Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Collection dirigée
par
Michel Casevitz
ISBN : 978-2-251-91159-5
ISSN : 1150-4129
avec le soutien du
Introduction*
Le rôle de la lettre
Adresser une lettre à quelqu’un n’allait pas de soi dans l’Antiquité. Il
n’existe pas de service organisé pour en assurer la transmission, mis à
part le cursus publicus * pour les dépêches officielles. Il incombe donc à
l’expéditeur d’assurer l’acheminement et il risque bien souvent de ne
jamais voir arriver sa missive à bon port. Il a recours à un porteur qui est
le plus souvent un ami ou une connaissance en déplacement et qui se
charge des lettres à remettre à tel ou tel habitant des cités qu’il traverse.
Lui-même y gagne d’obliger un ami et de recevoir le gîte et le couvert de
la part du correspondant : les étapes de son voyage peuvent ainsi être
assurées. Le porteur engage, dès lors, une conversation avec le
destinataire et se fait le relais de son auteur ; la présence du porteur
compense l’absence de l’épistolier et permet de donner de vive voix les
nouvelles, ce qui est à la fois plus sûr et plus vivant que de les transmettre
par écrit. Mais si le porteur fournit lui-même l’information, quel est le rôle
de la lettre ? La lettre a d’abord pour fonction d’accompagner et de
commenter les nouvelles, c’est-à-dire de préparer le lecteur à les recevoir,
de l’aider à les interpréter, de le disposer à les accepter : elle est comme
une mise en condition de la réception du message et les retombées de
celui-ci dépendent de la vertu persuasive de la lettre. Elle est ensuite le
« véhicule de l’amitié » : en prenant la peine d’écrire à un destinataire,
promu ainsi interlocuteur privilégié, l’épistolier – surtout aussi
prestigieux que Libanios – lui offre un témoignage d’affection et d’estime.
Les mots et les tournures choisis sont le reflet de cette connivence acquise
ou créée, et chaque lettre est unique, car chaque destinataire, chaque
occasion est unique. La correspondance, don d’amitié, témoignage de
cette grâce que l’on accorde à l’autre, est un moyen de communier par
l’écriture avec des proches géographiquement éloignés : et dans le différé
s’approfondit une relation où chaque mot écrit scelle une amitié.
La lettre est enfin pour le sophiste un moyen de propagande. Libanios
connaît la destination de ses lettres et en ménage soigneusement les
effets. Elles sont le véhicule privilégié des idées, des valeurs, des croyances
qu’il défend et leur envoi aux amis lettrés, mais surtout aux puissants et
aux personnages influents de l’Empire, en permet la diffusion et le
retentissement. Ainsi la correspondance est le miroir et l’expression
même de cette culture sans laquelle, selon Libanios, il n’est pas de survie
de l’Empire. Celle-ci dépend de la prospérité des cités, creusets et
conservatoires de la paideia*. Le caractère culturel, et donc historique, des
lettres explique pour partie leur difficulté : ces envois ne nous sont pas
destinés. Car cette rhétorique classicisante est un véritable code de
langage et de pensée : elle crée une complicité entre gens nourris de la
même paideia *. Mais le code n’appartient qu’à ceux qui l’ont mis en
vigueur. Au-delà d’eux, la lecture devient du déchiffrement.
*
**
Je tiens à remercier ici mon ami Didier Pralon, professeur à
l’Université de Provence, pour l’aide précieuse qu’il m’a apportée dans la
traduction de certaines lettres, pour ses conseils toujours éclairés et une
bienveillance qui ne s’est jamais démentie.
*. Les personnages homonymes sont distingués selon la numérotation (chiffres arabes)
présentée dans The Prosopography of the later Roman Empire, by A. H. M. Jones, J. R.
Martindale & J. Morris, T. I : A.C. 260-395, Cambridge, 1971 ; certains des personnages cités
par Libanios n’y figurant pas, ils sont distingués par des chiffres romains correspondant à
la classification établie par R Petit, Les Fonctionnaires dans l’œuvre de Libanios. Analyse
prosopographique, Paris, 1994. Les lettres citées dans les notes avec astérisque renvoient à
la numérotation du présent recueil. Toutes les autres lettres citées en note renvoient à
l’édition de Richard Foerster, cf. Table des concordances.
3. L’aîné s’appelle Panolbios ; le cadet, Phasganios, joue un rôle important dans la vie
municipale d’Antioche, par son éloquence et sa diplomatie comme ambassadeur de sa
cité, par son dévouement et son sens des responsabilités comme liturge* (pour les
Olympia de 336). Cet oncle fut pour Libanios un modèle et un guide, en l’absence d’un père
disparu alors que Libanios n’avait que onze ans.
4. Autobiographie, 5 : « J’atteignais mes 15 ans, quand je fus saisi d’un amour violent pour les
études de rhétorique. »
5. Et non de préfet du prétoire honoraire comme le croient la plupart des commentateurs ;
le titre de questeur est déjà considérable (Libanios, Disc. 2, éd. et trad. par J. Martin, C.U.E,
p. 249).
6. Discours 2, 65 : « Je considère essentiellement que les affaires de l’univers sont les
miennes, pour le meilleur et pour le pire. »
7. Voir B. Schouler, La Tradition hellénique chez Libanios, 2 vol., Lille – Paris, 1984. Ces
références constantes à l’hellénisme expliquent le jugement hâtif et méprisant de E.
Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, chap. 24, « Le sophiste Libanius »,
trad. M. Guizot, réimpr., Paris, 1983, p. 670-671 : « Les volumineux écrits de Libanios
subsistent encore : la plupart offrent les vaines compositions d’un orateur qui cultivait la
science des mots, ou les productions d’un penseur solitaire qui, au lieu d’étudier ses
contemporains, avait les yeux toujours fixés sur la guerre de Troie ou la république
d’Athènes. »
8. L’atticisme est le choix littéraire des auteurs de la seconde sophistique, qui démarre au
Ier siècle av. J.-C. et qui consiste à utiliser la langue attique telle qu’on la pratiquait aux
Ve et IVe s. av. J.-C. et à rejeter la langue courante comme véhicule de la littérature. Ce
purisme stylistique est le symptôme d’un souci plus large de préserver et de faire
renaître toute la littérature et la civilisation classiques, d’où le nom de « seconde
sophistique », dont l’un des représentants est Aelius Aristide (117 ? -185) que Libanios
prend pour modèle et référence.
9. Livre I (Lettres 19 à 96) de l’été 358 à l’hiver 359-60 ; Livre II (Lettres 97 à 202 de l’hiver 359-
60 au printemps 360) ; Livre III (Lettres 203 à 310 du printemps 360 au printemps 361) ;
Livre IV (Lettres 311 à 389 de l’été 357 à l’hiver 358-59) ; Livre V (Lettres 390 à 493 du
printemps 355 au printemps 356) ; Livre VI (Lettres 494 à 607 du printemps 356 à l’été
357) ; il faut y ajouter un important complément rassemblant trois appendices : I (Lettres
615 à 839 de 361 à 363) ; II (Lettres 840 à 1112 de 388 à 393) ; enfin des additamenta (Lettres
1113 à 1544 de 363 à 365).
10. O. Seeck, Die Briefe des Libanius zeitlich geordnet, Leipzig, 1906 (réimpr. Hildesheim, 1966) ;
P. Petit, Les Fonctionnaires dans l’œuvre de Libanius, Analyse prosopographique, Annales
Littéraires de Besançon, 541, Paris, 1994.
12. Par exemple, celui de l’ambassade en Perse de Spectatos, Lettre 17*, ou le récit, mené sur
un ton vif et dramatique, du viol de la femme d’Eustathios, Lettre 43*.
13. Entre de nombreux exemples, l’éloge de Théodoros, littéraire et juriste, dans une lettre
au préfet Anatolios, Lettre 19*.
14. Défense d’un poète auprès de la curie de la cité d’Ancyre, Lettre 78* ; ou défense de
l’immunité accordée aux sophistes, Lettre 84*.
15. Lettres écrites après la mort de Julien : Lettres 66*, 68*, 71*, 72*.
16. Lettre 45* à Fortounatianos qui évoque le climat de peur du règne de Constance II.
18. Lettre 59* à Roufinos 11 pour lui conseiller de laisser libre le marché d’Antioche.
19. Par exemple, Lettre 49* sur la restauration du culte d’Artémis à Tarse ; Lettres 51* pour
l’application juste de la restitution des biens des sanctuaires, sous Julien. Lettre 54* pour
défendre un chrétien injustement traité.
20. Lettre 39* à Andronicos 3 pour obtenir des chasseurs qui combattront dans les
uenationes*.
21. E. Gibbon (Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, trad. M. Guizot, réimpr.,
Paris, 1983, p. 671) a complètement méconnu l’apport capital des lettres ; il se contente
d’en signaler en passant le « travail » et de citer, en notes, un jugement particulièrement
dévalorisant : « Le docteur Bentley observe, peut-être avec raison, quoique avec
affectation, “qu’en lisant ces lettres inanimées et vides de choses, on s’aperçoit bien que
l’on converse avec un pédant qui rêve le coude appuyé sur son bureau”. »
22. . P. Petit, Libanius et la vie municipale à Antioche, au IVe s. av. J.-C., Paris, 1955, p. 396.
Liste des lettres
Concordance
à Thalassios1
2. Libanios use ici de flatterie, car il ne cache pas ailleurs (Let. 12*) ses réticences face à ce
haut fonctionnaire chrétien.
à Alkimos4
5. Il s’agit d’Apellio, originaire d’Antioche et homme de culture, qui fut gouverneur
d’Égypte avant d’être nommé consularis* de Bithynie en mars 355.
6. Libanios emploie ici patronage au sens général de protection exercée par celui qui
commande.
à Anatolios8
à Thémistios9
13. Allusion au retour de Libanios à Antioche. L’image de l’euôria (« la bonne saison », donc
la fertilité) utilisée par Libanios, s’oppose à l’expression « gouverner Skyros », qui
s’entend par allusion au sol pierreux et stérile de l’île de Skyros et désigne une charge
particulièrement ingrate.
Lettre 5 (469 F) Hiver 355-56
à Gorgonios14
à Anatolios*
J’étais assis aux côtés de mon oncle et je discutais avec lui quand
quelqu’un survint et lui donna une lettre ; l’objet donné attira mon regard
et ton nom apparut. Je demandai donc ‹au porteur›18 : « Où est donc la
lettre pour moi ? », pensant que tu ne pourrais pas, écrivant à d’autres, ne
pas t’être souvenu de moi. Mais lui : « Quelle lettre ? Je n’ai rien apporté
pour toi. » J’en étais donc à penser que tout cela était de la fiction et que
ton amour était un mot, non de l’amour. Si tu prétends, en effet, que c’est
moi qui ai mis fin à celui-ci en n’écrivant pas, tu montres par là même que
le dieu19 ne te hante pas beaucoup ; car s’il était, comme tu le disais
souvent, multiple20 et vigoureux, il n’aurait jamais été chassé sur un ‹si›
pauvre prétexte. Voici donc les fleuves qui remontent leur cours21 : tu
dédaignes, moi j’aime, et le sort s’inversant, tu fuis, je poursuis. Mais ma
consolation est de partager avec de nombreux peuples, de nombreuses
cités et un très grand nombre d’hommes l’outrage que tu leur fais : alors
qu’ils forment le vœu de t’avoir pour guide, toi qui peux gouverner, tu ne
le veux pas. Pourtant, le luxe préféré à la peine et le sommeil à la
bienfaisance, comment se peut-il que tu ne tiennes pas tout cela pour peu
de chose ? Mais en réalité, je ne crois pas faire bon usage de mon
éloquence si, contrarié par ton dédain, je tiens des propos qui
l’accentueront : dire, par exemple, que tant de gens sont béats devant toi !
Pour éviter donc cela, apprends que tu ne plais pas à tous ; en effet, ceux
pour qui les malheurs des autres sont source de revenus, même s’ils te
coupaient en morceaux et te mangeaient volontiers, il n’y aurait peut-être
là rien d’étonnant. Car les loups haïssent les chiens22.
*. Voir Lettre 3* ; Anatolios 3 est à Milan et le bruit court qu’il refuse cette fois le poste de
préfet du prétoire* d’Orient.
22. On apprend là, de façon assez vague, qu’Anatolios a des ennemis et suscite des jalousies.
Lettre 7 (534 F) fin 356
à Olympios23
Dès que j’ai entendu dire que tu avais été enlevé à Rome, je t’en ai jugé
heureux ; et reconnaissant que ta réputation et ton influence en étaient
améliorées, je t’appelais encore plus heureux. Je crains cependant que
notre patrie ne soit privée de ses biens en ce qu’il soit donné à ses natifs
d’être réputés chez les autres. Moi, je voudrais que tu obtiennes partout
des éloges, sans pour autant léser la patrie qui t’a porté et qui te demande
par mon intermédiaire de venir à elle, parce qu’elle se réjouit de
l’éloquence que tu as acquise et désire profiter de cette éloquence acquise.
Et elle me blâme plus que toi ; on pense, en effet, que tu suis mes
injonctions et l’on m’accuse de ce que tu n’es pas encore venu, moi qui
t’en aurais dissuadé. Que Rome soit donc la capitale de toutes choses sur
terre, mais qu’elle ne te fasse pas faire ceci : oublier tes amis et ta famille.
Reviens donc, pour autant que nous sommes tes semblables, et prends
soin avec nous des troupeaux24, en trouvant plus agréable de gouverner
ceux-ci avec moi plutôt que gouverner les cités ; et si l’auditoire est
indigne de ta voix, tu le fortifieras par ta voix. J’ai pris de l’agrément aux
livres que tu m’as envoyés et à ceux que tu as dis collecter. T’arrivera aussi
de notre part, cet été, ce que tu demandes.
23. Olympios 4 : ce médecin originaire d’Antioche et de culture littéraire était parti
rejoindre la Cour de Constance en Italie. Libanios espère le faire revenir à Antioche pour
qu’il ouvre à ses côtés une école d’éloquence. Mais Constance le garda auprès de lui
comme médecin et il demeura à la Cour.
à Mousonios25
27. Létoios, notable antiochéen, qui part en ambassade à Rome à l’occasion des Vicennalia*
de Constance ; il a remplacé Phasganios, l’oncle de Libanios, curiale* tout désigné par son
âge et son autorité à faire partie de l’ambassade, mais que la maladie retenait. Létoios
était muni de lettres de recommandation auprès de plusieurs hauts fonctionnaires de la
Cour.
Lettre 9 (563 F) mars 357
à Anatolios28
29. Libanios exploite l’ambivalence de sens de charis, en grec : charme, agrément, mais aussi
faveur.
31. Aristainétos 1 est le meilleur ami de Libanios depuis son séjour à Nicomédie ; le préfet
Anatolios a proposé à Aristainétos d’être assesseur, mais Libanios l’excuse par avance
d’être peu fait pour l’action.
32. À tous ceux qui sont sous son commandement (préfecture du prétoire* d’Illyricum).
à Anatolios34
36. Compliment un peu précieux, bien dans le style des flatteries ampoulées réservées à
Anatolios. Ce dernier a été consularis* de Syrie en 349 et uicarius* d’Asie en 352.
37. Himérios 3 meurt en 357 et son fils hérite de ses biens ; dans la lettre 571 F, Libanios
signale qu’Himérios est le frère de Sopater 2. Il est passé par plusieurs commandements.
Le grand-père est Sopater 1.
Lettre 11 (582 F) 357
à Aristainétos
Il est beau cet attelage : toi et le bon Domitios38 ; et vous êtes sous le
joug commun d’un bon cocher qui vous accorde le même suffrage à tous
deux ; en effet, celui qui t’appelle à partager ses travaux ‹appelle› celui-ci
aux mêmes travaux. Mais toi qui ne te préoccupes pas de t’établir, tu
restes, et lui, le bienheureux, s’en va alléger ‹la tâche› du gouverneur par
lequel il a été appelé et le rendre également heureux par ce qu’il lui
apporte ; ce qu’il lui apporte, c’est son expérience des lois, l’habileté de
son éloquence, la justice de sa conduite39. Or, réjouis-toi avec l’un40 que
l’autre va recevoir41, avec l’autre auprès duquel va le premier, et fais de
cet homme un ami de sorte qu’il se réjouisse avec toi de ce qu’il a obtenu.
38. Le préfet Anatolios a proposé à Aristainétos 1 (voir Let. 9*) un poste d’assesseur ainsi
qu’à Domitios Modestos 2 ; mais l’ami de Libanios, peu fait pour l’action, a décliné l’offre.
Modestos accepte et, en route, apporte cette lettre à Aristainétos. C’est le point de départ
de la carrière de Modestos, longue et toute dévouée à l’État, et qui fait de lui l’un des
meilleurs représentants de la catégorie des hauts fonctionnaires, de Constance à Valens.
39. Modestos est de formation juridique, mais Libanios loue aussi sa culture littéraire ; les
autres sources sont plus réservées sur cette dernière : subagreste ingenium, « une
intelligence un peu rustique », dit de lui Ammien Marcellin, Histoire, 30, 4, 2.
40. Modestos.
41. Anatolios.
Lettre 12 (330 F) 357
à Aristainétos42
Ce Thalassios43 porte le nom de son père, mais son caractère est plus
beau que le sien. Qui est, en effet, aussi honnête ? Qui est ‹aussi›
obligeant ? Qui a davantage engagé l’amitié ? Qui l’a observée une fois
nouée ? Qui s’est abstenu de railleries ? Qui a supporté des railleries ? Il
s’est mêlé d’éloquence, non pas autant qu’il le voulait, à cause de sa
situation d’orphelin, mais, souffrant de cela même, il juge heureux et il
aime ceux dont il sait qu’ils possèdent l’éloquence ; d’autre part, quoiqu’il
vive dans une grande richesse, il est plus tempéré que les pauvres, et il se
sert de ses biens pour protéger les pauvres, louant la richesse pour ce seul
avantage : qu’elle aide une nature noble à se faire connaître. Et ces
qualités n’ont pas non plus échappé à Stratégios44 : l’admirant, comme
nous, il se languit de son absence et se réjouit de sa présence ; et
précisément, il demandait souvent : « Pourquoi est-il le seul à ne rien
réclamer ? » En effet, le jeune homme est prêt à donner, mais lent à
demander. Et si on le voyait quelque part, de tous côtés le louaient les
bénéficiaires de ses bienfaits et ceux qui connaissaient ces bénéficiaires.
Personne n’a blâmé la Fortune de sa bienveillance envers lui tant il s’est
employé à être mesuré dans l’abondance ; pour ceux qu’il connaissait, il
faisait du bien aux uns, et pas de mal aux autres. Il m’aime plus qu’on
aimerait son père, me vénère plus qu’un étudiant et il me fait maître de
ses biens, comme la loi l’en fait maître. Cela, il n’était pas beau que je le
taise ni que tu ne l’apprennes pas ; j’aurais, en effet, commis une injustice
et vous auriez subi un dommage de ne pas être réunis par moi de la façon
la plus juste alors que vous vous seriez connus l’un l’autre45.
42. L’ami de Nicomédie (voir Let. 9*, 11*).
43. Fils de Thalassios 1 qui fut préfet du prétoire* de Gallus à Antioche, de 351 à 354, date de
sa mort ; Thalassios 2 se rend en Pannonie, à la Cour de Constance ; il y fera un assez long
séjour. Cette lettre l’introduit auprès d’Aristainétos.
44. Stratégios, dit Mousonianos, est préfet du prétoire* d’Orient (voir Let. 26*).
45. Dans cette fin de lettre, fort alambiquée, Libanios oppose une connaissance réciproque,
fruit du hasard, à la réunion organisée par un tiers (synagogè).
Lettre 13 (107 F) fin 357
à Philagrios46
47. Amalthée était la chèvre qui nourrit Zeus ; de sa corne s’échappait, dit le mythe, tout ce
que l’on pouvait désirer : c’est l’image de la corne d’abondance.
49. Libanios désigne toujours Constantinople par la périphrase de « la Grande cité » : voir
Let. 33*.
Lettre 14 (362 F) début 358
à Anatolios50
Tu connais sans doute Markellos par son art51 et davantage encore par
son caractère ; car il n’est pas plus bon médecin qu’homme de bien. Toi, tu
as découvert son art sur le corps des autres et tu pourrais ainsi t’instruire
de l’art de tous les médecins, mais moi, je l’ai constaté dans mes propres
maux, d’où il m’a tiré alors que j’étais déjà submergé. Car si celui-ci n’avait
pas assoupi mon mal de tête, je serais mort ou, encore en vie, j’aurais
déploré de ne pas être mort. Et chacun des habitants de notre cité
pourrait aussi se souvenir de Markellos pour de semblables raisons, car il
est allé d’un corps à l’autre en affrontant les assauts des ‹maladies›, si bien
que, lui en bonne santé, les malades aussi espéraient, mais lui affaibli, la
crainte était générale, que l’on fût souffrant ou non. Qui honore celui-ci ne
fait rien d’admirable, car il rend peu pour beaucoup, mais qui ne l’honore
pas frapperait son père à la mâchoire. Il m’est donc de toute nécessité de
rendre ses bienfaits au vieil homme, et je lui rendrais ses bienfaits si
j’avais ton pouvoir ; le mien est, en effet, bien faible. Sois de bonne volonté
et montre-moi comme quelqu’un qui ne paye pas de retour
misérablement. Que demandons-nous donc ? Markellos est devenu père
sur le tard après avoir vivement souhaité porter ce nom et avoir supplié
dans les sanctuaires, et il a des enfants, dons d’Asclépios. Voilà pourquoi,
fort vieux, il nourrit des fils fort jeunes, mais qu’à peine arrachés au lait
maternel, un ordre de l’empereur a inscrits parmi les fonctionnaires52 que
dirige le noble Mousonios53, leur offrant ainsi une sécurité définitive. Or
voilà que des ordres circulent de se rendre auprès de vous si l’on a cet
état. Pour les enfants de Markellos, il n’y a pas moyen que cela soit très
facile, et pas même de franchir les portes. Or nous craignons justement
que cela ne les prive de leur situation et nous te demandons de les
maintenir, même absents, dans leur situation. On dit qu’un signe de ta tête
a valeur de loi pour Mousonios, et la loi ancienne veut que le préfet soit
celui qui détermine les actes54 des hommes dans la position qu’il occupe
actuellement. Confirme donc, dans ce que nous te mandons, une décision
aussi belle et ne t’étonne pas si ma lettre était associée à celle de
Stratégios55 ; car la rumeur dit que j’ai auprès de toi le plus grand des
pouvoirs.
50. Voir Let. 10*.
51. Le mot technè désigne ici le savoir-faire, l’art par excellence, c’est-à-dire la médecine.
Libanios écrit plusieurs lettres pour alerter hauts fonctionnaires ou puissants sur ce cas ;
l’exemple de Markellos 2, médecin attaché à Antioche, est intéressant pour le
dévouement qu’il a montré au service de ses concitoyens (on retrouve le style des décrets
honorifiques en l’honneur de médecins, connus à l’époque hellénistique et impériale ;
voir aussi Let. 50*) et pour le prestige que cela lui vaut. Il reste que, pour ses fils,
Markellos n’espère d’autre carrière qu’une carrière au service de l’État.
52. Comme agentes in rebus* ou notarii* ; la grande réorganisation de 357-58, qui toucha tous
les départements des préfectures et du palais, explique ce recrutement massif de
fonctionnaires.
54. Les préfets sont donc les plus hauts dignitaires de l’Empire, après l’Empereur.
à Thémistios
57. Allusion à un épisode mythologique (Iliade, 8, v. 18-25) dans lequel Zeus propose aux
dieux l’épreuve de la corde, assurant qu’il saurait hisser à lui, par un câble d’or, terre et
mer ainsi que les autres dieux qui s’y seraient attelés pour lui résister.
58. Allusion au climat de Constantinople, mais aussi citation littéraire, car la Thrace est,
déjà chez Homère, le pays des vents et des tempêtes.
59. Discours que Thémistios, au retour de son ambassade à Rome, en été 357, prononça
devant le sénat pour rendre compte de sa mission : il avait obtenu de l’empereur le
rétablissement de l’annone* à son taux d’avant 342 (taux diminué par mesure de
rétorsion après une rébellion).
60. Thémistios compose des discours depuis plus de quinze ans, puisqu’il a déjà écrit, en
358, les Discours 24, 32, 27, 33, 30, 1, 20, 2, 3, 4.
à Julien62
63. Julien a été élevé au rang de César* par Constance en novembre 355 : il fut alors envoyé
en Gaule où la situation était particulièrement grave, les Barbares ayant enlevé les
forteresses du Rhin : Cologne, Mayence et Strasbourg ; Julien, révélant de belles qualités
militaires, rétablit l’autorité de Rome et la protection du limes* ; il remporta la fameuse
bataille « de Strasbourg » (Argentoratum, le 25 août 357) contre les Alamans.
64. Le panégyrique de Constance que Julien a composé et que Libanios présente comme un
trophée, au sens de marque tangible d’une victoire, d’un succès.
65. Libanios se flattait d’avoir formé Julien, du moins indirectement, dans l’art rhétorique
et il rend ici un hommage à l’élève qui a dépassé le maître, ou plutôt au fils qui a dépassé
le père, selon l’adage homérique.
66. La taille idéale des lettres était fixée par les théoriciens de l’art épistolaire qui
condamnaient aussi bien l’excès de brièveté que de longueur.
67. Julien se donnait tout entier aux combats ou aux études, comme le confirme le
témoignage d’Ammien Marcellin, 16, 5, 3.
68. Julien était le fils de Jules Constance, lui-même fils légitime de Constance Chlore ; cette
branche se rattachait aussi par Théodora, mère de Jules Constance, à la famille du
tétrarque Maximien, ce qui était pour les descendants un surcroît de gloire impériale,
alors que le cousin de Julien, Constance II, descendait de Constance Chlore par un autre
fils, Constantin Ier. Cela explique la jalousie et l’inquiétude que nourrissait Constance à
l’égard de l’autre branche, prestigieuse, de la famille flavienne et la façon dont il la traita.
Les titres que choisit Libanios font donc la part belle à la flatterie et à la prudence.
70. Canapeus et Amphiaraos sont deux héros qui appartenaient à l’expédition des Sept
contre Thèbes et qui furent foudroyés par Zeus ; Libanios a choisi d’associer le héros le
plus impie (Canapeus) à un modèle de piété (Amphiaraos) pour suggérer d’une façon
assez subtile que la générosité de Julien profitait aussi bien à ses coreligionnaires qu’aux
chrétiens (E. Salzmann, Sprichwörter, diss. Tübingen, 1910, p. 22 et 35).
Lettre 17 (331 F) printemps ? 358
à Aristainétos
72. La lettre fait le récit de son ambassade en Perse, passée par Antioche en 357 et qui y
revint en 358. L’ambassade était chargée de négocier de délicates questions territoriales.
Aux prétentions du roi Sapor (Shapur) – il pouvait revendiquer toutes les terres romaines
jusqu’au Strymon, mais il se contenterait de l’Arménie et de la Mésopotamie – Constance
répondit bien sûr négativement, ce qui signifiait la guerre, et peu de jours après sa
réponse, « on envoya une mission composée du comte Prosper, de Spectatus, tribun et
notaire, et du philosophe Eustathios qui avait été désigné comme expert en l’art de
persuader » (Ammien, 17,5, 1-15). Ceux-ci devaient s’efforcer de retarder quelque temps
les préparatifs de Sapor pour permettre à Constance de protéger ses provinces du Nord
contre les Alamans avant de se retourner contre les Perses. On mesure la gravité de la
situation. De fait, la guerre en sortit et débuta par le siège, puis la prise d’Amida par les
Perses (Ammien, 18, 9-19, 1).
à Clématios75
à Anatolios
78. Anatolios 1 est originaire de Bérytos (actuelle Beyrouth), qui était, pour le droit,
l’équivalent d’Athènes pour la culture philosophique.
79. Théodoros 11 est un exemple, suffisamment rare pour que Libanios y insiste, d’homme
possédant à la fois une culture littéraire et une culture juridique. Ses capacités lui
assurèrent des succès importants comme avocat, mais il aurait souhaité, vers 358,
devenir collaborateur d’Anatolios, préfet du prétoire* d’Illyricum, d’où la
recommandation de Libanios.
80. Théodoros confie à Libanios son fils aîné comme élève en 358, puis l’autre en 364.
81. Malgré le vibrant éloge de Libanios, Anatolios qui se défiait des littéraires, ne fit pas
obtenir de poste à Théodoros. Ce n’est que quelques années plus tard que celui-ci obtint
son premier commandement.
Lettre 20 (374 F) été 358
à Aristainétos82
85. Comme Dianios est païen, l’allusion à « la partie adverse » renvoie aux chrétiens.
Lettre 21 (377 F) été 358
à Thalassios86
à Aristainétos89
90. Nikentios 1, consularis* de Syrie, a été puni d’une sévère amende par Hermogénès : dans
ses attributions de gouverneur figurait l’entretien des relais de poste ou garnisons, ce qui
est le cas ici avec Callinicon sur l’Euphrate. Or Nikentios a été accusé d’avoir failli à sa
mission d’approvisionnement du relais ; Libanios montre qu’en réalité, il ne devait veiller
qu’à son bon acheminement jusqu’à une étape intermédiaire où le gouverneur de
l’Euphratensis prenait les marchandises en charge.
91. Place située sur la rive gauche de l’Euphrate, cette fondation d’Alexandre le Grand
s’était d’abord appelée Niképhorion avant de prendre le nom de Callinicon, depuis
Gallien. C’était un important verrou du limes* : la ligne de défense montant de Palmyre
vers le Nord y rejoignait la ligne de fortifications vers l’Euphrate. L’origine du nom est
incertaine, mais l’explication qu’en donne Libanios paraît fantaisiste : Callinicos était un
rhéteur originaire de Palestine qui enseigna la philosophie à Athènes vers la fin du IIIe
siècle. Le changement de nom n’a d’ailleurs pas besoin d’être justifié, car les deux
toponymes sont de sens quasi identique, forgés sur le mot niké, « la victoire ».
92. Allusion à Aulis où eut lieu le sacrifice d’Iphigénie, l’innocente qui paya pour le crime de
son père Agamemnon.
93. Iliade, 2, 196.
94. Libanios en appelle donc à un nouvel examen de l’affaire par Hermogénès et lui montre
que se déjuger pour acquitter un innocent est une action noble. Le roi de Crète, Minos, se
retirait dans une grotte pour soumettre sa constitution à une révision tous les neuf ans :
voir Platon, Lois, 624 a.
Lettre 23 (281 F) fin 358
à Dianios95
97. Il s’agit d’Arion de Méthymne (Lesbos), poète lyrique qui aurait vécu dans la seconde
moitié du VIIe s. La légende d’Arion sauvé des eaux par un dauphin est rapportée par
Hérodote, I, 24 et Plutarque, Banquet des Sept Sages, 18-20.
à Anatolios100
J’ai lu à mes amis ta longue lettre : tel était ton ordre, et je ne pouvais
me dérober à une telle autorité. La lecture suscita donc autant de rires que
tu le voulais – tu en désirais beaucoup, semble-t-il – et quand j’eus fini,
l’un des auditeurs me demanda si j’étais ton ami ou ton ennemi. Comme je
lui disais que j’étais vraiment l’ami du noble Anatolios : « Sache bien
pourtant, dit-il, que tu agis comme un ennemi en montrant la lettre qu’il
fallait tenir secrète. » Et il nomma une telle lettre : veux-tu savoir
comment ? Je ne prononcerai pas ce mot qui m’a fâché rien qu’à
l’entendre. Laissons donc cet homme-là101 et examinons les charges : tu
endureras le châtiment si tu apparais comme un calomniateur, je
l’endurerai si je suis confondu. Tu as dit que Spectatos, grandi par ses
actes, était rabaissé par mes mots, même s’il se réjouissait, lui-même, des
louanges que je lui décernais102. Si son jugement est sensé, c’est le tien qui
est faux. Mais s’il ignore tout de l’éloquence, alors ose parler et je ne serai
qu’un méchant homme. Mais observe ceci, pour paraître conséquent avec
toi-même : celui que tu accusais de rabaisser la grandeur est celui-là
même dont tu dis qu’il élève la médiocrité par la force de son éloquence ;
aussi, je te conseille de t’attaquer aux complots des barbares, mais pas à
toi-même. Tu as donc raison d’envier ceux qui reçoivent mon hommage103
car aimer l’éloge est signe d’une nature qui n’est pas mauvaise ;
l’émulation est, en effet, souvent une forte incitation à la pratique de la
vertu. Mais en reprochant, au lieu de manifester ton assentiment, que
certains aient été honorés par mon éloquence, tu agis de manière
équivoque, et point noble. Tu prétends que je fais l’éloge de bien du
monde, et moi que tu critiques tout le monde. Il y a donc manque de
discernement dans les deux cas, mais, au moins, dans le mien y a-t-il
quelque amour des hommes. Ou plus exactement, je n’ai loué personne en
lui ajoutant des qualités qu’il n’avait pas, comme le mythe ‹pare› le geai
des plumes d’autrui ; apprends donc la règle que j’applique aux éloges. Si
quelqu’un ne se soumet pas aux richesses, mais succombe aux plaisirs,
l’éloge soulignera ce trait-là, mais passera sous silence celui-ci. Et si je
faisais l’éloge d’un pays, c’est ainsi que je procéderais ; par exemple, s’il
me fallait louer Cythère – Cythère est une île qui s’allonge près du
Péloponnèse – en travaillant donc mon discours, j’exposerais comme elle
est riche en pâturages et en vignobles104, bien pourvue de ports et
couronnée de forêts, mais je ne la louerais pas pour son apport en blé. Car
je mentirais, tout comme celui qui ferait l’éloge de l’Attique ne pourrait en
dire autant ; mais rien n’interdit d’être élogieux à partir de ce qui s’offre à
l’éloge. J’admire Achille parce qu’il a combattu les Troyens et j’admire
Palamède pour sa sagesse105. Et celui qui juge bon de critiquer parce que
ces deux qualités n’appartiennent pas à chacun d’eux est injuste. Allons !
Si je faisais un discours pour toi parce qu’en insistant tu m’en aies
persuadé, penses-tu que l’artisan trouverait de tous côtés matière à
éloges ? Tu le crois peut-être, mais tel n’est pas le cas ; je parlerais de ton
dévouement, de ta vigilance, de tes efforts, de ton jugement droit, de ta
prévoyance concernant l’avenir, de ton esprit de justice, de ton
intelligence aiguë, de ton éloquence puissante et de beaucoup d’autres
qualités, mais je ne te dirais ni beau ni grand, car ces traits physiques ne
sont pas tiens. Pour mentionner l’argent, je dirais que le vol t’est des plus
étrangers, mais je ne soutiendrais pas que ton mérite est sans salaire. Tu
reçois, en effet, les dons impériaux et la durée de ton commandement a
fait de tes villas de véritables villes, sans dommage pour personne, mais
tout profit ‹pour toi›. Or tu serais bien meilleur en ne tirant profit de nulle
part, car plus brillante que les colonnes que procure l’empereur est
l’acquisition de la gloire que confère la pauvreté. En outre, il est
également brutal et peu amène de ta part de malmener Sévéros, parce
qu’il réclamait un ceinturon106 alors qu’il aurait dû rester philosophe. Si,
en effet, attaché à la culture107, il s’était démis de son état et se trouvait,
sous le titre de philosophe, ‹simple› marchand108, on lui en voudrait à
juste titre. Mais s’il juge cet état trop ambitieux pour lui et qu’il cherche
quelque échappatoire, où est la fausse note de n’être pas philosophe ? Ou
bien toi-même as-tu tort d’être fonctionnaire plutôt que philosophe ? Et
puisque tu me presses de tes railleries parce que je t’avais rappelé ma
dignité, sache que tu as tout méconnu. Voici ce qu’il en est : la rhétorique
suffit à ‹me donner› une situation et grâce à elle je n’ai jamais considéré la
mienne comme plus médiocre que la vôtre dont l’illustration est telle que
les flatteurs ne jurent que par elle. Et pour vivre, les petits gains que je tire
de l’éloquence suffisent à de petits besoins. Quel était donc mon intention
en écrivant ? Isocrate conseille de mettre à l’épreuve nos amis alors que la
nécessité ne se présente pas encore, de sorte qu’en cas de malheur on
n’éprouve aucun dommage, et il faut, dit-il, prétendre être dans le besoin
même si l’on ne s’y trouve pas109. Ma démarche était de cette sorte : j’ai
demandé alors que je n’en avais pas besoin. Voilà donc pourquoi tu ne me
l’as pas accordé ; moi, j’en ai ri et, nullement lésé, j’ai découvert ton
caractère. Tu n’es assurément pas du tout négligent, mais fort disponible
pour tout membre de ta famille et aucun de tes proches n’est dans la vie
privée110. Ensuite, tu honores le mérite d’autrui et si un homme sans
mérite exerce un commandement tu hurles plus fort que des amputés ! Ta
famille t’est chère au point que tout parent doit avoir une charge et être
intouchable. Tu y trouves une excuse à ta négligence envers tes amis et si
quelqu’un t’en accuse, tu lèves le reproche par cette réponse. Est-ce que je
te parais moi aussi capable de lancer des traits, ou bien seulement bon à
souffrir ? Ou, plus exactement, si tu as blessé, te voici également blessé ; si
ces coups étaient ‹donnés› pour plaisanter, ceux-ci n’étaient pas non plus
sérieux. Il est juste, enfin, si tu as pris plaisir à la lettre, d’en savoir gré au
porteur, ou si tu es froissé, de punir le porteur : quoique j’aie su garder
mon calme, Ianouarios111 m’y a engagé par tous les moyens de pression,
homme unanimement respecté dans la cité, qui n’a fait aucun tort à qui ne
le méritait pas, ne dispensant que de justes faveurs, correctement vigilant
en ce qui lui a été confié, aidant ceux qui l’en pressent s’ils en sont dignes,
peu bavard, mais capable d’agir, dédaignant de gagner plus que ce qui
s’offre ; une plus haute situation lui conviendrait, mais il se contente de
celle qu’il a et il conserve sa dignité dans une position qui n’exige pas de
vertu. Je ne crains qu’une chose : que tu méprises cet homme pour tous les
services qu’il m’a rendus.
100. Ce haut fonctionnaire est préfet du prétoire* d’Illyricum depuis l’hiver 356-57. La
lettre de Libanios est pleine d’ironie, voire d’aigreur à l’égard de son ami et cet échange
de correspondance a suscité les commentaires : O. Seeck (Briefe, pp. 9, 22 et 66) a voulu y
voir la rancœur de Libanios déçu de ne pas obtenir du préfet le poste dans
l’administration qu’il lui aurait demandé, alors que « la pluie des nominations mène bien
du monde à la mangeoire impériale » (Lettre 333 F, 5). Mais on a peine à imaginer
Libanios, si attaché à son métier de professeur, envisageant sérieusement cette carrière
(P. Petit, Fonctionnaires, pp. 35-36). Il vaut mieux lire dans cet échange parfois acerbe la
réaction de susceptibilité du sophiste touché dans l’essence même de son art, celui de
l’éloge que permet et exalte la rhétorique : Libanios n’aurait pas suffisamment rendu
mérite à Spectatos de retour de son ambassade en Perse (voir Lettre 17*). La moquerie
d’Anatolios sur la manie louangeuse de Libanios déclenche immédiatement le besoin de
se justifier, bien dans le caractère du sophiste, et nous vaut cette « théorie du
panégyrique » et ce portrait du préfet qui tisse si habilement l’éloge et le reproche : on
n’attaque pas impunément le sophiste !
101. Problème de texte : R. Foerster adopte la lecture ekeino, mais l’édition de Wolf, sur la
leçon des manuscrits, sauf C D, donnait ekeinon, comme le suit Norman.
107. Libanios utilise le terme de philosophia, pris ici au sens général de culture littéraire.
Sévéros 9 était un sophiste ; il chercha à entrer dans l’administration impériale, mais sans
succès, et malgré son statut, fut obligé de remplir ses devoirs curiales à deux reprises
dans les années suivantes.
110. C’est-à-dire qu’ils ont tous un poste officiel. Formule ironique de Libanios qui reproche
au puissant Anatolios son népotisme.
à Julien César*112
113. Tremblement de terre de Nicomédie, le 24 août 358. Julien avait adressé à Libanios une
lettre qui exprimait sa peine.
114. Sarpédon, chef des Lyciens, dans l’expédition contre Troie, vit son fils périr sous les
coups de Patrocle ; Zeus répandit alors sur le sol une averse de sang (Iliade, 16, 459-61) ; la
première allusion évoque la mort d’Achille que pleurèrent, en « un thrène », « les neuf
Muses ensemble » (Odyssée, 24, 60-62).
à Stratégios119
120. Le tremblement de terre de Nicomédie (24 août 358) dans lequel de nombreuses
connaissances de Libanios trouvèrent la mort, en particulier son ami Aristainétos 1.
121. Libanios composa, en effet, une monodie sur Nicomédie : le Discours 61, et une autre
sur Aristainétos, mais qu’il se contenta de faire connaître dans un cercle très restreint, ce
qui explique qu’on ne l’ait pas conservée.
Lettre 27 (49 F) été 359
à Modestos122
J’apprends que les craintes ont atteint leur paroxysme, que des ponts
ont été jetés par le Perse et que la traversée123 est à sa portée. Que cela
augmente ta prévoyance, mais que cette prévoyance soit exempte de
trouble : cela même rendra possible de prévoir, car dans le trouble le
raisonnement est nécessairement aveuglé. Sois rassuré d’abord par le fait
que cette attaque n’est pas la première qu’a osée l’ennemi, mais que c’est
toujours lui, depuis qu’il mène la guerre, qui a tenté de traverser, et qui,
échouant toujours, s’est reproché son espoir ; ensuite, par le fait que la
victoire n’accompagne pas partout les plus nombreux, mais que, le plus
souvent, le nombre se trouve vaincu par l’intelligence. Si la supériorité
numérique était décisive, l’ancêtre de celui-ci124 aurait dû, je suppose,
s’emparer de la Grèce ; en réalité, tu sais comme il a fait campagne dans le
désir de la posséder, mais comme, en fuyant de là-bas, c’est son salut qu’il
désirait ! Les mêmes ne pouvaient pas, en effet, percer des montagnes125
et triompher de la valeur des hommes. Et le roi, aujourd’hui, fera aussi
l’expérience de la stratégie des généraux : ils lui apprendront qu’il serait
finalement plus noble de combattre des cerfs ; en effet, s’il traverse le
Tigre, il cédera devant les murailles ‹des villes› et il ne pourra ni ravager
ni piller le territoire (car il a été brûlé), et les villes sur l’Euphrate, il
continuera à vouloir les prendre, mais on ne le verra pas les prendre, car
c’est la Fortune de l’Empereur qui les fortifie126. Voilà ce qu’il faut
s’attendre à ‹voir› se produire ; tes affaires, qui réclamaient la lettre
d’Hermogénès127, je ne les ai pas négligées, mais nous, les souris, nous
essayons davantage de vous aider, les lions, que vous, les lions, ne nous
aidez.
122. Il est alors comes orientis* ; c’est le début de la campagne de 359 contre les Perses :
même si le comes orientis, comme les uicarii*, a essentiellement des fonctions
administratives et judiciaires, cette allusion prouve qu’il peut avoir aussi des attributions
militaires.
123. Du Tigre.
124. Le roi Sapor (Shapur), ennemi des Romains, est présenté comme le descendant des
souverains achéménides, d’origine perse, qui entrèrent en guerre contre les Grecs des
cités du Ve siècle av. J.-C. (Guerres Médiques). Mais la Perse est, depuis 226, aux mains de
la dynastie des Sassanides qui avait conservé les institutions des anciens Parthes.
126. Croyance très répandue par le monde romain : chaque ville était protégée par sa
Fortune. S’y ajoute ici la propre Fortune de l’Empereur.
à Florentios128
131. La tribune des orateurs, qu’il a abandonnée pour une carrière plus lucrative, comme le
souligne non sans ironie Libanios.
Lettre 29 (86 F) début de l’automne 359
à Thémistios132
133. Expression proverbiale pour désigner un succès obtenu sans effort ; elle est employée
par Platon, Lois, 8, 829 e.
134. Constantinople.
135. Expression homérique que l’on retrouve, par exemple, dans l’Anthologie Palatine 6, 341,
1.
136. La famille et les amis avaient, en effet, cherché à le retenir à Antioche pendant
l’automne pour qu’il parte juste avant le mare clausum, c’est-à-dire l’interdiction de
naviguer de novembre à mars.
137. La dépense désigne en réalité la préture* par laquelle il faut passer pour devenir
« citoyen », condition sine qua non de l’accès au sénat ; or la préture impose de lourdes
charges financières, ce qui revient à payer une sorte de droit de citoyenneté ; ici,
Thémistios peut faire pression sur les censuales pour que l’impôt ne soit pas trop élevé. La
tablette de nomination (deltos) est sans doute le codicille de clarissimat (titre des
sénateurs).
Lettre 30 (80 F) automne 359
à Anatolios138
Dénigrer les sophistes est chez toi une habitude, et ancienne ; la Pythie
aurait dû aussi subir cela pour que soit fait ce qui convient à ta nouvelle
situation. Les sophistes comme la Pythie parlent donc pour toi : « Ne cesse
pas de dénigrer qui vaut d’être honoré ! » Quant à moi, confiant dans ton
amitié, j’écrivais et te disais de bien te porter, sans demander rien qui
outrepasse ton pouvoir, mais des choses telles que tu en dispensais
largement chaque jour à ceux qui en étaient dignes comme à ceux qui ne
l’étaient pas. Mais puisque, au lieu de m’aider, tu m’as envoyé une lettre
pleine d’enfantillages, je pensais que le temps était venu pour moi de
n’écrire ni pour une faveur ni pour autre chose. Et je ne me réjouissais pas
moins que toi, qui en étais délivré, que tu sois délivré de la maladie139 ; il
était possible, je suppose, de se réjouir même sans écrire : ce n’est pas
parce que l’on n’écrit pas que l’on ne se réjouit pas, et, de même que,
parmi ceux qui ont écrit qu’ils se réjouissaient, il était possible, peut-être,
d’en trouver un qui ne se réjouissait pas, de même il était possible de se
réjouir même en silence. Mais toi, tu avais besoin d’un flatteur, pas de
quelqu’un qui se réjouirait par amitié. Et en disant ignorer pourquoi j’ai
cessé d’écrire, tu dépasses la première injure par une seconde : alors, en
ne me jugeant pas digne de sollicitude, et maintenant en ne sachant pas
que tu m’as négligé. Et tu as agi d’une manière qui n’est pas étrangère à
ton pouvoir140 : en effet, vous, dans votre fortune brillante, vous ne
pensez même pas léser ceux que vous lésez, pensant qu’il vous convient à
vous d’outrepasser la mesure, à eux de partout se prosterner. Est-ce que
tu vois qu’il vaudrait mieux pour toi ne pas remuer la fange141 ? Mais, en
réalité, désirant que je rompe le silence sur toi-même, tu l’as rompu en
toute conscience de ce qui était fait, cela, parce que loin d’être sot, tu ne le
cèdes même pas à Ulysse142 en ruses. En envoyant de l’or à Optatos143, tu
reçois nos éloges, mais comme, espérant par l’or le rendre éloquent, tu as
envoyé cent statères144 alors qu’il était possible d’en envoyer mille, tu
n’obtiens pas d’éloges. Si, en effet, ceux que tu as envoyés n’ont pas peu de
valeur, tu serais plus utile en envoyant davantage, mais même ce peu est
important chez nous, et la dépense est en proportion de la somme.
138. Après une lettre de reproche du préfet qui critiquait la manie louangeuse de Libanios,
celui-ci s’est justifié par une très longue lettre (Let. 24*). Depuis, les relations sont
tendues et le préfet semble froissé.
140. Le terme grec d’exousia désigne le pouvoir d’agir, qui peut aller jusqu’à la licence :
Libanios stigmatise là les mœurs des puissants et des hauts fonctionnaires.
141. L’image qu’emploie Libanios est celle d’une plante nauséabonde, l’anagyre (anagyris
fœtida).
143. Un étudiant dont Anatolios paye les études dans l’école du sophiste.
à Modestos145
Peu s’en est fallu que je ne brise le lien que sont les étudiants, mon
métier et les maux de l’enseignement et que je ne sois venu avec ces
excellentes gens qui ont été traînées en justice, tant la peur nous a
secoués, la cité et moi146. Car c’est la fleur de la cité que la famille de ces
gens-là. Mais en réfléchissant à qui les convoquait et auprès de qui ils
viendraient, nous pouvions nous persuader qu’ils toucheraient un port,
non un écueil ; aussi avons-nous respiré, nous disant les uns aux autres :
« Que pourrait-il venir de mal du noble Modestos ? » Que tu sois noble,
l’ensemble de tes actes nous en a persuadés, mais surtout ceux-là mêmes
dont participent les circonstances présentes. En effet, tu as hérité d’une
affaire qui, tombée entre les mains d’un gouverneur trouvant quelque
plaisir à faire du mal, aurait allumé un vaste incendie, et tu as fait paraître
le calme quand on attendait la tempête, accordant aux uns d’être
ajournés, aux autres d’être totalement libérés, et tu n’as pas non plus
laissé la rapacité faire une orgie des orphelins. Toi aussi tu as pleuré à
l’arrestation de la sœur de ces hommes que tu détiens aujourd’hui, et tu
faisais le vœu qu’elle nous soit sauvée et peut-être ne seras-tu pas déçu.
Deviens donc pour eux encore une nouvelle Hermioné147 et ce jugement
que tu avais formé tiens-le pour règle. Nous instruisons les autres par des
exemples extérieurs, mais si toi tu suivais les tiens propres, tout irait bien
pour nous. Pour bien des raisons, je tiens à ces hommes et il n’y en aura
aucune de ne pas tout faire pour eux. Nous avons, en effet, hérité l’amitié
de nos pères et ses droits sont allés en augmentant : moi qui étais
autrefois le condisciple d’Antiokhos148, je forme aujourd’hui son fils
unique dans mon école. J’étais aussi condisciple – quoique plus âgé –
d’Arsénios jeune et, maintenant qu’il est devenu adulte, le mérite de son
caractère me l’a rendu très proche : aujourd’hui ce que je tais aux autres,
je ne le tais pas à lui. Et du troisième, que pourrais-je dire de plus probant
sinon qu’il ne déshonore pas de tels frères, possédant peu, mais ne
s’affligeant pas que ce ne soit pas beaucoup, honorant la tranquillité et
pratiquant la loyauté envers les amis ? Ces hommes-là, ô nourrisson149 de
la Justice, renvoie-les nous indemnes et vite, les gardant, entre autres,
d’être livrés aux chiens1507.
145. Comes orientis * ; en tant que juge d’appel, au-dessus des iudices ordinarii (juges
ordinaires), il présidait le procès de Scythopolis, en Palestine, dans lequel furent
impliqués de nombreux notables d’Alexandrie et d’Antioche.
146. Ce procès porta sur des accusations de haute trahison et de magie ; il y avait à Abydos,
en Égypte, un sanctuaire oraculaire d’Osiris-Sarapis et de Bès que les Grecs fréquentaient
et qui fonctionnait selon le procédé de la question écrite. Ce fut-là la source des tracas
pour les consultants et surtout pour ceux qui appartenaient aux cercles du pouvoir, car
certains de ces textes furent rapportés à l’empereur. Constance, très soupçonneux, voire
obsédé par d’éventuels complots contre lui, dépêcha le notarius Paulos, dit « la Chaîne »,
pour mener l’enquête et préféra confier la présidence du procès à Modestos, juriste de
formation, plutôt qu’au préfet du prétoire* Hermogénès, jugé trop indulgent. Bien des
accusés risquaient la peine de mort et furent soumis à la torture ; la divination et la
magie étaient en effet interdites par les constitutions impériales de Constance et l’une
d’elles, en particulier (Code Théod. IX, 16, 6, de 358), autorisait la torture même contre
« les personnes investies de charges officielles », si elles pratiquaient la divination ou la
magie ou approchaient ceux qui les pratiquent. Car cela revenait à « porter quasiment
atteinte à la majesté impériale elle-même ». On comprend donc les alarmes de Libanios et
ses efforts pour porter secours à ses amis.
148. Antiokhos II appartenait à une grande famille liée à celle de Libanios. Père d’Arsénios
3, frère d’Arsénios 2, il avait été le condisciple de Libanios ; notable de la cité, il participa
à l’organisation des Olympia* de 356 et fut ambassadeur avec Pompeianos 3. Libanios
défendait là des personnes qui lui étaient très proches, par leur éducation commune et
l’amitié familiale ; on peut se demander cependant pourquoi toute la famille d’Antiokhos
était impliquée : était-ce par crainte de complots « familiaux » ou pour mieux éradiquer
la foi païenne que ces vieilles gené défendaient ?
149. Le mot thrèmma est emprunté au vocabulaire de la tragédie : par exemple, Sophocle,
Œdipe roi, 1143.
150. Allusion à la confiscation des biens ; entre 356 et 364, on sait que les biens de tous les
condamnés à mort allaient au fisc : Code Théod., IX, 42, 26. C’est en outre une citation de
Sophocle, Ajax, 830.
Lettre 32 (112 F) début 360
à Thémistios151
153. Le miel est l’image de quelque chose d’agréable : voir Let. 20*.
154. Les jumeaux Castor et Pollux, déjà présentés comme « hospitaliers » dans Pindare,
Olympiques 3, 1.
155. C’est-à-dire l’influence décisive dont pèsent les dieux sur les destins des hommes.
156. Argyrios était le père d’Obodianos, curiale* influent très dévoué à sa patrie comme
ambassadeur et organisateur des Olympia *, à plusieurs reprises.
157. Dorothéos n’est dans le cadre du procès qu’un témoin ; or l’emploi de la torture était
autorisé même pour les témoins, en particulier dans les cas de lèse-majesté et de magie.
à Datianos
Cette cité est plus grande que notre cité et de beaucoup plus grande160,
et encore plus belle qu’elle n’est plus grande ; elle l’emporte non
seulement sur la nôtre, mais même sur toutes les cités par les dons qu’elle
reçoit de la mer : cela est indéniable, mais ce qui nous arrive, je ne te le
cacherai pas. On pensait, chez nous, que ce dieu, rapide sur ses ailes et
puissant par ses flèches161, t’avait porté vers celle-ci plutôt que vers celle-
là. Il agit de même sur les corps des hommes : souvent, l’un néglige un
corps blanc et un nez aquilin pour se donner à un corps noir et à un nez
camus, l’Amour trouvant, je crois, sa volupté dans l’étrangeté. Et celle-ci
est à notre avis, quoi que tu en dises, celle que tu aimes, mais celle-là,
l’aquiline162 et l’impériale, sans être négligée, n’est pas l’objet d’une telle
flamme. Cette opinion n’est pas absurde, apprends-le. Si, entre deux
femmes, un homme accordait davantage ses faveurs à l’une et moins à
l’autre, à laquelle dirais-tu qu’il s’est le plus attaché ? N’est-ce pas à
l’évidence celle à qui va la dépense la plus grande et le plus grand regret ?
« Certes, moi, dit la ville, tu m’as parée de nombreuses maisons comme
autant de colliers, et de nombreux bains, les uns à l’intérieur des murs, les
autres juste devant les portes, tu as planté des jardins et tu as construit
des salles de banquet, remèdes pour le plaisir ; et voici des servantes qui
m’entourent de tous côtés : les demeures champêtres, elles aussi pleines
de beauté ; mais toi, après tant de dépenses, tu t’es tourné d’un autre
côté163 ? » Et si notre cité dit cela, si notre ambassadeur le dit – et il le dira,
car notre cité l’a mandaté – que répondras-tu ? Tu ne seras peut-être pas
en difficulté pour parler, bien pourvu que tu es de facilités dans les
situations difficiles, mais notre affaire n’est pas d’entendre un discours,
quel que soit celui que tu tiennes, c’est de voir ce dont nous avons besoin.
Pense que l’ambassade a cette double mission : d’abord nous rendre le
sauveur qui a grandi chez nous164 et ensuite le Nestor de l’Empereur165 Ne
démens donc pas les brillantes promesses d’Obodianos qui est parti en
ambassade en disant qu’il te convaincrait complètement. Or, chaque fois
que tu feras son éloge auprès des gens de là-bas, tu glorifieras aussi toute
la curie par l’intelligence de cet homme, car c’est l’âme qui fait
véritablement la beauté d’un homme plus que son apparence ; quant à toi,
apporte ce couronnement à tes nombreux bienfaits en lui permettant de
nous donner la nouvelle : « Comme je l’ai dit, comme j’en ai convaincu,
l’homme est proche. » En accueillant celui qui a le nom de Calliopé166 – en
effet, l’oiseau de Zeus ne saurait rester loin de Zeus – nous serons amicaux
parce qu’il t’a préféré à sa patrie, mais, parce qu’il ne vous a pas, lui et toi,
depuis longtemps ramenés vers elle malgré une telle éloquence, nous
récriminerons. Pourtant l’amende, si tu l’ordonnes, nous la remettrons167.
160. Constantinople. Cette lettre adressée au puissant Datianos, conseiller de Constance,
offre une comparaison entre la Grande cité et Antioche. Elle prend tout son sens dans ces
années du milieu du IVe siècle où, si la métropole syrienne ne peut plus prétendre au
titre de capitale de l’Empire d’Orient, elle est à plusieurs reprises résidence impériale et,
par sa position privilégiée, le centre d’événements importants et le point de départ des
expéditions contre les Perses.
163. P. Petit, VM, p. 172, pensait que Datianos jouait le rôle de « patron » d’Antioche, même
si rien n’atteste qu’il en ait porté le titre. Il a manifesté son évergétisme par plusieurs
constructions ou programmes urbanistiques dont Libanios loue la beauté et l’ampleur.
164. Constance.
166. Calliopios 2 avait suivi Datianos, comme l’aigle suit Zeus, et abandonné sa patrie ; son
nom évoque Calliopé, la Muse tutélaire de la cité d’Antioche, qui patronnait les activités
rhétoriques, d’où l’allusion aux dons oratoires inutiles de Calliopios ; la fin de la lettre
cache sous le ton plaisant et l’aimable flatterie une réelle amertume.
à Andronicos168
à Modestos174
Voici mes poulains, que je t’ai confiés en les menant hors des prairies
des Muses : les uns appelés par toi, les autres qui ne l’ont pas été ; je juge
heureux les uns de l’honneur que tu leur fais, les autres d’aspirer à être
dans ton cercle : car ils montrent, eux qui courent de leur propre
mouvement, qu’ils auraient mérité d’être de ceux que tu as appelés. De
tous, prends donc soin : des riches, pour qu’ils acquièrent la gloire, et des
pauvres, afin qu’ils aient aussi les richesses. Mais tu dois être plus attentif
à ceux que tu n’as pas cru dignes de cet honneur, songeant que pour les
uns, il est sans grande importance de rester silencieux175, mais que les
autres n’ont qu’un seul moyen de se consoler : gagner leur vie en parlant.
174. Voir Let. 11*, 27* et 31*. Comme P. Petit en fait le commentaire, Les Étudiants de
Libanius, p. 159 : « Modestos puisait régulièrement parmi les promotions de Libanios ses
jeunes avocats, mais il avait tendance à offrir les places aux riches seulement et Libanios
s’attache surtout à l’avenir des plus dépourvus. »
à Modestos
à Démétrios179
182. C’est une pratique habituelle chez les sophistes du temps que la réunion en auditorium
strictement privé : Autobiographie, 101.
183. Expression proverbiale, citée par Platon, République, 5, 451a, et qui est l’équivalent de
notre « Je touche du bois ».
184. Sur les excès du « règne » du César* Gallus, voir Ammien Marcellin, 14, 7, 2. Phasganios
et le préfet du prétoire* Thalassios 1, qui abhorrait le César, avaient rallié autour d’eux la
curie* contre Gallus.
à Modestos
190. Le transport des colonnes se faisait par l’Oronte, pendant la saison navigable, le
printemps, l’été ; les bateaux remontaient leur charge depuis Séleucie de Piérie, le port
d’Antioche (20 km). Le transport des colonnes comme d’autres matériaux faisait partie
des « services extraordinaires » (munera* extraordinaria).
192. Les curiales*.
à Andronicos195
196. Il s’agit de la syriarchie, munus* confié aux principales* de la curie (Code Théod., XII, 1,
103) et qui consiste pour l’essentiel en l’organisation des concours olympiques que le
syriarque* préside. C’est une liturgie* particulièrement prestigieuse. Les chasses
(uenationes), intégrées tardivement aux concours olympiques, en étaient la dernière
épreuve et le « clou » du spectacle. Des doutes subsistent sur cette uenatio de 360 : se
déroulait-elle effectivement dans un contexte olympique ? En fait, l’épreuve n’eut pas
lieu, finalement interdite par décision impériale, le castrensis sacri palatii*, Eusébios 15,
ayant interdit de tuer les fauves réservés pour les uenationes personnelles de l’Empereur.
197. Antioche.
198. Le goût des foules d’Antioche pour les chasses est souvent signalé par Libanios, qui
n’est pas lui-même un fervent adepte de ces spectacles violents. Il reconnaît qu’on peut
néanmoins y trouver une valeur morale, l’esprit l’emportant sur la « nature des bêtes ».
201. Phasganios, l’oncle maternel de Libanios, avait assumé lui aussi l’organisation des
Olympia* en 336.
202. Allusion à une version moins connue de la légende des Grâces qui en fait les filles de
Dionysos et de Coronis, sa nourrice devenue son amante. Le sophiste joue en tout cas sur
les sens du mot grâce (charis), le sens mythologique et le sens moral.
Lettre 40 (252 F) fin 360
à Thémistios
204. Nous sommes dans une période transitoire où toutes les dispositions législatives
n’étaient pas encore prises pour faire de l’ancienne Boulê de Constantinople un sénat de
type romain (voir Let. 29*).
205. Comme sénateur.
207. L’homonyme.
208. Il s’agit des trois prétures* (voir Let. 29, fin), étapes nécessaires pour accéder au sénat :
dignités assorties de lourdes obligations financières, dont l’organisation des concours,
que Libanios appelle « chorégie » (la première préture est la flavialis, la seconde, la
constantiniana et la troisième, la triumphalis).
209. Cette fin de lettre pose un problème de texte : d’après la leçon des manuscrits
Vaticanus gr. 85 et Vossianus gr. 77, on peut lire philounta, celui qui aime (sujet) et se passer
du pronom auton restitué par R. Foerster.
Lettre 41 (293 F) 361
à Modestos210
Mes compagnons, tes avocats, que je t’ai confiés, qui ont ton estime et
sont ceux qui justement portent cette lettre, voilà que des hommes, que
j’ai souvent soustraits à ta légitime colère, tentent par décrets211 de les
arracher de tes portes ; en plus, ils ont enlevé Eusébios et traînent déjà
l’autre de force vers une liturgie qui exige un corps bien portant212. Or
Agroikios est en si bonne santé qu’il a laissé aux médecins le plus d’argent
du monde, ayant toujours besoin des mains d’un médecin. En outre, les
deux frères ont cinq sœurs qui restent à la maison et dont l’âge réclame de
jeunes époux, mais à qui la pauvreté l’interdit. Car la bonne naissance est
de nos jours peu de chose. Songeant que ce serait pour moi une honte si je
ne pouvais porter secours à mes amis, et qu’il n’est pas noble à toi qu’une
ancienne loi portant secours aux rhéteurs soit abolie sous ton
commandement, persuade les plus impudents de ceux qui gouvernent la
cité que tout ne leur sera pas permis.
210. Libanios lui recommande deux curiales* d’Arménie, ce qui révèle que le pouvoir du
comes orientis* s’étendait jusqu’à la curie* d’une petite cité d’Arménie. Il demande pour
eux l’exemption des charges curiales.
211. De la curie.
à Gérontios213
C’est bien de nous aimer et de nous regretter, nous et notre cité, mais
ne décrie pas l’Égypte et ne cherche pas non plus à quitter ton
commandement. Car si nous disons bienheureux ceux à qui il a été donné,
comme particuliers, de voir le Nil et les choses du Nil, l’Égypte et les
choses de l’Égypte, comment considérer celui qui commande à de telles
régions et qui peut parcourir, en même temps qu’il y porte de grands
soins, la terre et les cités, les ports, le fleuve, les canaux et les
embouchures, et fixer partout des preuves de son mérite et de sa
prévoyance ? Assurément le peuple des Alexandrins, même avec à sa tête
un bon gouverneur, le rendrait fou, mais toi, tu es de telle valeur, parvenu
que tu es au plus haut degré de pensée, d’éloquence, de science juridique
et de désir du bien, que je compte que tous les bienfaits accordés avant toi
paraîtront peu de chose en comparaison de ceux que les Égyptiens
recevront de toi. Si tu t’affliges de ne pas nous voir, songe que nous en
sommes au même point, et console-toi avec un plus bel ami d’être privé de
nous. Plus bel ami, Eudaemon, le poète, ne sait pas moins l’être qu’il ne
sait la beauté des poèmes. Celui-ci fixera aussi pour l’éternité les exploits
de ton commandement.
213. Arménien, de culture littéraire, qui vécut à Antioche auprès de Libanios ; il avait été
nommé préfet d’Égypte (préfet augustal), après avoir beaucoup espéré un poste, mais il
semblait désormais le regretter.
Lettre 43 (636 F) été 361
à Anatolios214
217. Constance a mené campagne trois années de suite, à partir d’Antioche, pour tenter
d’enrayer la menace perse.
218. Denys l’Ancien, tyran de Syracuse (430-367) et ami de Platon, célèbre pour sa politique
autoritaire et expansionniste. Gélon fut un autre tyran de Sicile, mais au VIe s. Il régna
sur Géla, puis sur Syracuse et domina une bonne partie de la Sicile.
219. Le porteur.
222. À l’intercession de Modestos, qui risque d’être laborieuse, s’oppose celle d’Anatolios.
Lettre 44 (647 F) 361 ?
à Basile223
224. Envers ses amis : Basile a dû lui reprocher d’être oublieux de ses amis d’autrefois.
Lettre 45 (661 F) 361
à Fortounatianos225
230. Voir Let. 29* : Kelsos 3 est sénateur de Constantinople. Allusion au climat de suspicion
et de terreur de la fin du règne de Constance.
231. Dionysos (Bacchus pour les Romains).
à Thémistios233
Apprenant que tu affermis les lois dans les procès, que tu uses de
douceur envers les gens bien, mais de colère envers ceux qui sont
passibles de justice, que tu contribues au bonheur des peuples par les
agréments des théâtres, je me réjouis que ce qui est difficile à la nature te
soit facile à toi : bien gouverner. Considère que le salut apporté à la famille
de l’excellent Sévéros234 n’est pas pour toi un moindre honneur que ceux
que j’ai mis à ton compte. En effet, ce ne sont pas les riches seuls qui
rendent les cités brillantes, mais aussi tous ceux qui ont accepté de se
dépenser pour l’éducation : il est l’un d’eux, lui qui bénéficie de tes
bienfaits ; je dirais même que sont plus importants pour la gloire des cités
ceux qui détiennent ce bien-là235 que ceux qui possèdent les autres. Que
les citoyens ne considèrent donc pas même Sévéros, fils de Sévéros,
comme moins utile que s’il pouvait assumer une liturgie et, quand tu les
empêches d’aboyer, qu’ils ne prennent pas pour un châtiment ce profit,
qui honore ton jugement et qui est un bien pour eux tous.
233. Thémistios 2, nommé tout jeune praeses* de Lycie. Ancien élève de Libanios qui lui
recommande déjà Sévéros dans la lettre 309 F où il écrit qu’« il serait scandaleux que la
puissance de ses anciens élèves ne soit pas utile à ses amis » ! Sur le gouvernement de
Thémistios en Lycie qu’il restaura, voir Discours 62, 55.
à Maxime236
237. Comparaison entre la charge d’impiété qui porta sur Socrate et les risques encourus
par des philosophes néo-platoniciens comme Maxime dans les dernières années du règne
de Constance. Les trois accusateurs de Socrate étaient Anytos, Lycon et Mélétos. Libanios
composait, la même année, une Apologie de Socrate.
238. Souverain du royaume mythique de Tartessos, en Espagne, qui aurait vécu cent vingt
ans et régné quatre-vingts : cf Hérodote, 1, 163.
241. Après être venu à Antioche, Pythiodoros, le bien nommé (« don du Pythien », c’est-à-
dire d’Apollon), se rend à Alexandrie.
à Ioulianos244
246. Le sanctuaire de Coré et de Déméter à Hermioné, lieu d’asile pour les suppliants, était
devenu le symbole proverbial du refuge sûr. Libanios fait allusion à sa santé, mauvaise en
cet été 362.
Lettre 49 (710 F) printemps 362
à Bacchios247
249. La fête en l’honneur d’Artémis était inaugurée par un panégyrique d’Artémis que
prononça Démétrios.
Lettre 50 (723 F) 362
à Kelsos250
La loi exige des médecins une seule liturgie, celle de leur art ; mais
Philon est traîné vers la curie par les Rhodiens, alors qu’il a, autrefois,
relevé beaucoup d’entre eux de leurs maladies251. S’ils ignorent donc que
Philon est médecin, qu’ils l’apprennent et cessent ; mais s’ils le forcent
sciemment, Philon est peut-être sans forces, mais puissante est la loi252.
250. Praeses* de Cilicie en 362.
252. La loi est, en effet, depuis l’époque des Antonins, et cela a été confirmé par Dioclétien
et Constantin, que les armateurs, les médecins et les professeurs jouissent de l’atélie,
exemption des charges curiales* et des magistratures (en latin : excusatio*). Cela
n’empêchait pas cependant de siéger à la curie* ; on peut citer l’exemple de Iulius
Ausonius, père du poète mosellan Ausone, qui était médecin et appartenait à deux curies,
à Bazas et à Bordeaux, tout en étant dispensé des charges (Ausone, 11,2, 5-6).
Lettre 51 (724 F) 362
à Hésykhios253
Que je ne désire pas moins que vous, les prêtres, voir les temples
recouvrer leur beauté, tu le sais, je pense, mieux que d’autres ; cependant
je ne voudrais pas que se fasse au prix de la destruction de maisons ce qui
pourrait se faire aussi en les laissant en place, de sorte que ce qui existe
reste debout, ce qui est en ruine soit relevé, et que nous n’embellissions
pas les cités d’un côté pour les mutiler de l’autre254. Or il est facile de s’en
prendre à la maison de Théodoulos, mais elle mérite d’être épargnée, car
belle et grande comme elle est, elle rend notre ville plus belle que
d’autres, surtout que Théodoulos n’a pas mis en pièces le sanctuaire sous
le coup de la violence ou de l’ivresse, mais qu’il l’a acheté à des vendeurs
en payant le prix, réalisant une affaire qui était accessible à tous ceux qui
avaient les moyens d’acheter. Ceux qui savent tout de Théodoulos disent
qu’il a souvent effectué de tels achats, et ils pensaient qu’il fallait recourir
au tribunal ; mais moi, vous connaissant, je ne les ai pas laissé chercher de
meilleurs juges que vous, sachant que votre décision sera une décision qui
montre que vous vous souciez de la divinité et que vous ne négligez pas la
cité. S’il se trouve donc une solution mesurée, faites-nous le savoir pour
que nous vous en louions.
253. Cette lettre se place dans le cadre de la restauration du paganisme et de la restitution
des biens aux temples païens voulues par l’Empereur, car, depuis Constantin et en
particulier sous Constance, les sanctuaires avaient subi bien des dégradations, des
spoliations et même des démantèlements au profit des édifices privés. Hésykhios était un
prêtre qui a dû faire partie « d’une sorte de commission chargée de trancher les cas
litigieux » (P. Petit).
Julien ordonna la restitution des pierres et des colonnes qui avaient été vendues.
254. L’exécution de ces mesures fut d’autant plus délicate que bien des éléments
architecturaux étaient intégrés à de nouvelles constructions. Libanios est bien conscient
que pour servir les cultes des dieux on risque d’outrager la ville et il est partisan, avec
beaucoup de bon sens, d’une application mesurée et respectueuse des équilibres
urbanistiques.
Lettre 52 (731 F) 362
à Hyperékhios255
Je me suis réjoui avec toi et avec ton père : avec lui de sa générosité
envers toi, avec toi de la satisfaction que tu lui apportes, si bien que de son
vivant il t’institue maître de tous ses biens, mais, sur le second point, si je
peux te décerner les mêmes éloges, ce n’est plus le cas pour lui. Car si tu
gardes en mémoire notre culture littéraire et analyses l’affaire
correctement, tu es à même de servir256 ta patrie, ce qui te vaudrait gloire
et puissance et, avant celles-là, de remplir tes devoirs envers ta famille.
Mais lui t’envoie jeter ton bien à la mer ! Car si tu ne dois pas, là-bas257,
trouver un avantage important qui compense ta dépense et si tu dois
perdre chez toi ton influence, pour avoir dépensé d’un autre côté, en quoi
tes richesses ne sont-elles pas perdues par la décision de celui qui les a
données ? Persuade-le donc de ne pas imiter la vache du proverbe et de ne
pas répandre d’un coup de pied le lait tiré258 ; car, outre le dommage fait à
ta fortune, tu te feras aussi du tort vis-à-vis de ta cité. Si, au contraire, tu
participais, comme curiale, aux luttes quotidiennes auprès des
gouverneurs, tu serais meilleur et ce flot ‹d’éloquence› que l’on admire
aujourd’hui, tu le travaillerais plus. Mais si tu fais ce qu’il croit, tu te
priveras d’une partie non négligeable de ton bien et tu vivras dans la
paresse et le sommeil le reste de ta vie, voyant que les biens de tes voisins
augmentent, mais que tu n’as rien obtenu qu’un titre vide. Tente toute
démarche, toute demande auprès de ton père et ne le laisse pas remporter
une victoire cadméenne259. Que ta mère aussi soit de ton côté – j’entends
dire qu’elle est sensée – et qu’on dise que la décision de celui-ci ne me
plaît pas non plus ; car, peut-être qu’averti, il abandonnera une opinion
malavisée, qu’il me semble avoir forgée récemment d’après son propre
désœuvrement. Étant donné qu’il passe le plus clair de son temps dans les
montagnes, à la chasse, il a en horreur les sueurs qu’imposent les luttes
sur l’agora. Qu’il les fuie, lui, mais qu’il te laisse combattre ! Je crois, en
effet, que désormais ce n’est pas Maximos, l’ami de la campagne, qui doit
participer aux affaires, mais Hyperékhios, le fils de Maximos, qui sait en
supporter le vacarme. Tel est mon conseil et j’affirme qu’il vous sera utile ;
si jamais j’ai l’air de dire aujourd’hui des bêtises, plus tard, du moins, vous
louerez cet avis qui fera honneur au conseiller, mais qui ne sera plus utile
à celui qui le loue260.
255. Élève de Libanios, d’une famille curiale d’Ancyre. Le sophiste déploya bien des efforts
pour lui, l’incitant d’abord à rester curiale*, puis cherchant un peu plus tard à lui obtenir
un poste de fonctionnaire avec l’appui de nombreuses lettres de recommandation, mais
toujours sans succès ; sans doute s’illusionnait-il sur la valeur de son « poulain » ou
chercha-t-il désespérément à conjurer le sort.
258. Allusion à un proverbe qui nous est inconnu, mais l’image est parlante et celle du lait
répandu est célèbre.
259. Expression proverbiale pour désigner une victoire aussi désastreuse pour les
vainqueurs que pour les vaincus.
à Kelsos261
262. Julien n’avait pas vu Libanios depuis le séjour du sophiste à Nicomédie où ils se sont
rencontrés et sans doute fréquentés, vers 349 (Julien se serait trouvé dans la ville de 349 à
351) et Libanios rapporte plus tard (Disc. 18, 13-15) que Julien aurait alors trouvé un
« passeur » pour lui faire parvenir la copie des cours du sophiste.
à Belaios265
Orion266 est devenu mon ami dans les années antérieures, ma mère
nous réunissant ; je crois qu’il est honnête homme et n’imite pas plus qu’il
ne blâme ceux qui usent mal de leur influence. J’entendais dire aussi des
habitants de Bostra267 qu’il n’est pas l’ennemi des sanctuaires, qu’il ne
pourchasse pas non plus les prêtres et qu’il a délivré bien des gens de
leurs malheurs, en établissant son commandement de la manière la plus
douce. Mais celui-ci, je l’ai vu aujourd’hui les yeux baissés et tout abattu.
Laissant couler des larmes avant de parler : « J’ai échappé difficilement,
disait-il, aux mains de ceux qui ont été bien traités sous ‹mon
commandement›, alors que je n’ai fait, tant qu’il était en mon pouvoir,
aucune peine à personne : or peu s’en faut que je n’ai été mis en pièces. »
Et il ajoutait l’exil de son frère, l’errance de toute sa famille, la terre à
l’abandon et le pillage des équipements. Je sais que l’Empereur ne veut
rien de cela, mais dit : « Si quelqu’un détient des biens sacrés, qu’il les
restitue », « s’il ne le fait pas, qu’il ne subisse ni déshonneur ni sévices. »
Mais c’est le fait, je crois, de ceux qui n’ont rien à incriminer que
d’expulser des terres, puisque ceux à qui il appartenait d’accuser, auraient
plutôt rappelé des exilés que fait en sorte de déplacer268. Et il n’est pas
mystérieux que ceux-là convoitent les biens d’autrui, en feignant de servir
les dieux. Au contraire, il est bien que le gouverneur – et surtout toi –
fasse revenir les uns par un édit et ordonne aux autres de ne pas faire de
qui ils veulent des « proies de Mysiens269 », mais de rendre ce qu’ils
possèdent illégitimement, et de respecter à l’avenir les lois. Si tu faisais
cela, ô excellent, tu rendrais raison aux uns et tu contraindrais les autres,
en restituant à ceux-là leur bien et en rendant ceux-ci meilleurs. Et, alors
qu’Eucladios est revenu d’exil, Orion reviendra, et son bien dispersé
reviendra aussi ; quant à moi, je semblerai ne pas avoir négligé un ami
frappé par le sort, et toi avoir obéi au conseil d’un ami.
265. Ancien professeur d’éloquence, praeses* d’Arabie, et païen convaincu auprès duquel
Libanios plaide le cas d’un chrétien de Bostra injustement traité.
267. Voir la Let. 114 de Julien aux Bostréniens qui expose les idées modérées de l’Empereur :
« Gardez-vous d’endommager ou de piller les maisons des gens qui se fourvoient par
ignorance plus que par conviction. » (Trad. J. Bidez). Libanios la cite en substance un peu
plus loin.
268. Opposition entre les profiteurs qui guettent les biens et les terres de leurs voisins sous
prétexte qu’ils sont chrétiens, et ceux qui ont respecté les consignes de Julien et
n’auraient pas poursuivi ni chassé autrui, même s’il y avait eu atteinte aux biens sacrés.
à Antipater270
271. Sur la manie de construction des hauts fonctionnaires, avides de prestige, voir Let. 38*.
272. Poétesse de Sicyone qui décrivit Adonis aux Enfers regrettant, du séjour terrestre, le
soleil, la lune, les concombres, les pommes et les pois ! L’anecdote passée en proverbe
désignait la parfaite stupidité.
273. Les protestations indignées de Libanios suggèrent en tout cas que de telles conduites
étaient répandues et que les intrigues ne manquaient pas autour du pouvoir.
274. Antipater était donc païen : on comprend son aigreur envers Libanios s’il estime ne pas
avoir obtenu de sa part le soutien nécessaire auprès de l’empereur.
Lettre 56 (802 F) mars 363
à l’Empereur275 Julien
Les reproches que j’ai adressés à la route – en effet, elle était difficile –
je m’en suis adressé autant et plus encore d’être revenu si vite, de ne pas
être allé jusqu’à l’étape même et de ne pas m’être donné de voir, le
lendemain encore, le soleil en même temps que ta divine personne276. Car
la cité, dans son malheur, ne pouvait pas non plus me consoler. Et quand
je parle de malheur, je ne veux pas dire la pénurie des marchés, mais le
fait que la ville ait été jugée méchante, détestable et ingrate et qu’elle
donne cette image à celui qui possède un si grand pouvoir et une
intelligence encore plus grande. Aussi longtemps donc qu’Alkimos277 fut à
mes côtés, j’avais quelqu’un pour recueillir mes propos, reproches faits à
moi-même et description des honneurs que j’ai reçus de toi. Mais quand
celui-ci est parti, c’est mon plafond que je prenais pour ami. Levant les
yeux vers lui, étendu sur mon lit : « Maintenant, disais-je, l’Empereur
m’appelait, maintenant j’entrais et je m’asseyais, car il me l’accordait,
maintenant je prenais la défense de la cité, car il m’était permis de
défendre auprès de sa personne ceux qui avaient indisposé l’Empereur.
Lui l’emportait par le bien-fondé de ses accusations et l’habileté de son
éloquence, et moi, qui aimais rivaliser, je n’étais ni pris en grippe ni
chassé. » Telles étaient les pensées dont je me délectais, et je demande
d’abord aux dieux de te faire triompher de tes ennemis, ensuite de te
montrer à nous, ici, comme auparavant278. Il y a encore un troisième objet
à mes prières que ceux-ci ont entendu, mais que je ne te dirai pas ; il
n’aurait donc même pas fallu dire cela : que je ne te le dirai pas, car tu es
capable de deviner ce troisième objet à ce que moi qui prie je cache l’objet
de ma prière279 ; et je crains justement que tu ne me demandes le
contraire. Mais, maintenant, traverse les fleuves, et plus redoutable que le
fleuve, fonds sur ces archers et, ensuite, délibère sur les affaires sur
lesquelles tu dis que tu délibéreras. Ne te fatigue pas à me faire plaisir par
tous les moyens possibles alors que je suis loin ; car, moi, je t’écrirai pour
faire venir tes lettres, écrites en plein combat, certain que cela serait bien
de ta nature à la fois de commander l’armée, d’infliger un désastre et
d’envoyer une lettre. Je suis tellement brimé par mon corps que je vais
écouter ce que je devrais voir. Mais Séleucos280, l’heureux homme, le
verra, lui qui a fait noblement passer avant sa vertueuse épouse et sa fille
adorée l’honneur de servir un tel empereur.
275. Littéralement autocrator, c’est-à-dire « qui détient les pleins pouvoirs », « monarque
absolu », autre façon de désigner l’Empereur.
276. L’Empereur vient de quitter Antioche pour aller combattre les Perses (5 mars 363) ;
Libanios essaye une fois encore de plaider la cause de ses concitoyens.
277. Voir Let. 2* : professeur de Nicomédie qu’une vieille amitié liait aux deux autres.
279. Que l’Empereur se remarie et puisse avoir des fils qui poursuivraient son œuvre.
à l’empereur Julien
283. Celle d’Alexandros.
à Modestos
Tu vois quelles grandes choses produisent les mérites ? Vous êtes les
mêmes hommes qui commandiez auparavant et restez aujourd’hui
investis de confiance et, après le précédent règne, vous n’avez pas cessé
d’être comptés toujours parmi les responsables publics ; la raison en est
que vous n’étiez pas de ceux qui ont acheté alors leurs charges ni de ceux
qui ont, au contraire, utilisé leur charge comme moyen d’échange, et ce,
alors que c’était possible et que ceux qui voulaient être justes étaient
tournés en dérision. C’est informé de cela, je crois, que cet homme divin et
haï des Perses286 t’a donné comme récompense d’une pauvreté consentie
ce qu’il y a de plus grand après le pouvoir impérial287 et à Ioulianos une
tâche exigeant la justice de Rhadamante288. Le but de ses préoccupations,
c’est la Bithynie, mais son affection le porte vers vous : quand un si bel
ami était à proximité, il n’était pas homme à ne pas le rencontrer. Il jouira
donc de la plus agréable compagnie ; quant à nous, l’agent de mission289
nous a délivrés de grandes craintes, dans lesquelles les bruits mensongers
qui nous sont d’abord parvenus nous avaient plongés, par exemple que la
cité aurait subi de terribles choses et en aurait fait de terribles290. Il
m’annonça que certains sans-abri, des gens abjects, commettaient des
folies, mais que la plus grande et meilleure partie ‹de la cité› restait
mesurée ; que tu n’as commis aucune erreur, que tu as laissé passer le
souffle et as mené rapidement les réconciliations ; que ton retour a été
splendide et remarqué comme regorgeant de monde et d’éloges, et que
ton attelage était caché sous la foule qui l’encerclait avec des vivats. Voilà
donc ce que m’a dit l’agent de mission et moi je l’ai annoncé, un rapport
en chassant un autre et la vérité, son contraire. Mais ta lettre a traversé
l’Euphrate et il n’y a rien d’étonnant si elle tarde à arriver entre les mains
de l’Empereur. Il avance en submergeant l’empire des Perses291, et où il se
trouve maintenant, il l’apprendrait bien lui-même. Mais ce qu’il
accomplit, il en est instruit par les prisonniers de guerre dont on peut
apprendre que lui court et que des villes tombent. Mais nous, nous
sommes dans l’embarras en recevant des prisonniers de guerre ; j’ai dit
tout cela et pour excuser l’agent et pour te permettre de te réjouir tout en
me faisant moi-même plaisir.
286. Julien.
287. Modestos (voir Let. 11*, 27*, 31*, 35*, 38*, 41*) a été nommé préfet de Constantinople
peu après l’arrivée de Julien à Antioche : l’apostasie de Modestos, qui était chrétien sous
Constance, a dû, en effet, décider l’Empereur à renommer ce haut fonctionnaire, un
moment écarté.
288. Rhadamante était l’un des trois juges des Enfers. Ioulianos 14 a été chargé de la
péréquation du cens* dans le diocèse du Pont (Bithynie), charge réclamant justice et
honnêteté, mais ingrate.
à Roufinos292
293. Libanios reproche ici à Roufinos ses tendances dirigistes en matière économique : il les
attribue aux habitudes romaines de réglementation ; mais, comme le fait remarquer P.
Petit, Fonctionnaires, p. 222, le comes appliquait la politique définie par Julien. Antioche
connaît, entre l’automne 362 et le printemps 363, une crise économique et frumentaire
due à la fois à la limitation autoritaire du prix du blé par Julien en octobre-novembre 362
et à la sécheresse de 363. Les curiales*, comme toutes les classes possédantes, étaient
particulièrement attachés à la liberté économique. (P. Petit, VM, p. 117).
294. Pointe finale : même si Roufinos s’est déjà ménagé la gloire d’avoir « sauvé » la cité et
peut s’estimer quitte, il serait bien qu’il la sauve encore dans les circonstances présentes.
Lettre 60 (1392 F) 363
à Alexandros295
296. Tarse, en Cilicie.
à Doulkitios304
Nous savons bien que, comme avec les Phéniciens, les Thraces et
maintenant les Ioniens, tu recevras, avec une plus haute position, la
charge de nous sauver ; toute voie a du moins été ouverte à la divination
et il est terrible de ne rien connaître de l’avenir. Ce jour-là, par des
agrandissements et des embellissements, tu rendras plus grande et plus
belle notre cité ; mais ‹dès› maintenant il t’est permis, si éloigné sois-tu,
d’illustrer l’un de ceux qui administrent notre cité305 et de réjouir les yeux
du peuple ou plutôt d’autant de peuples que nous avons l’habitude d’en
inviter au spectacle, qu’il dépend de toi de rendre le plus réjouissant. Et
apprends de quelle manière : parmi ceux qui assument chez nous des
liturgies figure le syriarque306, à qui l’importance de la dépense vaut
l’honneur d’un beau nom ; le Pactole307, en effet, serait peu pour lui,
comme les richesses de Kinyras308 et de Gygès. Cet homme n’a nul
commandement, mais il doit lui-même mettre ses propres biens tantôt à
disposition des conducteurs de chars, tantôt de ceux qui se produisent sur
la scène du théâtre, et il doit rassembler d’agiles chasseurs et des bêtes
sauvages triomphant de toute technique. Celui qui assume la dépense est,
en effet, couvert d’éloges si les uns viennent bien entraînés et que les
autres309 l’emportent malgré cela ; au contraire, une ourse dominée et une
panthère vaincue sont des griefs contre le chorège. Cette victoire, nous
avons l’espoir qu’elle nous viendra de vos montagnes ; en effet, les bêtes
nourries par cette forêt sont grandes, pleines de courage et on ne saurait y
parer. Polycarpos310 en achètera donc, mais, qu’il en achète de terribles,
qu’il ne cède pas à ceux qui l’en empêcheront et qu’il puisse ‹faire› tout ce
que nous voulons, cela dépendrait de toi, de ta générosité et de ton amitié,
si rien ne l’a déliée – je crois pourtant que rien n’est plus fort que ces
liens-là. Songe que ce que je te dis, tu l’entends d’abord de toute la cité,
ensuite du noble Saloutios311, et enfin du bon Roufinos312 ; car ceux-ci
pourraient écrire dans le même sens, si l’un ne poursuivait les Perses et si
Roufinos n’était aux côtés de ceux qui le font. Cependant, ils te sauront
gré comme si eux-mêmes t’avaient écrit cela. Et il est bien de ne pas nous
manquer d’honneur, nous dont l’activité tourne autour d’Hermès313, pour
que nous demeurions en cette activité et n’aspirions pas au
commandement, dans la pensée qu’il n’est pas possible d’obtenir un
résultat autrement314.
304. Proconsul d’Asie ; il avait été consularis* de Phénicie et vicarius* de Thrace. Ce haut
fonctionnaire, sénateur de Constantinople, était d’humble origine et avait une formation
de sténographe : il avait été notarius*.
307. Fleuve d’Asie Mineure qui roulait des sables aurifères, source de la richesse des rois de
Lydie, en particulier de Gygès, le fondateur de la dynastie des Mermnades, et du plus
connu d’entre eux, Crésus.
308. Roi-prêtre de Paphos (Chypre), réputé pour sa très grande richesse : voir Platon, Lois,
2, 660 e.
312. Roufinos 11, le comes orientis*, est auprès de ceux qui se battent en Perse.
313. Patron de l’éloquence.
à Aristophanès315
316. Allusion à un épisode des Guerres Médiques : lors de l’attaque menée par les Grecs
contre la flotte perse au cap Mycale, une rumeur avait couru annonçant la victoire de
Platées ; Hérodote, 9, 100, reconnaît l’intervention divine dans « la nouvelle de leur (les
Perses) première défaite parvenue aux Grecs en ce lieu pour donner à l’armée plus de
confiance encore, et plus d’ardeur à braver tous les périls ».
317. Il s’agit des villes d’Amida, de Singara et de Bezabdé prises par les Perses : cf. Ammien,
19, 8 ; 20, 6.
318. Sur la surprise des Perses, Ammien, 23, 3 ; la différence irréductible entre Grecs et
Barbares se traduit souvent chez Libanios par l’opposition entre le savoir-vivre en cités et
la vie en villages dispersés.
319. Sur ces épisodes de la guerre, voir Ammien, 23, 3 ; le roi est Sapor et l’exilé Hormisdas,
transfuge dans l’Empire romain depuis 324, et que Julien espère restaurer sur le trône de
Perse.
320. Cette mise au jour de choses dissimulées est-elle une allusion aux pratiques païennes à
nouveau permises ?
321. La fin de la lettre offre un aperçu sur les voyages dans l’Antiquité avec cet exemple
d’une noble dame escortée jusqu’en Macédoine, son nouveau séjour. Le bateau qui va
faire voile vers la Grèce attend les vents favorables, si importants pour la navigation en
Méditerranée et le pilote ne peut se permettre de manquer le départ.
Lettre 63 (1424 F) automne 363
à Entrékhios322
à Saloutios325
Une seule question de nous tous à tous ceux qui viennent de là-bas :
comment se porte ton corps ? Et eux annoncent ce qu’il est possible au
premier venu ‹d’annoncer› : que tu serais près d’être trop bien portant. Ils
s’en réjouissent fort, mais il s’y mêle quelque découragement quand ils
disent que tu aspires à la tranquillité, car c’est de façon évidente trahir
ainsi les cités et les priver du père auprès duquel, si elles avaient
jusqu’alors quelque peine, elles se réfugiaient, comme au port les navires
sortis des vagues. Songe qu’apparaîtrait comme le plus important des
nombreux bienfaits qu’elles ont reçus de ‹l’empereur› disparu326 que ce
commandement qu’il est permis d’admirer le plus soit conduit par ta
douceur ; et aujourd’hui ce n’est pas un faible honneur pour l’Empereur327
que ton intelligence soit conservée aux mêmes peuples. Si donc ce dernier
nous accordait, entre autres bienfaits, celui-ci mais que toi tu fuies les
efforts, au rang desquels est la sauvegarde des cités, veille à ne pas
changer des hommes qui t’aiment en accusateurs. Et l’ami lésé devient
plus acerbe qu’un autre accusateur. Pour que nous conservions cette
bonne opinion de toi et de tes actes, conserve toi aussi cette prééminence,
et sur deux consolations ne nous prive pas de l’une ; deux choses, en effet,
nous soulagent : un bon empereur en place d’un bon et le même préfet
qu’auparavant. Que les deux soient préservés et qu’après le plus
important existe l’autre. Ces propos, si l’on nous a trompés, n’auront pas
porté tort d’avoir été écrits ; mais si les nouvelles annoncées sont vraies,
peut-être auront-ils porté profit. L’excellent Diodotos dira plus que ma
lettre : car je lui en ai raconté plus long que je n’en ai écrit.
325. Saloutios Satouminos Secoundos, l’un des plus importants personnages de l’époque. Ce
païen, de grande culture littéraire, fut un haut fonctionnaire dont tous louent la justice,
la modération, la philanthropie. Il ne doit pas être confondu avec l’auteur de l’opuscule
Sur Les Dieux. : voir Robert Étienne, « Flavius Sallustius et Secundus Salutius », R.E.A., 65,
1963, p. 104-113. Il est alors préfet du prétoire* d’Orient, nommé par Julien et maintenu
par Jovien ; le bruit court qu’il veut quitter ce poste pour raison de santé ; Libanios lui
adresse compliments et encouragements pour qu’il demeure en poste. Saloutios resta
effectivement jusqu’au milieu de 365, puis, malgré son âge avancé, fut rappelé à la
préfecture du prétoire de novembre 365 à l’été 367.
327. Jovien.
Lettre 65 (1430 F) novembre 363
à Thémistios
329. Allusion à la foi païenne et aux traditions que Julien cherchait à relever. Les
mensonges proférés selon Libanios sont ceux des chrétiens. S’il est vrai que la « réaction
païenne » a été revivifiée par le règne et les mesures prises par Julien, il ne faut pourtant
pas en exagérer l’importance et la vie municipale, dans son ensemble, semble
relativement peu affectée par les luttes religieuses.
331. Le terme heuresis est ici un terme technique de rhétorique qui désigne la capacité à
trouver et à formuler les arguments qui étayent le sujet proposé.
332. Citation d’Euripide, Andromaque, 277, mais dont on voit mal la signification. L’image
figurait-elle dans le discours écrit par Thémistios ? G. Dagron, Thémistios, p. 225, pense à
la dignité, la clarté et la grâce, « trois vertus maîtresses de la rhétorique », qui seraient ici
célébrées.
335. Sur le rôle de Thémistios dans le recrutement du sénat de Constantinople, voir Let. 29*.
Les terres augmentent avec le nombre des sénateurs, propriétaires fonciers.
336. Thémistios n’a pas voulu faire partie de l’ambassade qui, en 363, devait rejoindre
Jovien à Antioche. Libanios connaît l’obstination de son ami et lui reproche de tenir si
peu compte de leur amitié. C’est Cléarkhos qui part à la place de Thémistios avec cette
ambassade. Thémistios avait refusé sa participation sous serment, comme Démosthène
avait lui-même refusé la sienne à l’ambassade des Athéniens vers Philippe, en 346
(Démosthène, Sur Les Forfaitures de l’ambassade, 121). L’exomôsia est un terme technique
désignant la prestation de serment prononcé pour refuser une délégation officielle.
Lettre 66 (1431 F) automne 363
à Skylakios337
Je pense que tu as été frappé dans l’âme comme moi, car nous
éprouvions le même amour et nous avons subi la même perte, d’un
compagnon et d’un ami. Si j’appelle l’empereur un compagnon, il n’y a
rien de terrible338, car lui-même nous a ainsi nommés le premier et nous
avons entériné l’usage qu’il avait fait de ce titre. De tout ce qui comptait
alors comme plaisir, le plus grand fut ton amitié qui, sitôt conçue,
atteignit son paroxysme alors que, je ne sais pourquoi, elle n’avait pas
voulu naître auparavant, à moins que tu ne me dises que cette année-là
devait m’apporter un surcroît de bonheur. Rappelle-toi, en effet, tout ce
que, sur le mode sérieux ou sur le mode plaisant339, nous avons dit,
simplement pour confondre ceux qui se croient quelque chose, et comme
nous nous languissions d’être au soir et courions à cette réunion où je
parlais peu, mais écoutais beaucoup ; et de ta bouche coulaient ces paroles
qui ne le cédaient pas à celles de Nestor et quiconque les avait reçues
partait l’esprit enrichi. C’est justement pour tout cela que, comme ce
Pylien lui-même, je regrette la fleur de ces années : Mais jamais tout n’est à
la fois ! Si j’étais heureux alors, me voici aujourd’hui touché par la vieillesse340,
œuvre du chagrin plutôt que du nombre des années. Je trouverai donc ma
consolation dans les lettres que je t’adresse et dans celles qui me
viendront de toi ; et si la première je l’envoie à un Hellène par un
Hellène341, peut-être n’ai-je pas tort, car il se trouve qu’il est non
seulement hellène, mais aussi de valeur. On le dira aussi heureux s’il
obtient ta bienveillance, et il l’obtiendra autant à cause de son caractère,
de sa naissance, de sa culture que pour la raison qui l’amène ; en effet,
cette connaissance des lois qu’il a acquise en Phénicie, il veut l’importer
en Grèce, comme havre pour les victimes d’injustice.
337. Cette belle lettre évoque les liens étroits, intellectuels et affectifs, noués entre les
membres de l’entourage de Julien. Skylakios 2 était grec, mais vivait en Phénicie et
enseignait peut-être le droit à Berytos (Beyrouth). Cette lettre pose des problèmes de
datation, et certains commentateurs, arguant du ton nostalgique de Libanios, la situent
beaucoup plus tard dans le temps. On peut opposer que la rhétorique, empruntant ici des
accents lyriques, veut souligner le contraste entre les années lumineuses d’autrefois et la
triste réalité actuelle : or la distance que crée entre passé et présent cette perte brutale
est infiniment plus sensible que le simple espace temporel.
338. Julien avait conservé, parvenu au pouvoir, la familiarité qu’il avait avec ses proches et
ses amis et son naturel contrastait avec la majesté attendue d’un empereur. L’empereur
philosophe voulait rester simple et ne supportait pas que l’on multipliât les
intermédiaires et les manifestations de respect pour isoler le prince dans une
inaccessibilité quasi divine. Fidèle à lui-même, cet être impulsif avait parfois du mal à
contrôler ses élans, que ce soit dans la colère ou dans l’enthousiasme.
341. Le porteur n’est pas connu, mais il apparaît comme une référence puisque non
seulement son origine, mais son caractère et sa culture le signalent à l’attention de l’ami
de Libanios ; selon ces trois critères, il est pleinement grec, surtout par sa culture, étant
ami des logoi* et des dieux (car Hellène signifie aussi païen).
Lettre 67 (1446 F) nov.-déc. 363
à Datianos342
Nous n’étions pas des Endymion343 cette nuit où tu partis dans la suite
de notre noble empereur ; aurions-nous même été auparavant des
Endymion, nous nous serions alors abstenus de dormir ; mais apprends le
mauvais tour de la Fortune, ou si tu veux, sa machination. Le soir, nous
étant mutuellement engagés à tout faire pour t’escorter, nous nous
sommes séparés au sortir des thermes. Aussitôt les mules attelées,
l’esclave qui avait été chargé de surveiller l’opération arrive en courant,
me secoue et me tire du sommeil. À mon tour, je l’envoie chez Olympios344
pour qu’il fasse de même, et je fais asseoir un autre esclave devant ma
porte avec ordre d’appeler quand tu passerais : je pensais, en effet, que ce
serait cette voie à colonnades que vous emprunteriez, ton équipage et toi.
L’aube vint et je m’étonnai que personne ne m’appelle : descendu, je me
mis à frapper mon serviteur pour avoir trahi mon zèle. Lui me dit n’avoir
rien fait de mal, mais il ne put me convaincre. J’étais furieux, alors que toi,
tu avais emprunté l’autre voie par le pont dit du Taurus345 : c’est ce que
j’ai appris plus tard, mais avant de le savoir j’étais odieux avec quiconque
se présentait ; et je supportais mal qu’Olympios ait réalisé le projet grâce à
moi, alors que j’en avais été empêché. Dans une telle colère, j’étais étendu
sur mon lit quand Olympios monta et me félicita sans rien savoir de ce qui
m’arrivait, et je le félicitai aussi ne sachant pas moi-même ce qu’il en était
pour lui ; il croyait que je t’avais escorté et demanda « Jusqu’où ? » ; moi,
je pensais la même chose de lui et je posais la même question. Je dis que je
l’avais averti et j’accusais mon serviteur. Mais lui leva l’accusation ‹en
signalant› le pont dont j’ai parlé, et c’est ‹alors› son propre serviteur qu’il
menaçait d’étouffer, lui qui l’avait proprement laissé tomber. Car son
cheval poussé mollement s’était libéré de la main de l’écuyer et s’était
porté à travers les rues étroites346 en profitant du clair de lune : c’est ainsi
que, d’un côté, l’écuyer s’était lancé à la poursuite du cheval, et que lui,
bredouille, était rentré bien déçu. « Ainsi s’achève l’histoire », dit la
tragédie ; mais toi, ris-en et pardonne-nous : considère notre intention et
peut-être ne nous jugeras-tu pas mal.
342. Après la mort de Julien, le puissant Datianos, chrétien et ancien conseiller de
Constance, retrouve auprès de Jovien l’audience qu’il avait perdue. Libanios flatte à
nouveau ce personnage (voir Lettre 33*).
343. Héros de la mythologie à qui Zeus avait accordé un sommeil sans fin en échange d’une
éternelle jeunesse.
344. Olympios 3 est un vieil ami de Libanios : il lui laissa le soin de régler sa succession, car
il mourut sans enfants et la curie réclama la dévolution de ses biens.
345. Pont de la porte du Taurus sur l’Oronte, au sud-ouest des murailles ; c’était le principal
croisement des axes nord-sud et est-ouest qui desservaient la ville (voir plan d’Antioche :
« bridge gate »).
à Skylakios347
348. Allusion à Antioche dont les habitants ont, dans l’ensemble, mal supporté le séjour de
Julien et se sont montrés indociles, voire insolents et frondeurs.
350. Allusion aux attaques de certains puissants, qui accusent Libanios auprès du nouvel
empereur Jovien de pleurer excessivement Julien. Dans l’Autobiographie, 138, il fait
allusion à un « barbare » qui doit être le germain Arintheus (P. Petit, Autob., C.U.F., note
au chap. 138, p. 247).
351. Libanios est alors en train de rédiger le Discours 17, Monodie sur Julien, et rassemble la
documentation pour le Discours 18, Épitaphe de Julien.
Lettre 69 (1180 F) 364
à Élpidios352
354. Zeus Olympien.
Lettre 70 (1186 F) avril 364
à Thémistios355
Fournis aux ambassadeurs toute l’aide requise, à cause de la cité qui t’a
souvent admiré et à cause de la couronne qu’ils apportent356 ; et si je suis
encore quelque chose auprès de toi (et je suis persuadé que je le suis),
voilà une troisième raison pour que tu assistes l’ambassade. Car ce n’est
pas une mince affaire, non plus que tout ce qui relève de l’avis du très
puissant Saloutios357 dont j’imagine que tu l’as rallié à elle, parce que les
portes du palais te sont toujours ouvertes – à juste titre. C’est ce que je
conjecture d’après ton mérite et d’après celui de l’Empereur, car il
l’emporte sur tous les hommes et toi sur les philosophes358. Aussi, ne te
ménage pas pour nos concitoyens et évite-leur d’être importuns à bien
des portes359. Si tu sens notre très cher Datianos360 mal disposé et gardant
en mémoire certaines conduites trop grossières, apaise complètement sa
colère ou modère-la autant que faire se peut.
355. Cette lettre a été remise à Thémistios, le philosophe, par les membres d’une
ambassade envoyée par Antioche au nouvel empereur, Valentinien (Valens fut associé au
pouvoir le 28 mars 364 et la nouvelle n’en est pas encore parvenue à Antioche au moment
où l’ambassade se met en route).
356. Il s’agit de l’offrande de l’or coronaire que les cités adressaient à l’empereur à
l’occasion de son avènement, d’un anniversaire de son avènement ou d’un jubilé ; l’or
coronaire était une forme de tribut imposé aux cités puisqu’il était « obligatoire en son
principe », mais il conservait l’apparence d’une « offrande » dans la mesure où le poids
d’or était laissé à la libre appréciation des cités. Cet impôt consenti suscitait l’émulation
des cités et la remise de la « couronne » d’or s’accompagnait de toute une solennité dont
la lettre de Libanios nous donne un aperçu. Elle était aussi l’occasion de solliciter quelque
faveur et c’est justement ce que recherchait l’ambassade antiochéenne de 364.
Saloutios Satourninos Secoundos (voir Let. 64*), ami de l’empereur Julien, a joué un rôle
357. décisif dans le choix du successeur de Jovien, Valentinien. En tant que préfet du
prétoire* d’Orient, il devait recevoir les ambassadeurs. Ce passage est rendu
particulièrement ardu par un problème de texte : l’interprétation ne tient pas compte des
ajouts de l’édition de R. Foerster.
358. Le « mérite » ici rappelé est un thème traditionnel de la prose officielle. Dans le cas de
l’empereur, ce mérite désigne, au sens générique, les vertus cardinales du princeps, car la
nouvelle définition du pouvoir impérial (qui est à la fois sacré, providentiel et militaire) a
conservé certains éléments de l’idéologie du principat : G. Dagron, Thémistios, p. 121 et sq.
360. Sur Datianos, voir Let. 33*. Ce très puissant personnage a vu ses biens pillés par le
peuple d’Antioche, après la mort de Jovien. Il s’agit donc d’apaiser son ressentiment :
mission délicate pour laquelle Libanios a bien besoin d’assister, par écrit, ses
compatriotes.
Lettre 71 (1187 F) 364
à Alkimos361
Ne sois pas étonné si, en homme qui passe la plupart de son temps
dans le silence, je ne t’ai pas écrit. C’est le silence du désespoir que m’a
tout d’abord infligé la ruine de votre cité ; car une ville qui m’est chère
s’est abattue sur des hommes qui me sont chers362. Un oncle qui s’en est
allé, ainsi qu’une mère, ont encore augmenté mon chagrin : souviens-toi
justement des déplorations que j’ai écrites sur eux363 ; mais le paroxysme,
ce fut une lance, du sang, la mort364. D’où ils vinrent, ceux qui savent
toutes choses365 le savent, mais tu sais, toi aussi, comme nous redoutions
que ce qui s’est produit se produise. Celui qu’une crainte imprécise avait
frappé, dans quel état d’âme penses-tu qu’il fut quand elle est apparue
réalité ? Croirais-tu que ma maisonnée a succombé sous mes
lamentations, qui accusaient dieux, terre, air, ciel et le monde entier, le
jour s’achevant et la nuit commençant, et de nouveau la nuit s’achevant et
le jour commençant ? Car il n’est pas d’espoir qui puisse alléger la
douleur : la perte est extrême et la ruine complète. Il n’est rien pour
t’attirer ici ou pour m’attirer chez vous ; mais, effectivement encore en
vie, nous sommes morts. Je te le disais donc, ne t’étonne pas de mon
silence – car c’est le temps du silence – mais étonne-toi plutôt que je
puisse t’écrire quelque chose, même court.
361. Sophiste de Nicomédie et ami de Libanios.
362. Le tremblement de terre qui a ravagé Nicomédie le 24 août 358 : voir Let. 26*.
365. Les dieux.
Lettre 72 (1224 F) avril 364
à Saloutios366
367. Pour échapper à la curie*, Évagrios 6 obtint en octobre 363 un premier poste, sans
doute d’assesseur, grâce à Saloutios, et sur la demande de Libanios et d’Olympios 3, son
frère.
368. Évagrios.
370. Cette politique de Saloutios ne peut que combler Libanios : le préfet l’applique à la fois
par goût personnel et par obéissance aux consignes de Julien.
371. Il s’agit de ceux qui pratiquent la tachygraphie (« écriture rapide »), c’est-à-dire la
sténographie, méthode proprement administrative, et que méprisent les hommes de
lettres et les rhéteurs.
372. Les autres, c’est-à-dire les fonctionnaires qui ne sont pas de formation littéraire, mais,
par exemple, technique ou juridique. Le paradoxe est qu’ensuite Libanios recommande à
Saloutios un homme qui a fait carrière comme avocat.
Lettre 73 (1189 F) été 364
à Cléarkhos373
377. Libanios se fait l’écho d’une tradition évidemment locale qui rattachait la fondation
d’Antioche au passage d’Alexandre le Grand, séduit par la douceur d’une source qu’il
baptisa Olympias.
378. Les Olympia* (ici de 364) étaient à la charge de trois personnages : le syriarque*, Kelsos
3, chargé de la uenatio, l’alytarque*, Candidos, qui fournit les athlètes, et enfin
Alexandros.
Lettre 74 (1253 F) été 364
à Priskianos379
380. Il s’agit des Manichéens, dont la religion était tolérée, mais que menaçait une
persécution latente des membres les plus zélés de l’église chrétienne. Titus, évêque de
Bostra, dont on a conservé un traité qui les combattait, voyait, par exemple, dans la secte
une hérésie. Libanios défend la liberté de culte de ces païens pacifiques, comme il a pu
défendre des chrétiens victimes d’injustices sous Julien, ou comme il défend les Juifs, et
cette attitude illustre sa tolérance en matière religieuse ainsi que son horreur du
fanatisme et de l’injustice. On aperçoit aussi la diversité de ses relations (B. Schouler,
Tradition, p. 683).
381. Allusion au second degré de la hiérarchie de la secte : les auditores, avant les electi.
à Aristophanès383
384. Julien, mort en juin 363 dans un combat contre les Perses ; mais la rumeur de
l’assassinat perpétré à la faveur de la bataille avait couru.
385. On est au début du règne de Valens dont l’attitude envers la mémoire de l’empereur
païen et sa politique religieuse incitait effectivement à la prudence : les alarmes de
Libanios sont bien justifiées.
386. La Monodie sur Julien (Discours 17) qu’il n’a pas publiée.
387. Type de l’idiot à Athènes : voir Aristophane, Grenouilles, 991, ou encore Lucien, Amours,
53.
388. Julien.
389. Olympios 9, le porteur, fut peut-être censitor Syriae en 363 et proconsul d’Achaïe en 364
(voir A. Chastagnol in P. Petit, Fonctionnaires, p. 181).
Lettre 76 (1467 F) début 365
à Saloutios390
391. Éuagrios 6, qui appartient à une grande famille d’Antioche, gouverneur d’une province
depuis l’automne 364, est accusé, limogé et condamné à une amende, au début de l’hiver
364-65 et Libanios multiplie les lettres pour appuyer son avocat, Évanthios. Il est
finalement sauvé grâce à celui-ci et à Saloutios. Évagrios devient plus tard chrétien et
évêque d’Antioche.
392. C’est-à-dire le poste de gouverneur.
à Séleucos394
J’ai pleuré sur ta lettre et j’ai dit aux dieux : « Pourquoi ceci, ô
dieux ? » Ayant donné la lettre à lire à ceux qui parmi les autres
m’inspirent le plus confiance, je vis qu’eux aussi réagissaient comme moi à
la lettre. Car chacun comparait ce que tu méritais d’obtenir et les
conditions dans lesquelles tu as été contraint de vivre. Mais je vais redire
les mots de consolation que je leur ai adressés et que je me suis adressés à
moi-même : car je pense que cela te suffira. L’exemple d’Ulysse m’est venu
à l’esprit, lui qui, après avoir renversé Troie, fut ballotté, comme tu le sais,
par la mer ; mais nous n’avons pas besoin de rameaux pour couvrir notre
sexe – puissions-nous ne jamais en avoir besoin ! – nous ne sommes pas
non plus maltraités par nos serviteurs et ta maison est pure de tout
débordement d’ivresse. Si tu es chassé des villes et de leurs bains, songe
combien ‹de gens›, alors qu’il leur est possible de vivre en ville, préfèrent
vivre à la campagne, jugeant ses charmes plus agréables que les tumultes
d’ici. Si tu étais Achille, et il aurait fallu que tu vives avec le Centaure au
Pélion395, qu’aurais-tu fait ? Tu te serais enfui pour aller vers les villes,
tenant la montagne pour un fléau ? Non, par Zeus, Séleucos, ne te torture
pas et n’oublie pas ces généraux qui, ayant à peine dressé des trophées, se
trouvèrent l’un enchaîné, les autres en fuite396. Car ce n’est pas pour
souffrir que nous avons été instruits de ces exemples, mais pour que nos
chaînes nous paraissent légères. Tu as une occasion d’exercice littéraire et
tu manques de courage ! Tu n’as pas craint les Perses et tu redoutes les
arbres ! Tu as supporté le soleil du côté du Tigre, et alors que tu jouis de
l’ombre des feuillages dans le Pont, tu désires les agoras des villes et
prétends être seul, ce qui est la dernière chose qui puisse arriver à un ami
des lettres ! Comment en effet Platon pourrait-il t’abandonner, et
Démosthène et tout ce chœur, qui est nécessairement partout où tu le
veux ? Dialogue donc avec eux et écris l’histoire de la guerre397 comme tu
l’as promis, et les circonstances présentes ne t’affecteront pas si tu as en
vue un si grand enjeu. C’est ce qui a rendu à Thucydide même l’exil
léger398, et je t’aurais raconté toute l’histoire, si tu ne la connaissais déjà
bien. Sois persuadé que par ton écrit tu réjouiras tous les hommes. Tu as
vu les faits comme d’autres, mais toi seul de ceux qui les ont vus possèdes
une éloquence à la hauteur des faits.
394. Séleucos 1 est un Cilicien qui obtint une charge à la Cour sous Julien ; il collabora en
Cilicie à la restauration des cultes et, sans doute, reçut-il une charge sacerdotale ; mais
après la mort de Julien, il paya le zèle qu’il avait déployé, fut limogé et condamné à une
amende. Libanios plaida la cause de son ami auprès de tous les puissants susceptibles de
le réhabiliter ; mais ce fut sans succès et Séleucos, en avril 365, fut assigné à résidence
dans un domaine du Pont, avec interdiction de rejoindre une ville. Libanios le console en
lui vantant les charmes de la campagne ! L’épisode est significatif de ce qu’on peut
appeler, sous le règne de Jovien, puis de Valens, une « répression » visant les anciens
partisans de Julien.
395. Achille a été élevé sur le mont Pélion, en Thessalie, par le centaure Chiron. Ce dernier
lui aurait inculqué l’art de la médecine.
396. Allusion aux vainqueurs des Guerres Médiques qui connurent bien des vicissitudes :
Miltiade, le vainqueur de Marathon, fut, en 489, accusé de trahison et condamné à une
amende ; Thémistocle fut ostracisé en 471, puis, accusé de trahison, condamné à mort par
contumace ; le général Spartiate Pausanias, vainqueur de Platées, fut, lui aussi, accusé de
complicité avec le roi perse et chassé de sa patrie.
398. L’historien Thucydide, accusé de trahison après son échec comme stratège devant
Amphipolis de Thrace, en 424 av. J.-C., partit en exil et se consacra à l’écriture.
Lettre 78 (1517 F) 365
à la Curie d’Ancyre399
à Tatianos401
Alors que ta première lettre nous était venue dès le début de ton
commandement, puis qu’aucune autre ne venait, il était permis à mes
amis de s’étonner et de chercher pour quelle raison il pouvait bien en être
ainsi. Je ne les laissais pas s’interroger, ni croire à un changement de ta
part – car ce n’est pas ton caractère – mais c’est à l’accusation que j’avais
encourue d’être devenu déloyal envers les maîtres du pouvoir402 que
j’attribuais ton silence, disant que la loi interdit à des gens d’une telle
position d’écrire à des gens tels que moi : « Quand l’accusation sera
réfutée, assurais-je, vous verrez ses lettres. » C’est ce que je disais, c’est ce
que j’attendais, c’est ce qui arriva, le même jour ayant apporté une lettre
de toi et ‹celles› de quelques autres où l’on pouvait apprendre que nous
étions acquittés et libres. Et je n’ignorais pas que celui qui avait lutté avec
moi pour mes affaires s’est appliqué aussi à ce qui en a résulté. En effet, si
tu ne le dis pas, tu as porté secours ; il ne te conviendrait pas de dire cela,
mais il me convient à moi de le faire, car celui qui reçoit un bienfait, s’il
n’est pas un méchant homme, agira ainsi. Quant à moi, je pouvais
t’apprécier, même si tu étais absent, en la personne de ton fils, et quand
j’appliquais mes lèvres sur celles de Proclos403, je croyais vous embrasser
tous deux ; et je me réjouissais avec la cité qu’en vous rendant vos
bienfaits elle passe tout ce qu’elle a jamais fait pour les gouverneurs, et
c’est tout naturel, car vous aussi, par vos bienfaits, vous avez passé ceux
que les autres lui ont accordés404.
401. Tatianos 5 est alors préfet du prétoire* d’Orient et joue un rôle essentiel dans l’État,
d’autant plus que son fils Proclos 6 vient d’être nommé préfet de Constantinople.
Tatianos, de formation juridique, mais ayant aussi des prétentions littéraires, fut un
grand administrateur. Libanios est heureux de reprendre contact avec lui après ses
ennuis.
402. Libanios vit alors des jours sombres, dans un contexte politique très troublé.
L’empereur Théodose était impopulaire, comme l’avait prouvé la révolte dite « des
statues » qui avait secoué Antioche, début 387, révolte au cours de laquelle la foule
excédée par l’annonce de nouveaux impôts avait jeté à terre les statues impériales et
incendié des maisons ; le pouvoir de l’Empereur était aussi menacé, comme le prouvait
l’usurpation de Maxime, alors maître reconnu de l’Italie. Libanios se trouva lui-même en
position délicate : Thrasydéos aurait rapporté aux milieux de la Cour que Libanios était
un partisan de Maxime (Discours 32, 27) : c’est à ce soupçon que fait ici allusion Libanios.
Ces accusations furent reprises par un vieillard inconnu qui poursuivit Libanios de ses
délations (Autobiographie, 263-5) ; enfin, des accusations de pratique illégale de
consultations oraculaires auraient pesé sur lui.
403. Proclos 6, de culture juridique comme son père Tatianos, est quelqu’un que Libanios
flatte par opportunisme, peut-être aussi par crainte, car le contraste est très frappant
entre les débordements d’amitié que portent les lettres et les attaques très virulentes que
s’autorisent les discours (brutalité, avidité, recrutement de partisans sans aveu, manie
édificatrice). Il est le porteur de la lettre adressée à son père : il quitte donc Antioche
pour prendre son nouveau poste ; la lettre 885 F montre que Libanios le fréquenta
beaucoup à Antioche et l’accompagna à son départ.
404. Tatianos semble avoir eu, du moins au jugement de Libanios, plus d’envergure que son
fils : le sophiste loue son souci de restaurer les curies, la façon dont il recrute les
fonctionnaires et ses embellissements d’Antioche.
Lettre 80 (846 F) seconde moitié de 388
à Eusébios405
406. Libanios recommande ici les ambassadeurs d’Émèse, cité de Coelé-Syrie sur l’Oronte, et
plaide en faveur d’une ville que la fuite des curiales* et l’appauvrissement ont rendue
exsangue.
408. Arcadius, le fils aîné de Théodose, Auguste* depuis 383, est empereur à Constantinople
pendant l’absence de Théodose, parti en Occident pour purger les séquelles de la révolte
de Maxime.
Lettre 81 (852 F) automne 388
à Proclos409
411. On devine l’ironie de Libanios à travers ces balancements rhétoriques sur aimer /
pouvoir : « puisque tu aimes tant cette ville, prouve-le ! », et le recours au dialogue avec
un tiers qui permet de dire sous couvert de conseils généraux ce qu’on n’ose proposer ou
reprocher directement à l’intéressé.
412. Très intéressante et fort suggestive est cette allusion à la vie sociale d’Antioche : le
soir, et même la nuit grâce à l’éclairage public, les habitants avaient l’habitude de se
retrouver sous les portiques pour se promener, se rencontrer, deviser, voire se distraire
par des chants, moments privilégiés d’une communauté qui, libérée des obligations
diverses, pouvait dans la fraîcheur retrouvée du soir se livrer au plaisir d’être ensemble
(voir Discours 11, Antioch., 267 ; Discours 45, 26). Cela nous permet aussi de deviner les
loisirs simples et la vie de relation si riche d’une société antiochéenne « que l’on a trop
tendance à figer soit dans la raideur hiératique des tenants d’un passé révolu, soit dans
les voluptés d’une société décadente ». (B. Schouler, Pallas XXXII, 1985, p. 137).
Lettre 82 (871 F) seconde moitié de 388
à Tatianos413
Tout ce que tu fais est beau et grand, tout ce que tu dis et tout ce que
tu écris, tout ce que tu accomplis, tout ce que tu as accompli et tout ce que
tu accompliras, parce que cela apporte le salut aux cités, le salut aux
campagnes. Et à celles-là je pourrais ajouter encore les marchands qui
font du commerce maritime et ceux qui pratiquent d’autres types
d’activités. Partout règne la modération et personne ne cherche, d’aucune
manière, à avoir plus qu’il n’est légal, les uns persuadés de cela, les autres
contraints, mais qui, pour mécontents qu’ils aient été la première fois,
félicitent plus tard ceux qui les avaient contrariés. Faisant le bien des
hommes en exerçant le plus haut commandement, tu fais à nouveau le
bien par les gouverneurs que tu envoies aux peuples. Car si c’est à
l’Empereur qu’il appartient de donner la nomination, c’est toi qui lui
apprends celui qui est digne de la recevoir. Vous venez de donner à
l’Égypte et au Nil un tel homme, qui sait par quel moyen il faut bel et bien
aider les cités, don certes naturel, mais en outre fruit de l’éloquence et des
lois414. C’est ainsi qu’il s’est montré envers ceux qui ont déjà reçu ses
soins, de sorte que tu jouis aussi là-bas415 de la bonne réputation d’avoir
pourvu les commandements d’hommes sachant commander.
413. Tatianos 5 (voir Let. 79*), nommé préfet du prétoire* d’Orient en mars 388, joua un rôle
essentiel dans l’État et opéra un large recrutement de fonctionnaires, des païens bien sûr,
et des juristes qu’il sut bien choisir, souligne Libanios.
à Élébicos416
Il est important pour nous que l’excellent Annianos ait été à nouveau
couronné par la Thrace à cause de ce qu’il a fait pour la Thrace ; mais il est
beaucoup plus important qu’il soit venu en personne avec ta lettre : tu ne
devais donc pas seulement nous honorer présents, mais même absents ;
des éloges nous sont décernés dans toutes les conversations chez toi, tu
apprécies les autres qui font notre éloge et celui qui critique – il y a, en
effet, des gens pour le faire – s’en va chagriné. Nous honorant par le
plaisir que tu prends aux lettres qui viennent de nous, tu nous honores à
nouveau par celle qui vient de toi. Mais je te demande, et la cité le
demande avec moi, de te souvenir de ce que tu as annoncé quand tu nous
as quittés : tu annonçais qu’après avoir profité de la Grande cité417, tu te
donnerais de nouveau à la cité qui cède le pas à celle-là418, quoique
largement plus grande, et j’ajouterais plus belle. En effet, tu nous as donné
aussi quelque chose à dire de sa beauté, en offrant une si belle maison et,
en plus de celle-ci, un bain qui est situé au milieu de la cité et qui draine le
monde vers lui depuis chacune des portes, la neuve et l’ancienne419.
416. Magister militum per Orientem depuis 383 : pendant son séjour à Antioche, il a noué une
amitié avec Libanios et lui a demandé de rédiger son panégyrique en 385 (Autobiographie,
232). Il joua un rôle important lors de la révolte « des statues » et semble avoir fait preuve
alors de clémence, de modération et de tact.
417. Constantinople.
à Abourgios420
422. Les dieux de l’éloquence constituent une référence constante dans les derniers écrits
de Libanios, et elle prend le pas sur le culte de la Fortune jusqu’alors prégnant dans son
œuvre.
423. L’Antiochéen Eusébios 22 est sophiste, mais soumis aux charges curiales*, alors que les
professions de l’éloquence en sont normalement dispensées : à travers lui, Libanios plaide
pour l’immunité réservée aux sophistes et pour l’intégrité de leur statut.
425. Expression proverbiale pour désigner une personne instable et versatile, par allusion
aux courants alternatifs de 1’Euripe, le bras de mer qui sépare l’île d’Eubée de la côte de
Béotie.
426. Iliade, I, 118, à propos d’Agamemnon qui ne veut pas, s’il rend la captive Chryséis, être
« seul sans butin ».
Lettre 85 (914 F) 388
au Patriarche427
Des nouvelles contenues dans ta lettre, j’en savais une part depuis
longtemps, le reste je viens de l’apprendre ; et mon chagrin s’est amplifié
avec l’ajout fait à ta lettre : qui ne serait pas affligé qu’un tel peuple
souffre depuis si longtemps428 ? En faveur de ceux qui vous persécutent
personne n’est intervenu par lettre, et même si beaucoup l’avaient fait, je
n’aurais rien entrepris, ni ne me serais fait du tort en vous faisant du tort.
Quant à celui dont tu crois qu’il commandera notre cité et qu’il est
quelque part près de nous429, un bruit qui n’est pas fondé vous a trompés
ainsi que nous ; mais nous sommes détrompés : vous devez l’être aussi
maintenant, si ce n’était déjà fait.
427. Le patriarche juif de Tibériade, Gamaliel 6, dont le fils fut élève de Libanios et qui était
très féru de lettres grecques, était un personnage au pouvoir immense qui pouvait faire
pression sur les autorités romaines au point de faire disgracier, voire exécuter un
gouverneur.
428. Le judaïsme avait dans l’empire le statut de religio licita, mais les excès et attaques d’un
certain nombre de ses sectateurs provoquaient des réactions violentes de répression de
la part de certains fonctionnaires, même sans ordre officiel.
à Eusébios430
432. Il avait cependant une activité peu prisée : il possédait, en effet, un atelier de couteaux
et d’armes, même s’il n’y travaillait pas lui-même. Le rapprochement avec le père de
Démosthène, qui possédait un atelier du même type, n’échappa évidemment pas à
Libanios.
433. Les gouverneurs.
434. Optatos 1 que, dans le Discours 42, 20, Libanios montre s’écriant, les bras au ciel :
« Quoi ? Thalassios dans notre sénat ? » Dans la lettre, le rhéteur est obligé,
diplomatiquement, de reconnaître l’influence d’Optatos sur ses collègues et d’excuser sa
prise de position contre Thalassios.
Lettre 87 (947 F) 390
à Priscos435
436. On peut se demander quel est le critère qui préside à cette hiérarchie : l’antériorité
historique qui fait d’elle la matrice de la Grèce d’Orient, la tradition culturelle et
philosophique, la langue dont elle est le berceau, et en particulier le pur idiome attique ?
Sans doute tout cela à la fois, en un mot l’hellénisme en quoi se reconnaissent tous les
hommes de culture et de tradition de l’empire d’Orient, quelle que soit leur origine
ethnique.
437. Hilarios.
438. Aristote.
439. Julien.
Lettre 88 (951 F) 390
à Thalassios440
441. Calliopios 3, ancien condisciple de Libanios, l’a assisté, dans son école, comme
grammatiste ; il est désormais à Constantinople magister epistularum des empereurs ; très
féru de culture hellénique, il va jusqu’à accuser Libanios de laisser partir ses étudiants à
Rome. Dès l’ouverture de la saison de la navigation, nombre d’étudiants s’en allaient, en
effet, étudier le latin, langue administrative, et le droit, ce qu’évidemment dénonce
âprement Libanios (Autobiographie, 214 : « On fuyait la langue des Hellènes et on
s’embarquait pour l’Italie » ; ou 234 : « la considération et le pouvoir vont à ceux qui
connaissent la langue de l’Italie », trad. P. Petit).
443. Rome.
Lettre 89 (959 F) mi-390
à Tatianos444
445. Libanios a eu pour compagne une femme d’origine servile, mère de son fils, et qui
vient juste de mourir (Autobiographie, 278).
446. C’est-à-dire les avocats. Kimon fut attaché comme avocat auprès du tribunal du
consularis* de Syrie, Eustathios 6, en 384, et y resta jusqu’en 388-389.
447. Jeu de mots sur le nom de Théodose, « don du dieu », mais sans aucune arrière-pensée
religieuse tant ces références font partie du fonds culturel commun.
à Richomérès449
Si je fais le compte des bienfaits que les dieux m’ont accordés, le plus
important que je trouve est ton amitié, et j’honore le jour qui m’a offert
ceci : quand, nous voyant pour la première fois, nous nous sommes plu à
être ensemble et avons fait ce que feraient ceux qui se fréquentent depuis
longtemps et en sont venus à une grande familiarité. Et quand il a fallu
que je reste et que tu partes, cela s’est fait dans les larmes. La rumeur t’a
donc apporté quelques nouvelles de nous : nous parlons et écrivons, et
nous sommes assis au milieu d’étudiants qui s’instruisent de notre art soit
par conviction soit par contrainte ; de ton côté, des choses brillantes,
respectables et grandes, des commandements militaires, des combats et
des victoires, le tyran anéanti et l’homme libre qui n’est plus asservi, car
l’Empereur et toi s’empressent pour toute chose noble et l’obtiennent
tantôt par la sagesse, tantôt par la force450. Ces actions ont donc été
saluées par des discours, le sont par d’autres et le seront encore par
d’autres ; et la récompense de ceux qui ont redressé la situation ressemble
à celle qu’Homère a réservée aux compagnons d’Agamemnon pour leurs
exploits. Nous prions les dieux et vous-mêmes que vous veniez vers nous,
que vous combliez notre désir, et rendiez Daphné451 plus belle de la
beauté de l’Empereur. En effet, si nous ne sommes pas Rome, ni sa mère ni
sa fille452, elle n’est pas indigne d’un tel don la cité qui se réjouit des belles
actions de son maître et s’afflige de n’avoir jamais vu celui qui ressemble
aux dieux.
449. L’un des généraux de Théodose, païen et amateur de lettres grecques ; son amitié avec
Libanios remonte à 383, alors que le militaire était en poste à Antioche comme magister
militum. Il quitta la ville une fois devenu consul, en 384.
451. Célèbre faubourg d’Antioche, réputé pour son sanctuaire d’Apollon, et pour l’agrément
de son site qui en faisait un lieu de villégiature et de plaisirs.
452. Constantinople.
Lettre 91 (994 F) 391
à Kyros453
à Symmaque455
458. Rome.
à Anatolios463
à Postumianus467
Les dieux qui voient tout et ont coutume de porter secours aux
mortels frappés ‹par le sort›, ayant vu que j’étais abattu et prostré sous
l’effet de mon malheur présent, et que la foule des mots que l’on dit pour
consoler n’avaient eu aucun pouvoir, ont trouvé ce puissant remède : ta
lettre. Sa délivrance fut aussi un profit, puisqu’elle était assurée par le
noble Hilarios, et plus encore son interprétation – cette opération fut la
tâche de ceux qui font passer votre langue dans la nôtre – et celui qui
réussissait le mieux à saisir un passage était couronné. Cet honneur me
faisait paraître ‹d’humeur› plus facile, l’un de mes familiers me vit sourire
et l’on ne voyait plus les mêmes nuages sur mon âme ni sur mon visage. Il
n’y a rien d’étonnant à ce qu’un tel honneur, procuré par la lettre du
premier des Romains – et dire cela, c’est dire « de tous les hommes » – ait
le pouvoir d’alléger mon chagrin et d’y mêler de la sérénité. Mais tu me
parais, en cherchant à être juste, faire comme l’Éaque d’Égine468, la seule
chose qui n’est pas juste, en évitant dans tes écrits la langue des Grecs.
Cette langue, tu l’as ajoutée à ta langue maternelle en y mettant beaucoup
de passion et beaucoup d’efforts, que ce soit de jour comme de nuit : grâce
à eux, tu t’es empli l’âme d’Homère, d’Hésiode et des autres poètes, de
Démosthène, de Lysias et des autres orateurs. Hérodote, Thucydide et tout
leur chœur pourraient aussi dire qu’il y a place pour eux dans ta pensée et
j’en veux pour témoins les discours que tu as composés, qui sont
nombreux et beaux. Et cela n’est pas d’une maîtrise récente, jusqu’alors
inconnue, mais même avant tes déclamations, comme pendant et après
elles, on ne tenait pas peu compte de tes enfants, les discours. Et cela est
propre à toute famille qui a des dieux pour ancêtres469, mais,
éminemment, à votre lignée. Possédant donc cette culture en plus de
l’autre, au point de pouvoir être convaincant si tu te disais Athénien, sers-
toi vis-à-vis de nous des biens dont tu disposes, et les lettres à venir – car
il est évident qu’après avoir commencé tu ne t’arrêteras pas – ne les
destine pas à nouveau à la bouche des traducteurs. De cela donc, tu es
maître, mais c’est aux dieux que je demande de me donner à voir ta
personne au poste de gouverneur, comme j’ai connu autrefois ton oncle
dont tu as élevé le fils homonyme dans la ville qu’un concours a conquise
à sa déesse470. Voilà donc la juste prétention que je formule à votre
endroit ; mais il y a encore autre chose que je dois t’apprendre. L’année
même, en effet, où votre grand-père avait le pouvoir sur la terre et la mer
avec le titre et la fonction de consul, alors, sorti du ventre de ma mère,
j’apparaissais au soleil471.
467. Cette lettre est une réponse à la lettre de condoléances que Postumianus, sénateur de
haut rang à Rome, lui a adressée après la mort de Kimon.
468. Fils de Zeus et d’Égine, l’un des trois juges des Enfers avec Minos et Rhadamante. On ne
sait à quoi fait allusion Libanios à propos de la seule chose juste qu’il n’ait pas faite.
469. Libanios adhère aux croyances qu’affichaient les familles patriciennes de Rome qui
prétendaient descendre des dieux : ces généalogies héroïques ou divines étaient
hautement revendiquées et n’avaient pour les Anciens rien de « mythique ».
471. Le grand-père de Postumianus, Caius Ceionius Rufius Volusianus, a été consul en 314,
année où naquit Libanios.
Lettre 95 (1048 F) 392
à Firminos472
Même si tu m’avais donné tout ton bien et, outre celui-ci, tous ceux de
tes parents et de tes amis, tu ne m’aurais pas donné plus grand que ce que
tu m’as donné. Car qu’est-il, pour moi, de plus grand ou d’équivalent au
don présent ? Firminos ayant déposé ‹l’habit› de fonctionnaire a revêtu
celui de sophiste. Et il a la chaire qui lui convient, les bancs, les livres, les
jeunes gens que l’on instruit, qui rédigent des discours et les récitent,
provoquant l’émotion du public cultivé : tel est, en effet, celui des
Cappadociens. Même si ‹vient› tardivement ce à quoi, tu le sais, je t’ai
engagé, c’est un profit même aujourd’hui, ô cher Alcibiade473, pour toi
comme pour moi. Aussi, quand le premier messager m’a apporté ces
nouvelles, ai-je embrassé sa tête, embrassé ses yeux, et l’ayant fait asseoir
à côté de moi, je lui demandais bien des choses sur toi, j’en entendais
autant, toutes bonnes, et je le regardais comme mon bienfaiteur, après toi
qui lui a permis d’annoncer de telles nouvelles. Je me suis réjoui à
nouveau en recevant ta lettre et encore une fois réjoui en recevant cette
deuxième lettre – elles étaient deux, en effet – même si l’on peut dire qu’il
y a de très nombreuses lettres dans ta lettre. Et je me réjouissais aussi des
propos tenus sur toi par le noble Kynégios, qui a fait honneur à son grand-
père et homonyme, dont je fus le condisciple474 et que j’aimais
particulièrement ainsi que son frère, mais moins ce dernier que cet
« homme irréprochable475 ». Comment donc, ainsi affecté par ton
changement de carrière, pouvais-je « dédaigner », prenons ton propre
mot, celui qui m’a causé un tel plaisir, au point de ne pas écrire ? Il t’aurait
fallu chercher quelque autre raison ou plutôt il ne fallait même pas la
chercher, cette raison si évidente. Qui, en effet, n’a pas su la mort de
Kimon ? Lui que tu connaissais personnellement, que tu as écouté parler
et dont tu as souvent fait l’éloge. Pleurant la mort de celui-ci, je restais
prostré, touchant à la nourriture sous la pression de mes amis qui me
disaient qu’il ne fallait pas être attiré par la mort ni périr avant l’heure ; et
je ne recevais pas sans larmes les lettres qui venaient ici, mais en envoyer,
j’en aurais été tout à fait incapable. Or, je pensais que Firminos, mon
légitime disciple, parlerait parmi ses concitoyens, sinon longuement, du
moins en peu de mots, de la courte vie de Kimon, et ferait ce que certains
de ceux qui m’ont fréquenté476 avaient fait. Examine donc si tu n’as
manqué aucun devoir envers nous, et si tu as trouvé, alors accuse un autre
d’être injuste.
472. Ancien élève de Libanios, et de famille curiale, qui, après avoir été longtemps
fonctionnaire, a fini par quitter l’administration pour devenir sophiste en Cappadoce, sa
patrie. Basile l’encouragea à échapper au fonctionnariat qui ne lui convenait pas (Basile,
Lettre 116).
474. À Athènes sans doute. Kynégios le Jeune, qui porte la lettre, doit être un élève de
Firminos.
475. Expression homérique.
476. Par exemple Priskion, qui composa un discours en hommage au fils de son maître.
Lettre 96 (1063 F) 392
à Marcellin477
‹à Rufin›480
481. Il est possible que le début de la lettre manque, car, dans le manuscrit, la lettre 1105 F
est suivie d’une lacune importante dont l’adresse de la lettre suivante – et donc peut-être
le début. La joie qui salue le passage de Rufin paraît quelque peu suspecte, surtout dans la
description idéalisée qu’en donne Libanios. La foule d’Antioche qui a assisté au massacre
de Loukianos n’était peut-être pas d’humeur aussi joyeuse et Rufin dut, pour apaiser les
Antiochéens, promettre l’édification d’un portique (voir Zosime, Histoire nouvelle, 5, 2, 4).
482. La chlamyde est un manteau court que les hommes drapaient autour des épaules. La
position de la main, glissée sous le manteau, annonce les poses hiératiques des dignitaires
byzantins, tels qu’ils apparaissent, par exemple, autour de Justinien sur une mosaïque de
Saint-Vital à Ravenne.
483. La cathèdre.
484. Le rôle de « médecin des cités » ou de « sauveur des cités » est souvent assigné par
Libanios à l’Empereur et à ses délégués, les hauts fonctionnaires.
488. Théophilos 5, originaire de Palestine, fut l’un des plus proches amis de Libanios, en
391, au moment de la mort de son fils, Kimon.
à Aristainétos490
491. Rufin (Rufinus 18), préfet du prétoire d’Orient (voir Let. 97*). Cette lettre est le pendant
de la précédente et illustre les honneurs et les flatteries que le préfet réserve au sophiste,
trop respectable et influent pour ne pas être ménagé.
493. Libanios insiste ici sur sa formation de juriste : Rufin est un haut fonctionnaire qui n’a
rien d’un lettré, mais le sophiste tourne en compliments cette formation qui le
prédispose au commandement. Comme l’écrit R Petit, Fonctionnaires, p. 224, « ces
dernières lettres qui nous montrent le vieux païen libéral aux pieds du ministre tout
puissant, chrétien et à demi-inculte, sont attristantes ».
494. Rufin était un chrétien fanatique, mais Libanios feint de le présenter comme un allié
des dieux et comme un homme qui leur est de peu inférieur.
Éléments de bibliographie
Éditions de Libanios
AMMIEN MARCELLIN, Histoire, tomes I, II, III, IV, V (livres 14-19 et 23-28) et
VI (livres 29-31), éd. et trad. par GALLETIER (E.), FONTAINE (J.), SABBAH
(G.), MARIÉ (M. A.) et ANGLIVIEL DE LA BAUMELLE (L.), C.U.F., Paris, 1968-
1999.
Pour les livres encore manquants dans cette édition, voir éd. SEYFARTH
(F.), Loeb Classical Library, Londres, 1963-1964.
Anthologie Palatine, éd. WALTZ (P.), AUBRETON (R.) et BUFFIÈRE (F.), C.U.F.,
Paris, 1928-1972.
BASILE DE CÉSARÉE , Lettres, éd. COURTONNE (Y.), C.U.F., Paris, 1957-1966.
Code Théodosien, éd. MOMMSEN (Th.), Berlin, 1905, réimpr. 1963.
Corpus Paroemiographorum Graecorum, éd. LEUTSCH (E. L. von) et
SCHNEIDEWIN (F. G.), 1818-1839, réimpr., Amsterdam, 1965.
Epistolographi Graeci, éd. HERCHER (R.), 1873, réimpr. Amsterdam, 1965.
EUNAPE DE SARDES , Fragments, dans MÜLLER (C. et Th.), Fragmenta
Historicorum Graecorum, t. IV, Didot, Paris, 1868, p. 7-56.
EUNAPE DE SARDES , Vie des sophistes, éd. WRIGHT (W. C.), Loeb Classical
Library, Londres, 1922.
JULIEN :
– Lettres, éd. BIDEZ (J.), 2 vol, C.U.F., Paris, 1932-1960.
– Discours de Julien César, éd. ROCHEFORT (G.), C.U.F., Paris, 1963.
– Discours de Julien Auguste, éd. LACOMBRADE (C.), C.U.F., Paris, 1964.
Notitia Dignitatum, éd. SEECK (O.), Berlin, 1876, réimpr. Berlin.
SYMMAQUE :
– Œuvres, éd. SEECK (O.), Monumenta Germaniae Historica, Auctores
Antiquissimi, t. VI, 1, Berlin, 1888.
– Lettres, éd. CALLU (J.-P.) pour les livres 1-4, C.U.F., Paris, 1972-1982.
THÉMISTIOS :
– Discours, éd. de DINDORF (W.), Leipzig, 1832.
– Orationes, éd. SCHENKL (H.), DOWNEY (Gl.) et NORMAN (A.F.), 3 vol.,
Leipzig, 1965-1971.
– Discorsi, éd. MAISANO (R.), Turin, 1995.
ZOSIME, Histoires, éd. PASCHOUD (F.), 3 vol., C.U.F., Paris, 1970-1989.
Histoire générale
Contexte culturel
BOUFFARTIGUE (J.), L’empereur Julien et la culture de son temps, Paris, 1992.
DAGRON, Thémistios = DAGRON (G.), L’empire romain d’Orient au IVe siècle et les
traditions politiques de l’Hellénisme. Le témoignage de Thémistios, dans
Travaux et Mémoires 3, Paris, 1968.
DIHLE (A.), Greek and Roman Literature of the Roman Empire, trad. anglaise,
Londres, 1994.
FESTUGIÈRE (A.), Antioche païenne et chrétienne. Libanius, Chrysostome et les
moines de Syrie, Paris, 1959.
MATTHEWS (J.), The Roman Empire of Ammianus, Londres, 1989.
NORMAN (A. F.), « The Library of Libanius », Rheinisches Museum für
Philologie, 107, 1964, p. 158-175.
PETIT , Étudiants = PETIT (P.), Les étudiants de Libanius. Un professeur de
Faculté et ses élèves au Bas-Empire, Paris, 1957.
SALZMANN (E.), Sprichwörter und sprichwörtliche Redensarten bei Libanios,
diss. Tübingen, 1910.
SCHOULER , Tradition = SCHOULER (B.), La tradition hellénique chez Libanios, 2
tomes, Lille-Paris, 1984.
Histoire locale
DOWNEY (Gl.), A History of Antioch in Syria from Seleucus to the Arab Conquest,
New Jersey, 1961.
DOWNEY (Gl.), « The Olympie Games of Antioch in the Fourth Century A.
D. », Transactions and Proceedings of the American Philological Association,
70, 1939, p. 428-438.
HADDAD (G.), Aspects of Social Life in Antioch in the Hellenistic-Roman Period,
Diss. Chicago, 1949.
LIEBESCHUETZ (J. H. W. G.), Antioch. City and Imperial Administration in the
Later Roman Empire, Oxford, 1972.
LIEBESCHUETZ (J. H. W. G.), « The Syriach in the Fourth Century », Historia,
8, 1959, p. 113-126.
PACK (R. A.), « Curiales in the Correspondence of Libanius », Transactions
and Proceedings of the American Philological Association, 82, 1951, p. 176-
192.
PACK (R. A.), Studies in Libanius and Antiochene Society under Theodosius,
Diss. Michigan, 1935.
PETIT, VM = Petit (P), Libanios et la vie municipale à Antioche au IVe siècle après
J.-C., Paris, 1955.
PETIT , « Sénateurs » = PETIT (P.), « Les sénateurs de Constantinople dans
l’œuvre de Libanios », L’Antiquité classique, 26, 1957, p. 347-382.
PETIT, Fonctionnaires = PETIT (P.), Les Fonctionnaires dans l’œuvre de Libanios.
Analyse prosopographique, Paris, 1994.
SEECK (O.), Die Briefe des Libanius zeitlich geordnet, 1906, réimpr.
Hildesheim, 1966.
SIEVERS (G. R.), Das Leben des Libanius, 1868, réimpr. Amsterdam, 1969.
Glossaire
Follis. À l’origine une monnaie qui a fini par désigner un impôt : c’est
en folles que sont tarifées les sommes à dépenser par les préteurs
(voir préture*) et qui dépendent de la fortune des magistrats.
Venatio. Chasse organisée pour les Jeux offerts par les empereurs ou
les cités et où s’affrontent des bêtes fauves et des chasseurs.
Vicarius. Gouverneur d’une circonscription qui regroupe plusieurs
provinces, le diocèse. Les « vicaires » sont de hauts fonctionnaires de
rang équestre qui obéissent directement aux ordres des préfets du
prétoire régionaux.
Vicennalia. Fêtes qui célèbrent les vingt années d’un règne.
Abourgios : 180
Abydos : 84
Acakios : 12
Achaïe : 38, 164, 166
Achille : 70, 73-75, 114, 168
Adana : 136
Adonis : 126
Adraste : 97
Agamemnon : 65, 91, 182, 190
Agrigente : 88
Agroikios : 105
Aigai : 135
Alamans : 50, 54, 75
Alcibiade : 199
Alexandre (le Grand) : 64, 75, 162
Alexandrie : 84, 114, 179
Alexandrins : 106
Alexandros 4 : 66, 67
Alexandros 5 : 129, 130, 134, 136, 178
Alexandros 6 : 161, 162
Alkimos : 30, 127, 156
Amalthée : 45
Amida : 54, 139
Ammien Marcellin : 43, 51, 54, 55, 97, 139, 140, 201
Amphiaraos : 53
Amphipolis : 169
Anatolios 3 : 21, 31, 35, 36, 38, 39, 41, 43, 46, 57-59, 67, 68, 72, 82, 83
Anatolios 4 : 106, 109
Anatolios 9 : 195, 196
Ancyre : 21, 119, 170
Andronicos 3 : 23, 92, 100, 101
Annianos : 179
Antioche : 10-14, 16, 23, 29, 30, 33, 34, 36, 10, 41, 43, 46, 54, 60, 62, 69,
74, 81, 84, 8991, 98, 99, 101, 102, 105, 107, 110, 114, 121, 127, 128,
130-133, 147, 150, 152, 155, 156, 158, 161, 162, 166, 172174, 176,
177, 179, 180, 183, 190, 191, 194, 196, 203-205, 216, 218, 222, 224
Antiokhos II : 86
Antipater : 124, 126
Antonins : 117
Anytos : 113
Apamée : 41, 134
Apellio : 30
Aphrodite : 35
Apollon : 92, 114, 135, 136, 191
Apollonidès : 191
Apostat (voir Julien) : 9
Apprigios : 93
Aquila : 33, 34
Arabie : 57, 123
Arcadius : 175, 205
Arès : 152
Arganthonios : 113
Argentoratum (Strasbourg) : 50, 75
Argiens : 181
Argolide : 85
Argyrios : 88, 91
Arintheus : 153
Arion de Méthymne : 66
Aristainétos 1 : 13, 39, 42, 43, 59, 60, 63, 76
Aristainétos 2 : 206
Aristide (Aelius) : 16
Aristophane : 166
Aristophanès : 139, 164, 165
Aristote : 186
Arménie : 33, 34, 45, 54, 55, 104
Arsénios : 160
Arsénios 2 : 86
Arsénios 3 : 86
Artémis : 23, 116, 117
Asclépios : 47, 135
Asie : 41, 136, 137, 139, 154, 161
Assyriens : 140
Athéna : 198
Athènes : 11, 16, 33, 57, 64, 97, 112, 185, 186, 198
Athos : 78
Attique : 70, 198
Aulis : 65
Ausone : 117
Auxentios 5 : 135, 136
Babylone : 99
Bacchios : 116
Bacchos (Bacchus) : 111
Basile : 12, 109, 110, 199
Bassianos : 206
Bazas : 117
Bélaios : 123
Béotie : 181, 186
Bérytos : 57, 147
Bès : 84
Bezabdé : 139
Bithynie : 30, 33, 60, 66, 75, 131
Boétos : 103
Bordeaux : 117
Bosphore : 80
Bostra : 123, 163
Byzance : 80
Danube : 106
Daphné : 136, 191, 205, 206
Darius : 139
Datianos : 89-91, 149, 156
Delphes : 92
Déméter : 85, 115
Démétrios : 18
Démétrios 2 : 96, 116, 117
Démonique : 72
Démosthène : 49, 97, 103, 147, 169, 184, 197
Denys : 107
Dianios : 60, 61, 66, 67
Dioclétien : 11, 117
Diodotos : 144
Dionysos : 34, 98, 102, 111
Dioscures : 161
Domitios : voir Modestos.
Dorothéos : 87, 88, 171
Doulkitios : 136
Doura Europos : 132
Galatie : 41
Gallien : 64
Gallus : 29, 43, 96, 97, 216, 224
Gamaliel 6 : 182
Gaule : 50, 73, 74, 224
Géla : 107
Gélon : 107
Gérontios : 105
Gorgonios 2 : 161
Gorgonios 3 : 29
Gorgonios 4 : 33
Grâces : 102
Grèce : 38, 41, 78, 141, 149, 164, 185, 186
Gygès : 137
Harpocration : 48
Hellènes : 149, 187
Héraclès : 55
Hermès : 138, 152
Hermioné : 85, 115
Hermogénès : 63-65, 78, 84
Hérodote : 66, 78, 99, 113, 139, 197
Hésiode : 197
Hésykhios : 118
Hilarios : 185, 186
Hilarios 8 : 197
Himérios 2 (le sophiste) : 33
Himérios 3 : 41
Homère : 34, 49, 70, 74, 114, 148, 162, 182, 190, 197, 200
Hormisdas : 140
Hyperékhios : 119, 121
Iamblikhos 2 : 41
Illyricum : 39,41, 58, 67, 223
Illyriens : 41
Ianouarios : 72
Ionie : 154
Ioniens : 136
Ioulianos 12 : 115
Ioulianos 14 : 131
Iphigénie : 65
Isocrate : 71
Istre : 106
Italie : 40, 41, 172, 187, 190
Iulius Ausonius : 117
Kelsos 3 : 80, 81, 110, 111, 117, 121, 137, 138, 145, 154, 162
Kimon : 13,188,195-197,200, 202, 206
Kinyras : 137
Kynégios (le Jeune) : 200
Kynégios (le préfet) : 175
Kyros : 191, 192
Lapithes : 135
Lesbos : 66
Létoios : 38
Leuctres : 108
Libye : 107
Loukianos 3 : 107, 108
Loukianos 6 : 183, 203, 204
Lucien : 166
Lucius Aurelius Avianus Symmachus Phosphorius : 194
Lycie : 111, 112
Lycien : 74
Lycon : 113
Lycurgue (roi des Édoniens) : 34
Lydie : 137
Lysias : 197
Némée : 55
Nestor : 91, 148
Nicée : 11, 12, 40
Nicomédie : 11-13, 30, 39, 66, 73, 76, 107, 109, 121, 127, 156
Nikentios 1 : 63-65
Niképhorion : 64
Nil : 105, 167, 178
Ravenne : 204
Rhadamante : 131, 197
Rhin : 50
Rhodes : 117
Rhodien : 117
Richomérès : 190
Rome : 10, 31, 36-38, 40, 49, 50, 104, 133, 136, 187, 191, 193, 194, 197,
198, 201, 223
Roufinos 11 : 23, 133, 134, 138
Rufin (le Préfet) : 15, 23, 203, 204, 206, 207
Sabinos 5 : 57
Saint-Vital : 204
Saloutios : 138, 143, 155, 158, 159, 166
Sapor : 54, 75, 140
Sarapis : 84
Sarpédon : 73, 74
Sassanides : 78
Satouminos (voir Saloutios)
Scylla : 162
Scythes : 106
Scythopolis : 67, 84, 87
Séleucie de Piérie : 99
Séleucos 1 : 129, 167, 169
Sévéros 9 : 71, 111, 112
Sicile : 107, 162
Sicyone : 81, 126
Silpios : 98
Singara : 139
Sirmium : 38, 40, 62
Skédasos : 108
Skylakios 2 : 147, 148, 151
Skyros : 33
Socrate : 112, 113
Sopater 1 : 41
Sopater 2 : 41
Sophocle : 74, 86
Spartiates : 108, 130
Spectatos 1 : 21, 37-39, 54, 55, 62, 68, 69
Statégios Mousonianos : 22, 32, 60, 63, 76
Strasbourg : 44, 48, 50,75
Strymon : 54
Styx : 110
Suse : 54
Symmaque : 192-195, 201
Syracuse : 107
Syrie : 10,41,57,63,94,121, 126, 129, 134, 183, 188,203
Syrien : 40
Tarse : 23,116,128,134,136
Tartessos : 113
Tatianos 5 : 22, 172, 173, 175, 176, 178, 180, 183,188, 189, 203
Taurus : 150
Thalassios 1 : 29, 43, 97
Thalassios 2 : 43, 61
Thalassios 4 : 183, 184, 187
Thébaïde (Égypte) : 178
Thèbes : 53
Thémistios 1 : 32, 33, 48, 49, 80, 81, 87, 145-147, 155
Thémistios 2 : 111
Thémistocle : 169
Théodora : 52
Théodoros 11 : 21, 57-59
Théodose Ier : 14, 136, 172, 175, 188, 190, 191, 195, 203, 205
Théodoulos : 118, 119
Théophilos 5 : 206
Thésée : 135
Thessalie : 168
Thrace : 49, 78, 136, 169, 179
Thrasydéos : 172
Thucydide : 169, 197
Tibériade : 182
Tigre : 77, 78, 169
Titans : 75
Titus : 163
Troie : 16, 74, 168
Troyens : 70
Tryphonianos : 94
Tyndarides : 87, 161
Zeus : 48, 53, 73, 74, 76, 91, 92, 149, 154, 160, 161, 169, 171, 188, 197,
216, 222
Zosime : 204
CARTE
https://www.lesbelleslettres.com/collections/13-la-roue-a-livres