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écosystème et par lesquelles l'énergie et la biomasse circulent (échanges d'éléments tels que le
flux de carbone et d'azote entre les différents niveaux de la chaîne alimentaire, échange de
carbone entre les végétaux autotrophes et les hétérotrophes).
Le terme trophique se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d'un tissu vivant ou d'un
organe. Par exemple, une relation trophique est le lien qui unit le prédateur et sa proie dans un
écosystème.
Dans un écosystème, la structure des réseaux trophiques (les types et réseaux de relations
alimentaires entre organismes) influence fortement la quantité, la diversité, la stabilité et la
qualité de la biomasse et de la matière organique résiduelle (excrétions, nécromasse) produites
par les écosystèmes1. La qualité d'un réseau trophique et de ses interactions a un lien direct
avec la stabilité et la résilience écologique des populations qui en font partie2.
Les réseaux trophiques, parfois très complexes, sont étudiés par l'« écologie trophique ». Ils
sont affectés par les changements globaux, dont ceux liés au réchauffement climatique3,4, dont
au niveau des espèces clé de voûte5.
Description
La notion de réseau trophique désigne l'ensemble des relations trophiques existant à l'intérieur
d'une biocénose entre les diverses catégories écologiques d'êtres vivants constituant cette
dernière (producteurs, consommateurs, décomposeurs). Il peut aussi se définir comme étant la
résultante de l'ensemble des chaînes alimentaires unissant les diverses populations d'espèces
que comporte une biocénose.
Mieux comprendre ces interactions est un des enjeux de l'écologie, car elles sont fortement
affectées par les impacts en cascade des activités humaines (chasse, pêche, agriculture), qui
diminuent fortement le nombre et la biomasse des espèces de haut niveau trophique, tout en
augmentant ou perturbant les apports et les cycles de nutriments6, conduisant notamment à des
phénomènes d'appauvrissement en amont et de dystrophisation en aval des bassins versants,
ou à des phénomènes d'eutrophisation et d'anoxie en mer7.
Chaque réseau est caractérisé par des boucles de rétroactions complexes et des équilibres
dynamiques, fortement influencées par les facteurs biotiques et abiotiques (température, pH,
disponibilité en lumière, oxygène et nutriments notamment).
Ainsi, à titre d'exemple pour les milieux aquatiques, l'augmentation du nombre d'individus
d'une espèce ou du nombre d'espèces herbivores tend à diminuer le nombre d'algues fixées ou
en suspension. Mais dans le même temps cette pression herbivore favorise l'arrivée de lumière
et rend disponible des nutriments, ce qui favorise la croissance d'autres algues ou plantes8,9.
Inversement, un déséquilibre écologique, tel que la pullulation en surface ou en pleine eau
d'une espèce envahissante introduite (n'ayant pas ou n'ayant plus de prédateur local) peut
priver le milieu de lumière et le conduire à l'anoxie10 voire à un phénomène de zone morte, ou
une espèce envahissante, comme la moule zébrée (Dreissena polymorpha), en filtrant des
masses considérables d'eau va induire un changement de la composition algale11.
Chaîne alimentaire
Une chaîne alimentaire est une suite d'êtres vivants de différents niveaux trophiques dans
laquelle chacun mange des organismes de niveau trophique inférieur dans le but d'acquérir de
l'énergie. Le premier maillon d'une chaîne est toujours un organisme autotrophe. Dans les
mers et les océans, le phytoplancton assure ce rôle. Dans les profondeurs abyssales où les
rayons du soleil ne parviennent pas, les bactéries thermophiles sont les premiers maillons de
la chaîne. Cependant, la chaîne photosynthétique y existe tout de même ; en effet les
organismes pélagiques meurent et coulent.
Selon une étude de 201315,16 le régime alimentaire de l'espèce humaine, ne la situe pas au
sommet de la chaîne alimentaire, mais au même niveau que les anchois ou les cochons.
L'humain est un cas spécifique, il ne possède pas de prédateur sans pour autant être au
sommet de la chaîne alimentaire. Les populations humaines avec un régime carné se
rapprochent cependant des superprédateurs comme l'ours polaire.
Quoi qu'il en soit, essayer de classer l'humain dans la chaîne alimentaire semble être une
impasse, car une chaîne alimentaire indique forcément une relation de dépendance avec le bas
(les prédateurs étant démographiquement régulés par le nombre de proies présentes dans leur
milieu naturel) or, en dépit des extinctions massives qui touchent aujourd'hui la planète Terre,
la démographie humaine n'en demeure aucunement affectée pour le moment. Plus qu'être au
sommet de la chaîne alimentaire, l'espèce humaine a donc, en réalité, un rôle omniscient sur
une chaîne alimentaire dont elle s'est extraite, cela depuis l'apparition de l'agriculture et de
l'élevage au début du néolithique pour remodeler la chaîne alimentaire à son propre service.
Dans un écosystème, les liens qui unissent les espèces sont le plus souvent d'ordre
alimentaire. Ces relations forment des séquences où chaque individu mange le précédent et est
mangé par celui qui le suit ; on parle de « chaîne alimentaire ». Chaque maillon est un niveau
trophique.
Structure des réseaux trophiques
L’intérêt envers la structure des réseaux trophiques est né lors des recherches effectuées pour
comprendre la relation entre la diversité et la stabilité des réseaux. Depuis, les recherches pour
comprendre comment sont structurés ces réseaux — nombre de nœuds (espèces), nombre de
liens trophiques, densité et organisation des liens trophiques — et quels en sont les processus
à l'origine ont été nombreuses, notamment car la structure joue un rôle important dans la
dynamique et la stabilité des écosystèmes. De plus, dans un contexte de perte de biodiversité
et de changements globaux, comprendre comment sont structurées les communautés d'espèces
sur la base des relations trophiques est devenu un enjeu important pour la conservation.
Caractéristiques générales
Composition
Les réseaux trophiques sont composés de plusieurs niveaux trophiques en commençant par les
espèces basales étant le niveau le plus bas. Il contient tous les producteurs primaires que sont
les espèces autotrophes. Viennent ensuite les herbivores, considérés comme les premiers
consommateurs, se nourrissant des espèces basales. On retrouve ensuite les carnivores
primaires (seconds consommateurs) et les carnivores secondaires (consommateurs tertiaires).
Les taxons se trouvant à différents niveaux trophiques, sont liés par des interactions plus ou
moins fortes de type consommateur/consommé. Les liens d'un réseau trophique sont alors
unidirectionnels. Ensemble, ils forment des chaînes trophiques reliées entre elles. Chaque
écosystème a un réseau trophique dont la structure lui est propre. Les réseaux trophiques
peuvent être plus ou moins compartimentés, par exemple, en milieu marin, on peut retrouver
le compartiment benthique et le compartiment pélagique. Ces compartiments interagissent
entre eux par des interactions plus faibles que les interactions au sein même du compartiment.
Les réseaux peuvent aussi être plus ou moins complexes, avec un nombre de nœuds plus ou
moins important, on parle alors de la diversité du réseau. De plus, le nombre de liens entre les
nœuds peut aussi varier. Afin d'expliquer et de prédire les propriétés structurales des
interactions trophiques entre ces espèces, de nombreux modèles universels ont été étudiés et
décrits.
Réseaux et modèles
Les réseaux « petit monde » affichent un coefficient de regroupement plus élevé que les
réseaux aléatoires, ce qui signifie que les voisins d’un nœud sont susceptibles d’être beaucoup
plus connectés les uns aux autres dans un réseau « petit monde » que dans un graphe aléatoire.
Ils possèdent également une plus petite longueur de trajet que dans un réseau régulier,
semblable à ce qui est vu dans un réseau aléatoire, ce qui signifie que la longueur de trajet
caractéristique (ou longueur de trajet la plus courte moyenne) augmente de manière
logarithmique avec le nombre de nœuds. Or, la majorité des réseaux trophiques ont peu de
nœuds par rapport à d’autres réseaux non – biologiques et leur coefficient de regroupement
est alors similaire à celui d’un graphe aléatoire. La plupart des réseaux trophiques ne
possèdent donc pas la topologie typique d’un réseau « petit monde ».
Les distributions de degrés de nœuds des réseaux trophiques, qui sont les distributions
probabilistes des degrés de chaque sommet du réseau, différent souvent de celles d’un réseau
aléatoire. Ainsi, les réseaux trophiques n’affichent pas toujours des distributions de degrés
« sans échelle » mais présentent une variété de formes fonctionnelles et ne peuvent donc pas
être exprimés sous une forme fonctionnelle universelle. Cependant, il y a tout de même une
relation systématique entre la forme de la distribution des degrés de nœuds et la complexité du
réseau trophique (mesurée en termes de connectance). Les réseaux trophiques à connectance
élevée affichent généralement des distributions uniformes, les réseaux à connectance
moyenne ont souvent des distributions exponentielles et les réseaux à faible connectance
affichent des distributions de loi de puissance ou de loi de puissance partielle. La taille des
réseaux trophiques joue aussi un rôle dans la forme que prend la distribution des degrés de
nœuds.
Les réseaux trophiques sont plus ou moins complexes (la complexité étant le produit du
nombre d'espèces et de la connectance), pour en comprendre l'évolution des diverses
propriétés structurales l'utilisation de modèles est nécessaire. Au cours de la recherche sur ces
réseaux alimentaires, de nombreux modèles ont été proposés afin d'expliquer au mieux ces
propriétés. Au sein des premiers modèles étudiés on retrouve le modèle aléatoire (J.E Cohen
et al 1990) et le modèle en cascade (J.E Cohen & C.N Newman 1985)18. Dans le modèle en
cascade les espèces sont classées de 1 à S (avec S le nombre total d'espèces) et les
consommateurs ne peuvent consommer que des espèces aux rangs inférieurs avec une
Car ces principaux modèles, même s’ils aboutissent à des descriptions satisfaisantes de la
structure des réseaux trophiques, présentent certaines limites. En effet, ils utilisent des
propriétés émergentes des réseaux trophiques (diversité, connectance…) comme paramètres
pour déterminer d'autres descripteurs et considèrent que ces réseaux sont binaires (les espèces
et les liens trophiques sont présents ou absents mais ne sont pas quantifiés). Les processus de
niveaux inférieurs, liés à la dynamique des populations et aux phénomènes d’adaptation, ne
sont pas étudiés19.
Lœuille et Loreau (2005)19 ont alors élaboré un modèle basé sur une approche simple, dans
laquelle la taille corporelle est le seul trait sujet à l’évolution, de manière à prédire
l’émergence de la structure des réseaux trophiques. Il apparaît que la structure des réseaux
trophique est principalement déterminée par la largeur de niche, mais aussi par l’intensité de
la compétition par interférence. Si la largeur de la niche et l'intensité de la compétition sont
faibles, les espèces sont distribuées en groupe de tailles différentes correspondant à des
niveaux trophiques distincts. Si elles sont fortes, la structure du réseau trophique est floue, les
espèces sont réparties de manière homogène le long de l’axe de la taille corporelle.
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Comment faire ?
Forces structurantes
Cependant, la taille peut varier de façon importante au sein d’un même groupe trophique et
elle peut aussi se chevaucher entre différents niveaux trophiques, c’est le cas des herbivores et
des carnivores dans les savanes africaines. Cela indique que la taille corporelle serait d’une
importance moindre que d'autres facteurs pour expliquer la structure des réseaux trophiques21.
La qualité des ressources, c’est-à-dire des producteurs primaires à la base du réseau trophique,
affecte les interactions entre espèces en contraignant la quantité d’énergie transmise entre les
niveaux du réseau. D’après la théorie de l’optimal foraging, la structure des réseaux repose en
partie sur la taille des prédateurs et des proies. Mais il semblerait que la variation dans les
traits de certaines espèces puisse influencer la structure du réseau, notamment si les traits
affectent la qualité de la ressource dans le réseau.
Cela a été mis en évidence par Bukovinszky et al. (2008)22, qui ont étudié la structure de deux
réseaux trophiques constitués des mêmes espèces trophiques (groupe fonctionnel d’espèces
qui partagent les mêmes proies et les mêmes prédateurs) mais avec des producteurs primaires
de qualité différente. Ils ont montré que la variation de qualité du producteur primaire a des
effets en cascade sur tous les niveaux trophiques. Elle détermine en premier lieu l’abondance
et la taille des herbivores qui contrôlent la diversité des liens trophiques, la densité et la
diversité des consommateurs secondaires qui eux influencent les consommateurs tertiaires (le
sommet de la chaine) de la même manière. Les traits du producteur primaire ont des
conséquences sur la diversité et la complexité du réseau trophique, via des effets directs et
indirects de la densité et de la taille des espèces dans le réseau.
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Comment faire ?
Le lien entre la structure des réseaux trophiques, la stabilité et le fonctionnement des
écosystèmes a fait l’objet de nombreuses études. Dans le contexte de perte de biodiversité
actuelle, l’impact de cette perte de biodiversité sur la stabilité des communautés est devenu un
enjeu important23. L'effet de la complexité sur la stabilité des réseaux trophiques a souvent été
pris en compte, néanmoins le lien entre complexité et stabilité n’est pas toujours évident. La
complexité est définie comme le produit de la diversité spécifique et de la connectance. La
diversité ou richesse spécifique de la communauté est déterminée par son passé évolutif, et
par les processus d'émigration, immigration et extinction qui résultent d’interactions directes
et indirectes entre les populations et au sein des populations. La connectance (ou densité de
liaison), notée C dans un réseau trophique, est décrite comme le rapport de l'ensemble des
liens trophiques réalisés, L, sur l'ensemble des liens trophiques possibles Lp, elle est aussi
exprimée avec la diversité spécifique notée S (nombre de nœuds dans le réseau, équivaut donc
Cette relation a été mise en évidence par Dunne et al. (2002)25 qui se sont intéressés au rôle de
la structure des réseaux trophiques dans les cascades d’extinctions engendrées par la perte de
certaines espèces. À partir de réseaux trophiques naturels, ils ont modélisé des séquences
d’extinctions d’espèces afin de déterminer la robustesse des réseaux.
Ils ont mis en évidence que lorsque les espèces les plus connectées sont retirées, que l’on peut
qualifier d’espèces clés de voute, le nombre d’extinctions secondaires engendrées est plus
important. Cela indique que ces espèces, de par leur densité de liens élevée, ont en effet un
rôle important dans la stabilité de la communauté car de nombreuses espèces seront
directement affectées si elles disparaissent.
Parfois, le fait de retirer les espèces les moins connectées engendre le plus d’extinctions
d’espèces dans le réseau. Le fait que ces espèces aient un effet important sur la structure du
réseau peut avoir différentes explications.
Il peut s’agir du cas où les espèces les moins connectées sont à la base du réseau, donc si elles
sont retirées tous les niveaux supérieurs sont affectés. Une autre possibilité est qu’une espèce
peut être prédatée juste par une seule espèce, mais ce prédateur a lui-même beaucoup de
prédateurs donc ça engendre de nombreuses extinctions par cascade. Biologiquement ça peut
s’interpréter également dans un cadre de dynamique de population avec les « weak-interactor
species » qui peuvent avoir un rôle très important sur l’abondance de plusieurs espèces dans la
communauté26.
Omnivorie
L'impact de l'omnivorie sur la stabilité des réseaux trophiques est débattue. Selon Pimm
(1979)29 les systèmes contenant des espèces omnivores sont plus susceptibles d'être instables,
le niveau d’instabilité dépendrait donc en partie du nombre d’omnivores et de leur position au
sein du réseau. D'après ces résultats, la probabilité d’avoir un équilibre instable est plus élevée
avec un nombre important d'omnivores, de plus les effets sur la stabilité du réseau diffèrent
selon que les liens omnivores se trouvent à l’intérieur ou entre des chaînes. E K. McCann,
publie en 1997 un article stipulant le contraire30. Pour lui des boucles omnivores, dans un
système simple et hors équilibre, permettraient de réduire l'instabilité. Cependant, avec une
omnivorie trop importante, McCann retrouve les mêmes résultats que Pimm. La théorie serait
qu'il existe un juste milieu pour l'omnivorie permettant une stabilité optimale. Celui-ci
dépendrait du prédateur au sommet du réseau trophique. L'hypothèse est que plus le prédateur
est efficace, moins la structure peut accueillir d'omnivores. L'étude de Dunne et al. (2002)
suggère que le taux d'omnivorie dans le réseau n'a pas d'effet sur la robustesse de ce dernier
face aux extinctions d'espèces25.
Compartimentation
Le rôle de la compartimentation dans la stabilité des réseaux a été longuement discutée, S.L
Pimm en 197929 conclu que les compartiments au sein d'un réseau trophique font augmenter la
probabilité que ce réseau soit instable. Il affirme alors que les interactions entre espèces ne
doivent pas être organisées dans des compartiments étroits afin de maximiser la stabilité du
système. Il n'existe dans les écosystèmes naturels que très peu de compartimentation, les
écosystèmes sont donc fortement interconnectés et l’élimination de n’importe quelle espèce
peut induire de grandes perturbations (J. Camacho et al 2002)31. Ce résultat, des modèles les
plus compartimentés étant les moins stables, va à l'encontre d'un certain nombre de
suggestions sur l'organisation des systèmes écologiques, les recherches ayant suivi affirment
alors que théoriquement, les compartiments augmenteraient la stabilité dans les réseaux
biologiques incluant les réseaux trophiques (A. Krause et al. 2003)32. Dans ce cas-ci, les
interactions faibles entre les compartiments permettraient de cantonner une perturbation à son
compartiment. L'ensemble du système serait alors plus résistant à une perturbation et donc
plus stable. Ce dernier a démenti le fait que la compartimentation soit un cas isolé dans les
milieux empiriques. Pour lui, le manque de compartimentation était dû à une trop faible
résolution des modèles. Il a donc créé le sien mettant en évidence plus de compartimentation
et obtenu ces résultats.
Rôle de l'environnement
Des recherches ont été menées sur le rôle de l'environnement sur la stabilité de la structure du
réseau. Selon F. Briand (1983)33, l'environnement aurait un impact sur la connectance. Les
réseaux au sein d'environnements fluctuants (dont les ressources sont accessibles de manière
restreinte dans le temps) auraient une connectance moins importante que ceux des milieux
constants (où la nourriture est présente constamment). Une connectance élevée est souvent
associée à une force d'interactions plutôt faible pour garder le système stable avec
l'augmentation de la diversité. Bien que cela soit le cas pour les environnements fluctuants,
dans les environnements constants cette règle semble avoir été omise. Pour Briand, ce
phénomène s'expliquerait par l'évolution. Dans les environnements fluctuants, la connectance
est limitée par le changement de l'environnement. Ainsi, la stratégie la plus efficace serait de
maximiser la force des interactions, les rendre les plus rentables possible, et ce au détriment
d'une connectance de toute manière limitée. Pour les environnements constants, c'est l'inverse,
miser sur la répétition des interactions peut s'avérer plus avantageux. De plus, Briand émet
l'hypothèse que la connectance comme la force de l’interaction peuvent être élevées. La
stabilité serait alors impossible mais au vu de la constance de l'habitat, ce type de structure
trophique a pu voir le jour.
Conservation
Dans un contexte de conservation, les effets des facteurs précédents sur la stabilité semblent
donc intéressants à prendre en compte. Les communautés avec une connectance élevée seront
donc moins sensibles à des pertes d’espèces et des extinctions aléatoires auront aussi moins
d’effet que des extinctions ciblées sur les espèces clés de voûte. Actuellement, il semblerait
que les extinctions ne sont pas aléatoires car les activités comme la pêche ou la chasse ont
plutôt visées les niveaux trophiques élevés qui contiennent souvent des espèces clés de
voûte25. De plus, les extinctions des espèces omnivores pourraient avoir des effets importants
sur la stabilité de la communauté. On voit donc l'importance pour la conservation de la
biodiversité de prendre en compte le rôle des différentes espèces et la structure des réseaux
trophiques.
Interactions entre les réseaux trophiques verts et bruns : fonctions des facteurs
abiotiques et biotiques
Les réseaux trophiques verts et bruns sont reliés entre eux par le cycle de la matière organique
et des nutriments. Les interactions existant entre ces deux réseaux trophiques via ces cycles
déterminent le fonctionnement de l’écosystème auquel ces réseaux appartiennent.
Certains facteurs abiotiques et biotiques ont un rôle moteur dans la dynamique de ce cycle des
nutriments, de la séquestration du dioxyde de carbone ainsi que de la matière organique entre
ces réseaux verts et bruns.
Facteurs abiotiques
L'interaction de la nature du sol (sol dur ou souple) avec les espèces inféodées tend à
déterminer la nature du réseau trophique vert ou brun. Par exemple, un substrat dur permet
l’implantation d’espèces fixes ou benthiques (plantes, algues, mollusques, crustacés…)
autotrophes et hétérotrophes. Riches en espèces autotrophes, ces substrats durs sont donc
dominés par des réseaux verts. A contrario, les substrats souples (sous les substrats durs)
tendent à être dominés par des réseaux trophiques bruns composés d’organismes
hétérotrophes tels que les décomposeurs34. Ces facteurs abiotiques contrôlent les interactions
au sein de chaque réseau trophique mais également les interactions entretenues entre ces
derniers.
Par exemple, au sein des réseaux trophiques bruns, plusieurs facteurs environnementaux tels
que la lumière ou encore la disponibilité en carbone et en nutriments déterminent l'activité
détritique du sol. En effet, lorsque ces paramètres sont suffisamment abondants, l'assimilation
des nutriments microbiens par les détritivores est favorisée. Ces paramètres influencent donc
les flux d'énergie à la base des réseaux alimentaires bruns. Aussi, les contributions
microbiennes aux demandes énergétiques et nutritives des détritivores diffèrent. Le carbone
fongique est privilégié par les détritivores du fait de sa facilité d’assimilation comparé au
carbone bactérien. Le carbone fongique constitue le plus grand contributeur à la croissance
des détritivores dans les réseaux trophiques bruns35.
Ces facteurs abiotiques sont également responsables en partie de l’interaction entre les
réseaux trophiques verts et bruns. Ainsi, les effets en cascade de la chaîne alimentaire verte
sur la production des décomposeurs dépendent fortement de la limitation en carbone ou en
nutriments pour les décomposeurs. Par exemple, en cas de limitation en carbone, le taux de
consommation des carnivores sur les herbivores des réseaux verts et le taux d’absorption des
nutriments dans le sol par les producteurs primaires ont des effets positifs sur la production
des décomposeurs, tandis que le taux de consommation des herbivores sur les producteurs
primaires a un effet négatif sur la production des décomposeurs (retrait de matière organique
potentielle future pour les décomposeurs). Si les décomposeurs sont limités seulement par le
carbone, leur minéralisation des détritus profite aux producteurs primaires et mène à une
interaction mutualiste entre ces décomposeurs et les producteurs primaires. Si les
décomposeurs sont limités par l’azote ou par les substances nutritives, les décomposeurs sont
en compétition avec les producteurs primaires pour ces ressources nutritives manquantes36.
Les facteurs abiotiques peuvent ainsi changer les interactions entre les réseaux verts et bruns.
Ces résultats permettent d’explorer les interactions et les effets en cascade entre les réseaux
trophiques verts et bruns telles que les interactions pélagiques-benthiques par exemple36.
Facteurs biotiques
Au même titre que les facteurs abiotiques, certains facteurs biotiques contrôlent les
interactions au sein de chaque réseau trophique mais également les interactions entretenues
entre ces derniers.
Impact des facteurs biotiques sur les réseaux trophiques verts et bruns par le biais de la voie
de l’herbivorie racinaire
Au sein des réseaux trophiques bruns, les herbivores racinaires constituent un groupe
d’animaux singulier dans les organismes du sol (nématodes, insectes, petits mammifères) car
ils ont la particularité de décomposer les déchets racinaires plutôt que ceux issus des feuilles.
Ils affectent la formation et la persistance de la matière organique des sols par modification de
ses propriétés physicochimiques. La voie de l’herbivorie racinaire interagit avec celle des
décomposeurs par des interactions directes et indirectes avec le microbiome. Les herbivores
racinaires contrôlent directement la matière organique et les nutriments à proximité de la
rhizosphère. La décomposition directe des racines permet d’incorporer la matière organique
plus directement dans le sol afin d’être plus rapidement et facilement minéralisée par la
microflore. Ces interactions autotrophes-hétérotrophes sont responsables de transferts
trophiques d’énergie et de nutriments des plantes vers les réseaux alimentaires détritiques37.
Les réseaux trophiques verts et bruns ne sont pas uniquement affectés par des facteurs
biotiques propres à leur compartiment. La « boucle microbienne » désigne le processus tel que
les prédateurs des réseaux trophiques bruns (protozoaires, nématodes, acariens, lombrics)
peuvent accroître la minéralisation des nutriments dans les écosystèmes aquatiques et
terrestres en consommant les décomposeurs, ce qui peut avoir une incidence indirecte sur la
production primaire par une remise à disposition des nutriments36. Ainsi, les producteurs
primaires sont affectés par les décomposeurs et leurs prédateurs.
À l’inverse, les prédateurs des chaînes trophiques vertes ont un rôle déterminant sur la
dynamique des réseaux trophiques verts, mais il est également important de considérer leur
influence sur les processus occurrents dans les réseaux trophiques bruns du sol. La nutrition
“multicanale” fait référence à la consommation de proies autant sur les réseaux trophiques
verts que les réseaux trophiques bruns (un prédateur peut à la fois consommer des herbivores
et des organismes du sol). À cette nutrition « multicanale » peut être associée une « peur
multicanale ». Autrement dit, les prédateurs multicanaux peuvent générer des répercussions à
la fois sur les chaînes alimentaires herbivores ou détritivores.
De manière générale, les prédateurs affectent les niveaux trophiques inférieurs par deux
mécanismes distincts: la consommation des proies ou le changement de physiologie et de
comportement des proies en réponse à la prédation. Les effets non liés à la consommation
correspondent à la modification du comportement de quête de nourriture chez des détritivores
ou herbivores. Sous l’effet du risque de prédation, ces derniers peuvent diminuer leur activité
de nutrition. Ces changements comportementaux de la part des détritivores ont un impact
direct sur le taux de décomposition de la matière organique et la dynamique des nutriments du
sol (impact sur le réseau brun). Des modifications peuvent aussi être observées sur la
physiologie et la composition de la communauté chez les plantes en réponse à la pression de
prédation (impact sur le réseau vert). Ce sont des conséquences indirectes de la pression
prédatrice verte sur les deux compartiments verts et bruns38.
Stabilité
Le couplage des réseaux trophiques verts et bruns joue un rôle crucial dans la stabilité de
l’écosystème dans lequel ces réseaux évoluent. Stabiliser un écosystème signifie recycler les
matières minérales et les rendre de nouveau disponible pour les autres végétaux. Il existe
divers arguments en faveur de chacun des réseaux trophiques verts ou bruns pour défendre la
stabilité supérieure de l’un par rapport à l’autre, cette stabilité d’un réseau trophique étant
observable après une perturbation.
Tout d’abord, les réseaux trophiques bruns semblent être plus stables que les réseaux
trophiques verts car la décomposition des débris organiques n’a pas de dynamique propre (pas
de reproduction ni de croissance). Les réseaux trophiques bruns semblent donc être dominés
par la dynamique bottom-up (la matière organique conditionne une partie de la dynamique des
décomposeurs)34. Les décomposeurs présents dans le sol ont un rôle stabilisateur
particulièrement important car ils permettent le recyclage des matières minérales, les rendant
de nouveau disponibles pour les végétaux composants les réseaux trophiques verts : ils
assurent donc la bonne circulation des nutriments au niveau du sol. Un taux de décomposition
modéré tend à stabiliser l’écosystème environnant permettant d’augmenter sa résilience, c’est-
à-dire le retour rapide à son état de départ. De plus, le degré d’ouverture de l’écosystème dans
lequel se trouvent ces réseaux trophiques a un impact sur la stabilité de ces derniers. Les
écosystèmes présentant un degré intermédiaire d’ouverture, autrement dit les écosystèmes
semi-perméables aux échanges d’énergie et de matière avec les autres réservoirs tels que
l’atmosphère, sont hautement stables39. La stabilité des réseaux bruns est accentuée par la
présence de prédateurs omnivores bruns capables de se nourrir d’autres espèces en cas de
perturbations. En dépendant d’autres ressources, ils permettent à leurs proies de prédilections
affectées de croître de nouveau34.
De plus, si l’on considère d’autres proxies, les réseaux bruns semblent encore se rétablir
rapidement après une perturbation locale. Pour les substrats souples, les mesures de
connectance, de la moyenne des niveaux trophiques et du clustering sont supérieurs à ceux
des réseaux trophiques généraux. Néanmoins, pour les substrats durs, la connectance, le
clustering et la moyenne des réseaux trophiques sont inférieurs à ceux dans les réseaux
trophiques généraux.
Il faut donc prendre en compte tous les proxies et la complexité des réseaux trophiques (type
habitat, degré d'ouverture, connectance, clustering, taux d’omnivores, taux de décomposition
de la matière organique) pour évaluer leur stabilité.
Le changement climatique et les activités anthropiques actuelles ont un impact significatif sur
les interactions et la stabilité des réseaux trophiques. Chaque niveau trophique d’un
écosystème peut répondre différemment au changement climatique, indépendamment de son
appartenance aux réseaux trophiques verts ou bruns. Cette réaction hétérogène peut être à
l’origine de déséquilibres trophiques entre organismes, dont les conséquences sur les
communautés et les écosystèmes (flux de masse et d’énergie) sont encore peu connues40.
Ainsi, les flux de masses et d’énergie entre les deux compartiments sont indispensables pour
le maintien du bon fonctionnement de l’écosystème, qu’il s’agisse de la séquestration du
carbone, de la production primaire ou de la minéralisation des nutriments. Une perturbation de
ces flux au travers du déséquilibre brun-vert peut participer au dérèglement des processus
piliers d’un environnement donné. Or, ces interactions écologiques entre les deux réseaux
permettent des réponses adaptatives participant à leur stabilité après de tels impacts. Ces
interactions permettent aussi la restauration des écosystèmes perturbés. Pour cela, il faut
considérer trois niveaux d’interactions : les interactions interspécifiques (cibler les actions sur
des espèces précises ou sur des intéractions comme le mutualisme et la symbiose), les
interactions entre les communautés des réseaux verts et bruns et les interactions concernant
les fonctions dans l’écosystème.
Concernant les interactions interspécifiques des réseaux bruns, il est démontré que la
microflore (bactéries et champignons) et les micro-mésofaunes (acariens, nématodes,
lombrics, araignées, collemboles) ayant des actions directes sur les plantes seraient plus
favorables pour restaurer les sols. Par exemple, pour les pathogènes, il est postulé
qu’introduire certains pathogènes issus de la terre native de plantes envahissantes pourrait
mieux contrôler et inhiber le développement de ces plantes envahissantes dans l’habitat
qu’elles colonisent. Les pathogènes de l’habitat envahit seront moins efficaces sur l’espèce
envahissante que les pathogènes inféodés à l’habitat natif de la plante41. Par exemple, les
herbivores racinaires utilisent trois voies pour favoriser la séquestration du dioxyde de
carbone dans le sol. Premièrement, la voie simple de consommation des racines et de
transformation en déchets par les fèces apporte une grande quantité de carbone à la
microflore. Deuxièmement, la voie d’altération physique des racines par les insectes et d’une
infiltration des exsudats nutritifs dans le sol permet de stocker du carbone. Finalement, les
herbivores racinaires interagissent avec les autres organismes du sol, acteurs clé de la
médiation du flux de carbone souterrain38.
Entre les communautés, les facteurs biotiques sont cruciaux pour comprendre la vitesse de
restauration des plantes. Par exemple, il existe une corrélation positive entre l’abondance et la
nature de l'interaction plante-mycorhizes avec la richesse spécifique des plantes au niveau
supérieur. Cependant, les feedbacks négatifs entre plantes-pathogènes du sol conduisent à des
gazons ou à des prairies uniformes (moins de séquestration du dioxyde de carbone, moins de
ressources pour les herbivores et donc moins de richesse spécifique). Les consommateurs
primaires (herbivores du réseau vert) jouent également un rôle dans la restauration et le
maintien des végétaux. Par exemple, la réapparition des troupeaux de gnous après la peste
bovine en 1960 a rétabli la stabilité des végétaux. Cela a favorisé l’essor des organismes du
sol capables de reminéraliser la matière organique au sein d’un cercle vertueux pour les
plantes. À terme, les plantes ont de nouveau pu séquestrer le dioxyde de carbone. Il existe
donc un double contrôle entre les réseaux bruns et verts41.
Les interactions trophiques entre les réseaux verts et bruns stimulent la séquestration du
dioxyde de carbone.
Il est donc indispensable de prendre en compte les liens interactifs entre les communautés
supérieures et les communautés du sol afin de comprendre la stabilité et la réponse des
réseaux trophiques bruns et verts à une perturbation, d’autant plus que les fonctions
écosystémiques du sol dépendent directement de l’abondance et de la qualité des organismes
bruns. Par exemple, dans certaines expériences de réhabilitation des sols, l’activité des
organismes du sol contribue à la diversité des plantes41.
Réseau limité
D'après la loi de Raymond Lindeman (1942)42, la quantité d'énergie passant d'un maillon à
l'autre de la chaîne est de seulement 10 %. Ceci implique que les chaînes trophiques sont
limitées ; par ailleurs, dans les échelons les plus bas de la chaîne, l'énergie est allouée en
grande quantité à la reproduction. En bout de chaîne en revanche, les espèces ont une
reproduction plus limitée et l'énergie est allouée à la survie (chasse, défense, etc.).
Contrôle bottom-up
Ce postulat induit par la même occasion un paradoxe vis-à-vis de la théorie du Monde Vert :
un contrôle induit par la quantité de ressources n'expliquerait pas la forte proportion de
végétaux et de prédateurs par rapport à celle des herbivores sur Terre. Ce paradoxe est
désamorcé par White, qui avance l'hypothèse qu'une faible proportion de la végétation peut
réellement être considérée comme comestible (et donc en tant que « ressources ») du fait de la
faible qualité nutritive de la majorité des végétaux (induite par de trop faibles concentrations
d'azote dans les sols). Cette vision s'inspire des travaux de Chitty (1960)46 et de Wynne-
Edwards (1962) qui proposaient que la limitation du nombre d'individus trouve son origine
dans des mécanismes intrinsèquement comportementaux ou génétiques d'autorégulation,
comme la territorialité permettant la préservation d'une ressource limitée par une limitation de
la reproduction (et donc un maintien de la population à son plus haut niveau). Ce concept de
populations « limitées par le bas » plutôt que « contrôlées par le haut » conduit à une
réévaluation du rôle de la prédation, du comportement social et territorial ou tout autres
interactions entre niveaux trophiques, en tant que facteurs susceptibles d'influencer
l'abondance des populations dans un environnement.
La vision de Hunter & Price47 où le contrôle bottom-up est présenté comme une des forces de
régulation des réseaux trophiques, sans exclusivité, et soumise à l'hétérogénéité de
l'environnement et à la diversité des écosystèmes.
Hunter & Price proposent un modèle théorique « bottom-up dominé » (voir figure ci-contre),
s'appuyant sur l'observation que la suppression des niveaux trophiques les plus élevés laisse
les niveaux inférieurs présents (mais possiblement fortement modifiés), alors que la
suppression des producteurs primaires ne laisse aucun système. Dans ce modèle, les facteurs
déterminants la production végétale sont les facteurs abiotiques (climat, paramètres du sol…)
et les facteurs biotiques (décomposeurs, symbiotes…) de l’environnement, puisqu’ils
afféctent directement l'hétérogénéité de la production végétales. La production primaire
détermine ainsi la distribution dans l'espace et le temps des populations d’herbivores, ainsi
que leur qualité intrinsèque en tant que ressources pour leurs prédateurs. Cette hétérogénéité
parmi les herbivores détermine à son tour la densité, la diversité des espèces et la distribution
du niveau supérieur, et ainsi de suite jusqu’au sommet. De plus, ce modèle prend en compte
des facteurs plus complexes, comme les interactions entre espèces et les effets de
l'hétérogénéité abiotique, et ce à tous les niveaux trophiques.
Ce modèle théorique est présenté par Hunter & Price comme une première piste à suivre pour
la compréhension de systèmes biologiques. Il a en effet pour avantages d’intégrer les boucles
de rétroaction biotique/abiotiques ainsi que de prendre en compte l'hétérogénéité des
écosystèmes. Malgré tout, ce modèle demande à être complexifié car ne prenant pas en
compte les processus évolutifs, ni la diversité de facteurs biotiques et abiotiques, ni les
interactions biologiques.
Top-down
Le concept de contrôle top-down (contrôle du sommet vers la base) stipule que la prédation
prévaut sur la compétition dans les réseaux trophiques, et donc que la quantité et l’efficacité
des prédateurs détermine les effectifs des populations de niveaux trophiques inférieurs48. Ce
concept n’exclut pas l’impact des ressources sur les organismes de l’écosystème : un milieu
plus riche pourra toujours contenir de plus grands effectifs de plantes, d’herbivores et donc de
prédateurs. Cependant, le contrôle top-down indique un rétrocontrôle négatif (direct) ou
positif (indirect) des effectifs des prédateurs sur les densités des niveaux trophiques inférieurs.
La validation expérimentale de ce concept fait suite aux expériences des années 1960 afin de
comprendre pourquoi et comment la biodiversité est répartie sur le globe49,50,51. L’expérience
de Robert T. Paine (1966)52 portant sur la complexité des réseaux trophiques et leur lien avec
la diversité spécifique par de l’hypothèse de travail que « La diversité locale est directement
liée à l’efficacité des prédateurs à empêcher la monopolisation de la grande partie des
ressources nécessaires par une espèce. ». Pour la tester il réalise une expérience d’un an dans
laquelle il retire le prédateur au sommet du réseau trophique de sa zone d’étude, l’étoile de
mer Pisaster ochraceus dans la zone intertidale, et regarde l’impact qu’a sa disparition sur la
diversité spécifique du milieu. En un an, le réseau trophique passe de 15 espèces à 8 espèces :
Paine parle de système « trophiquement simplifié ». Ainsi en l’absence d’un facteur de
régulation (ici la prédation), il y a un « gagnant » dans la compétition interspécifique pour
l’espace, et le système tend vers la simplicité. L’absence de contrôle par les prédateurs induit
ainsi l’exclusion compétitive d’espèces de niveaux trophiques inférieurs. Cette étude illustre
l’importance du contrôle top-down dans un réseau trophique et la relation directe entre
diversité spécifique et quantité et efficacité de prédateurs dans le système afin d’empêcher une
seule espèce à monopoliser la ressource limitante du milieu.
Dans les réseaux comportant un seul prédateur au sommet du réseau, celui-ci est donc le seul
à réguler toute la biomasse du réseau : on peut alors parler d’espèce clef de voûte de
l’écosystème, sa disparition entraîne une suite de conséquences dans l’écosystème appelé
cascade trophique. La réintroduction du loup Canis lupus dans le parc National de
Yellowstone est une illustration typique de ce contrôle top-down : sa réintroduction dans les
années 1990 a induit une réduction par trois de la population des wapitis Cervus canadensis et
une forte augmentation du couvert végétal.
Mécanismes de modulation
Les principales forces Bottom-up et Top-down contrôlant les interactions dans les réseaux
trophiques peuvent être modulées par des mécanismes influençant les interactions entre proies
et prédateurs44.
Hétérogénéité de l’habitat
En effet, les proies peuvent avoir recours à des changements de localisation53 leur permettant
d’échapper aux prédateurs, comme l’utilisation de refuges spatiaux54. L’hétérogénéité
structurale de l’environnement peut ainsi procurer aux proies des refuges où le risque de
prédation est réduit. Ces refuges peuvent être permanents (absence complète des prédateurs)
ou transitoires (prédateurs rarement présents). Une augmentation de la richesse spécifique est
observée dans les environnements plus structurés puisque le taux de recherche de proies par
les prédateurs est réduit, ainsi ces refuges améliorent la persistance des proies en réduisant
l'efficacité des prédateurs.
Stratégies comportementales
Les proies peuvent également privilégier certains comportements de groupe afin d’échapper
au prédateur, comme les cigales qui émergent toutes en même temps tous les 13 ans : leur
grand nombre submerge les oiseaux prédateurs et les contraint à ne se focaliser que sur un
nombre restreint de proies.
Stratégies physiologiques
Lorsque les proies sont des plantes et les prédateurs des herbivores, les défenses anti-
prédateurs peuvent être directes comme les épines, les cires ou encore des composés volatils
interagissant directement avec le prédateur de la plante en perturbant sa croissance, ou en
limitant voire inhibant sa capacité à s’alimenter. Les défenses peuvent également être
indirectes et n’ont donc pas d’influence directe sur les herbivores mais bien sur les prédateurs
de ces derniers, impactant donc des niveaux trophiques supérieurs. Ce type de défenses se fait
grâce à des métabolites secondaires comme les HIVOC (Herbivore-Induced Volatiles Organic
Compounds) ou l’EFN (Extra-Floral Nectar).
À de faibles pressions de pâturage, les pertes des plantes peuvent être compensées par une
stratégie de croissance rapide, stimulée par le recyclage des nutriments. À mesure que le
pâturage augmente, les pertes de biomasse pour les végétaux atteindront des niveaux qui ne
peuvent être compensés par une croissance stimulée, et la productivité primaire spécifique à la
zone diminuera. Des relations hautement non linéaires entre la pression de pâturage et le
renouvèlement des plantes pourraient ainsi dissocier et déstabiliser l’équilibre du contrôle top-
down dans ces réseaux, rendant difficiles ou impossibles à prédire les rendements de cultures
sur pied sous différents régimes trophiques44.
Dans les sols, le recyclage des nutriments entre la matière organique morte, les
microorganismes décomposeurs, leurs consommateurs et les producteurs primaires fournit un
bon exemple de la façon dont les forces bottom-up et top-down sont importantes et
étroitement liées dans les réseaux trophiques, dont les effets sont visibles à des échelles
spatiotemporelles suffisamment larges. Il a été démontré à maintes reprises que le broutage
des microorganismes par la faune améliore la minéralisation des nutriments minéraux (N, P,
S, etc.) dans le sol, en particulier l'azote (N) et le phosphore (P). La disponibilité accrue de ces
éléments augmente avec la complexité de la chaîne alimentaire, ce qui se traduit par une
amélioration de la croissance des plantes et une augmentation de la concentration de ces
éléments dans la biomasse végétale. Ainsi, les « nourrisseurs microbiens » comme les
prédateurs peuvent exercer un contrôle top-down sur les microbes par des interactions
d'alimentation, et également affecter indirectement la croissance microbienne en influençant
la quantité et la qualité de la litière végétale, la ressource nécessaire aux communautés
microbiennes. Cet exemple montre que des rétroactions positives, provoquées par des
interactions indirectes entre les niveaux trophiques non adjacents dans les réseaux trophiques
du sol, peuvent exercer un certain contrôle sur la structure et la fonction des réseaux
trophiques détritiques57.
L’intensité de prédation des proies par les prédateurs change également avec l’importance de
la couverture végétale : les plantes, en s'accumulant, fournissent une couverture aux
organismes en limitant leur détection par les prédateurs44. Ainsi la disponibilité en ressource
pour les plantes et l’accroissement du couvert végétal (force bottom-up) peut avoir pour
conséquence de tamponner la réduction des effectifs d’herbivores par les prédateurs (force
top-down).
Histoire du concept
Les chaînes alimentaires sont connues des humains depuis bien longtemps, et ont notamment
été étudiées en détail par le philosophe grec Aristote :
« Toutes les fois que les animaux habitent les mêmes lieux et qu'ils tirent leur vie des mêmes
substances, ils se font mutuellement la guerre. Si la nourriture est par trop rare, les bêtes,
même de race semblable, se battent entre elles. [...] Tous les animaux sont en guerre avec les
carnivores, qui mutuellement sont, eux aussi, en guerre avec tous les autres, puisqu'ils ne
peuvent vivre que d'animaux. [...] L'aigle et le serpent sont ennemis, parce que l'aigle se
nourrit de serpents. »
Les réseaux trophiques ont été théorisés dès 1927 par le biologiste Charles Elton (Animal
ecology). Certaines espèces, dites espèces clé de voûte, ont un rôle important au sein des
écosystèmes, par leur influence sur plusieurs autres espèces pouvant être réparties dans
différents « niveaux trophiques ».
Depuis les années 1970, les écologues tentent de mieux comprendre les réseaux trophiques.
On a d'abord cru que le degré de séparation entre 2 espèces d'un réseau trophique était d'au
moins 4 liens, c'est-à-dire 4 relations de type « prédateur-proie », ce qui laissait penser que la
disparition d'une espèce pouvait facilement être compensée par l'occupation de sa niche
écologique par une autre. Cependant, l'observation des réseaux trophiques naturels a montré59
que plus de 95 % des espèces d'un habitat naturel (aquatique ou terrestre) étaient liées à un
réseau trophique dépendant de l'habitat en question, et à moins de trois liens les unes des
autres (deux liens en moyenne).
Cette proximité des espèces dans le réseau trophique (deux degrés de séparation) signifie que
l'extinction d'une espèce peut avoir des impacts en cascade plus importants que ce qu'on
pensait antérieurement. Même des espèces autrefois jugées banales et ubiquistes, parce que
communes, pourraient être concernées par les impacts indirects d'un recul « en réseau » de la
biodiversité.
Dans les milieux aquatiques, marin notamment, est peu à peu apparu que l'importance des
réseaux trophiques microbiens a été sous-estimée60. Les interactions fungi-fungi ou fungi-
bactéries jouent en particulier un rôle important, voire critique dans les processus de
décomposition subaquatique de la matière organique, et donc dans le cycle du carbone. Ces
réseaux trophiques microbiens, partout présents, mais souvent invisibles à nos yeux,
commencent à être étudiés, avec une approche se voulant plus holistique61 grâce notamment
au barcoding moléculaire.