Vous êtes sur la page 1sur 24

UNIVERSITE DU BURUNDI

FACULTE D‟AGRONOMIE ET DE BIO-INGENIERIE

2, AVENUE DE L‟UNESCO

2940 BUJUMBURA1

Introduction à la théorie des jeux


SER 2308

Syllabus de cours destiné aux étudiants de deuxièmes années de Baccalauréat


(BACII) à la Faculté d‟Agronomie et de Bio-Ingénierie (FABI), Département de
Socio-Economie Rurale (SER)

Titulaire du Cours : Dr.Ir. NIMENYA Nicodème, Economiste Agricole

Année académique : 2016-2017

1
Téléphone : (257) 22 43 57 / 21 87 43 ; Fax : (257) 24 75 30
FICHE SIGNALETIQUE DU COURS
NOM DE L‟UE : COMPLEMENTS D‟ECONOMIE & DE GESTION
NOM DE L‟ECUE : INTRODUCTION A LA THEORIE DES JEUX (20-10-0-20)
ENSEIGNANT: Dr. Ir. Nicodème NIMENYA, Chargé de cours
PROCESSUS PARAMETRES DESCRIPTION
Thème MICROECONOMIE
Objectif général Connaitre les fonctions objectif des agents
économiques et les interactions stratégiques qu‟ils
entretiennent entre eux. Ce cours est constitué des
compléments de microéconomie qui n‟ont pas pu
être abordés dans le cours de Principes de
microéconomie. Il s‟intéresse particulièrement à
l‟introduction à la théorie des jeux ou la nouvelle
microéconomie. Contrairement à la théorie
néoclassique, le prix n‟est plus une donnée fixe et
exogène aux processus de prise de décision des
agents économiques mais plutôt une donnée
endogène qui résulte de leurs interactions
stratégiques
Pré-requis Introduction à l‟Economie politique,
Mathématiques générales, Mathématiques
appliquées à l‟économie
Elaboration Objectifs spécifiques - Comprendre le jeu et l‟enjeu des interactions
entre acteurs
- Conceptualiser les situations d‟interactions
stratégiques entre agents économiques
- Modéliser les situations d‟interactions stratégiques
relativement simples
- Déterminer la situation optimale pour chacun des
acteurs impliqués et dégager une situation
d‟équilibre
Conditions générales 30 heures, 2 crédits
Bref contenu du cours - Jeux coopératifs et non coopératifs
- Jeux simultanés (statiques) et jeux
séquentiels (dynamiques)
- Jeux finis
- Jeux à somme nulle et jeux à somme non
nulle
- Représentation des jeux (forme normale et
forme extensive)
- Concepts de solution et équilibre de Nash

i
FICHE SIGNALETIQUE DU COURS (SUITE & FIN)
PROCESSUS PARAMETRE DESCRIPTION
Références 1 – Cahuc Pierre (1998). La nouvelle
bibliographiques microéconomie. Editions La Découverte
3 – Guerrien Bernard. (2010). La théorie des
jeux. Ed. Economica
4 – Ferrier Olivier. (2003). Maths pour
économistes – L‟analyse en économie. Vol.2
Les fonctions de plusieurs variables.
5 – Thisse, J.F. (2004). La théorie des jeux :
une introduction
6 – Varian Hal R. (2008). Analyse
microéconomique, 2ème édition. Ouvertures
Economiques Ed. de boeck.
7 – Varian Hal R. (2003). Introduction à la
microéconomie, 5ème édition. Ouvertures
économiques, Ed. de boeck
8 – Varian Hal R., Bergstrom, Theodore C.
(2003). Exercices de microéconomie. Tome 1.
Notions fondamentales
9 – Yildzoglu Murat (2012). Introduction à la
microéconomie. Université Paul Cézanne

Informations Syllabus, cours magistral, projections power point.


Activités Exercices à domicile
Intervention Déroulement 20h de cours magistral (dispensées à raison de 4h
par séance) et 10h de travaux dirigés
Productions Exercices, rapports des travaux en groupes
Motivation La théorie des jeux est une branche qui permet de
comprendre diverses situations de la vie
économique à travers lesquelles les agents
anticipent les actions entreprises par leurs
concurrents afin d‟entreprendre les leurs. C‟est le
cas de la théorie des organisations en concurrence
parfaite ou imparfaite, du commerce international
et de la certification de la qualité, des accords
commerciaux, etc.).
Interactions -Questions/réponses (Enseignant/étudiant)
Approbation Evaluation Un examen théorique et pratique écrit

ii
Chapitre 1 – Introduction

1.1. De la microéconomie traditionnelle à la nouvelle microéconomie

Le cours sur les Principes de microéconomie (SER 2304) est ancré sur l‟ancienne théorie
microéconomique. Le père des sciences économiques modernes, en l‟occurrence Adam Smith, à
travers le principe de la « main invisible » suggère que la poursuite d‟intérêts égoïstes devait
conduire à la réalisation de l‟intérêt général.2 Ce défenseur du libéralisme économique soutient
que l‟égoïsme n‟est pas nécessairement néfaste, car l‟individu égoïste est « conduit par une main
invisible pour faire avancer une fin qui ne fait point partie de son intention. Et ce n‟est pas toujours
le pire pour la société qu‟elle n‟en fît point partie. En poursuivant son propre intérêt il fait souvent
avancer celui de la société plus efficacement que s‟il y visait vraiment ».3

L‟apport essentiel de la microéconomie traditionnelle a été d‟exploiter l‟intuition d‟Adam Smith


dans un cadre formalisé en utilisant des outils mathématiques. Ce type de formalisation a permis
de définir des hypothèses nécessaires pour que l‟échange marchand soit un mode efficace
d‟allocation des ressources. Les individus ont intérêt à participer à l‟échange marchand et non pas
à rester dans une situation d‟autarcie. Ce principe est cependant valable dans une situation
particulière de l‟organisation de l‟échange marchand appelée concurrence pure et parfaite4. La
concurrence pure et parfaite est sans conteste le cadre de référence de la microéconomie
traditionnelle. Certains économistes, d‟inspiration libérale, soutiennent que l‟économie
fonctionnerait efficacement, selon une logique de concurrence pure et parfaite, si l‟Etat
n‟intervenait pas dans les relations marchandes et se limitait à assurer ses fonctions régaliennes.
Cependant, la parfaite efficacité des mécanismes concurrentiels, socle de la microéconomie
traditionnelle ou théorie du libéralisme économique, loin d‟être la règle, elle constitue souvent
l‟exception. C‟est ainsi que la nouvelle microéconomie voit sa naissance sur base de critiques faites
aux hypothèses de la théorie microéconomique traditionnelle. L‟ancienne théorie
microéconomique représente des situations d‟isolement stratégique : les décisions individuelles

2
Ce n‟est pas de la bienveillance du boucher, du boulanger ou du marchand de la bière dont nous attendons notre
diner, mais bien du soin qu‟ils apportent à leurs intérêts (Smith (1776), Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations, p.48)
3
Smith (1776), ibid, p.256
4
A titre de rappel, un marché en concurrence parfaite présente les quatre caractéristiques suivantes : (i) l‟atomicité de
l‟offre et de la demande de façon que le volume des échanges individuels par rapport au volume global soit
négligeable; (ii) l‟homogénéité du produit qui contraint les acheteurs à être indifférents à l‟identité du vendeur; (iii)
libre entrée qui exclut toute forme de collusion ; (iv) la transparence assurée par une information parfaite sur les prix
et la qualité du produit

1
transmises au commissaire-priseur n‟affectent pas directement le bien-être d‟autres individus5.
Supprimer l‟hypothèse d‟atomicité et de commissaire-priseur conduit nécessairement à étudier les
interactions stratégiques qui est l‟objet d‟une branche6 de la nouvelle théorie microéconomique
dénommée « théorie des jeux ». Si l‟étude systématique des problèmes soulevés par les interactions
stratégiques est récente, il existe des travaux déjà anciens ayant étudié de manière relativement
isolée ces problèmes. C‟est le cas de Cournot (1838) et Bertrand (1883) qui ont posé les premiers
jalons d‟une analyse des marchés oligopolistiques. Leurs contributions concernent certes des cas
particuliers mais restent intéressants et c‟est ainsi qu‟une série d‟exercices y sera réservée.

Le seul principe qui n‟est pas remis en cause aussi bien dans l‟ancienne que dans la nouvelle
théorie microéconomique est la rationalité individuelle. En économie, le principe de rationalité
signifie que les individus agissent en utilisant au mieux les ressources dont ils disposent, compte
tenu des contraintes qu‟ils subissent. Cette définition appelle trois commentaires. Primo,
l‟individuel rationnel ou l‟homo oeconomicus, est égoïste ; il tient en en effet uniquement compte
de son propre intérêt. Secundo, l‟individu constitue une unité de décision autonome, c‟est-à-dire
que son comportement n‟est pas déterminé par des habitudes sociales. Enfin, tertio, l‟individu
rationnel est maximisateur, il effectue des choix qui maximisent sa satisfaction.

1.2. La théorie des jeux

La théorie des jeux est une discipline qui doit originellement son nom à l‟intérêt porté par les
mathématiciens aux jeux de société, comme les échecs ou le poker. Par la suite, l‟habitude a été
prise d‟élargir la notion de jeu à diverses situations ayant trait à la vie en société où la situation de
chacun dépend plus ou moins de celles des autres. Ainsi, la version anglaise adoptée par
Wikipédia explique que « la théorie des jeux cherche à mettre sous forme mathématique les
comportements des situations stratégiques, où le gain découlant des choix d‟un individu dépend
aussi des choix opérés par d‟autres individus».

Selon Thisse (2004), la théorie des jeux est la discipline mathématique qui étudie les situations où
le sort de chaque participant dépend non seulement des décisions qu‟il prend mais également des
décisions prises par d‟autres participants. En conséquence, le choix “optimal” pour un participant
dépend généralement de ce que font les autres. Parce que chacun n‟est pas totalement maıtre de
son sort, on dit que les participants se trouvent en situation d‟interaction stratégique. Le mot
stratégie vient du grec ancien où il désignait les actions prises par un chef militaire en campagne. Il

5
En vertu de l‟hypothèse d‟atomicité adoptée de la concurrence parfaire
6
L‟autre branche de cette nouvelle théorie microéconomique est l‟ « économie de l‟information » qui étudie les
comportements des agents confrontés a des problèmes d‟acquisition d‟information. Nous aborderons partiellement
cette problématique dans l‟analyse des jeux en information incomplète.

2
a gardé ce sens. Toutefois son acceptation s‟est élargie pour couvrir des situations moins
belliqueuses, mais dans lesquelles persiste l‟idée de conflit. Si les ressources sont rares, il y a
obligatoirement conflit sur la manière de les répartir. Des lors, on peut voir les marchés comme
des jeux où les participants sont des producteurs et des consommateurs. Plus généralement, une
partie d‟échecs, la formation d‟une coalition gouvernementale ou une négociation au sein de
l‟OMC sont autant de jeux différents obéissant à des règles spécifiques. Les jeux peuvent donc
d‟écrire des situations sociales très différentes. En effet la théorie des jeux permet de décrire et
d‟analyser de nombreuses économiques et sociales (politique de prix d‟un monopole qui fait face à
une menace d‟entrée d‟un autre acteur, proposition de prix pour un marché public, concours
d‟entrée dans un cycle de formation académique, participation à des élections pluralistes, etc. )
sous la forme de jeux stratégiques.

Cet outil d‟analyse des comportements humains a connu un essor considérable depuis l‟apparition
de l‟ouvrage de Von Neumann et Morgenstern « The theory of games and economic behaviour »
en 1944.7 Bien sûr, il y eut des précurseurs; parmi les principaux, il faut citer Cournot, Bertrand et
Edgeworth. Toutefois, c‟est depuis la publication du livre de von Neumann et Morgenstern que
la théorie des jeux est véritablement considérée comme une nouvelle discipline. Cournot (1838) et
Bertrand (1883) ont certes posé les premiers jalons d‟une analyse des marchés oligopolistiques qui
restent cependant une solution dans le cas particulier d‟un jeu ou le gain d‟un joueur correspond
exactement à la perte subie par l‟autre (jeu à somme nulle ou duel). Nous illustrerons leurs
contributions à travers des exercices. Le jeu d‟échecs est un exemple de jeu où l‟antagonisme entre
joueurs est ainsi poussé à l‟ extrême. Les cas d‟application en économie sont rares. En 1951, Nash
a montré comment les idées développées par Cournot dès 1838 pouvaient servir de base pour
construire une théorie de l‟équilibre non coopératif pour des jeux a somme variable, qui généralise
la solution proposée par von Neumann et Morgenstern.

Les applications de ce concept à l‟économie se sont multipliées à partir des années 70 et 80. C‟est
en économie industrielle que l‟intérêt de ce concept est apparu avec le plus de force parce qu‟il
permet d‟étudier des situations de concurrence imparfaite ou les entreprises adoptent des
comportements stratégiques. Le concept de cœur, anticipé par Edgeworth en 1881, a été
systématisé par Gillies en 1953 et appliqué à la théorie de l‟équilibre général dans les années 60 et
70.8

7
John Von Neuman et Oskar Morgenstern sont les premiers à avoir appliqué la théorie des jeux à l‟économie. Von
Neumann (1903-1957) était mathématicien de l‟Institute of Advanced Study à Princeton, et Morgenstern (1902-1977)
un économiste de l‟Université de Princeton.
8
Un excellent survol de ces contributions est donne par Jean Gabszewicz, “Théorie du noyau et de la concurrence
imparfaite”, Recherches Economiques de Louvain, vol. 36, 21-37, 1970.

3
Dans tous les cas de figure, les différentes définitions et appréhensions de divers auteurs établissent
un lien entre „théorie des jeux » et les « mathématiques », le prestige de la théorie des jeux
provenant en grande partie de sa présentation en tant que branche des mathématiques. Celle-ci ne
peut toutefois se contenter de vagues allusions aux « interactions stratégiques ». Pour tirer profit
des techniques mathématiques, les situations étudiées doivent pouvoir être décrites dans des
modèles qui ne font appel qu‟aux objets propres à cette discipline à savoir, les nombres, les
ensembles, les fonctions, les relations d‟ordre, etc.

Le reste de ce syllabus est organisé comme suit. Le deuxième chapitre est consacré aux généralités
sur les jeux. Nous déduirons de la définition du jeu, la notion de jeu stratégique. Apres avoir défini
ce qu‟un jeu (chapitre 2), le cours passe successivement en revue différents types de jeux, en
l‟occurrence les jeux coopératifs et non coopératifs (chapitre 3), les jeux simultanés et jeux
séquentiels (chapitre 4), les jeux finis (chapitre 5) ; jeux à somme nulle et jeux a somme variable
(chapitre 6). Cette typologie de jeux s‟accompagnera d‟une représentation des jeux (forme normale
et forme extensive) qui fera l‟objet du chapitre 7. Le cours se termine par les concepts de solution
et équilibre de Nash qui feront objet du chapitre 8. Ce dernier chapitre montre en effet que la
théorie des jeux permet de prédire les équilibres d‟un jeu, c‟est-à-dire des états dans lesquels aucun
joueur ne souhaite modifier son comportement compte tenu du comportement des autres joueurs.

Le cours est chaque fois ponctué d‟exercices qui permettent de passer du concept à la
conceptualisation à travers des études de cas allant des formes plus ou moins abstraites a des
applications de la vie économique courante en particulier le comportement économique sur des
marchés oligopolistiques.

4
Chapitre 2 – Le jeu et l‟enjeu

2.1. Qu‟est-ce qu‟un jeu ?

Les théoriciens des jeux utilisent le mot « jeu » pour designer tout modèle comportant au moins les
trois ingrédients suivants :

- Une liste de n individus, appelés joueurs (ils peuvent être des consommateurs, des
producteurs, des états, etc.), ayant pour but de maximiser une fonction-objectif, ou des
gains, chiffrés d‟une façon ou d‟une autre, compte tenu de l‟information dont ils disposent
(condition de rationalité économique);9
- n ensembles, un par joueur, dont les éléments sont appelés stratégies ;
- Une fonction, au sens mathématique, qui fait correspondre à chacune des combinaisons
possibles de stratégies dont disposent les n joueurs une issue du jeu. Cette fonction est
souvent représentée dans les exemples numériques par les valeurs qu‟elle prend à chacune
des issues possibles du jeu, les gains des n joueurs à cette issue.

Chaque joueur dispose donc d‟une boite de stratégies, dont il doit choisir un élément, en sachant
que les autres vont faire de même. Les choix ont lieu simultanément et déterminent une issue du
jeu.
Pour que le jeu soit complètement défini, il faut préciser l‟information dont disposent les
participants. Le cas le plus simple, et le plus courant, est celui où il y a information complète ;
chaque joueur connait toutes les issues possibles du jeu et les caractéristiques des autres (leur
fonction–objectif). Les joueurs disposent ainsi autant d‟information que le modélisateur. Ils
peuvent même se mettre à sa place pour raisonner comme lui, et vice versa.10

Un jeu est donc formé par des joueurs, munis d‟une fonction-objectif et par un ensemble de
règles. Parmi elles, il y a celle qui définit l‟ensemble des choix qu‟un joueur est autorisé à faire,
c‟est-à-dire son ensemble de stratégies. Ainsi, dans le modèle dit « de concurrence parfaite » en
économie, les stratégies des ménages et des entreprises sont des paniers de biens, qu‟ils
demandent ou qu‟ils offrent. En revanche, ils ne sont pas autorisés à proposer des prix, qui sont
choisis par quelqu‟un d‟autre.

9
La recherche du seul intérêt personnel marque la différence entre théorie des jeux et théorie des équipes où les
participants poursuivent par hypothèse un objectif commun.
10
Le cas où il y a information incomplète ne diffère de celui de l‟information complète par le fait que certains éléments
du jeu peuvent prendre plusieurs formes (ou « types ») différentes, connues à l‟avance, auxquelles les joueurs
attribuent des probabilités (qui font partie de leurs croyances a priori).

5
De manière synthétique, les cinq conditions suivantes doivent être remplies pour une description
complète du jeu:

1. Les joueurs disposent des stratégies ou décisions au moyen desquels ils peuvent influencer
l‟issue du jeu ;
2. Il existe des règles claires et connues de tous les joueurs ;
3. Il existe une fonction, définie de manière très générale, qui relie les stratégies de
l‟ensemble des joueurs au gain individuel des joueurs ;
4. Les joueurs cherchent à rendre leurs gains le plus élevé possible
5. L‟information est parfaite.

2.2. Typologie des jeux

Selon la façon dont les joueurs font leurs choix, la nature de l‟information disponible et les gains
obtenus dans les différentes issues du jeu, il est possible de dresser une typologie de jeux les plus
couramment rencontrées.

2.2.1. Jeux coopératifs et jeux non coopératifs

Comme on l‟a vu, la caractéristique essentielle, fondamentale d‟un jeu est que le gain réalisé par un
joueur dépend de ses choix, mais aussi des choix effectués par les autres membres du groupe.
Cette interdépendance stratégique est très différente de l‟interdépendance étudiée au sein du
modèle d‟équilibre général d‟Arrow-Debreu. Dans ce modèle, la totalité des interactions
économiques sont résumées dans le système des prix. Chaque agent économique peut ainsi
effectuer ses choix en prenant ces prix comme données, mais sans se préoccuper de ce que font
les autres agents dont, à la limite, il peut même ignorer l‟existence. En théorie des jeux,
l‟interaction qui relie les joueurs est beaucoup plus complexe. Tout d‟abord, les joueurs se
connaissent (ils savent combien il y a de participants et qui ils sont). Ensuite, ils ne peuvent pas se
contenter de choisir leurs propres plans d‟actions, en négligeant ce que font les autres. Ils doivent
au contraire se faire une idée aussi précise que possible des plans choisis par les autres. Pour cela,
la théorie admet : 1) que chaque joueur s‟efforce de prendre les meilleures décisions pour lui-
même et sait que les autres joueurs font de même, 2) que chacun sait qu‟il en va de même pour
tous les autres et ainsi de suite ad infinitum.

On convient de distinguer entre deux grandes familles de jeux : les jeux coopératifs et les jeux non
coopératifs. Un jeu est coopératif lorsque des joueurs peuvent passer entre eux des accords qui les
lient de manière contraignante (par exemple, sous la forme d‟un contrat qui prévoit une sanction
légale dans le cas du non-respect de l‟accord). On dit alors qu‟ils forment une coalition dont les
membres agissent de concert. Dans le cas contraire, c‟est-à-dire lorsque que les joueurs n‟ont pas la
possibilité de former des coalitions, le jeu est non coopératif.

6
2.2.2. Jeux statiques et jeux répétés

On dit qu‟un jeu est statique (one-shot game) lorsque les joueurs choisissent simultanément leurs
actions et reçoivent ensuite leurs gains respectifs. Dans les jeux statiques, les joueurs ne se
rencontrent qu‟une seule fois et ne participent au jeu qu‟a une seule occasion. Dans les jeux
répétés par contre, la situation est différente étant donné que les mêmes individus répètent le jeu à
plusieurs reprises. Dans ce cas, chaque joueur dispose de nouvelles possibilités stratégiques. Si
l‟autre joueur décide de « déserter » à une occasion, vous pouvez décider de « déserter » au tour
suivant. Vous pouvez des lors « punir » votre adversaire pour son « mauvais » comportement.
Dans un jeu répété, chaque joueur a la possibilité de se bâtir une réputation de coopération et par
conséquent, d‟encourager l‟autre joueur à faire de même. Ce type de stratégies est viable ou pas
selon que le jeu est répété un nombre fixe ou un nombre indéfini de fois.

2.2.3. Jeux simultanés et jeux séquentiels

Dans les jeux simultanés, les joueurs choisissent simultanément leurs stratégies. Ils agissent ainsi de
manière simultanée. Mais dans de nombreuses situations, un joueur doit bouger le premier et
l‟autre répond. Nous verrons ce type de jeu dans le modèle de Stackelberg dans lequel l‟un des
joueurs est un « leader » et l‟autre un « follower ».

2.2.4. Jeux dynamiques en information parfaite et imparfaite

On distingue deux types de jeux dynamiques en information complète. Dans le premier, chaque
joueur connaît l‟ensemble des actions choisies par tous les joueurs qui sont intervenus avant qu‟il
ne sélectionne sa propre action. En d‟autres termes, il est le seul joueur à prendre une décision à
l‟étape considérée. On dit alors qu‟on a un jeu en information parfaite (le jeu d‟échecs est un jeu
en information parfaite). Dans le second, plusieurs joueurs choisissent leurs actions simultanément
à une étape ?????

Dans le second, plusieurs joueurs choisissent leurs actions simultanément à une étape donnée du
jeu. Ces actions ne sont pas connues et chacun des joueurs intervenant à cette étape se comporte
un peu comme dans un jeu statique ; la déférence essentielle réside dans l‟histoire du jeu qui
influence le choix de chacun. Il va sans dire que les premiers jeux sont plus “faciles” à traiter que
les seconds.

2.3. Représentation d‟un jeu

Un jeu peut être défini de deux manières différentes mais équivalentes : stratégique (on dit aussi
normale) et extensive. Un jeu en forme stratégique est une collection de stratégies décrivant les
actions de chaque joueur dans toutes les situations concevables du jeu, ainsi que les gains (payoffs)
7
que chacun obtient lorsque les stratégies de tous les joueurs sont connues. Seules certaines actions
seront effectivement choisies et donc observées, tandis que les stratégies incluent des actions
possibles qui ne sont pas choisies durant le jeu. Un jeu en forme extensive (on dit aussi
développée) est défini par un arbre qui décrit comment le jeu est joué. Plus précisément, chaque
sommet de l‟arbre spécifie le (ou les) joueur(s) qui doit (doivent) choisir une action à ce moment
du jeu ainsi que l‟information dont chaque joueur dispose lors de la prise de décision; les gains
que chaque joueur peut réaliser après avoir suivi un des chemins possibles au sein de l‟arbre sont
donnés aux sommets terminaux. En outre, les évènements possibles et leurs probabilités peuvent
aussi être associes à certains sommets de l‟arbre; la “nature” n‟est pas un joueur, mais elle choisit
aléatoirement certaines actions a des moments particuliers du jeu. Dans un jeu en forme extensive,
une stratégie est une collection de règles décrivant les choix de chaque joueur en fonction de son
information. On peut associer un jeu en forme stratégique à tout jeu en forme extensive en
combinant toutes les stratégies possibles et en évaluant les gains correspondants (on utilise les gains
espérés lorsque la nature intervient dans le déroulement du jeu).

Remarque:

1. Cette description d‟un jeu en forme extensive suppose que les ensembles d‟actions sont finis.
2. La forme extensive permet une description “dynamique” du jeu parce qu‟elle spécifie les
séquences de décisions prises par les joueurs. En revanche, un jeu en forme stratégique est plus
facile à manipuler et est donc plus souvent utilisée dans les applications.
3. L‟arbre d‟un jeu en forme extensive diffère d‟un arbre de décision en théorie de l‟incertitude
parce que plusieurs décideurs y sont associés.

2.4. Définition d‟un jeu en forme stratégique

Les éléments constitutifs d‟un jeu G en forme stratégique sont les suivants:

(1) Un ensemble de joueurs N  1,2,......., n


On suppose que les joueurs sont en nombre fini. Un joueur quelconque est désigné par l‟indice i .
L‟extension au cas d‟une infinité de joueurs ne pose pas de problèmes conceptuels particuliers.

(2) Une stratégie si du joueur i  N


Une stratégie décrit de manière précise tout ce qu‟un joueur fait. Remarquons que si n‟est pas
nécessairement un nombre; ce peut être aussi un vecteur ou une fonction.

(3) L‟ensemble des stratégies S i du joueur i


Cet ensemble définit les stratégies du joueur i . Il va sans dire que si  Si

8
(4) Une issue du jeu notée s  s1 ,...., si ,....., sn   S1  .....  Si  .....Sn  S qui est une
combinaison de stratégies à raison d‟une stratégie par joueur.
On désigne par si  S i l‟ensemble des stratégies choisies par tous les autres joueurs autres que i

(5) La fonction de gain ui s  du joueur i  N


Cette écriture signifie que la “fonction d‟objectif” du joueur ii dépend non seulement de sa
stratégie si , mais aussi de celles des autres joueurs résumées dans si s−i. Le joueur i préfère
l‟issue s à l‟issue s si ui s   ui s . Si ui s   ui s le joueur est indifférent entre les deux issues.

(6) Chaque joueur Chaque joueur connait les ensembles de stratégies et les fonctions de gains
de tous les joueurs, y compris donc les siens.

Du fait de cette dernière hypothèse, on dit que le jeu est en information complète. Dans le cas
contraire, le jeu est dit en information incomplète. Les joueurs ne connaissent certains éléments
constitutifs du jeu qu‟en termes de probabilité; par exemple, le joueur i ne connait pas la fonction
de gain du joueur k mais dispose d‟une distribution de probabilité sur les fonctions possibles.

Un jeu à deux joueurs est à somme nulle si u1 s   u2 s   0 quel que soit le profil de
stratégies s  S . Dans ce cas, les gains d‟un joueur sont égaux aux pertes de l‟autre, de sorte que
l‟on peut dire que les joueurs sont des opposants au sens habituel de ce mot. Au cas contraire,
si u1 s   u2 s   0 , le jeu est dit à somme variable.

2.5. Stratégies et gains

Une stratégie pure est une action, ou un plan d‟actions, qui est choisie par chaque joueur avec
certitude. Cette notion a été étendue à celle de stratégie mixte définie comme une distribution de
probabilité sur l‟ensemble des stratégies pures. D‟un point de vue formel, une stratégie mixte peut
être vue comme une simple généralisation mathématique où l‟on déconcentre la masse-unité entre
plusieurs stratégies pures. En revanche, on peut s‟interroger sur l‟intuition économique qui sous-
tend le concept de stratégie mixte ? Pourquoi un joueur aurait-il recours à un mécanisme aléatoire,
qu‟il choisit, auquel il remet son pouvoir de décision alors qu‟il pourrait choisir directement ?
Cette question sera discutée plus tard.

2.6. Notion d‟équilibre d‟un jeu

Les références à l‟équilibre sont monnaie courante dans les sciences sociales et, tout
particulièrement, en économie. Dans la vie de tous les jours, les équilibres sont généralement
perçus comme des « états aux repos » auxquels parviennent des systèmes en mouvement après
9
avoir subi une perturbation. Il est donc difficile de parler d‟équilibre sans penser l‟équilibre sans
songer à une forme ou une autre de dynamique. Les théoriciens des jeux n‟hésitent pas pourtant
pas à parler d‟équilibre à propos de certaines combinaisons de stratégies de joueurs. Le cas le plus
connu est celui de l‟équilibre de Nash, référence obligée de l‟approche « non coopérative » en
théorie des jeux.

L‟équilibre de Nash est présenté comme une combinaison de stratégies telle que chaque joueur
maximise son gain étant donné les stratégies des autres joueurs. A l‟équilibre de Nash, la stratégie
de chaque joueur est la meilleure réponse aux stratégies des autres. Il ressort de cette conception
que chaque joueur fait son choix après avoir pris connaissance de celui des autres comme le
suggèrent les expressions « étant donné » ou « meilleure réponse à».

L‟équilibre de Nash est la plupart des fois déterminé en stratégies dominantes. Dans pareilles
situations, il convient d‟éliminer les stratégies qu‟un joueur rationnel n‟adoptera jamais.

Exemple 1 : Soit un jeu constitué de deux joueurs A et B. A peut recourir aux stratégies a1 et a2
pendant que les stratégies b1 b2 b3 sont accessibles au joueur B. Les gains des joueurs sont
représentés par un vecteur dont le premier élément donne le gain et le deuxième élément celui de
B. Par exemple, si A choisit a1 et B adopte b2 , alors A gagne 3 pendant que B gagne7.

Tableau 2.1. Exemple 1 de matrice de gains de deux joueurs

Joueur B
b1 b2 b3
a1 (7,5) (3,7) (1,8)
Joueur A
a2 (8,4) (5,3) (2,6)

La stratégie a2 st une stratégie dominante de A. Elle procure en effet au joueur A les gains les plus
élevées quelles que soient les stratégies adoptées par le joueur B. Comme il est rationnel, il
n‟adoptera jamais cette stratégie. De même, b2 et b3 sont des stratégies dominées de B. L‟équilibre
est donc déterminé par l‟issue a2 , b3  qui correspond au gain de 2 pour A et de 6 pour B.

Exemple 2 : Par un jeu d‟élimination par itération de stratégies dominées, déterminez l‟équilibre
de Nash de ce jeu.

10
Tableau 2.2. Exemple 2 de matrice de gains de deux joueurs

Joueur B
b1 b2 b3
a1 (2,4) (3,7) (2,5)
Joueur A a2 (4,6) (6,5) (3,7)
a3 (5,4) (2,3) (4,2)
Ce jeu n‟admet pas de stratégie dominante. En revanche, il comporte des stratégies dominées qu‟il
est possible d‟éliminer de manière itérative. La stratégie a1 est dominée par la stratégie a2 . A ne
choisira pas cette dernière stratégie en vertu de sa rationalité. En raison de l‟hypothèse
d‟information complète, le joueur B le sait ou le prévoit. Dans ce qui reste du tableau après avoir
supprimé la ligne de, la stratégie b2 est dominée par la stratégie b1 . Dans ce qui reste du tableau
sans la ligne a1 et la colonne b2 , la stratégie a3 de A est dominante. Le joueur prévoit tout cela.
L‟équilibre se situe au niveau de l‟issue qui a3 ,b1  correspond au gain de 5 pour A et 4 pour B.

Dans d‟autres cas par contre, il n‟y a pas d‟équilibre en stratégies pures mais plutôt en stratégies
mixtes.

(Voir résolution en classe)

11
Chapitre 3 – Jeux statiques en information complète

3.1. Le dilemme du prisonnier

On dit qu‟un jeu est statique (one-shot game) lorsque les joueurs choisissent simultanément leurs
actions et reçoivent ensuite leurs gains respectifs. Parmi les jeux statiques, les jeux finis a deux
joueurs occupent une place privilégiée parce qu‟ils permettent une présentation simple et
pédagogique des principales questions posées en théorie des jeux. Ils sont décrits sous la forme de
matrices dans lesquelles le premier joueur joue verticalement, c‟est-à-dire choisit une ligne de la
matrice, et le second horizontalement en choisissant une colonne. On parle dans ce cas de jeux
matriciels. Nous allons en étudier quelques exemples au cours de cette section.

Exemple 1: Pour commencer, on considère le jeu qui est sans doute le plus célèbre, à savoir le
dilemme du prisonnier. On suppose que deux suspects sont interrogés séparément par la police
pour une action délictueuse grave. La police ne dispose pas d‟éléments de preuve suffisants pour
obtenir la condamnation des prévenus pour l‟acte dont ils sont accusés. L‟aveu d‟au moins l‟un des
deux est donc indispensable. La police propose à chaque accusé d‟avouer, dans quel cas il sera
relâché. S‟il n‟avoue pas mais que l‟autre le fait, il écope d‟une peine de prison de 15 ans. Si les
deux avouent, ils peuvent espérer bénéficier de circonstances atténuantes et recevoir une peine de
8 ans chacun. Enfin, si aucun des deux n‟avoue, ils seront condamnés pour des délits mineurs à 1
an de prison. La matrice des gains a donc la forme suivante.

Tableau 3.1. – Matrice des gains dans le dilemme du prisonnier

Joueur B
Avoue N‟avoue pas
Avoue (-8,-8) (0,-15)
Joueur A
N‟avoue pas (-15,0) (-1,-1)

On remarque immédiatement qu‟Avouer constitue une stratégie qui conduit toujours à une peine
moins lourde que Ne pas avouer, et ce quel que soit le choix effectuée par l‟autre. Des lors, il
semble naturel de penser que chacun des prévenus va choisir cette stratégie dans l‟intention de
réduire sa peine. Le résultat est qu‟ils vont tous les deux être condamnés à 8 ans de prison, ce qui
constitue malgré tout à une condamnation assez lourde. Dans ce jeu, la stratégie Avouer est
“optimale” puisque, si l‟importance de la condamnation dépend du comportement de l‟autre
prévenu, chaque joueur peut prendre sa décision sans avoir besoin de se faire une idée de ce que
va faire l‟autre.

12
Dans le dilemme du prisonnier, Avouer est une stratégie dominante pour les deux prévenus. Dans
un jeu en forme stratégique, on dit qu‟une stratégie si  Si est dominante pour le joueur si quel
que soit sˆi  Si et si  sˆi nous avons toujours les inégalités suivantes :

ui s, s i   ui sˆi , si  si  S i

Si dans un jeu donné tous les joueurs disposent d‟une stratégie dominante et qu‟ils choisissent
effectivement cette stratégie, le résultat du jeu est appelé équilibre en stratégies dominantes. Dans
le dilemme du prisonnier, le couple (Avouer, Avouer) est un équilibre en stratégies dominantes.

On vient de voir qu‟à l‟équilibre en stratégies dominantes, les prévenus vont subir une peine de 8
ans. Toutefois, s‟ils “coopéraient” en n‟avouant rien, la condamnation qui leur serait appliquée
serait beaucoup plus légère puisqu‟elle serait de 1 an. Ce jeu, malgré sa très grande simplicité, met
en évidence la contradiction qui sous-tend de nombreux conflits, à savoir que les participants
devraient souvent s‟entendre plutôt que de se combattre. (Bien entendu, toute coopération est
exclue dans un jeu à somme nulle. Elle n‟a de sens que dans des jeux à somme variable ou la
coopération permet à tous les participants d‟obtenir des gains plus élevés). Il montre aussi
pourquoi la coopération n‟est pas facile à mettre en œuvre : chaque prévenu est incité à avouer,
c‟est-à-dire dévier unilatéralement de la solution coopérative, ce qui mine la stabilité de la
coopération de l‟intérieur. Nous verrons plus tard que différents mécanismes permettent aux deux
joueurs de ne pas avouer et de sélectionner le résultat coopératif. Disons d‟emblée que “la loi du
silence”, qui conduit à punir sévèrement celui qui accuse un autre, constitue justement un tel
mécanisme. L‟exemple des accusations portées par certains mafiosi contre d‟autres pour réduire
leur propre peine montre cependant les limites de tels mécanismes. Le fait que la Mafia reste
cependant puissante en montre aussi la force.

En outre, la mise en place de mécanisme permettant la coopération devient plus complexe lorsque
le nombre de joueurs est élevé. Si ceux-ci sont des entreprises, on a coutume de penser en théorie
économique que le “marche” est capable d‟assurer cette coordination car on est
vraisemblablement dans un contexte proche du modèle concurrentiel dont on peut, par ailleurs,
montrer que la solution est socialement optimale au sens de Pareto. Les choses se compliquent
singulièrement lorsqu‟il n‟existe pas de marches par ou faire transiter les interdépendances entre
décideurs, comme par exemple dans les problèmes posés par le développement économique.
Certains ont vu dans la planification une manière de résoudre le problème de coordination entre
un grand nombre d‟agents, mais ils ont négligé le rôle central joué par la transmission de
l‟information au sein de vastes structures centralisées.

Exercice : deux joueurs sont invités à mettre dans une tirelire 0 ou 100Fbu. Le montant est
multiplié par 1,5 puis divisée en deux parts égales. Quelle est le choix d‟équilibre?
13
3.2. Processus de dominance successive (deux cochons rationnels)

3.3. Duopole de Antoine Augustin Cournot (28 Aout 1801 – 31 Mars 1877)

Un oligopole est une situation dans laquelle, d‟une part, l‟offre est assurée par un petit nombre de vendeurs
et, d‟autre part, la demande est émise par un grand nombre d‟acheteurs. Le modèle d‟équilibre général
suppose que chaque vendeur prend le prix comme une donnée. Or il existe de nombreux cas dans lequel
ce n‟est pas possible. Par exemple, lorsqu‟un petit nombre de vendeurs est présent sur le marché, ils
peuvent s‟observer mutuellement et s‟ils y trouvent un avantage, pourront effectivement modifier leurs
tarifs. Il est important de comprendre que ceci peut se produire même en l‟absence d‟un accord explicite
entre les producteurs. Il faut alors régler un problème complexe : comment représenter le comportement
d‟une ensemble d‟agents économiques quand l‟action de chacun d‟entre eux a un effet sur les gains des
autres. La première section présente la première application de l‟équilibre de Nash à un problème
d‟économie. Réalisée par Augustin Cournot en 1838, elle consiste à prévoir les quantités qui seront
produites par deux producteurs en concurrence (i.e., reliés par une fonction de demande). Nous passons
ensuite à l‟analyse d‟un nombre quelconque de producteurs, ce qui permet d‟illustrer l‟hypothèse
d‟atomicité utilisée en microéconomie. Nous concluons ce chapitre sur l‟étude du nombre maximum
d‟entreprises viables sur un marché où les entreprises se font concurrence en quantités.

La deuxième section explore une autre dimension de la concurrence : celle de l‟ordre dans lequel les
entreprises prennent leur décision de production. Cette représentation de la concurrence, étudiée par
Heinrich von Stackelberg en 1934, est parfois considérée comme plus réaliste pour étudier l‟entrée des
entreprises sur un marché. Par opposition à l‟oligopole de Cournot, qui suppose une entrée simultanée,
l‟oligopole de Stackelberg suppose une entrée séquentielle des entreprises. Après avoir montré que ce cas
permet également de justifier l‟hypothèse d‟atomicité, nous concluons le chapitre en montrant que le
nombre d‟entreprises viables à l‟oligopole de Stackelberg est toujours plus faible qu‟à l‟oligopole de
Cournot, pour deux marchés identiques.

La troisième section propose d‟explorer une autre variable stratégique que la quantité. Les entreprises
choisissent maintenant leur prix. Cette analyse, défendue à l‟origine par Joseph Bertrand en 1883 dans sa
revue de l‟ouvrage de Cournot, conclut que la tarification se fait au coût marginal. Ce résultat s‟oppose
fortement à celui obtenu par Cournot alors même que les duopoles étudiés sont identiques et que le seul
changement d‟hypothèse semble porter sur le choix du prix comme variable stratégique.

Ce résultat mène au paradoxe de Bertrand qui est étudié dans la quatrième section. Peut-on réconcilier les
deux analyses? Oui, en introduisant le choix des capacités de production des entreprises; intuition
développée par Francis Ysidro Edgeworth en 1897. Alors que les entreprises du duopole de Cournot
s‟engagent sur une quantité et vendent ensuite au prix de marché, les entreprises du duopole de Bertrand
s‟engagent sur un prix et vendent ensuite la quantité qu‟il leur sera demandée sur le marché; or ce dernier
point suppose qu‟elles aient une capacité de production suffisamment grande pour y parvenir, et ce
d‟autant plus que le prix d‟équilibre est faible (i.e., égal au coût marginal). Ceci amène à étudier la question
importante suivante : des entreprises ont-elles réellement intérêt à faire des investissements importants en
capacités de production, alors même que ces grandes capacités entraîneront une guerre des prix? Il faudra
attendre cent ans pour que le problème soit complètement résolu. Un premier pas significatif vers la
résolution sera franchit en 1962 par Richard Levitan et Martin Shubik, sous l‟hypothèse que les capacités de
production des entreprises sont identiques. Enfin, en 1983, David Kreps et Jose Scheinkman montreront
dans le cas général que le résultat d‟un jeu où les entreprises choisissent leurs capacités de production dans
une première étape, puis se font une concurrence en prix (i.e. à la Bertrand) dans une seconde étape,
donne l‟équilibre de Cournot.
14
La cinquième section propose une réponse moins sophistiquée au paradoxe de Bertrand. En fait, dans son
article de 1883, Bertrand indique que les producteurs auraient plutôt intérêt à s‟entendre qu‟à engager une
guerre des prix. Ce chapitre montre que même en l‟absence d‟accord explicite des producteurs, il peut
s‟instaurer une collusion tacite débouchant sur le prix de monopole. Globalement, il suffit de lever
n‟importe qu‟elle hypothèse du duopole de Bertrand pour que l‟on voie disparaître le résultat de
tarification au coût marginal.

3.3.2. Equilibre du duopole de Cournot

Dans son célèbre ouvrage de 1838, Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses,
Augustin Cournot (1801-1877) propose une approche formalisée de divers problèmes économiques. Après
avoir insisté sur l‟importance de la décroissance de la demande (Chapitre IV°-De la loi du débit), Cournot
expose d‟abord la théorie du monopole (chapitre V- Du monopole) et les problèmes de fiscalité qui y sont
associés (chapitre VI). Le problème du duopole est abordé dans le chapitre VII (De la concurrence des
producteurs). Après un exemple introductif avec deux entreprises et sans coût variable, l‟auteur aborde le
cas de N concurrents avec coûts variables. La limite concurrentielle est abordée dans le chapitre VIII (De
la concurrence indéfinie). Enfin, on remarquera le chapitre IX (Du concours des producteurs) qui est
consacré à une variante du problème dit de la « double marge ». Bien que distance de plus de cent
cinquante ans, l‟analyse de Cournot reste valable et à conservé la même forme qu‟aujourd‟hui, en raison de
l‟emploi des mathématiques.

6.1.1. Le duopole

« Pour rendre sensible la conception abstraite du monopole, nous imaginons une source et un propriétaire.
Maintenant, imaginons deux sources, dont les qualités sont identiques, et qui, en raison de la similitude de
leur position, alimentent concurremment le même marché. Dès lors le prix est nécessairement le même
pour l‟un et pour l‟autre. » (op.cit, chap. VII, p.88).

L‟analyse de Cournot se situe dans le cas de deux biens homogènes c‟est-à-dire considérés comme
équivalents du point de vue du consommateur (i. e. des fonctions de demande). Des biens homogènes ne
peuvent être vendus qu‟au même prix.

Plus précisément, l‟équilibre de Cournot est un équilibre de Nash en quantités. Chaque vendeur s‟engage à
fournir une quantité donnée au prix qui s‟établira sur le marché. Le jeu peut être décrit de la manière
suivante :

1. Il ya deux joueurs par i  1,2.


2. Les stratégies des joueurs sont les quantités qu‟ils amènent sur le marché, elles sont
notées qi  Ai   .
3. Les règles du jeu sont les suivantes :
(a) Le prix est déterminé par les quantités selon la fonction de demande
inverse p  a  bq1  q2  .
(b) Les coûts unitaires de production des entreprises sont constants, égaux à ci  0 .
(c) Les entreprises appliquent leurs décisions de production en même temps.
4. Les entreprises maximisent leur profit.
Sous ces hypothèses, le profit du producteur i est donc donné par :
15
 i  a  bqi  qi   ci qi , i =1,2.

La condition du premier ordre de maximisation du profit pour ce producteur est donc donnée par :

 i
a  ci  2bqi  bqi  0 . (6.1)
qi

Et la condition du second ordre :

 i
 2b  0,
qi

Est toujours vérifiée. La relation (4.1) permet donc d‟étudier le comportement du producteur i en fonction
de celui de son concurrent.

On obtient facilement

1
q1   0  q1  a  c1  bq2 . (6.2)
q1 2b

La relation (4.2) définit la fonction de meilleure réponse de réaction du premier producteur, on la note :

 a  c1  bq2 
r1 q2   max 0, .
 2b 

Par un calcul analogue, la fonction de meilleure réponse du second producteur est donnée par :

 2
q2   0  r2 q1   max 0, a  c2  bq1  .
 2  2b 

 
L‟équilibre de Nash de ce jeu en quantités, noté q1C , q2C est obtenu quand les fonctions de meilleure
réponse sont compatibles entre elles, c‟est-à-dire quand :

   
q1C  r1 q1C et q2C  r2 q2C .

Les fonctions de meilleure réponse sont représentées sur le graphique 6.1 ; on trouve l‟équilibre de
Cournot à l‟intersection de ces deux courbes.

Il est aisé de voir sur le graphique cette intersection est unique. Ceci revient à dire qu‟il y a unicité de
l‟équilibre de Nash du jeu en quantités. Ces fnctions de réaction peuvent être interprétées comme un
processus d‟annonces successives entre les deux producteurs, illustré sur le graphique 4.2. Pour cela, nous
supposons que les producteurs ne desservent le marché qu‟une fois que les quantités qu‟ils offrent (de
manière non coopérative) sont sitées sur leurs fonctions de réactions. Si le premier producteur offre une
 
quantité q10 , le second producteur ne maximise son gain que s‟il choisit la quantité q11  r1 q20 . On voit sur

16
le graphique 6.2 que les quantités offertes se rapprochent de l‟équilibre de Cournot. Une fois parvenu en
ce point, aucun producteur n‟a intérêt à modifire son offre. En effet, si le premier producteur annonce une
 
quantité q1C . Le second producteur a intérêt à offrir r2 q1C  q2C , et le premier producteur n‟a plus intérêt
 
à revenir sur son offre puisque, par définition, à l‟équilibre de Cournot, r1 q2c .

Figure 6.1 – Equilibre de Cournot

17
Figure 6.2 – Convergence vers l‟equilibre de Cournot

Lorsque son concurrent augmente la quantité qu‟il offre, le producteur i a intérêt à diminuer sa propre
quantité. En effet, si le concurrent augmente son offre, le prix diminue et le producteur i voit son profit
baisser. Il peut toutefois réduire l‟intensité de cette baisse en réduisant la quantité qu‟il offre. Un équilibre
sera atteint dès que les offres seront compatibles entre elles, c‟est-à-dire dès que les entreprises ne pourront
plus augmenter leur profit en déviant de la quantité qu‟elles. Dans le cas d‟une industrie composée de deux
entreprises, le problème à résoudre est la satisfaction simultanée des conditions de maximisation des
entreprises :

2q1C  q2C  a  c1  b
 C
q1  2q2C  a  c2 

Le point ainsi défini est bien un équilibre car il implique les deuxentreprises ne pourront pas augmenter
 
leurs profits en offrant d‟autresquantités que q1C , q1C . La définition du système est donnée par :

a  c1  / b 1

C a  c1  / b 2 a  2c1  c2
q  
1 2 1 3b

1 2

18
1 a  c1  / b
C 2 a  c1  / b a  c1  2c 2
q  
2 2 1 3b

1 2

Le prix d‟équilibre est donné par :

a  c1  c2

p C  a  b q1C  q2C   3
,

Et les profits d‟équilibre par :

1C 
1
a  2c1  c2 2 et  C2  1 a  c1  2c2 
9b 9b

Les quantités obtenues possèdent les propriétés suivantes :

1. Les deux entreprises produisent alors même qu‟il y en a une qui possède un coût de production
plus élevé que l‟autre ;
2. Le producteur le plus efficace est celui qui produit le plus. On a
q1C  q2C  c2  c1  b . Donc si c1  c2 , le premier producteur produit plus que son concurrent ;

3. Le producteur le plus efficace réalise le profit le plus élevé. On a


1   1 
  p  c1 q  p  c2 q  p  c2 q  
C C C C
 c
1  C
 c
2
C
2 . La première inégalité s‟obtient en
remarquant que c1  c2  p C  c1  p C  c2 et la seconde inégalité résulté de q1C  q2C .
La perte sèche du duopole provient d‟un prix différent du coût marginal. Mais quel coût marginal ?
Le plus faible, car c‟est avec ce coût marginal que la production est la plus efficace. Pour garder
deux producteurs avec une production publique, il faut donc impérativement que c1  c2  c .
Dans le cas contraire, une seule entreprise réaliserait la production et l‟on se trouverait face au
problème du monopole déjà étudié. Ici, la production privée est possible alors même qu‟une
entreprise est moins efficace que l‟autre. Sans perte de généralité, on pose c2  c1   ,   0 , de
sorte que les entreprises sont classées par ordre d‟efficacité décroissante. A l‟optimum social seul le
premier producteur produit car il est le plus efficace, et il produit obligatoirement au coût
marginale le plus faible, c1 . En conséquence :

a  c1
p*  c1 et q * 
b

En duopole, on a :

a  2c1   2a  c1   
pC  et Q C  q1C  q2C  .
3 3b
19
La perte de quantité est égale à :

a  c1  
q*  Q C   0.
3b

L‟écart est croissant avec l‟inefficacité de la seconde entreprise. En termes relatifs, la perte est égale à :

q*  Q C 1    1
 1     33% .
q *
3  a  c1  3

La perte sèche peut également être évaluée facilement grâce à la linéarité de la fonction inverse de
demande :

 
1 C
2

p  P* q *  Q C 

=
1
a  c1   2 .
9b

Elle croît avec l‟inefficacité de la seconde firme. Quand les coûts unitaires de production des deux
producteurs sont identiques c1  c2  c    0 , on retrouve,

Les quantités simplifiées suivantes :

2a  c  C a  2c a  c  . 2
Q  C
,p  , 
3b 3 9b

On voit que dans ce cas la situation s‟améliore par rapport au monopole, puisque le prix de vente diminue,
ce qui réduit la perte sèche. La baisse de prix est égale à :

pC  p M  
a  c   0 ,
6

Et la hausse de quantité est égale à :

ac
QC  Q M  0.
6b

La différence des pertes sèche est donc de :

 
C M

a  c
2
 0.
72

20
Le fait d‟avoir introduit un producteur supplémentaire a permis d‟améliorer le bien-être. La baisse de prix
qui améliore le bien-être a pour effet d‟augmenter le surplus des consommateurs et de diminuer le profit
des producteurs. En effet :

1 a  c 
2
1C   C2  ,
9 b

La somme des profits est donc égale à :

2 a  c  2 a  c  1 a  c 
2 2 2
 C  1C   C2     M .
9 b 8 b 4 b

La baisse du profit total des producteurs est souvent désignée sous l‟expression d‟érosion du pouvoir de
marché, suite à l‟accroissement du nombre de concurrents. La section suivante montre que cette propriété
est généralisable à un plus grand nombre de producteurs sous certaines hypothèses.

Bertrand Arthur William Russell (1872–1970)

21

Vous aimerez peut-être aussi