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Ce corpus est composé de 3 poèmes : Carmen extrait de Emaux et Camées écrit par Théophile Gautier en 1852,

Mélusine de l’Ombre Ardente par Jean Lorrain en 1897 et La Lorelei d’Alcools par Guillaume Apollinaire en 1913.
Chacun des ces 3 textes aborde un des thèmes récurrents de la poésie à travers les temps : la femme. Cependant,
c’est avec une approche originale voire déroutante que les 3 poètes évoquent les figures féminines, sujets de leurs
écrits. En effet, bien qu’elles semblent digne d’admiration et correspondent ainsi à la définition de la Beauté, il
ressort à chaque fois un sentiment d’inquiétude ambigu suscité tant par la forme que par le fond.
Par quel mécanisme le sentiment de ravissement que l’on pourrait attendre face à des figures féminines
éblouissantes peut-il faire place à la crainte ?
Nous nous attacherons dans un premier temps à analyser l’aspect visuel et le trouble lié aux différentes descriptions,
puis les thèmes dérangeants abordés qui accentuent ce malaise et enfin nous relèverons la mise en évidence de la
Beauté contradictoire qui caractérise ces 3 femmes.

Carmen ne correspond en rien aux classiques de la Beauté, son physique est dépeint en des termes particulièrement
péjoratifs dès le 1er vers : « elle est maigre, un trait de bistre cerne son œil » Le vocabulaire employé fait référence
au mal : noir sinistre de ses cheveux (vers 3), le diable tanna sa peau (vers 4).

Il en est de même pour Melusine aux cheveux révoltés, saignant et l’œil hagard (vers 4)

La Lorelei bien que décrite de manière plus élogieuse, présente une beauté originale et ambivalente : c’est une
sorcière blonde alors que le collectif imaginaire s’accorde à toujours les représenter avec une chevelure noire et la
beauté de ses atouts peut etre interprétée avec ambiguïté « mes yeux se sont des flammes et non des pierreries »
(vers 9).

Au-delà même de ces descriptions dérangeantes, ce sont les personnalités et les actes de chacune qui accentuent le
trouble.

Mélusine est folle (vers 7), elle erre au pied des arbres fées (vers 9) auprès d’elle jaillit un glaïeul dont le sens
étymologique de glaive donne une connotation d’arme, de combat.

Carmen, dérange les femmes qui « disent qu’elle est laide (vers 5) mais étrangement elle envoute les hommes qui en
sont fous (vers 6). Et tel le diable tentateur, même les hommes d’église succombent à ses charmes maléfiques (vers
7 et 8)

La Lorelei est elle aussi une ensorceleuse dangereuse, mais à la différence de Carmen, elle refuse cet état et subit
son pouvoir sur les hommes plus qu’elle n’en use. C’est malgré elle qu’elle attire les regards et les convoitises.
Préférant même la mort à cet état de fait, Notion morbide qui aggrave le sentiment d’angoisse.

Cependant, dans chacun des 3 poèmes, il ressort indéniablement et d’une manière d’autant plus surprenante, un
sentiment de séduction, de fascination.

Pour Carmen c’est justement sa laideur, sa différence qui la rendent attirante et digne d’interet. Cette ambigüité est
soulignée par l’oxymore « laideur piquante » (vers 21) et par une alternance de termes péjoratifs et
mélioratifs « parmi sa pâleur éclate une bouche aux rires vainqueurs (vers 17-18).

Mélusine aussi effrayante qu’elle soit, dégage « un charme étrange et doux », elle est éblouissante par l’emploi d’un
vocabulaire visuel de luminosité et d’éclat : cerclés d’or (vers 1) robe argentée (vers 2) éblouit le regard (vers 5),
« clartés divines » (vers 6).

Enfin La Lorelei est sans ambigüité décrite comme d’une beauté inégalée, mais c’est aussi son désespoir et sa
tristesse qui la rendent si attachante et bouleversante.

Ainsi, Bien que très éloignées de « l’idéal féminin lyrique » Chacune de ces 3 figures féminines suscitent interet et
admiration, mais provoquent par leur différence et leur ambivalence un sentiment dérangeant, troublant. La notion
de beauté s’en trouve transportée au-delà des normes qui lui sont traditionnellement attachées.

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