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INTRODUCTION

« La vérité n’est pas le contraire du mensonge, trahir n’est pas le contraire de servir, haïr
n’est pas le contraire d’aimer, confiance n’est pas le contraire de méfiance, ni droiture de
fausseté »
Cette citation de JOHN NASH couvre le vaste champ de la négociation en lui donnant ses
bornes extrêmes ; d’un coté, l’approche humaine, comportementale, éthique, irrationnelle et
affective, de l’autre, l’approche mathématique, rationnelle, quantitative et théorique des jeux.
De tous temps, les managers ont été friands de techniques originales pour gérer et
développer leurs services ou leurs entreprises. Les japonais, à travers des méthodes de
type « KAMBAN » pour la gestion de stocks ou bien les groupes de qualité mais surtout les
Américains avec les approches de type « ANALYSE TRANSACTIONNELLE » « AT » ou
« PROGRAMMATION NEUROLINGUISTIQUE » « PNL » ont tenu le haut du pavé à
travers des ouvrages techniques et des séminaires.
La négociation n’échappe pas à ce phénomène de mode ; cela est dû, à notre avis, à
plusieurs facteurs :
 Les méthodes de management ont fortement évolué ; d’une organisation pyramidale
de type hiérarchique, les entreprises ont réorganisé leurs structures en écrasant les
échelons. Les organisations de type matriciel ont débouché naturellement sur le
management par projets ;
 Découlant de cette première raison, l’autonomie au niveau du service, et même de
l’individu devient un facteur clé de succès de l’entreprise ;
 La crise de ces vingt dernières années, ou plutôt la révolution culturelle, économique
et managériale, ont amené les dirigeants à douter d’eux-mêmes et ils recherchent de
nouvelles approches ; pourquoi ne pas privilégier la négociation ?
 Les nouvelles organisations donnent de l’autonomie aux individus, obligent les
responsables à négocier entre les services, dans les équipes de projets, avec les
partenaires sociaux et avec les clients. Il y a encore peu de temps, les relations entre
les partenaires internes et externes à l’entreprise étaient claires et les interlocuteurs
 privilégiés facilement identifiables. Il n’en est pas de même aujourd’hui.

I. TECHNIQUES LIEES AU MANIEMENT DE L’OBJET

Bien qu’elles aient toutes le même objectif, à savoir se servir des objets pour négocier, ces
techniques sont classifiables en trois grandes catégories :
 Les techniques majeures
 Les techniques secondaires
 Les techniques spécifiques

CLASSIFICATION DES TECHNIQUES LIEES A L’OBJET

Techniques majeures Techniques mineures Techniques spécifiques


 Point par point  Globalisation  Encerclement
 Donnant/donnant  Bilan  Petits pas
 Elargissement  Quatre marches
 Faux pivot

 Les techniques majeures sont, en général, les plus utilisées ; le négociateur servira
occasionnellement des techniques mineures, qui seront d’ailleurs « combinées » avec
(ou des) des techniques majeures.
 Les techniques spécifiques ne sont pas, à proprement parler, des techniques qui ne
manient que les objets, elles introduisent souvent des notions philosophiques et/ou
stratégiques, ou bien elles font appel à d’autres notions telles que la gestion du temps.

Suivant les auteurs, le nom des techniques diffère mais l’esprit reste le même ; à titre
d’exemple ; C. DUPONT donne point par point ou SALAMI , paquet ou donnant/donnant,
élargissement ou donnant/donnant additionnel , retournement ou faux pivot ou objectif-
leurre.
M. HAMON utilise les termes de jalonnement, salami, donnant/donnant, pivot factice,
globalisation et élargissement.

A. LES TECHNIQUES MAJEURES

1. LA TECHNIQUE DU POINT PAR POINT

a) EXPLICATIONS

Cette technique, appelée plus communément « SALAMI » par analogie à des


« tranches » que l’on coupe, consiste soit à découper la négociation par objets, c’est à dire
que l’on discute chaque objet les uns après les autres, soit à couper correctement un objet en
une suite de petits objets que l’on va négocier également point par point ; dans ce dernier cas,
on parlera de fragmentation de l’objet.
Autrement –dit le « point par point » consiste à traiter chaque point de la négociation
(chaque objet) séparément et successivement sans établir de lien entre eux ; ce qui peut être
par le deuxième principe du philosophe Descartes : « diviser chacune des difficultés que
j’examinerai en autant de parcelles qu’il serait requis pour les mieux résoudre ».
Cette technique est très utilisée dans la culture latine et plus particulièrement par les
français parce qu’elle correspond bien à leur culture très cartésienne et à leur éducation.
En effet, les études en France, qu’elles soient scientifiques, juridiques ou managériales, sont
basées sur le même principe : on prend un gros problème que l’on découpe en une suite de
petits problèmes que l’on règle les uns après les autres. Il en est ainsi de la comptabilité
analytique, de l’informatique, de la mécanique et de l’électronique par exemple.

b) FORMES EVOLUEES

La première consiste à mettre en avant les points de divergence entre les partenaires et
soutenir que la négociation ne pourra se dérouler que lorsque ce ou ces points seront réglés.
Un bon exemple en est donné par la négociation du GATT entre Européens et
Américains : « Les ministres ( de la CEE) ont surtout mis en avant leur réprobation commune
des sanctions appliquées par Washington contre les exportateurs européens d’acier (…). Il
serait inconcevable, avait indiqué ALAIN JUPE, de poursuivre des discussions sur les
réductions tarifaires au moment où les Etats-Unis mettent en œuvre des droits anti-dumping et
anti-subventions sur l’acier européen (…). Ces mesures sont inacceptables, non fondées et
risquent d’avoir un effet négatif pour ce qui est de la conclusion heureuse d’un accord
multilatéral sur l’acier ».

La deuxième consiste à faire exactement le contraire : le partenaire propose à son


partenaire de mettre de coté, dans un premier temps, les points très divergents et de parler que
des convergences et/ou des mini-divergences. Autrement-dit on règle d’abord les points qui
nous rapprochent et nous ne parlerons des divergences qu’à la fin.
Cette technique peut permettre, si elle est acceptée par l’autre, d’avancer très vite dans la
négociation, et de créer une synergie d’accord; dans ce cas, les derniers points qui
apparaissent comme « durs» au début de la négociation seront, en quelque sorte, gommés par
la coopération.
L’inconvénient est de régler tous les points sauf le plus dur que l’on garde pour la fin et,
arrivé à ce dernier point, ne pas se mettre d’accord ; l’enjeu étant très important, les
négociateurs auront un risque de blocage, l’ensemble des concessions possibles ayant été
faites sur les autres points.

c) OPPORTUNITES

Hormis le fait que, pour des raisons culturelles, on utilise en priorité cette technique, le «
point par point » peut néanmoins s’utiliser sans inconvénients majeurs dans différentes
situations :
-Si tous les objets sont de grande importance pour chacun des partenaires, autrement-dit
quand tous les objets sont de même importance et qu’ils ne sont pas nombreux ; dans ce
cas, quelle que soit la technique utilisée, le résultat dépendra plus des marges de manœuvre
(champ de la négociation ) que de la manière de négocier les objets.
-Si sur un ou sur l’ensemble des points, un des partenaires a un rapport de force très
favorable ; dans ce cas, le négociateur, s’il veut maximiser ses gains, aura intérêt à faire du
« point par point » et obtenir un maximum de concessions de la part de l’autre.
-Si un des partenaires veut « verrouiller » un point important avant d’aborder les autres ; si
ce point n’est pas accepté par l’autre, la négociation s’arrête.
-Si un négociateur est en situation de grande faiblisse, il peut avoir intérêt à se battre sur
tous les points quitte à accepter une rupture.

d) AVANTAGES/INCONVENIENTS

Cette technique, comme toutes les autres, a des avantages et des inconvénients :

AVANTAGES :

-C’est, et de loin , la technique la plus simple à utiliser ; elle permet de « découper » un


gros problème en une suite de petits problèmes plus faciles à régler.
-Elle permet de segmenter les problèmes par ordre d’importance et/ou de difficulté ; le
négociateur pourra donc essayer d’imposer un ordre de discussion, ordonnancer la séquence
des actions.
-Elle évite la dilution et/ou le dérapage de la négociation, le négociateur peut concentrer ses
forces sur les points les plus importants pour lui ; il peut ainsi mieux contrôler la négociation.
-Elle favorise le négociateur en situation de force, ce qui lui permet ainsi de maximiser ses
gains ; mais elle permet aussi à celui en situation de faiblesse d’« user » l’autre et de jouer le
« tout ou rien ».
-Elle est utilisable aussi bien en attaque qu’en défense ; elle permet d’ouvrir des brèches où
le négociateur pourra marquer des points là où il se sent plus fort.
-Elle permet l’utilisation de tactiques de nature très différente en fonction de chaque point.
-Elle peut permettre à l’autre de concéder sur un certain nombre de points mineurs mais
dont la somme des gains sera très importante.
-Elle permet d’obtenir une issue sélective pouvant aboutir à un compromis limité.
INCONENIENTS :

-Elle a tendance à durcir la négociation, ce qui peut conduire à des blocages, voire à la
rupture.
-Les résultats sont souvent médiocres, les intérêts communs faibles pour ne pas dire nuls.
-Elle ne permet pas de faire des ouvertures, elle empêche la créativité et l’innovation.
-Elle induit par nature, un climat de type conflictuel.
-Elle consomme, beaucoup de temps et d’énergie.
-Elle aboutit souvent à une succession de compromis dont la somme peut être
insatisfaisante, voire sous-efficiente.
-Dans les négociations internationales, il y a risque du choc avec des cultures qui sont non
logiques et de déduction de type extrême oriental.

e) PARADES

Bien évidemment, en cas de rapport de force relativement équilibré, la première parade sera
de négocier également en « point par point » ; mais si le négociateur veut pallier les
inconvénients de cette méthode, il pourra alors utiliser éventuellement les méthodes
suivantes :
-Faire ressentir constamment à l’autre que leur intérêt commun est de lier les objets pour en
tirer un plus grand profit ; l’amener à négocier en « donnant/donnant » ;
-Argumenter sur la nécessité de s’entendre rapidement et globalement sur une solution
d’ensemble ; l’amener à négocier la globalisation ;
-User la partie adverse sur les premiers points en discussion ; brouiller la discussion en les
liant à un autre point ;
-Si cela est possible, mettre en évidence les risques de blocages et même de rupture ;
argumenter sur le coté néfaste des scénarios-catastrophes ;
-Essayer d’introduire du conditionnel sur chaque point ; c’est à dire refuser le sous-accord
définitif et amener la décision finale en global ;
-Faire appel à de nombreuses tactiques pour faire dévier le scénario du « point par point » ;
tactiques soit de type « menace », soit de type « coopératif », « émotionnel » et/ou
d’utilisation du temps.

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