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 Une réalisation Les Tremplins
Tremplin Le Mag est une revue d’actualité et de culture générale portant à la fois sur
des questions de société et des thématiques relatives à la préparation du concours
de Sciences Po. A travers une approche synthétique, elle vise à permettre un suivi de
l’actualité internationale et nationale, tout en ouvrant vers des articles parus dans la
presse généraliste. Un troisième moment permet d’élargir la réflexion en abordant
une actualité directement liée à la perspective d’entrée à Sciences Po.
Editorial
L’actualité internationale de ce début d’été 2022 a notamment
été occupée par la décision de la Cour suprême des États-Unis
d’annuler la reconnaissance du droit constitutionnel des femmes
à l’avortement ; les États pourront désormais librement interdire
l’avortement. Cette révolution conservatrice en cours revêt
d’autres aspects et pourrait même constituer une menace pour
la démocratie américaine.
Les conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine continuent
également de peser sur les équilibres mondiaux. La Chine
poursuit sa politique de soutien envers la Russie tandis que
les puissances du G7 ont réitéré leur volonté de soutenir
l’Ukraine. L’élargissement programmé de l’OTAN et de l’Union
européenne s’inscrit pleinement en ce sens.
De son côté, l’actualité nationale est largement consacrée aux
élections législatives et à leurs conséquences. Elles étaient
annoncées comme le troisième tour de l’élection présidentielle
et, même si elles n’ont pas permis l’accession de la gauche
au pouvoir comme l’espérait son leader, elles témoignent
d’un contexte politique renouvelé en partageant l’Assemblée
3
nationale entre trois grandes forces. La majorité présidentielle
n’est désormais plus que relative, ce qui replace le parlement
au centre du jeu politique et contraint les partis au pouvoir à
négocier avec les oppositions.
D’autres enjeux n’ont cependant pas manqué de prendre place
dans le débat public national, notamment la fin annoncée des
moteurs thermiques ou encore les épisodes de chaleur. Une
dernière information est également consacrée au cinéaste Jean-
Louis Trintignant disparu le 17 juin 2022 à l’âge de 91 ans.
Enfin, Horizon Sciences Po est l’occasion de revenir sur
deux ouvrages cités dans la bibliographie de Questions
contemporaines relative à la peur. Tout en vous souhaitant une
bonne lecture de ces quelques notes, nous vous rappelons que
ces ouvrages ont surtout vocation à guider votre interprétation
des sujets proposés par le réseau ScPo. Le philosophe Paul Virilio
étudie ainsi les conséquences politiques de la peur. L’historien
Patrick Boucheron propose de son côté une réflexion sur la peur
à partir de l’exemple de la ville de Sienne au XIVe siècle.
 UNE RÉALISATION LES TREMPLINS

Tremplin Le Mag est une revue d’actualité et de culture générale portant à la fois sur
des enjeux militaires et des questions de société. A travers une approche synthétique,
elle vise à permettre un suivi de l’actualité internationale et nationale, tout en ouvrant
vers des articles parus dans la presse généraliste. Un troisième moment permet
d’élargir la réflexion en abordant une actualité moins chaude.

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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Thierry CORDE

COMITÉ DE RÉDACTION
Florent VANDEPITTE

AUTEURS
M. Arnaud LE GARS - M. Emmanuel CALAFIORE - Mme Charlotte NORMAND

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Vue satellite. (Nasa) - Arc de triomphe. (Unplash) - Vue satellite. (Nasa) - Manifestation Roe v Wade (AFP) - Discours de
Xi Jinping (AFP) - Réunion des dirigeants du G7 (AFP) - Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN (Getty Images) -
Ukraine/Moldavie/Georgie (Touteleurope) - Potence érigée par les assaillants et supporters de Trump au Capitole (Getty
Images) - Assemblée nationale (Wikimedia Commons) - Canicule (Santé magazine) - Moteur thermique (Futuribles) - Jean-
Louis Trintignant (Elle) - Buste (Unplash)

Tous droits de reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays.
 T R E M P L I N L E M A G - J U I L L E T 2 0 2 2

TREMPLIN LE MAG
Revue d’actualité et de culture générale

HORIZON SCIENCES PO
ACTUALITÉ INTERNATIONALE 6 - L’administration de la peur, Paul Virilio, 2010 33
- Conjurer la Peur. Sienne, 1338. Essai sur la force
ACTUALITÉ NATIONALE 21 politique des images, Patrick Boucheron 34

5
A C T U A L I T É
I N T E R N A T I O N A L E

- États-Unis : le droit à l’avortement révoqué 8

- Un sommet des BRICS sur fond de crises mondiales 11
- Le G7 solidaire au côté de l’Ukraine 12
- Sommet de l’OTAN, quelles conclusions ? 14
- Ukraine/Moldavie/Géorgie, candidats à l’entrée
dans l’UE, un processus long 15
- Energie : le retour du charbon en Europe ? 17
- Assaut du Capitole, armes à feu, cour suprême : la
démocratie américaine est-elle menacée ? 19

Arnaud LE GARS
 Un militant pro-choix tente de bloquer
un militant pro-vie lors d’un rassemblement
devant la Cour suprême des États-Unis en
réponse à la décision de la Cour suprême
visant à annuler Roe v. Wade à Washington
ÉTATS-UNIS : LE DROIT À L’AVORTEMENT RÉVOQUÉ
La Cour suprême des États-Unis a annulé vendredi 24 juin
2022 la décision historique de 1973 Roe v. Wade (cf. TLM
mai 2022) qui reconnaissait le droit constitutionnel des femmes
à l’avortement, une décision condamnée par le président Joe
Biden qui changera radicalement la vie de millions de femmes
en Amérique et exacerbera les tensions croissantes dans un
pays profondément polarisé et divisé.
Le tribunal, dans une décision 6-3 rendue par sa majorité
conservatrice, a confirmé une loi du Mississippi soutenue par
les républicains qui interdit l’avortement après 15 semaines de
grossesse. Le vote était de 5 à 4 pour renverser Roe, le juge en
chef conservateur John Roberts écrivant séparément pour dire
qu’il aurait confirmé la loi du Mississippi sans prendre la mesure
supplémentaire d’effacer complètement le précédent Roe.
Les répercussions de la décision se feront sentir bien au-delà des
limites de haute sécurité du tribunal – remodelant potentiellement
le champ de bataille lors des élections de novembre pour
déterminer si les collègues démocrates de Biden conservent le
contrôle du Congrès et signalant une nouvelle ouverture des
8
juges pour modifier d’autres droits reconnus de longue date.
La décision intensifiera également le débat sur la légitimité de
la cour, autrefois pierre angulaire inattaquable du système
démocratique américain, mais de plus en plus surveillée pour
ses décisions conservatrices plus agressives sur une série de
questions.
La décision a restauré la capacité des États à interdire
l’avortement. Vingt-six États sont certains ou considérés comme
susceptibles d’interdire l’avortement. Le Mississippi fait partie
des 13 États dotés de soi-disant lois de déclenchement pour
interdire l’avortement avec Roe annulé.
Dans une opinion concordante qui a fait craindre que les juges
ne reviennent sur d’autres droits, le juge conservateur Clarence
Thomas a exhorté le tribunal à reconsidérer les décisions
antérieures protégeant le droit à la contraception, légalisant le
mariage homosexuel dans tout le pays et invalidant les lois des
États interdisant les relations homosexuelles.
Les juges, dans la décision rédigée par le juge conservateur
Samuel Alito, ont estimé que la décision Roe qui autorisait
les avortements pratiqués avant un fœtus seraient viables en
dehors de l’utérus - ce qui se produit entre 24 et 28 semaines
de grossesse - avait été décidée à tort parce que la Constitution
américaine rend aucune mention spécifique du droit à
l’avortement.
Les femmes ayant des grossesses non désirées dans de vastes
pans de l’Amérique peuvent maintenant avoir le choix de
se rendre dans un autre État où la procédure reste légale et
disponible, d’acheter des pilules abortives en ligne ou de subir
un avortement illégal potentiellement dangereux.
Le juge Brett Kavanaugh, dans une opinion concordante, a
semblé rejeter une idée défendue par certains défenseurs de
l’anti-avortement selon laquelle la prochaine étape consiste pour
le tribunal à déclarer que la Constitution interdit l’avortement.
«  La Constitution n’interdit pas l’avortement ni ne légalise
l’avortement », a écrit Kavanaugh qui déclare également que la
décision ne permettait pas aux États d’interdire aux résidents de
se rendre dans un autre État pour se faire avorter, ou de punir
rétroactivement les personnes pour des avortements antérieurs.
Biden a condamné la décision comme empruntant une « voie
extrême et dangereuse ». « C’est un triste jour pour le tribunal
et pour le pays », a déclaré Biden à la Maison Blanche. « Le
tribunal a fait ce qu’il n’avait jamais fait auparavant : supprimer
expressément un droit constitutionnel qui est si fondamental
pour tant d’Américains. »
9
Autoriser les États à interdire l’avortement fait des États-Unis une
exception parmi les pays développés en matière de protection
des droits reproductifs, a ajouté le président démocrate. Joe
Biden a exhorté le Congrès à adopter une loi protégeant le droit
à l’avortement, une proposition peu probable compte tenu de
ses divisions partisanes. Biden a déclaré que son administration
protégera l’accès des femmes aux médicaments approuvés par
la Food and Drug Administration des États-Unis, y compris les
pilules pour la contraception et l’avortement médicamenteux,
tout en combattant les efforts visant à empêcher les femmes de
se rendre dans d’autres États pour se faire avorter.
Renverser Roe a longtemps été un objectif des conservateurs
chrétiens et de nombreux élus républicains, dont l’ancien
président Donald Trump, qui, en tant que candidat en
2016, a promis de nommer des juges à la Cour suprême qui
renverseraient Roe. Au cours de son mandat, il en a nommé trois
sur le banc, qui ont tous rejoint la majorité dans la décision.
Lorsqu’on lui a demandé dans une interview à Fox News s’il
méritait un certain crédit pour la décision, Trump a déclaré :
« Dieu a pris la décision. »
« Sad day »
Joe BIDEN
Président des États-Unis
La présidente de la Chambre des représentants, la démocrate
Nancy Pelosi, a dénoncé la décision, affirmant qu’une
«  Cour suprême contrôlée par les républicains  » avait atteint
« l’objectif sombre et extrême de ce parti de priver les femmes
du droit de prendre leurs propres décisions en matière de santé
reproductive ».
La Grande-Bretagne, la France et certains autres pays ont
qualifié la décision de pas en arrière, bien que le Vatican l’ait
saluée, affirmant qu’elle invitait le monde à réfléchir sur les
problèmes de la vie.
d’un viol ou d’un inceste.
En 2017, environ 25 millions de femmes en âge de procréer
vivaient dans ces 22 États. Si ces États interdisent l’accès à
l’avortement, de vastes régions des États-Unis pourraient se
trouver à plus de 480 km de la clinique d’avortement la plus
proche (cf. carte ci-dessous) en raison de la décision de la Cour
suprême.

Page précédente, les 22 États prêts à interdire la procédure en

vertu des lois existantes ou des amendements constitutionnels qui
restreignent fortement l’accès. Certaines interdictions entreront
en vigueur immédiatement et d’autres dans les semaines et les
mois à venir. Le Dakota du Sud, la Louisiane et le Kentucky ALLER PLUS LOIN...
ont mis en place des interdictions de « déclenchement » pour FRANCE 24 : Le droit à l’avortement menacé
dans la moitié des États américains
interdire immédiatement l’avortement une fois Roe annulé. Les
sanctions pour les personnes qui fournissent ou tentent de fournir NATIONAL GEOGRAPHIC : L’histoire
tumultueuse du droit à l’avortement aux États-
à une femme un avortement vont de l’inculpation d’un crime à
Unisaméricains
des amendes pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars et jusqu’à
10 ans de prison. L’Oklahoma a approuvé une interdiction
pure et simple avant l’annulation de Roe, qui se poursuivra sans
contestation. Sur les sept États (Texas, Dakota du Sud, Kentucky,
Tennessee, Louisiane, Oklahoma, Idaho) dont les interdictions
prennent effet immédiatement ou 30 jours après l’annulation de
Roe, seul l’Idaho a une exception pour les grossesses résultant

10
10

UN SOMMET DES BRICS SUR FOND DE CRISES MONDIALES
Ukraine : C’était un mot à peine mentionné mais souvent évoqué
alors que les dirigeants du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la
Chine et de l’Afrique du Sud – collectivement connus sous le
nom de BRICS – ont prononcé leur discours d’ouverture lors
d’un sommet virtuel organisé jeudi 23 juin par Pékin.
Dans son allocution d’ouverture au sommet, le président chinois
Xi Jinping a déclaré que l’objectif du groupe était de « faire du
monde un endroit plus stable » et de « parler pour l’équité et la
justice ». Il a ensuite semblé viser l’Occident, bien que les États-
Unis n’aient jamais été désignés par leur nom.
«  Nous devons abandonner la mentalité de la guerre froide
et la confrontation des blocs et nous opposer aux sanctions
unilatérales et à leurs abus  », a déclaré le président de la
deuxième économie mondiale en référence apparente aux
sanctions américaines et européennes contre Moscou.
Parmi les États membres des BRICS – des économies émergentes
qui se positionnent comme une alternative à l’ordre mondial
libéral dirigé par les États-Unis – seul le Brésil a voté contre
l’invasion de l’Ukraine par la Russie aux Nations Unies plus tôt
cette année. La Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud se sont toutes
abstenues de condamner l’invasion.
Pour la Chine, les principaux pays développés devraient
adopter des politiques économiques responsables et éviter les
retombées politiques négatives qui pourraient peser lourdement
sur les pays en développement, fustigeant ainsi les sanctions
prises à l’encontre de la Russie par les occidentaux. Également
11
Le discours du président chinois, Xi
Jinping, en préambule du quatorzième
sommet virtuel des Brics, qui s’est tenu à
Pékin, jeudi 23 juin 2022
abordé la combinaison de la pandémie de COVID-19 et de
la crise ukrainienne qui a entraîné des perturbations dans les
chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiale  ; les
marchés émergents et les pays en développement qui doivent
en supporter aujourd’hui le poids dans leurs économies
respectives.
Pour sa part, le dirigeant russe Vladimir Poutine a remercié
Xi Jinping et «  tous nos amis chinois », a visé les «  actions
égoïstes de certains États » qui, selon lui, ont plongé l’économie
mondiale dans une crise, faisant référence aux sanctions contre
son gouvernement.
Les pays du Sud ont été durement touchés par l’insécurité
alimentaire et la hausse des prix du pétrole causées par la
crise ukrainienne, et à Poutine de noter que la Russie pouvait
« compter sur le soutien de nombreux États asiatiques, africains
et latino-américains qui s’efforcent de poursuivre une politique
indépendante  ». Ainsi la Russie redirige activement ses flux
commerciaux et augmente ses livraisons de pétrole et de gaz
vers l’Inde et la Chine.
Quant à l’Afrique du Sud, l’une des démocraties des BRICS,
elle a été largement critiquée pour avoir adopté une position
neutre sur le conflit ukrainien. Lors du sommet, le président
Cyril Ramaphosa s’est montré moins véhément que les autres
dirigeants «  conformément à nos principes de politique
étrangère, l’Afrique du Sud continue d’appeler au dialogue et
à la négociation en vue d’une résolution pacifique des conflits
dans le monde », a-t-il déclaré.
Cependant, tous les entretiens n’ont pas porté sur la crise
ukrainienne, les dirigeants des BRICS ont souligné également
la nécessité de renforcer la coopération internationale dans
la lutte contre le COVID-19. À ce sujet, Cyril Ramaphosa a
reproché à l’Occident de ne pas adhérer aux «  principes de
solidarité et de coopération en matière d’accès équitable aux
vaccins » en appelant les économies développées, les agences
internationales qui achètent des vaccins à acheter auprès des
fabricants des économies en développement, y compris en
Afrique.
Bien qu’ils visent à présenter un front uni contre les États-Unis
et leurs alliés, les BRICS ont également des désaccords entre
eux, bien que ceux-ci n’arrêtent pas nécessairement leur
coopération. Jair Bolsonaro, président brésilien, a fait des
déclarations antichinoises, tandis que l’Inde a défié Pékin sur sa
frontière contestée avec le Ladakh.
Autre sujet abordé  : l’expansion des BRICS. La Chine se
montrant favorable à ce que d’autres États puissent rejoindre le
« club des BRICS » pour une nouvelle vitalité, une coopération
plus approfondie et ainsi augmenter la représentativité et
l’influence des BRICS sur la scène internationale.
Cette volonté de renforcement de coopération et de solidarité
LE G7 SOLIDAIRE AU CÔTÉ DE L’UKRAINE
12
entre les marchés émergents et les pays en développement
s’est traduite par la présence, lors de ce sommet virtuel, de
responsables et de ministres des Affaires étrangères d’Argentine,
d’Égypte, d’Indonésie, du Kazakhstan, du Nigéria, des Émirats
arabes unis, d’Arabie saoudite, du Sénégal et de La Thaïlande,
décrite comme les pays « BRICS Plus ».
La déclaration finale des BRICS acte que les pays membres sont
favorables à de nouvelles discussions sur l’élargissement de
l’adhésion au bloc, mais a souligné la nécessité de clarifier les
détails du processus.
ALLER PLUS LOIN...
FRANCE 24 : Sommet des BRICS : « les Brics
sont dans une position de redéfinir les règles
mondiales »
Asialyst, Pierre Antoine DONNET : Au
sommet des BRICS : Xi Jinping et Vladimir
Poutine, même combat
Elmau, Allemagne, réunion des
dirigeants du G7 au côté du président
ukrainien Volodymyr Zelensky, invité
d’honneur du sommet du G7, 26 au 28 juin
2022
 Le G7 solidaire au côté de l’Ukraine

Les leaders des pays membres du G7 se sont réunis du 26 au
28 juin à Elmau en Allemagne pour discuter de sujets brûlants
et des enjeux internationaux. Au cœur des préoccupations, la
guerre en Ukraine et trouver des pistes pour faire pression sur
le leader russe.
Un soutien supplémentaire à l’Ukraine a été au centre des
délibérations des dirigeants du G7 le deuxième jour du sommet
d’Elmau. «  Comme nous l’avons réaffirmé, nous continuerons
tous à soutenir l’Ukraine dans sa défense contre la Russie  »,
a souligné le chancelier fédéral Olaf Scholz à l’issue des
consultations. La guerre a marqué un tournant radical dans
les relations internationales et toutes les règles, tous les
accords conclus les uns avec les autres sur la manière dont les
nations devraient coopérer ont été enfreints - en particulier la
compréhension que les frontières ne doivent pas être modifiées
par la force, ont réaffirmé les membres du G7. Le président
ukrainien Volodymyr Zelensky a assisté aux pourparlers à
Elmau par liaison vidéo.
Le G7 a convenu que la guerre d’agression de la Russie
contre l’Ukraine façonnerait les relations internationales pour
longtemps encore. Dans les relations avec la Russie, il ne peut
y avoir de retour en arrière avant l’invasion russe de l’Ukraine.
Le G7 a promis une assistance financière, humanitaire, militaire
et diplomatique à l’Ukraine dans la guerre contre la Russie et
ce soutien n’est pas soumis à une limite de temps. Dans une
déclaration commune, le Groupe des Sept (G7) a également
annoncé un durcissement des sanctions contre la Russie.
Le G7 a clairement indiqué qu’il visait à investir massivement
dans les infrastructures mondiales. Avec le président américain
Biden, le chancelier Scholz a présenté le partenariat pour les
infrastructures et l’investissement mondiaux. À cette fin, les
partenaires du G7 prévoient de mobiliser jusqu’à 600 milliards
de dollars américains d’investissements publics et privés au
cours des cinq prochaines années. Le G7 cherche à rendre le
monde meilleur avec de meilleures infrastructures, ont déclaré
les chefs d’État et de gouvernement dans leur déclaration
finale. L’initiative d’infrastructure du G7 s’appuie sur de solides
initiatives régionales telles que l’initiative EU Global Gateway.
Un ordre international fort et fondé sur des règles ne peut être
réalisé sans la solidarité et la coopération entre les démocraties
du monde - tant au sein du G7 qu’au-delà. Des partenariats
et des initiatives mondiales sont nécessaires pour faire de réels
progrès face aux défis importants auxquels le monde de demain
est confronté. C’est pourquoi les membres du G7 ne restent pas
seuls à Elmau : l’Allemagne a invité cinq pays partenaires à
participer au Sommet, qui embrassent tous la liberté et l’État de
droit : l’Argentine, l’Inde, l’Indonésie, le Sénégal et l’Afrique du
Sud ; pays également courtisés par les puissances émergentes
majeures des Brics lors de leur sommet.

Le G7 a voulu également réaffirmer que les États membres

partagent une vision commune du monde « unis par notre foi en
la démocratie et l’État de droit », a déclaré le chancelier Scholz
au début du sommet. Les pays du G7 se sont tenus étroitement
côte à côte dès le début lorsqu’il s’agissait d’organiser le soutien ALLER PLUS LOIN...
à l’Ukraine, tout comme l’Union européenne et l’OTAN. Les ÉLYSÉE.FR : Déclaration commune des
récentes attaques de missiles contre des cibles civiles ont une chefs d’États et de gouvernement
fois de plus démontré à quel point Poutine mène une guerre TV5 MONDE INFO : Les dirigeants du G7
brutale montrant qu’il est juste pour le G7 de s’unir et de soutenir au chevet d’un monde en crise
les Ukrainiens dans la défense de leur pays, de leur démocratie
et de leur liberté d’autodétermination.

Autre sujet brûlant, les questions économiques mondiales. Tous

les pays du G7 sont préoccupés par les crises auxquelles ils
sont actuellement confrontés, – baisse des taux de croissance
dans certains pays, hausse de l’inflation, pénurie de matières
premières et perturbation de la chaîne d’approvisionnement,
réchauffement climatique. Ces défis ne sont pas négligeables et
le G7 de montrer qu’il souhaite en assumer une responsabilité
commune.

13

SOMMET DE L’OTAN, QUELLES CONCLUSIONS ?
Lors du sommet de l’Otan à Madrid (28 au 30 juin 2022) des
changements radicaux à l’alliance militaire occidentale ont été
convenus par les dirigeants, parmi lesquels une augmentation
considérable du nombre de troupes déployées en Europe
pour faire face à la menace russe. Environ 300 000 soldats à
travers le continent seront placés en état de préparation élevée
à partir de l’année prochaine au cas où la Russie menacerait
d’une attaque militaire contre l’un des membres de l’alliance, et
la Finlande et la Suède seront officiellement invitées à se joindre
à ce déploiement de forces.
Jens Stoltenberg a expliqué que la nouvelle stratégie signifiait
que des équipements lourds seraient positionnés près des
frontières de l’OTAN, avec la possibilité de déplacer rapidement
des personnes pour les utiliser. Avant le sommet, le Premier
ministre estonien, Kaja Kallas, avait affirmé que les plans de
défense existants de l’OTAN donneraient à la Russie le temps
de rayer Tallinn de la carte avant que les troupes occidentales
ne puissent être mobilisées. Lors du sommet, le secrétaire
britannique à la Défense, Ben Wallace, a admis qu’il aurait fallu
60 jours pour déplacer des chars supplémentaires vers les États
baltes en cas de conflit dans le cadre des anciens plans.
14
Jens Stoltenberg, secrétaire général de
l’OTAN, lors d’une conférence de presse
le dernier jour du sommet de l’OTAN à
Madrid.
La Russie identifiée comme la principale menace pour l’Otan
Un document de concept stratégique de l’OTAN de 2022 a
été publié, qui a identifié l’invasion de l’Ukraine par la Russie
comme le moteur des changements. C’était la première fois
que le document était révisé depuis 2010, lorsque la Russie
participait encore aux sommets de l’OTAN jusqu’en 2014 date
d’annexion de la Crimée. Il déclare : « La guerre d’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a brisé la paix et
gravement altéré notre environnement sécuritaire. Son invasion
brutale et illégale, ses violations répétées du droit international
humanitaire et ses attaques et atrocités odieuses ont causé des
souffrances et des destructions indicibles ».
La Finlande et la Suède sont officiellement invitées à rejoindre
l’OTAN
Un accord conclu entre la Finlande, la Suède et la Turquie a
ouvert la voie à l’invitation formelle des deux États nordiques
à l’alliance. Cela a marqué la fin de la neutralité traditionnelle
des deux pays, qui remontait à la guerre froide. Les objections
de la Turquie ont été abandonnées après la conclusion d’un
accord dans lequel les deux pays nordiques se sont engagés
à prendre des mesures pour contrôler le soutien de certains
activistes au terrorisme kurde. Leur adhésion doit être ratifiée
individuellement par les parlements des 30 alliés existants dans
les prochaines semaines.
de l’OTAN a déclaré : « La situation en matière de sécurité est
la plus grave que nous ayons connue depuis des décennies.
Mais nous nous employons à relever ce défi avec unité et
détermination ».

Un œil sur la Chine

L’Otan a déclaré que les « opérations hybrides et cyber

malveillantes de la Chine et sa rhétorique conflictuelle et ALLER PLUS LOIN...
sa désinformation ciblent des alliés » et que « les ambitions  NATO.INT : Le sommet de Madrid se clôt
déclarées et les politiques coercitives de la Chine défient sur des décisions très importantes visant à
transformer l’OTAN
nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs ». Les dirigeants de
l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la Corée du EURONEWS : Sommet de Madrid, ce qu’il
faut retenir
Sud ont assisté pour la première fois à un sommet de l’OTAN.
Lors de sa conférence de presse de clôture, le secrétaire général

UKRAINE/MOLDAVIE/GÉORGIE, CANDIDATS À L’ENTRÉE DANS L’UE,

UN PROCESSUS LONG

15
 Le G7 solidaire au côté de l’Ukraine
Entre fin février et début mars 2022, l’Ukraine, la Géorgie
et la Moldavie ont successivement envoyé leur candidature
d’adhésion à l’UE. Si les deux premières ont obtenu le statut
de candidat de la part des Vingt-Sept le 23 juin dernier, le
processus d’intégration est souvent long et exigeant.
Tout s’est accéléré à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la
Russie, le 24 février. Alors que l’UE a rapidement accordé son
soutien à Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a
signé une demande d’adhésion à l’Union Européenne le 28
février. Une candidature suivie par celles de la Géorgie et de
la Moldavie le 3 mars. Ces anciennes républiques soviétiques
craignent d’être les prochaines cibles de Vladimir Poutine. Lors
du dernier conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement
des Vingt-Sept ont accordé le statut de candidat à l’adhésion
européenne à l’Ukraine et à la Moldavie, mais pas encore à la
Géorgie, à laquelle des efforts supplémentaires sont demandés.
La procédure d’adhésion prend en règle générale plusieurs
années.
L’intégration à l’UE est un processus au long cours : le droit du
pays candidat doit devenir conforme au droit européen, ce
qui donne lieu à des négociations souvent complexes. Si les
premières vagues d’élargissement à l’Ouest avaient pu être
achevées relativement rapidement, les exemples plus récents
ne manquent pas pour illustrer l’important délai qui peut exister
entre le dépôt de candidature et l’adhésion officielle à l’UE. La
Hongrie et la Pologne ont envoyé leur demande d’adhésion
en 1994 pour une entrée en 2004, il en est de même pour la
Roumanie et la Bulgarie candidates en 1995 et qui rejoignent l’UE
en 2007. Ces exemples viennent montrer qu’il faut en moyenne
une dizaine d’années avant qu’un État puisse intégrer l’Union.
La Commission européenne doit d’abord rendre un avis sur
chacune des demandes d’adhésion après les avoir examinées.
Ce qu’elle a fait le vendredi 17 juin 2022 : sa présidente Ursula
von der Leyen a recommandé aux États membres d’accorder
à l’Ukraine le statut de candidat à l’UE. “La Commission
recommande au Conseil, premièrement, de donner à l’Ukraine
une perspective européenne et, deuxièmement, de lui accorder
le statut de candidat. Ceci, bien entendu, à condition que le
pays procède à un certain nombre de réformes importantes”, a
déclaré Ursula von der Leyen. Une fois l’avis rendu par l’exécutif
européen, les candidatures doivent être acceptées à l’unanimité
par les États membres. Le pays obtient alors le statut de candidat
à l’adhésion. Le processus d’intégration donne ensuite lieu à
des négociations généralement longues et complexes, qui ne
peuvent aboutir à une adhésion à l’UE qu’avec, de nouveau,
l’accord de tous les Vingt-Sept.
Autre point à respecter, les trois critères fondamentaux d’adhésion
définis à Copenhague en 1993, à savoir des institutions stables
garantissant la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme
16
et le respect et la protection des minorités ; une économie de
marché viable pouvant faire face à la concurrence et au marché
de l’UE et enfin l’acquis communautaire c’est-à-dire la capacité
de mettre en œuvre les obligations découlant de l’adhésion
dans le domaine économique et monétaire.
Plusieurs difficultés importantes marquent ces trois candidatures.
Pour l’Ukraine, il s’agit en premier lieu de la guerre qui l’oppose
depuis le 24 février à la Russie. Il apparaît particulièrement
difficile de garantir des institutions stables et une économie
viable lorsqu’un pays est en proie à un conflit armé.
En outre, les pays de l’ex-URSS subissent une forte corruption.
Selon le baromètre mondial de la corruption de 2021 établi par
l’ONG Transparency International, l’Ukraine en particulier est
le pays d’Europe le moins bien classé, avec un score de 32 sur
100 (et de 36 pour la Moldavie).
Enfin, la Moldavie apparaît comme l’un des pays les plus
pauvres d’Europe. Et l’économie de l’Ukraine, qui ne répondait
pas encore aux critères d’intégration, est lourdement affectée
par la guerre.
Outre cette officialisation des candidatures, l’Ukraine, la
Moldavie et la Géorgie entretiennent déjà des relations étroites
avec l’UE. L’Ukraine a signé un accord de partenariat et de
coopération bilatéral avec l’UE en 1994. Elle a ensuite souscrit à
l’objectif d’une adhésion à long terme. En 2005, le Plan d’action
conjoint UE-Ukraine, destiné à servir de cadre aux réformes à
effectuer dans le pays, a été adopté. Des négociations sur un
accord d’association ont été lancées en 2007, mais le texte
n’a été signé qu’en 2014. Ce traité vise à renforcer les liens
politiques et économiques de l’UE et de l’Ukraine.
La Moldavie a signé un accord d’association avec l’UE en
2014, en même temps que l’Ukraine et la Géorgie, dans
le cadre du Partenariat oriental auquel participent les trois
pays. Au cours des années 1990, l’UE et la Géorgie se sont
également rapprochées. C’est en 1999 qu’un accord bilatéral
de partenariat et de coopération a été signé. En 2008, lors de la
guerre russo-géorgienne, l’UE a condamné le recours à la force
de la Russie. Mais contrairement à l’Ukraine et à la Moldavie,
la Géorgie n’a pas obtenu d’avis positif de la Commission. Les
États membres ne lui ont pas accordé le statut de candidat à
l’adhésion et lui ont demandé des efforts supplémentaires. En
cause notamment : une orientation du gouvernement de plus en
plus pro-russe et des atteintes répétées à l’état de droit.
Estimant que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE pourrait « prendre
des décennies » et que les Ukrainiens ne devaient « pas se faire
d’illusions » sur une adhésion rapide à l’UE, Emmanuel Macron
a proposé, le 9 mai 2022, d’intégrer le pays dans une nouvelle
«  Communauté politique européenne  ». Celle-ci regrouperait
d’autres « nations démocratiques » du Vieux Continent, membres
ou non de l’Union européenne.
Cette organisation doit, selon le président français, permettre
«  aux nations européennes démocratiques adhérant à notre
socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération,
en matière de politique, de sécurité, d’énergie, de transport,
d’investissement, d’infrastructures, de libre circulation
des personnes  ». Ces pays pourraient ainsi bénéficier de
coopérations accrues avec les autres États européens avant
une éventuelle adhésion à l’UE. Proposition accueillie avec
enthousiasme par certains mais qui ne fait pas l’unanimité au
sein de la famille européenne.
ENERGIE : LE RETOUR DU CHARBON EN EUROPE ?
On le pensait amené à disparaître mais la guerre en Ukraine
et les sanctions économiques envers la Russie ont brutalement
changé la donne en matière de politique énergétique en Europe.
Banni pour sa forte contribution au réchauffement climatique,
le charbon fait son grand retour au point de d’envoyer aux
oubliettes les accords de Paris. Le but  ? Sauver l’économie et
l’industrie européenne.
Avec le retour de la guerre en Europe et les tensions sur
l’approvisionnement en gaz et pétrole russe, de nombreux pays
européens ont cherché des alternatives pour garantir leur sécurité
d’approvisionnement en électricité. A l’image de l’Allemagne
qui, mi-juin, a annoncé qu’elle allait utiliser davantage ces 66
centrales à charbon afin de réduire sa consommation de gaz,
et de donc de sa dépendance envers la Russie, pour assurer
sa sécurité d’approvisionnement énergétique. « Pour réduire la
consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire
de l’électricité. À la place, les centrales à charbon devront être
davantage utilisées  », a déclaré le ministère de l’Économie
allemand. Conséquence sur le terrain, des réouvertures de
centrales à charbon prévues pour l’automne prochain et des
millions d’euros d’investissements dans ce secteur énergétique.
D’autres pays ont également repris le chemin du charbon ces
dernières semaines. La France a annoncé que la réouverture
de la centrale de Saint Avold en Moselle serait une mesure
envisageable mais temporaire en attendant la modernisation du
parc nucléaire français. Le ministère de la transition écologique
a maintenu et confirmé que cet éventuel redémarrage s’inscrit
17
ALLER PLUS LOIN...
SITE DU CONSEIL DE L’EUROPE :
Conclusions du Conseil européen du 23 juin
2022
FRANCE 24 : L’Ukraine et la Moldavie
obtiennent le statut de candidat à l’UE
dans le plan de fermeture des centrales à charbon. A l’heure
actuelle, une seule centrale à charbon reste en activité dans
l’hexagone, à Cordemais en Loire-Atlantique, la centrale de
Saint Avold a définitivement cessé son activité le 30 mars 2022.
En Pologne, Italie, aux Pays Bas, en Autriche ou encore en
Bulgarie, la question de relancer la production d’électricité via
le charbon reste de la haute actualité face à un hiver qui pourrait
s’annoncer compliqué en termes de production suffisante.
Le charbon se présente comme une alternative particulièrement
économique pour les pays disposant de cette ressource et
technologie sur leur territoire. Les centrales sont très faciles à
redémarrer si elles ont été maintenues en état et elles représentent
un coût de production particulièrement avantageux. Si l’on
regarde les cours du charbon de ces derniers mois, l’équivalent
d’un mégawattheure se vend environ 45€ - ce qui reste cher-
contre 130€ pour le gaz. L’électricité produite avec le charbon,
bien que chère par rapport aux années précédentes, est donc
meilleur marché que le gaz dans ce cas présent.
Reste que cette énergie fossile reste deux fois plus polluante
que le gaz. Un bien mauvais signal pour l’environnement et les
engagements tenus par l’UE dans le cadre des accords de Paris
de 2015 qui visaient à réduire les émissions de gaz à effet de
serre d’au moins 55% d’ici 2030 par rapport à 1990. Avec ce
revirement l’Europe veut montrer que la priorité reste l’économie
au dépend de la question climatique. Avec la guerre, les États
veulent sauver le confort de leur population à court terme mais
l’impact climatique sera bel et bien présent, avec une production
de CO2 deux fois plus élevée et des risques de pollution comme
l’oxyde d’azote qui pourrait être issu d’une mauvaise combustion
du charbon. ALLER PLUS LOIN...
LE FIGARO : Retour au charbon dans l’UE :
Le charbon reste certes en net déclin en Europe au nom des inquiétude de Bruxelles et des ONG
nécessités climatiques et son retour devrait rester avant tout BFM BUSINESS : Le grand retour du
conjoncturel. La production d’électricité des centrales à charbon charbon en Europe
en Europe représentait 25 % en 2013 contre 13 % en 2021.

Elmau, Allemagne, réunion des

dirigeants du G7 au côté du président
ukrainien Volodymyr Zelensky, invité
d’honneur du sommet du G7, 26 au 28 juin
2022

18
 Potence érigée par les assaillants et
supporters de Trump au Capitole le 6 janvier
2021
ASSAUT DU CAPITOLE, ARMES À FEU, COUR SUPRÊME : LA
DÉMOCRATIE AMÉRICAINE EST-ELLE MENACÉE ?
La révolution conservatrice américaine n’est pas un phénomène
récent. On peut dater son origine au milieu des années 1970
sous Jimmy Carter, président démocrate. La religion est pour la
première fois entrée à la Maison Blanche où Jimmy Carter a
rendu ses prières publiques, sa foi publique, ainsi l’Amérique
a fait alors un premier pas sur ce qui pourrait peut-être un jour
devenir la première théocratie occidentale.
Le processus s’est accentué sous l’ère Reagan (1980-1988)
révolution plutôt ultra-libérale au sens ultra capitaliste plus
que conservatrice sur le sociétal. Néanmoins cette révolution
s’est poursuivie durant les années 1990 sous la présidence
Clinton puis essentiellement durant les années 2000 sous les 2
mandats de George W. Bush (2000-2008). Après l’intermède
Obama (2008-2016) le flambeau est repris sous Donald
Trump. Aujourd’hui alors que nous sommes sous la présidence
démocrate sans doute la plus faible depuis plus d’un siècle, les
républicains ont décidé de passer à la vitesse supérieure.
Les républicains modérés, ceux du centre droit ne sont plus
présents au sein du parti, les John McCain George Bush père
ou Mitt Romney sont soit décédés soit mis de côté. Les plus
radicaux des républicains se placent en chef de parti, ce sont
des politiciens mais surtout et avant tout des idéologues dont
l’objectif est évidemment de gagner les élections de novembre
2022 mais surtout la présidentielle de 2024. On peut alors
19
comprendre que les deux récents arrêts de la Cour suprême sont
des éléments constitutifs de cette radicalisation.
L’arrêt de la Cour suprême du jeudi 23 juin dernier consacrant le
port d’armes hors du domicile dans l’État de New York mais aussi
dans l’État de Californie est un acte d’ordre civilisationnel plus
que juridique. Dans la pratique cela va rendre le port d’armes
possible pour tout détenteur d’une arme à feu dans l’État de
New York mais aussi en Californie ainsi que dans d’autres États
ou la loi new-yorkaise était appliquée risquant de générer un
degré de violence encore supérieur à celui que le pays connaît
au quotidien dans certains États américains.
Mais au-delà de cela, c’est un arrêt d’ordre civilisationnel qui
trouve sa place dans cette nouvelle dynamique de la révolution
conservatrice. Les républicains, qu’ils soient au congrès, qu’ils
soient à la Cour suprême, veulent marquer le pas, veulent
donner date à cette révolution qui continue et qui s’accélère.
Aujourd’hui légiférer sur le port d’armes, c’est marquer son
territoire en envoyant un signal fort sur la vision républicaine de
la société ; comment elle doit être, comment doit être le monde
qui doit être créer, un point c’est tout, aucun débat démocratique
possible.
L’arrêt qui a suivi, vendredi 24 juin, concernant l’avortement est
du même ordre. Au-delà de l’atteinte qui est faite aux droits
des femmes, l’arrêt s’inscrit une fois de plus dans un ordre
civilisationnel et la Cour suprême a été très habile car bien que
l’on puisse condamner cette décision, les conservateurs ont fait
preuve de démocratie en jouant avec le système démocrate.
Jusqu’à vendredi 24 juin l’avortement était légal dans l’ensemble
des États-Unis, chaque État américain avait obligation de laisser
pratiquer l’avortement même si certains États, très conservateurs,
essayaient de la réduire au maximum.
Aujourd’hui donc par ce fait, les personnes anti-avortement
n’avaient aucun moyen de s’exprimer, les personnes qui
souhaitaient voir l’avortement aboli aux États-Unis ne pouvaient
même pas voter pour des candidats proposant cette mesure et
c’est sur ce fait qu’a joué la Cour suprême. Depuis vendredi 24
juin, les choses sont très différentes. La Cour suprême n’a pas
interdit l’avortement, elle s’est prononcée sur le fait que l’État
fédéral ne pouvait pas décider de faire appliquer l’avortement
comme un fait légal dans l’ensemble des États laissant de ce
fait aux États le choix de leur politique concernant ce sujet,
c’est à dire aux électeurs. Ainsi les électeurs pro-avortement
peuvent demain voter pour un candidat au Sénat, à la Chambre
des représentants, ou même pour un candidat au poste de
gouverneur, pro-avortement. Les juges de la Cour suprême,
Clarence Thomas en particulier, disent qu’ils ont fait preuve
de foi en la démocratie américaine en laissant les électeurs se
décider. On peut donc accuser la Cour suprême mais il y a
un fait qui est indiscutable, les États-Unis sont devenus un pays
ultra-conservateurs, la majorité des Américains partagent cette
vision des choses.
Concernant le port d’armes, le lobby de la NRA (National Rifle
Association) reste tout puissant.
Il s’agit ici d’un facteur civilisationnel, le port d’armes est considéré
comme faisant partie intégrante de l’identité américaine. Le
second amendement de la constitution américaine est très
précis. Il donne la possibilité à chaque citoyen d’avoir une arme
à sa disposition pour participer à une milice afin d’instaurer
l’ordre en cas d’absence d’une armée régulière, qu’elle soit
de l’État ou du gouvernement fédéral. Écrit il y a plus de 220
ans, la situation est totalement différente mais aux États-Unis les
politiciens ont l’habitude de se référer à la constitution un peu
comme les religieux pourraient se référer à la Bible ou même
au Coran. Là encore, il s’agit d’un facteur civilisationnel mais
également économique. La NRA subventionne de très nombreux
politiciens, même des démocrates, ne voyant les choses qu’à
très court terme. Aucun d’entre eux ne prendraient le risque de
voir leur budget réduit, parfois de moitié, si ce n’est plus pour
la prochaine campagne électorale et donc ne pas pouvoir
faire concurrence à des adversaires politiques qui ne seraient
plus supportés par la NRA. Voilà donc pourquoi personne
n’envisage, au congrès, de faire les choses sérieusement comme
elles devraient être faites.
Les élections de midterm, qui auront lieu en novembre prochain,
20
seront très certainement remportées par les républicains,
la question de savoir à quelle échelle  ? Ils vont reprendre le
Sénat mais vont-ils reprendre le congrès ? Ce qui est certain
c’est qu’ils auront la majorité au Sénat. À partir de là, leur
stratégie pourra continuer jusqu’à la présidentielle de 2024
en tentant de présenter l’un des plus conservateurs candidats
républicains possible. Aujourd’hui 2 noms sont mis en
évidence : Ron DeSantis, gouverneur de Floride, un véritable
conservateur à la différence de Donald Trump qui, à l’origine,
n’est pas un conservateur. Il faut se rappeler qu’il y a quelques
années Trump hésitait à se présenter sous l’étiquette démocrate
puis s’est rendu compte qu’il serait plus facile d’être élu sous
l’étiquette républicaine. Donald Trump est un homme d’affaires
qui va dans le sens du vent et, qui par démagogie, a épousé
les thèses les plus radicales de la droite américaine afin de se
faire élire président en 2016. Ron DeSantis est lui un véritable
idéologue, c’est un homme intelligent, jeune, qui a une vision du
monde ultra réactionnaire, un homme profondément religieux
qui prend les textes au premier degré, qui les vit au quotidien
au premier degré. Jusqu’à présent ces personnalités étaient
toujours un peu en marge du parti républicain, aujourd’hui ils
sont au-devant de la scène. Le parti républicain est entre leurs
mains et le déclin de la démocratie, la montée des populismes,
les inquiétudes grandissantes de la population états-unienne,
leur permet aujourd’hui de jouer les premiers rôles. Donc l’un
des 2, Trump ou De Santis, sera sans aucun doute, à moins
d’une grosse surprise, le candidat du parti républicain. À moins
également qu’il soit empêché pour des raisons judiciaires de
santé ou autre, Donald Trump sera le candidat républicain et
à DeSantis de s’opposer à lui au début des primaires pour être
certain d’être présent sur le ticket en tant que vice-président.
Si la situation ne change pas aux États-Unis, Trump pourrait avoir
une chance d’être réélu. Le dernier sondage de CNN publié
le 22 juin montre que si l’élection avait lieu aujourd’hui, Trump
serait largement réélu président. IL faut voir les choses en face,
si le ticket Trump/DeSantis sort des urnes en 2024 la révolution
conservatrice va s’accélérer, les États-Unis vont glisser de plus
en plus vers un régime «  semi autoritaire  », et l’Amérique que
nous avons connue, celle des valeurs du siècle des lumières, des
valeurs de l’après Seconde Guerre mondiale sera bien morte.
ALLER PLUS LOIN...
LA PRESSE (Canada) : « l’Amérique craque
de toute part »
OUEST FRANCE : Armes, avortement,
climat : « Une Amérique réactionnaire »
A C T U A L I T É N A T I O N A L E
Par Emmanuel CALAFIORE

Les législatives étaient attendues comme le troisième tour de la

présidentielle. Quels sont les résultats  ? Comment les gauches vont-elles
poursuivre leur union qui n’a su se faire pendant la présidentielle  ? Comment
Emmanuel Macron peut-il gouverner  ? Et quels sont les ministres qui restent et
ceux qui ont devoir partir ?

Pas de majorité absolue ? Alors quels choix s’offrent au Chef de l’État ? Qui
va devenir le 4e personnage de l’État en montant au perchoir de l’Assemblée
nationale  ? Après le second tour compliqué des législatives pour l’exécutif, les
options sont sur la table et il est temps de faire le point.

Les revues de presse se ressemble mais la situation est alarmante : il a fait chaud !
Très chaud et même si les spécialistes ont évoqué une « plume de chaleur », la
réalité est terrifiante.

C’est la fin des moteurs thermiques ! Comment une telle décision a été prise
et que signifie ce changement pour les consommateurs ? Cet arrêt marquera-t-il
l’avènement d’une consommation plus raisonnée des énergies et des nouvelles
façons de conduire ?

22
 LÉGISLATIVES 2022 :
LE TROISIÈME TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE
Deux tours, deux dimanches où les électeurs ont préféré parfois
sécher ce qui s’est présenté comme la revanche de l’élection
présidentielle.
Les 12 et 19 juin 2022, les Français inscrits sur les listes
électorales ont pu exprimer leur choix pour les 5 ans à venir… Le
détail selon les deux soirées pour bien comprendre les enjeux.
Premier Tour - 12 juin 2022 :
À 20h, les résultats tombent selon les projections des instituts de
sondage : la majorité présidentielle est en tête avec 25,75% des
voix devant la NUPES : 25,66%.
En termes de projection de sièges, voici celles proposées par
Visactu. (page suivante)
Pour obtenir la majorité absolue, le président de la République
doit obtenir 289 sièges. Au soir du Premier tour, cela semblerait
tout juste et il faudra sans doute que la majorité présidentielle
compose alors avec une partie des LR ou des divers gauches,
dissidents NUPES… cela offrirait une véritable majorité absolue
22
au président, mais cela supposerait aussi des moments de
négociations avec les parties qui décideront de rejoindre
« Ensemble ! » lors des débats à l’Assemblée.
Et le vainqueur du premier tour : l’abstention
Un nouveau record d’abstention  : 52,49% d’abstention, c’est
la première fois que les électeurs français se sont aussi peu
mobilisés pour une élection. Selon le profil de l’électorat, cette
abstention concerne les classes populaires et surtout les jeunes.
Seuls 30% des 18-34 ans sont allés voter au premier tour… ce
sont que les candidats vont devoir aller chercher pour remporter
des circonscriptions où les réserves de voix sont faibles.
En effet, en s’associant, les gauches disposent de réserves de
voix légères. En d’autres termes, dans certaines circonscriptions,
face aux candidats de la majorité présidentielle, les réserves
de voix sont à droite, chez les Républicains ou alors chez le
Rassemblement National.
Cette abstention marque aussi un phénomène continu depuis
1993 où les législatives ont commencé à ne plus intéresser les
Français.
Les raisons de ce rejet sont à chercher notamment dans la
une campagne de nouveau atone où même le Président de la
République aura fait le service minimum. Emmanuel Macron
23
avait pourtant reconnu au soir de sa réélection que les résultats
l’obligeaient à changer de politique et à montrer qu’il avait
entendu les colères… ces résultats montrent une tripartition de la
vie politique entre la majorité présidentielle, la NUPES et le RN
qui n’a jamais été aussi fort.
Et finalement, combien de candidats réélus dès le premier
tour ?
Seulement 5. Aussi surprenant que cela semble, pourtant,
plusieurs candidats ont dépassé la barre des 50% dès le premier
tour mais les règles des législatives et de ce scrutin uninominal
sont claires : « pour être élu dès le premier tour, il faut obtenir
la majorité des voix et 25% des inscrits » mais avec l’abstention
record, seuls 5 candidats arrivent directement à l’Assemblée
nationale sans devoir attendre le 19 juin.
Ainsi par exemple, Marine Le Pen dans la 11e circonscription
du Pas-de-Calais obtient 53,96% des voix mais n’a pas les 25%
des inscrits. Donc elle doit se présenter au second tour face à
Marine Tondelier de la NUPES.
Et les échecs sont nombreux aussi :
Si Éric Zemmour devient un personnage de la vie politique,
aucun député Reconquête ne rentre à l’assemblée. Il a lui aussi
échoué à conquérir la circonscription du Var.
L’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel
Blanquer, est éliminé dès le premier tour, tout comme Manuel
Valls qui avait rejoint les rangs de la République en Marche.
Entre-deux-tours :
Pour cette campagne d’entre-deux-tours, sur 577
circonscriptions, 5 candidats ont été réélus dès le premier tour
(4 Nupes et 1 Ensemble !), il reste 564 duels et 8 triangulaires
(avec donc plus de deux candidats au second tour).
Quelles sont les consignes de vote données par les partis
dans cet entre-deux-tours ? Des consignes particulières car le
front républicain contre le RN ne semble plus exister. Ainsi des
candidats LR ou encore LREM ont appelé à ne pas donner leur
voix au candidat du RN mais aussi de la NUPES. Si Stanislas
Guérini (chef LREM) a fait preuve de mesure en appelant à
donner toutes les voix à Marine Tondelier, candidate NUPES,
contre Marine Le Pen dans la 11e circonscription, d’autres
candidats battus de la majorité que s’il ne fallait pas voter pour
le RN, ils n’appelaient pas à voter pour un candidat NUPES qui
« ne respecterait pas les valeurs républicaines ».
À noter que durant cet entre-deux-tours, les résultats ont pu être
contestés par Jean-Luc Mélenchon. Pour celui-ci, des résultats
de certains candidats proches de la Nouvelle Union Populaire
Écologique et Sociale (NUPES), n’ont pas été comptabilisés par
le ministère de l’Intérieur comme étant des candidats de cette
nouvelle force de gauche… entraînant de facto, la prise de la
première place par la majorité présidentielle au soir du premier
tour.
Alexis Corbière, réélu dès le premier tour dans la 7e
24
circonscription de Seine-Saint-Denis et élu LFI, a affirmé sur
la chaîne LCI que le ministère de l’Intérieur a « fourni de faux
chiffres… ils nous suppriment des candidats sans aucun doute ».
Là où cette affirmation peut être regardée de façon véritable,
c’est que l’Intérieur a parfois décidé de ne pas étiqueter les
candidats de gauche de Corse et d’outre-mer sous l’étiquette
de ce grand rassemblement populaire.
En face, chez LREM, c’est Christophe Castaner qui a répondu,
estimant que la NUPES était dans la théorie classique du
complot… ils parlent de gens qui les soutiennent maintenant alors
qu’ils ne les soutenaient pas il y a deux jours et ils voudraient les
comptabiliser. Tout ça n’est pas très sérieux ».
Cela a donné le ton d’une campagne menée sur la lutte contre
les extrêmes, parfois éloignée des préoccupations des Français
(le pouvoir d’achat, la crise en Ukraine, le Covid).
Second Tour – 19 juin 2022 :
Il n’y aura donc pas de majorité absolue pour le Président de la
République. Emmanuel Macron comprend désormais que son
second mandat est la résultante d’un vote contre les extrêmes.
Et, selon les résultats officiels, voici la composition de la nouvelle
Assemblée nationale : avec 245 sièges obtenus, Ensemble ! est
la première force du pays. Mais le regroupement des partis
autour d’Emmanuel Macron n’obtient pas la majorité absolue
(il aurait fallu 289 sièges et la majorité en avait 345 lors du
précédent mandat d’Emmanuel Macron).
Face à lui, deux forces s’opposent : les 131 députés de la NUPES
et les 89 du RN. Les Républicains sont en net recul (seulement
64 sièges).
Néanmoins, cela donne la possibilité pour ces formations
d’avoir des groupes à l’Assemblée mais déjà le dimanche soir,
à peine les résultats connus, des fissures semblaient apparaître
parce que chez la NUPES, les partis souhaitaient chacun obtenir
un groupe distinct… loin d’une union complète donc.
Quant à Elisabeth Borne, la Première ministre, puisqu’elle a
remporté les élections dans le Calvados, va garder son poste…
surtout qu’elle a remis dès le mardi 21 juin, sa démission au
Chef de l’État qui l’a refusée. Ce dernier a décidé qu’il prendrait
la parole pour expliquer ce qui serait décidé face à ces résultats
où la majorité est relative pour Ensemble!
Pour aller plus loin, la carte des résultats ville par ville :
Au fait on prononce comment la NUPES ? Dans 20 Minutes,
l’Académie française décide d’apporter une solution… mais
finalement, chacun fera comme il le souhaite :
 QUELLE MAJORITÉ POUR GOUVERNER ?
Emmanuel Macron sait qu’il n’a qu’une majorité relative pour
gouverner. Il doit obligatoirement trouver une alliance. Quels
sont les scénarios possibles ?
Le Président a décidé de réunir les chefs des différentes
formations afin de mesurer jusqu’où ils sont prêts à aider l’État
pour éviter qu’il ne soit bloqué. Adopter des mesures au coup
par coup ? Trouver une coalition plus large avec les dissidents
de gauche ? Une partie des LR qui ne sont pas tentés par le RN ?
Ou alors envisager que le parti de Marine Le Pen puisse être un
appui du gouvernement ?
Dans l’entourage du Président, on le pousse à une alliance avec
les LR. Edouard Philippe, son ancien Premier ministre, propose
même l’idée d’une grande coalition nationale qui ne passe pas
par un lien avec le Rassemblement National. Cette idée de
coalition rappelle l’après-guerre quand le général de Gaulle
envisagea la reconstruction de la France après la collaboration
et l’horreur nazie en France. Toute proportion gardée, cette
option ne semble pas être celle que va choisir le président de la
République lors de son allocution du mercredi 22 juin.
Suivi par 15,5 millions de Français, c’est une allocution plus
courte que d’habitude, proposée par le Président. Ce dernier a
clairement reconnu les fractures nées des législatives, une situation
proche de la IVe République où c’est l’Assemblée qui a tous les
pouvoirs et où les coalitions étaient nombreuses et nécessaires.
Dans cette allocution, Emmanuel Macron a expliqué qu’il fallait
légiférer différemment et faire des compromis, surtout qu’il a
tenu à rappeler à quel point les formations politiques respectent
25
les institutions de la Ve République et ont pour « volonté d’éviter
un blocage pour notre pays ».
En clair, Emmanuel Macron décide tout simplement de ne
pas prendre de décision en plaçant les différents chefs des
formations politiques de prendre leurs responsabilités.
Ce sont les formations de l’opposition qui vont donc devoir faire
des propositions pour choisir le chemin dans lequel le pays va
s’engager. Dans la tête du chef de l’État, selon ses propres mots,
« aucune force politique ne peut faire les lois seule ».
Après cette allocution, un électron libre apparaît  : Fabien
Roussel, chef du PCF et partisan de la NUPES, prêt à un
gouvernement d’union nationale. Il propose déjà des mesures
sur le pouvoir d’achat notamment il dépose un texte de loi pour
baisser de « 35 centimes les taxes sur l’essence » qui dépasse
toujours les 2 euros.
Pour aller plus loin, l’allocution :
Pour le mois de juillet, la Première ministre devra donc former
un nouveau gouvernement dans lequel les ministres battus aux
élections législatives seront forcément remplacés pour essayer
de couvrir une palette qui pourrait permettre au président de la
République de gouverner.
Enfin au niveau de l’Assemblée nationale, les chefs de groupe
sont connus :
- Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance (Majorité
présidentielle)
- Marine Le Pen, présidente du groupe RN
- Mathilde Panot, président du groupe LFI
- Olivier Marleix, président du groupe LR
- Jean-Paul Mattei, président du groupe MoDem
- Boris Vallaud, président du groupe PS
- Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons
- Julien Bayou et Cyrielle Chatelain, coprésident du groupe EELV
- André Chassaigne, président du groupe communiste
Pour aller plus loin, leur portrait :
Et pour la première fois, une femme devient présidente du
perchoir  : Yaël Braun-Pivet, députée des Yvelines, succède
26
donc à Richard Ferrand qui a été battu au second tour de ces
législatives.
Et pour l’accompagner, six vice-présidents sont élus, on
retrouve pour la première fois, deux élus RN (Sébastien Chenu
et Hélène Laporte).
Les autres vice-présidents : Valérie Rabault (PS), Caroline Fiat
(LFI), Élodie Jacquier-Laforge (MoDem) et Naïma Moutchou
(Horizons, le parti d’Édouard Philippe, l’ancien Premier ministre
d’Emmanuel Macron).
Pour aller plus loin, portrait de Yaël Braun-Pivet, première
femme à devenir présidente de l’Assemblée nationale, dont la
réputation a été entachée par l’affaire Benalla :
 « IL FAIT TROP CHAUD ! » :
LA FAMEUSE PLUME DE CHALEUR
Tous les mois dans cette revue de presse, nous faisons état
du monde et surtout du réchauffement climatique. Après les
épisodes de tempêtes, c’est désormais la chaleur qui occupe
la France.
Certes en juin, il fait habituellement chaud mais les températures
relevées sont inhabituelles et la preuve du réchauffement
climatique.
Une situation pourtant prévue il y a trente ans déjà par Robert
Vautard qui fait partie aujourd’hui des membres du Giec. Plus
de 37° à Paris en plein mois de juin, c’est inédit. Des records
de chaleur sont tombés comme à Biarritz avec un record absolu
de températures : 42,9° à 16h, le samedi 18 juin par exemple
quand le précédent record était de 40,6° en 2003.
Une carte pour voir ces records :
27
Quelles solutions ?
Le gouvernement français a promis de débloquer une enveloppe
de 500 millions d’euros pour créer des îlots de fraîcheurs en ville,
des bailleurs sociaux ont même décidé de repeindre les toits des
immeubles en blanc afin de faire baisser la température dans
l’immeuble. Mais cet épisode de chaleur appelée «  plume  »
ou «  coup de chalumeau  » a un effet sur la végétation avec
les premiers incendies de forêt dans le sud de la France. Si les
sapeurs-pompiers peuvent dire qu’habituellement les incendies
démarrent fin juin-début juillet, ils constatent que la situation
est exceptionnelle mais qu’elle pourrait bien devenir la norme.
Mais une norme qui entraîne aussi une augmentation des zones
d’incendie. Autrefois circonscrits dans le Sud, les incendies ont
gagné la Bretagne ou la Normandie au point que des pistes
pour bombardiers d’eau ont été installées dans la Somme par
exemple.
Cette situation est aussi l’héritage de sols secs en mai avec
des pluies moins fréquentes. Conséquence, les agriculteurs
aussi vont souffrir de ces chaleurs précoces. Et conséquence :
1° de chaleur en plus, cela correspond à 7% d’humidité… soit
des épisodes de pluie plus violents et forts avec des risques
d’inondation.
Et les météorologistes des chaînes de télévision ont décidé
désormais de lancer des cris d’alerte pour que la population
prenne conscience du réchauffement climatique. C’est le cas
par exemple de Marc Hay, journaliste pour BFM TV, qui ne
souhaite pas faire peur mais qui veut utiliser un ton de vérité : « il
faut que les gens comprennent que la France va cramer cette
semaine ».
D’autres solutions pour tenter de se protéger lors des
épisodes de canicules à répétition ?
Pour se protéger de cette chaleur, il ne faut pas faire appel
28
uniquement aux climatiseurs, lourds consommateurs d’énergie. Il
y a des solutions envisageables : planter des arbres, végétaliser
les rues, des immeubles de couleur blanche pour réverbérer la
chaleur. Et puis l’eau peut servir de climatiseur. C’est comme cela
que 800 immeubles parisiens reçoivent la climatisation de la
Seine par un réseau de froid urbain. Ce procédé évite notamment
d’utiliser les climatiseurs dont les rejets de flux frigorigènes sont
de 5 à 10%, ils créent donc des îlots de chaleur urbains, voire
les amplifient. Et surtout, ces climatiseurs pourraient représenter
à l’horizon 2050 : 45% de la demande mondiale d’électricité.
Et en France, on compte déjà 24 réseaux similaires à celui de
Paris, au point que la France est la championne d’Europe dans
l’utilisation de cette technologie. Une solution raisonnable pour
la planète mais qui n’est pas l’unique réponse pour lutter contre
le réchauffement climatique.
Pour aller plus loin, cette vidéo d’Evelyne Dhéliat pour
sensibiliser à la hausse des températures dans le cadre de la
Cop 20 en 2014, est d’une triste actualité. Voici la vidéo en
question :
 FIN DES MOTEURS THERMIQUES À HORIZON 2035
Une révolution qui vient d’Europe… la fin des moteurs thermiques
pour 2035… et à terme un arrêt définitif pour 2050.
L’Union européenne vient d’adopter l’accord de l’arrêt de
vente de véhicules neufs fonctionnant au moteur thermique
d’ici 2035. Dans les faits, les véhicules neufs à partir de 2035
ne fonctionneront avec un moteur thermique, c’est le fameux
moteur à combustion et explosion. C’est le moteur dont le
mode de fonctionnement est le plus répandu actuellement sur le
marché de l’automobile. Pour qu’il puisse fonctionner, ce moteur
a besoin de carburant comme l’essence ou le diesel.
Or avec l’urgence climatique, et malgré la pression des
constructeurs automobiles, les députés des 27 pays européens
ont annoncé que désormais pour 2035, il n’y aurait plus de tels
moteurs pour ne plus dépendre des énergies fossiles.
D’un côté, cela répond à la véritable problématique du coût
des carburants qui grève le budget des Français notamment, et
de l’autre, cela répond à l’urgence climatique à la recherche
d’énergies plus vertes. Ainsi, l’Union européenne tient à devenir
le premier continent neutre en carbone d’ici à 2050.
Pour être précis, il faut savoir que cette mesure votée par l’Union
29
européenne concerne uniquement les voitures neuves. Dans les
faits, une voiture neuve achetée en 2035 n’aura plus de moteurs
thermiques… mais une voiture de ce type achetée en 2034
n’aura pas à être changée dès l’année de mise en application
de cet accord. Concernant le marché de l’occasion, le texte ne
le concerne pas. L’idée est que pour 2050, la quasi-totalité des
voitures à moteurs thermiques devraient disparaître du continent
européen d’ici 2050 donc. Pourquoi cette date si précise, parce
que selon les constructeurs automobiles, la durée de vie d’une
voiture thermique est généralement d’environ 16 années.
Bien entendu, cet accord a subi la pression des constructeurs
automobiles, dont les voituriers allemands tels que Volkswagen
ou BMW. Ils ont tout d’abord demandé la possibilité de vendre
encore 10% de camionnettes neuves thermiques, dont qui
émettent du CO2. Cela a été refusé. Alors, les constructeurs et
certains députés de droite du Parlement européen ont brandi le
chiffon de l’emploi.
En France, le secteur automobile emploie plus de 2
millions de personnes
Cependant des craintes commencent à voir le jour car une
voiture électrique nécessite 40% de main d’œuvre en moins
que le modèle thermique. Et ce sont surtout les mécaniciens qui
pourraient y perdre le plus. En effet, une voiture thermique est
composée d’une boîte de vitesses, d’huile de moteur donc de
vidange à effectuer ou encore d’une courroie de distribution.
Les moteurs électriques obligent une voiture automatique sans
levier de vitesse et la fin des vidanges… donc avec juste les
pneus et la carrosserie pour secteur de travail, les mécaniciens
s’inquiètent de cet accord voté par l’Union européenne.
D’où la question  : des licenciements à prévoir, moins
d’embauches  ? Dans les faits, l’Union européenne laisse 13
ans à la filière pour se réorganiser et se restructurer. La solution
pour éviter des licenciements ou des craintes d’absence de
recrutement car les futurs ouvriers ne sont pas prêts, les 27 de
l’Union européenne vont accélérer l’investissement du secteur
automobile dans la reconversion des équipes déjà en place et
surtout la formation des futurs apprentis à ces moteurs électriques.
Pour l’Union européenne, un autre secteur va aussi offrir des
possibilités d’emploi  : la conception des moteurs électriques
(notamment dans le Nord) ou encore l’installation de bornes
électriques car c’est bien là tout le défi : il faut accélérer sur cette
partie pour déployer plus de 7 millions de bornes de recharge à
travers les territoires et enfin regarder uniquement dans l’Europe
et non plus vers la Chine qui est le leader mondial des batteries
électriques.
D’autres moyens vont aussi être mis en place pour faciliter le
passage aux véhicules électriques. Outre les bornes de recharge,
les métropoles urbaines vont aussi accentuer les restrictions
d’entrée dans les zones d’agglomération.
Les vignettes Crit’Air pourraient bien
devenir une norme dans toutes les villes et
les taxes d’entrées des grandes métropoles
françaises pourraient bien être la norme.
essence  » (selon Lucien Mathieu, analystes transports et
e-mobilité de T&E, Fédération européenne pour le transport et
l’environnement).
Et pour finir, est-ce la fin des véhicules thermiques  ? Pas
véritablement car les voitures thermiques d’avant 2035 seront
disponibles et en circulation. Et puis d’autres possibilités sont
à l’étude pour envisager d’autres carburants que l’électrique
comme l’hydrogène, l’ammoniac ou encore des e-fuels, des
carburants de synthèse.
Il reste une dernière question  : celui du coût des véhicules
électriques : avec la crise des semi-conducteurs liée à la crise
ukrainienne, les prix s’envolent. Pourtant avec une massification
de la production, les coûts pourraient se réduire mais il faut
désormais que l’Union européenne soit moins dépendante des
métaux rares comme le lithium.
Un tel acte est à saluer même si finalement, dans tout le « paquet
climat  » adopté par les 27, seule l’instauration d’une taxe
carbone aux frontières a été rejetée… elle aurait pourtant été
indispensable pour avancer plus rapidement dans la transition
écologique.
Pour aller plus loin, un amendement fait déjà parler  :
l’amendement Ferrari, du nom du constructeur automobile de
voitures de luxe. Ces derniers auront un délai supplémentaire
pour passer au tout-électrique au-delà de 2035 afin de réduire
les émissions de CO2 de ce type de véhicules :

Ce changement d’orientation favorable

pour l’environnement accentue cependant
un peu plus la dépendance à l’électricité.
Passer aux véhicules électriques nécessite
aussi d’avoir des réserves suffisantes.
Pourtant, selon le réseau RTE (le gestionnaire
du Réseau de Transport Électrique), si en
2035, le parc automobile compter 15,6
millions de véhicules électriques par les
particuliers, alors la consommation annuelle
d’électricité ne devrait pas dépasser 40
TWh (soit 40 milliards de kilowattheure).
Une question peut se poser désormais  :
est-ce que l’électricité est suffisamment
écologique parce qu’elle va venir des
centrales nucléaires considérées comme
dangereuses et polluantes  ? En termes
de rendu, c’est une réalité selon certains
spécialistes  : «  une voiture électrique émet
40% de CO2 de moins qu’une voiture

30
 DISPARITION D’UN GÉANT DU CINÉMA FRANÇAIS
Monstre sacré du cinéma français, Jean-Louis Trintignant était
un des derniers grands acteurs de la Nouvelle Vague. Pour
l’éternité, l’acteur restera le pilote automobile du film de Claude
Lelouch : Un homme et une femme.
Cependant réduire, Jean-Louis Trintignant à ce seul rôle c’est
oublier à quel point il aura imprimé la pellicule pour devenir cet
acteur subjugué par Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme
ou encore ce vieil amoureux bouleversant à 80 ans dans le film
Amour de Michael Haneke qui évoquait les conséquences d’une
attaque cérébrale dans un coupe d’octogénaires poussant à un
acte d’amour ultime.
Jean-Louis Trintignant est aussi cet acteur caméléon, amoureux
des femmes (il fut l’époux de Stéphane Audran qu’il quitta pour
Brigitte Bardot, ou encore son mariage avec Nadine Trintignant
avec qui il aura eu deux enfants dont Marie, tuée par son
compagnon Bertrand Cantat.
Une carrière atypique partagée entre le cinéma et le théâtre…
des renoncements aussi car plus d’une fois il a voulu quitter le
monde artistique et certains films seront le reflet de cet homme
marqué par la vie. Il dira notamment en 2018 auprès de Claire
Chazal  : «  Je suis mort il y a quinze ans avec elle (Marie
Trintignant, sa fille). Ça ne se guérit pas. Depuis quinze ans, ça
m’a complètement abattu ». Avec Marie, c’était un lien fusionnel
qui se retrouvait dans le cinéma, sur les planches aussi. En 2005,
à Avignon, il remonte sur scène pour lire des poèmes dédiés à
31
sa fille Marie… car souvent, le père et la fille se retrouvaient sur
scène pour déclamer de la poésie. Dès les années 1990 pour
les Poèmes à Lou, les lettres d’amour de Guillaume Apollinaire
à sa bien-aimée, fut l’objet de rencontres théâtrales pour les
Trintignant.
Jean-Louis Trintignant fut l’ami, le mari, l’amant, l’homme de
tous les combats au cinéma (il remporta le prix d’interprétation
à Cannes pour son rôle de juge d’instruction intègre dans Z
de Costa-Gavras). Avec l’âge, il devint cet homme taciturne
qui se confondait avec ses rôles comme dans Trois couleurs  :
Rouge de Krzysztof Kieślowski où il interpréta un juge aigri qui
espionne ses voisins mais qui revient à la vie quand une jeune
femme, interprétée par Irène Jacob, se lie d’amitié avec lui. Et
surtout dans Amour, film pour lequel il reçut le César du meilleur
acteur et aussi la Palme d’Or qu’il partage avec sa partenaire
Emmanuelle Riva et le réalisateur Michael Haneke. En effet,
pour le jury du Festival, il ne fallait pas oublier « la contribution
fondamentale de ses deux acteurs principaux », selon les mots
du président Nanni Moretti.
Et récouter le, quand il reçut le César du meilleur acteur en
2013. Une réception de César très drôle car il était au théâtre le
soir de la cérémonie :
Pour aller plus loin, un retour très illustré de ce grand acteur que
fut Jean-Louis Trintignan :
H O R I Z O N S C I E N C E S P O

- L’administration de la peur, Paul Virilio, 2010 33

- Conjurer la Peur. Sienne, 1338. Essai sur la force
politique des images, Patrick Boucheron 34

Charlotte NORMAND

32
L’administration de la peur,
Paul Virilio, 2010

L’AUTEUR

Paul Virilio est urbaniste et philosophe. Né en 1932 et mort en

2018 à Paris, il grandit à Nantes, où il assiste aux bombardements
de la Seconde Guerre Mondiale. Le philosophe fait ainsi
plusieurs fois référence dans son ouvrage à cette expérience
traumatisante.

Ses recherches ont principalement porté sur la vitesse,

l’esthétique des installations militaires, les technologies et le
pouvoir politique.

RÉSUMÉ DE L’OUVRAGE

La peur comme conséquence du mouvement et de la

vitesse

Paul Virilio utilise l’expression «  administration de la peur  »

pour identifier deux phénomènes dans notre société. Ce
terme permet, d’une part, de souligner le fait que la peur est
devenue «  un environnement, un milieu, un monde  ». La peur
n’est plus circonscrite dans le temps, s’exprimant à l’occasion
d’un évènement précis (une guerre, une famine etc.). Désormais,
le monde est devenu globalement anxiogène, notre quotidien
étant marqué par des crises boursières, le terrorisme ou encore
les pandémies. Le terme « administration de la peur » désigne,
d’autre part, l’orchestration de la peur par les Etats. Ces derniers
peuvent en effet être tentés d’agiter les peurs dans la société
afin de se présenter comme le moyen d’assurer aux citoyens
leur sécurité.

Pour explorer cette « administration de la peur » le philosophe

remonte à l’occupation de la France par les nazis durant la
Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait alors à la fois d’une
occupation physique, d’un territoire, mais aussi d’une occupation
mentale (une préoccupation permanente). Paul Virilio souligne
le rôle de la vitesse durant cette période. Cette occupation
physique s’est en effet imposée rapidement avec la «  guerre
éclaire » : « Nantes, 1940 : le matin, nous sommes informés que
les Allemands sont à Orléans ; à midi, nous entendons le bruit
des camions, ce sont eux qui défilent ».
De plus, à ces dangers de destruction matérielle générés par
les armes militaires, s’ajoute une «  bombe informatique  » qui,
en permettant la transmission et la réception des messages
(information médiatique, rumeur, annonces officielles...) en
simultanée à l’échelle planétaire, crée une «  communauté
d’émotions  » mondialisée. Les nouvelles technologies de
l’information engendrent ainsi la synchronisation des émotions,
porteuse de paniques généralisées. Une nouvelle fois, P. Virilio
souligne le lien peur et vitesse.

La peur a par la suite connu des mutations. La guerre froide
fut d’abord génératrice de politiques sécuritaires structurées
autour du complexe militaro-industriel et de l’arme nucléaire.
Aujourd’hui, elle tient moins à un équilibre de la terreur entre
les deux blocs (soviétique et étasunien), qu’au déséquilibre de
la terreur terroriste détenue par une multitude d’organisations.
Administrer la peur grâce à la dissuasion civile
Le philosophe a donc mis en évidence le rôle de la vitesse dans
l’émergence d’un environnement de la peur. Pourtant, notre
société est fortement marquée par « l’idéologie du progrès » qui
voit dans l’accélération du monde un signe positif, occultant dès

33
lors le fait que la vitesse est porteuse de peur.
Cette idéologie du progrès participe à donner une place
toujours plus importante aux nouvelles technologies, faisant
alors naître un environnement propice à la surveillance des
individus. Nous sommes ainsi paradoxalement plongés dans
une société individualiste dans laquelle la vie privée n’existe
plus dans la mesure où nous sommes constamment soumis à
la surveillance. Cet environnement dissuade les individus de
réaliser un certain nombre d’actions. C’est en cela qu’il faut
comprendre le terme « dissuasion civile ». Comme l’évoque un
dicton populaire : « la peur est le pire des assassins, elle ne tue
pas, elle empêche de vivre. »
A la fin de cette partie, le philosophe soulève la question d’une
panique démographique alimentant le sentiment de claustration
des individus. Paul Virilio estime qu’il convient de se méfier des
craintes qui désigne la surpopulation sur terre comme un danger
34
en soi. Ces peurs sont porteuses de solutions ne consistant qu’à
envisager la survie de l’humanité plutôt que son bien-être et son
émancipation.
La critique et la multiplicité des tempos comme solutions
face à l’impensé de la vitesse
La vitesse est à la fois une réussite et un échec. Alors, pour
faire face aux dangers liés au fait que la vitesse soit la seule
temporalité disponible (empêchant ainsi de ralentir), il est
nécessaire de critiquer en profondeur nos modes de vie. Il
convient ainsi de réintroduire différents tempos et variations
de rythmes dans les temps sociaux. Pour se faire, l’économie
politique, plutôt que s’interroger sur le niveau de richesses
produites, devrait se soucier avant tout de la vitesse par le
moyen d’un nouveau «  ministère du temps  ». Cela permet de
redonner une importance à l’espace ainsi qu’au temps présent,
et de combattre efficacement les peurs.
Conjurer la Peur. Sienne,
Essai sur la force politique des
images,
Patrick Boucheron, 1338
L’AUTEUR
Né en 1965 à Paris, normalien, agrégé, Patrick Boucheron est
l’un des historiens les plus fameux. Après avoir consacré sa
thèse de doctorat au pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique
édilitaire à Milan (XIVe-XVe  siècles), il a enseigné à la
Sorbonne. En 2015, il est élu professeur au Collège de France.
Conjurer la peur. Sienne 1338. Essai sur la force politique des
images (Seuil, 2013, rééd. 2015) mais aussi La Trace et l’aura.
Vies posthumes d’Ambroise de Milan (IVe-XVIe  siècle) (Seuil,
2019), s’inscrivent dans sa réflexion entamée dans sa thèse sur
la généalogie du système des pouvoirs.
Dans le même temps, Patrick Boucheron conduit une importante
réflexion sur l’écriture de l’histoire. Il a notamment dirigé L’histoire
du monde au XVe  siècle (Fayard, 2009, rééd. 2013) dans
laquelle les auteurs explorent les prémices de la mondialisation,
considérant que le XVe siècle en constitue une étape décisive. Ils
refusent de se limiter à une histoire globale conçue comme une
accumulation d’études nationales, privilégiant une approche en
termes de comparaisons et d’échanges. Cette démarche a été
poursuivie dans l’Histoire mondiale de la France (2017).
Patrick Boucheron est un historien engagé dans la vie de la Cité,
intervenant fréquemment à la radio ou à la télévision.
RÉSUMÉ DE L’OUVRAGE ET DE LA THÈSE DE
L’AUTEUR
La réflexion de Patrick Boucheron est consacrée à la fresque
« Du bon gouvernement » peinte en 1338 dans le palais
communal de la ville de Sienne (Toscane). L’artiste Ambrogio
Lorenzetti a représenté d’un côté les effets de concorde et
d’harmonie du gouvernement fondé sur la justice et les vertus,
et de l’autre les ravages et les désastres résultant du mauvais
gouvernement. Mais comment interpréter  ce chef d’œuvre ?
Quelle est la peur à laquelle Patrick Boucheron fait référence
dans le titre de l’ouvrage ?
Ce que la fresque donne à voir  : la volonté d’alerter sur les
dangers que fait courir le régime seigneurial :
Au bas Moyen Âge, les cités-Etats italiennes avaient chacune
un gouvernement et des institutions propres. Le gouvernement
de Sienne était communal ; composé de 9 membres élus, il se
voulait fonder sur le respect des lois et se proposait de poursuivre
la concorde. Or, un autre modèle connaissait, à cette époque,
un succès croissant, notamment dans la Florence voisine : le
gouvernement seigneurial, c’est-à-dire celui d’un seul.
La fresque de Lorenzetti a précisément pour but d’avertir des
désastres qu’un tel régime entrainerait inévitablement. La
seigneurie est synonyme d’empire, donc de tyrannie  ; elle
provoquera la guerre, source de désordre. En somme, elle n’est
nullement, contrairement à ce que la propagande met en avant,
un régime de paix. Lorenzetti et le gouvernement communal
siennois – son commanditaire - veulent donc alerter sur les
dangers qu’un changement institutionnel ferait peser sur la cité
toscane. Mais pour quelles raisons le gouvernement communal
poursuit-il la concorde ?
Le gouvernement communal et la concorde
Au Moyen Âge, la réflexion sur le bon gouvernement tire sa
source de l’Antiquité grecque et romaine. L’approche grecque
est essentiellement celle d’Aristote, qui a été abondamment
commenté au Moyen Âge par Saint Thomas d’Aquin (1225-
1274). Selon cette dernière, les individus sont, par essence,
des animaux politiques et sociaux  : s’ils manifestent tous une
singularité forte, ils forment nécessairement une communauté
naturelle. Partant de là, la seule mission du gouvernement est
d’orienter leur action en vue de l’atteinte du bien commun. Sa
forme institutionnelle importe peu car toutes les formes connues
de gouvernement - celui d’un seul, de plusieurs ou de tous – sont
susceptibles de viser cet objectif. Saint Thomas d’Aquin ajoute
un point à la pensée d’Aristote : il la « christianise » en montrant
que les individus comprennent naturellement les règles de la
justice qui sont celles de Dieu.
L’approche romaine ou néo-romaine est différente. Elle prend
appui sur l’idée présente notamment dans le De inventione de
Cicéron qu’il n’existe pas de communauté morale spontanée
qui garantirait la nature et la paix. Cette dernière ne peut être
atteinte qu’artificiellement sous l’action d’institutions qui sont
nécessairement contraignantes. La discorde est donc toujours
susceptible de menacer l’équilibre de la cité. La conception
romaine pose la question du meilleur gouvernement, celui qui
sera donc capable de faire respecter la justice. Il s’agit de celui
dans lequel les magistrats sont élus, pour de courtes périodes, et
placés dans des institutions et des systèmes de contrôle.
Patrick Boucheron revient sur l’opposition entre Hans Baron et
Quentin Skinner, partisans respectivement de l’origine grecque
et romaine du bon gouvernement. Cette querelle n’est pas
seulement académique  ; elle porte en elle-même celle des
origines de la liberté.
Patrick Boucheron ne prend pas véritablement parti  tout en
insistant lourdement sur le fait que la fresque n’a pas vocation
à illustrer une théorie politique. Elle est une image politique,
qui entend produire par elle-même des effets de conviction.
Néanmoins, par la traduction qu’il donne du cartel sous la
fresque, « Cette sainte vertu [la justice], partout où elle régit,
conduit à l’unité la multitude des âmes, et celles-ci, rassemblées
à cette fin, font du bien commun leur seigneur, lequel, pour
gouverner son état, choisit de ne jamais détourner les yeux de la
splendeur des visages des vertus qui se tiennent autour de lui »,
il privilégie l’origine grecque qui fait du bien commun, l’idée
que doivent poursuivre tous les gouvernants et laisse donc de
côté celle romaine qui fait de la puissance publique un outil
démocratique de contrôle des dépendances privées.