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LIVRE I * LE VAL, L’OCCIDENT ET L’HISTOIRE.

CHAPITRE III

LIMITE, OBSTACLE, FRONTIERE : LE COURS DU FLEUVE NE SE DIVISE PAS

1 Parmi les énonciateurs de cette question : J.Fr.Bergier dir., Montagnes, fleuves, forêts dans l’histoire. Barrières
ou lignes de convergences ? Travaux présentés au XVIe Congrès international des Sciences historiques, Stuttgart
1985 ; M.Gonon « La Loire, lien ou obstacle en Forez au Moyen Âge ? » ; répondent : Cl.Fr.Menestrier, Eloge
historique de la ville de Lyon, Lyon 1669 p. 40-41 ; C.Jullian, Histoire de la Gaule, ouvr. cit. t. II, p. 509 ; G.Duby,
La société aux XIe et XIIe siècles, ouvr. cit. p. 90 ; G.Chouquer, Histoire d’un paysage, ouvr. cit. p. 56-57 ;
Ph.Deveau, «Le Rhône romain», Gallia 56, 1999, p. 9 ; A.Girard, L’Aventure gothique, ouvr. cit. p. 18.
2 J. Blache, «Sites urbains et rivières.françaises», art. cit. p. 17-55 ; D.Faucher, L’homme et le Rhône, ouvr. cit. p.
184 et 377, repris par J.P.Bravard, Le Rhône, ouvr. cit. p. 19 ; P. George, Descente du Rhône, ouvr cit. p. 183 : les
régions opposées vivent indépendamment les unes des autres ou s’affrontent.
3 L.Febvre, Le problème historique du Rhin, ouvr. cit. p. 22 et 151.
4 Ces faits sont bien connus. Ajoutons y le privilège accordé à l’évêque du Puy par le pape Eugène III qui interdit
l’érection d’autres péages que le sien «du Rhône à l’Allier » (1145). En 1173 le comte de Forez cède à l’Eglise de
Lyon tout ce qu ’il possède au delà du Rhône de Vienne à Anthon. Les obligations féodales distinguent les services
militaires à rendre au delà de la Saône et du Rhône ; le 5 I 1354 la Maison de Savoie cède au Dauphin toutes ses
terres entre le Guiers, l’Isère et le Rhône, etc.
5 Ce que veulent croire les clercs du XVIe siècle : « fleuves, rivières de mal feront obstacle » écrit Michel de
Nostredame dans ses Centuries (Lyon 1555) ; pour L.Coulon, Les rivières de France, ouvr. cit. t. II p. 6 « le
Rhosne arresta la fureur des barbares quand ils sortirent de leurs forêts du Nord ».
Mesures prises en Dauphiné en 1365, ADI, B 2815 f. 143 ; à Valence en 1388, AMVAL, CC 26 ; à Arles en 1418
AMAR, CC 135 f. 25 v° ; L. Stouff, Arles, ouvr cit. t. I p. 139 etc.
6 R. Brun, «Annales avignonnaises», MIHP, t. XII p. 59 ; Journal des Dupré , éd. cit. (année 1471) ; AMMONT, BB
29 f. 72 (1521) ; AMAR, BB 6 (II 1527) ; Journal de Merles de Beauchamp, éd. cit. ; S. Perez, «Lesmétiers de la
rivière au XVIIIe siècle», Arles et le Rhône, art. cit. p. 101.
7 Bedos est un mot ancien qui figure dans le Roman de Flamenca (fin XIIIe siècle) ; il est employé à Nîmes avec la
même signification nichils quia vocantur bedocii ; Bardoux est appliqué aux Dauphinois selon N. Cochard ; pour
les Ponots, Le Livre de Podio, éd. cit. t. I p. 463.
8 Dolomieu-Avenières, 1407, ADI, B 3869 ; Etoile-Charmes, ADAR, C 132, C 133 ( XIIIe-XVIe siècles) ; Bourg-
Saint-Andéol-Pierrelatte, RD t. III, n° 13574 (1289) ; le Scriptum de gabella de 1263 est plein d’évocations de
bagarres entre pécheurs défendant leurs eaux ; les conflits Comtat-Languedoc et Comtat-Provence sont en partie
relatés dans M. Falque, Le Procès du Rhône et les contestations sur la propriété d’Avignon (1302-1818), Paris-
Avignon 1908 ; voir aussi BNF, ms. fr. 26091 n° 700 (Boulbon-Aramon) et pour les confrontations violentes entre
Barbentane et les Issarts entre 1487 et 1512, AMAV, FF Procès du Rhône f. 2726 et suiv.
9 Conflits entre Saint-Clair et Auberives, Givors et Loire, entre les juridictions de Valence et de Saint-Pierre-du Bourg,
RD t .III, n° 14850 (1297) ; entre Livron et Loriol, AMLIV, CC 52, c. 3 f. 38 v° ; entre Donzère et Pierrelatte, RD t.
III n°14132 et 14540 (1292, 1295) ; entre Pont-Saint-Esprit rive gauche et Montdragon, AMMONT, DD 24 ; entre
Orange et Caderousse pour une levée édifiée par les Caderoussiens, AMOR, CC 441 f. 5 (1544) ; entre Orange
et Camaret, ibid. , BB 12 f. 111 (1570). Enfin, les confrontations récurrentes entre Arles et Tarascon à propos du
travers de Saint-Gabriel (en 1455, 1475, 1477, 1484, 1488, 1490, 1506, 1552) trouvent leurs innombrables échos
dans les délibérations consulaires des deux villes. De même entre Avignon et Provence (en 1476, 1491, 1519,
1557), voir L. Sautel, Le procès de la Durance (1500-1623), Avignon 1920.

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10 Voici les chiffre bruts et les pourcentages : Lyon 1320 : Royaume (ci-dessous R) 261, Empire (ci-dessous E) 555
soit 32 et 68% ; Lyon XVe. : R. 24, E. 43, soit 36 et 64% ; Lyon 1530-1560 : R. 248, E. 267 soit 48,2 et 51,8% ;
Avignon 1376 : R. 1552, E. 1571 soit 50% ; Avignon 1475-1480 : R. 837, E. 1155 (ou 1413 avec la mention
«d’Avignon ») soit 40 et 60% ; Avignon 1535-1540 : R. 321, E. 590 soit 32 et 68%. Valence 1440-1490 : R. 230,
E. 339 soit 40,4 et 59,6% ; Tarascon 1460-1470, 33 et 66% ; Beaucaire 1460-1470 : 54 et 46% ; Arles 1475-1480,
25 et 75% ; Arles1535-1540 : 22,5 et 77,5%.
11 Les chiffres d’Ozon sont donnés d’après ADAR, 2 E 6758 (fin XVe) ; ceux de Mauves d’après ibid., 2 E 7425 à
7427 et 2 E 6882 (1498 à 1525) ; Saint-Péray d’après 2 E 2396 ; Tournon et environs d’après 2 E 6888 à 6892
(1530-1540).
A Lyon ( dépouillement complet des registres notariés (1530-1560)) les alliances Royaume sont au nombre de 39 ;
Empire de 69, mixtes de 69 soit 39%.
Résidences successives : 130 cas ; mixité dans 58,2 %. Résidences multiples : 122 cas ; mixité dans 52,4% des
cas.
On pourra comparer avec la situation au XVIIe siècle analysée par R.Favier, Les villes dauphinoises, ouvr. cit. p.
360.
12 Les pécheurs saintois travaillent autant dans les immenses pécheries de Psalmodi que dans les «mers» de la
rive gauche, arrentent les étangs de La Peyre, de Conte, de Crémade ; ont d’autant plus intérêt à développer un
champ d’activité en Royaume qu’ils rencontrent vers l’est la très forte concurrence des pécheurs arlésiens. La
composition des convois est connue dans deux cas : en 1527 le viage des Fermiers du Royaume recrute pour
60% au Royaume et 40% à l’Empire ; en 1556 celui de la veuve Brochon, Lyonnaise, donne un léger avantage à
l’Empire (18 contre 15)
13 J. Rossiaud, DRM, t. I carte 9 p. 105 et p. 107-108.
14 AMROM, FF 1 f. 116. A Vienne en 1389 le roi est salué par des «armes à l’aigle aux ailes ésployées, ayant dans
son cœur l’écu des armes de France», N. Chorier, HGD t. I p. 220. Selon S. Champier (La noblesse et ancienneté
de Lion sur le Rhosne, éd. cit. p. 347) l’ordre à Lyon est plus nécessaire que dans toute autre ville car elle est «cité
de frontière près et circonvoysine de toutes nations différentes».
15 R.Dion, les frontières de la France, Paris 1947 ; et surtout B.Guénée « Les limites », dans La France et les
Français, M. François dir. Paris 1972 p. 50-69.
16 Faits détaillés dans les histoires générales (en particulier dans les tomes III et IV de l’Histoire de France d’E.
Lavisse) , ainsi que dans A. Longnon, La formation de l’unité française, Paris 1922, p. 113 et suiv. ; pour le XIIIe
siècle méridional, J. de Romefort, «Le Rhône de l’Ardèche à la mer, frontière des Capétiens au XIIIe siècle», RH,
1929, p. 74-89.
17 Chapelle Saint-Louis près de la tour du pont de Villeneuve, mentionnée en 1489. Un chanoine de Villeneuve en est
titulaire ; P.Pansier, «Les chapelles du pont Saint-Bénezet», AACV, 1930 p. 91 ; Pont-Saint-Esprit : L.Bruguier-
Roure, Cartulaire, ouvr. cit. p. LX ; Lyon : G. Guigue, Recherches sur Notre-Dame, ouvr. cit. p. 47 ; colonne et
inscription commémorant Agnadel, Cl. De Rubys, Histoire véritable, ouvr. cit. p. 355 ; armes du roi sur le pont du
Rhône, AMLY, RC t. II p. 316 (1430) ; E.De Smet, Mondragon en Provence des origines à 1536, Avignon 1977,
intègre le château du lieu dans «toute une ligne de défense Tarascon, Mornas, Mondragon, Donzère, Montélimar »
faisant face aux châteaux royaux de Beaucaire,Villeneuve, Le Teil, Rochemaure ; mais toutes ces forteresses
n’ont pas été édifiées sur ordre venu d’en haut, ni d’un seul mouvement tant s’en faut ; il n’y a pas une «ligne des
frontières de l’Empire ».
18 La construction de cette frontière fiscale est clairement exposée par H. Dubois, Les foires de Châlon, ouvr. cit. p.
42-45. ; par M. Rey, Le domaine du roi et les finances extraordinaires sous Charles VI (1388-1413), Paris 1965
p. 54-56. Impôts spécifiques levés sur un secteur particulier de la rive Royaume : soit dans la sénéchaussée de
Beaucaire en 1431, soit en Lyonnais, AMLY, BB 47 f. 138 (1528) ; discriminations péagères : à Mâcon le péage est
plus léger pour Villefranche et Belleville que pour Lyon, H. Dubois, Les foires, ouvr. cit. p. 60 Exemples de limites
intra-impériales : la ligne des Grandes Gabelles de Viennois le long de l’Isère et du Rhône ; celle de la gabelle de
Pont- de-Beauvoisin levée le long du Guiers et du Rhône, AMROM, FF 12, et ADI, B 2899 f. 290-302.

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19 1) diocèses : le diocèse de Genève est à cheval sur le fleuve ; le d. de Belley compte 47 paroisses en Bas-Bugey,
41 en Bugey savoyard, et 22 en Dauphiné. Châlon est partagé à peu près également entre r. dr. et r. g., Mâcon
n’est pas totalement de r. dr., Lyon ignore les limites de la Saône et du haut Rhône. L’un des cinq archidiaconés
du d. de Vienne comprend Vienne et sa banlieue, dont en r.dr. Sainte-Colombe, et s’avance (avec les archiprêtrés
d’Annonay et de Quintenas) de plus de 40 km en Royaume. Le d. de Valence fait de même ; celui de Viviers
déborde sur la r.g. en amont et en aval de Rochemaure. Avignon mord sur la r. dr., Arles sur la r.g., en Argence.
Ajoutons que le Doubs forme presque l’axe du d. de Besançon ; le d. de Grenoble s’étend largement au nord de
l’Isère et la Durance ne constitue pas davantage une limite.
2) les provinces clunisiennes de Lyon et de Provence ignorent tout autant le fleuve.
3) seigneuries : les abbayes languedociennes de Saint-Gilles ou de Psalmodi reçoivent des biens autour de l’étang
de Berre, dans le Lubéron et les monts du Vaucluse, Histoire de Provence, ouvr. cit. p. 118 ; l’abbaye de Boscodon
a de nombreuses possessions sur la r. dr., M.Th. Sclafert, Haut-Dauphiné, ouvr. cit. p. 35 ; Hugues de Morestel
tient une seigneurie tam ultra quam citra, Cartulaire lyonnais, éd. G. Guigue, t. I Lyon 1885, n° 216 p. 280 (1225).
Le comté de Vienne s’étendait jusqu’aux «Fourches du Puy» (limites du comté du Puy) ; de cette enclave presque
totalement annexée par les comtes de Forez en 1296, a subsisté Champagne dont les habitants ne sont pas soumis
à la fiscalité royale, car relevant du Dauphiné. Ils ne peuvent être cités ou appelés que devant le juge de Viennois,
voir R. Poidebard, «Champagne, tête de pont delphinale en Vivarais», RV 1950 p. 3-21. Les fiefs de l’Eglise de
Vienne r. dr. sont énumérés dans U. Chevalier, Etude historique sur la constitution, ouvr. cit. t. II p. 243-247.
Matthieu Thomassin, (Registre delphinal, f. 170 v°) rappelle tout ce que les Dauphins possédaient au Royaume «à
cause de la comté d’Albon» : A parte regni Francie a Lugduno usque ad villam de Romanis se extendebat dictum
dominium ultra Rodanum usque ad Nostram Dominam de Podio. Fin XIIe les comtes de Valentinois contrôlent
tout le pays du Diois au Velay, dominent le Vivarais central du Doux au Coiron, et du Mezenc au Rhône par
les Boutières. Au milieu du XIVe siècle le comte a 15 grands vassaux en Vivarais et 28 en Dauphiné, P. Bozon,
Histoire populaire du Vivarais, ouvr. cit. p. 32 ; P.Y. Laffont, Le Valentinois au Moyen Âge, thèse, Lyon 2, 1998
dactyl. ; H. Guibourdenche (en collab. avec J. Marcon, «L’Ardèche et la Drôme. Activités, territoires et politique»,
La Documentation française, Paris 1997) va jusqu’à parler, pour le Rhône moyen, d’un principe transversal de
structuration. Les évêques de Viviers sont sur la r. g. seigneurs de Châteauneuf, Donzère, Pierrelatte, La Palud,
voir J. Régné, «Catalogue des actes des évêques de Viviers», RV 1920 p. 23 et 56 et Histoire du Vivarais, ouvr. cit.
t. II p. 407 ; Giraud Adhémar est seigneur de Rochemaure en 1308.
4) Villes : la frontière entre Tournus et Dracé longe la Saône ou plus précisément la lisière orientale de la zone
inondable, laissant au Mâconnais les villages de pécheurs de Vézines, d’Asnières et de Saint-Laurent, G. Duby,
La société aux XIe et XIIe siècles, ouvr. cit. p. 90. A Mâcon le Bois-Bâgé, outre-Saône figure parmi les antiques
franchises confirmées en 1317, Histoire de Mâcon, ouvr. cit. p. 85 ; les sires de Tournon tiennent la ville de Tain
du Dauphin, RD, t. III n° 14560 (1295) ; à Pierrelatte, le quartier Sainte-Foy relève de Bourg-Saint-Andéol ( Cl.
Boisse, Le Tricastin, Valence 1968, p. 16). Les terres spiripontaines s’étendent r.g. jusqu’au Lauzon ; la viguerie
inclut une lanière pratiquement continue jusqu’à La Palud (A.Gouron, Histoire de Pont-Saint-Esprit, ouvr. cit.
p. 202. Rappelons que la première pierre du pont fut posée : in ripa Condamine nostre ultra Rodanum quod est
proprium allodium Beati Petri Cluniacensis, L. Bruguier-Roure, Cartulaire, ouvr. cit. p. 6-7. A Avignon, selon
l’acte de vente de 1348 le territoire de la civitas Avinionensis s’étend au delà du Rhône à l’ouest et au delà de la
Durance au sud, selon la donation de Frédéric Ier à Pons évêque d’Avignon, a loco qui vocatur Rumeta usque ad
Rhodanum. Inversement à Lyon l’ensemble de la ville est sous juridiction de l’Eglise et l’hommage de celle ci au
roi a transféré dans le ressort du Parlement de Paris une terre demeurée impériale.
5) Possessions urbaines : les Mâconnais possèdent beaucoup en Bresse dans un rayon d’une douzaine de lieues,
Histoire de Mâcon, ouvr. cit. p. 85. Les Lyonnais ont évidemment en Bresse et en Velin des bien-fonds nombreux
dans les paroisses voisines de la ville. A Vénissieux en 1543 on compte 47 citadins parmi les plus imposés des 224
cotisants, R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine, ouvr. cit. p. 816 ; les Viennois sont possessionnés à Sainte-
Colombe et Clonas ; les Condriots dans le terroir de Saint-Clair et aux Roches, ADR, 10 G 2272 (terrier de 1300)
et 10 G 2273 (1351). A Valence les bourgeois possèdent des vignes r. dr. entre Tournon et Soyons, spécialement
à Mauves, Cornas, Saint-Peray, mais aussi à Annonay, AMVAL, CC 30 c. 8 f. 5, CC 33 c. 5 f. 5 (1519-1520) ;
les chefs de feux du Pouzin, de Beauchastel, La Voulte, Charmes, Baix, exploitent des terres r. g. La Camargue
constitue enfin le principal terroir arlésien.

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20 Le port de Montluel est au comte, mais le châtelain de Jonage peut y entretenir un bateau, RD t. IV , n° 23162
(1426). Sur la Saône le port de Neuville passe en 1508 aux Dodieu puis aux Baronnat seigneurs de Poleymieux
(ADR,10 G 2011-2012) ; le port de Villefranche appartient pour moitié à la chartreuse de Poleteins, et celui de
Silon est en partie aux Peyrolier de Valence, ADAR, 2 E 6760 f. 58 (1491). Le Pouzin à la fin du XVe siècle est
pour moitié au roi-Dauphin et pour moitié aux trois familles nobles du lieu. Les copossesseurs du port de Rognonas
forment une vaste société incluant jusqu’à 50 individus et personnes morales d’Avignon, Pont-Saint-Esprit etc.
Pour ce qui concerne les péages : Quirieu, AN H 2992/1; quatre péages d’Empire sont levés au port de Belleville (La
Marche, Chavagneux, Montmerle et Bâgé). Le péage de Saint-Vallier est le plus souvent affermé aux marchands
de Tournon ; l’une des «filioles» de Saint-Symphorien d’Ozon est établie à Prignin in Regno avant 1446, ADI, B
2898 f. 52 v° ; La Roche-de-Glun est perçu à Tournon ; Etoile, Lène et Savasse sont levés à Baix etc.
21 Lyon, 10 XI 1482, AMLY, BB 17 f. 17, BB 49 f. 82, BB 52 f. 24 v° ; Valence le 1 XII 1516 l’extractio des blés
est permise aux régnicoles voisins de la ville, AMVAL, BB 4 f. 102 v°.
22 Des foires franches sont concédées par le roi à Arles, Beaucaire, Valence etc. A Lyon les concessions consulaires
aux Allemands sont faites en 1510, AMLY, BB 28 f. 199. Huit ans auparavant le roi s’était plaint de la diminution
de la valeur de la rève, ibid. BB 24 f. 346 v°. Pour les soieries, R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine, ouvr.
cit. p. 321.
23 Pour la Bourgogne, H. Dubois, Les foires, ouvr. cit. p. 290. Les privilèges accordées à la ville de Lyon autorisent
ses marchands, dès le XIVe siècle, à utiliser les monnaies étrangères; ils sont renouvelés pour 15 ans en 1417,puis
sont inscrits dans les franchises des foires. De courtes crises se traduisent par l’interdiction de sortir or et argent
pour un temps déterminé, mais des passeports sont délivrés. En terre d’Empire les écus d’or de roi sont reçus tout
comme les florins d’Allemagne ou les ducats d’Italie.
24 En 1293 à Lyon, on dit déjà en parlant de la presqu’île, inter duas aquas, RD t. III , n° 14269 ; comme dans des
testaments de 1348 et 1361. L’université de Montpellier en 1339 distingue les Provinciales d’en deça et d’au-delà
du Rhône, Histoire de Montpellier, ouvr. cit. p. 113. Au XVIe siècle à Lyon s’imposent «devers Fourvières» et
«devers Rhosne ». dans les actes concernant le tirage du sel «part du Dauphiné» se substitue à «part de l’Empire» ;
« pais de Viennois » fait aussi l’affaire, AMBEAU, BB 7 (1533), ADR, 3 E 368 (1549), Mémoires de François
Joubert, éd. cit. p. 14 (1545). Expressions neutres AMVIE, BB 15 f. 161 v° (1536) ou AMTAR, BB 13 f. 12
(1519).
25 AMLIV, CC 48 à CC 54 (1455-1534).
26 Voir ci- dessous chap. IV note n° ; les archives de Mondragon, de Montélimar et surtout d’Orange apportent
également beaucoup à la connaissance des liens existant entre ces localités et Pont-Saint-Esprit, par ex. AMMONT,
BB 18 f. 41 (1450), AMOR, CC 393 f. 6 (1493), BB 9 f. 18 (1499) ; processions à Notre-Dame-du-Plan, AMPSE,
GG 39 f. 1.
27 A.Mazon, «Notes historiques sur le vieux Tournon», BSASD, 1903 p. 360. G. Matton, Tournon, Tain l’Hermitage,
monographie d’une ville double, Tournon, s.d ; J. Mourier, «Tournon, étude des structures urbaines (vers 1420-v.
1520)», Positions de thèses de l’Ecole des Chartes, 1984, p. 131-142. Les notaires de Valence apportent beaucoup
à la connaissance de cette ville et de son bourg de rive gauche ; corderie ADAR, 2 E 6895 f. 8 v° (1536) ; garde
des fustes, ibid. 2 E 7403 f. 162.
28 Chronica fratris Salimbene de Adam, o.m. MGH SS, 31 ; construction ADBR, 407 E 185 (1501) ou 395 E 238
f. 54 (1506) ; vers 1465-1470 à Beaucaire, l’apport occidental qui est de 54%, s’élève à Tarascon à 33% ; par
leurs origines, les deux populations ne sont donc pas radicalement différentes ; franchise réciproque aux péages,
ADV, Registre 19. Contrats d’associations de rodiers (ADBR, 407 E 60 au 28 I 1448), de pécheurs (ADG, 2 E
18/23, 1479), de maquignons (ibid., 2 E 18/43, 1506), de sabbatiers (ADBR, 407 E 146 f. 100, 1497). Avantages
réciproques, AMTAR, BB 9 f. 98 (1460), BB 10 f. 114 v° (1472), BB 14 f. 54 (1521). Appels à l’aide ou expertises
ibid. BB 11 f. 142 v° (1485), f. 214 v° etc. Affaire de Lussan, BB 12 f. 193, BB 14 f. 79, et AMBEAU, BB 3 f.
149 et BB 4 f. 195 v°.
29 Itinéraires : AMBLV, CC 30 c.1 f. 403 (1488) ; AMAR ,CC 567 pièce 258 (1558).
30 ADV, E Communautés, Courtines 13, art. 3 (1515).
31 J. Rossiaud, DRM, s.v. alve, t. II p.14, et île, ibid. p. 17173. D’après AMAV, FF procès du Rhône, f. 2820-2830
(1487). Voir aussi ADD, E 3575 et AMCAV, FF 12 (1552) dans C. Lonchambon, Les bacs de la Durance, ouvr.
cit. p. 114.

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32 Le recul de terrains meubles laissés sans défense pouvait être impressionnant. Un rapport de 1827 fait état à
Miribel-Jonage, d’un recul de la rive gauche au rythme de 8 m par an (AN, F 14, 6708). Même constat à Cruas
entre 1842 et 1848 ( ibid. F 14, 6516 doss. 39) ; ADV, G 618, procès 1492 ; voir aussi ADV, G 112 et G 621.
33 Principe énoncé dans AMAV, FF Procès du Rhône f. 2860 (1487) ; Statuts avignonnais de 1243, art. CXXVIII dans
A.R. De Maulde, Coutumes et réglements, éd. cit. p. 196-197 : Si per aquam Rodani vel Durantie de honoribus
aliquorum civium hujus civitatis fuerit diminutum per allivionem particulariter vel irregulariter et ex alia parte
fuerit augmentatum commodum spectet ad illum ad quem spectabat incommodum postquam super hiis curie facta
fuerit plena fides nullus tamen contra terminationem vel divisionem cum aliquo vel aliquibus a se factam venire
possit, et curia faciat predicta terminari .
Ces procédures sont pratiquées, voir enquêtes de la cour temporelle du 22 X 1352 sur l’île d’Argenton, AMAV, FF
non coté, et Procès de la Durance, FF f. 1154 à 1164 (1500) ; ou ADV G 619 (1476). Avant tout déguisement
fachiers et fermiers en font remise au seigneur, ADV, E Pons 69 f. 93 (1478). Pratiques semblables de «chargement
et déchargement» à Pont-Saint-Esprit dans AMPSE, CC 33.
34 C. Frova, «Le traité De fluminibus de Bartolo da Sassoferrato », Médiévales, 36, 1999 p. 81-89. Principes dans
Digeste, D 41, 1-7, 1-6 ; Instit. 2,1, 20-24. ; J. Le Gall, Le Tibre, ouvr. cit. p. 167. Les principes romains se
retrouvent en droit français.
35 Au procès concernant l’île de Malivent (AMAV, FF Procès du Rhône, f.2727, 1487) les officiers d’Aramon
produisent «les vieux livres de présages des biens ruraux de ceux d’Aramon en ladite île». A Pont-Saint-Esprit
sur les îles et rivages du Rhône et de l’Ardèche, les arpentages sont au XVIe siècle quinquennaux, AMPSE, CC
33. A.M.Hayez, «Les iles du Rhône du terroir d’Avignon», Etudes Vauclusiennes, XX , 1978 p. 19-23. Cl. Perry ,
Histoire écclésiastique et civile, ancienne et moderne de Châlon- sur- Saône, 1659, p. 95 . Dans le delta le bornage
se faisait effectivement au sein des étangs ; dans le Scamandre par ex. ADG, 1179 (1294).
36 Nombreux exemples dans le Cartulaire de Trinquetaille, éd. P. Amargier, Aix 1972. ADV, E Pons 1063 f. 244
(1526).
37 AMBEAU, BB 6 (à la date) ; L.Sautel, Procès de la Durance, ouvr. cit. p. 53 : «les îles de la Durance ne sont plus
susceptibles de propriété privée ; les particuliers n’auront plus le droit de les prendre à cens».
38 Enoncés dans ADAR, 2 E 7633 f. 85-87 (1366) ; ADV, E Pons 404 (16 I 1502) ; ADAR, 2 E 7403 f. 162 (1547) ;
ADR, 3 E 3765 f. 101 (1541) ; 3 E 3767 f. 124 v° (1543) ; ADV, E Martin 435 au 3 VII 1538 ; ADR, 3 E 368
(1550), ADD, E 2481 f. 59 v° (1442) etc.
39 Arbitrages sur les salaires sous un jour : ADBR, 395 E 61 f. 367 (1426) ; sous 15 jours pour un différend entre
deux voituriers sous peine de 10 florins dont 5 pour la chapelle Saint-Nicolas, ADV, E Vincent 579, au 25 IV 1517.
«Us et azards de la rivière», ADR, 3 E 7178 au 12 II 1562 ; «fortune de rivière» ibid. 3 E 3228 f. 324 v° (1561) ;
«sauf excuse légitime», ibid. 3 E 368 au 13 I 1550. Litige du 22 XI 1548 dans ADR, 3 E 367. Cas aussi lorsque les
villes soumettent à expertise les travaux en rivière. Ainsi à Lyon en 1483 avec des Condriots et Valentinois, en mai
1488 avec un Seysselan, en 1456 avec un homme de Vertrieu, AMLY, BB 17 f. 63, BB 19 f. 81 v°, BB 11 f. 125.
40 A. Stoclet, Immunes ab omni teloneo, ouvr. cit. p. 169, 214-215, 224. P. Racine «Poteri medievali e percorsi
fluviali nell’Italia padana», Quaderni Storici, 1986 (61) p. 9-32. Diplômes carolingiens en faveur de l’Ile-Barbe
(815), Saint-Philibert de Tournus (875), Saint-Oyen (820), Saint-Pierre de Nantua (830), Donzère (840). Dans la
tradition carolingienne, les portanarii arlésiens illos videlicet qui locant naves quas tenent ab archiepiscopo et a
comite (1144-1149), Fr. Kiener, Verfassungsgeschichte der Provence, ouvr. cit. p.j. IV p. 282. De même à Châlon
les navigatores dominorum (1221), voir H. Dubois, Les foires, ouvr. cit. p. 59.
41 Grenoble, 1274 : les fermiers le sont du port et du riverage, RD t. III n° 15500, et ADI, B 2947 f. 248 et 250. A
l’origine les droits de passage, d’amarrage, de conduite de bateaux entre le port de Gières et la Balme (12 km)
semblent avoir été confondus au sein du ripaticum ou rippagium partagé entre plusieurs seigneurs. A Goncelin en
1302, deux bateaux sont accensés, l’un pour les transports de Goncelin, l’autre pour le service du port du dit lieu,
RD, t. III n° 15968. A Romans le détroit du pont et du port coincide avec celui du riverage dont jouit le chapître
de Saint-Barnard, et du péage sur les radeaux, U. Chevalier, «Notice sur le pont de Romans », ouvr. cit. p. 309.
Sur le haut Rhône, à Rix-Quincieu, en 1412, droits d’arrivage et de pontonnage sont agglomérés, ADI, B 4455 f.
1 sq.. Le détroit du port et vingtain de Quirieu prend la suite de celui de Chanaz et précède celui de La Balme. En
1153 Frédéric Ier concède en fief à Silvain de Clérieu, le château et le port de Charmagnieu avec tonlieu et péage,
RD, t. I n° 3490. A Caderousse entre le XIIe et le XIVe siècles les actes d’échange et de vente portent toujours sur
des parts du port donnant droit à des fractions égales du prélèvement péager. Ensuite une disjonction s’observe ;
pour Fourques , ADBR, B 280.
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42 N. Gonthier, Délinquance et société, ouvr. cit. p. 308


43 Guichard de Beaujeu fait dépendre un condamné des fourches archiépiscopales de Saint-Sébastien pour le suspendre
dans les limites de sa seigneurie, dans les brotteaux. En 1334 à Lyon les juges de Chandieu tiennent leurs assises
sur le chemin près la maison de la Guillotière. Ils y font vendre du vin pendant le banvin de l’archevêque (ADI,
11 C 103). A Avignon dans les années 1430, les officiers de la ville attrapent un homicide qui s’enfuit dans l’île
du Mouton ; ils le pendent en territoire avignonnais ; les officiers royaux s’emparent du cadavre et le rependent
en terre royale, AMAV, FF procès du Rhône f. 1668 et f. 2225. Mêmes procédures entre Saint-Marcel d’Ardèche
et Mondragon, ibid. f. 1835. Devant Avignon sur la Durance, le territoire de l’Orme d’Ampal autrefois sous la
juridiction avignonnaise (L.H. Labande,Avignon au XVe siècle, ouvr. cit. p. 2) est devenu litigieux. On peut se
demander si le bayle pontifical qui administrait la justice sous l’orme jusqu’en 1458 ne se livrait pas simplement
à un rituel symbolique et conservatoire de la souveraineté avignonnaise.
44 ADI, 11 C 103, ibid. B 3411, B 2966 ; ADR, 10 G 583 pour Lyon et la Saône ; voir aussi Grand Cartulaire
d’Ainay, Cte de Charpin-Feugerolles et M.C. Guigue édrs., Lyon, 1885 n° 57 à 59 (1213-1264) p. 231. Vienne :
rituel au port de Camasoc dans M. Rey, Guide des étrangers dans Vienne, ouvr. cit. p. 110 ; Valence : arrestum
trium dierum. Rituel symbolique décrit par la justice en 1530, ADD, E 2573 f. 199, et J. Rossiaud, DRM s.v.
conflage, t. II p. 94.
45 Roncaglia : Regalia sunt hec (…) Vie publice, flumina navigabilia et ex quibus fiunt navigabilia, portum, ripatica,
vectigalia que vulgo dicuntur thelonea (…) et navium prestatione, piscationem redditus… Gervais de Tilbury,
Le livre des merveilles. Divertissement pour un empereur (Troisième partie), traduction et commentaires d’A.
Duchesne, Paris 1992 p. 111 . La science des praticiens du droit ne fait aucun doute. Vers 1200 les hommes de
loi du bas Rhône ( ainsi que du Lyonnais) utilisent le droit savant dans le domaine du droit féodal où pourtant les
règles coutumières sont fondamentales, voir G. Giordanengo «Espistola Philiberti. Note sur l’infuence du droit
féodal savant dans la pratique du Dauphiné méridional, Mélanges d’archéologie et d’histoire, 1970 p. 809-853, et
J. Chiffoleau, Les justices du pape, ouvr. cit. p. 58.
Dans l’espace fluvial les juristes distinguent la Ripperia, d’après la rive du Digeste, voir J. Le Gall, Le Tibre, ouvr. cit.
p. 167, limitée par la ligne qui enserre le fleuve aux plus hautes eaux ; la fronteria bien distinguée du reste, voir
Statuts d’Arles n° 162, éd. cit. p. 238 (entre 1215 et 1235) De fronteria in riperia Rodani plantanda, ligne bordant
les hautes eaux ordinaires (voir Cartulaire de Trinquetaille, éd. cit. n° 172, 1194). En Ardèche (à Gorce et Vallon)
plusieurs parcelles limitées par la rivière ne confrontent pas directement celle ci mais la ripperia fluminis. Aucun
tenancier ne reconnaît de ripperia, Fr. Brechon, Economie et société dans deux paroisses rurales, Mémoire de
maitrise, Lyon II 1992, dactyl. La reconnaissance concrète de ces lignes laisse bien entendu beaucoup de place à
l’interprétation.
46 1157 : bulle d’or accordée par Frédéric Barberousse (reconnaissance des regalia) ; 1173 le comte de Forez
renonce à tout droit et possession à Lyon et en Lyonnais. La construction de la tour de pierre de Béchevelin est
attribuée à l’archevêque Jean de Bellemains (1182-1193) ; l’édification de la motte est sans doute antérieure.
47 GCA, éd. cit. t. II, n° LXXIV, p. 137. Remarquons, en passant, la rencontre heureuse mais fortuite entre deux
évolutions naturellement indépendantes l’une de l’autre : celle du droit, et celle de la paléohydrologie : au moment
où le droit romain permet de partager et de hiérarchiser les seigneuries sur les eaux et de définir en particulier la
decise, l’hydrologie vient à son secours en facilitant, par l’incision et la stabilité du chenal, la perception que l’on
peut avoir du grand cours et du droit fil de l’eau.
Selon la doctrine clairement exprimée à Constance, l’empereur ne se déssaisit jamais des regalia. Tout au plus
délègue-t-il le droit de les exercer. Concessions et confirmations impériales se font «sauf les droits de l’Empire»
(RD, t. I n° 3490). L’or est toujours excepté des accords passés entre le pouvoir souverain et les vassaux, ex. à
Givors en 1302 et 1354, ADR, Inventaire Lemoine, p. 195 et 10 G 21).

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48 Nombreux exemples de rencontres princières au milieu du fleuve : entre Charles et Louis en 841, près de Coblence ;
entre Charles le Simple et Henri l’Oiseleur «prince d’Outre-Rhin » selon Flodoard à Bonn le 4 XI 921.Au XIIIe
siècle à Beaucaire les bannis sont conduits au milieu du pont et là, expulsés. Selon l’enquête de 1263, de Fourques
à la Fosse et de la Fosse au Grau-de-la-Chèvre les droits du roi s’étendent in aqua usque in medio Rodani. Lors de
cette enquête, Raymond de Lubières, de Beaucaire, 20e témoin interrogé sur les droits du roi , expose que le père
du présent roi fecit dirui pontem Avinionis usque prope ecclesiam Sancti Benedecti. Requisitus quare, dixit quod a
dicta ecclesia ultra est pons de Imperio, citra vero est de Regno, et id circa non fecit dirui ultra eccleisam Sancti
Benedicti in signum hujus quod nichil dicebat innovare in imperio sed extra ecclesiam fecit dirui in signum quod
ibi esset dominus. Dom Antonio de Beatis, Voyage, éd. cit. p. 226 remarque que pour 446 cannes d’ouvrage, il
n’y en a que 40 sous juridiction de l’Eglise.
49 M. Falque, Le procès du Rhône, ouvr. cit. p.j. IX p. 126. Le 5 XII 1368 Charles V fait donation au pape de la partie
du pont allant de la porte de la ville à la chapelle Saint-Nicolas, et du cours du Rhône situé en dessous.
50 Dès les années 1300 chez les légistes se diffuse très rapidement l’idée d’une souveraineté royale exclusive sur le
fleuve et, corollairement, une idée homologue se répand dans les cercles princiers. Le sire de Beaujeu prétend à
des droits sur le Rhône versus Imperium quatenus flumen Rodani se extendit, Cartulaire des Fiefs de l’Eglise de
Lyon, G. Guigue éd., Lyon 1893 p. 438-453 (1308). Par une lettre du 9 XII 1380 le roi se proclame propriétaire de
toutes les îles ; autre lettre du 28 VIII 1388 : «jasoit ce que de tout et ancien temps nous seuls et nos prédécesseurs
roys de France ayons droit et possession et saisine de toute la rivière du Rosne» ; «les rivières de la Saone et du
Rhosne sont rivières du royaume», ordonnance du Maître des ports du 29 VII 1403 dans AMLY, CC 4051 f. 44
v° ; pour le Lyonnais Jean de Condeyssié témoignant lors d’ une enquête en 1412 «le Rosne entier a toujours été
du royaume de France», ADR, 10 G 2206 pièce 6 (Couzon 1433) cité dans N. Gonthier, Délinquance, ouvr. cit.
p. 298. Pour 1458, AMAV, FF Procès du Rhône, f.1802 et suiv. (J.Pignon) et 1634 et suiv. (marchands du tirage) ;
à Romans en 1465 le bailli de Viennois-Valentinois fait des proclamations sur le pont de l’Isère quia flumen seu
fluvius Isare est flumen publicum et navigabile et regale et tale quod sub nomine regaliorum continetur, ADD, E
3701.
51 Guy Pape, Question 577 ; Matthieu Thomassin, Registre delphinal BMGRE, ms 909 f. 24 et suiv. et f. 55 : «le
roy de France est empereur, toute foys ne se dit pas empereur car la dignité royale est plus ancienne» . J. Bacquet,
Des droits du domaine de la couronne de France, Paris 1644 p. 405 : «Iles et atterrissements sont au roy. Les lois
qui attribuent la propriété des isles etc. aux détenteurs et propriétaires des héritages adjacents ne sont reçues ni
pratiquées en France, ordonnance royale de 1669, titre 27, art. 41 . La Camargue n’est pas un argument contra,
elle doit être plutôt considérée comme une île de la mer.
52 C. Beaune, «Saint Clovis. Histoire, religion royale et sentiment national en France à la fin du Moyen Âge», dans
Le métier d’historien, ouvr. cit. p. 139-156.
53 Interprétation semi-extensive d’un Avignonnais : «partout où est le Rhône la possession est royale, mais si par
inondation le Rhosne laisse un étang dont l’eau est stagnante, celui qui avait les droits les garde. Et a toujours vu
observer cette coutume», ADV, G 619 f. 316. Autrement dit l’eau vive est royale, les eaux mortes seigneuriales.
Selon l’interprétation la plus restrictive les droits royaux ne s’étendent que sur la voie réservée au halage dont la
largeur va de 12 à 24 pieds selon les ordonnances (1415 et 1520). Sur le Rhône en 1458 on parle de 9,10, 14 pas
(de 2 pieds et 1/2), voir AMAV, FF, Procès du Rhône f. 1810. Au milieu du XVIe siècle les Beaucairois prétendent
que, de toute ancienneté on a laissé un passage de 18 à 20 pas. L’ordonnance d’août 1669, titre XX, art. 7 fixe cette
largeur à 24 pieds au moins, 30 pour les plantations. Ces définitions sont reprises par l’arrêt du Conseil du 24 VI
1777 art. 2, puis par le Code Napoléon ( AN, F 14/ 158).
Reconnaissance de la conception maximaliste : le parlement de Grenoble tient ses assises le 5 IV 1476 dans la
maison-forte de la Grande-Motte, sur la terrasse dite de Villeurbanne, à l’extrême limite du champ d’inondation
du Rhône, Evocations, 1950-1954, p. 687.
54 Innombrables exemples d’exploits dans le Procès du Rhône ff. 1458,1665, 1682,1714,1730,1739,2181 : amarres
sciées dans les ports d’Empire, pannonceaux royaux arborés, informations, mises à la main du roi etc. En 1433
le Maître des Ports Blassac du Caylar fait en barque plusieurs actes de juridiction jusque dans la Grande-Fusterie
avignonnaise, ibid. f. 1778.

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55 Les consuls reconnaissent le refuge constitué par les barques, AMAV, BB (6) f. 50 ; le 16 VI 1450 les consuls
s’adressent au légat ad evitandum maiora scandala que possent evenire ratione lude qui sit super barcas Rodani,
ibid. BB (2) f. 78. Le 25 VI 1506 le Conseil d’Avignon demande au roi de France l’autorisation de réparer le pont
et ses rivages, BB (4) f. 123, et le 4 VIII les lettres d’autorisation du roi sont lues devant les consuls, ibid. f. 136 ;
audiences du Maître des Eaux et Forêts à Soyons évoquées dans le Procès du Rhône f. 1762.
56 Procès du Rhône f. 4082. Les Eaux et Forêts du 12e au 20e siècle, Paris 1987. Ventes d’îles sous réserve des droits
du roi, ADG, H 274 (1322) ; AMBEAU BB 6 au X 1527. Les seigneurs allèguent possession immémoriale de cent
ans et plus, laquelle est admise comme bonne, valable, et attributive de droit (édit du roi Louis XII).
57 Dans les réformations de Matthieu Thomassin en 1446 (AN, H 748/ 248, p. 275-276) les juges des lieux ou à
défaut les châtelains sont habilités à trancher les controverses entre marchands et exacteurs. Raison donnée aux
juges ordinaires contre les juges royaux à Couzon en 1390, ADR, 10 G 2205 n° 5 et en 1460, 10 G 2206.
Les communes italiennes revendiquent la pleine possession des regalia sur l’eau. Frédéric Barberousse leur a reconnu
les consuetudines quas ab antiquo exercuisti in aquis. Les habitants de Lodi parlent de nostra terra et nostra aqua
(P.Racine, «Poteri», art. cit. p. 22) et au XIIIe siècle les gouvernements urbains se proclament maîtres des eaux
publiques. En France, les villes se substituent partiellement au seigneur naturel ; Lyon par exemple retient à sa
main les pierres et chuins tirés de la rivière de Saône (AMLY, BB 11 au 9 X 1464), s’élève contre les concessions
de pêche abusives (ibid. BB 30 f. 283 v°, 294 et BB 40 f. 315 v° , 1513 et 1522). En 1478 les consuls tiennent
pour cas de nouvelleté (! ) que le prévôt de l’archevêque réclame un droit d’attache des moulins (BB 16 f. 87).
Arles entre 1430 et 1435 exige un droit pour baisser la traille au passage des navires mais cette mala consuetudo
surgie en une phase de chaos, disparaît bien vite de la comptabilité municipale. Valence doit obtenir provision de
Grenoble afin d’attacher les fustes aux murs de la ville, AMVAL, BB 2 f. 485 sq. (1499), BB 3 f. 16 (1500). Sur
ces problèmes, Le Bret, De la souveraineté du roi, Paris 1632.
58 A. Planche, «Du tournoi au théatre en Bourgogne. Le Pas de la Fontaine aux Pleurs à Châlon-sur-Saône, 1449-
1450», Le Moyen Âge, 1975 t. 81 p. 97-128.

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