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DISSERTATION

Pour marquer le lecteur, les figures féminines doivent-elle nécessairement être


irréelles ?
De tous temps, les représentations de la femme ont été présentes dans la poésie.
Véritable source d’inspiration pour le poète, il s’attache à en dépeindre des
portraits mémorables. Cependant pour atteindre son objectif doit il se libérer
des contraintes de la réalité en s’attachant à des figures mythiques ou
chimériques ou peut-il aussi y parvenir en s’inspirant fidèlement du quotidien
qui l’entoure ?
Après avoir montré la force des images des figures féminines imaginaires qu’elles
soient merveilleuses, inquiétantes ou dangereuses, nous nous attacherons à
rechercher une même intensité dans des poèmes s’inspirant de femmes réelles.
Nous verrons alors que dans tous les cas, la femme évoquée par le poète est
transfigurée, recrée.
La poésie a besoin d’espace et de liberté. Lorsqu’il évoque la femme en puisant
dans l’infini de l’imaginaire, le poète élargit la palette des sensations, des
émotions qu’il va pouvoir suggérer au lecteur pour le troubler, l’impressionner.
Ainsi les créatures fantastiques sont-elles par essence même des êtres
extraordinaires pouvant provoquer des émotions aussi fortes que
contradictoires tant par leur apparence physique que par leur personnalité et
leur pouvoir.
Jean Lorrain en 1897 dans son extrait de L’ombre Ardente, nous décrit Mélusine,
issue de la mythologie celtique, c’est fée merveilleuse dans un cadre
enchanteur :
« Ses bras sont cerclés d’or », « La splendeur de sa gorge éblouit », « l’émail de
ses dents a des clartés divines »
Mais elle provoque également de l’inquiétude voire de la peur tant par son
apparence « les cheveux révoltés, saignante et l’œil hagard » que par son
comportement « elle est folle » et semble envouter le monde autour d’elle avec
ambiguïté : « un charme étrange et doux la fait suivre à minuit »
Dans son poème « La Lorelei » extrait du cycle Rhénan d’Alcools écrit en 1913,
Guillaume Apollinaire, sous la forme d’un conte, retrace l’histoire d’une femme
à la beauté ensorcelante, issue d’une légende allemande, qui souffrant d’être
mal-aimée s’échappe par la mort. De son apparence physique émane une
splendeur inouïe, mais c’est surtout la magie de son pouvoir et le tragique de
son vécu qui donnent au récit sa force et son originalité.
Quant à Paul Verlaine, C’est dans l’univers de ses rêves qu’il a trouvé la femme
idéale mais irréelle et au physique indéfini, dépeinte dans « mon rêve familier »,
extrait de son premier recueil poèmes saturniens paru en 1866.
Cependant, le poète est aussi un peintre du réel qui trouve son inspiration dans
son univers quotidien.
Cela peut etre dans l’évocation d’un souvenir : Tel Victor Hugo dans son poème
« Elle était déchaussée, elle était décoiffée… » écrit en 1853 et extrait du recueil
Les contemplations, dans lequel avec un lyrisme simple et familier, l’auteur
célèbre la beauté naturelle de la jeune fille aimée et transporte le lecteur dans
la jubilation de son souvenir.
Parfois même, il peut s’agir d’une inconnue dont l’apparition bien que fugace a
déclenché trouble et émotion.
A une passante, sonnet extrait des fleurs du mal section « Tableaux parisiens »
de Charles Baudelaire publié en 1857 retrace dans un cadre urbain banal, un
coup de foudre du poète pour une inconnue qui passe devant lui et dont la
simple vision aussi inattendue qu’éphémère provoque un flot de sensations
puissantes et contradictoires.
Mais chacun de ces portraits aussi différents tant par la forme que par le fond,
amène à un même constat : le sujet féminin, qu’il soit réel ou imaginaire, est
métamorphosé par le filtre du langage poétique, il dépasse le réel.
Dans plusieurs poèmes de Baudelaire par exemple, bien qu’il soit question de
femmes réelles appartenant à sa vie, les vers et les figures de style transfigurent
le réel, jusqu’à créer des êtres surnaturels.
Le serpent qui danse, extrait des fleurs du mal, célèbre la femme serpent,
créature fantastique sensuelle et dangereuse, et non plus Jeanne Duval, muse
inspiratrice du poète.
Ainsi d’une manière générale et pour les figures féminines en particulier, la
poésie exprime le réel, mais dans un langage différent, elle en crée une vision
poétique qui tend vers l’idéal et devient irréelle, elle le transfigure par sa force
créatrice que l’on retrouve dans son étymologie grecque poiein : créer.

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