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F. Fréry
Chiffre d’affaires d’Alibaba 6,7 20,0 52,5 76,2 101,1 158,3 250,3 376,9
PIB chinois 40 400 53 400 63 600 66 800 74 400 82 700 90 000 n.d.
Marché chinois du commerce en ligne 500 1 300 2 800 3 900 5 200 7 200 9 000 n.d.
Pourcentage d’internautes en Chine 34,3 % 42,3 % 43,3 % 51,3 % 52,2 % 52,8 % 61 % n.d.
Sources : iResearchChina.com ; InternetLiveStats.com ; Statista.com ; alibabagroup.com (exercices clos au 31 mars). Taux de change
indicatif : 1 yuan = 0,13 euro.
D’ailleurs, en toute rigueur, les investisseurs étrangers ne détenaient pas directement des actions
du groupe Alibaba. Ils étaient actionnaires d’une société-écran, une entité à intérêt variable (EIV), à
laquelle Alibaba reversait ses profits. Les entreprises chinoises cotées à l’extérieur du pays utilisaient
fréquemment ces EIV pour contourner les strictes restrictions qu’imposait le gouvernement sur
l’actionnariat étranger. Pour autant, le gouvernement pouvait mettre fin à ces pratiques à n’importe
quel moment, et les possibilités de recours des actionnaires étrangers vis-à-vis des dirigeants
chinois étaient très limitées. Ironiquement, la controverse la plus célèbre à propos d’une EIV avait
impliqué Jack Ma, lorsqu’il avait séparé Alipay du reste du groupe sans l’approbation de son conseil
d’administration. Il avait affirmé que de nouvelles règles officielles l’avaient obligé à prendre cette
décision. Yahoo! n’avait appris l’opération qu’au bout de cinq semaines, alors qu’un appel à
nouveaux investisseurs avait valorisé Alipay à près de 50 milliards de dollars.
Jack Ma entretenait un important réseau de relations en Chine et à l’étranger. Dès le départ, il
s’était rapproché d’un groupe d’hommes d’affaires surnommé le « gang de Zhejiang », du nom de la
province dont Hangzhou, la ville natale de Jack Ma, était la capitale. Parmi les membres de ce
groupe, on comptait certains des entrepreneurs les plus fameux de Chine, dont Guo Guangchang
(de Fosun, le conglomérat qui possédait notamment le Club Med, Thomas Cook et le Cirque du
Soleil), Shen Guojun (de China Yintai Holdings, un géant de l’immobilier) et Shi Yuzhu (de
l’entreprise de jeux vidéo en ligne Giant Interactive).
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membre du Politburo et directeur d’une grande banque d’Etat, et Jeffrey Zang, fils d’un ancien vice
premier ministre et directeur du fonds souverain chinois, Citic Capital.
Pour autant, les vastes réformes politiques et économiques imposées par le président Xi Jinping
pouvaient menacer la position d’Alibaba. En 2015, le frère aîné de He Jinlei avait été arrêté pour
corruption. Parallèlement, le ministère chinois du Commerce et de l’Industrie avait publié une
enquête concernant la vente de produits contrefaits sur le site Taobao, ce qui avait fait chuter
l’action Alibaba de 10 %. À propos de ses relations avec le gouvernement, Jack Ma déclarait : « Au
cours des deux dernières années, j’ai été un personnage très controversé, et depuis peu les conflits
ne font qu’empirer […] Moi aussi j’ai été perplexe, et parfois lésé : comment les choses ont-elles
évolué ainsi ? » Quoiqu’il en soit, il avait promis de nettoyer le site. En 2018, dans ce qui pouvait
passer pour une réprimande, les médias officiels révélèrent que Jack Ma était depuis longtemps un
membre du parti communiste chinois, mais que cette information avait été tenue confidentielle.
Les réformes du président Xi Jinping étaient notamment une réponse à l’évolution du contexte
économique en Chine. Après trois décennies de croissance à deux chiffres, le taux de croissance
annuel était descendu à environ 7 %, ce qui restait tout à fait enviable par rapport au reste du
monde (voir tableau 1). De plus, face à la montée des préoccupations écologiques parmi la
population chinoise, le président avait décidé de limiter l’expansion des industries les plus
polluantes, comme le ciment, le charbon ou l’acier. Dans le même temps, le gouvernement chinois
encourageait le commerce en ligne, présenté comme un moteur de croissance future. Pour autant,
certaines évolutions étaient inquiétantes. Emportées par l’optimisme de la croissance, beaucoup
d’entreprises et de collectivités locales s’étaient lourdement endettées et la situation de certaines
institutions financières était alarmante, au point que la possibilité d’une crise bancaire était évoquée.
Il semblait peu probable que la croissance chinoise redémarre un jour, du fait d’une population
vieillissante et de l’épuisement du réservoir de main-d’œuvre bon marché que constituaient les
jeunes venus des campagnes. La population active chinoise se réduisait désormais au rythme
d’environ 3 millions d’individus par an. Même si le gouvernement avait assoupli la politique de
l’enfant unique à partir de 2013, les couples hésitaient à avoir plus d’enfants, du fait du coût du
logement et de l’éducation dans les principaux centres urbains. On prévoyait ainsi que, au début des
années 2030, environ un quart de la population chinoise serait âgé de plus de 65 ans (contre
seulement 17 % au Royaume-Uni par exemple). Le ralentissement de la croissance économique
entraînait un recul de la croissance du commerce en ligne (voir tableau 1).
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Reste que la santé d’Alibaba était excellente : pour son exercice clos au 31 mars 2019, son chiffre
d’affaires avait progressé de 51 % par rapport à 2018. Son introduction à la Bourse de Hong Kong
en novembre 2019 – cinq ans après celle de New York – avait été la plus réussie de l’année, avec
une levée de plus de 15 milliards de dollars.
De plus, dans un contexte de ralentissement de la croissance chinoise et d’intensification de la
concurrence locale, la stratégie d’internationalisation d’Alibaba semblait pertinente. Sa filiale
AliExpress était désormais numéro 1 en Russie et numéro 3 au Brésil, où les clients locaux étaient
ravis d’avoir accès aux produits chinois à bon marché. Cependant, l’internationalisation d’Alibaba se
heurtait à une forte résistance sur le deuxième marché mondial pour le commerce en ligne, les
États-Unis, où le président Donald Trump avait fait du protectionnisme le fer de lance de sa politique
économique. Dès janvier 2017, Jack Ma avait rencontré Donald Trump à New York et avait promis
que les investissements d’Alibaba permettraient de créer 1 million de nouveaux emplois aux États-
Unis, avec notamment la construction de deux grands centres de calcul. Cependant, les États-Unis
étaient le marché domestique d’Amazon, de Microsoft et de Google, qui étaient des acteurs majeurs
de l’informatique dématérialisée. La politique nationaliste de Donald Trump se traduisit par
l’interdiction de certaines technologies chinoises et par la menace de droits de douanes accrus.
Fin 2018, Alibaba annonça le retrait progressif de son activité d’informatique dématérialisée aux
États-Unis. Pour le crocodile du Yang-Tsé, attaquer les requins dans leur propre océan avait peut-
être été quelque peu présomptueux.
Sources : Capital, 12 novembre 2019 ; Fortune, 26 novembre 2019 ; Wall Street Journal, 4 décembre 2018 ;
China Daily, 8 et 13 mai 2015 ; eMarketer, 23 décembre 2014 ; Financial Times, 14 septembre 2018, 16 juin et
9 septembre 2014 ; South China Morning Post, 12 février 2015 ; Washington Post, 23 novembre 2014.
Questions
1. Effectuez une analyse PESTEL de l’environnement d’Alibaba. En vous inspirant de
l’illustration 2.1, soulignez les menaces et les opportunités.
2. En vous inspirant de la section 2.2.3 et de la figure 2.5, construisez un sociogramme du réseau
d’Alibaba. Expliquez en quoi ce réseau peut être utile.
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