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Cours N 3 : LA RESILIENCE

Patrick Tourmann, Psychologue clinicien.


TOURMANN.Patrick@ch-dole.fr

UE S1
Psychologie, Sociologie,Anthropologie.

Psychologie et santé

Cours destiné aux I.F.S.I. de Franche-Comté.


SOMMAIRE
 1/ LA RESILIENCE
 1.1/ DEFINITIONS
 1.2/ UN PROFIL TYPE?!
1.3/ LES FACTEURS DE PROTECTION
 1.4/ LA VULNERABILITE
 1.5/ COSETTE, LE PETIT POUCET ET BATMAN POUR CONCLURE

 2/ LE DEUIL POUR COMPRENDRE.


 2.1/ DEFINIR LE DEUIL.
 2.2/ LES SYMPTÔMES DU DEUIL
 2.2.1/ Symptômes affectifs.
 2.2.2/ Manifestations comportementales.
 2.2.3/ Attitude envers soi-même, le disparu et l’environnement.
 2.2.4/ Altération cognitive
 2.2.5/ Changements physiologiques et plaintes corporelles
 2.3/ LES COMPLICATIONS DU DEUIL
 2.3.1/ Facteurs de complication du deuil
 2.3.2/ Deuil compliqué
 2.3.3/ Deuil pathologique:
 2.4/ ETAPES ET PROCESSUS DU DEUIL
 2.5/ DEUIL ET RESILIENCE

 3/ CONCLUSION.
1/ LA RESILIENCE
« There is a crack in everything,
that’s how the light gets in ».

Anthem, Léonard Cohen (1992).


 C’est un « modèle » dans le sens d’une
« construction théorique » visant à fournir des
éléments d’explication à des phénomènes
comportementaux et des processus
inconscients.
 L’approche est multifactorielle avec des
facteurs de vulnérabilité et des facteurs de
protection (au niveau individuel et groupal).
 Ce modèle comprend:
 une dimension descriptive (décrire les
caractéristiques comportementales).
 une dimension interprétative (donner du sens aux
événements).
 Du latin « resilientia » qui est habituellement utilisé
en physique des matériaux pour désigner la
« résistance du matériel aux chocs élevés et la
capacité pour une structure d’absorber l’énergie
cinétique du milieu sans se rompre ».
 Il s’agit donc de la qualité des matériaux qui tient de
leur élasticité et de leur fragilité et qui manifeste la
capacité à retrouver leur état initial à la suite d’un
choc ou d’une pression continue.
 On parle de faille de résilience ou rupture de
résilience à propos de la température de transition
qui permet de passer de la vulnérabilité à la
résilience.
 Émergence du concept au début des années 1980
par « analogie »
1.1/ DEFINITIONS
 Boris Cyrulnick (1999) : « la capacité à
réussir, à vivre et à se développer
positivement, de manière socialement
acceptable, en dépit du stress ou d’une
adversité qui comporte normalement le
risque grave d’une issue négative ».
 La résilience comme capacité (Vanistendael
2000).
 La résilience comme équilibre (Fortin et
Bigras, 2000).
 La résilience comme issue d’un
fonctionnement (Masten, 2001).
 La résilience comme processus non pérenne
(Manciaux et al, 2001).
 Définition collégiale (Manciaux, Vanistendael,
Lecomte et Cyrulnick, 2001):
« la résilience est la capacité d’une
personne ou d’un groupe à se développer
bien, à continuer à se projeter dans
l’avenir en dépit d’événements
déstabilisants, de conditions de vie
difficiles, de traumatismes parfois
sévères ».
 La dynamique qui conduit au processus de
résilience peut être analysée en deux
phases :
 -confrontation au trauma ou au contexte aversif
et mise en place de processus de résistance à la
désorganisation psychique.
 -implique l’intégration du traumatisme et la
réparation.

 Le passage de la phase I à la phase II


suppose une certaine capacité d’élaboration
mentale de la personne.
1.2/ UN PROFIL TYPE?!
 Q.I. plutôt élevé.
 Capable d’autonomie et efficace dans ses
rapports à l’environnement.
 Ayant le sentiment de sa propre valeur.
 De bonnes capacités d’adaptation
relationnelles et d’empathie.
 Capable d’anticiper et de planifier.
 Ayant le sens de l’humour.
 (Cyrulnick, 1998).
 Selon Rutter (1996), 3 caractéristiques:
 l’estime de soi.
 La conscience de son efficacité.
 Un répertoire d’approches de résolutions de
problèmes sociaux.
1.3/ les facteurs de protection

 Selon Rutter (1990), les facteurs de


protection modifient la réaction à la situation
présentant un risque en réduisant l’effet du
risque et les réactions en chaîne négatives.
 Facteurs de protection individuels
 Tempérament actif, doux
 Genre par ex à l’adolescence
 Âge
 Qi
 Estime de soi
 Compétences sociales
 Intelligence sociale
 sentiment d’empathie
 LOC interne
 Humour
 Attrayant pour les autres
 Facteurs de protection familiaux
 Soutien parental, parents chaleureux
 Qualité des relations parents enfants
 Entente parentale

 Facteurs de protection extrafamiliaux


 Réseau de soutien social (grands-parents,
pairs…)
 Expérience de succès scolaires
1.4/ LA VULNERABILITE
 En quoi les particularités d’un sujet, de son contexte
(relationnel, psychoaffectif et développemental) et
de son histoire de vie peuvent participer à un état de
moindre résistance aux nuisances et aux
agressions?

 Se définit comme l’état de moindre résistance aux


nuisances et agressions et rend compte de la
variabilité interindividuelle. La vulnérabilité évoque
les sensibilités et les faiblesses patentes ou latentes
immédiates ou différées et peut être comprise
comme une incapacité de résistance aux contraintes
de l’environnement.
Les poupées pour comprendre….

 Métaphore des 3 poupées d’Anthony (1980)


en verre, en plastique et en acier recevant un
égal coup de marteau.
 Population d’enfants à risque ayant une
vulnérabilité inégale.
 Métaphore de la poupée brisée de Manciaux
(1999) selon la nature du sol (béton ou
sable), la force du jet (négligence ou
agression) et le matériau dont elle est
fabriquée (verre, porcelaine, chiffon, acier, ..).
1.5/ COSETTE, LE PETIT POUCET ET
BATMAN POUR CONCLURE!!!!

 La résilience du Petit Poucet (p. 55)


 La résilience de Cosette (p.26)
 La résilience de Batman (p.114)
 « il n’est plus possible de prétendre qu’un
trauma provoque un effet prédictible. Il vaut
mieux s’entraîner à penser qu’un événement
brutal ébranle et dévie le devenir d’une
personnalité. La narration d’un tel
événement, clé de voûte de son identité,
connaîtra des destins différents selon les
circuits affectifs, historisés et institutionnels
que le contexte social dispose autour du
blessé ».
 (Boris Cyrulnick, Les vilains petits canards, 2001).
2/ LE DEUIL POUR
COMPRENDRE

« Nous ne sommes jamais aussi


mal protégés que lorsque nous
aimons, jamais plus
irrémédiablement malheureux
que si nous avons perdu la
personne aimée ou son amour »
(Freud).
2.1/ DEFINIR LE DEUIL.
 « Le deuil est la perte, la réaction à la perte
d’un objet d’amour » (Freud).
 Plus précise, la langue anglaise utilise un seul
terme pour chaque signifié:
 « bereavement » qui signifie la perte, la séparation, la
dépossession.
 « grief » qui signifie la peine, le chagrin
(« sorrow »signifiant un chagrin de moindre degré), la
douleur., l’affliction.
 « mourning » qui traduit le processus du deuil
proprement dit, la réaction affective qui suit la perte,
l’affliction.
 Il existes trois modèles dominants:
 La théorie de l’attachement (Bowlby et Ainsworth)

 Les théories cognitives du stress (Lazarus et


Folkman)

 Le modèle d’ajustement en double processus


(Dual Process Model of Coping with Bereavement
ou DPM)
2.2/ LES SYMPTÔMES DU DEUIL

Il est possible de dresser un tableau récapitulatif, quasiment exhaustif,


des symptômes du deuil normal.

 Symptômes affectifs.

 Manifestations comportementales.

 Attitude envers soi-même, le disparu et l’environnement.

 Altération cognitive

 Changements physiologiques et plaintes corporelles


2.2.1/ Symptômes affectifs.
 -Dépression : sentiment de tristesse, de chagrin,
dysphorie accompagnée de douleur morale,
épisodes de dépression sévère précipités parfois par
des événements extérieurs, désespoir, lamentation.

 -Anxiété : peurs, tensions, appréhensions de la


« crise de nerfs », peur de devenir fou, de la
solitude, de mourir (cœur brisé), d’être incapable de
vivre sans le mort en raison des soucis financiers et
autres domaines auparavant tenus par le disparu.

 -Culpabilité : auto-accusation et blâme concernant


les événements, surtout avant la mort (reproche de
ne pas avoir su éviter), culpabilité liée à son
comportement avec le partenaire : n’avoir pas su
l’aimer, le protéger, prendre certaines décision.
 -Colère et hostilité : irritabilité envers la famille, les
amis qui semblent manquer de compréhension et
d’appréciation du défunt. Colère envers le destin, le
disparu (qui a laissé l’endeuillé seul, sans pourvoir aux
conséquences de l’abandon), envers les médecins, les
IDE.

 -Anhédonie : perte du plaisir à manger, à avoir des


loisirs, aux événements sociaux et familiaux et à toutes
les activités auxquelles participait le disparu, sentiment
que plus rien n’est agréable sans lui.

 -Solitude : sensation d’être seul même en présence des


autres, sentiment très intense aux moments ou l’autre
était particulièrement disponible (soirées, WE, et
pendant les événements qu’il aurait partagés).
2.2.2/ Manifestations comportementales.

 -Agitation : tension, incapacité à trouver le repos,


hyperactivité, recherche active du disparu,
versatilité des actions.

 -Fatigue : réduction du niveau général d’activité


(parfois interrompue par des crises d’agitation),
difficulté d’élocution et de pensée, lassitude
générale.

 -Pleurs : larmes, expression générale de tristesse,


regard las, coin de la bouche abaissé.
2.2.3/ Attitude envers soi-même, le disparu et
l’environnement.
 -Auto reproche : culpabilité.

 -mauvaise estime de soi : sentiment d’inadéquation, de


faute, d’incompétence et de mépris pour soi,

 -Sentiment de perte d’espoir et d’impossibilité à être aidé :


pessimisme sur les circonstances actuelles et futures, perte
d’objectifs dans la vie, désir de mort et de suicide.

 -Perte du sens de la réalité : sentiment de « ne pas être


présent », de « regarder les choses d e l’extérieur », que les
événements arrivent à quelqu’un d’autre que soi.

 -Suspicion : doute quant aux motifs d’aide et de conseils.


 -Problèmes interpersonnels : difficultés à maintenir des relations
sociales, rejet des amis, retrait des fonctions habituelles.

 -Attitudes envers le disparu : révolte, recherche, lamentations


intenses, imitation du comportement du disparu, poursuite de ses
intérêts, idéalisation du mort : tendance à ignorer ses fautes, à
exagérer ses caractéristiques positives, ambivalence : alternance de
sentiments + et – envers la personne DCD. Image du disparu :
souvent très vivante, presque hallucinatoire et provoquant la
conviction. Préoccupations liées à des souvenirs tristes ou heureux
à l’exclusion de tout autre intérêt.

 -Symptômes physiques d’identification : similarité des


symptômes apparents avec ceux du disparu, particulièrement de la
maladie terminale, l’endeuillé peut parfois être convaincu d’avoir la
même maladie que celui qu’il a perdu.

 -Modification de la prise des médicaments : augmentation de


l’utilisation des psychotropes, de la prise d’OH, du tabagisme.

 -Fragilité particulière aux maladies : surtout aux infections liées à


une diminution de l’immunité mais aussi aux maladies liées à la
diminution du soin de soi, et aux maladies liées au stress.
2.2.4/ Altération cognitive :

 Ralentissement de la pensée et mémoire


affaiblie.
 Perte des capacités de concentration et de
l’attention.
 Troubles mnésiques.
2.2.5/ Changements physiologiques et
plaintes corporelles

 -Perte de l’appétit : parfois l’inverse

 -Troubles du sommeil : insomnies, hypersomnie, trouble du


nycthémère.

 -Perte d’énergie : fatigue.

 -Plaintes corporelles : maux de tête, du cou, du dos,


crampes musculaires, nausées, vomissements, gorge serrée,
goût amer dans la bouche, bouche sèche, constipation,
brûlure, indigestion, flatulence, vision brouillée, douleur à la
miction, respiration coupée, soupir, sensation de vacuité
abdominale, absence de force musculaire, palpitations,
tremblements, chute des cheveux.
2.3/ Les complications du deuil

 Deuil compliqué.

 Deuil pathologique.
2.3.1/ Facteurs de complication du deuil

 Les circonstances de la mort (inattendue,


violente, absence de corps, suicide,
répétition, mort évitable, implication dans la
cause de la mort, âge, …).
 La nature de la relation avec le défunt
 Situation et personnalité de l’endeuillé.
2.3.2/ Deuil compliqué

 Se caractérise par une perturbation du travail


du deuil qui ne s’engage pas ou qui ne
parvient pas à son terme.
 3 complications:
 Deuil différé.
 Deuil inhibé ou absent.
 Deuil traumatique.
 Deuil chronique.
 Deuil blanc.
2.3.3/ Deuil pathologique:

 Deuil décompensé sur un mode:


 Psychotique.
 Obsessionnel.
 Mélancolique.
 Paranoïde.
 Clivage du moi.
2.4/ ETAPES ET PROCESSUS DU DEUIL

 Les étapes du deuil:


 La prise de conscience
 Le refus
 La dépression
 L’acceptation
 Le processus de deuil (Christophe Fauré)
 1ière étape: choc, sidération
 2ième étape: fuite et recherche
 2ième étape: fuite et recherche
3ième étape: la déstructuration
4ième étape: la reconstruction
 Aider la personne endeuillée
 Qui? On explore la nature des liens qui
reliaient la personne disparue: qui était elle?
Quelle relation?
 Quoi? C’est l’invitation à revenir sur ce qui
s’est passé, le cours des événements, et de
tenter d’intégrer la réalité.
 Où? Où en êtes vous aujourd’hui, au niveau
physique, psychologique, relationnel,
matériel, spirituel?
2.5/ DEUIL ET RESILIENCE
 Exemple à partir de la catastrophe de Haiti (2010)
(extrait d’une inteview de Boris Cyrulnick)
 Une cascade de catastrophes se présente à lui : la
mort de parents, la frayeur vécue par le groupe, la
faim, les images d’horreur... Deux réponses sont
prioritaires. D’abord sécuriser son environnement.
Ensuite assurer la stabilité du lien affectif (autant
que possible, dans cette période de chaos), ce qui
ne réclame pas forcément d’être un professionnel : il
faut parler à l’enfant, lui donner une couverture, une
boisson chaude, l’associer à de petites choses qui
n’ont l’air de rien, comme des activités récréatives.
L’enfant va réagir en fonction de la façon dont son
entourage réagit.
 Assurer la stabilité du lien affectif
 Comment l’enfant peut-il devenir résilient ?
Avant la résilience, la première étape, c’est le travail de
deuil : il faut rendre possible ce travail (ce qui n’est pas
facile en situation où des morts ne reçoivent pas de
sépulture, où le rituel ne trouve pas toujours de place), il
faut parler des disparus, laisser le temps du chagrin,
montrer des photos, soutenir les enfants dans cette
étape. C’est seulement ensuite que pourra se faire
éventuellement la résilience, qu’il y aura de la place pour
un nouveau développement, lequel ne sera bien sûr pas
le développement d’avant la catastrophe (les orphelins
resteront orphelins toute leur vie).
 Pouvoir se dire "J'ai été courageux, j'ai surmonté"
 Quelle part, dans le rétablissement de l’enfant, accordez-
vous à l’action, c’est-à-dire à la possibilité pour l’enfant de
contribuer aux secours ?
L’enfant ne doit pas être laissé à l’abandon, il ne doit pas non
plus se trouver en situation où l’on fait tout pour lui : les
syndromes psycho-traumatiques sont importants en cas de
déresponsabilisation (on voit des enfants rester prisonniers du
passé, faire sans cesse des cauchemars…) Le mieux est d’offrir
à l’enfant un soutien affectif et, en effet, un engagement, une
action, le faire participer à des tâches de son niveau, porter de
l’eau, déblayer ce qu’il peut, bref, lui permettre de penser plus
tard « J’ai été courageux, j’ai surmonté ».
3/ CONCLUSION
 Tobie Nathan (2001): « il ne suffit pas de classer
les désordres : je prétends pour ma part qu’en
regardant les pathologies on ne voit qu’un
dixième du problème. Car, lorsqu’il existe un
désordre dans une culture donnée, il
s’accompagne toujours d’êtres, d’objets, de
professionnels, de réseaux, d’une élaboration du
vocabulaire de la langue, si bien que le désordre
seul devient incompréhensible. C’est pourquoi
je suivrai volontiers Hacking dans sa
proposition de considérer une « niche
écologique » plutôt qu’un syndrome ».
Pour en savoir plus…
 B. Cyrulnick et M. Elkaïm. Entre résilience et
résonance: a l’écoute des émotions. Fabert, 2009.
 M. Anaud et J-L. Pédinielli. La résilience: surmonter
les traumatismes. A. Colin, coll.128, 2008.
 M. Hanus, J-P. Guetny. Le grand livre de la mort à
l’usage des vivants. Albin Michel, 2007.
 M-F. Bacqué. Le deuil. PUF, 2000.
 J-D. Nasio. Le livre de la douleur et de l’amour.
Payot, 2003.

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