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Commentaire - Mon Rêve Familier

Plan & Corrigé

Ce document est divisé en trois sections :

1) LE PLAN du commentaire (axes et sous-parties).

2) Un corrigé complet du commentaire rédigé.

3) Le même corrigé, mais avec les éléments du plan surlignés pour bien faire
apparaître les différentes parties et sous-parties. Ces indications ne doivent
évidemment pas apparaître sur votre copie.

INTRODUCTION

AXE I : L’EVOCATION D’UNE FEMME RÊVEE

IDEE 1 : LE RÊVE D’UNE FEMME IRREELLE

IDEE 2 : LE MYSTERE

IDEE 3 : LA FEMINITE

AXE 2 : L’EXPRESSION DE LA SOUFFRANCE DU POETE

IDEE 1 : UN MAL-ÊTRE INTERIEUR / LA SOLITUDE

IDEE 2 : AMOUR ET CONSOLATION

IDEE 3 : LE THEME DE LA MORT

CONCLUSION
Commentaire - Mon Rêve Familier

Le poème que nous allons étudier, « Mon Rêve Familier », est l’œuvre de Paul Verlaine, grand « poète maudit » du XIXème siècle.
Publié en 1866, dans la partie « Melancholia » de son premier recueil, Poèmes Saturniens, ce sonnet exprime la mélancolie et la
souffrance du poète, à travers le portrait onirique d’une mystérieuse figure féminine qui le visite en rêve ; le titre « Mon Rêve
Familier » doit se comprendre dans le sens « mon rêve récurrent » (« je fais souvent ce rêve », « chaque fois »), mais aussi comme
« le rêve que je connais bien » ou « qui me connaît bien ».

Nous nous demanderons quelles relations existent entre la mystérieuse femme rêvée et le mal-être ressenti par le poète. Pour ce
faire, nous nous intéresserons d’abord à la figure féminine évoquée par le poète puis à l’expression de la souffrance de l’auteur dans
le texte.

Verlaine qualifie son rêve de « familier » et « d’étrange », deux termes qui semblent s’opposer. Quant à « pénétrant », il est à prendre
ici dans le sens de « marquant », voire « obsédant » ; ce rêve a pénétré l’esprit du poète et fait donc partie de lui-même. Ce rêve
est donc pour le poète une sorte de mystère intime – et comme tous les rêves, il parle d’abord et avant tout du rêveur lui-même
(ici, Verlaine).
La femme qui visite Verlaine dans ses rêves est « une femme inconnue » (vers 2) : il ne faut pas chercher à lui attribuer une identité
spécifique, comme le souligne le poète lui-même dès la première strophe : elle « n’est, chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à
fait une autre ». Elle est donc à la fois multiple (« ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ») et unique (« elle seule ») ; il s’agit
d’une femme imaginaire, irréelle (puisqu’elle n’existe que dans les rêves de l’auteur) et même idéale, dans tous les sens du terme :
pour le poète, elle semble être la femme idéale car « elle seule » lui apporte une forme d’amour, de compréhension et d’apaisement
(voir Axe 2 pour plus de détails), mais elle est aussi une femme idéale au sens où elle correspond plus à une IDEE qu’à une réalité.
Cette figure féminine peut évoquer à la fois une compagne / amante / âme sœur, mais aussi une présence plus « maternelle » (mère,
sœur etc.) : elle apporte en effet au poète de l’amour mais aussi de la compréhension, de l’apaisement. Elle est peut-être une amante,
mais elle semble surtout être une consolatrice : ainsi, le poète n’évoque ni étreintes ni baisers mais des larmes et des souffrances
partagées (« les moiteurs de mon front blême, elle seule les sait rafraichir, en pleurant). Nous reviendrons sur cet aspect spécifique
(la souffrance, les larmes etc.) dans l’axe 2.

Cette mystérieuse figure féminine possède deux caractéristiques essentielles : le mystère et la féminité.

L’idée de mystère est représentée par le côté énigmatique et irréel de cette femme à la fois unique et multiple. Cette « femme
inconnue » est également inconnaissable. D’ailleurs, lorsque le poète tente de faire son portrait, il ne peut nous donner ni la couleur
de ses cheveux (« Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore ») ni son nom (« Je me souviens qu’il est doux et sonore »), alors
que ces deux éléments (la chevelure et le nom) constituent souvent deux ingrédients indispensables du portrait féminin en poésie ;
la voix de la femme aimée et le regard s’ajoutent d’ailleurs souvent à ces deux caractéristiques et là encore, Verlaine reste
énigmatique, préférant éluder plutôt que de décrire (« son regard est pareil au regard des statues », « sa voix, lointaine »). En
évoquant les éléments traditionnels du portrait féminin en poésie (le nom, la chevelure, le regard, la voix) mais sans les définir
précisément (ou en les gardant enveloppés d’un mystère impossible à percer), Verlaine fait en quelque sorte un « anti-portrait » de
cette femme (ce qui confirme bien qu’elle n’est PAS une personne individuelle, mais bien une « idée », à savoir l’idée de la féminité).

La féminité est justement l’autre grande caractéristique de cette présence onirique. Le texte le dit très clairement (« une femme
inconnue ») mais le souligne également par la sonorité de ses vers : ainsi, on remarque (notamment aux vers 2 et 4, mais aussi dans
toute la deuxième strophe) des allitérations en L et en M, deux consonnes douces et fluides, à la sonorité plutôt féminine, et dont la
répétition semble coïncider avec celle des mots « elle » (L) et « aime » (M). La sonorité et la musicalité du poème sont donc des
éléments essentiels de son lyrisme – un lyrisme mélancolique, dont cette mystérieuse figure féminine semble être l’incarnation ou
la manifestation. Cette femme irréelle est « un rêve », une idée, un idéal, une chimère, autant dire un fantasme (c’est-à-dire
l’expression d’un désir) – le fantasme d’une féminité que Verlaine ne peut rencontrer qu’en rêve et qui est donc absente de sa vie
réelle. Cette mystérieuse amante / consolatrice n’existe en effet que dans les songes du poète : il n’y a donc, dans l’existence réelle
du poète, aucune femme capable de l’aimer et de le comprendre, ce qui nous amène à notre deuxième axe.

La souffrance du poète est explicitement évoquée au deuxième tercet, lorsque l’auteur évoque son « cœur transparent » (vers 5) puis
« les moiteurs » de son « front blême » (vers 8). Ces deux métaphores méritent d’être étudiées en détail.

Le « cœur de Verlaine » est « transparent pour elle seule » : il n’y a que cette femme irréelle qui puisse voir clairement en lui, qui
puisse lire dans ses sentiments. Autrement dit, personne dans la réalité ne peut voir / lire dans le cœur du poète – et il souffre de
cela, comme le prouve l’interjection « hélas » (« pour elle seule, hélas ! »). Dans la vie réelle, le cœur du poète est donc « un
problème » : il ne « cesse » de l’être que dans les rêves, « pour elle seule ». Verlaine nous fait donc comprendre ici que personne ne
l’aime ni ne le comprend. La « seule » à en être capable est cette « femme inconnue » et irréelle, ce qui souligne l’idée de l’extrême
solitude du poète. Le sentiment d’apaisement, d’amour, de réciprocité qu’il éprouve en rêve s’oppose à la souffrance et à la solitude
qu’il ressent dans la réalité.

Quant aux « moiteurs de mon front blême », cette image évoque l’idée de fièvre (l’adjectif « blême » renvoie aussi à l’idée de mort,
puisqu’il signifie « pâle comme un mort »). Cette fièvre représente le mal intérieur qui provoque la souffrance du poète : sa
mélancolie, liée à sa solitude.
La cause profonde de cette mélancolie est la solitude du poète, comme le souligne l’anaphore « Pour elle seule » (vers 6 et 7).
L’adjectif « seule » s’applique ici à la femme, mais exprime en réalité la solitude du poète lui-même : si elle est la seule à pouvoir
l’aimer et le comprendre, c’est qu’il n’existe personne d’autre pour le faire et que le poète est donc seul au monde, tellement seul
que cette solitude ne peut s’atténuer ou s’oublier que dans un songe. Si l’on part du principe que nos rêves expriment à la fois nos
désirs et nos angoisses, on voit donc ici quelle est la raison d’être de ce « rêve étrange et pénétrant » : apporter au poète la consolation
et l’apaisement qui lui sont refusés dans la réalité.

La souffrance du poète ne peut être apaisée que par la femme rêvée (« elle seule les sait rafraichir, en pleurant ») et il est intéressant
de remarquer que celle-ci console le poète non pas en le rendant heureux ou en le rassurant, mais bien en pleurant sur lui – y compris
au sens physique du terme : si les « larmes » de la femme rafraichissent les « moiteurs » du « front blême » du poète, c’est que ces
larmes tombent sur lui. La consolation qu’apporte au poète sa mystérieuse compagne rêvée est donc le partage de ses souffrances.
Verlaine ne semble donc pas chercher auprès d’elle une forme de bonheur absolu, mais bien une forme beaucoup plus triste de
consolation, celle des larmes partagées. Ces larmes sont évidemment liée à la solitude du poète – mais également, comme nous
allons le voir au thème de la Mort et du deuil.

Le thème de la Mort apparaît explicitement aux strophes 3 et 4. L’adjectif « blême » (vers 7) le préfigure de façon subtile mais ce
n’est qu’à partir du vers 9 que ce thème fait clairement son entrée dans le poème, à travers deux périphrases désignant les morts, et
plus particulièrement les êtres chers disparus : « Ceux des aimés que la Vie exila » (vers 11) et « Des voix chères qui se sont tues »
(vers 14). Ces deux images sont stylistiquement très riches (ainsi, « ceux des aimés que la Vie exila » est à la fois une périphrase,
une métaphore, un euphémisme et une personnification, tandis que les « voix chères qui se sont tues » est à la fois une périphrase,
un euphémisme et une métonymie (« les voix chères » représentant en fait les êtres chers disparus, auxquels appartenaient ces voix).

A partir de la troisième strophe, la mystérieuse figure féminine est clairement liée à la mort, aux morts, au monde des morts : son
nom évoque ceux des êtres chers disparus, son regard est aussi fixe et vide que celui des statues qui ornent, à cette époque, les
cimetières et sa voix rappelle celles des êtres aimés défunts. Cette voix est d’ailleurs qualifiée de « lointaine », comme si elle venait
de loin, c’est-à-dire de l’au-delà, mais aussi de « calme » et de « grave » - deux qualificatifs qui évoquent, eux aussi, le monde des
morts, son silence et sa quiétude.

Nous avons précédemment établi que le poète ne connaissait que souffrance et solitude dans le monde réel (le monde des vivants)
et que seule la « femme inconnue » de son « rêve étrange et pénétrant » lui apportait une forme d’apaisement… Pour que le poète
cesse totalement de souffrir, il faudrait donc qu’il soit en permanence aux côtés de cette femme irréelle – c’est-à-dire qu’il rêve en
permanence, plongé dans un sommeil éternel. Or, le seul sommeil éternel est celui de la mort, évoquée ici comme la promesse d’un
apaisement éternel. La mystérieuse figure féminine pourrait-elle être la Mort elle-même ?

Amante, âme sœur, figure maternelle ou sororale, idéal de féminité, chimère, fantôme, fantasme, la Mort elle-même ? La
mystérieuse « femme inconnue », à la fois unique et multiple, est tout cela à la fois… peut aussi être vue comme LA MUSE du
poète, puisqu’elle lui a inspiré l’écriture de ce texte : une muse bien évidemment mélancolique… une muse « saturnienne ».
Commentaire - Mon Rêve Familier
INTRODUCTION

Le poème que nous allons étudier, « Mon Rêve Familier », est l’œuvre de Paul Verlaine, grand « poète maudit » du XIXème siècle.
Publié en 1866, dans la partie « Melancholia » de son premier recueil, Poèmes Saturniens, ce sonnet exprime la mélancolie et la
souffrance du poète, à travers le portrait onirique d’une mystérieuse figure féminine qui le visite en rêve ; le titre « Mon Rêve
Familier » doit se comprendre dans le sens « mon rêve récurrent » (« je fais souvent ce rêve », « chaque fois »), mais aussi comme
« le rêve que je connais bien » ou « qui me connaît bien ».

Nous nous demanderons quelles relations existent entre la mystérieuse femme rêvée et le mal-être ressenti par le poète. Pour ce
faire, nous nous intéresserons d’abord à la figure féminine évoquée par le poète puis à l’expression de la souffrance de l’auteur dans
le texte.

AXE I : L’EVOCATION D’UNE FEMME RÊVEE

IDEE 1 : LE RÊVE D’UNE FEMME IRREELLE

Verlaine qualifie son rêve de « familier » et « d’étrange », deux termes qui semblent s’opposer. Quant à « pénétrant », il est à prendre
ici dans le sens de « marquant », voire « obsédant » ; ce rêve a pénétré l’esprit du poète et fait donc partie de lui-même. Ce rêve
est donc pour le poète une sorte de mystère intime – et comme tous les rêves, il parle d’abord et avant tout du rêveur lui-même
(ici, Verlaine).

La femme qui visite Verlaine dans ses rêves est « une femme inconnue » (vers 2) : il ne faut pas chercher à lui attribuer une identité
spécifique, comme le souligne le poète lui-même dès la première strophe : elle « n’est, chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à
fait une autre ». Elle est donc à la fois multiple (« ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ») et unique (« elle seule ») ; il s’agit
d’une femme imaginaire, irréelle (puisqu’elle n’existe que dans les rêves de l’auteur) et même idéale, dans tous les sens du terme :
pour le poète, elle semble être la femme idéale car « elle seule » lui apporte une forme d’amour, de compréhension et d’apaisement
(voir Axe 2 pour plus de détails), mais elle est aussi une femme idéale au sens où elle correspond plus à une IDEE qu’à une réalité.

Cette figure féminine peut évoquer à la fois une compagne / amante / âme sœur, mais aussi une présence plus « maternelle » (mère,
sœur etc.) : elle apporte en effet au poète de l’amour mais aussi de la compréhension, de l’apaisement. Elle est peut-être une amante,
mais elle semble surtout être une consolatrice : ainsi, le poète n’évoque ni étreintes ni baisers mais des larmes et des souffrances
partagées (« les moiteurs de mon front blême, elle seule les sait rafraichir, en pleurant). Nous reviendrons sur cet aspect spécifique
(la souffrance, les larmes etc.) dans l’axe 2.

IDEE 2 : LE MYSTERE

Cette mystérieuse figure féminine possède deux caractéristiques essentielles : le mystère et la féminité.

L’idée de mystère est représentée par le côté énigmatique et irréel de cette femme à la fois unique et multiple. Cette « femme
inconnue » est également inconnaissable. D’ailleurs, lorsque le poète tente de faire son portrait, il ne peut nous donner ni la couleur
de ses cheveux (« Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore ») ni son nom (« Je me souviens qu’il est doux et sonore »), alors
que ces deux éléments (la chevelure et le nom) constituent souvent deux ingrédients indispensables du portrait féminin en poésie ;
la voix de la femme aimée et le regard s’ajoutent d’ailleurs souvent à ces deux caractéristiques et là encore, Verlaine reste
énigmatique, préférant éluder plutôt que de décrire (« son regard est pareil au regard des statues », « sa voix, lointaine »). En
évoquant les éléments traditionnels du portrait féminin en poésie (le nom, la chevelure, le regard, la voix) mais sans les définir
précisément (ou en les gardant enveloppés d’un mystère impossible à percer), Verlaine fait en quelque sorte un « anti-portrait » de
cette femme (ce qui confirme bien qu’elle n’est PAS une personne individuelle, mais bien une « idée », à savoir l’idée de la féminité).

IDEE 3 : LA FEMINITE

La féminité est justement l’autre grande caractéristique de cette présence onirique. Le texte le dit très clairement (« une femme
inconnue ») mais le souligne également par la sonorité de ses vers : ainsi, on remarque (notamment aux vers 2 et 4, mais aussi dans
toute la deuxième strophe) des allitérations en L et en M, deux consonnes douces et fluides, à la sonorité plutôt féminine, et dont la
répétition semble coïncider avec celle des mots « elle » (L) et « aime » (M). La sonorité et la musicalité du poème sont donc des
éléments essentiels de son lyrisme – un lyrisme mélancolique, dont cette mystérieuse figure féminine semble être l’incarnation ou
la manifestation. Cette femme irréelle est « un rêve », une idée, un idéal, une chimère, autant dire un fantasme (c’est-à-dire
l’expression d’un désir) – le fantasme d’une féminité que Verlaine ne peut rencontrer qu’en rêve et qui est donc absente de sa vie
réelle. Cette mystérieuse amante / consolatrice n’existe en effet que dans les songes du poète : il n’y a donc, dans l’existence réelle
du poète, aucune femme capable de l’aimer et de le comprendre, ce qui nous amène à notre deuxième axe.
AXE 2 : L’EXPRESSION DE LA SOUFFRANCE DU POETE

IDEE 1 : UN MAL-ÊTRE INTERIEUR

La souffrance du poète est explicitement évoquée au deuxième tercet, lorsque l’auteur évoque son « cœur transparent » (vers 5) puis
« les moiteurs » de son « front blême » (vers 8). Ces deux métaphores méritent d’être étudiées en détail.

Le « cœur de Verlaine » est « transparent pour elle seule » : il n’y a que cette femme irréelle qui puisse voir clairement en lui, qui
puisse lire dans ses sentiments. Autrement dit, personne dans la réalité ne peut voir / lire dans le cœur du poète – et il souffre de
cela, comme le prouve l’interjection « hélas » (« pour elle seule, hélas ! »). Dans la vie réelle, le cœur du poète est donc « un
problème » : il ne « cesse » de l’être que dans les rêves, « pour elle seule ». Verlaine nous fait donc comprendre ici que personne ne
l’aime ni ne le comprend. La « seule » à en être capable est cette « femme inconnue » et irréelle, ce qui souligne l’idée de l’extrême
solitude du poète. Le sentiment d’apaisement, d’amour, de réciprocité qu’il éprouve en rêve s’oppose à la souffrance et à la solitude
qu’il ressent dans la réalité.

Quant aux « moiteurs de mon front blême », cette image évoque l’idée de fièvre (l’adjectif « blême » renvoie aussi à l’idée de mort,
puisqu’il signifie « pâle comme un mort »). Cette fièvre représente le mal intérieur qui provoque la souffrance du poète : sa
mélancolie, liée à sa solitude.

IDEE 2 : SOLITUDE ET CONSOLATION


La cause profonde de cette mélancolie est la solitude du poète, comme le souligne l’anaphore « Pour elle seule » (vers 6 et 7).
L’adjectif « seule » s’applique ici à la femme, mais exprime en réalité la solitude du poète lui-même : si elle est la seule à pouvoir
l’aimer et le comprendre, c’est qu’il n’existe personne d’autre pour le faire et que le poète est donc seul au monde, tellement seul
que cette solitude ne peut s’atténuer ou s’oublier que dans un songe. Si l’on part du principe que nos rêves expriment à la fois nos
désirs et nos angoisses, on voit donc ici quelle est la raison d’être de ce « rêve étrange et pénétrant » : apporter au poète la consolation
et l’apaisement qui lui sont refusés dans la réalité.

La souffrance du poète ne peut être apaisée que par la femme rêvée (« elle seule les sait rafraichir, en pleurant ») et il est intéressant
de remarquer que celle-ci console le poète non pas en le rendant heureux ou en le rassurant, mais bien en pleurant sur lui – y compris
au sens physique du terme : si les « larmes » de la femme rafraichissent les « moiteurs » du « front blême » du poète, c’est que ces
larmes tombent sur lui. La consolation qu’apporte au poète sa mystérieuse compagne rêvée est donc le partage de ses souffrances.
Verlaine ne semble donc pas chercher auprès d’elle une forme de bonheur absolu, mais bien une forme beaucoup plus triste de
consolation, celle des larmes partagées. Ces larmes sont évidemment liées à la solitude du poète – mais également, comme nous
allons le voir au thème de la Mort et du deuil.

IDEE 3 : LE THEME DE LA MORT

Le thème de la Mort apparaît explicitement aux strophes 3 et 4. L’adjectif « blême » (vers 7) le préfigure de façon subtile mais ce
n’est qu’à partir du vers 9 que ce thème fait clairement son entrée dans le poème, à travers deux périphrases désignant les morts, et
plus particulièrement les êtres chers disparus : « Ceux des aimés que la Vie exila » (vers 11) et « Des voix chères qui se sont tues »
(vers 14). Ces deux images sont stylistiquement très riches (ainsi, « ceux des aimés que la Vie exila » est à la fois une périphrase,
une métaphore, un euphémisme et une personnification, tandis que les « voix chères qui se sont tues » est à la fois une périphrase,
un euphémisme et une métonymie (« les voix chères » représentant en fait les êtres chers disparus, auxquels appartenaient ces voix).

A partir de la troisième strophe, la mystérieuse figure féminine est clairement liée à la mort, aux morts, au monde des morts : son
nom évoque ceux des êtres chers disparus, son regard est aussi fixe et vide que celui des statues qui ornent, à cette époque, les
cimetières et sa voix rappelle celles des êtres aimés défunts. Cette voix est d’ailleurs qualifiée de « lointaine », comme si elle venait
de loin, c’est-à-dire de l’au-delà, mais aussi de « calme » et de « grave » - deux qualificatifs qui évoquent, eux aussi, le monde des
morts, son silence et sa quiétude.

Nous avons précédemment établi que le poète ne connaissait que souffrance et solitude dans le monde réel (le monde des vivants)
et que seule la « femme inconnue » de son « rêve étrange et pénétrant » lui apportait une forme d’apaisement… Pour que le poète
cesse totalement de souffrir, il faudrait donc qu’il soit en permanence aux côtés de cette femme irréelle – c’est-à-dire qu’il rêve en
permanence, plongé dans un sommeil éternel. Or, le seul sommeil éternel est celui de la mort, évoquée ici comme la promesse d’un
apaisement éternel. La mystérieuse figure féminine pourrait-elle être la Mort elle-même ?

CONCLUSION

Amante, âme sœur, figure maternelle ou sororale, idéal de féminité, chimère, fantôme, fantasme, la Mort elle-même ? La
mystérieuse « femme inconnue », à la fois unique et multiple, est tout cela à la fois… peut aussi être vue comme LA MUSE du
poète, puisqu’elle lui a inspiré l’écriture de ce texte : une muse bien évidemment mélancolique… une muse « saturnienne ».

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