et aussi le phosphore et le soufre. Ce sont les éléments qui
constituent les protéines, parmi lesquels le phosphore et le soufre ont surtout une importance dans l'activation
des processus chimiques (enzymatiques), tandis que les quatre autres sont les éléments constitutifs de base des
protéines. On peut approcher la qualité de ces éléments quand on tente de se représenter tout ce qui ne serait
plus possible si l'un de ces éléments chimiques venait à manquer. Commençons cette réflexion par le carbone

Le carbone

La vie développe ses processus physiologiques sur la base du carbone. Le carbone est la substance fondamentale
de toutes les combinaisons chimiques organiques, il forme le canevas de la vie. Les deux substances végétales les
plus courantes sont la cellulose et le bois. Tous les deux collaborent à la formation de la stature d'une plante,
comme le treillis d'acier dans le béton en architecture. La cellulose forme des fibres résistantes à la traction qui
permettent, avec la pression d'eau intracellulaire d'abord, que la plante molle, encore en croissance, ait une
forme. Quand la plante se sclérose ensuite, le bois (la lignine) se dépose entre les fibres de cellulose, si bien que le
tissu durcit et la forme est maintenue indépendamment des processus vivants. Lorsque de telles parties de la
plante sont desséchées et pyrolisées, c'est-à-dire soumises à une combustion à l'abri de l'air jusqu'à
l'incandescence, la forme subsiste à l'état de carbone pur. Toutes les structures que la plante a formées
auparavant se révèlent, si bien qu'il est possible de reconnaître dans le charbon de bois l'espèce qui l'a produit.

On devine donc ce que la carbone accomplit dans le processus vivant: il donne à la vie la possibilité d'apparaître
dans l'espace et la matière. Autrement dit: le carbone est le contrefort où viennent buter les forces formant la
matière vivante. Il est important que cela ne reste pas au niveau de la représentation intellectuelle, mais soit
vraiment saisi au niveau de la volonté, à savoir que l'organisation vivante de la plante accueille, avec la lumière,
les forces de l'environnement, qui trouvent une expression à travers l'édifice de carbone.

Les propriétés physiques du carbone se comprennent à partir de cette caractérisation. Il est connu qu'il apparaît
sous plusieurs formes: la houille, la suie, le graphite, le diamant et d'autres. Ceux-ci réunissent quelques
propriétés extrêmes parmi les éléments chimiques: la carbone a le point de fusion le plus élevé, c'est la
substance la plus dure du monde, en même temps qu'il possède l'indice de réfraction le plus élevé. La suie est
fabriquée par tonnes pour produire de l'encre d'imprimerie, c'est la substance la plus obscure du monde. Rien ne
peut donner de meilleures possibilités d'apparition des forces de vie cosmiques sur la terre que le carbone, qui
peut être aussi noir, solide et dur.

L'hydrogène

L'hydrogène forme une polarité avec le carbone. Dans la photolyse, la plante scinde l'eau en hydrogène et
oxygène en prenant l'énergie dans la lumière. Tandis que l'oxygène est relâché dans l'atmosphère, l'hydrogène
est utilisé comme réducteur de toutes les autres substances organiques contenant de l'oxygène, que la plante
synthétise à partir des éléments minéraux. Le dioxyde de carbone, les sulfates et les nitrate sont libérés par
l'oxygène et les phosphates sont rendus moins riches en oxygène à l'aide du pouvoir réducteur de l'hydrogène. Il
en résulte que les substances végétales sont de nouveau capables de réagir avec l'oxygène et donc de devenir
combustibles. Lors de la combustion, la chaleur, qui a été prise à l'environnement pour la formation des
substances réductrices, est de nouveau libérée. La chaleur du cosmos devient de ce fait disponible
matériellement par le fait que de grandes quantités d'eau sont désagrégées et qu'il en naît de l'oxygène
inflammable combiné à d'autres substances organiques. Par la physiologie de la respiration, 8/12ème de
l'échange énergétique est apporté au moyen de la formation d'eau. Donc – considéré d'une manière conforme à
la volonté – aucun autre élément que l'hydrogène n'est un meilleur contrefort pour les forces de chaleur
provenant de la périphérie.

Les propriétés physiques de l'hydrogène sont aussi appropriées à cela. Parmi tous les éléments chimiques, c'est le
plus léger et le plus volatil. Son inflammabilité (il suffit d'évoquer la catastrophe du dirigeable Hindenburg le 6 mai
1937 à Lakehurst (USA), pour en être convaincu! N.D.T.) et son caractère détonnant lorsqu'il se combine à
l'oxygène sont généralement connus. Il n'existe que très peu de matière que l'hydrogène ne soit pas capable de
traverser. Même les récipients métalliques sont lentement traversés. Enfin, l'hydrogène est réparti partout dans
le milieu interstellaire. Produit par les processus vivant, sa nature se révèle donc.

L'oxygène et l'azote

Pendant toute la journée, l'énergie lumineuse est emmagasinée directement par le phosphore dans les feuilles
vertes des plantes (photo-phosphorylation). L'adénosine triphosphate (ATP) qui en naît, représente la monnaie
générale d'échanges énergétiques, avec laquelle les processus sont activés. En absence de lumière, l'oxygène la
remplace, si bien que par oxydation de l'hydrogène de la substance végétale, de l'adénosine triphosphate est
formée. On appelle cette réaction une phosphorylation oxydative par laquelle tous les organismes qui respirent
se procurent leur énergie métabolique. Comme on l'a déjà mentionné lors de la formation de l'hydrogène, la
formation de l'oxygène est une conséquence de l'action de la lumière sur la feuille verte. Cet oxygène qui provient
de l'excédent de lumière, c'est-à-dire de la lumière qui n'est pas utilisée pour la photo-phosphorylation, peut
ensuite reprendre la fonction de la lumière lorsque la plante est dans l'obscurité. Dans ce sens, l'oxygène est le
contrefort de l'activité des forces lumineuses sur le vivant.

Dans le domaine physiologique, l'azote n'apparaît avant tout que lorsque des substances protéiques et des acides
nucléiques sont formés. La fonction acide d'une substance organique lui est donnée par l'oxygène (exemple de la
fonction acide des acides aminés, N.D.T.). Elle est neutralisée dans les protéines par la fonction azotée basique
(fonction amine des acides aminés, N.D.T.), la combinaison des deux fonctions donne la fonction amide, unité de
base répétitive, ou liaison peptidique, du squelette peptidique des protéines. C'est de cette manière que la
multiplicité des réactions acide-base, sensiblement influençables, se déroulent dans la vie. La complète variabilité
des protéines, dans leur dépendance par rapport aux conditions du milieu, n'est possible qu'au travers de l'azote.
De même l'échange entre le repos physiologique des acides nucléiques et des protéines, et leur activation peut
aussi être dirigé par des modifications du milieu. La liaison peptidique, qui assemble les acides aminés entre eux
pour former les chaînes protéiques, n'est ni trop stable, ni trop labile. Elle est suffisamment stable pour
permettre aux protéines de se conformer correctement et d'exercer leurs fonctions déterminées. Mais elle est
suffisamment labile pour être rapidement hydrolysée par les enzymes qui dégradent les protéines. C'est pourquoi
les protéines de régulation n'ont qu'une demi-vie très courte, de quelques minutes à une heure.

L'azote peut agir non seulement dans la formation de la fonction basique (fonction amine), mais aussi par la
formation de la fonction acide. Sous la forme de l'acide nitrique, il forme un acide fort; dans l'ammoniac, une base
relativement forte. Dans l'acide nitrique, l'azote est à son état d'oxydation maximale (nombre d'oxydation +5).
Dans l'ammoniac, il se trouve à son état de réduction maximale (nombre d'oxydation -3). On peut seulement
indiquer ici que tous les niveaux d'oxydation intermédiaires ne sont pas insignifiants. Le gaz hilarant (NO2), qui
entraîne une perte de connaissance, et l'oxyde d'azote (NO) qui agit physiologiquement comme une hormone, en
constituent des exemples. Si on prend encore en compte que l'azote de l'air est particulièrement inerte, alors que
les azotures (sels de l'acide azothydrique HN3) de métaux lourds (par exemple l'azoture d'argent, AgN3) sont des
fulminants avec libération d'azote, au contraire, on ne fait qu'indiquer toutes les possibilités principales de
réactions chimiques avec l'azote. Si l'organisation vivante veut agir chimiquement, selon une gradation fine, elle
ne peut pas le faire avec un meilleur partenaire que l'azote. Sous cette acception, le contrefort des forces
chimiques de l'environnement, c'est l'azote.

L'alchimie des substances dans l'organisation vivante

Récapitulons encore une fois ce qui vient d'être dit. Naturellement, chaque espèce végétale a une organisation
vivante spécifique qui s'exprime jusqu'au niveau de la substance héréditaire. Celle-ci agit constamment avec les
protéines et elle est formée pareillement de carbone, d'azote, d'oxygène, d'hydrogène, de phosphore.
L'organisation vivante qui agit dans l'espace et le temps, et l'apparition de la substance héréditaire et des
protéines, sont indissociables. Nous devons la concevoir comme une organisation au sens le plus vrai du mot.
Nous pouvons alors voir ensuite que cette organisation dépasse les propriétés des substances qui sont absorbées
par une plante, et qu'elle peut les relier aux qualités de l'environnement de cette plante. La forme agit dans
l'élément solide, le chimisme dans l'élément liquide, et l’élément gazeux dans la lumière. La chaleur forme la
transition. Nous comprenons mieux les quatre éléments constitutifs des protéines, lorsque nous les concevons au
niveau de la volonté, en les considérants comme des contreforts sur lesquels viennent s'appuyer les quatre sortes
d'éthers. Lorsque le carbone, l'hydrogène, l'oxygène et l'azote sont transformés dans une organisation de vie
déterminée, sous l'effet de la périphérie, cela constitue aussi une transformation de ces minéraux terrestres en
un ensemble porteur d'avenir. Car la substance végétale est l'aliment de tous les autres êtres vivants.

Par le regard inspiratif, nous saisissons donc la manière dont les forces des hauteurs sont absorbées par la plante
et la transformation de substances, résultats de processus passés, en substances qui portent potentiellement en
elles un avenir. C'est de l'alchimie. Ce qui est exprimé d'une manière imaginative dans l'élément feu de la
périphérie, et agit dans les couleurs rouge-or, c'est la volonté qui peut agir dans l'avenir. L'organisation de vie
forme le milieu, c'est-à-dire les forces du Fils. Ce milieu relie et révèle l'activité spirituelle de la Mère substance
(passé) et celle du Père esprit (avenir). Ainsi pouvons-nous reconnaître, dans la plante complètement formée au
plus fort de l'été, la bonne qualité du sol et la manière dont les forces périphériques peuvent être accueillies par
la plante. Saisir la vie et la prospérité du monde végétal au plus fort de l'été, cela veut dire former l'imagination
de la Saint Jean (on ne peut s'empêcher de penser ici au moment où Rudolf Steiner donna les huit conférences de
Koberwitz qui donnèrent naissance à la biodynamie, quelques jours avant la Saint Jean 1924, N.D.T.).

Dans l'imagination de la Saint Jean, Rudolf Steiner caractérise les processus d'avenir qui agissent sur la terre avec
la lumière solaire comme le processus or. Les phénomènes de cristallisation dans le sol, qui reflètent les actes des
êtres humains, il les désigne comme la marque du processus argent. Comment comprendre ces deux
désignations, c'est ce à quoi nous occuper pour terminer.

À propos du processus or

Des métaux précieux comme l'or et l'argent se laissent facilement transférer à l'état de sel métallique. Avec de
l'eau régale, un mélange d'acide chlorhydrique et d'acide nitrique, l'or peut être dissous. Si on évapore cette
solution, on obtient finalement un sel très hygroscopique, le chlorure d'or (et de sodium, ou encore chloro-aurate
de sodium, Cl3Au, ClNa, 2H2O). L'or métallique peut être très facilement réobtenu à partir d'une solution de ce
sel. Il suffit pour cela d'ajouter de faibles réducteurs tels que l'acide citrique ou le glucose. En tout cas, on
n'obtient pas tout de suite des grumeaux jaunes d'or, mais la plupart du temps une solution rouge d'or colloïdal
appelé le pourpre d'or de Cassius. (20 centigrammes de chlorure d'or et de sodium réduits à chaud par une
solution d'acide oxalique, peuvent fournir 98 mg environ d'or métallique sec, N.D.T.). Ce qui est décisif pour notre
propos, c'est la manière dont le phénomène prend naissance. On peut observer ce qui suit: dans une éprouvette
très propre, on ajoute dans un litre d'eau distillée 10 ml d'une solution de chlorure d'or à 1 p. cent (10 g/l) et 40
ml de solution de citrate de sodium à 1 p. cent. Au moment où le citrate de sodium est ajouté à la solution
faiblement jaunâtre de chlorure d'or, la couleur jaune disparaît. On obtient un complexe incolore de citrate d'or.
Sous ébullition douce, on aperçoit, après environ 3 à 4 minutes, une première lueur bleu-gris. Celle-ci prend une
teinte douce bleu-violet avant de s'intensifier et passer au rouge-violet et au rouge pourpre, jusqu’à atteindre
presque le rouge cinabre. L’ensemble du phénomène requiert tout juste une demi-heure, pendant laquelle toutes
les nuances de la couleur "fleur de pêcher" sont parcourues. Si on a travaillé proprement et qu'on a gardé la
solution stérile, l'or colloïdal est stable et d'une coloration stable à la lumière. Avec un agent stabilisateur de
colloïde, on peut récupérer l'or colloïdal sous la forme d'une poudre rouge. Si on incorpore cette poudre à du
verre en fusion, on obtient du verre rouge rubis. C’est de cette manière qu'ont été colorés les vitraux du
Goetheanum.

Un changement de teinte analogue à celui que nous venons de décrire pour l'or se produit à la naissance de l'être
humain. Dans le corps de la mère, l'enfant possède encore une hémoglobine (pigment respiratoire rouge du sang)
qui peut lier très fortement l'oxygène. L'approvisionnement global de l'oxygène est assuré par le sang de la mère,
si bien que le fœtus prospère plutôt dans un milieu veineux. C'est la raison pour laquelle les enfants nouveau-nés
ont une couleur un peu bleuâtre au moment de la naissance. Les poumons s'ouvrent avec les premiers cris, et
sont intensément irrigués par le sang et celui-ci entre en contact direct avec l'oxygène de l'air et se colore en
rouge vif. Dans l'espace de quelques minutes, l'enfant prend une couleur rose lumineuse. C'est ainsi que chaque
être humain parcourt à la naissance les nuances de l'incarnat, ou de la couleur fleur de pêcher. Quelques jours
après la naissance, l'hémoglobine fœtale est remplacée par une autre hémoglobine liant moins l'oxygène.
L'oxygène peut être plus facilement délivré aux différents tissus du corps et ceux-ci peuvent être exposés plus
facilement aux forces terrestres.

Avec la naissance, l'être humain entre dans la vie terrestre, c'est-à-dire qu'il se soumet aux conditions lui
permettant de former une nouvelle destinée. Les forces de l'avenir, dont nous avons reconnu l'action dans la
lumière solaire, peuvent devenir effectives au travers de sa volonté. Sommes-nous en droit de caractériser aussi
ce processus solaire comme un processus or, tel que nous l'avons observé dans le phénomène de formation de
la solution d'or? Pour ce faire, il faut encore signaler ce qui suit. L'or apparaît sous la couleur fleur de pêcher
lorsqu'il est transféré de l'état dissous à l'état de solution métallique (mais finement colloïdal). Si on lamine
pourtant une tôle d'or jusqu'à en faire une feuille mince, au point que la lumière peut la traverser, la couleur
verte apparaît. Le développement de l'incarnat de l'enfant nouveau-né, se comporte d'une manière polaire à la
chlorophylle des feuilles du végétal.

Considérons les résultats d'une expérience. On observe une fente claire située entre deux zones obscures au
travers d'un prisme. Sur un bord de la fente, du pôle sombre au pôle clair, apparaissent successivement les
couleurs rouge, orange et jaune. Sur l'autre bord, du clair à l'obscure, nous suivons le bleu foncé, le bleu acier et
le violet. Si la fente est suffisamment réduite, le jaune et le bleu foncé, situés au milieu, peuvent se superposer et
donner le vert. Si une fente obscure est suffisamment réduite, on peut obtenir – vue au travers du prisme – la
superposition du rouge et du violet qui donne la couleur fleur de pêcher.

C'est là un symbole de ce qui suit: quand la lumière s'empare de l'obscurité, la couleur fleur de pêcher apparaît. Si
l'obscurité se glisse dans la lumière, on trouve le vert. Lorsque l'esprit de l'être humain s'empare du sang, nous
avons l'incarnat. Lorsque le carbone s'oppose à la lumière, nous avons le vert de la feuille. Mais dans les deux cas
la lumière agit dans la direction de l'avenir. Les processus colorés de la solution d'or colloïdal et de la feuille d'or
traversée par la lumière nous en donnent un symbole.

À propos du processus argent

Lorsqu'on transfert l'argent à l'état de solution métallique, et que l'on procède d'une manière semblable à celle
de la formation du pourpre d'or, en le réduisant, on obtient un miroir d'argent. Dans le détail, cela se produit de
la manière suivante: dans une éprouvette parfaitement propre (dégraissée!), on dissout un petit cristal de nitrate
d'argent d’environ 20 mg dans 10 à 15 ml d'eau distillée. On ajoute ensuite autant d'une solution ammoniacale à
0,5% qu'il est nécessaire pour dissoudre le précipité qui ne manque pas de se former. On obtient alors un
complexe d'argento-diamine incolore. On ajoute alors une pointe de spatule de glucose et on agite jusqu'à
dissolution complète. On place ensuite l'éprouvette dans un bain thermostaté à 80°C. En un temps très court, le
verre baigné par la solution devient opaque et reflète soudain la lumière environnante. La plupart des miroirs que
nous utilisons sont fabriqués de cette façon. Ils rendent au mieux les couleurs et les contours des objets
environnants.

Le phénomène décisif mis en évidence par cette expérience est la disparition soudaine de la transparence et
l'apparition simultanée du miroir. C'est une expérience analogue qui se présente à l'instant de la mort de l'être
humain. Tout incarnat s'échappe du visage du mourant et le visage prend une teinte blanc-cireux Les enfants
décédés ont surtout une couleur de peau presque blanche, argentée comme la lumière lunaire. Chez les défunts
plus âgés, la teinte jaunâtre prédomine. Mais le moment de la mort est aussi le moment du reflet de la vie passée
avec ses actes. Nous pouvons considérer l'instant de la mort comme un processus argent, en polarité avec le
processus or qui se déroule à l'instant de la naissance. – Au niveau du sol terrestre, ce phénomène se révèle aux
dépôts des argiles secondaires qui renvoient aux conséquences des actes de l'être humain. Homme (Humanus) et
humus (Humus) ont à juste titre la même racine commune (que l'on découvre spontanément en français! N.D.T.).

Dans la nature estivale, nous voyons aux feuilles des plantes comment "l'argent" et "l'or" sont transformés de
manière alchimique. Le processus argent du passé et le processus or de l'avenir agissent aussi dans l'être humain.
Rudolf Steiner le formule avec ces mots5: "De la même manière que la lune nous renvoie à notre passé, le soleil
nous renvoie vers l'avenir. Et nous jetons ainsi le regard sur les deux astres, celui du jour et celui de la nuit, et
nous regardons au-delà la parenté de ces deux astres car ils nous envoient ici-bas la même lumière. Et nous
regardons en nous, nous contemplons tout ce qui s'est tissé dans notre destinée par tout ce que nous avons fait
dans le passé, en tant qu'êtres humains, et nous découvrons notre monde lunaire intérieur dans tout ce passé qui
a tissé la trame de notre destin. Et nous découvrons ce qui apparaît présentement et décide de notre destinée,
l'élément solaire, pas seulement ce qui agit dans l'instant présent, mais ce qui agit vers l'avenir (Rudolf Steiner
n'emploie pas ici le datif pour signaler "vers l'avenir" mais l'accusatif, il s'agit donc d'un changement de lieu, c'est-
à-dire du présent vers l'avenir et non dans l'avenir, N.D.T.). Et nous voyons comment le passé et l'avenir tissent la
trame de la destinée humaine."

La participation active à la vie estivale peut donc porter notre sagesse écologique à la parole. Une parole que tout
homme peut comprendre, de quelque nation qu'il soit et où qu'il vive sur la terre. Mais cela requiert une
perception inspirative qui est apparue pour la première fois dans la nouvelle initiation expérimentée pour la
première fois par Jean. L'expression artistique du processus de la Saint Jean doit en conséquence se dérouler
complètement dans le temps: dans l'élément musical et dramatique avec la succession des décors théâtraux aux
teintes animées – peut-être une métamorphose du solstice conforme à la dimension temporelle de l'événement.

Das Goetheanum Wochenschrift für Anthroposophie, N°12, 23 juin 1996


(Traduction Daniel Kmiécik)
Notes
1 Rudolf Steiner: conférence du 22 mai 1908, dans: L'Évangile de Saint Jean, GA 103. Éditions Triades.
2 Rudolf Steiner: conférence du 12 octobre 1923: L'imagination de la Saint Jean dans: La vie de l'âme dans sa
participation au cours de l'année; Quatre imaginations cosmiques, GA 229, p. 67-80, Éditions Triades.
3 E. Münchenhausen: La science du sol; tableau 12, 15, 23, DLG-Verlag, Frankfort 1975.
4 E. A. Niederbudde: L'alumine; dans H. P. Blume et Coll. (Éditeurs): Manuel de pédologie, Ch.2.1.4.1. ecomed,
Landsberg/Lech 1996.
5 Rudolf Steiner: conférence du 27 janvier 1924, dans: Anthroposophie – une récapitulation de 21 ans, GA 234,
p.50-51, Rudolf Steiner Verlag, Dornach 1981 (non traduit).

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