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Voyage en Morée, à

Constantinople, en Albanie et
dans plusieurs autres parties
de l'Empire ottoman pendant
les années [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Pouqueville, François-Charles-Hugues-Laurent (1770-1838).
Auteur du texte. Voyage en Morée, à Constantinople, en Albanie
et dans plusieurs autres parties de l'Empire ottoman pendant les
années 1798, 1799, 1800 et 1801. [Tome 3] / , par F.-C.-H.-L.
Pouqueville,.... 1805.

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VOYAGE
EN MORÉE,
A CONSTANTINOPLE~
ET EN ALBANIE.

TOME TROISIÈME.
DE L'IMPRIMERIE DE MARCHAND
VOYAGE
EN MORÉE,
A CONSTANTINOPLE,
ENALBANIE.
ET DANS PLUSIEURS AUTRES PARTIES

DE L'EMPIRE OTHOMAN~
FONDANT LES ANNEES 1~98, ï*:99j iSooET jtSoï.
ComptenaMla desenptton de ces pays, leurs productions,les mceur!,
les usages, les maladieset le commerce <[e leu.s habitans, avec des
rapproehemens entre l'état aetneide'aGfèce., etce~n'~Ucfat<[ans
l'antiquité.

PAR F. C H. L. POUQUEVILLE,
1

DOCTEUR EN MÉDECINE, MEMBRE DE LA COMMISSION DES SCÏEM3ES


ET DES ARTS D'EGYPTE ~CtC*

Oo~KtCït enrichi ~*an Prccit historique et gco~rapÏuqte icr l'ano~tne Ep!fe, ft de Cartes
dt<* Met par M. 8x~1~ BB Boctc.K~ GeogMphe dft Tt<~aU<m~ E~~enenrM aeeoiBpaga~ de
Pit:eM JutttScadvM et arme de TTgcrM et <Ïe Y"e mc~weSM.

DÉDIÉ A S. M. L'EMPEREUR.

A PARIS,
<:mz UAMX ET CONP'\UBM!RES. PLACE DE I.'ËCM.E DE MËDECtKt:

M.DCCC.T.
DESCMPTÎON
ET HISTOIRE ABRÉGÉE

DF TP'FPTRF
JL~JLj iUjL~I.J~A<ULj~

PAR M. BARBIÉ DU BOCA&E,t

GÉOGRAPHE DU MINISTERE DES RELATION~


EXTÉRIEURES.

L'ipiRE fut ainsi appelée du mot Grec


tfnEYpos, qui signine coy~~e~et ce nom
lui fut donné par les Grecs des iles de
Corfou Sainte-Maure, Céphalonie et
Ithaque, par opposition avec les pays
qu'ils habitaient.
Cette contrée était située au cou-
chant de la Thessalie et de la Macédoi-
ne~ au midi de l'Illyrie, et au nord de
l'Acarnanie et de l'Etolie. Elle s~éten-
dait sur le bord de la mer depuis les
monts Acrocérauniens, pendant un
espace de quarante-cinq lieues jus-
qu'au golfe d'Ambracie, aujourd'hui
d'Arta~ et sa profondeur était d'envi-
ron vingt- cinq lieues depuis le cap
<~M7M'rH~ jusqu'à la montagne du
Pinde, qui la séparait de la Thessalie.
Cette province était formée par une
crête de montagne qui se détachant
duPinde vers les eaux, au nord et au
sud~ et approchant de la mer vers
le cap Chimerium, se divise en deux
branches, l'une qui va former au nord
les monts Acrocérauniens, et Fautre
au sud qui se termine dans la Casso-
pie. On voit par conséquent que ce
pays est .très-élève, aussi la tempéra-
ture en était-elle très-.froide,; on. y
trouvait beaucoup de lacs encaissés
dans les montagnes c'était un pays
âpre et rude qui offrait très peu de
plaines.
Ce pays néanmoins fournissait d'ex-
ceUens pâturages pour les bœufs et
pour les chevaux, et les chiens mo-
losses qui en venaient étaient très-
estimés pour la chasse. Les monta-
gnes étaient couvertes de forêts de
chênes aussi antiques que le monde~
et quelques petites plaines sur le bord
de la mer produisaient du blé. Sa
principale montagne était le mont
~<Mc?Mo~ d'où sortent l'Aous et Finac-
chus. A celui-ci se rattache Je mont
Tby~M~M~ y qui couvrait la ville de Dp"
done vers le nord et qui va se per-
dre dans les monts Acrocérauniens et
dans ceux de laCassopie, en donnant
naissance à quantité de rivières, com-
me le Cc~~M~, la T~~MM, r~e~-
ron F~o~, et autres. Le Neuve
~c~~oM~ qui était le plus grand de
la Grèce, descendait du Pinde. Les
côtes de ce pays étaient en générai
très-poissonneuses.
Les habitans de FÉpire n'avaient
pas un caractère moins âpre et moins
sauvageque leurs montagnes; c'étaient
e
des gens robustes et faits à la fatigue.
Les Grecs les connurent de bonne
heure; mais ils eurent peu de com-
merce avec eux, parce qu'eux-mêmes
quittèrent bientôt ce pays pour se ré-
pandre dans les plaines de la Thessa"
lie, et de là dans la Grèce. Les Epi"
rotes étaient braves et bons soldats, et
ils se divisaient en quatorze peuplades
différentes, dont quelques unes domi-
nèrent tour à tour sur les autres.
D'abord, au nord, le long de la mer,
et dans les monts ~crocér~M~ au-
jourd'hui de la Chimère, étaient les
Chaones, qui se nourrissaient deglands,
et habitaient par bourgades. Ils se réu-
nirent ensuite dans quelques villes
telles qu'Orium C~MMcr~ jP~o~ce,
et c'était dans leur pays qu'était la
rade de ~a/cs~e, où aborda Jules Cé-
~ar, avec toutes ses troupes, en pour-
suivant Pompée.
A l'orient des Chaones étaient les
~M~~<M qui habitaient la vallée du
Celydnus, et qui du temps des Ro~
mains, eurent plusieurs grandes villes
telles qu'~M~ ~CM~ofMj,11
et d'autres. Encore à l'orient de ceux"
ci se trouvaient les JP~r<M~e~ qui oc-
cupaient la vallée qui est à la source
de l'Aous et qui n'avaient que des
bourgades c'était un peuple sauvage
et pauvre. On pourrait en dire à peu
près autant des Or~o? et des F~?~°
phaliens qui étaient à l'orient, et qui
quoique d'origine Epirote étaient tous
deux censés de la Macédoine. Tous
ces pays étaient couverts de bois, et
il était diffiçile d'y pénétrer.
Au midi des Chaones, sur le bord
de la mer se trouvaient les 2%<M~o~~
qui étaient les plus policés des Epi-
rotes, et qui pendant quelque temps SI
eurent un roi particulier. Ces peuples
habitaient les villes de jBM~ro~M?~
9
d'J5/?A~r~, appelée depuis C<c~?*M~,
et de G~NH~. C'était dans leur pays
qu'on trouvait le Coc~c et l'~cÂ~o~
Au midi de ce pays était la ~M.M~,p
qui n'était, à proprement dire, qu'un
démembrement de la Thesprotie, et qui
répond assez bien à ce que l'on appelle
le pays de Souli. Il y avait plusieurs
petites villes dans ce canton qui
avaient été jfbndées par les Eléens
telles que ~?Mc~~ ~Z~ Pandosie.
y

La ville de ~Ïcc~o~ fut bâtie par Au-


guste, sur le territoire des Cassopéens.
A l'orient des Thesprotes étaient les
~<~o~<M qm habitaient aux environs
de Dodon~ peuple belliqueux, et qui
se rendit le maître de la contrée. H
était gouverné par un roi qui devint
puissante et de la tige duquel sortit
Pyrrhus, qui lit trembler les Romains.
Ses principales villes étaient .P<M.M~o,
capitale des états de Pyrrhus et Do-
done où se rendaient les oracles de
Jupiter. Quelques auteurs placent Do-
done dans 1~ ThesproHe, mais il y a
tout lieu de croire qu'elle était dans la
Molossïe. C'est là qu'étaient ces J~-
meux chênes qui prédisaient l'avenir,
et que l'on venait consulter de fort
loin. Le prestige consistait dans des
vases d'airain qui étaient suspendus
aux branches de ces arbres, et qui,9
étant mus par le vent, rendaient un
son que l'on prenait pour. des oracles.
II y avait des prêtres et une prêtresse
attachés au temple de Jupiter, à, Do°
done et ce temple~ au rapport des
Grecs avait été bâti par Deucalion
et Pyrrha. Cet oracle fut tïés-Bréquenté
dans les anciens temps $ mais dès que
celui d'Apollon à Delphes se fut éta-
bli, on ne vint plus le consulter qae
de loin en loin, et enfin il perdit tout
son crédit. Cette ville de J9<M~e de-
vait. être à peu près à l'endroit où se
trouve aujourd'hui le viUagede-P~-
~o~M~ près lanina.
à
Les .P~~c~ étaient l'orient des
Molosses dans les montagnes. Ils ha-
bitaient des bourgades ? et épient près
des sources des rivières. Encore à i'o-
rient de ceux-ci, étaient les
nes qui habitaient une belle vallée ar-
rosée par FAchéIoûs~ et qui avaient
plusieurs villes. Leur pays n'avait été
autrefois qu'un lac mais l'AchéIoùs
ayant percé la digue qui retenait ses
eaux leur offrit un terrain gras qui
donnait de bons pâturages, et était
propre à la culture. Ces peuples étaient
gouvernés par un roi qui, lorsque les
Romains entrèrent dans la Grèce, était
assez puissant, et ils avaientcinq villes,
~gT~t~, y~~Mp~7ï~, 2%em~ y .N~-
raclée et T~~Mjo~, dont la première
était leur capitale.
Les Athamanes étaient séparés de
la Thessalie par le mont i~M~ mais
à Forient de cette montagne, et dans
la Thessalie même, on trouvait encore

.~E~M~

1'
un peuple Epirote que l'on appelait
et qui habitait vers les
sources du Pénée. Au midi des Atha"
mânes était contrée cou"
verte de bois et, a l'ouest decelle-~
le pays des Amphilochiens, dans le-
quel étaient plusieurs villes grecques t
et entr'autres Argos, ~y~o~~ocAMMM
qui devait sa fondation à Amphilochus,
fils d'Amphioraûs. A l'ouest d'Argos,
était Ambracie grande ville qui avait
été augmentée par les Corinthiens, et
qui fut une des principales du royau-
me de Pyrrhus.
Après avoir donné la description
succincte de ce pays, nous allons en-
trer dans quelques détails sur les prin-
ces qui Font gouverné, jusqu'aux Ro-
mains.
La première partie de FEpire qui
fut connue des Grecs fut la partie
orientale, parce que ce fut par là qu'ils
arrivèrent dans cette contrée. Les plus
anciens habitans de ce pays,: suivant
eux, étaient Deucalion et J~?'
s'y étaient réfugiés en fuyant le dé-
qui

luge qui porte leur nom. Ils y fondè-


rent le temple'de Jupiter à Dodone,y
où était le plus ancien oracle de la
Grèce. Après Deucalion et Pyrrha
Thesprotus, fils de Lycaon qui régnait
en Arcadie, vint en Epire où il Amda
un royaume, et donna son nom aux
Thesprotes. A Thesprotus succéda son
ms ~z~acM~, qui donna, à son tour,
son nom aux Ambraciotes, et qui bâ-
tit la ville d'Ambracie. Depuis, les
Corinthiens amenèrent une colonie
dans cette ville, et alors elle devint
ville grecque.
A Ambracus succéda J~?~TM~, son
J61s, qui bâtit et donna son nom à la
ville d'Ephyra en Thesprotie. Ce fut
du temps de ce prince que Thésée et
Pirithoüs firent leur expédition en
Epire. « Ils étaient venus, dit Plutar-
» que, dans l'intention d'enlever la
» JSUe du roi et à cet effet ils se
~mirent au rang de ceux qui pré-
tendaient à la main de cette prin~
cesse. Le roi indiqua des jeux, dont
le vainqueur devait épouser sa nlle
? mais au lieu, de s'y trouver~ Piri"
» thoûs prit ce temps-là pour enlever
» la princesse, ce qui mit le roi si fort
en colère qu'il livra Pirithoüs à
son chien Cerbère, qui le mit en piè-
» ces. Pour Thésée il le retint dans
les fers jusque ce qu'Hercule vint
» obtenir sa délivrance. On prétend
même qu'Hercule se fit si bien venir
à la cour du roi d'Epire, qu'il eut un
fils de la princesse.
Les descendans d'Hercule régnaient
apparemment dans cette contrée lors
du siège de Troie car après la ruinè
de cette ville, lorsque J'V<eo~o~Me ou
jP~rr~M~, fils d'Achille, vint s'établir
en Epire, il enleva de Dodone, La-
nassa, arrière petite HHe d'Hercule,
dont il eut plusieurs encans, mais qui
ne régnèrent point après lui. En re-
venant de Troie yil avait épousé An-
dromaque, veuve d'Hector dont il eut
trois fils Molossus Pictus et Per-
gamus. Les deux premiers lui suc-
cédèrent, et le troisième alla fon-
der la ville de Pergame en Mysiè.
Cependant tous ses encans étant en
bas-âge lorsque NeoptolémeJEut tué
y
dans le temple de Delphes à la sol-
licitation d'Hermione, les uns disent
par un prêtre les autres par Oreste
lui-même Hélénus un des fils de
Priam, qu'il avait emmené avec lui
prit les rênes de l'empire, et gouverna
la nouvelle colonie. Il fonda la ville de
Buthrotum et ce fut là qu'il reçut le
fugitif Enée qui fut ravi de voir un
Troyen dominer sur ses vainqueurs.
Hélénus épousa à son tour Androma"
que, veuve d'Hector et de Pyrrhus y
et il en eut un fils qu'il envoya régner
dans un canton particulier de FEpire.
Pour lui content d'avoir conservé
l'empire aux fils de Pyrrhus, il leur
rendit le sceptre en mourant et .Mo-
~o.MM~ l'aine d'entr'eux qui était
de~à grand, régna après lui, et donna
son nom aux Molosses. Molossus ap-
paremment mourut jeune et sans en-
fant car il laissa le royaume à son frère
Pictus et l'on ne connait aucune des
actions particulières de ces princes.
Mais, quatorze générations après
Pictns ) on trouve 2%a~M~ ou ?~z<
ryps descendant de Pyrrhus, fils d'A-
chille, et qui régnait sur les Molosses
et sur les Atintanes. Ce prince était
parvenu jeune à l'empire, car il avait
un tuteur et ses états n'étaient pas
très-étendus car ses voisins, les Pa-
ravéens ctlesOrestes, avaient chacun
leur prince particulier; et à cette
époque, les Chaones et les Thesprotes
se gouvernaient aristocratiquement.
A Tharyps succeda son fils ~c~M
et sous le régne de celui-ci .Jasonp
tyran de Pheres en Thessalie Et une
expédition en Epire. Ce prince eut
deux fils Aribbas et Neoptoléme
qui ne s'accordant point entr'eux, 11

divisèrent en deux parties le royaume


de leur père. Cependant Aribbas ne
tarda pas à envahir la part de son frère,
et il le chassa de ses états. Cet Aribbas
était très-puissant, et il régna pendant
dix ans. Il avait eu d'une ~emme nom-
mée Tro~a~ deux enfans, Alcétas et
j&Eacidas. Celui-ci était d'un caractère
doux, mais rainé Alcétas était d'une
humeur si violente et si emportée que
son père ne pouvait le souffrir et crut
~devoir l'éloigner du trône en consé-
quence à
sa mort il nomma AEaci-
das~pour lui succéder.
Mais Neoptolême son frère qu'il
avait chassé de ses états, s'était lié
avec les Macédoniens. Il avait égale-
ment eu deux encans, une fille nom-
mée Olympias qui fut mariée à Phi"
lippe, roi de Macédoine, et qui devint
mère d'Alexandre-Ie-Grand et un j61s
nommé Alexandre. Neoptoléme n'exis"
tant plus, Alexandre, son HIs saisit
l'occasion de la mort de son oncle pour
entrer en Ëpire et avec le secours de
Philippe, son beau-frère, il s'empara
du trône des Molosses. Ce prince avait
alors vingt ans et il épousa Cléopàtre,
sa nièce fille de Philippe dont il ne
parait pas qu'il ait eu d'enfant. Il fit
la guerre aux Illyriens avec quelque
succès mais sur la foi d'un oracle qui
lui disait de se garder de la ville de
Pandosie et du neuve Achéron il
chercha à s'éloigner de son pays et
porta la guerre en Italie où il se noya
dans l'Achéron, près la ville de Pan-
dosie. Lorsqu'il apprit les conquêtes
de son neveu Alexandre-Ie-Grand, il
en conçut quelque jalousie et l'on
sait boniment il cherchait à en dimi-~

neveu ?~<ZMM~ trouvé dans ~e/


nuer l'importance il disait que son
que des femmes, et que &<~ en ~ï&e
p
avait re~co~~ <~ Ao~7~e~.
A sa mort AEacidas, deuxième fils
d'Aribbas, que celui-ci avait désigné
pour lui succéder~ revint en Epire)
et il monta sur le trône des Molosses.
Il s'était raccommodé avec la famille
de Philippe, et il fit long-temps la
guerre à Cassander qui s'était emparé
de la Macédoine; mais, malgré son
caractère doux, ayant donné quelque
mécontentement à ses sujets, les Mo.
losses se révoltèrent contre lui, et ils
le massacrèrent, lui et presque toute
sa famille. Ce prince avait épousé
Phéhia, Elle de Menonle Thessalien,
dont il eut deux filles et un' fils qui
J~ut depuis le grand Pyrrhus. Lorsque
AEacidas fut massacré Pyrrhus était
encore au berceau et on le préserva
des malheurs de sa famille, en le trans-
portant chez Glaucias roi d'Illyrie y
qui le fit élever.
Les Molosses, après avoir tué .AEa-
cidas, appelèrent au trône cet ~ec-
tas premier ,61s d'Aribbas que son
père en avait écarté à cause de son
humeur violente. Celui-ci fit la guerre
à Cassander, roi de Macédoine et il
eut beaucoup à en souffrir, parce que
ce- prince envoya une armée jusque
dans le cœur de ses états. Il fut obligé
de faire la paix mais ensuite gou-
vernant ses sujets avec beaucoup de
cruauté, ceux-ci se révoltèrent contre
lui, et le massacrèrent, lui et ses
enfans.
Après toutes ces scènes sanglantes,
peu de princesétaient disposés à pren-
dre le sceptre deFEpire, et Glaucias
profita de cette circonstance pour ré-
tablir le jeune Pyrrhus sur le trône
de ses pères. Ce prince avait alors
onze à douze ans', et les Epirotes le
reçurent moitié de ~brce, moitié de
bon gré enfin il fut convenu qu'on
lui donnerait des tuteurs que nomme-
rait la nation, jusqu'à ce qu'il fût par-
venu à un âge plus avancé. Il Rit e
pendant ce temps, comme prisonnier
en Epire et il maria sa sœur Deida-
mie, qui avait été sauvée comme lui,
à Démétrius Polycrate mais à Fàs~e
de dix-sept ans, ayant cru pouvoir
laire u~i voyage en Illyrie, les Mo-
losses pillèrent, pendant ce temps-là~
tous ses biens et mirent à leur tête
un nommé J~o~o~Mc.
Pyrrhus ainsi privé de ses états,
se retira auprès de son beau-~rére. Il
assista avec lui à la bataille d'Ipsus
où Farinée d'Antigone~futvaincue ce
prince même fut. tué. Pyrrhus, après
avoir fait des actions d'éclat ~t don-
né. en étage à Pto~émée alors roi d~E-
gypte dont il se Ht si bien venir qu'il
épousa Antigone fille de Bérénice
J~mme du roi et qu'elle avait eue d'un
premier mari. Cette alliance lui pro-
cuim d'abord une flotte et de l'argent,
avec lesquels il rentra dans ses états
qu'il partagea d'abord avec Neopto"
lême qui s'en était emparé mais bien-
tôt après il se défit de cet usurpateur.
Il fit la guerre aux enfans de Cassan-
der qui voulaient se partager la Ma-
cédoine, et se fit céder plusieurs pro-
vinces de cette contrée. Il parvint
même à se &ire déclarer roi de Macé-
doine, conjointementavec Lysimaque
Biais il ne garda pasce titre long-temps,
car il en fut dépouillé au bout de sep~
mois.
Rentré en Epire, il songea à se dé-
dommager sur l'Italie. Les Tarentins
lui en fournirent l'occasion en l'ap-
pelant à leur secours. Il vainquit plu.
sieurs fois les Romains, s'avança pres-
que jusqu'aux portes de Rome mai§
ensuite étant allé en Sicile combattre~
les Carthaginois, il y perdit une par*
tie de son armée et, à son retour en
Italie, ayant été battu par les Romains
près de Bénévent, il se retira précipi'
tamment en Epire. De là il Ht des
courses dans la Macédoine y et étant
passé dans le Péloponése pour faire
la guerre aux Lacédémoniens, il se vit
obligé de mettre le. siège devant Argos.
Un traitre lui livra cette ville mais au
moment où y entrait il fut tué par
une tuile qu'une femme lui lança du
haut d'une maison.
Ce prince avait de grandes qualités~
mêlées à de grands défauts. Il était vif
intrépide dans le danger reconnais-
sant à l'égard de ceux qui lui avaient
yendu quelques services mais en
même temps, il était inquiet, remuant,
'et ne pouvait jamais rester en repos. Il
~ut un des plus grands capitaines de
l'antiquité. Personne ne savait mieux
que lui prendre ses postes, ranger son
armée, et gagner'le cœur de ses sol-
dats. Aussi Annibal lui assignait il p
parmi les grands généraux, la seconde
place, immédiatement après Alexan-
dre-le-Grand. On connait la. réponse
que lui lit Cinéas son ami et son con~
Ëdent lorsqu'il lui proposait un jour
de se réjouirensemble et de &ire bonne
chère, après la conquête deTunivers:
JET~ qui ~OM~ ~y~~c~e~ lui dit-il, de
le faire ~ày ~r~6~?
Après Pyrrhu~s-lë-Grand son nls,
qui est appelé jH~ par quelques
auteurs, et ~/e~c par d'autres
9
lui succéda. Après celui-ci régna ~o<
~M~ son nls et ,ensuite un autre
Pyrrhus, auquel succéda Deidamie, sa
nlle. Après le règne de cette princesse,
les Epirotes, las d'être gouvernés par
des rois, se constituèrent en dif~rentes
républiques. Ils n'en furent pas plus
heureux car ils furent souvent sou-
mis aux rois de Macédoine jusqu'à
ce que le proconsul Paul Emile ayant
vaincu Persée, livrât FEpire au pil-
lage y détruisit dit-on y soixante-dix
villes, et en emmenât cent cinquante
mille prisonniers. Dans la suite, ce
pays devint une des provinces de l'Em-
pire romain.
VOYAGE
EN MORÉE,
A CONSTANTINOPLE~
ET EN ALBANIE.

DE L'ALBANIE.

CHAPITRE PREMIER.

BXFOSÏTION.–AVENTURES DE MM. POITEVIN'CHAR<


BONNEL ET BESSIÈRES DEVANT CORFOU. SIEGE
DE CETTE VILLE. ÏDEE DE L'A&NÛÉEDES ALLIES.
DÉPART DU CORSAIRE BARBARESQUE POOjH BU-
TRINTO.
A
~.PRES avoir rendu compte de ce qui m'était
personnel, ainsi qu'à quelques uns des Français
pris ou détenus avec moi, enfin après avoir
exposé rensemMe de mes observations et des
faits que j'ai recueillis jusque mon retour en
France, je passe à la relation d*événemens qui
concernent des officiers aussi recommandables
par leurs talens militaires que par leur valeur,
et cette partie de mon Ouvrage jointe à la nou-
veauté du sujet qu'elle embrasse, ne sera pas la
moins intéressante j'ose même me flatter qu'elle
est absolument neuve, sous la majeure partie des
rapports.
Enveloppé dans un malheur commun avec ces
officiers, quelques uns m'ont coniié le soin de
publier les notes qu'ils ont recueillies sur les
lieux et tous ont applaudi mon entreprise, en
m'encourageantpar leurs suffrages. Si leurs mo-
mens, consacrés dans les camps ou dans des
fonctions importantes, ne les avaient privés du
temps nécessaire pour écrire, cet honneur, sans
doute, ne mourait pas été réservé, et le lec-
teur eût gagné aux couleurs originales des ta-
bleaux qu'ils se proposaient de mettre sous ses
yeux.
Je t&cheraipourtantd'en conserver le ton, eti'on
verra,dans cette relation, l'aspectd'un pays placé
aux portesd€l'Europe,etinconnujusqu'à présent,
ou sur lequel on n'a publié que des choses vagues
et mensongères. On n'admirera pas moins, dans
les circoustances où se trouvèrent les prisonniers
dont je TtubHe les aventures, ce que peuvent le
courage, l'influence du moral dans des circons-
tances pénibles où ils se trouvèrent placés; ce que
peut l'esprit d'observation; et, enfin, on ne sera
pas moins ilatté de l'harmonie et de l'amitié qui
subsistèrent constamment entre des hommes ac~
câblés de malheurs,.
MM. Poitevin, Charbonnel et Bessières étaient,
comme on l'a vu par les événemens dont j'ai
rendu compte, restés au pouvoir du corsaire
barbaresque qui se trouvait mouillé dans le
canal de Corfou. N'ayant point vu reparaître
MM. Beauvais et Gérard, que ce pirate avaitlivrés
à Cadir bey, commandant des forces navales
turques, et s'imaginant qu'ils étaient moins mal~
heureux, ils demandèrent à être conduits vers
ce chef; mais, à cette réclamation,Orouchs entra
en fureur, et après les avoir précipités dans le
fond de son vaisseau, il les nt charger de fers.
Craignant de se voir enlever des prisonniers sur
lesquels son avidité spéculait, et pour les faire
oublier en les dérobant aux regards, il les tint
enchaînés à la sentine. C'était près de cet
égou!~ que des hommes qui auraient bravé mille
morts étaient abreuvés d'humiliations et aceu~
saient le ciel de leurs souSrances Qu'on se
représente en effet l'horreur de leur situation
en sachant qu'ils étaient réduits à un verre
d'eau fétide et à un morceau de biscuit rempli
de vers, que la nécessité les contraignait de
prendre, pour soutenir les restes d'une vie lao-
guissante.
Pour comble de misères, Us étaient accablés
d'Injures les gens de l'équipage ne leur parlaient
que l'insulte à la bouche et le poignard à la
main, comme à des esclaves chez lesquels on
veut éteindre tout sentiment de dignité. Un re-
gard, le moindre signe d'Impatience un seul
mouvement, l'action la plus insignifiante en elle-
même, étaient punis par de mauvais traite-
mens. La plainte était un crime. et M. Cbar-
bonnel fut sur le point d'être égorgé, parce qu'en
se servant d'un canif qu'il avait caché, il s'était
fait une corde pour soutenir, autourde ses reins,
le poids d'une chaîne qui le fatiguait et lui meur-
trissait la jambe. Était ce raffinement de
barbarie ? Etait-ce stupidité ou crainte ? car des
misérablescapables de telles actions, sont suscep-
tibles des sentimens les plus vils, et des idées les
plus ridicules. Les lâches sont par-toutgratuite-
ment méchans!Les Barbaresques agissaient donc
probablementainsi, mus dune part par l'espoir
du gain, et parce qu'ils ne se croyaient pas en
sûreté avec des prisonniers succombant sous le
poids des chaînes, dont la santé chancelante se
relevait à peine de longues maladies, etqui, envi-
ronnés d'hommes avides de leur nuire, n'avaient
pas un seul moyen de s'aSranchir.
Cependant, malgré les précautions du reis
Orouschs et de ses matelots, le bruit de la prise
qu'il avait &ite se répandit au loin. Les pêcheurs
de sardines, quTI avait si magnifiquementtraités
au port de Paxous, pttMi~Bt qu'N tenait en son
pouvoir des prisonniers de distinction, posses-
seurs de malles remplies de sequins. La fable,9
grossissant en raison des distances, on dit même
publiquement, à Constantinople, (ainsi que je
l'appris d'un capitaine candiote) que le lest de la
chétive tartane qui nous portait, était en entier
de poudre d'or d'Abyssinie. Il est vrai que les
chefs du gouvernementne crurent pas un mot
de ce récit, que le peuple turc, plus avide du
merveilleux qu'aucune autre nation du monde,
saisit avec empressement.
Le siège de Corfou se continuant avec quelque
succès', et la présence de plusieurs bâtimens
mouillés dans le canal, contrariant les vues de
l'amiral russe, qui dirigeait les opérations il leur
fit intimer l'ordre de s'éloigner, et de se retirer
dans les ports du continent. Il voulait, par cette
mesure, surveiller plus exactement le vaisseau
le GeM~reMa: commandépar l'intrépideJoaille,
qui se trouvait bloqué dans le port de Corfou, et
ne pas être contrarié dans ses évolutions.

1 Le vaisseau le Généreux, commande par Ile capitaine


Joaille, avait échappé !t la malheureuse affaire d'Aboukir;
il faisait Toile pour un port français, lorsqu'il rencontra et
prit sur les côtes de Candie, le vaisseau de ligne anglais
/e Leander, qu'il conduisit à Corfou. Enfermé dans ce
port par les assiégeans, et après avoir long-temps défendu
l'ile de la Paix, qui fait partie des ouvrages de Cor&u H
parvint a dejoacr la sarYcUÏaBCcdes ennemi et il se retira
Par cette disposition, dans laquelle le corsaire
barbaresque se trouvait compris, il obtint ce
qu'il souhaitait ardemment il ne tarda donc pas
a quitter un mouillage où il ne restait que par
ordre de l'amiral turc et il fit voile pour le petit
port de Butrinto, situé vis-à-vis Corfou, où Ali
pacha se trouvait campe avec une armée d'Alba-
nais.
Avant de quitter les parages de Corfou les
prisonniers eurent la douleur d'apprendre que
les habitans de cette ile~ oubliant ce qu'ils.
devaient aux Français, secondaient les Russes de
tout leur pou voir;;que l'ennemi possédait dé}~
quelques points importans, et que la ville était
xnal approvisionnée~ ËnjSa, malgré le courage des
chefs et de la garnison qui défendait la ville, ils
pressentirent que l'issue de ce siège serait défa-
vorable à la France, et livrerait aux Moscovites
un boulevard dont les Turcs se repentiraient un
)our, mais trop tard, de les avoir mis en pos-
session.
Le canal deCorfou,rarement agité par les tem-
pêtes qui soulèvent les vagaes de l'Adriatique,et

à Ancone. ïl reçut en ce port l'ordre de s'emparerda prince


de Brindisi,pour leretenir en otage, et après avoir rempt!
son commandement, au moment où il appareillait, un bon'
let, tiré d'une batterie de terre, vint tuer ce brave marin
sur son banc de quart. ~Vbte de <
rendentsa navigationpérilleuse, au moment oùles
officiersfrançaisprisonniers le traversèrent.oQrait
encore l'image du~ calme' Quoique la saison fut
avancée, la beauté ordinairede ses perspectives
dessinées par les côtes voisines de l'Epire, et par
File dont il porte le nom, n'avait point en-
core perdu les graces de la verdure qui l'em-
bellit le détroit était animé par la scène variée
d'une multitude de vaisseauxqui, déployantleurs
voiles, fendaient les ondes avec rapidité, pour
examiner ce qui se passait à l'horizon, ou pour
aller provoquer le feu de l'artillerie française
qui leur avait appris à ne s~approcher qu'avec
précaution. La différence de construction, de
mâtures, decouleurs,de coupe dansles vaisseaux
de haut bord dans les frégates et jusque dans
les barques légères, qui allaient sans cesse déjà
terre ferme à la flotte ce faste de tant de pavil-
lons, parmi lesquels le croissant brillait sur un
fond écarlate étalaient une pompe nouvelle
sur ces mers, témoins de tant de batailles.
Néanmoins, par un défaut d'ensemble qui
existait dans les rapports, et jusque dans l'ordre
des signaux, on pouvait juger de la méfiance qui
régnait entre deux nations, que les combinaisons
d'une politique nouvelle unissaient momentané-
ment. Les discours étaient aussi de nature à dis-
siper toute illusion; car, si les Russes traitaient
les Turcs avec mépris, ceux-ci les payaient, en
retour, d'une haine concentrée, qui s'indignait de
ne pouvoir se manuester<

CHAPITRE II.

AMtVEE DES OFFtCtERS BRANÇAïS ATT PORT M.


BUTMNTO~ AU PACHA VIENT EN BApE SCB.
SON ~ÏM.ÀNGtrïTCN. M~ GUERINt LUt EST
PRESENT~.
il –LE COJ~SAIRE MI FAtT HOMMAGE
DES PMSONNïERS~
J~u pacha, dont les mains &unalent
encore du
sang des Français morts sur le champ de bataille
de Prévesa, et de celui des habitans de cette vHIe~
qu'il avait immolés à son ressentiment ',AIi e~Mt,
comme je l'ai dit, campé à Butrinto avec son ar-
mée d'Albanais~Il, ne voyait pas sans inquiétude
et même sans une véritable peine les Russes si
voisins de son pachalik. Pour en couvrir les fron-
tières contre une invasion inopinée, qu*il redou.
tait autant de leur part, que de celle des Turcs
mêmes, dont I! suspectait les dispositions à son
égard, il avait porté un corps d'observation, qui
prenait en même temps part aux opérations du

~c~!5 To<n. m, Chap. xm.


siège; et, le nombre d<* ses soldats, qui tour à
tour allaient combattre d ans l'île deCorfbu, était
à peu près de six mille. Il s'était en même temps
assuré d'un point important par l'occupation de
Butrinto que les Français avaient évacué dès le
commencement des hostilités.
Mais il n'était plus à se repentir de l'affaire de
Prévesa, quoiqu'il eût remporté un avantage
momentané, propre à exalter le courage de ses
Albanais et qui lui donnait en même temps un
point militaire sur le golfe d'Ambracie, et sur le
côté méridional des montagnes de Soulli, qu'il
pouvait par ce moyen surveiller, ainsi que Parga.
Ïl récapitulait le passé, et des nuages sombres
obscurcissaient sa raison, toujours si pénétrante.
ÏI se plaignait du manque de confiance des Fran-
çais, auxquels il prétendaitavoir demandéde s'al"
ïier pour faire cause commune. Il est vrai que;,Il
quelque temps avant l'apparition des escadres
combinées dans les eaux de la mer Ionienne,il
avait offert une alliance, si on voulait lui livrer
les postes de Terre-Ferme, Sainte-Maure, et ad-
mettre quelques unes de ses troupesdans la place
de Coriou, pour coopérer à sa défense.
Soit que~cette ouverture, de la part d'AIi, ne
fut qu'un artifice ou soit qu'elle se trouvât con-
traire aux Instructions des chefs français qui
commandaient l'Archipel Ionien, on ne put
s'entendre avec lui. Peut-être ce fut-il {dors un
malheur était impossible de garder une foule
1 H

de points épars, et en les lui laissant occuper


il pouvait se déclarer indépendant, et opérer au
moins une diversion, par la confusionqu'il jetait
alors dans le voisinagedupointprincipal.menacé
par la coalition.
Les événemens ayant donc pris une autre di-
rection, Ali irrité, et voulant dissiper les soup-
çons qui planaient sur sa fidélité, commença les
hostilités par une perfidie,en faisant arréter,sans
déclarationde guerre, l'adjudant-généralRose
qu'il avait appelé à un rendez-vous sur le con.
tment.
Rose, qu'il avait comblé précédemmpnt d'bon.
neurs à sa cour, où il l'avait reçu avec la plus
grandedistinction, et auquel il avait fait épouser
une jeune Grecque appelée Zoïtza, était loin de
prévoir une semblable conduitede la part d*AIL
Il s*empressa donc de voler à l'invitation d'un
homme qu'il regardait comme le plus sincère al-
hédes Français, et, dans la guerre avec la Porte,
comme un partisan qui pourrait tenir les forces
de la Turquie en échec mais, après un accueil
toujours amical, il se trouva chargé de fers, et
conduit à Ianina, d'où il ne sortit que pour être
transféré à Constantinople.
Ces faits qui étaient alors connus, la réputation
de férocité exagérée dont jouissait Ali, le sang
qui venait de couler en faisaient un objet de
terreur, et répandaientune teinte lugubre sur ses
desseins. Et, c'étaient en de semblablesmains,
qu'allaient tomber les officiers français, que le
corsaire tenait encbainés sur son bord 1
A peine le bâtiment barbaresqneeut-Iljeté Fan-
cre dans la rade de Butrinto, que le bruit delaprise
d'un personnage important se répandit dans le
camp d'Ali pacha, qui vint lui-même sur son Mr-
languitch pour s'assurer de la vérité. Il manda
le capitaine Orouschs qui le détrompa ,et s'of&it
a lui faire voir les prisonniersqui étaient en son
pouvoir.
Sa proposition ayant été acceptée par le pacha,
il lui conduisit M. Guerini, parc-a qu'il savait
l'arabe, et pouvait ainsi se faire entendre avec
avantage non du pacha, mais du corsaire qui
possédaitcette langue.Quelques instans après, on
délivra de leurs fers les trois ofnciers, et M. Bou-
vier, qui lui furent également présentés et livrés
par Qrouschs. Pour prix de cet hommage, Ali le
combla d'éloges, et lui donna le commandement
de son Mrlanguitch pour faire la course, croyant,
d'après le dire d'Orouschs qu'il était hommeà

Rirlangnitch, mot turc qui signifiehirondelle.C'est le


nom qu'on donne à une espèce de petits hâtimens qui
font la navigation de l'ArcMpett et qui ont été ainsi
appelés à cause de leur légèreté et de la rapidité de leur
1
!<Mrche<
lui rendre des services et faire un bon armateur.
Quant aux Français, quel que fat le sort qui les
attendit, il ne pouvait qu'être préférable à la si-
tuation dans laquelle ils se trouvaient entre les
mains du pirate. Le changement leur fut donc
agréable, et, malgré les peines qu'ils endurèrent,
ils eurent dans la suite lieu de s'en applaudir.
Dans les premiers momens abandonnés au
milieu de l'armée ils ne trouvèrent qu'un
certain Tosoni, médecin, à qui ils pouvaient s'a-
dresser. Cet homme, comme la plupart des étran-
gers qui existent en Turquie, à la faveur de ce ti-
tre, se prétendait Français né à Mâcon; mais,
son langage, et sur-tout son caractère pusIIIa-
joime, pour ne pas le caractériser plus sévère-
ment, lui enlevaient cette honorableprérogative
de naissance, qui lui avait valu une fortune con-
sidérable.Ses connaissancesmédicales,qui se bor-
naient à ordonner à tout propos, et dans tous les
cas, le laudanum liquidum, et toujours le &HM&Z-
num liquidum ne lui rendaient pas plus appli-
cable la dénomination de médecin. Pourtant il
exerçait cet art, et jouissait de la confiance du pa-
cha. Il ne parlait aux Français que de rattache.
ment d'Ali pour notre nation, sur laquelle il s'ex-
pliquait lui-même, dans son mauvais dialecte, de
dix façons opposées dans une heure de temps.
Il n'en était pas de même du grammaticos ou
~ecré~e du pacha dont la probité et Ia~ fran<
chise furent souvent un motif de consolation
pour les prisonniers. Comme il parlait leur lan-
gue avec pureté, et que par la délicatesse de ses
sentimens généreux, il méritait leur confiance, il
fut long-temps leur appui et leur protecteur au-
près du pacha.
Malgrél'avantage de connaîtreun hommerem-
pli d'humanité, les prisonnierssouffrirent tant
qu'ils restèrentau camp, ou l'on ne s'occupa pas
d'abord de leurs besoins,qui étaient extrêmes. Il
est vrai que le pacha, endurci lui-même aux fati-
gues et accoutumé aux privations, ne soupçon-
nait pas la nécessité de bien des choses utiles à
des hommes malades et convalescens, et qui ve-
naient d'éprouver une catastrophe trop prolon-
gée, pour n'avoir pas ébranlé la santé la plus
robuste.
Quelques jours après, par le moyen du gram-
maticos, on parvint à arracher des mains du cor-
saire, les domestiques des officiers qui étaientres-
tés sur son vaisseau. Le pacha donna en même
temps l'ordre de lui apporter les papiers qu'il
nous avait saisis, au nombre desquels se trouva 1

Les corsaires barbaresques n'ont point de lettres de


marque, mais ils sont dans l'usagede se mmur de patentes
des consMb' qui résideat dans les ports o& ils arment, afin
de pronver qm'ils sont en pa~x avec la nation dont ceux-ci
de&ndent les mtéfêts.
ia lettre de M. Boursier, agent français à Tripo]!,9
délivres a Orouschs,pour faire la course, et qui
prouvait que c'était illicitement qu'il nous avait
pris, puisque la France était en paix avec la ré-
gence. Cette lettre fut, dans la suite, une source
d'humiliations et de malheurs pour Orouschs,
t
auquel, dans plusieurs occasions, le pacha fit
reproche de nous avoir pris, quand il n'avait pas
le droit de le faire.

CHAPITRE III.
TOPOGRAPHIE DE BUTMJfTO. PORTRAIT D'AU
PACHA ET DE SES FILS. SITUATION DES FRAN-
ÇAIS DANS SON CAMP. IDEE DE SON ARMEE
ET DE LA DISCIPLINE. MCECRS DES SOLDATS
ALBANAIS. DÉPART DE M. CHARBONNEL POUR
AGIO-SARANTA. DEPART DE MM. POITEVIN
s
BESSIERES etc., POUR ÏANINA.

J3UTMNTO
est, à n'en pas douter, la ville qui a
succédé à l'ancienne Bathrotam, dont parle Vir-
gile Ce fut en ce lien qn'Enée, le héros des

.PortM~e ~M&Mtct
C&ao.'tM ) et ce~MM FatAfo~t a~ee~tdïaMMMf~eM

·
tS'o~ctnnf! M?tc forte <&)pc~ et <tv)<«! A'M<t
Troyens, vint aborder au moment où Andro-
maque, les cheveux épars, sacrifiait sur le tombeau
d'Hector, eu évoquant les manes de son époux,
aux rives du faux Simoïs. Le fils de Priam, Hé-
leuus, qui régnait sur cette partie de la Chaonie,
avait donné les noms chéris de Xanthe et de
Shnoïs aux ruisseaux qui baignaient Buthrotum;
et Virgile, qui nous transmet la topographie de

~7t<e MrteM in luco faisi -NntOeKtM ad undam


J!<t&&«t cineri ~M<~om<:c~e nt<!NC!~ae vocabat
~ectofEMM ad tttnHf~ant.
jffocedo et parvam 'Z'ro/ant,simulataque magni
j*e<;gMm«, et <tMn~ent Xanthi cognomine rtMMt
~gaosea ) <ï'eoMB~t<eamplectorSntMepor&B.

La ville de Chaon nous reçoit dans ses porta,


Et de loin dominantsur la plaine profonde
Buthrote a réparé les fatiguesde l'onde.

Ce jour même sa veuve (d'î~ector ) inconsolable encor


Hors des murs dans un bois, qni d'an épais ombrage
D'un nouveau Simois ornait le doux rivage
Figuranten gazon un triste et vain cercueil
Offrait à son époux le tribut de son deuil.
Pour charmer ses regrets, loin des Mgards profanes

d'eHe.
A ce lugubre asile elle invitait ses manes
L'appelait auprès
J'avance j'apperçoisdans séjour
et ce nouveau
De la fière Pergame un modeste tableau
Voilà ses ports ses murs renaMsantdeleur cendre
Ce coteau, c'est I'Ida ce ruisseau, le Scamandre.
Je vois ta porte Scée et tes tours d'Uion
Et de Troie en pleurant j'adore encore le nom.
ËN~tos, tfa~arJOeM~.
cette ~IMc et de ses environs en si peu de mots y =
peut encore servir de guide au voyageur. S'il ne
voit plus la porte Scœa, ni les vastes galeries sous =
lesquelles Hélénus reçut les compagnons d'Enée, Õ
il retrouvera le lac d'Anchise, et, dans les ruis- =

seaux de Pavla et de Pitritza, le Xanthe et le =

SimoiS tout lui prouvera enfin rexactitude et la


précision qui caractérisent si éminemment les
ouvrages des anciens.
Butrinto après avoir suivi les destinées de
l'Epire, qui fut la proie de tant de conquërans
et le théâtre de tant de guerres mémorables, Bu-
trinto appartenaitde nos jours aux Vénitiens et
avait passé au pouvoir de la France par le traité
Campo-Formio. Au commencement de la guerre
avec la Turquie, le généralfrançais qui comman- 0
dait à Corfou, jugeant ce point inutile à garder
avait ordonné de l'évacuer, après avoir fait sauter
un petit fort qui se trouvait à l'entrée du lac, sur
la rive droite de la Pavla.
Ali pacha, comme je l'ai dit, après s'être rendu
maître de Prévesa, s'était emparé de ButrintoJI
où il avait établi son camp, près d'un village ap-
pelé Mauroli. De cette position, il dominait sur
la mer, et se trouvait dans le voisinage de la ri-
vière et du lac, dont il n'était séparé que par les
ruines de Buthrotum, qui sont sur une hauteur.
Si le pays lui offrait peu de ressources, il y sup-
pléait par celles qui lui venaient de l'intérieur;
sa position le mettait à portée de comprimer
l'humeur inquiète des habitans de Magariti,
de Paramnhia, de Parga et des environs, qui
lui font souvent la guerre. Il était aussi & l'abri de
toute surprise extérieure, étant retranché par la
nature des lieux. Il pouvait même, à bon droit
se regarder dans un poxte avantageux, défendu
au midi par la petite rivière de Pavla qui le con-
tourne en partie, et à l'orient par le lac qui, reçoit
le tribut des deux rivières.
La plus considérable de ces rivières, qui serait
à peine digne d'attention, si l'antiquité n'y avait
attaché des souvenirs, coule des montagnes qui
s'élèvent au nord de Delvino éloignées de sept
lieues et la seconde, appelée PItritza, prend sa
source au pied d'un contre-fort des mêmes mon-
tagnes, mais vers l'ouest. Elles appartiennentenfin
toutes deux aux sources nombreuses du mont
Tomarus ou Dzoumerka, qui est couvert d'é-
paisses forêts, et dont les chaines divergentes
fuient dans l'horizon, en s'étageantsnrles monts
Arcocérauniens. Le lac que forment les rivières9.
appelé jadis lac d'Anchise, et aujourd'hui Pe-
!odi, est, pour les habitansla source d'où s'exha'
lent des fièvres qui les tourmentent.
La moderneButhrotum, Butrinto, est le siège
d'un évéché. Le terrain de son canton, qui est
très-peu étendu, est d'une nature agreste et sté-
rile. Ses habitans ne sont riches que par leur in<
dustrie, et ils font un commerce considérable de
poutargues, qu'ils confectionnentavec les oeu&
des poissons qui abondent sur la côte Cette bran-
che d'industrie~ et les rapports fréquens que
Corfou entretient avec le continent, font que
leur port est sans cesse fréquenté par une mul-
titude de barques. On découvre~ des hauteurs
qui l'avoisinent, quatre écueils nommés, par les
Grecs, Têtra Nisia ou les Quatre-Mes, qui si-
gnalent son entrée, et les attérages.
Les ofEciers J&'ançais, qui demeurèrent pen-
dant douze jours au camp de Butrinto, se trou-
vant dépouillés, eurent beaucoup à souffrir de
l'hiver, qui commençait à se faire sentir. La Chao-
nie a toujours passé pour un pays froid; et quoi-
que le lieu où ils se trouvaient soit éloigné au
plus de six lieues de Corfou, il y a une diiïé-
rence sensible dans la température. Délivrés de
leurs fers, mais dépourvus de vétemens on les
avait logés dans une vieille cabane.Couchés, dans
ce lieu, sur des planches à plafonner, au dessous
desquelles l'eau coulait, le froid ne tardait pas à
engourdir leurs membres, dès qu'ils restaient
un moment dans l'inaction. Ainsi, au lieu de
goûter le repos peadant la nuit, ils étaient forcés
de marcher et de s'agiter, afin de se réchauffer,
et la fatigue seule fermait un moment leurs pau-
pières.
L'armée d'Ali pacha, composée d'Albanais
jcoutumés à la température froide des monta.
ânes, et vêtus de leurs épaisses capotes, sem-
blaient ne pas s'appercevoir de la saison. Occu-
pés, tant que durait le jour, à lutter dans le camp
à chanter ou à danser, leur sobriété leur faisait
trouver excellente une légère ration de pain de
froment ou de mais, des olives noires, ou des sar-
dines salées qu'on leur distribuait. Bien diiïerena
des Turcs, qu'ils appellent Osmanlis, qui mettent
leur bonheur à vivre dans l'indolence, on voyait
les Albanais toujours eu action leur joie éclatait
sur-tout à Fapproche des dangers, lorsqu'il était
question d'aller prendre part aux opérations du
siège. On les voyait, avides de périls~ s'empresser
de courir au rivage; mais, quels que fussent les
événemens, ils ne manquaientjamais de s'en attri-
buer le snccès;etsur.toutilsseseraientbiengardés
d'avouer une défaite. S'ils étaient repoussés, ils se
contentaientde dire qu'ils n'avaient pas été vain-

On retrouve chez les Albanais des chansons qui re-


montent an temps de Scanderberg, et celle qui est con-
nue sous le nom d'Arnaoute, est aussi fameuse parmi eux
que l'hymne d'llarmodius et d'ArtStogitonl'était chezles
anciens. Des personnes instrnites m'ont assuré qu'elle re-
monte au siècle de Scanderberg mais,malgré cette ancien-
neté, je croispouvoir me dispenser de la donner ici. Elle
ne renferme rien de saillant, et peut-4tre me suis-je déjà
compromis, en donnant des romances grecques, qui pa-
raitront bien faibles aux hommes de go&t.
é e
qucurs; mais, s'ils pouvaientrapporter une tête 9
ils faisaient retentir bien haut ce faible avantage.
Couchés, pendant la nuit, sur les épaisses capotes
dont ils sont vêtus, la tête à peine couverte par
nn~c~y, les jambes bien défendues par des co-
thurnes, chargés d'armes, contens de leur sort,9
ils étaient heureux de vivre au milieu d'un camp
aussi n'aurait-on pas trouvé vingt malades dans
cette armée, qui s'élevait à plus de six mille
hommes. Comme on sait que les Albanais ne se
plaignent que lorsqu'ils souffrent, il faut dire
aussi qu'on ne retient point le soldat sous ses dra-
peaux celui qui éprouve une incommodité se
retire au sein de sa famille, qu'il s'empresse de
quitter aussitôt qu'il est rétabli, pour venir pren-
dre de nouveau- sa place dans les rangs.
Fier de sa profession, le soldat albanais s'ho-
nore des cicatrices dont il est couvert, et les
montre avec orgueil il fait parade de la vétusté
de ses habits et Je son linge et, pour exprimer
que c'est un brave, un palicari, on dit d'un
Albanais intrépide, qu'il ne quitte sa chemise
que lorsqu'elle tombe par lambeaux. Si cette
coutume estle signe de la bravoure d'un Arnaoute,
je ne la crois pas admissible en hygiène, et, ce
qui n'est pas nuisible à un de ces soldats demi-
sauvages, serait très-contraire à la santé des Eu*
ropéens civilisés. On retrouve encore, dans l'atti-
tude des hommes de l'Epire, et dans leurs maniè-
les soldats d'Alexandre, de Pyrrhus et de
!*e8,
Scanderberg avec de tels hommes disciplinés,
un général opérerait des merveilles et change-
rait peut-être la face de l'Orient. Eux seuls, dans
rétat de décadence de l'Empire, ont conservé
leur caractère fier et avide de combats ils tres-
saillent, ils s'animent au bruit des armes
Les officiers albanais sont ordinairement ac-
compagnés d'une sorte d'écuyers qui, dans les
marches, portent leurs cuirasses et leurs armes
et ils retracent, par leurs coutumes et leur ma-
nière de vivre, une ombre de nos anciens cheva.
liers. La nation a puisé, je ne sais ou, une idée
extraordinaire de son origine, qui fait que les
Albanais se prétendent issus des Français. Sans
discuter jusqu'où leur opinion peut être fondée
JI
je sais qu'on retrouve dans la langue Arnaonte<,
qui est celle des montagnards,beaucoup de mots
Irancais, et même de phrases. Ainsi, ils disent
~!M~re,etlemotmois, et ils ont aussi une infinité
d'expressions de notre idiome ancien. Mais ce
n'est pas d'après ces signes de la parole, qui pour'
raient seulement attester des communications an-
ciennes, qu'ils s'honorent delà prétentionde des-
cendre des Français; c'est par la bravoure qu'ils
croient leur appartenir. Ils n'en parlaient, en
conséquence,qu'avec un respect et une considé-
ration qu'ils n'accordent à aueu~ peuple. En
eela, l'opinion du pacha et de ses fils était con<
forme aux sentimens des chefs et des soldats qui
étaient sous ses ordres.
C'est ici le lieu de fixer l'opinion sur ce pacha
dont le nom a quelquefoisoccupé les bouches de
la renommée.
Né dans un village voisin de Tebeleni, ou
Tebdelem, Tille de l'antique Thesprotie, qui est
située vingt-quatre lieues au nord de lanina, il
eut, dit-on, pour père un pacha a deux queues,
qui commandait en cet endroit et sa mère,
douée du courage des Amazones de ce pays lui
donna la valeur avec l'existence. Son père étant
venu & mourir, Ali trop jeune encore pour dé-
fendre ses domaines,en aurait été dépouillé, si
sa mère s'eut pris les rênes de l'administration
et ne se fût mise à la tête des Albanais. Par son
çourage, par son intrépidité, et en sacrifiant ce
qu'elle possédait, elle sut faire tête à tous les as-
sauts que ses ennemis lui livrèrent.
Au milieu de ces combats qui revenaient de
tempsen temps agiterla Thés protie. Alise formait
engrandissantàl'artdelaguerre,etàl'habitudede
commander dès qu'il put soutenir le poids d'un
fusil, il était entré dans les rangs. Brave parmi les
braves, il parcourut tous les grades de la milice
et ne commanda à ses compagnons, que quand
il s'en fut rendu digne, par des faits d'armes qui
lui méritèrent leur attachement. Alors il suppléa
sa mère mais il fut loin d'être toujours heureux, JI,
et si le courage ne lui manqua jamais, la fortune
luifutparfbisinconstante.AlI, chassé de Tebeleni,
privé de presque tous ses villages, se vit un jour
réduit à soixante parats, exinda ~w<M/<M, pour
payer sa troupe. Sans se laisser abattre par l'ad-
versité, il sut se créer des ressources., et ce
moment décida de son sort. Il euuamma les
Albanais, reprit ses hameaux, et rentra dans
Tebeleni.
Depuis cette époque, sa puissance s'étendit
les braves, accourus de toutes parts, vinrent se
ranger sous ses drapeaux, et ses états s'agrandi-
rent. Il porta ses vues au delà de l'horizon qui
l'avait vu naître. Enfin, le dernier pacha de
lanina, dont le défaut d'énergie livrait le p< ys
aux désordres de l'anarchie, ayant eu la tête h an.
chée, Ali fut nommé au pachalik d'Albanie, et
vint prendre possession de lanina, siège actuel
de sa puissance.
Prudent au sein de la prospérité, Ali songea
à se maintenir au poste ensanglanté qu'il venait
occuper il songea en conséquence à s'agran-
dir, en soumettant les rebelles, qu'il rangeait en-
suite au nombre de ses sujets, et en favorisant
sur tout la religion grecque. Il fit aussi des al-
liances avec les agas de la Tbessalie, et il associa
ses deux fils à sa puissance, en les faisant nommer
pachas. Enfin, après des succès qui ont sur-
passé ses espérances. Ali reçut les trois queues,
à son retour de l'expédition de Widin, en T~oS.
Age maintenantde quarante-huit ans, on ne
ypmarque point en lui les traces d'une vieillesse
précoce; son visage noble, ouvert, caractérisé
par des traits prononcés, exprime &)rtement les
passions qui l'agitent. Maitre, quand il veut,
cependant,du jeu de sa physionomie, son coup
d'oeil séduit, et son rire cadencé masque un sen-
timent contraire à celui qui! exprime; mais il
ne peut contenir sa colère quand il punit, et elle
se manifeste par une convulsion terrible de ses
traits qui décèle la violence de son caractère.
Au reste, il est brave à l'extrême; sa stature est
haute et athlétique et il ne peut découvrir ses
bras ou sa poitrine, sans qu'on y apperçoive
d'honorables cicatrices.
Constant dans ses projets, il a adopté un plan
de conduite don) les. circonstances Font quelque-
fois forcé de s'éloigner, mais qu'il n'a jamais
perdu de vue. Sûr qu'avec de l'argent, il pourra
toujours conserver la faveur de la Porte, il n'a
point manqué de payer les tributs, tout en se
rendant indépendant par le fait; et l'avarice dont
on l'a accusé était fondée sur des raisons qui doi-
vent affermir de plus eu plus son existence. U
aime aussi à répéter qu'il est le Pyrrhus mo-
derne ;(Bourrhous,comme il le prononce) mais
un Pyrrhus cependant, qui observe les conve-
nances vis-à-vis de son souverain. Différent par
les connaissancesqu'il possède, dela plupart des-
pachas, il a les yeux ouverts sur ce qui se passe
en Europe il se fait traduire les gazettes, il aime
à s'entourer de lumières, et il n'est étranger à
aucun des événemens qui rapprochent ou divi-
sent les souverains.
Egalement attentifaux catastrophes qui agitent
l'empirede Turquie, il profite, en homme adroit,
de la faiblesse du gouvernement, pour reculer
ses frontières, et pour occuper des postes avan.
tageux. Fort, enfin des créatures qu'il se fait
et des amis puissans qu'il soudoie jusque dans le
divan, la Porte, qui connaît ses ressources,sent
bien qu'elle a le plus puissant intérêt à le mé-
nager.
La révolution française était, dans ces derniers
temps, le sujet de toutes ses conversations, non,
comme on l'a prétendu dans la vue d'y puiser
des leçons pour s'afïranchir, mais afin de s'entre-
tenir de nos armées, dont il admirait les succès.
Il interrogeait les ofSciers français qui étaient ses
prisonniers, et il leur demandait la cause de tant
de triomphes, qu'il attribuait à une sorte de
magie, à un prestige qui enchaînait la victoire à
jOLOS drapeaux.
Enfin, Ali, peucontentd'unempire éphémère,
a porté ses regards jusque dans l'avenir, afin de
ne pas laisser sonpacbalik en proie à un étranger.
Ïl a obtenu, ai-je dit, le titre de pacha pour ses
deux fils et la Porte, qui peut espérer, après là
mort des vezirs, de rentrer dans ses droits
parait avoir perdu l'Albanie.
Formé par ses exemples, Mouctar, Faine de ses
deux u!s,estceluiquiamontréleplus decaractère,
et on pourrait même lui reprocher de la férocité.
Véli, doué de moeurs plus douces, a paru spé-
cialement se livrer à l'administration. Au reste,
liés d'amitié, on n'a jamais vu ces deux frères
divisés par aucuns intérêts. Mouctar a gouverné,
comme pacha, Arta et Négrepont; et Vé!i rem-
plit les fonctions de dervendgi pacha ou grand
prévôt des routes. Par cette réunion d'emplois
l'adroit Ali s'est fait un appui de ses enfans, dont
l'union cimente de plus en plus son autorité.
Tel est ce que gavais & dire sur l~pacha d'Al-
banie et sur ses fils. Ali, toujours Albanais, ne
parle que cette langue, ou bien le grec, et met
son bonheur à commander ceux auxquels il
doit son élévation. Mouctar a étudié le turc, et,
dès son enfance, son caractère belliqueux l'a
porté au millet~es armes. Véti, plus instruit,
acquiert chaque jour des lumières et des connais-
sances, et est versé dans les langues orientales.
Afin d'initier le lecteur à ma relation, j'ai
fait prendre cette notice, fruit des observations
9
et d'une longue fréquentation que let officiers
français eurent dans la suite avec le pacha, qui,
plus d'une fois, les admità ses conseils.
Nous allons les suivre maintenant, lorsqu'ils
quittèrent Butrinto pour se rendre à lanina. En
marchant sur leurs traces, on va pénétrer dans
un pays nouveau. J'ose me servir de cette expres-
sion, puisque le célèbre d'AnviIIe avouait lui-
même que le défaut de matériaux et de recon-
naissances lui manquaient pour dresser une carte
de l'Epire. Peu de voyageurs ont en effet pénétre
jusqu'à lanina, et aucuns n'ont dépassé cette
ville, où l'on n'arrive qu'au travers des dangers
en voyageant chez un peuple inquiet, que son
penchant naturel porte au brigandage, au meur<-
tre et à la cruauté.
ÀII, au bout de douze jours, songea aux offi-
ciers français qui étaient ses prisonniers, et~
comme il se proposait de porter son camp dans
l'intérieur. il songea à les envoyer en avant à
Ianina. En conséquence. il fit partir pour cette
ville MM. Poitevin Bessières, Bouvier et Gue-
rini il retint en même temps près de lui M. Char-
bonnel, qu'il envoya à Agio-Saranta, village du
pays connu sous le nom moderne de Valetitzia,
et que les anciens comprenaientdans la Chaonie.
CHAPITRE IV.

DEPART DES OFFICIERS FRANÇAIS POUR ÏANINA;9


LEUR ITINÉRAIRE JUSQU'A CETTE TILLE, PAR ML-
VlJfO DELVtNACHt ET DZIDZA. COUP D'CEtI.
DESCRIPTIF. ÏTINERAIXE DE M. CHARBOKhEL
JUSQU'A AGM-SARANTA. DESCRIPTION DE CE
PAYS.

CETTE
partie de la Grèce, connue ancienne-
ment sous le nom de Chaonie et de Thesprotie 9
ne renferme aueune de ces ruines que le voyageur
rechercheet vient interroger.Le temps a tout dé-
truit. A leur place, des villes nouvelles des ha-
meaux inconnus se sont élevés, et par-tout une
nature sublime et terrible commande Fattention,
et excite Pétonnement. Là, on voit des lacs pro-
fonds ici on trouve des forêts séculaires par-
tout de hautes mont agnes et de quelque côte
que se portent les regards, ils s~arrétent tour à
tour sur des sites pittoresques ou surprenant, et
parfois épouvantables.
La saison du triste hiver étendait au loin la
monotonie d'une nature ensevelie sous les neiges,
lorsque les officiers français quittèrent Butrinto
pour se rendre à Ianina. Depuis long-temps les
monts Acrocérauniens, séjour ordinaire des ton-
nerres les plus bruyans~ étaientchargésde glaces
et de frimas. L'hiver de 1798, qui fut extrême-
ment rigoureux dans toute la Grèce, suspendait
ie cours des rivières et des torrens et les len-
teurs du siège de Corfou ne permettaient pas de
prévoir le terme de sa reddition. Ces considéra-
tions et la certitude de ne pas être inquiété, dé-
terminèrent Ali pacha à lever son camp, et à
licencier une partie de ses soldats.
U ne faisait donc qu'envoyer en avant les Fran-
çais sur lesquelsil avait des vues ultérieures, et
il retint près de lui M. CharbonneL Après être
sortis de Butrinto, les Français avec leur es-
corte, firent route à l'orient au milieu des mon-
tagnes et des bois; et, à sept lieues de là, ils arri-
vérent à Delvino.
Cette partie de la Thesprotie, qu'ils parcouru-
rent dans leur première journée de marche
comptait autrefois plusieurs villes, telles qu'Eka-
tompédon, Méandria et Omphalon, dont les
restes se sont transformés en quelques villages
épars sur ce territoire sauvage et hérissé d'af-
freuses inégalités.
Delvino, chef lieu d'un pachalik à deux
queues, commandé par Moustapha, et alors
soumis a AU est situé sur une hauteur et envi-
ronné de positions militaires avantageuses. On y
Tt it un château sans canon, dont les fortifica-
tions remontent à plusieurs siècles, et qui ne
peut être d'un grand secours pour une ville assez
forte par sa propre assiette. A peu de dis-
tance, sont, les sources du Xanthe ou PavJa
qui, coulant à l'ouest, va se jeter dans le faux
Simoïs. La position de Delvino, sa population
qui est de plus de huit mille habitans les limites
de son territoire, enfin, plus que tout cela, le
caractère belliqueux de Moustapha l'amour
que lui portent les Delviniotes ont, plus d'une
fois, élevé des nuages et des divisions entre lui et
AU pacha. Cette ville est d'autant plus essentielle
au pacha de lanina qui, depuis long-temps, est
~aché de voir Delvino enclavéedans ses domaines,
qu'il la voit à regret gouvernée par un homme
étrangerà sa famille, et qui a le courage de lui ré-
sister. Ilauraitàcraindre,en outreque ce caractère
entreprenant ne s'alliât aux Chimariotesindepen-
dans, qui sont ses voisins et alors il pourrait en
recevoir des dommages considérables. Si on re-
garde pourtant Je peu d'étendue du territoire de
Delvino, et qu'on fasse attention aux forces
d'Ali, on verra qu'il peut facilement réduire son
voisin, dès qu'il en aura formé la résolution,
que des raisons politiques lui ont, sans doute,
empêché de prendre.
Les Français furent loges dans le khan de Del-
vino, pêle-mêle avec les animaux et les marchan*
dises qu'ils transportaient,comme cela a presque
toujours lieu lorsqu'on voyage en Turquie.
Oa trouvait alors, sur la route, quelques villages
désoles, et, aux environs de Delvino, plusieurs
hameaux habités par des Albanais qui ne quit-
tent jamais les armes et dont les moeurs annon-
cent un état de guerre et de violence qui per-
mettrait difficilement à un étranger de voyager
parmi eux, s'il n'avait à ses ordres une escorte
nombreuse sur laquelle il pût compter. Sans
cela il serait exposé à être assassiné, ou à se
voir enlevé pour être vendu dans les montagnes~
s
sans espoir de délivrance, par le soin que ces
hommes prendraient de le dérober à tous les
regards, en le tenant dans des lieux inconnus.
Il ne faut, au reste, chercher la cause de cette
barbarie que dans la pauvreté d'un peuple, dont
chaque individu est porté à commettre, sans re-
mords, une action qui lui permet d'espérer quel"
argent.
De Delvino à Delvinachi,où les Français vin-
rent coucher le lendemain, on compte une forte
journée de dix lieues dans une direction nord-
est. On voit encore sur la route quelques villages
désolés par la guerre, et à trois lieues du point
de départ, un endroit appelé Nivitza. On tra-
verse aussi quelques vallées dont la fertilité con-
traste avec les montagnes de la Chimère, ou
monts Acrocérauniens, dont les chaînes entas-
sées déploient de vastes rideaux de forêts, ou
laissent voir des sommets Dus, que le temps et
les feux de la foudre ont noircis.
Le bourg de Delvinachi est commandé par un
aga, qui relève d'AIi pacha. Il est situé dans un
wallon fertile, arrosé par un ruisseau qui va se
jeter dans la Thyamis et qui est souvent à sec
pendant l'été. Au nord et à l'occident, des pro.
longemens du mont Tomarus ou Dzoumerka bor<
nent l'horizon. Ces contre-forts sont la demeure
de peuples Indépendans, qui du haut de leurs
retranchemens naturels bravent les attentats
souvent médités contre leur indépendance.
Les productions les plus importantes du can-
ton de Delvinachi consistent en bois de cons-
truction, en sumach 1 et en goudron. Le bourg
dont il a pris le nom, d'après sa position et les
documens de l'antiquité, pourrait bien être Om-
pbalon. C'est l'opinion la plus vraisembjab'e,
9
quoique je n'osasse pas l'affirmer positivement,
comme Mélétius l'a fait dans sa géographie. Il a
cru aussi devoir placer dans ces cantons les an-
ciennes villes de Méandre, d'Etée et de Dochna,9
et, en suivant l'ordre des positions qu'il donne,
il faudrait voir Méandre dans Delvino, Ompha-
Ion au milieu des cabanes de Delvinachi, et, des
lieux célèbres autrefois, remplacés par de mi-
sérables chaumières. Toute cette érudition est

Sttmacb.T~My corMrtaLtBn.PentajMbrMtngy~ie.
cependant purementconjecturale; car on n'est
pas guidé, comme dans le Peïoponèse, par
des ruines et on ne trouve plus les restes des
voies antiques. Le temps a détruit ce qui por-
tait l'empreintedes arts et de la civilisation, dan?
un pays qui conserva toujours des moeurs demi-
sauvages, et qui ne fut habité que par des hôth"
mes qui disaient leur principale occupation de
la guerre. C'est donc par la nature seule et par
la projection invariable des hautes montagnes qui
couvrentl'Epire;et enfin par la direction de leurs
chaînes, qu'on peut se reconnaitre, et attacheraj.
à ce qu'on voit, les souvenirs de l'antiquité qut
Bout parvenus jusqu'à nous.
En sortant du vallon de DelvinacM, pour se
rendre à Dzidza, les prisonniers voyageurs àpper~
curent les forêts de la montagne de la Chimère~
qui se déploient au nord; et ils marchèrent~ pen~
dant cette journée, au sud-est, à travers un pays
bien cultivé, jusqu'à Dzidza, éloigné de sept
lieues de Delvinachi. Ils virent, à trois lieues et
demie du point de leur départ, le bourg deMar-
gar i où ils n'entrèrent pas. Ennn après~avoif
traversé quelques belles forêts; et en avoir ap"
perçu d'immenses qui s'étendent au nord, ils
arrivèrent à D~itl~a.
CebourgouvIUage(eomïneohvOudraI'appeIer)
est situé en partie sur le sommet d'unemohtagne
aride et en partie à mi'côte, ayant son aspect&
l'ouest-sud-ouest. Le nom de Dzidza, qui signifie
gourde,luiapent-étreétédonnéà cause de la con-
figuration de la montagnesur laquelle il est bâti,
etquiressemMeàceiruit.IIesthabitépardesAlba'
Nais chrétiens, qui y ont un monastère et plu-
sieurséglises.Lepeudeterre végétale qu'on trouve

vignes; et le 8'
aux environs, est employée à la culture des
qui frappe sur cette sur-
face inégale et poreuse, donne au raisin une
qualité précieuse. On y fait trois sortes de vins,
dont le meilleur est consommé par le pacha, que
le prieur du couvent dont j'ai parlé, est en pos-
session d'approvisionner. Pour reconnaître ce
service,qu'un Albanais sait aussi bien apprécier
qu'un Grec, AH protège spécialement Dzidza,
et le saint lieu dont son pourvoyeur est le chef
et le directeur.
L*eau de Dzidza est celle d'une mare qui se
trouve aupiedde lamontagne,et de quelquesfon.
ïaines qui servent aux besoins des habitans. Heu-
reusement que le vin, nectar également cbëri et
recherché des Albanais chrétiens et musnimans,
ïes dédommage amplementde cette privation.
Après avoir passé la nuit du troisième jour de
marche à Dzidza, les Français en partirent avec
leur escorte, pour se rendre à lanina. Au bout
d'une heure et demie de ehemin ils virent
Karkalopoulo, ou lepacha a un sérail ou pa-
M§. Le pays augmentait en beauté à mesure
avançaient vers le lieu de leur destination.
<sro*ils
Une nature plus riante, des sites moins sévères~
offrent alors des tableaux différens de ceux qui
ont frappé les regards du voyageur, qui pénètre
dans l'Epire par Butrinto Mais l'Illusion de la
Fable vint déployertoutes les grâces de ses allégo-
ries, quandils approchèrentdescampagnesdela-
nina, que les habitans appellent, de nos jours, les
Champs-Elysées.Un terrain cultivé, des villages
éparsaumilieud'uneplainefertile,IavueduPinde
et du mont Tomarusou Dzoumerka, celle du lac
Achémsien,etdu~nont Cassiopée, les nrent errer
dans le pays des merveilles, à mesure qu'ils avan-
çaient L'impression est telle, en effet, à l'aspect
de tant de sites qui rappellent les siècles passés 9
qu'on fait à peine attention à la capitaledel'Alba-
nie, dont l'ensemble, la grandeur et la popula~
tion suffiraient pour 6xer et captiver l'attention
du voyageur.
Les officiers français ne tardèrent pas, en en.
trant à tanina, à payer ce moment de jouissance.
Conspués par la populace, ils furent d'abord en-
fermés dans une prison, où ils trouvèrent quel-
ques Français pris sur !e champ de bataille de
Préseva, qu'AIi s'étaitdispenséd'envoyer à Cons-
tantinople.
Pendant que MM. Poitevin et Bessières se ren-
daient à lanina, Ali pacha avait envoyé M. Char-
bonnel à Agio-Saranta, avec son grammaticos,
e 0
afin d'en visiter la position. Cette bourgade, qui
se trouve deux lieues à l'orient de Delvino, est
un petit port ou scaloma, (comme on le dit vul-
gairement pour désigner un mouillage) relevant
immédiatement d'Ail pacha, qui n'est fréquenté
que par de petits bâtimens. Sa situation sur ]e ver~
soir méridional des montagnes, était autrefois dé-
fendue par deux vieilles tours ruinées, qu'on
voit sur la montagne au nord. Ali ne parait y atta
cher quelqueimportance,que comme à un point
propre à surveiller ce qui se passe sur la côte e
ainsi que dans le voisinage des PhIIatès.Les envi-
rons, ornés de quelques bouquets d'arbres, sont
pauvres et mal cultivés, comme presque toute
cette partie de l'Albaniequi avoisine la mer.
Peu de temps après, M. Charbonnel partit d'A-
gIo-Saranta pour se rendre à lanina et il vint à
Delvino,prendre la même route qu'avaientsuivie
MM. Poitevin et Bessières. Arrivé dans la ville où
ils étaient, il n'y séjourna que très'peu de temps, et
il fut conduit à Bonila, où se trouvait le parc d'ar-
tillerie du pacha.
On verra dans la suite comment il y forma
une école d'artillerie, la considérationqu'il ac-
quit on suivra aussi avec intérêt, les aventures
particulières de chacun des prisonnierspendant
leur séjour dans l'Epire, soit à la cour du pacha,
soit dans les expéditions où ils l'accompagnèrent.
CHAPITRE V.

CHAMPS-ELYSEES. TOPOGRAPHIE DE ÏANÏNA.


Ï.AC ACRE&CSIE. FLEUVE SOUTERRAIN OC
COCyTE–~ RIVIERE DE PROTOPAPAS. ACHERON.
–MONT CASSIOPEE.VELISTM~–BON1LA.
JARDINS DU PACHA.

JUES Champs-Elysées,
nom sous lequel les mo-
*B*

dernes désignent la plaine à l'extrémité de la-


quelle lanina est bâtie, pourraient être encore
le séjour d'un peuple heureux. Là renaîtraient
au milieu des paysages romantiques, sous un ciel
pur, au sein d'un territoire fertile, ces jours
décrtis etchantéspar lespoëtes! L'oeil ne peut en
aucun autre pays du monde, mesurer de plus
vastes perspectives, soit qu'il s'égarevers lePinde~
lorsque le soleil, s'élevant au dessus de ses sont
mets, vient réveiller les oiseauxendormsi sous les*
bosquets des vallons soit qu'il suive cet astre à
son coucher, au delà des monts Acrocérauniens.
Au murmure des ruisseaux, au bruit du Cocyte
même, à l'aspect du lac, on verrait le génie
S'éveiller, on verrait une jeunesse infatigable
descendre des coteaux, et renouveler les fêtes
antiques. Mais ces bocages,ces lieux enchanteurs
sont gouvernés par des Albanais, et le Grée
des Champs-Elysées n'existe que dans la crainte.
La voix du tonnerre qui retentit dans les forêts
de Dodone, ornement de son horizon n'est pas
aussi redoutable pour lui que les arrêts du pa-
cha qui règne sur ses destinées.
Les Champs-Elysées, qui exigeraient une pi urne
poétique pour être décrits, s'étendent l'espace
de cinq lieues, du nord-est au sud-ouest, et ont
à peu près six mille toises dans leur diamètre
moyen. Leurs limites sont tracées, au nord, par
~e mont Tomarus et ses forêts; vers l'orient ils
se terminent au bord du lac Achérusie et
)anina; le montCassiopée et le petit Pinde les
bornent au midi, et le territoire montueux de
l'antique Elée, les termine à l'occident.Quelque~
sources une rivière qui se jette au nord du lac
et des ruisseaux, les arrosent et les fertilisent.
lanina ou Joannina, fondée par Michel Lucas
Sébastocrator et par le despote Thomas, est la ville
capitale de l'Epire et du pachalik étendu qui est
gouverné par AU. Située à l'extrémité nord-est
des Champs-Elysées, sur la rive occidentale du
lac Achérusie, sa vue se déploie vers les mon-
tagnes de Sagori ou monts Liacmons, vers le
PInde, et elle embrasse un horizon aussi riant que
majestueux. Elle fut soumise au joug des Turcs,
sous le règne du sultan Murad, par son général
Amurat bey, en 142~~ lorsque la Thessalie et
la Macédoine étaient déjà conquises, et elle fut
une des villes qui éprouvèrent peu de dom-
mages et qui s'est conservée avec splendeur. Sa
situation sur un terrain inégal et aux bords du
lac, en pourrait faire une place d'autant plus
redoutable, qu'U serait à peu près impossibled'en
former le blocus, à moins de construire une
MottiIIe pour lui couper les communications
avec le rivage oriental de l'Achérusie.
lanina, ie!!e qu'elle existe aujourd'hui, peut se
diviser en ville haute et en ville basse. La ville
basse est bornée, à l'orient, par le lac Achérusié,
qui s'étend au nord et se recourbe pour venir la
contourner dans cette partie. A l'endroit où il finit
de ce côté, le terrain est montueux, et il y a un
ravin tortiné par la tête d'une circonvaUation,
dont le pacha a <ait ceindre sa ville. Dans celte
direction,il possède un jardin, et le chemin de la
province de Sagori passe à peu dé distance. La
ville haute est assise sur le versoir oriental des
monticules, qui s'abaissent en se prolongeantau
midi, et Unissent par disparaître aux environs
du chemin qui conduit à Bonila. Une rue isoléa
se trouve sur le revers occidental de la ceinture
de monticulesqui couvrent ïanina, dans la partie
de l'ouest. Laligné de circon vacation se trouve &
quelque distance; elle commence au ravin dont
j'ai parlé, et, d'espace en espace < on y a construit
des-épauÏemens garnis ~e canons. Quoiqu'eUe
exige une force considérable pour être détendue s
elle coûterait du sang avant d'être emportée, sur-
tout si elle était gardée par des Albanais qui,9
comme les Turcs, se battent en désespérés, pourra
qu'ils soient couverts. Dans tout cet espace, il
se trouve des terrains incultes et arides.
Deux rues principales coupent lanina dans sa
longueur, qui, du midi au nord est d'environ
quinze cents toises, et dans sa largeur, qui est à
peu près de sept huit cents toises de l'occident à
portent, jusqu'à la presqu'île qui s'avance dans
le lac. v
La première de ces rues commère à la porte
de Bonila, et conduit au bazar, qui est un lieu
vaste et très-j&éqnenté. La seconde descend des
environs du ba~ar, vers ïe lac, et est appelée rue
des Juifs, paroeque ce sont des hommes de cette
nation qui l'habitent en grande~artie. A son ex-
trémité orientale se trouve un château avec du ca.
non, qui commande l'entrée d'une presqu'île qui
s'avance. dans le lac et sur laquelle est b&ti le
château ou sérail du pacha. Cette presqu'ue, qui
a une surface assez vaste et régulière est déien~
due, vers l'orient,pardeux tours qui en flanquent
les côtésnord et sud, et par une troisième qui s'é-
lève tout à fait à l'orient dans le lac, et à laquelle
on communiquepar le moyen d'un pont levis.
C'est dans cette presqu'ue, et hors de toute at-
.teinte, qu'Ait pach& vit isolé de 1~ ville et de sea,
sujets. Dans cette position, qui tiendrait encore
après qu'un ennemi se serait ren lu Tnattre de la-
niua, il vit ~n milieu d'une troupe d'élite d'Alba-
nais,non point environné de terreurs, mais dans
la sécurité que donnent la bravoure et le cou~
rage. II a réuni dans ce lieu ses munitions,sestré-
sors et ses femmes; en un mot, ce qu'il a de plus
précieux. C'est là où il accumule des ressources
que son prévoyant génie mettra en usage, s'il est
jamais menacé. Il sortira comme un géant des
bords de l'Achérusie, et l'étranger, assez impru-
dent pour se hasarder dans des gorges~tériles, ne
reverra plus le rivage qui l'aura vomi.
Ali gouverne, par le double moyen de la terreur
et delà connance,Ia ville de lanina, soumise à ses
volontés. Naguères les boutiques se fermaient dès
qu'il se montrait dans les rues, et il s'applaudis-
sait d'être redouté, Il commence à s'appercevoir
que l'amour de ses sujets est préEsrable,et il a dé-
posé une partie de l'appareil dontil s'environnait.
jExempt de cette férocité barbare qui versé le
sang sans motif, il n'a sacriné qu'à son Intérêt ou
à sa tranquillité, que son caractère soupçonneux
lui représente peut-être environnée de trop de
dangers. Il protège au reste le commerce et l'in-
dustrie, qu'il aime à attirer dans ses états et il
a des vues qu'on est étonné de trouver dans
l'état de barbarie ou on l'avait supposé jusqu'à
présent.
La population de lanina s'élève au dessus de
quarante mille habitans, qui sont peut-être les
plus industrieux de toute la Grèce. On trouve
parmi eux des négocians riches, et des hommes
qui ont une sorte de culture qu'on ne ren-
contre pas ailleurs. Il y a même, parmi les méde-
cins grecs, ( que je distinguerai toujours des
calo iatros italiens ) des hommes du plus rare
mérite. Faits pour honorer leur pays, quelques
uns réunissent aux connaissances anciennes
celles de la littératureet de la science des moder-
nes. Dece nombre étaient M. Psallidi et plusieurs
autres dont les vertus rénéchissalent un éclat pur
sur leurs concitoyens,qu'ils instruisaientautant
par leur exemple, que par leurs discours. Aussi
rencontre-t-on,ausein del'EpIre,deshommeshos-
pitaliers, et dans lanina, des Grecs dignes de
leur ancien nom enfin on peut dire que ce
qu'il y a de Barbare n'appartient qu'aux Al-
banais, et à la populace qui conserve ses pré-
jugés.
La villede ïanina, outre la prérogativede ses lu-
mières naissantes, est l'entrepôt d'un commerce
considérable qui s'étend dans toutes les parties de
l'empire. On trouve plusieurs de ses marchands
établis dans les échelles principales de la Roumi-
lie, dans la Valachieet la Moldavie, en Hongrie,
et même à Vienne, et elle devrait être la rési-
dence de l'agent commercial de France plutût
qu'Arta et Prévesa. Ali verrait cette distinction
comme une marque de considération de la part
de l'empereur des Français, pour lequel il a tou-
jours témoigné la plus haute estime.
S'il restait quelques nuages, on parviendrait à
les dissiper, en réglant. les anciennes dépenses et
les indemnités de quelques ~fournitures qu'il fit à
nos armées, pendant que nous étions maîtres de
Corfou. Nous aurions, par l'établissement d'un
agent au sein de la capitale, l'avantage de fait sur
nosrivaux,qui,ayantdespoints dansla Méditerra~
née, ne manquerontpas de tournerleurs vuesvers
FEpire, afin d'en tirer des bois de construction
et de nuire à notre marine du Midi. Par l'intimité
des rapports avec le pacha, onserait à portéedené-
gocier et d'obtenir doctement des sûretés, qu'il
faut toujours payer par des actions qui compro-
mettentl'honneur national,lorsqu'onest obligéde
recourir à des subalternes méprisables ici plus
qu'en aucun autre pays. Ens'identinantauxiocali.
tés, on découvriraitausHdes ressources que je ne
me permettrai pas de faire soupçonner.L'huma-
nité gagnerait enfin un semblableétablissement;
car le pacha, jaloux de mériter les suffrages de
tout Européen, s'abstiendrait de quelques actes
arbitraires qu'il commet, et s'avancerait de plus
en plus vers des réformes salutaires qu'il médite.
Après avoir considéré la topographie et ce qui
est relatif à lanina si on jette les y eu~sur le lac
qui baigne cette ville & l'orient et un peu au
nord, on est &'appé d'un étonnement bien supé-
rieur à celui que peut oRrir une ville turque
quelle que soit son importance. L'AchérnsIe,t
nom sous lequel les anciens désignaient un lac
de FEpire, sur la position duquel les géographes
modernes n'étaient pas d'accord, se trouve à
l'extrémité des Champs-Elysées. II s'étend du
nord au midi, l'espace de quatre lieues et demie,
et sa largeur, d'orient en occident, est d'à peu
près trois mille quatre cents toises. Ses environs
âpres et à pic à l'orient, sont rians et agréables
vers le midi et l'occident, et il est traversé au
nord par une chausséeen pierre, sur laquelle on
passe, pour se rendre dans la province de Sagori.
La position d'une Me qui se trouve au milieu,t
pins près du bord oriental que de l'antre,l'a fait
diviser en lac supérieur et en lac inférieur. Mais
les deux lacs sont forméspar un ûenve commun,
connu des anciens sous le nom deCocyte, et que
quelques modernes appellent encore Cokytos.
Formé sansdoute par les innombrablesglaciers,
et par les lacsinconnus qui se trouvent dans les
montagnes entassées jusqu'au Pinde, ce fleuve,
aprèsavoirlong-temps coulé sous terre, fait érup-
tion dans le lac Acbémsie, vers son milieu, à un
endroit que les Grecs nomment Perama. Les
montagnes qui hérissent la rive droite de l'Aché-
~msie, forment, en s'éloignant, un demi-cercleo<t
une section d'ellipse, qui environne le Perama,
où se trouve une maison de plaisance du pacha.
Le Cocyte tombe du rivage ainsi nomme, par
près de vingt canauxqui vomissent ses eaux,de la.
grosseur d'un tronc d'arbre. Le même lac reçoit
ensuite, au nord, une petite rivière qui est proba-
blement celle de Dodone, ainsi que le tribut de
plusieurs ruisseaux qui viennent s'y décharger,
')
après avoir erré dans la plaine ou sur les coteaux
odorans qui l'environnent de ce côté.
Quelle que soit la surprise que doivent causer
les chutes d'eau du Cocyte, qui a une ressem-
blance éloignée avec notre fontaine de Vaucluse,
ia petite Me qui se trouve à peu de distance dans
le lac offre peut-être un plus grand sujet d'é-
tonnement à l'observateur. Elle est habitée par
des Grecs qui y ont un village assis au nord
et à l'orient, avec un monastère. Mais quoique
le plupart y soient nés, ils n'ont pu se fami-
liariser avec un phénomène constant, qui vient
spécialement, et d'une manière régulière, les af-
fliger pendaut l'automne. A peine touche-t-on au
mois d'octobre, que l'île semble placée sur une
base mobile; on y ressentplus de trente secousses
violentes dans le même jour, et qui sont ac-
compagnées d'un bruit semblable à l'explosion
d'une pièce de canon de vingt-quatre. Les Grec~
eNrayés par ces commotions souterraines et par
le bruit qui les accompagne, sortent en trem-
blant de leurs maisons et invoquent le ciel à
grands cris. Il ne parait cependant pas que les
dangers soient aussi réels qu'on pourrait le
craindre. La tradition des habitans n*a conserva
aucuns souvenirs sur l'existence de cette i!e,
destinée, peut être, un jour à être engloutie
dans rAchérusie, ou bien à relever comme lue
deSantorin et les Cameni, et à refoulerles eaux du
lac vers IesChamps-EIysées~u~e!lesinonderaient.
Les eaux de rAchérusie sont mauvaises et féti-
des mais celles du Cocyte ont toute la fraîcheur
et l'insipidité naturelles aux eaux les plus pures.
On trouve dans le lac une multitude prodigieuse
de poissons, et sur-tout d'écrevisses.quisemblent
y multiplierd'une manière toute particulière. On
levoit,dans toutes les saisons, couvert d'une mul-
tude d'oiseaux aquatiques, et traversé par des
barques qui le parcourent en tous sens; et le
pacha y entretenaitun kirlanguitch.Un&in&uté
de plantes non observées, fleurissent sur ses
bords croissent sur le sol volcanique de sa petite
ile, ou se déploient à la surface de ses ondes. Il a
ses calmes, ses tempêtes, ses courans une sorte
de remoux, et, dans les temps de pluie, il s'étend
&u point de doubler presque d'étendue, et d'in-
tercepter le chemin de Sagori par la chaussée Il
que j'ai dit qui se trouve au nord. Enfin, les
eaux de l'Acbérusie, long-temps captives entre
ses bords, se réunissent pour former l'Achéron,
qui va se perdre, à trois quarts de lieue au midi
sous la montagne Cassiopée, dans le gouffre de
l'Aveme.
Lieu redoutable, mais qui n'exhale ni l'odeur
du soufre, ni du bitume, comme le dit un mo-
derne c'est là oùl'Achéron disparaît auxregards.
Les anciens, témoins de ce phénomène, le fai-
saient ensuite rouler au milieu des Enfers, qu'ils
ne pouvaient mieux placer que sou!s les monta-
gnes de l'Epire. A douze lieues du mont
Cassiopée, les eaux de l'Achéron sortent de terre,
aux environs d'un village appelé Vélistri~ et cou-
lent jusqu'au golfe d'Arta, autrefois golfe d'Am-
bracie, dans lequel elles viennent se perdre,
après avoir formé un marais
Le mont Cassiopée, dont je viens de parler,
se trouve à trois quarts de lieue au midi du lac.
Il est peu élevé, et ~ouvert d'une végétation
agréable, qui y attire les troupeaux les ruines
qu'on y voit paraissent modernes. A peu de dis-
tance commence le petit Pinde, qui va, en s'éle-
vant, jusqu'au Pinde proprement dit, et que les
modernes nomment Mezzovo. La rivière d'Arta
prend sa source sur le revers du petit Pinde,
qu'on pourrait regarder comme faisant partie de
la chaîne de Cassiopée.
Toutes les montagnes situées à l'orient et au
midi du lac, sont calcaires. Elles éprouvent des
tremblemens de terre,qui, comme dans le Pélo-
ponèse, se font sentir en automne; tandis que le
montTomaruset lesmontagnes de la Chimère,ne
ressententpresquejamais aucunes secousses. C'est
sur-toutaprèsunétébrûlant et sec, que tous lesha-
bitans de la Grèce attendent avec crainte les trem.
~emens deterre,qui occasionnent peude ravages
dansles villes, à cause de la légèreté de la bâtisse.
Les bords de l'Acbérusiepossèdent enfin, au midi,
un village agréable, et les jardins du pacha, qui ter-
minentIeplateaudesChamps-Elysées,aunord-est.
Ce hameau, appelé Bonila qu'on pourrait
regarder comme le principe d'une petite ville, est
éloigné d'une lieue de lanina. Il est bâti sur un
plan régulier, et forme un carré parfaitdont trois
des côtés, savoir, ceux de l'est, du midi et de
l'occident sont occupés par des maisons; tan-
dis que le reste de l'espace forme une place au
milieu de laquelle le pacha se proposait de faire
bâtir une rud, afin de la diviser. A l'occident de
Bonila,il y a une porte par laquelle on entre en
venant de lanina, et on en trouve, à l'est, une se-
conde qui conduit aux jardins du pacha et, tou-
jours du même côté, on voit un petit ruisseau
qui coule dans le lac. La populationde Bonila est
toute entière composée de Bulgares, qui sont
gouvernés par un aga, qu'Ai! pacha nomme et
place en cet endroit. Ces malheureux Bulgares ont
été, pour la plupart, arrachés de leurs foyers, avec
leurs familles par Ali pacha, dans son expédition
contre Passevend-Oglou. Transplantés des
montagnes froides de la Bulgarie, sous un ciel
plus clément, ils s'accoutument insensiblement
à d'autres usages, quoiqu'ils conservent encore
leurs mœurs et leur langage. On voit parmi lenrs
femmes, des beautés qui étonnent par la noblesse
et les graces qui sont presque généralement
communes aux personnes dusexe chez ce peuple.
Quoique plusieursBulgares parlassent déjà grec,
le fond de la population conservera une nuance
qui les distinguera toujours de l'Albanais. Ce fut
sans doute par de semblables translations de bour-
ga tes entières de la Grèce, qu'on a, long-temps
après, retrouvé au sein de !a Perse les noms de
quelques villes de la Thessalie ou de la Macé*
doine, et le langagedes Grecs dans la bouche de
leurs habitans car, le grand roi en usait alors
dans sesguerres,commentaitle satrape de Ianinàf
de nos jours.
A l'est de Bonila se trouvent un palais du pa-
cha et ses jardins. Ce palais ou sérail ne présecte
rien de particulier; mais les jardins, dressés sur
un plan donné par M. Charbonnel, forment
deux étoiles qui sont agréables à voir. La ferti'ité
du terrain, la régularité de son niveau,ont permis
d'y planter des arbres qui forment de longues
avenues destinées un jour à faire de ces bou~
quets un lieu délicieux.
Bonila, outre le sérail du pacha et les jardins
dont je viens de parler, possédait une école
d'artillerie, à la tête de laquelleAli pIacaM. Cbar-
jbonnel. Il le revêtit en conséquence des marques
ducommandement,luidonnalecostumsalbanaïs, cc
l'autorité sur les canonniers, et enfin lahaute-main =
dans toutes ses constructions. Les exercices pri-
rent une régularité inconnue, l'Achérusievit un
spectacle nouveau, et le pacha, satisfait, aSran-
chit les officiers français de rétat de récluion

dans lequel ils vécurent pendant les premiers =
moIs.PourM.Charbonnel, fit presquehabituel-
lement son séjour à Bonila ou auprès du vezir,=
qu'il accompagna dans plusieurs expéditions
dont je parlerai bientôt.
Au reste, les environs de FAchérHsie, du côté
de F orient, sont fertiles, et on y voit des habita-
tions éparses. Le petit Pinde commence à peu de
distance, de la montagne Cassiopée, et sa chaîne =
va,d'occident en orient, en s~étageant, s'appuyer
sur un des contre-forts méridionaux du grand =
Pinde, ou Mezzovo. 11 est partout couvert de
verdure et de pâturages composés en grande
partie d'herbes odorantes, que les troupeaux
paissent avec avidité il participe enfin de la na
ture du territoire des Champs-Elysées.
On trouve sur la route d'Arta, du côté de 0:

Vroatza, village éloigné de sept lieues de laaina,


des platanes, et l'espèce de chêne blanc dont
Pausanias fait mention, comme d'un arbre alors
inconnu dans les autres parties de la Grèce Ce
fut de cecôté que M. Charbonnel titcouperlaplu-
part des pièces de charronnage, pour construire
les aN&ts et les machines nécessaires à l'artillerie
qu'il dirigeait.
La par tie occidentale des Champs-Elysées, dit
côté des Philatès, qui est l'ancienne régiond'Elée,
est généralement bien cultivée. On y trouve plu-
sieurs hameaux peuplés, et qui n'ont jamais souf-
fert des fureurs dela guerre, comme ceux qu'on
voit du côté de Delvino chemin que suivent or-
dinairementles soldats albanais d'AU, dans leurs
guerres avec Moustapha pacha, ou lorsqu'ils por-
tèrent leur camp sur la plage de Butrinto afin
de prendre part aux opérations du siège de Cor-
fou. Enfin, les vignoble et les oliviersfont un pays
riche de ce district. ch< ~in qui conduit à Pa-
ramithia, et chez les Sonnotes, coupe ce pays s
qui est le plus productif de pachalik d'AIi, soit
pour les richesses territoriales, soit à cause de la
tranquillitéde ses habitans.
CHAPITRE VI.
ROUTE DE tAKïNA AU MOKASTKRE DU PROPHÈTE
~ME. SEJOUR DES OFFICIERS FRANÇAIS AVEC

LES CALOYERS, OU RELIGIEUX DE CE COUVENT.


PROVINCE DE SAGORJ. MOEURS DE SES
HAB1TAN8.

N sortant de lanina, pour se rendre dans la


province de Sagori, et au monastère du prophète
Elie, on suit les bords du lac Achérusic pendant
deux lieues, en dirigeant au nord. On voit dans
cet espace quelques vignobles, des champs cul-
tivés, des hameaux, et une nature riante on
laisse en même temps sur la gauche les chemins
de Butrinto de Protopapas, et de Rodostopos.
A la distance que j'ai indiquée, on a coutume de
traverser le lac, sur une chaussée en pierre qui a
plus d'une demi-lieue de long. Il serait difficile
d'indiquer à quelle époque remonte sa construc-
tion il suffira de savoir qu'elle est maintenanten
mauvais état, et que, dans le temps des grandes
eaux, lorsquel'Achérusieaugmente, elle est Im-
praticable. On dirige alors plus au nord, et on
contourne l'extrémité septentrionale du lac ou
!*on trouve une petiterivière qui &'y jette et on !a
passe sur un pont. Son cours, qui v!cMt du mou
Tomarus,en dirigeant au midi, feraitsoapconner
qu'elle pourrait êtrel'anciennerivièredeDodone,
et l'examen des auteurs anciens viendrait assez à
l'appui de cette assertion sans contrarier l'opi-
nion publique, qui place plus au nord-est les
forêts prophétiques, comme je vais bientôt avoir
lieu de le dire. Il~

A l'extrémité orientale dela chaussée qui coupe

!e haut du lac majeur, on trouve une ferme qui


ne présente rien de particulier. En continuant
de s'avancer au nord-est, on prolonge, pendant
une lieue de chemin, des dunes tantôt verdoyan.
tes, tantôt nues et stériles, jusqu'à un petit village
auquel onarrive. Ons élève ensuite dans les mon-
tagnes, et mille idées délicieuses accourent en
foule pour séduire l'attention du voyageur.
Elles ne tardèrent pas u faire oublier lanina
aux officiers français que le pacha envoyait au
monastère du prophète Elle, pour la raison sui-
vante, qui prouve jusqu'à quel point cet homme,
qu'on s'est plu à représenter comme un tigre,
poussait les attentions et les égards, envers des
hommesqu'il regardad'abord comme ses esclaves.
Un vaisseau barbaresque était venu mouiller
dans le golfe d'Arta, et on apprit qu'il était mort,
dans l'endroit où il avait couché, un des hommes
de son équipage, avec des symptômes qu'on crut
appartenirà lapcstc.0ns'l'uaglnae:tmême temps
ajtpft'cevotr le caractère de cette ma!ad~c daus
phisicurs personnes quipérirentalamémeépoque
à lanina, Ali pacha, à cette nouvelle, donna des
ordres pourcernerle lieu où le Barbaresque t'vait
communiqué, et nt mettre en quarantaine, sur
un site élevé, toutes les personnes prévenues d'à"
voir eudes communications avec les iudividus en
contumace. Mais, peu rassuré cependantpar ces
mesures, il appela MM. Poitevin, Charbonne~ et
Bessières et leur demanda s'ils crai~atent la
peste. Comme ils lui répondirent qu'ils n'en
é: aient pas alarmés, pour moi, répondit-il, je la
crains, ?< <paC.t/.Mx«t~N';en conséquence i! leur pro-
posa d'aUer passer quelque tempsau monas< ère du
prophète E!ic; car, la maladie épidémiquequ'ona
vncscmaniiestcràtànina, quoique très-rarcmct~t,
n~estpas de tonguc durée dans ecttevillc.It ajontit
a cette attention des paroles obligeantes « Vous
)) vous récréerez, disait-il la ietc du prophcrc
EMc approche, il y a de bon vin et les ca-
loyers auront soin de vous.
Le motif pour lequel les officiers Hancais quit-
taient lanina, et plus encore la beauté des sites
qu'ils parcouraient, leur rendaient Je voyage du
monastère où ils allaient aussi agréabtc qu'inté-
ressant. A peine élevés dans les monts Liacmons,9
où commence ic paysde Sagori, à un vluageétoi
gné de quatre lieues de lanina, ils virent les io-
< étsde Dodonc, qui se prolongent sur les croupes
du mont Tomarus ou Dzoumerka.
Le nom de Dodonerappelle cette forêt célèbre
dans l'antiquité, par ses oracles, et dont la Fable
avait animé chaque chêne. C'était là, sous ces om~
bres religieuses, que, par des pratiques futiles et
mystérieuses,l'homme faible et crédule pensait
soulever les voiles impénétrables de l'avenir, et C

connaître son sort. Mais si Dodone fut le pays des


prodiges, cette forêt n'est plus aujourd'hui que la
retraite des Albanais insoumis qui habitent les
pointes des montagnes,dont les contre-forts for-
ment les différens bassins de l'Epire. Ses chênes 0
abandonnés de leurs divinités protectrices dé-
pouillés deJeurs vertus, rempliraient un emploi
c
plus noble, en servant à la construction des vais-
seaux de guerre à laquelle ils sont propres. ë
On ne fait aucune mention des restes d'anti-
quités qui pourraient encore subsisterdans cette
contrée, et il serait sans doute impossible de
trouver des traces de la petite ville de Dodone. Il
ne reste donc plus que le souvenir des événe-
mens, et la mémoire des temps passés, pour ve.
nir méditer dans ce coin de monde où, je crois,
aucun voyageur n'a porté ses pas depuis bieu des
siècles.
La forêt de Dodone, dont on ne peut mesurer
l'étendue, s'étend très-loin au nord. Dans la région
élevée, où les chênes cessent d'exister, on décou*
vre des rideaux immenses de pins, de méièzes,
et de sapins, dont la verdure noirâtre forme
une variété vigoureuse dans le tableau qu'oRre
cette chaîne de montagnes.
Le pays dans lequel on s'avance,après le petit
village dont j'ai fait mention, et qu'on parcourt
au milieu des montagnes élevées, pendant quatre
lieues, présente, sur tous les autres points, une
variété innnie de perspectives,qui tantôt se per-
dent vers le Pinde, tantôt suriesmontagnesde Sa.
gori, et toujours au milieu d'une nature sublime
et pompeuse, où commence le pays du bonheur.
Heureux hahitans des villages de Sagori, votre
territoir Inconnu du monde jouit presque tou-
jours d'une température douce et agréab!e, vos
jours sont ma! quésparlaplus favorable Inuuence
du ciel On commence, en s'avançant dans vos
montagnes, à respL'cr, avec un air plus pur, le
calme et la paix, t't on éprouve des sentimens op-
posés à ceux qu'inspire l'aspect desvi!!es d'Al-
banie, inquiétées ou tremblantes suivant leur
gouvernementou tyrannique, ou anarchique.
Le monastère du prophète Elie, où les Fran-
çais arrivèrent, et q~'I est éloigne de huit lieues
de tanina se trouve situé sur un pic élevé des
montagnes de Sagori. Les caloyers qui l'habitent
reçurent avec plaisir leurs nouveaux hôtes, aux-
quels ils ne cessèrent de rendre les mcilleurs of'
nccs, pendant le séjour qu'ils y firent. La Este du
saint prophète, patron du couvent, fut célébrée,
comme le pacha l'avait annoncé, et un riche
négociant de Bucharest appelé ~~c~<MMM
natif de la province deSasori, fit les honneurs du
banquet. Le vin, comme on peut se l'Imaginer
yi'y manqua pas, et chaque jour, pour les officiers
français, fut une nouvelle fête dans ce pays, ou
rhospitallté et la franchise rappellent les beaux
jours du siècle d'or.
Aa dessous du monastère dont je viens de par-
ler, se trouve un vIMage situé a nu côte, qui est
habité seutement par des Grecs; et à quatre lieues
de là, au nord, est le chef-lieu appelé Sagori,
d'où la province a pris son nom.
Les Sagoriates occupent l'ancien pays des Pa-
ravéens ils se soumirent volontairement aux
pachas de lanina, qui ont conservé pour eux
les égards les plus religieux en leur permettant
de s'administrerà leur manière, et en les laissant
jouir de la plus entière liberté de leur culte.
Aussi, jamais aucun peuple ne fut doué de
moeurs plus douées, plus sociables et plus pures
que les Sagoriates. C'est parmi eux qu'il faut
venir~ étudier le caractère enjoué, et l'esprit
des anciens Grecs. L'étranger est reçu avec
amitié sous leurs toits hospitaliers il y est envi~
ronné de respect et d'attentions; jamais on n'en-
tend chez eux parler de meurtres, de violences,nî
de voIs.LesSagoriatcs,contensdes fruits excellons
de leurs coteaax, du lait aromatisé de leurs hre-
bis, ignorent les vices, malheureusement hop
répandusdans le contréesde la Grèce,oùrègnent
la tyrannie et l'oppression. Ils semblent partici-
per de la pureté de l'air qu'ils respirent, des
émanations salutaires qui s'exhalent de leurs val-
lons, et des bosquets fleuris sous lesquels ils
passent leur vie. Au lieu du caractère méfiant du
Grec, des mots de~M~go~.avec lesquelsil trace
la ligne de démarcation qu'il élève entre lui et
le Chrétien de l'Europe civilisée, le Sagoriate sou-
rit à i'étranger, l'admet dans ses foy ers; des pa-
roles de paix sortent de sa bouche, le calme peint
dans ses traits annonce la bonté qui se manifeste
dans ses actions, lui concilie l'attachement de
celui qui l'a connu et qui ne doit plus oublier
ses vertus. Semblablesenfin à ces Néophytes dont
le Paraguay s'honora, ou trouve chez les des-
cendans des Paravéens, les vertus, les bonnes
mœurs, la franchise, l'hospitalité, sans apperce-
Toir la trace d'aucuns vices.
Avec tant de douceur dans les moeurs, les Sago-
riates jouissentd'nnecertaineréputationdevaleur,
qui doit leur être méritée,puisque les Albanaisen
conviennent. Leurs beloul~s-bachis qui gouver-
nent lesvillages, sont reçus avec distinction, et ac-
cueillis «vcc plaisir à la cour du pacha. Comme il
est sûr de leur f!dé!ité, il ne manque pas de leur
accorder ce qu'ils demandent, et il les favorisa
sur-tout dans l'établissement des monastères.
Ces pieuses fondations où l'honunc, tout en-
tier son salut, s'occupe de prier et de travail-
ler, servent aussi d'asile au voyageur; et elles
sont doublées, non seulement dans la province
de Sagori, mais dans toute l'Albanie, depuis
qu'Ait en est devenu pacha. Soit politique soit
intérêt personnel, parce qu'elles sont les pied à
terre du vezir dans ses voyages il les favorise
et accorde, moyennant une légère redevance,
le droit d'en faire de nouvelles.Il entretient aussi
une amitié constante avec les supérieurs et, de
cette manière, il gagne dans l'esprit des Grecs
~ar lesquels il ne s'appesantit que lorsqu'il a
quelque chose a redouter de leur part.
Si le pays de Sagori, dont on ne peut trop
assigner l'étendue, est riche en sites pittores-
ques, en bonnes mœurs, et en produits terri-
toriaux de la meilleure qualité le défaut de dé-
bouchés et de commerce fait qu'il est généra-
lement pauvre en numéraire. On y trouve peu
de rivières, et ce n'est que du revers de ses mon-
tagnes que naissent les Heuves qui coulent dans
l'Acarnanic vers l'antique Celeihrum, nom-
mée aujourd'hui Castoria dans le bassin d'Ar-
gyro-Castron, et an milieu du vallon deTcbeIcnL
L'Intérieur de la province, dans laquelle on
voyagerait avec les plus grandes sûretés n'a été
visité que par les voyageurs qui vont de lanina
en Valachic et qui préfèrent ce chemin a celui
de Larisse par le Pinde.
On pcurrait cependant, avec un peu d'cx.ac-
titude retrouver des traces de quelque voie aa~
tique; car il dut en exister pour communiquer de
la Haute-Epire dans la Thessalie; et, en voyant la
projection des montagnes, il n'y a pas de doute
que l'armée de Pompée,enquittantDyrrachium,
prit les montagnes de Sagori, pour arriver au
Pinde,qu'elle dut passerpar le défilé de Mezzovo,
le seul praticable dans cette chaîne élvée.

CHAPITRE VII.
RETOUR DES FRANÇAIS A !A?fîNA. M. BESSÏERES
ACCOMPAGNE LE PACHA DANS UN VOYAGE AU
NORD DE ~ALBANtE. DESCMPTtON DE RODOS-
TOPOS JET DE PROTOPAPAS. ITINÉRAIRE DE
tANtNA A TEBELENI.

JLjES
craintes de la peste étant dissipées, et le
pacha n'ayant plus de raisons pour veiller à la
conservation de ses prisonniers, les rappela du
monastère, où ils avaient passé leur temps agréa-
blement. M. Poitevin, dont la santé chancelante
avait peine à se rétablir à cause des Sèvres aux-
quelles il était en proie s'était assez bien trouvé
de l'air pur des montagnes de Sagori et son état
dissipait les craintes d'un avenir iacbeux.
De retour à lamaa, les officiers français repri-
reut leurs habitudes ) M. Charbonnei retourna a
Benila, 'où était l'école d'artillerie, et M. Bes-
eièfes accompagna le pacha à Tebeleni, sa patrie.
Ali différent en tout des vexirs de la Tur-
quie, et accontumeà une vie laborieuse, parcourtt
souvent tes différentes parties de son territoire,
afin de tenir les peuples dans l'obéissance on
pour se faire des amis. Il descend ordinairement
dans les monastères que sa tolérance et peut-
être, comme je I*aidit,son intérêt, i u) multiplier
dans rétendue de son pachalik. Cette fois il re-
tournait vers les lieux qui l'ont vu naître, et il
parcourait les champs témoins de ses premières
armes que je décrirai rapidement pour indi-
quer la topographie de ceUë partie de l'Albanie.
En sortant de lanina pour se rendre dans la
Haute-Atbanie,qui est le pays des anciens Atin-
tanes ou Atimanes, et des Chaoniens, on voit,peu
aprèsavoir quitté !anina,Ie bourg de Protopapas,
qui forme une élégante variété dans le tableau
des Champs-Elysées. Quoiqu'on n'y passe pas, je
crois devoir en parler ici, pour terminer la
topographie de la partie nord de la plaine de
Ianina, ainsi que celle du villagede Rodostopos,
qui se trouve presque sur la même ligne.
Protopapas est un hameau situé à trois lieues au
nord-nord-ouestde lanina,suruQrocberéievé,qui
permetdele découvrir de très-toin. 1 ont annonce
que cet endroit est moderne, ou plutôt j'ignore à
que! Hen de l'antiquité on pourrait le rattacher;
car les Champs-Elyséesdurent autrefois être ex-
trêmementpeuplés. Quand les temps de barbarie
succédèrent aux beaux jours de la Grèce, ce
qui resta de ses habitans se réfugièrent dans des
lieux fort d'assiette, pour se mettre à l'abri de
la fureur des hordes ambulantes qui portaient
la désolationde tous côtés. Ainsi, les habitans de
Protopapas, qui sont en général fort pauvres,
soit raison ou hasard, choisirent peut-être ce site
ingrat à cause de sa stérilité, mais beau comme
site, et comme détaildans l'ensemblede la plaine
de lanina.
Une lieue au nord-est de Protopapas c'est-à-
dire à quatre lieues de lanina, se trouve un autre
hameau appelé Rodostopos, ou pays des Rosés.
En voyant l'aridité du terrain, on croirait que
ce nom est une dérision;mais la variété des sites,
leurs aspects poétiques, ornés de quelques bou-
quets de verdure, font rechercher les environs
de Rodostopos, qui, comme tous les hameaux un
peu élotgnésdu lac Achérnsie, jouit d'un air sain.
Le revenu direct des impositions que paient les
habitans de, Protopapas~ de Rodostoposet Delvi-
nachi, dont j'ai précédemment parlé, fait partie
des domaines de la Validé sultane.
Je reviens maintenant à Ali pacha dont je
suis la marche. Après avoir longé le rivage mé-
ridional du lac Achérusie, et s'être reposé dans
un monastère qui est dans le moût TomàrM
tu Dzoumerka,à peu de distancedes sources de la
petite rivière qui se jette au nord du lac il vint à
Argyro-Castron,éloignée de dix lieues de lanina.
Le vallon d'Argyro-Castron, qui s'étend, en se
contournantà l'ouest, depuisle revers septentrion
mal du mont Tomarus ou Dzoumerka jusqu'au
port de laVaUona, qui est l'antique Aulone, peut
avoirenvironquinze lieues. !1 es t divisé dans toute
sa longueur par une rivière qui prend sa source
sur le versoir du Dzoumerka, dont je viens de
parler, et qui est vraisemblablementle Celydnus
de la Chaonie. Sa rive gauche sert de limite aux
Chimariotes indépendans, dont le pays s'étend
jusqu'à une ruine appelée Fortresse de Canina
qui se voit à l'extrémité nord-ouest des monts
Acrocérauniens. On trouve sur la rive droite du
Celydnus, plusieurs villages soumis, et un bourg
qui pourrait bien être ~MMc/wï
Argyro-Castron, chef-lieu d'un pachalik à deux
queues, et qui n'est quelquefois gouvernée que
par un aga, est une ville moderne, que Mélétius
indique comme l'ancienne Antigonie. Après
avoir résisté long-temps au pacha de lanina, elle

Les rois de l'Epire se rassemblaientà Passaron, ainsi


que le peuple ,pour sacrifierà Mars. Les premiers faisaient
le serment de ne gouverner qu'en vertu des lois et les peu-
ples, de leur côte, jarflent de défendre la royauté soumise
aux lois.
a cédé à ses armes, et elle est aujourd'hui gou-
vernée par une de ses créatures. Sa position avan.
tageuse, et sa situation dans un vallon fertile, en
pourraient faire un séjour recherché, si tout ce
cui l'environne n'avait des mœurs souvages
et ne vivait dans un état de guerre habitue!.
Le pays que le pacha parcourut, en continuant
sa route, cstmontueuxet couvert de bois propres
à la construction, jusqu'à Barath, ville éloignée
de sixlieues d'Argyro-Castron.
Barath, chef-lieu du pachalik de la YaMona
se trouve dans le vallon de la Bolina, à une demi-
lieue de la rive gauche de ce fleuve, connu dans
l'antiquité sous le nom d'Aous
Le vallon de la Bolina, ou Aous, commence à
l'orient, et vient s'ouvrir à l'ouest en s'élargissant
ses coteaux sont couverts de forets, et on y
trouve quelques villages, sur-tout au voisinage
de la mer. Ils sont habités par des peuples qui
paient les tributs avec assez d'exactitude, quoi-
que remplis de bravoure et de férocité.
On fait le commerce de toute ce partie de la
Haute- Albanie,par la Yallona,qui c~t réchellegé-
mérale de ces cantons. Mais quelest ce commerce?
La Vallona est habiîë~ par une naticn dont les

Pausamas fait m<. de ~ctte MYtcre; mais ce sage


~criYaM a été mdutten. ?Kr, lorsqu'ildit qu ils'y trouvait
des chiens mariDS, et i! est probable qu'il parlait d'aptes d<
bruitspopulaires. cz PAt;3. Mt:Mt!:f.
moeurs sont semblables à celles des Algériens, et
sonportestloindeprésenterlesmëmessùretésaux
vaisseaux européens, que ceux des régences. Aus'-i
il n'y a presque que des nationaux, ou des Dul-
cignotes, qui s'y présentent, pour entretenir quel-
ques relations avec l'Italie ou les îles Ioniennes.
De Barath à Tebeleni, oh compte six lieues
dans la direction du nord, toujours dans les ro-
chers, ou bien au milieu des forêts.
La ville natale d'Ali pacha, encaissée de toutes
parts par des montagnes arides, semble placée
dans un entonnoir.Il s'en échappe cependantune
petite rivière qui coule à l'occident, dans une
vallée qui va, en s'élargissant, jusqu'au fort de
Cavailla près duquel cette rivière se jette dans la
mer. Le pachalik de Tebeleni qu'occuppa Ali
avant d'être maitre de lanina, a été aboli, et !a
ville n'est gouvernée que par un aga. Comme lu
peste qui affligea, cette année, quelques points de
rAIbanic.y régnait alors, !e pacba, qui n'est pas
imbu <~es idées de la prédestination, ne jugea pas
à propos d'entrer dans son enceinte.
Ayant pris la route de SagorI, il ne tarda pas n
rentrer à lanina, où sa présence devenait néces-
saire pour réprimer le pacha de Delvino, dont
je vais bientôt avoir à parler, ainsi que de cette
campagne dans laquelle Ali entra sur leterritoirc
de son ennemi, les armes à la main et assiégea
la ville de Delvino.
CHAPITRE VIII.

ÉTENDUE DU PACHALIK D'AU. SES REVENUS.


SES TROUPES. INFLUENCE QU'IL A DANS LA
BiOUMILIE. ÉTRANGERS. FIN TRAGIQUE DE
N. DE LA SALLE.

JLE territoire que possède Ali pacha comprend


J'Epire, l'Acamanie, les montagnes du Pinde,
la Phocide, une partie de l'Etoile, la Thessalie,
et quelques cantons de la Macédoine.
Sorti des rangs albanais, comme je l'ai dit pré-
cédemment, et parvenu au gouvernement de
ïanina avec le titre de pacha à deux queues il
jeta graduellementles fondemens de sa domina-
tion. En même temps qu'il se faisait des alliés et
des amis en Thessalie auprès des agas il subju-
guait par les armes les pachas d'Arta, d'Argyro-
Castron, d'Ochrida, de Delvino, qui ne subsis-
tent plus que parés d'un vain titre, et soumis
par le fait à ses volontés. !1 faisait même, par sa
politique, occuper, par des chefs qui étaient ses
créatures, celles de leurs places qu'il ne pouvait
réunir à la sienne.
Mais si Ali fut favorisé du succès dans les en-
treprises qu'il forma contre les pachas voisins,
il éprouva une résistance invincible de la part
des peuples qui habitent les montagnes derEpire~
Ainsi, il eut long-temps à lutter contre les Sou-
Iiotes,qui habitaient les sommets escarpés des au*
ciens monts Cassiopéens. Il dut ménager les Para-
mitbiotes qui les avoisinent, et se contenter des
tributs volontaires des Philatès, qui cultivent les
champs voisins de la Thyamis. Par une politique
adroite, il sut également isoler du pachade Delvi-
no, les Chimariotcsbelliqueux qui habitent ces
montagnesredoutées, que les anciens désignaient
sous le nom d'Acrocérauniennea, parce que leurs
sommets étaient souvent frappés de la foudre.
A ces peuplades guerrières, dont les femmes
mêmes sont armigères, et que le pacha sut tou-
jours affaiblir par des divisions intestines, on
pourrait joindre l'énmnération des hameaux si-
tués sur les contre-forts des montagnes qui abou-
tissent aux vallons de l'Epire pour se faire une
idée des ennemis qu'il a à surveiller et à combat-
tre. En effet, dès qu'un certain nombre d'hommes
réunis, se croient en sûreté dans un poste avan-
tageux, ils ne manquent pas de s'affranchir des
tributs, et de se livrer au penchant qui les porte
à l'indépendance. Les dangers auxquels ils s'ex-
posent sont pour eux la dernière considération.
Accoutumésà combattre Icssanglierset les loups,
habitués à vider leurs querelles par les armes, ils
ont appris de bonne heure à mépriser la vie.
La Thessalie, dont Je pacha de Tricala, beau-
frère d*AH, tient les dénies par la position de sa
ville, bâtie sur le revers oriental du PInde, ofn'e
peu de résistance, et présente des ressourcescon-
sidérables. L'aga de Zeitoun, Mouctar qui fut
élevé au pachalik de Négrepont, ont assuré la fi-
délité de ces cantons au vezir de lanina. Il y
trouve, outre des impositions payées exactement,
des soldats braves et aguerris, qui viennent, au
premier signal, se ranger sous ses drapeaux. Le
mont Derveni, les croupes du Pinde, renferment
pourtant quelques villages Indépendans, mais
<}ul,contens de leur liberté et de leurs troupeaux,
abhorrent le brigandage et l'état de la guerre.
Le pachalik d'AII, dans lequel on trouve plu-
sieurs autres pachallks enclavés, doit être consi-
déré,d'une manière absolue,comme un petit état.
Il est borné, quarante lieues au nord de lanina,
par le territoire du pacha d'Ochrida qui est une
de ses créatures. Au dessus de Tebeleni il con-
Ëne à la vallée du Drino, et aux frontières du pa-
cha de Scoudari ou Scutari. A l'ouest il com-
prend un littoral très-étendu dont les Chima-
riotes lui disputent une partie, et où Margariti,
Paramithia Philati Parga et Prévesa, sont indé-
pendants. Enûn, à l'embouchure de FAché-
loûs, ( Aspro-Potamos ) sur le golfe de Lépante,
se trouve le pachalik de Messalonghi, qui relève
du beglict'bcy deMorée. Lépante ou Enebechté,
~achalU à trois queues, forme une division terri-
toriale indépendanted'Ali. Mais les forêts deMa-
nina, les bords de l'AcbéIous, et le pays situé au des-
sous d'A~ubracie, dépendent de son autorité. On
trouve enfin des postes albanais jusqu'au mont
Olympe, et près de Larisse,qui parlent et agis-
sent au nom d'Ali pacha; de sorte qu'on pour-
rait déterminerles iront 1ères de sa satrapie, pour
l'est-nord, par la chaîne des monts Camb usions 9
qui vient s'appuyer sur le mont Liacmon au
pays de Sagori.
La dénomination des pays qui forment le pa-
chalik d'Ali, a subi des changeniens qu'il est im-
portant de faire connaître. lanina, par exemple 9
a donné le nom de Janat au territoire des anciens
Molosses; le district des Paravéens est aujour-
d'hui la province de Sagori; la Chaonie s'ap-
pelle pays de Chimera; et l'évêché de Butrinto
comprend la Thesprotie. Le canton de Souli oc-
cupe les montagnes âpres de la Cassiopie; et la
Cassiopie, qui est connue sous la dénomination.
de Valetitzia, compte, parmi ses habitans, les
PhUatès, les Paramithlotes, les Margariotes, et les
Pargotes. Les revers oriental et méridional de
Souli sont indiqués sous le nom de canton de
Loroux; et, dans une carte vénitienne manuscrite
que j'ai vue, sous celui de ~P~c-te~C~~Mo~eo.On
qualitic enfin l'Acarnauic de CarléHc, et l'Etoile
de Xcromeros. Les autres districts prennent les
noms des chefs lieux desquels ils relèvent.
Les revenus d'AII pacha se composent de <r.
mars, de nombreux troupeaux, et des imposa
tiens, qui se perçoivent avec moins de dureté et
de vexation que dans les autres parties de l'Em-
pire. Si on calcule, par approximation, le pro-
duit de ses ressources, en y joignant ses bénénccs
dans la vente des bois et des laines, et sur le com-
merce qu'il fait; ( car il est un des premiers né'
gocians et le monopoleurprincipal de son pays )
si, dis.}Cj on peut fixer un apperçn, on portera
le total des revenus d'Ali à huit millions.
Avec cette somme, ce vezir entretient sa mai-
son,paie ses redevances à la Porte, qui reçoit sans
retenue le montant des carachts et il solde ses
troupes.
Elles consistent,dans l'état ordinaire, en six ou
huit mille Albanais. ïl est vrai que souvent il est
forcé d'augmenterson armée, et par conséquentt
ses dépenses. L'entretien de vingt cinq mille
hommes pendant son expédition contre Passe-
wend-OgIou, et dans le temps de la dernière
guerre, durent lui coûter des sommes assez con
sidérables il fut aussi obligé d'acheterdu canon
et des armes mais ces déboursés sont loin d'être
perdus et la Porte qui lui a accordé plusieurs
demandes pour la sûreté de l'Albanie, l'a mis sur
un pied respectable.
Son état militaire s'améliore ainsi d'une ma,.
mère notable. On trouve des Albanais au service
de tous les pachas dont ils sont ïa garde ordi-
naire, et les meilleurs soldats. Ces mêmes hom-
mes ne restentà leur service et ne s'engagentdans
les querelles intestines de l'empire que pour ga-
gner de l'argent. Dès qu'ils ont amassé une mo-
dique somme, ils s'empressent de rentrer dans
leurs montagnes, et deviennent, au besoin, les
élémens d'une milice aguerrie, dont Ali pacha
peut disposer. D'autres après avoir fait le mé-
tier de haïdouts, ou voleurs de grand chemin
et s'être souillés de crimes, abjurent cette condi-
tion pour redevenir Albanais. Comme ils con-
naissent les déniés les plus obscurs de la Rou-
milie, ils seraient formidables dans une guerre
de postes où comme on sait, les Musulmans
sont intrépides.
Ali pacha, aux puissans moyens qu'il possède,
réunit les artifices de la politique pour se faire
des amis, ou afin de ruiner ceux dont il redoute
les desseins. Loin de vexer les agas, en réprimant
leurs concussions, il les laisse tranquilles, per-
suadé que de malhonnêtes gens n'ont rien à ga-
gner dans le changementd'un état de choses oit
ils trouventl'impunité et de là vient que quelques
uns lui sont fanatiquement dévoués.
Il ne se repose jamais dans une sécurité fatale
et si, comme je l'ai dit, il se tient au courant des
nouvelles de l'Europe civilisée. il laisse rarement
passer un étrangerdans ses états, sans le faire pa-
raître devant lui. Ce n'est point dans la vue d'en
extorquer un cadeau,quoiqu'il soit avide comme
tous les Turcs, mais pour acquérir quelques con-
naissances. H compare ensuite, il calcule les évé-
uemens, et tout porte & croire qu'Ali sera un des
plus fermes appuis de son maitre, après lui avoir
inspiré des alarmes: peut-être le servira-t-il plutôt
comme grand feudataire, qu'en qualité de sujet
et d'esclave, son état exigeant des titres égaux
aux moyens qu'il peut déployer.
Tel est ce pacha, sur lequel je suis encore re-
veuu,aun de le faire connaîtredans son véritable
jour, et pour exposer les moyens dont il peut
disposer mais, différent de ceux qui ont voulu
le caractériser jusque dans ses plus secrètes pen-
sées, je ne l'ai voulu peindre que par ses actions
connues. J'aimerai toujours à répéter qu'il affec-
tionna et qu'il estima toujours spécialement les
Français, et les malheurs de la guerre ne doivent
point infirmer cette assertion Impartiale. La mort
du malheureuxLasalle, négociant français, qui
demeurait à lanina, et les regrets du pacha, sont
une preuvede son amitié pour ceux qu'il connaît.
M. de Lasalle, coupable, suivant M. Williams
Eton d'un péché originel, à cause de la prêteur
due trahison de ses ancêtres, qui, à l'en croire,

TaMeMtderEmp!feOtho!Mat
auraient du livrer la Morée aux Turcs, dans le
temps où elle était occupée par les Vénitiens
M. de Lasalle fut assassiné, dans la ville de Ianina,
par un officier de l'escadre de /n~ro. L'au-
leur anglais, pour terminer son épisode, donne-
rait à entendre que ce fut en expiation de cette
faute supposée, et de son attachement à son
pays que le sang du négociant français fut ré-
pandu mais l'histoire succincte de cet événe-
ment vengera notre compatriote.
Je restitue d'abord les noms, en rétablissant le
&It. Un des forbans qui avait compté dans l'état-
major de FAmbro, après la destruction de ce
chef, qui fut foudroyé par une frégate fran-
çaise, é'ait venu s'établir à lanina, où il vivait,
eu apparence, tranquille. Chaque année, cepen-
dant, on le voyaitdisparaître dans la beue saison;
et l'or qu'il rapportait, et dont il était prodi-
gue, éveilla le soupçon. On parvint à connaître
qu'il traversait les montagnes de la Macédoine,
et qu'il allait se réunir à d'autres scélérats, pour
courir les mers, et faire le métier de pirate. En-
6n ,1e bruit de ses crimes ayant éclaté de manière
à ne laisser aucun doute, Ali pacha ordonna de
!e saisir; et, profitant du premier endroit qui
s'offrit, il lui fit trancher la tête dans un jardin
appartenantàM. deLasaIle.qui était alors absent.
Les partisans du forban, qui partageaient sans
doute le fruit de ses courtes, accusèrentle ncgo-
ciant français d'avoir coopéré à la pnnttton
<fM~<7~6?/r~e~Grecs, et le malheureux La-
saile fut assassiné par un autre officier de l'es-
cadre de FAmbr~, dans une rue de lanina.
Le pacha regretta sincèrement Lasalle, dont
il aimait les qualités; et l'assassin, couvert de
sang, qui échappa à la punition, ne s'attendait
pas à se voir préconisé par la plume d'un écri-
vain philosophe, qui doit sacriSer ses ressenti-
mens, et immoler une haine aveugle,pour rendre
hommage à l'honneur et à la vérité!

CHAPITRE IX.
DETAILS SUR LA SITUATION DES FRANÇAIS A IANINA.
a
ECOLE D~ARTILLEMEA BONILA. –EVENEME~S 5
ARRIVÉS DANS L'ALBANIE. FIN TRAGIQUE DU
CORSAIRE OROUSCHS. GUERRE AVEC LE PACHA
DE DELVINO. BOMBARDEMENT DE SA VILLE.
IL CONCLUT LA PAIX AVEC ALI PACHA. –L'INQUI-
SITEUR GUERINI SE FAIT MUSULMAN. LE PACHA
RENVOIE M. BOUVIER EN FRANCE.
AvANT de continuer
ma relation topographique
de l'Albanie, je crois suspendre agréablement
l'attention du lecteur, en Je ramenant vers les
Français prisonniers à lanina.
Les commencemens pénibles d'une captivité
t
dont en ne pouvaitprévoir le terme, ainsi que ses
suites, étaient l'entretiendetons les jours, que l'es-
pérance du changement faisait coulerrapidement
Ces jours pourtant n'étaient pas vides d'occupa-
tions, et le pacha savait honorablementmettre à
profit les talens de ses prisonniers.Ainsi, M. Poi.
tevin lui traça les plans de fortifications dont il
couvrit sa ville et quelques points du lac, sous
l'inspection de M. Bessières qui les mit à exécu-
tion, pendant que M.Chàrbonnel lui formait des
artilleurs, et montait son artillerie.
Séparé de ses compagnons d'infortune, presque
dès le commencement de la captivité commune
M. Charbonnel résidait à Bonila. Sa santé, dé-
labrée de plus en plus, commençait à s'y rétablir,
et il avait déjà tracé le grand jardin du pacha,
qu'on exécutait d'après ses dessins lorsque le
vezir, qui méditait lâ guerre contre Moustapha,
pacha de Delvino et les Souliotes dont il avait à
se plaindre vint à cette maison de campagne.
Ïl connaissait le grade militaire de M. Char-
bonnel, et il voulait savoir s'il était hon artil-
leur. H l'appela et, après s'être entretenu avec
lui sans intermédiaire, au moyen de la langue
grecque, que le colonel Charbonnel savait à cette
époque, il l'engagea à lui montrer ses connais.
sances, et lui donna l'entrée du harem, dans
l'enceinte duquelsetrouvaitsonartillerie, enFin-
vUant à choisir un mortier pour lui faire voir. le tir
des bombes, auquel ses topdgis étalentpeuexercés.
Pour exécuter les ordres du pacha, le colonel
se rendit au harem, où il fut introduit et il dé-
signa un mortier de moyen calibre, qu'on fut
obligé de descendre par l'escalier même des
femmes. Pendant cette opération, le colonel
qui avait encore une partie de ses habits euro-
péens, fut reconnu d'une Française qui était
esclave de la princesse mère; et cette infortu-
née, se précipitant tout à coup hors de l'appar-
tement où elle se trouvait, eut la hardiesse de
s'approcherde lui.
Amour du pays, on ne sait peut-être t'appré"
cier justement, que dans l'exil ou dans les gran-
des calamités qui nous en éloignent A l'accent
de cette femme, à ses larmes, le colonel interdit,
hésitait et avait peine à croire ce qu'il voyait. Il
s'arrête l'infortunée lui adresse la parole pour
s'Informer de son époux qui avait péri à la
malheureuse rencontre de Prévesa, et dont elle
ignorait le sort. Elle s'épanchait, elle exhalait ses
peines. lorsque Mouctar, fils aîné du vezir,
qui se rendait chez sa mère, vint rompre cet en-
tretien. Surprisde voir dans leharem, une femme
s'entretenant avec un étranger, il s'approcha du
colonel, et lui dit avec beaucoup de tranquillité
et sans émotion J?<ïK~ ~~MM?M, r~ dou-
/M~OM. ~e.s mon ame, allez bien à votre
~M</e. paroles bien diSëreutcs de celles qu'on
trouverait dans la bouche d'un Oriental, dont le
Itarem est un lieu redoutable et qui prouve que
les Albanais sont loin d'être aussi ridicules que
les Osmanlis lorsqu'il s'agit de leurs femmes.
Le mortier ayant été transporté à Bonila
M. Cbarbonnel construisit une plate-forme, qui
consistait en trois lits de rondins, placés borizon-
talement et contenus par des piquets, et il atten-
dit le jour que le pacha avait indiqué pour le tir
des bombes. Les bombardiers turcs, dont l'adresse
devait être mise à l'épreuve, et comparée à celle
du colonel, se contentèrent, pour établir le mor-
tier, de poser des planches sur le terrain, sans
s'embarrasser du niveau.
Le jour du concours, qui devait donner un
chef au corps des artilleurs coiffés de grands bon-
nets noirs, ( car, le vainqueur devait obtenir ce
grade) le jour étant arrivé, le vezir, et les deux
pachas ses fils, suivis de toute la cour; les be-
louks bachis les agas et les capitaines albanais
enfin, la garnison entièrede la capitale, se ren-
dirent à Bonila. Ali fit dresser une petite tente à
six cents toises environ, et il la donna pour but.
Les deux premières bombes furent lancées par
M. Charbonnel. La première tomba au delà du
but, et la seconde en deçà, mais toutes deux
dans la direction. Il allait rectifier son troisième
coup, lorsqu'Ali ordonna à des bombardiers de
tirer. Ils traînèrent alors le mortier sur leur plate-
forme, et commencèrentle feu, qui fut mal exé'
enté, aucune bombe ne touchant le but, et
toutes tombaut hors de direction; de manière qu'à
la sixième, le vezirles fit cesser, en les traitant de
maladroits et d'ignorans. Il fit signealors au colo-
nel de recommencer.Comme il avait eu le temps
de charger une bombe, et de l'armer d'une fus
qu'il avait préparée d'avance, il calcula alors la
charge du mortier, d'après le résultat des deux
premières portées de manière que cette bombe
vint tomber sur un des piquets de la tente qui ser-
-vait de but, et, par son explosion, la fit sauter en
l'air, chose qu'on n'avait point encore vue dans
le pays. Ce ne fut en même temps qu'un cri d'al-
légresse. La galerie du sérail de Bonila, qui domi-
nait la batterie, et sur laquelle se trouvaient les
pachas et la cour, retentit d'acclamations. Tous
ceux qui y étaient se levèrent spontanément,
( Ali pacha excepté, qui resta assis avec son mc-
decin ) et vinrent à la batterie. Veli pacha,
d'après l'ordre de son père, prit le colonel par
ia main et le présenta au vezir duquel il reçut
les félicitations, et une pelisse. Il l'investit en
même temps de toute sa confiance, comme topdsjt
et comparadgibachi, c'est-à-dire comme chef dcs
canonniers et des bombardiers.
Le lendema!n, M. Charhonnel reçut, au nom
du vezir, un habit complet à la turque, Il fut en
même temps charge dci'insh'nctton df p!ns!('urti
jeunes gens Grecs et Turcs, qui devaient former
le personnel de l'artillerie d'AIi, qui lui donna
pareillement la haute-main sur toutes ses cons-
tructions.
Ces fbnctionsétablirentdes relations tréquentes
entre le colonelet Ali pacha; ilallaitfréquemment
au palais, où plusieurs fois il rencontra le corsaire
Orouscbs, cause de notre captivité. Ce pirate,
venait rendre compte de ses croisières,qui étaient
loin de répondre aux grandes espérances de son
talent, qu'il avait annoncé avec emphase. Il s'hu-
miliait devant le colonel, dont la faveur avait lieu
de !e confondre, lorsqu'un jour M. Charbonnel,
qui le trouvait toujours sous ses pas, lui dit, d'un
ton prophétique « Va, malheureux, tu vois ton
ouvrage, ce que je suis devenu; et toi, tu seras
pendu Jamais oracle n'eut un accomplisse-
ment plus réei. Oronschs ayant remis en mer,
perdit le kirlanguitchdu pacha qui futcofdébas,
et comme il eut l'imprudence de reparaître la
cour, pour rendre compte de son infortune,
Ali, afin de s'en défaire, et de n'en plus entendre
parler, donna ordre de l'étrangler.
Peu de temps après ces heureux événemens,
qui mettaient d'une part les officiers français en
crédit, et qui, de l'autre, nous vengeaient d'un
traître, la guerre fut déclarée, de la part d'Ali, à
Moustapha, pacha de Delvino. M. Charbonnel
reçut l'ordre en même temps de préparer un petit
équipage de campagne et de siège. II fit donc en
diligence construire des affûts et préparer ce nul
était nécessaire pour l'artillerie. Les paysans
grecs furent en même temps mis en réquisition,
pour trainer les canons et les mortiers jusque sur
les &ontières de Moustapha pacha, et ils prirent
part à l'expédition sous le commandement de
leurs papas, qui étaient les capitaines de cette
singulière milice.
Les guerres entre les satrapes n'entraînent
point avec elles les grandes calamités et les lon-
gueurs de ce Ccau lorsqu'il éclate entre souve-
rains. Image de ces querelles qui, dans tous les
temps déchirèrent la Grèce un pacha ou un
aga vident leurs différends par les armes, et une
nuit, une semaine, ou l'espace d'un mois, voient
se relever les oliviers de la paix, ou consommer
la destruction et la fuite d'un des adversaires.
On fait alors main-bassesur ses troupeaux, dout
on se régale; on arrache parfois quelques pieds
d'oliviers, et par la force naturelle des choses
les haines s'assoupissent et s'oublient.
Lorsqu'on se fut avancé sur les possessions du
pacha de Delvino, et que les Albanais eurent
fait retentir l'écho des monts Acrocérauniens,
des chants barbares de leur broko-valas, ou
chanson de guerre, on commenca à vivre aux
dépens de l'ennemi. II ne se présenta pas pour dé-
~fndre les positions militaires qui couvraient sa
vIHe.de laquelle on approcha, presque sans coup-
fërir, pour former le siège.
J'ai parlé plus haut de Delvino et de sa posi-
tion. On ne jugea pas à propos de. l'emporter de
vive force et peut-étrele pacha voulut-il, en cette
occasion, se donner le plaisir de voir l'effetdeson
artillerie. Onlançaen conséquenceplusieurs bom-
bes sur la ville, et Moustàpha pacha ne. tarda
pas à obtempéreraux volontés du vezirdelanina.
Après cette campagne.M.Charbonnelretourna
à lanina,'où il fut témoin ainsi que les prison-
niers qui s'y trouvaient,d'un événement étrange,
auquel on'était loin de s'attendre.
M. Guerini, carme déchaussé, et membre de
l'inquisition de Malte, avait été fait prisonnier
avec nous, sur la tartane livournaise qui nous
portait en Italie. Agé de quarante-deux aus il
avait précédemment annoncé l'Evangileà Bornas,
dans la Syrie, et dans la Palestine où il s'était
formé à la connaissanoedësIanguesorientales.De
retour de ses missions; lé pape Pie VI l'avait en-
voyé à Malte en qualité de membre du saint of-A
fice. Il se trouvait dans cette ile, lorsqu'elle se
soumit aux armes de Bonaparte, et il sollicita du
général Desaix l'honneur d'être son interprète.
Mais, arrivé en Egypte, la vie des camps, le tu-
multe dés armes, ne purent convenu' à ses
goûts, et il obtint la permission de retourner
en Italie.
Pleins d'égards pour l'austérité de ses prince
pes, nous avions évite,. pendant la traversée, jus-
qu'aux inconséquences qui auraient pu causer
quelques déplaisirs à ce religieux, et on devait
compter sur sa résignationdans le malheur.Mais,
hélas! le cœur de l'homme est un aMme
Guerini, missionnaire, inquisiteur, était un
moderne Escobar Depuis qu'il se trouvait à Ia-
nina, il avait fait la connaissance d'un santon,
autre fanatique dans une religion ridicule, et qui
n'avait, comme le membre du saint ofSce, que
l'habit de son état. Chaque jour ils allaient en-
semble dans la montagne, méditer, faire des re-
traites, psalmodier le Kouran, et ils revenaient
constamment plus charmés que jamais l'un de
l'autre. On était cependantloin de soupçonner
leurs desseins, lorsque le carme déchaussé, pour
couvrir sa honte, voulut s'excuser d'avance aux
yeux de ceux dont il n'avait que le mépris à
attendre. Il vint trouver M. Bessières, et il lui dit
en somme « que toutes les religions étaient bon-
nes et qu'il était bien éloigné de condamner
personne pour sa croyance; que jusqu'alors il
avait erré mais que Mahomet lui avait ap-
paru, pour lui ouvrir les yeux. Voyant que
ce moyen n'était pas efficace il employait des
armes différentes, pour entraîner dans son
parti des hommes qui l'avaient respecté sans
l'estimer. Il représentait à M. Poitevin l'état de
fugueur et de maladie dans lequel il existait, et
les ressources nouvelles qui s'offriraient à lui,$
s'il embrassait l'Islamisme il tâchait d'exciter
l'ambition chex M. Charbonnel, qu'il allait voir
à Bonila. Il lui parlait de l'attachementqu'AIi loi
portait et lui disait confidentiellement que s'il
voulaitse faireTurc, il serait pacha avantdeuxans.
Rejeté de toutes parts, M. Guerini n'en per-
sista pas moins dans ses résolutions, et, à la face
de tout ïanina, il fit sa profession de foi, fut
circoncis, ~t prit le nom de Mehemet.
Poussant plus loin la ferveur et conservant
toujours le penchantqu'il avait eu pour le sacer~
doce il fut fait imam, titre qui lui valutla place
d'aumônier du pacha, qui en fit en outre son se-
crétaire. Il s'adonnaensuite à enseigner l'arabe -e
et M. Guerini est aujourd'hui connu à ïanina,
sous le nom de Mehemet-ïmam-Efïendi.
Peu de temps après cette aventure le pacha
jngea à propos de rendre la liberté à M. Bouvier,
officier de marine dont j'ai parlé précédem-
ment. N'en pouvant tirer aucun service, et le
voyant livré aux plus cruelles inquiétudes et en
proie à une af~Uction quelquefois comique, il lui
permit de rentrer en France sans exiger de lui
aucune paroled'honneur.
Il manda en même temps les of~eiprs français,
auxquels il promit formellement une prompte
délivrance, qu'il leur accorderait, d!sait-i!, suc-
cessivement, afin de ne pas mécontenterla Porte,
qui connaissait leur existence à lanina. Il leur
nt également des protestations d'amitié, entra
dans des détails intéressans sur la discipline eu-
ropéenne, et se répandit en éloges sur la bra-
voure et la gloire de nos armées, et sur-tout ne
leur parla jamais d'embrasser l'Islamisme.

CHAPITRE X.

PARTIE ORIENTALE DU PACHALIK D'ALI. ÏTÏK~-


RAÏRE DE tANtNA A LARISSE.

JLjA
partie orientaledu pachalik d'Ali comprend
le pays de Sagori, dont j'ai parlé, les montagnes
du Pinde ou Mezzovo, et la ligne de démarcation
que j'ai tracée, en traitant de l'étendue en gé-
néral de cette satrapie.
Le petit Pinde, ou petit Mezzovo commence,
ai-je dit, à la base du mont Cassiopée, sous lequel
yAchéron se précipite, et il va s'appuyer sur la
chaîne du grand Pinde. On trouve, dans leur
étendue et dans les vallons qu'ils forment, plu-
sieurs villages soumis, une culture variée, des
coteaux verdoy ans sur lesquels paissent de nom-
breux troupeaux, quelques forêts'profondes, et
de hautes futaies.
Le voyageur qui, de Ianina, veut pénétrerdans
la Thessalie traverse cette contrée, qui est à
peine connue, mème par les itinéraires romains,
seuls restes de l'antiquité qui sont parvenus. jus-
qu'à nous. En sortant de lanina pour se rendre à
Larisse, on passe près de Bonila et on longe le
lac Achérusiedans plusieurs directions, pendant
près de trois heures. A cette distance, on monte
le petit Pinde pendant une heure et, après ra-
voir descendu,on traverse sur un pont la rivière
d'Arta, qui est l'ancien Aréthon.
On ne cesse de cotoyer, pendant cinq heures
cette rivière, dont le vallon faisait partie du pays
des Perrhebes, et qui renferme quelques villages
dont les noms ne me sont pas connus. On gravit
ensuiteune autremontagne,Fespaced'nneheure,
et on arrive à Mezzovo.
Cette petite ville, dont le nom, a ce qu'on as-
sure, veut dire entre deux montagnes,se trouve
effectivemententre la chaîne qu'on vientde fran-
chir et le Pinde, dont les pentes brusques for-
nMT't comme un vaste rempart granitique, qui
répare la Thessalie.de l'Epire. La petite ville de
Mezzovo egt composée d'environ quinze cents
~iLaMons t ses habitans parlent le valaque. Ils
~dment la distance de leur ville & lanina de
neuf à dix lieues.
En quittant Mexzovo on suit des chemins af-
&eux, par lesquels on gravit une tressaute mon~
~tagne couverte de neiges neuf mois de, l'année,
que les modernes désignent sous le nom de Mez-
?ovo et que les anciens appelaient le Pinde. Vue
dans le lointain, elle forme tour à tour les points
de perspective les plus rians et les plus agréa-
Hes mais lorsque le voyageur est parvenu à la
Mgionde ses sommets, il n'y trouve que le deuil,
eu la mort de la nature. Si quelques forêts de
pins noirs, emblèmes de la tristesse, couvrent ses
cols et ses contre-torts inférieurs il ne voit au-
tour de lui que des pics nus, chargés de neiges,
et des glaciers primitus.
On descend le Pinde pendant deux heures, et
on vient faire halte a un khan, qui est bâti à peu
de distance d'un village appelé Malacassi.
En sortant de ce hameau, on monte de nou-
veau pendant une heure de chemin.; et, après
avoir descendude cette hauteur, on passe sur un
pont la rivière de Malacassi, qui va se jeter dans
ia Salemhria. Sans cesser de la suivre pendant
trois heures de marche, on s'arrête pour finir
la journée au khan de Koltouliotil~o éloigné
de huit lieues de chemin de Mezzovo.
Le troisième jour de marche, on passe plu-
sieurs petites montagnes et on suit de mauvais

Ko~ouliotito est peut-être l'ancienneGomphi. ~crc:


Carte de la ThcssaUe, d*Anachars!s, par M., BarM'! (~
'~peage.
chemins jusqu'à Stagous, petite ville de mille
maisons. A peu de distance, ou trouve les mo-
nastères appelés Meteora, ou lieux élevés. Ils
sont au nombre de neuf, bâtis sur autant de ro-
chers escarpés et on nepeut y monter qu'en se
mettant dans un panier, qu'on hisse avec des
grues ou bien par des échelles brisées en forme
de chaînes.
On passe, au delà de Stagous~ la rivière de
Malacassi sur un pont de bois fort élevé, et
on se rend à Tricala, en suivant une plaine
dans laquelle on trouve un chemin commode et
solide. On évalue la distance de Kokouliotiko à
Tricala, de dix heures de chemin.
On est alors dans la Thessalie, qu'on recon-
naît à la beauté de ses plaines, à la fertilité de
son territoire, et à la force de sa végétation.
Tricala qui est peut-être l'ancienne Tricca
est le siège d'un pachalik occupé par un des
heaux-ircicg du vezir de lanina, qui, par cette al-
liance, est maître des défilés de laThessalie. Le
pacha de Tricala commande le pays qui avoisine
les bords du Spercbius, jusqu'aux environs de
la plaine de Pharsale.
Après avoir passé la nuit à Tricala, le voya-
geur qui veut aller à Larisse, se rend ordinal*

1 Voyez Cartede la ThcsMUc,par M. Barbié du Bocage.


rement à Zarko, en suivant pendant cinq heures
une très-belle plaine, Zarko, qui est gouvernée
par un aga puissant, est une petite ville de huit
cents maisons.
De Zarko, en parcourant la même plaine, on
se rend, en une heure et demie de chemin, au
petit village de Koutzocheto. On y passe la Saïem-
bria ou Pénée dans un bac, et on arrive à Larisse
en trois heures de temps, en marchant toujours
dans la plaine. Depuis Koutzochero, on a cons-
tamment la Salembria à gauche, et on ne la
retrouve plus qu'en continuant la route de La-
risseà Constantinople, route dont j'ai parlé dans
le deuxième tome de cet Ouvrage.
DeTricala à Larisse, qui est la cinquième jour-
née de marche depuis l'Achérusie, on compte
dix heures de chemin.
Le pays à travers lequel je viens de décrire
~itinéraire suivi par les voyageurs et par les né-
gocians de l'Epire et de la Thessalie, relève en
entier d'Ali pacha, quoiqu'il compte plusieurs
pachas. Les agas qui ont des troupes à leur solde,
y sont plus puissans que les satrapes qui dépen-
dent et de la Porte, et du vezir d'Albanie don~
ils sont )es alliés ou les créatures.
CHAPITRE XI.

LITTORAL DE LA HAUTE-ALBANÏE. –~cm~ARIOTES;


9

LEUR REMGMN MOEURS. PRODUCTIONS.

JrpESQUE toute la côte depuis la Vallona jus-


qu'au golfe de Drino, est acore. Les montagnes
qui la resserrent descendent dans la mer par des
pentes brusques, et ne présentent au navigateur
que des sommets nus et stériles.
On voit successivement en parcourant cette
côte dans les lieux où elle est accessible, les
ruines de l'antique Apollonia au pays des Tau-
lantiens près de la rive droite de l'Abus, le
bourg de Cavailla, où l'on exploite le plus beau
bois dél'Albanie et enfin la villedeD~rrachium,
appelée aujourd'hui Durazzo.
Là~ recommence le territoire Classique. On se
rappelle que ce fut à Dyrraehium que le sénat
fugitifet la jeunessede Rome,réunie sous les dra~
peaux de Pompée, se virent assiégés par César.
On volt le coteau où l'armée retranchée, semblait
destinée à périr de soif et de misère, et
on a
peine à concevoir comment Pompée put prolon-
ger sa ruine, et différer sa perte en obligeant son
ennemià se retirer dans les plaines de Pharsale!
A neuf lieues de Durazzo, est le petit vil-
lage de Crom, seul reste de l'ancienne ville de
ce nom, qui fut long-temps la capitale de l'Alba-
nie. Sonterritoire tant de fois ensanglanté, et qui
fut lethéâtredesexploits de Scanderberg, compte
à peine quelques hameaux, habites par des hom-
mes condamnés à la misère et qui sont à demi-
harbares.
La mer commence à s'enfoncer au delà de
Croia~ et elle forme un golfe profond, au fond
duquel sont les bouches du Drin ou Drino, et
la ville d'AIessio.
Alessio est bâtie sur une espèce de falaise, dont
le Drin a rongéla base; sa populationest de deux
ttulle habitans, dont les deux tiers professent la
religion chrétienne des deux rites latin et grec;
ils s'adonnent au commerce et à la pêche. On ap-
perçoit le rivage de la Haute-Albanie dont une
partie dépenddu pacha de Scutari,duquelje pai-
lerai dans une autre circonstance. Mais' si on
porte ses regards sur les côtes, depuis la Vallona
jusqu'à Butrinto on ne trouve plus de mouil-
lages surs et profonds. Quelques scalomas ou
échelles peu fréquentées sont Jes seuls en-
droits par où s'écoulent les denrées des Chima-
riotes peuple qu'il est essentiel de faire eon-
naître.
Les Cimarlotes ou Cbimariotes habitent les
niORt$ Acrocérauniens, qui sont connus aujouf-
d*hui, chez les Grecs, sous le nom de monta-
gnes de la Chimère. Belliqueux par caractère
et par Nécessité, on les voit cités avec distinc-
tion dès le temps de Scanderberg l, et forment
toujours une espèce de société ou de république
isolée. Pasteurs et soldats, ils vivent indépendans
dans les retraites inaccessibles des montagnes
qui les environnent de toutes parts. Souvent en
guerre entr'eux ou contre leurs voisins, ils n'es-
timent que l'audace et la témérité, qui leur font
entreprendreles actions les plus périlleuses. Les
regards tournés vers la mer, pour profiter des
dépouilles du navigateur qui ferait naufrage
sur leur côte, ils enlèvent aussi les voyageurs
assez malheureux pour tomber dans leurs em-
buscades, et ils les séparent du monde entier, en
les vendant ou en les faisant travailler dans des
lieux connus d'eux seuls. On ne trouve enfin un
peu de civilisation parmi eux, que dans le voi-
sinage de Porto-PaIermo, où il se négocie quel-
ques objets consistans en denrées territoriales.
Il y a quelques Musulmans parmi les Chima-
riotes, dont la majeure partie professe la reli.
gion chrétienne. Si le clergé grec, pénétré de
$es devoirs, connaissait l'importance de ses fonc-
tions si, a l'exemple des héros évangéliquesdes
Catholiques, de pieux missionnaires pénétraient

ïttstonrede GeorgesCastriot,par Lavardia.


dans les montagnes de la Chimère, on verrait
des peuples barbares se civiliser ouvrir leur
ame à des sentimens de bonheur qu'ils ne con-
naissent pas, et devenir l'espoir de la commune
régénération.
Les productions de Chimara consistent en
huiles, en vallonée~ et en laines, qu'ils vendent
directement dans quelques uns des scalomas
de leur côte, ou qu'ils font passer à la Vallona.
Ils reçoivent, en échange, des fusils et des pis..
tolets de la manufacture de Brescia, des capots
de la Calabre, quelques draps grossiers, et peu
d'argent. On en tire aussi du bois de construc-
tion en petite quantité du sumach, des peaux,
des résines mais cette partie, et même le com-
merce en général de Chimara, est si variable,
qu'on ne peut rien statuer de positif sur son
état.
CHAPITRE XII.

DESCRIPTION DE LA. PARTIE OCCtDENTAI<E DE I~AL<


BANIE ET DE SON RIVAGE 9 DEPUIS BUTRINFO
JUSQU'A PRÉVESA. RUINES DE NICOPOLIS PHI-'
LATES, PARGOTES.

TT
partie occidentale de l'Albanie, qui s'étend
JLjA

depuis Delvino jusqu'aux montagnes de Souli,


et de la petite ville de Butrinto jusqu'à Prévesa,
mérite une description rapide, mais spéciale, à
cause des ports que la côte renferme, des villes
qui se trouvent dans l'intérieur, des peuples qui
les habitent, et des productions du pays.
Ce ne sont plus ici les bords rians de l'Aché-
rusie qu'il nous reste à parcourir, les illusions
de la Mythologiecessent d'embellir mes tableaux.
Tout est moderne sur cette côte, comme dans
l'intérieur de la Tbesprotieou Valétitzia. Les rui-
nes qui frappent les regards, appartiennent aux
siècles barbares elles sont les restes de quelques
tours élevées par les Turcs ou par les Vénitiens, et
l'empreinte vénérable de l'antiquité est par-tout
eHacée. Nicopolis même ne peut occuper assez
l'attention du voyageur pour l'empêcher de
gémir bientôt sur leo restes encore fumans de
Ï*révesa.
En sortant à Ferlent de Butrinto, lorsqu'on a
passé le Xanthc pour descendre la côte de Valé-
titzia, on voit d'abord Agio Saranta dont j'ai
parlé et au bout de trois heures de chemin ou
arrive à Keracha qui est une petite bourgade,
avec un scaloma ou port, qui est l'échelle la
plus ordinaire des Philatès.
Les Philatès, qui vivent dans l'indépendance,
9
doivent peut-être la liberté dont ils jouissent
aux dissensionsqui ont long-temps divisé Ali et
le pacha de Delvino. Possesseurstranquillesd'un
petit canton, qui s'étend sur les deux rives de la
Thyamis, depuis quatre ou cinq lieues à l'est,
dans l'intérieur des terres jusqu'à Keracha, ils
cultivent,en paix, leurs champs. Pour jouir de ce
bienfait, ils ont consenti à payer un léger tribut
au pacha de Yanina sentant bien qu'il était de
leur intérêt de faire quelques sacrifices pour te-
nir les Albanais éloignés de leurs déniés.
Le chef-lieu du canton des Philatès a pris le
nom de Philati ainsi que la Thyamis, et ce nom,
dans le langage corrompu de ce peuple, signISe
alliés, signe probabledeleur association.Quoique
voisins des Paramithioteset desSouliotes, ils n'ont
pourtant jamais fait cause communeavec ces peu-
ples, ann de ne pas provoquer la colère du pacha.
Les Philatèspeuventdonc êtreregardés comme
la nation sage de l'ancienne Thesprotie. Fière de
son indépendance, elle ne néglige aucun des
~yens propres à en garantir la durée et serait
pt~teà tout sacrifier pour la défendre, si jamais
eUe était menacée.
Son territoire, couvert d'oliviers, abonde en
denrées et en troupeaux, et l'on en porte la po-
pulation, éparse dans plusieurs villages, à six ou
huit mille habitans.
Les Gomenizzé, Sayades villages situés au
delà de Thyamis, sont quelquefois compris sous
le nom de Philatès, et s'ils ont fait partie de la
fédération,on y trouve aujourd'hui une garnison
albanaise, sur-tout aux Gomenizzé, qui lesdii~
férencie du pays indépendant. Le dernier de
ces forts a bien changé, depuis que le P. Coro~
udli nous en a donné la description et la vue. A
peine trouve-t-on la poussière des remparts, que
son crayon rendait peut-être dès lors plus im-
portans, qu'ils ne l'étaient réellement.
Le scaloma, ou portdeGromemzzé, est d'un
accès difncile, à cause de quelques rochersàfleur
d'eau, qui, dit-on, hérissent son entrée. Lés en vi-
rons sont escarpés,etle village qui porte encore
ce nom est placé sur une hauteur.
Sayades,autre villagesoumis aupacha delanina.
est bâti au fond d'une anse, et il s'y trouve quel
ques pêcheries, Il est dominé, à l'orient, par de
hautes montagnes, sur le revers desquelles il se
trouve plusieurs villages indépendans.
Dans l'intérieur des terres, en suivantla mém~
direction, on trouve Ja petite ville de Margariti,
gouvernée par un capitan ou belouk-hachi in.
digène. Ses habitans, quoiquelibres, paient une
certaine redevance à Ali pacha.
Cet esprit de liberté est maintenu dans tout ce
canton par !e voisinage de Parga. Cette ville
Mtie sur des rochers qui forment un promon-
toire, couvre deux ports~etsesmurs, quisulventia
pente du terrain qui incline un peu au nord,
embrassent toute son enceinte. De vastes rideaux
d'oliviers, et-des bouquets d'orangers, qui se
groupent au loin, forment des points de vue
où l'œil aime à s~égarer. Mais ce que Je voyageur
aime sur-tout à trouver dans Parga, c*estla va'
leur de ses habitans dont le nombre est de plus
de huit mille, et le courage de leurs femmes, ac-
coùtumées à partager les dangers qui les menacent.
Parga, qui méprisa toujours le faible gouver-
nementde Venise, asus*aSranchir, parsesproprcs
moyens, de la condition humiliante d'obéir à
des Musulmans,et tout porte à croire que le ca-
ractère de ses habitans ne consentira jamais à
recevoir des fers. Que cette petite ville, contente
des avantagesdontelle jouit, ne sehasardepas dans
des projets Inconsidérés et elle est destinée, un
jour, à produire des hommes qui relèveront les
~pérances des Grecs. Qu'elle n'oublie pas sur-
tout les temps de son affliction, et qu'elle mé-
dite sur Ie~ causes qui la plongèrent dans les
calamités qu'elle éprouva après les dernières

actuel deCorfou.
guerres; enun, qu'elle jette les yeux sur l'état

Les géographes, qui jusqu'à ce jour, man-


quaient de notions positives sur FEpire, par le si.
lence des écrivainsde l'antiquité, et par le délaut
des relations des voyageurs dans ce pays, avaient
placé le lac Àcbérusie sur le rivage de la mer
trois lieues au sud de Parga. Sans entrerdans la dis-
cussion des faits qui les avaient portés à dresser
ainsi leurs cartes, je puis les assurer que la côte
de la Talétitzia ne contient rien qui ressemble
à un lac, et que FAchérusIe des anciens est éloi-
gné de plus de vingt-cinq lieues, du point dela mer
le plus voisin.
Le port Faner!, qui se trouve à six lieues sud-
est de Parga, est le seul endroit du rivage qui
reçoive une petite rivière, dont la source se trouve
aux environs des montagnes de Souli.
Depuis Parga, on découvre les montagnes de
Souli, et celles du canton de Loroux, dont'les
différens aspects n'oHrent que des sommets ter-
ribles, indices du caractère des hommes qui en
sont les habitans. Ces revers, qui sont inhospi-
JtalMrs.iontpeude commerce et ne pourraient
que difficilement être visités par un étranger qui
entreprendraitd'y pénétrer.
De Faneri à Prévesa, il y a plus de huit Menés
de chemin par mer. On a peu de notions sur le
pays qui se trouve dans cette partie jusqu'à Ni-
copolis on sait seulement que la population y
est assez nombreuse, et qu'il renferme des vil-
lages indépendans.
Prévesa, bâtie à rentrée du golfe d'Aria
à une lieue environ de Nitcopolis, était une
des possessions coloniales de accise, en Al-
banie. La situation dans laquelle les Français
la trouvèrent, lorsqu'ils en prirent posses-
sion, annonçait la décadence de la puissance
vénitienne dans ces contrées, où le pavillon de
St-Marc ne subsistait que par l'Indolence des
Musulmans. Une chétive masure, deux huttes
sans toit, une chapelle ruinée, trois canons en
fer et sans aHut, le tout environné d'une mau*
vaisepalissade, formaient, avec douze soldats, la
défensedes possessions de la sérénissime repu-
Nique du côté de FEpire.
La petite villede Prévesa, dont elle était censée
le boulevard, est située le lung du rivage qui se
trouve compris dans la bouche du golfe d'Arta,
autrefois golfe d'Ambracie, et occupe une ligne
de trois cents pas environ. Au nord, on trouve
un ruisseau d'eau dôuce qui se jette dans le golie~
et dans la plaine, qui est couverte d'oliviers
on voit des maisons éparses et les mines d'une
église. Le terrain, qui s'élève à l'ouest, rend
Ïe rivage de la merde diSIcIIe accès, et la for-
eresse de Prévesa, dont CoroneIIinous a donue
le plan, étant totalement ruinée, laisse sans dé-
fense Je cap de Prévesa.
La mer qui le sépare du cap Figalo ou pro-
montoire d'Actium, ne commence à prendre de
fond que vis-&*visPrévesa; car, entre Sainte-Maure
et la terre ferme, on ne peut naviguer qu'avec
un monoxilon on barque faite d'un seul tronc
d'arbre.Cependant, les patrons de ces canots ne
manquent pas de se croire de grands navigateurs,
quoiqu'ils s'échouent souvent sur les bas~&nds.
De Prévesa, on jouit de la vue du golfe d~Am-
bracie, sur lequel une multitudede bateaux ne
cessent de naviguer. On apperçoit aussi Leucade,
et son rocher fatal aux amans, devant lequel
les conducteurs de. monoxilons font l'offrande
d'unegazette qu*us jettent àla merpour obtenir
une heureuse navigation.
La démarcation du territoire de Prévesa de
celui de la Turquie, avait été déterminée par
l'espace que pouvait fournir un cheval lancé ati
galop = depuis la pointe du cap de Prévesa en
dirigeant vers Nicopolis et la frontière avait été
portée à plus d'une lieue de distance sur les
ruines de cette antique cité, où l'on voyait la li-
mite des deux états.

Gazette,monnaie vënitlenne, qui vaut deux centimes.


Un semblable usage est rapporté par M. Fëlm Bean~
jour, daM son Tableaada Commercede la Grèce. ~o~j[
TabLduComm.de *aGrcce,t.pag. !t!,t!aet nS.
6
Les ruines de Nicopolis ou ville de la Victoire,
fondée par Auguste après la bataille d'Actium,
et qu'il peupla des habitans d'Anactorium et
d'Ambracia; ces ruines, dis-je, se trouvent au
pieddes collines, entre le golfe et la mer d'Ionie.
On y voit encore les restes de deuxthéâtres, d'un
stade et de quelques édifices publics, qui sont
tous en brique, et on n'y apperçoit ni sculpture,
ni inarbre.
Quelques fouilles que les Français y pratiquè-
rent, lorsqu'ils étaient possesseurs de Prévesa,
commençaient & récompenser les travaux. Les
hommes instruits qui les dirigeaient, espéraient
des résultats favorables; on aurait levé les plans
des édinces qu'on exhumait chaque jour, lors-
que la guerre éclata entre la France et la Porte
Othomane. On vit alors le territoire deNico-
polis devenir le théâtre d'une affaire malheu-
reuse, dont je vais rendre compte.
CHAPITRE XIIL

AFFAIRE DE PREVESA, EN L'AN VII. MASSACRE


DES FRANÇAIS. ACTION HEROÏQUE DU CAPI-
TAINE DE GÉNIE RICHEMONT. TRAHISON DES
SOULIOTES ET DES GRECS DE PRÉVESA.
CRUAUTE D*ALI ENVERS LES PREVESOTES.
ROUTE DES FRANÇAIS PRISONNIERS JUSQU'A.

ÏANINA.

A PEINE Bonaparteavait arboré ses drapeaux sur


le phare d'Alexandrie,qu'il expédia un aviso en
France, pour annoncer les événemens militaires
quiavaient eulieu,etlamarchetriomphantede scn
armée sur les bords du Nil. Ce bàtimentavait ordre
deserendrea Ancône, et,danssa traversée, de tou-
cher aux îles Ioniennes. Le génie du conqmérant~
qui lisait dans Fa venir, voulait donner l'éveil aux
chefs qui commandaient CorCou et l'Archipel
Français, en les avertissant de se tenir sur leurs
gardes. La guerre avec la Turquie était pos-
sible, on pouvait en arracher le ferman à la Porte
Othomane, et la prudence voulait qu'on f it des
préparatl& Il n'est pas de mon ressort d'exa-
miner ce qui se passa alors; ce que je sais, c'est
qu'on s'abusa jusqu'audernier moment, sur les
~tsposition~ du pacha de tourna.
Ali obligé de donner des preuves de udélite
au sultan avait levé une armée de vingt mille
Albanais à la tête desquels il s'était mis pour
aHcr combattrePassewend-OgIou,renfermé dans
Widin. L'expédidon n'ayant eu aucun résultat
avantageux,que pour le rebelle, qui reçut les
trois queues de la Porte, Ali rentrait en Epire, au
moment où l'expédition d'Egypte venait d'avoir
lieu. Témoin de la défaite du capoùdan pacha,
et de la mort d'Ato pacha, qui avait péri dans les
embûche~ du grand-amiral, il était bien résolu
de ne plus se hasarder au milieu des camps. Il de-
vait sa conservation à la sage résolution qu'il
avait prise de rester environné de ses Albanais,
et de ne se rendre jamais aux invitations du ca-
poudan pacha. Enfin, il n'avait pas encore déposé
lesarmes, lorsqu'il apprend les événemens qui se
passaient, et il reste quelque temps indécis.
Le voisinage de Corfou l'avait lié d'amitié
avec un adjudant-général&ancals,appelé Rosé
auquel il avait fait épouser une jeune Grecque de
lanina. Il avait assisté à ses noces, il l'accueillait
avec les honneurs qu'on rend aux pachas, chaque
fois qu'il venait à la cour ennn, il se disaithau-

C'est le même que je trouvai aux Sept-Toars.î/ordfeL


de ma narration m'a forcé d'anticiper sur les évenemeM,
en parlant de sa mort, avant d'avoir fait çaaBa!tre M$ mal-
heuf!.
tement son ami. Rose séduit par ces attentions.
se persuada trop facilement qu'il ne restait au-
cune duplicité dans Famé du pacha, et il poussa
même la crédulité, jusqu'à se persuader qu'R
était appelé à jouer un rôle important sous les
auspices d'AIi.
Il aurait pourtant du être ébranlé dans sa per-
suasion,lorsque vers la fin du mois d'août 1~08,
on apprit à Corfou l'arrestation dans le golfe
d'Arta de quelques bateaux portant pavillon
français. Mais, ce premier acte d'hostilité du-
quel on ri avait peut-être droit ~e ~e~MiM-
~erc~c~oM~ ne servit à éclairer personne.On
voulait se dissimuler la guerre, et, pendant ce
temps, l'adroit Ali ëtak bien instruit de nos for-
ces, lorsqu'on n'avait que des données confuses
sur ses préparatus.
Il futpour tant résolu d'abandonnerButrinto et
Parga, en cas de danger mais le général divi-
sionnaire voulut garder Prévesa comme si un
promontoireisolé pouvait être d'une importance
majeure On alléguait des motifs d'honneur, et
ce nom seul fait opérer des miracles aux Fran.
cais. n~t arrêté de se dévouerais mort, afin
de défendre le poste de Prévesa.
Les desseins du pacha, dont l'oeil embrassait
toutelairontière maritime~ ne paraissaient point;
il écrivait même afin de demander le paiement
des sommes qu'on lui devait, pour quelques
centaines de boeufs fournis a la flotte française
pead~nt son séjour dans la rade de Çorfou; il
faisait même entrevoir la possibilité d'une al-
liance. Sur ces entrefaites, il invita son ami Rose
à une conférence, sur son territoire à laquelle
cet infortuné Français se rendit avec empresse-
ment. Lé pacha le reçoit avec plus de bonté et de
grâces que jamais; il l'invite à dîner et sou-
dain il le charge de chaînes! Il l'envoie ensuite à
ïanina, comme otage et bientôt après il est forcé
de le livrer à la Porte Othomane.
Laguerre, après cetattentat,futregardée comme
Inévitable,et on commença à élever des redoutes,
afin de protéger Prévesa, et le capitaine de génie
Richementfut chargé de diriger les travaux. Le
général la Salcette se rendit à Prévesa,deson côté,
po"r prendre le commandement d'une poignée
(le braves de la sixième, qui s~y trouvaient.
Quoique les ressources fussent très-limitées, et
que, pour garnir la redoute, on n'eut que deux
pièces de canon en fer, on adopta des mesures
pour faire la meilleure défense possible. On orga-
nisa la garde municipale de Prévesa,qui paraissait
enflamméede courage, et qui avait tout à perdre,
si Ali pacha était victorieux. On accepta les of-
fres des Souliotes, qui proposèrent de se ranger
~ous les drapeaux français, et on leur fit passer
des armes et des munitions.
Le génie des chefs s'étant ainsi créé des
moyens inattendus de défense, on pouvait espé-
rer d'arrêter les Albanais, et même de les vain-
cre. Que n'allaient pas faire des Grecs, animés
du double désir de la vengeance et de la liberté,9
réunis à six cents hommesdes vainqueurs d'Italie!
On pouvait, sans présomption, se promettre des
succès, et les probabilités favorables s'établis-
saient
Mais à peine avait-on remué les premières pel"
letées de terre pour établir la redoute située du
côté de Nicopolis,oùM. Richemont fit placer les
deux pièces de canon en fer, qu'on apprit la mar-
che d'Ali pacha.Les Grecs, qui le tenaient au cou-
rant de ce qui se passait, ( croyant ainsi se ména-
ger sabienvelllance) avaientàleurtour instruit les
chefs français (le sesmouvemens.La nuit du ~bru-'
maire, on entendit dans les montagnes les hurle-
mens des Albanais, et vers minuit, le général
la Salcette se rendit sur le terrain, aux premiers
coups de fusil qui furent tirés. Il donna des or-
dres afin de réunir les soldats disséminés sur une
ligne trop étendue il fit mettre la garde munici-
pale de Prévesa sous les armes, et le calme s'étant
rétabli, il songea aux dispositionsnouvelles qu'il
devait prendre.
Cependant, les Souliotes ne paraissaient pas.
On appcrcevait une incertitude sinistre dans les
rangs des auxiliaires; leur langage changeait t
lorsqu'à trois heures du matin, la fusillade s'étant
engagée de nouveau, le général se rendit à la
redoute.
Au point du jour, Ali pacha et ses deux fils,
à la tête de neuf mille Albanais, fondirent avec
fureurdu haut des montagnes. Un parti de Sou-
liotes qui se montra en même temps, fit feu sur
les Français et se sauva les Grecs de la garde
municipale imitèrent cet exemple, et les Alba-
nais, proutantde cette défection, étouffèrent le
feu du canon des braves de la sixième demi-bri-
gade, et de ]a redoute sous le nombre de leurs
morts. En un moment, la campagne fut inondée
de leurs bandes furieuses et la mort qui
frappait des rangs entiers, en divisant ses coups,
~'eu devint que plus terrible.
Cependant, des détachemens français présen-
taient encore quelques masses isolées, et résis-
taient aux itots d'Albanais dont ils faisaient un
carnage affreux avant de succomber. Quatorze
grenadiers parvenus à former un peloton, se
retiraient en bon ordre vers le rivage,pour s'em-
barquer sur le brik le Frimaire, lorsqu'ils furent
assaillis de coups de fusil par les habitans de
Prévesa. En vain ils voulurent résister, leur der-
rière heure était marquée, et ils tombèrent sur
des monceaux de corps ennemis,dont ils avaient
jonché la plage.
C'en était fait alors des Français, succombant
.sous le nombre supérieur des Albanais !c go'
néral la Salcette était au pouvoir du pacha, qui
courait de tons côtés pourdésarmerles bras de ses
soldats, avides du sang deleursprisonnierSt Mais
une action d'éclat, un trait de cettebravoure an-
tique, renouvelé plus d'une fois dans ce siècle de
miracle& guerriers, devait terminer la malheu-
reuse journée de Prévesa et couvrir Richement
de gloire!1
Prévoyant l'issue d'une affaire q~i ne pouvait
qu'etredésastreusejprsque la trahisondes alliés fut
connue, Ricbemonts~armad'un fusil, et, cédant,
le terrain pas a pas il alla s'adosser contre un
massif des amphithéâtres de Nicopolis. A sescôtés
se trouvait le jeune Gabauri, connu dans l'ar-
mée par sa beauté) et renommé par sa bravoure.
Richemont lui propose de rallier quelques bra-
ves qui périssaient en détail mais à peine Gra"
bauri eut-il quitté son ami qu'il fut assailli par
un cavalier albanais auquel il doaua la mort
qu'ilreçut àson tour de mille coups dirigés contre
lui. A ce spectacle Richemont élève son ame
et ne songe plus qu'à mêler son sang à celui dea
Albanais, en vendant chèrement sa vte*
Son fusil armé, il mesure de r<~il l'espace qm
le séparedes Albanais, qui bondisse~comme des
tigres, lorsqu'un d'entr'eux rapperco~ Il vient
enprécipitantle galop de son cheval p Richemont
qui le voit seul, court & sa rencontre et, évitant
epn choc il le renverse, sana vie. d'tM~ coup de
baïonnette; un second qui veut venger son compa-
triote, tofuheperëd'uucbahe.RichemontsembJe
redoubler de forces, eti'ennemi efu'ayé lui donne
le temps de charger de nouveau son fusil. Mais
un escadron entier fond sur ceg~néreux guerrier~
dont la contenance glace d'eftroi les plus intré-
pides. II réserve son dernier coup de feu pour le
nls du pacha, qu'il veut entraîner avec lui dans
le tombeau il le voit, il rajuste, et la balle chan.
geant de direction va frapper l'écuyerdeMouc-
tar, auquel elle casse la cuisse alors une grêle
de balles pleuvent sur Richement, mais sans lui
~aire aucune blessure grave. Sa baïonnette, qui
étincelle entre ses mains fait reculer les rangs
qui seheurtentetsemblent devoir rëcraser;cnnN,
pressé de terminer cette lutte il veut se préci-
piter au milieu des Barbares, et sa baïonnette,
qui reste enfoncée dans la tête d'un cheval qu'il
frappe le livre désarmé à toute la rage de l'en-
nemi.
En-un moment il est couvert de blessures un
coup de sàbre lui fait une plaie profonde au bras;
son corps est ensanglanté;on le déchire; on l'en-
lève par les cheveux pour lui trancher la tête,
lorsque Motictar se précipite au devant du coup
fatal, et menace de sa fureur celui qui ne respec-
terait pas son prisonnier. Il avait été témoin de la
bravoure de Richemont, et c'en était assez pour
l'estimer et le protéger il le fit marcher à ses
icôtës, et parvint à le mettre hors de danger.
Des torrens de flammeet de fumée annon-
çaient en même temps que les habitans de la
malheureuse ville de Prévesa expiaient la peine
du-'àleurdéloyauté.C'était en vain qu'ils avaient
tourné leurs armes contre les Français c'était
en vain que par untraitde perfidie, ils avaient es'
péré le salut; leurs femmes violées, ou fuyant sur
des barques, leurs maisons qui s'écroulaient au
milieu d'un vaste incendie, étaient les présages af-
freux du sort qui leur était réservé.
Ail courait cependantde tous côtés pour faire
cesser le carnage, et sauver les Français qui se
trouvaient isolés; niais il ne put empêcher ses
Albanaisde trancher la tête aux blessés et aux
morts, et d'en élever un épouvantable tro-
phée. La nuit seule qui survint suspendit la fu-
reur et fit cesser l'effusion du sang.
Mais le lendemain devait éclairer une scène de
barbarie froide et méditée, et prouver ce que peut
leressentiment d'Alipacha. Il vint,semblable à la
mort, s'installer sur les ruines fumantes de Pré-
vesa Là, monté sur une haute galerie que le feu
avait épargnée, il commande d'amener devant
lui trois cents Grecs de Prévesa, qu'il fait inhu-
mainement égorger en sa présence En vain ils
le supplient, le fer frappe sans pitié et le coeur
de cet homme barbare par calcul, reste inflexi-
ble il s'applaudit du sang qu'il voit couler.
Spectacle horrible, scène d!gnedescann!hates<
que l'Etemel permet sans doute comme les
grandes calamités dont il afflige quelquefois la
terre, mais devant laquelle l'ami de rhumanite
détourne les yeux et ne voit plus de coupables.
Ainsi se termina le malheureux événementde
Prévesa dans lequel on vit ce que peut le cou*
rage contre la férocité où des Français trahis,
enfoncés par une nuée de Barbares, ne cédèrent cc
que lorsqu'on leur arracha les armes des mains,
et où ceux qui reçurent la mort se battirent jus-
qu'au dernier soupir! car ce choc, qui n'eût pas c-"
eu lieu entredeuxarmées,produisit des traits me-
moràMes; on combattait pour l'honneur et pour
la vie! on eut à repousser des coups inattendus, et
on se trouva placé dans un concours d'événe-
mens propres à paralyser le courage, oua l'elever
au dessus de sa sphèreordinaire.
Le lendemain du combat, on fit partir pour
ïanin&lesprisonniers français qui se trouvèrent
environ au nombre de deux cents, et on les con'
traignit de porter les têtes sanglantes de leurs ça
marades. Dan~cetétat, ils se traînèrent jusqu'à
Lorôux où ils furent entassés dans des cachots
humides. On les en taisait cependant sortir
pour les mener boire, par bandes & une mare
voisine dans laquelle ils se désaltéraient et pour
soutenir leur~ existence, on leur jetait quelques
jtnorcpaux de pain de maM.
La ville de Loroux, où ils trouvèrent leur pre-
mière prison est éloignée de six lieues environ
de Prévesa. Elle est bâtie sur le revers méridional
de Souli, à peu de distance d'une petite rivière
qai va se jeter dans la rivière de Vélistri, formée
par l'éruption de l'Achéron. Elle est le chef-lieu
d'un canton qui a pris le BON)L de Leroux, et
qu'on trouve encore désigné dansquelquescartes
vénitiennes,sous le nom de Paesedi Ca~o~eo,
ou canton de Cassiopée; elle dépendait du pacha
d'Arta, et elle relève aujourd'hui du vezir de
lanina. Sa population est forte, et elle fait un peu
de commerce par la voie du golfe.
Les prisonniers accablés de maux et de mi-
sère, furent retirés des cachots, où ils traînaient
une vie pire que la mort pour continuer leur
route vers ïanina.ïls marchèrent d'abord dans
un vallonetsuivirentemuite des chemins escarpés
josqu'aVrontza, village éloigné de sept lieues de
lanina et dès qu'ils eurent dépassé le khan de
Saint-Dimitri, ils découvrirent la capitale mo-
derne de l'Albanie. Ils y entrèrent bientôt après
aux chants des Albanais, qui entonnèrentleBrou-
ko-valas, et aux cris d'une populace barbare
qui les chargeait d'injures, en leur jetant des
pierres et de la boue. 'Incarcérés de nouveau,
il serait difficile de dire ce qu'ils eurent à souf.
frir pendantleur séjour à tanina.
Le malheureux Richemont aussi recomman-
dableparles qualités de son cœur que parsoncou'
rage, eut de nouveaux dangers à courir. La plaie
qu'il portait au bras prenant un caractère alar.
mant la gangrène menaçant d'envahir l'épau!e,
un médecin qui se trouvait là, ne voyant, dans
son génie, d'autre remède que l'amputation,
parce qu'il ignorait que la gangrène a ses limites,
fit part de cet arrêt à Richemont. L'état dans le-
quel il se trouvait, le détermina à accepter ce
parti mais, avant d'en venir à l'exécution, il
voulut se préparer à cette opération en écrivant
en France Bon ami excellent fils ses regards,
qui semblaientdevoir bientôt s'éteindre, se por-
tent vers sa famille et vers les personnes qui lui
sont chères; il épanche son cœur dans une
lettre qu'il regarde comme un dernier adieu. Le
jour fatal parait; mais heureusementle médecin
ne savait pas opérer, et Richemont fat ainsi
sauvé.
Au bout de six semaines .forcé de se mettre
en route pour se rendre à Constantinople avec
SegénéraIIaSaIcette.etMM. Hotteet Rose, Riche-
mont,épuisé par les fatigues du voyage, fut, pour
comble de malheur, précipité dans les prisons du
bagne.Mais, comme si le ciel eùtvoululedédom-
mager de tant de souffrances, par le bonheur de
rencontrer un ami, il y trouva son compagnon
d'armes M. Vallongue, chargé, comme lui, de
fers honorables qui faisaient la honte de nos
ennemis Cet événement même contribua peut"
être a son rétablissement, car il avait été attaqué
deiaËèvre maligne qui régnait en ce lieu; et lors-
que M. Vallongue, comme un autre O/y~eo eut
adouci les tigres et obtenu la liberté, le brave
Richemdnt ne tarda pas à être transfère aux Sept--
Tours ce fut- là où j'eus lé bonheur de le con-
naitre et de mériter son amitié.

M. Vallongue avait été torcé de quitter l'~ypte, &


cause du mauvaisétat de sa santé. S'étant embarqué sur un
vaisseau grec à Alexandrie, le capitaine qui le comman-
dait prétextaquelquesbesoins pour relâcher dans une rade
solitaire de Siphanto. Le lendemain, il descendà terre, et
engage plusieurs Français à l'y suivre. En vain le colonel
VaHongue lui dit qu'il faut mettre à la voile, le Grec l'as-
suré qu'il n'existe aucuns dangers, et il pénètre dans l'île.
Mais dans quel dessein ? Il réunit les primats, et enflamme
leur avidité, en leur disaMt que son vaisseau est chargéde
malles d'or appartenantes aux Français.
A ce nom, le tocsix sonne, et Fde entière court aux ar-
mes es FraK~.ns, trop confians, qui avaient accompagne
le capi ;itiegt€c sotti fustUes, et enfin iaitspr!:onniers.
M. V~Hongu'' vut quott coupe le cable, n'ayant aucune
défendea opposef; maison s'y refuse, et le vaisseau envi-
MNu~ Je barqacs, est en un moment couvert de papas et de
Grccf, <;ul c~at-~t'tttles Français de fers, et les pillent sans
hnute
Ce!: misct'aMesinsttiaifcsconsommèrent leur forfait, en
!'ttj.:t teutt pt'isonnicrsauxTurcs.
Jt&! ~<: ~ï;~ t<<~e<t a chi Koa e ~pa~w.
CHAPITRE XIV.

ROUTE DE ÏANINA AUX MONTAGNES DE SOULI.


DERVÏGNIANA. PARAMITHtA SES HABITANS.
CANTON DE SOULI NOMS DES VILLAGES
QUI LE COMPOSENT.–SOULÏOTES;LEURS GUERRES
AVEC ALI PACHA LEUR FIN. ETAT ACTUEL

DE CE PAYS.

JL.ES
montagnes de Souli situées au midi des
Champs-Elysées ont servi de boulevard à une
peuplade de Grecs connus sous le nom de Sou-
liotes, qui ont fait trop de bruit, même en Eu-
Mpe, pour ne pas trouver une place dans cet Ou-
vrage. Leurs actions, les desseins qu'on leur at-
tribuait, les grandes choses dont ils se croyaient
capables, ont été publiés dans un ouvrage de
M. Williams Eton, sur la foi d'un drogman fran-
dais attaché à M. Cousineri et à M. Beaujour, qui
avait vu l'Albanie en 1792. Comme il s'est passé
beaucoup de choses depuis ce temps, relative-
ment aux Souliotes, et sur-tout, comme la vérité
se trouve altérée dans cette relation, qui n'est ba-
sée sur aucun fait. positif, je crois rendre un ser-
vice de refaire cet article du voyageur anglais,
qui ne pourra que me savoir gré de mon zèle.
Je commencerai d'abord par déterminer la
position géographique de Souli chose dans la-
quelle M. Eton a fait des contre-sens; jfassignerai
ensuite la position des Parahuthiotes,au sujet des-
quels il nous a débité de jolis contes, et je fixer ai
eann les idées qu'on doit avoir sur les Souliotes.
Les malheurs des derniers temps, qui les ont
anéantis et expulsés de leur pays, m~ont fait
oublier la conduite qu'ils tinrent â Prévesa, et
de Ibrcentà déplorer leur sort, en faisant des
vœux pour leur bonheur*
On compte quinze lieues de îanina aux mon-
tagnes de Souli. Pours~y rendre, où longe le bord
occidentalde l'Achérusie, pendant une heure
f
en s'en éloignant insensiblement, pour couper,
en obliquant les Champs-Elysées.On laisse Bonila
à plus d~une lieue sur la gauche vers l'orient, et,
pendant deux heures de chemin, on marche à
travers un terrain inégal, mais fertile et couvertt
de vignobles. On voit quelques petits hameaux.
épars, des fermes, de la culture, et des bouquets
d'oliviers, qui reposent agréablement la vue et
forment une diversité piquante. Le tableau est
animé également par des platanes et des arbres
robustes qui s'élèvent avec majesté; et des pas-
teurs, des laboureurs, qui errent de tous côtés
vivifient ces lieux, qu'une sage législation ren~-
dmit et plus peuplés, et plus heureux.
Le terrain décline ensuite vers l'orient, et pn
passe plusieurs torrens qui portent leurs eaux
dans la Thyamis, ou rivière de Philati, dont les
sources se trouvent à peu de distance. Quelques
vallons partent aussi des environs, et vont en s'é-
largissant vers la mer, dans la directionde laquelle
le terrain continue de s'abaisser. Peu de culture,
quelques champs de tabac, des arbres et des pâ-
turages où les troupeaux paissent des herbes qui
donnent une qualité exquise à leur chair, distin-
guent spécialement cette lisière de terrain. Enfin,
pendant les trois dernières lieues qu'on parcourt
jusqu'à Dervigniana, le géologlote et le natura-
liste auraient une récolte à faire, et des obser-
vations aussi nombreuses que piquantes à recueil-
lir. Tout y est neuf en histoire naturelle, en
morale, et en produits.
Dervigniana,distant de six heures de chemin
de lanina, est un bourg qui était autrefois la li-
mite des possessions du pacha d'Albanie, qui en
a expulsé les Souliotes et les Paramithiotes, tour
à tour les maîtres de cet endroit, qu'il a depuis
annexé à ses domaines. Cependant les habitans,
ainsi que les paysans de quelques hameaux igno-
rés qui se trouvent aux environs, sont d'une hu-
meur tellement inquiète, qu'il n'en retire que
peu de tributs. On trouve près de là des sour-
ces, et on voit le lit de plusieurs torrens qui ont
leur direction au sud-est.
De Dervigniana~ on compte cinq heures à
,.amithia, qui existe sur la route qu'on doit
tenir pour se rendre à rentrée du défilé principal
des montagnes de Souli.Le terrain, dans ces cinq
heures de chemin, est inégal et monttteux, mais
cependant fertile, ou couvert de landes ornées
de myrthe de romarin de sauge, et des plan-
tes aromatiques, qui embellissent lès sites les
plus sauvages de la Grèce. Le haut laurier, l'hum
Me serpolet, le thym recherché des troupeaux,
la mélisse chérie des abeitles, le narcisse odorant
qui sert aux guirlandes, l'origan employé dans
les repas, se trouvent mêlés, et se présentent à
chaque pas qu'on fait! L'air suivant les saisons,
y est parfuméde mille odeurs différentes et sua-
ves. Onyentendaussiles concerts des oiseaux, que

forêts de sapins le
l'écho amteàrépéter. Et, dans l'hivermême,les
soleil débarrasse du poids
des neiges, annoncent sur les versants'3ès mon-
tagnes, que la nature n'a pas péri touteeutière.
La ville de Paràmitaia, a laquelle on arrive
après avoir traversé lès site:} variés que je viens
d'indiquer, est le chéMIeU d'un canton habité
par un peuple libre, qui se contente de payer
quelques redevances à Ali pacha. Elle était alors
commandée par Progno capitan homme brave
et intrépide qui était révéré et chéri des Pa-
ramitbiotes, qu'il avait souvent étonnés par sa
'valeur leur ville, qu'il commandait est sans mu-
railles, mais elle a polir défense natureUe la valeur
de ses babitans. ÏIs sont au nombre de quinze
miHe, dont la presque totalité professent la reli.
gion mahométane, et ne connaissent de lois que
h) bravoure et l'obéissance à leurs che& mili-
taires~
~es. Paramitbiotes qui habitent les campagnes,
et dont le, territoire s'étend jusqu au voisinage
des Philatès où Fon trouve des sources salées
qui sortent d'un rocher et forïnent deux petits
ruisseaux, ne sont point divisés par clans, mais
par hameaux ou chorions, et gouvernés par des
beloujk~- hachis, qui relèvent de l'aga Progno.
On voit parmi eux des hommes forts, robustes et
intrépides, qui réunissent le courage à une struc-
ture athlétique et qui regardent a leur tour les
Albanais comme une espèce qui leur est Infë*
rieure~lls ont cependant dît perdre cette idée,
depuis, itjM~Is ont succombé sous les efforts d'AIi
pacha y qui, après avo~r expulsé Progno de Pa-
ramithiaj, a réuni ses possessions a ses domaines,
comme il finira par ne Jfaire qu'un tout des pe-
tites nations qui sont encore rebelles a son au-
torité. Mais peut-être cette soumission elle-même,
qui n'a été que postérieure à la ruine de Souli,
est-elle un hommage rendu a la valeur d'AU, as-
suré de réunir tous les braves sous ses drapeaux.
On trouve à Paramithia un chemin qui con-
duit à Margariti, un autre qui mène à Parga,
A
et un troisième qu'on suit pour arriver aux mon
iagnes de Souli, éloignées de quatre lieues.
Ces montagnes, connues autrefois sous le notd
de Cassopiennes ou Cassiopé~nnes, commencent
à quinze lieues de lanina. Elles confinent à l'orient
aveclepachalik d'Arta et le canton de Loroux, et
leur base se termine aumidi, surle revers deNico-
polis enfin, à l'occident et au midi, elles bornent
MargaritI, le pays des Paramithiotes et des Phi-
latès. L'étendue du pays de Souli est de dix
lieues du nord au midi, et il n'a gaères plus de
deux lieues et demie dans son plus grand dia.
mètre transversal.Quelques villages disséminés à
l'orient, et des rivières qui avoisinent les Para<
mithiotes,font partie du territoire de Souli.
On peut donc l'établir, dans ses rapports avec
Loroux et Arta, situés à l'est, sur une ligne âpre
et boisée de pins, qui aurait dix lieues. Le versoir
de la plaine de lanina, depuisles sources salées de
Philati, auraitcinq lieues. Le parallèlede Loroux
s'étendrait jusqu'aux bords d'une petite rivière
qui vient se jeter au port Faneri après avoir pris
~a source dans les rochers de SouIL La ligne de
Nicopolis terminerait enfin cet énorme massif,
qui forme de ce côté deux sommets distincts,
9
qui ont quelque ressemblance avec ceux du Par-
nasse, au dessus de Castri ou Delphes

~"c~es la Vne du Pinde, d~as l'Atlasd'AMchara<.


On prétend que le nom de Souli vient de
xylon qui veut dire du bois; mais comme il n'y
a pas d'arbres dans ces montagnes, cette étymo.
logie me parait un peu suspecte, et je laisse au
lecteur à l'apprécier ce qu'elle yaut. L'aspect de
~ouli ne présente que d'arides sommets, qui sem-
blent autant de bastions crénelés, iormés parla
nature pour servir de~ retraite à des hommes qui
mettent leur bonheur dans l'indépendance. De
ces sites aériens, la vue ne s'échappe par les em-
~brasures naturelle!) des rochers, que pour errer
au milieu d'une nature saunage, dans des enton-
noirs profonds ou sur la vaste étendue des
mers. Les feux du soleil ou le froid des hivers,
~e font sentir avec une égale incommodité dans
ces lieux exposés aux plus vives influences de
~'atmosphère.
De quelque côte qu'on veuille approcher des
montagnes de-~ouH, la nature devient Apre etpfû'e
des difncultés à surmonter. Mais je ne sais pour<
quoi on prétend qu'A H lit investir Souli de
quatre cotes, lorsqu'il en voulut faire l'attaque.
Le seul versoir mérIdioMi étant accessible par
un dénié qui s'y trouve, il tncaaça toujours les
Souliotes sur ce point et n'ayant pu les réduire
par la force, il Mtit des tours à l'extrémité de

~b~M Tableaude l'Emp.Othom., par M. Wil.l. Eto~


!'Issue qui s'y trouve, afin de les bloquer. II n'est
pas plus vraisemblable qu'ils aient jamais reçu
de secours des Chimariotes, sépares par Je pa-
chalik de Delvino on sait d'ailleurs qu'il existe
N~e sorte d'antipathie entre les nations indépen-
dantes de la Grèce. Eiles oublieront volontiers
leurs dissensions domestiques pour dépendre le
canton qu'elles habitent lorsqu'il est menacé;
niais jamaiselles ne porteront le désintéressement
et le patriotisme, jusqu'à cimenter une ligue gé-
nérale qui pourrait les affranchir. Aussi voit-on
dans l'épisode même du drogman des commis-
saires français, qui a été paraphrasé par M. Eton,
avec quelle sécurité Ali pacha, aidé des Parami-
tbiotes, iait InvestirSouII sausgarderscsderrières.
Le pays de Souli à la topographie duquel
je passe, comprend dans ses montagnes dix-
huit villages, dont quelques uns étaient regar-
dés comme Inexpugnables, à cause de l'escarpe-
ment des pics sur lesquels ils étalent bâtis.
Le premier de ces villages ou chorioM, qu'on.
trouve en eutrant par la gorge de Skouitias,p
(TtSrMt.T~fS-<tt<t'TM() est Skouitias fitué sur le
bord du ravin de Souli qu'il commande, de ma-
ïtière a écraser tout ce qui s'y présenterait. Un
pe~ au dessus on arrive à Klysoura autre ha-
ïneao accessible, qui est dominé par Navarikos,
M Ti'Ipa, ( ~!t€< x Tp~ft) et par un poste ap-
<.
Mé Tichos, ( T<«) le Rempart, duquel on peut
facilement détruire une colonne d'assaillans.
Samonisa, ( s~e ) vers lequel on monte, après
avoir dépassé Tichos est & son tour commandé
par Méga Souli, ou Caco Souli ( M<~ 2~, X K~x,
s~\t ) au dessus duquel s'élève Lacka dernier
poste des sommets, signalé dans le lointain par
un pic qui pyramide au dessus de tous ces ro-
chers, et autour duquel les nuages s'amoncèicnt
et forment de bruyans tonnerres. Les autres ha-
meaux de Souli sont Kiafa ( K«t<p<t ) Agia Paras-
tevi ( A')f'x n<t~~<ue ) Tzagari, ( T~ya~ ) Peri-
chati, ( nf~<~< ) Vounon ~avrouchon (
z-t!< ) Panaïa tou Glykos, ( net. 7~ rA~tf )
et Mi]oS ( MeAt f.)
Ces villages couronnent des sommets d'un ac-
fèsduncHe; quelques uns semblent suspendus aà
des escarpemens ou sur les contre'Corts des ro-
chers, et tous ont un point de défense relatif à
~ensemble de ces montagnes que la nature a
formées pour être une citadelle formidable.
Quant aux hameaux situés au pied de la mon-
tagne, les Souliotes étaient dans l'habitude de
les évacuer au premier signal de danger, et d'em-
porter leurs denrées dans les montagnes mais
fcs montagnes étant arides et dépourvues d'eau,
on pouvait croire que, tôt ou tard, ils succombe-
ïaient, s*I!{i y étalent assiégés et renfermés.
Cependant les guerres des Souliotes sont fa-
meuses, d on a représenté long-temps ces guct~
ners comme une race entièrement dévouée à la
cause de la liberté, et du sein de laquelle devait
sortir la régénération. Souli était le phare de la
Grèce, tous les regards étaient tournés vers ses
rochers, asile d'une population de huit mille ha-
bitans, parmi lesquels on comptoit quinze cents
ou deux mille guerriers d'âges duïërens
Quelques éclairs de bravoure des prodiges de
courage, les signalèrent en effet. Ils descendaient
pariois comme une lave embrasée dans la
plaine de lanina, oùils portaient la terreur. Mais,
malgré des avantages éphémères ils ne pou-
vaient conquérir un pouce de terrain pour le gar-
der, et les divisions qui les agitaient lorsqu'ils
n'avaient plus d'ennemis a redouter, les plon-
geaient dans les convulsions de l'anarchie.
Ali qui les observait, mettait tour à tour en
oeuvre la politique et la force; mais ses tentatives
ne le conduisaient à aucuns résultatsavantageux,
et s'il parvint à les diviser, ils se jouèrent quelque-
fois des calculs de sa politique.Comme, dans ces
guerres, le pacha agissait sansplan, se, contentant
d'attaqueravec impétuosité, ou de'bloquer les dé-
6lés pendant quelque temps, il finissait toujours
parlicenciersonarmée.etIesSouliotesrénouaient
leurs communications et retournaient à la cul-
ture. Parfois on concluait des trêves, avec rin"
tention réciproquede les violer dès que l'occasion
~'en présenterait. L'Intérêt ~t l'amour-propre du
vezir, loi disaient d'exterminer la nation de
Souli et le génie inqmet des Souliotes les entrai-
nait sans cesse au combat.
Cependant la Porte Othomane était loin de dést
rer la destruction de Souli, parce qu'elle n'y
voyait qu'un contre-poids à la puissance d'Ali.
Les Souliotes auraient même pu tirer parti de ces
dispositions, si, comme les Maniâtes, ils avaient
recherché la protection de quelque grand de la
famille impériale. Mais, isolés dans le canton le
plus formidable dé l'Epine, trop fiers de leurs
.victoires et trop connaus dans leurs positions, les
montagnards de Souli ne portèrent jamais la vue
au delà de leur horizon que pour invoquer la
guerre ou pour combattre. Aussi l'heure fatale,
l'heure qui détruirait les empires les plus puis-
sans, s'ils n'adoptaient des principes conserva-
teurs, a-t-elle sonné pour ces guerriers.
Les villages extérieurs qu'AU pacha avait rai-
nés en; iy~6, avaient privé les habitans de Souli
des ressources qu'ils y trouvaient mais il avait
vainementessayé de les forcer dans leurs rochers.
Taincu dans plusieurs assauts, où il avait vu pé-
rir ses meilleures troupes sous les pierres et les
troncs d'arbres, qu'on leur lançait du haut des
pics fortifiés, il.n'avait même pu empêcher de ra-
vager son territoire à plusieurs reprises. Il. prit
alors la résolutionde terminer cette longue que-
relle qu'il aurait conduite plus tôt à sa fin si les
cNiciers français l'eussent aidé dans ses projets
et sur-tout si ses capitaines ne se fassent pas re*
butés de quelques efforts malheureux.
N commença à faire bâtir des tours aux dén-
lés, et l'année ï8o3 fut la dernière pour ïa tribu
des Souliotes. Pressés, attaqués sans relâche par
un ennemi mille fois supérieur, et qui semblait
se multiplier en raison de ses pertes, ils se virent
arracherles postes les plus avantageux de leurs
montagnes,après les avoir arrosés de leur sang et
de celui de leur ennemi et ils furent contraints
de quitter Kiafa et Cako Souli, qu'Us évacuèrent
par capitulation pour se retirer à Parga, re-
fuge des braves qui sont malheureux.
La position d'Agia Paraskevi, qui succomba~Ia
dernière, était occupée par trois cents Souliotes
aux ordres de Samuel, caloyer ou religieux, qui
commandait la tribu depuis trois ans. Ils virent
sans effroi s'avancer les Albanais qu'ils ne ces-
sèrent de combattre et d'exterminer pendant six
jours mais les Terres, et sur-tout l'eau, étant
venus à manquer, on fut encore obligé de ca-
pKuler aux termes reçus pour Kiafa et les au-
tres lieux, termes qui étaient de se retirer à Parga.
Les otages donnés de part et d'autre, le poste
fut évacué, et le caloyer seul avec quatre de~es
soldats restèrent pour livrer les munitions à
deux belouks-bachisenvoyés par Ali pacha. ïn<
troduits par &Mnnel, dans 1~ dépôt des provi-
sions, il m!t à l'Instant le feu aux poudres qu'il
renfermait se fit sauter, lui, ses quatre compa<
suças et les Musulmans qui s~y trouvaient. Le
pacha qui se crut, à cette nouvelle, absous de
sa foi, voulut se venger sur les Souliotes qui se
retiraient avec leurs femmes et leurs enfans. Mais
il connut ce que peut le désespoir; cernés par
cinq mille Albanais, les malheureux Souliotes
firent une résistance qui leur permit d'atteindre
Parga, où ils trouvèrent un refuge que leur avait
mérité leur valeur et leur infortune, et sur-tout
l'espoir de rentrer un jour dans leurs foyers.
Telle fut, au mois de novembre i8u3 la fin
des Souliotes, dont le courage fut quelque~
funeste aux Albanais. Mieux dirigés, et sur-tout
plus paisibles ils vivraient encore libres au sein
de leurs montagnes. Trop de présomption dans
ces derniers temps, leur avait attiré l'aversion
de la Porte, et le kutchuk embrochor, ou petit
écuyer du sultan, envoyé par Sa Hautesse, en
1802, dans les satrapies de Morée et d'Albanie,
avait démontrélanécessité de faire les plus grands
efforts afin de les chasser. Us étaient plus redou-
tables que les Chimariotes et que toutes les autn's
tribus Indépendantes. Mais si les Souliotes
n'occupent plus leurs montagnes, leurs restes
formeront une association plus épurée et étant
réunis aux Grecs Je Parga, ils pourront se ré-
server ponr des temp:< plus heureux.
Ali, jugeant de l'importancedes montagnes de
Souli, par ce qu'elles lui avaient coûté pour s'en
rendre maître, songea sur-le-champ à y placer
le boulevard de l'empire. H commença par y éta-
blir des garnisons, et il s'occupa de relever les
tours abattues de creuser des citernes, d'établir
des estacades; enfin, de tranformer ces rochers
en une position redoutable.
Plus assuré dans cette retraite qu'un autre &e-
limer, s'il perdait jamais lanina, il trouverait
dans Souli une position que son génie a rendue
inexpugnable, et que ses soins sauront ap-
provisionner, si l'Albanie est jamais mena-
cée de la guerre. Il pourra de ce point em-
brasser les opérations de l'ennemi, juger ses
mouvemens, fondre sur lui à l'improviste, ou
le voir se morfondre et périr en détail dans le
terrain infect des rizières qui avoisinent le dé-
6ié et la partie méridionale de Souli.
Les villes de Margariti et de Parga seraient
les seuls voisins incommodes pour les Albanais
retranchés dans les montagnes Cassopiennes. De-
puis long temps elles sont ennemies déclarées
d'Aile et leur population entière, qui est nom-
breuse et brave, serait occupéeà lui nuire. Mais
je doute que les Pargotes, braves entre leurs
murailles et sur leur territoire, se hasardassent
a en sortir, s'ils n'étaient appuyés par des trou-
pes réglées. Pour Margariti, le pacha ne nian-
querait pas de s'en emparers'il prévoyait que!- v

que danger, et déjà il y commande par l'inter. C

médiaired'un aga qui relève de son autorité.

CHAPITRE XV.
PARTIE MÉRIDIONALE DE L'ALBANIE. ––ARTA.
SALAGORA, LOUTRAKI, TRtCALA~ TERRA-NOYA.
GOLFE B'ARTA; SON COMMERCE. VONÏTZA
AMBRACIE. RAPPORTS AVEC SAÏNTE-MACRE ET
ITHAQUE. TREMBLEME~S DE TERRE. PHE-
c
.NOMENES OBSERVES DANS CES PARAGES.

A-j partie méridionale de. l'Albanie est spécia-


A c:

iement intéressante sous le rapport de sa ferti-


lité du commerce de son golfe et des sûretés
que les marchands trouvent à Arta et à Salagora. c
Elle le fut dans l'antiquité, par des viil s cé-
lèbres dont les Romains changèrent la face, et c

par Nicopolis, qui releva après !a mémorable ba- è

taille d'Actium. Son commerce était connu, et


les écrivains qui en ont parlé n'ont donné que
peu de notions sur les pays qui se trouvent aux
environs. On voit seulement les habitans des
bords du golfe transférés pour fermer le noyau
de la populationde Nicopolis, ou ville de la Vic-
toire je reviens à l'état moderne.
Arta,qul estde nos jours la vinelaplusconsidé-
Mble du golfe méridional de l'Albanie,est bâtie sur
lesbordsde FA réthon,et son nom a prévalu sur ce-
hlid'Ambracie, que legoiCe portait autreMs. Elle
u'€Stpoint,commeMé!étiusieprétend,Argosd'E-
pire, et chaque fois que l'érudition de cegéographe
esten défaut, on est exposé a s'égarer avec iui. Arta
est une ville moderne, autour de laquelle on ne
trouve ni voies antiques, ni ruines, et dont la
distance et la position ne peuvent se rapporter à
aucune des villes mentionnées par les anciens
écrivains. Elle est le siège d'un évêché grec., et a
long-temps été le chef II~u d'un pachalik, qui fut
occupé par Mouctar, avant que ce jeune pacha
eût obtenu l'investiture de celui de Négrepont.
Depuis ce temps elle a été réunie, ainsi que le
pays qui en relevait aux domaines d'AJi, qui y
place quelquefois Un aga, ou un pacha qui est
son tributaire.
Arta est située au pied des monts Cassiopiens,
sur la rive droite du fleuve Aréthon, que les mo-
dernes appellent rivière d'Arta ou Potami tis
Artas, et que quelques voyageurs ont à tort con-
fondue avec la rivière formée par l'éruption des
eaux de l'Achéron. Elle ne manque d'eau en
aucune saison de l'année, et on la traverse sur
un pont, que les habitans s'empressent de faire
observer aux voyageurs, parce qu'il y aune de
ses arches bâtie en ogive, qui peut bien avoir
quatre-vingts pieds d'élévation.Comme ils sont
faciles à s'extasier, ils vantent cet ouvrage comme
une merveille! Les Chrétiens, -à leur tour, indi-
quent. comme un monument de l'antiquité, une
église bâtie en brique'~ qui est l'ouvrage des
derniers empereurschrétiensdeBysance.La ville,
au reste n'oSre que l'uniformité et la monoto-
nie des villes turques, des rues étroites et un es-
pace étendu, qui renferme six mille habitans
dont un quart, au plus fait profession de fa
religion mahométane.
Cependant Arta, malgré Favantàge d'une sem.
blable position, et la beauté de son horizon, qui
s'étend]usqu'auPinde,est affligée par des fièvres,
qui se manifestent sur-tout en été. Les habitans
riches sont alors dans l'usage de quitter la ville,
et d'aller passer cette saison dans quelques vil-
ïages bâtis sur les montagnes; ou bien ils se rap-
prochent des rivages du golfe, car ces positions
passent pour être également salubres, excepté
vers Salagora;
Outre les vins excellons que fournissent les
coteaux voisins d'Arta, ses campagnes abondent
~n denrées céréales, et on y cultive le meilleur
tabac à fumer de l'Orient. Les forêts sont remplies

n est bon d'observer que ce qui reste des monnmensan-


ciens, et de ceux du Bas-Emptre dans l'Albame, sont cou~
truitt<mb]AqtW.
de sangliers de cerfs et de gibier; enfin, ce eau*
ton pourrait être un séjour agréable, par sa
variété et la fertilité de son territoire.
La ville d'Arta, qu'on peut regarder comme
l'entrepôtdela Basse-Albanie,fait un commerce
considérable d'orge, d'avoine, de maïs de la-
zari, de lentilles, de noisettes, de châtaignes, de
haricots, de coton, de lin, de vallonée, de
laines en suint, de cuirs, des maroquins, de draps
grossiers, de capotes d'alagias coton et fil,
s
d'alagias soie et coton, de toiles blanches, de ta-
bacs, de vins, d'eau-de-vie, de gommes, de
boeufs de moutons, de cochons, et de bois de
construction qu'une maison française achetait
autrefois pour Toulon.
C'est sans doute à cause de ce commerce im-
portant, que le golfe dAmbracie a pris le nom
de golfe d'Arta car il n'est presque fréquente
que pour entretenir des relations avec cette
ville, qui en est cependant éloignée de plus
de quatre lieues.
Entre les villes et les villages qui ressortissaient
du pachalik d'Arta, qui comprendl'Aperantieet
une partie de l'Etoile, on compte Tricala. C'est
une bourgade de trois cents maisons consistantes
en un rez-de-chaussée.Elle se trouve deux lieues
a l'est d'Arta, sur le revers occidental d'une
chaine de montagnes qui forment le côté orien-
tal du val Ion où coule l'Aréthonou ri viore d'Arta.
s
Ses habitans, qui sont gouvernés par un belouk.
bachi, cultivent le coton récoltent des huiles,
fabriquent des alagias, et sont occupés dans les
forêts à l'abattage des bois de construction, ou à
conduire des troupeaux.
Sur le revers oriental de ces mêmesmontagnes,
coule FInàcchus dTEpire, qui prend sa source
dans les montagnes de la province de Sagori.
Deux lieues avant de se décharger dans le golfe
d'Arta, il se divise en deux branches pour em-
brasser un delta, dont le territoire gras et fertile
estemployéà la culture du tabac et du coton. La
ville principale de ce petit district est appelée
Terra-Nova, nom moderne qui indique peut*
être la nouveauté du sol sur lequel elle est fon-
dée. Ses habitans sont la plupart des Juifs et des
Vénitiens bannis, mêlés avec quelques Grecs des
iles vénitiennes, qui ont porté leurs mœurs et
leur industrie sur ce coin de la terre, digne d'une
plus noble population.
Eneffet, tout le vallon est beau et fertile; on y
voit de superbes oliviers, des mûriers, des su-
machs, des platanes et de hautes futaies de
chênes propres à la construction. On y nourrit
beaucoup de bestiaux, et des chevaux tous capa-
bles de faire la guerre des montagnes; il y a aussi
des eaux thermales, et une variété, une vigueur
surprenantes dans la végétation des plantes et des
arbres. Les oignes y donnent un vin qui ne Je
cède pas à celui de Dzidza et des coteaux les plus
vantés de l'Albanie.
Mélétius indique quelques châteaux ruinés qui
ont dû exister sur le bord des plages voisines du
golfe, où se trouvent, de nos jours, quelques
hameaux anonymes habités par de pauvres pê-
cheurs.
Le fleuve Inacchus est très-poissonneux,et ses
attérissemens empêchent qu'il ne soit navigable.
Avec quelques soins, on pourrait ouvrir son em-
bouchure, et,. par ce moyen, faciliter un débou-
ché à la vallée qu'il fertilise, et dont il baigne les
prairiesriches et abondantes.
Trois lieues à l'ouest de la branche occidentale
de l'Inacchus se trouve le port de Salagora, qui
est l'échelle d'Arta. C'est un misérable village
situé dans les marais, et dans lequel on trouve à
peiue de quoi subsister. Quelques cabanes, la
hutte des préposés de la douane, un mauvais
mouillage forment l'ensemble de Salagora qui
est l'entrepôt général du commerce de la Basse-
Albanie, l'échelle delanina et d'Arta. L~Aréthon.
et la petite rivière deVélistri, (lieu où l'Achéron
sort de dessous terre) après avoir passéàLoroux
viennent s'y perdre au milieu des roseaux et des
varechs qui couvrent les eaux du golfe de ce côté.
Le golfe d'Arta, qui se termine dansdesmarais
sur la gauche de Salagora offre un coup d'oeil
bien différent, lorsqu'on y pénètre après avoit.
dépasse Prévesa. La vue s'étend surdesrivesqni
au nord, présentent une verdure fraîche et des
hameauxisolés et de l'autre côté les forets de la
Carléiie autrefois Acarnanie au milieu des.
quelles la mer dessine des baies profondes, ilan-
quées de montagnes boisées qui tombent par des
pentes brusques dans legolfe; chnn, à l'orient on
~ppercoit le mont Cajiidromos, au dessus duquel
s'ë!ève le Pinde, dont les sommets se confondent
avec les nuages. Des barques nombreuses ani-
ment continuellement le golfe, soit qu*eHesvo~
suent chargées des productions de FAIbanie et
portant des masses énormes de bois de construc-
tion, ou revenant avec l'échange du produit
des arts et des denrées coloniales que rEurope
introduit dans l'Albanie. Des brises régulières
qui sortent du fond des forets, ou qui soufflent
de la mer par une alternative périodique, indi-
quent le moment favorable pour entrer dans le
sein d'Ambracie, ou bien pour en sortir.
Vonitza qui vraisemblablement est la v ille
d'Anactorium de laquelle Pausanias fait men'
i!on, et dont Auguste enleva les habltans,ana
<)e peupler Nicopolis qu'il fonda, se trouve sur
la rive Carléliennc ou Acarnanienne. Elle est
ï~die au fond d'une baie entre deux promon-
t oires dont le plus étendu, qui est à l'occident,
termine le golfe de Prévesa et dont l'autre,t
!noins prolongé au nord, forme sa rade, qui re-
çoit les eaux d'une petite rivière dont les sources
existent dans les forêts de Manina éloignées de
quatre lieues au midi. Vonitzaappartenait,comme
on sait, à la républiquede Venise, et ses babitaas,
dont les principaux moyens d'existence consis-
taient dans le commerce de poutargue, ont beau-
coup souffert par le dernier traité entre la Russie
et la Porte, qui les a fait passer sous le gouver-
nement de cette dernière puissance. Si, comme
on l'assure, on a éloigné les Albanais de leurs
possessions, ainsi. que de Prévesa, ces pays pour-
ront se rétablir; mais ce ne sera pas sans de
grandes difncultés, par la crainte d'une nouvelle
rupture, et d'être immolés au premier signal de
guerre, qui ferait appréhender une invasion en
Albanie. w
A l'orient de Vonitza on trouve le village de
Loutra ou LoutraU, qui probablement a pris
ce nom de quelques sources d'eaux thermales
qui existent dans ses environs; il se trouve
à une lieue dans les terres. Ses habitans sont
des Albanais presque indépendans qui er<
rent continuellement cur les montagnes ou au
milieu des bois qui les entourent; ils ne s'oc-
cupent que du soin de leurs troupeaux, et de
recueillir la vallonée qu'ils viennent vendre,
ainsi que leurs laines et leurs cuirs, dans les
ports du golfe, où ils trouvent le plus de fran~
chises ou d'exemptions Je droits.
Cette partie du pachalik d'Arta renierme en-
core une tn<:lt!tude de villages qu'il serait dif-
ficile de visiter, à cause des mccurs barbares de
leurs babitans. L'argent étant extrêmement rare,
!e commerce inté) leur ne s'y fait que par échau-
ges. La langue dominante est l'esclavone et
le peuple est partagé en Chrétiens et en Musul.
mans.
Ennn~ le rivage méridional du golfe d'Arta
est inégalement coupé et forme une Innnité d'an-
ses vers l'orient pendant trois lieues de chemin,
où la mer qui s'enfonce dans les terres s'étend
jusqu'à un lieu que quelques géographes regar-
dent comme l'antique Ambracie. II s'y trouve un
petit village au midi duquel on voit un lac formé
par les eaux d'une rivière qni coule vers le nord,
jusqu'au golfeoù il se décharge.Elle nait des forêts
voisines qui couvrent en partie ce ranton tour
tour fer tile et riant, terrible et sauvage, et où
t'on trpuve des sinuosités, des bois, des pâturages
~t des rochers qui s'élèvent, d'espace en espace,
au dessus des arbres vigoureux qui environnent
leurs bases d'une épaisse verdure.
Venise paraît s'être purgée des hommes qui
lui étalent suspects, ou qui méritaient des cbâ-
timens, afin de peupler ces rivages; aussi y re<
~rouve-t-on, avec l'apparence de moeurs moins
féroces qu'au sein de l'Albanie, !a pet~idie, le
stylet, les vengeances,et des dangersd'autantplus
réels pour le voyageur, qu'il ne peut pas ordi-
nairement les soupçonner.
Les habitans du golfe d'Arta entretiennent
des relations immédiates avec Sainte-Maure,Itba<
que et Cëpbalonie. Sainte-Maure sur-tout, qui
semble avoir fait partie du continent, dont elle
n'est séparée que par un canal étroit, forme fré-
quemment des alliances avec les Grecs de Pré~
vesa et de Vonitza de sorte qu'ils sont presque
tous parens. Des relations commercialesunissent
ensuite les Iles voisines, qui paraissent formées
par un sol homogène; l'empreinte des volcans se
remarquant dans leurs montagnes comme dans
celles de la Carlelie et des tremblemens de terre
se faisant ordinairement sentir en même temps
sur ces plages.
Il semble que des feux souterrains se communi-
·

quent depuis Zante jusqu'à Céphalonie Sainte-


Maure, Ithaque, dans l'Acarnanie et la Moree,
sans que la chaîne des montagnes de la Haute-
Albanie ressente rien des secousses qu'ils occa-
sionnent. Corfou même ne parait pas participer
d'une manière aussi immédiate à l'actiondu vol-
can sous-marin, destiné peut-être à donner nais-
sance à quelques nouvelles îles, ou à servir de
gouËre a celles qui existent; car on ue peut ni
feuler td prévoir Faction de ces phénomènes
extraordinaires dont l'Archipel de la Grèce est
le foyer depuis des siècles
C'est sans doute à l'existence de ces feux

Tout le monde connaît la formation spontanéede plu-


sieurs iles de l'Archipel. Les Argonautes virent naitre
Anaphé. La Fable peint Délos flottant sur la mer; Nia,
étalon!,Santorin sont sorties brusquement de dessous les
eaux; enfin les Cameni parurent en ï 70~.
« Après le tremblement de terre qui eut lieu le a5 juin
» t ~o'j, on vit une masse blanche, de figure ronde, s'éle-
» ver de la mer sans aucun bruit, et avecun mouvenient
» sensibleà la'vue, mais quelquefois inégal. On vit adhérer
» à cette masse un peu de terre argileuse et quelques hni-
» tres. La mer, couverte et troublée de diverses maticrM
« minérales et terrestres, était chaude et bouillonnante.Le
!) t6 juillet,onappercNtla&mée sortir delà mer; hui t au-
o tres rochersnoirâtres parurentà côte du premier;et peu
de jours après s'y joignirent, de manière à ne faire qu'une
g
o seule île. Le juillet, les flammes commencèrent a so~.
t) tir de deux cratères qui s'étaient formés dans cette non-
<) velle île; les matières qui étaient lancées par ces deux
bouchesretombèrentà l'entour, et firentélever le sol de,
M l'Ile. Ces scènes se renouvelèrent jusqu'en t~m; alors
)) I*i!e eut quatre cents piedsde haut, sur une base de six
milles d'Italie de circonférence.En même temps qae
)) cette nouvelle iles'élevait, celle née en 5y3, et nommée
)) /n«M C<M)e<t/,s'aSaMsait; une partie même des rivages
de l'Me de Thêra s'enfonçadans mer. »
t< H est dit que la nouvelle île de t~o~ baissait et dimi-
)) nualt souvent parunendroit.tandisqu'eHesehaus$aitet
autre.
s'éteattait par un que plusieursrochers, après
M «'etremoMU~s et rentrés dans l'eau a plusieurs reprises,
sous marins, et a l'action perturbatrice des
volcans, qu'il faut attribuer certains phéno.
mènes qui se manifestent dans ces parages. On
apperçoit quelquefois une sorte de convulsion
dans les flots de la mer on remarque une agita.
tion indéterminée dans l'eau, pendant la durée
des bonaces les plus profondes, sur-tout dans le
temps des fortes chaleurs de l'été. Des personnes
dignes de foi et capables d'observer, m'ont en
même temps assuré qu'on voyait aussi s'élever
des trombes marines du côté de Leucade, et à
l'embouchure de la mer de Corinthe
Quoi qu'il en soit de ces accidens, ces mers
sont sans contredit les plus agréâmes et les plus
belles du monde malgré l'irrégularité des vents
qui s'y font sentir et leurs rivages et les iles
dont elles sont semées, mériteront toujours l'at-
tention du voyageur qui veut consulter la na-
ture, et méditer au milieu des sites pittoresques.

reparurent a la fin et demeurèrent staMes. Ce récit fait


d'ailleursévidemment voir que ces petites ïte$ volcaniques
ne sont~ue les sommetsdes bords d'un cratère sous-marin.
~o~cs NIceph.,Brev. ïlist. Thëophr. Chronigr. PLu.
Hv.H.;Casslodor,Ph!losop. Transact. Amm. MarceU.,
édit.deParis,1681, Liv. xvH, etc.; Mem.<tes Mission, de
la Comp.de Jés. dans le Levant tom. t.
Les rafales qui bouleversèrent la ;mef Egëë les tour-
mentes de l'AdrIadque ne sefont pointsentir avec force
dans ses parages, oh le vent du sud est le seul qui JEasse
<:0(u'ir des dangers.
Jenerépéteraipoint,pour terminer ce chapitre,
tout ce qu'on sait et tout ce qu'on a dit par rapport
à Leucade connue aujourd'hui sous le nom de
Sainte-Maure, et sur son rocher rendu trop fa-
meux par la mort de Sapho et de quelques amans
dontlaraison était aliénée. Je tairai egalementles
prétenduesmerveillesd'Ithaque,(aujourd'huiap-
pelée Thiaki )qui consistent en un tas de pierres
que des hommes doués d'imagination voudraient
faire passer ponr les ruines du palais d'Ulysse,
quoique ces matériaux soient d'un âge bienmoins
reculé. Je ne pourrais parler de Céphalonie,sans
rappeler les factions qui la déchirent sans indi-
quer son sol aride et raconter la mort du mal-
heureuxcomteCarbury*,arrétedans ses projetsde
bienfaisance par ses compatriotes, qui portèrent
l'ingratitude jusqu'à tremper leurs mains dans le
sattg de ce. pieux citoyen. Je me hâte donc de
passer à la description de l'Acamanie. i

Le comte Carbury connu en Europe pour avoir transd


porté le rocher de granit sur lequel se trouve la statue du
Czar Pierre, avait conçu le projet de réaliser le honhenr'
pour ses compatriotesde Céphalonie. BL était venu s'établir
au milieu d'eux, avec l'intentiond'employer ses capitauxa
pratiquerdesameUorations.Dé~a il avait fait plusieurs plan-
tations d'arbres exotiques, qui prospéraient, lorsqn'il fut
assassiné. On montre encore à l'étranger les débris de ses
efforts. Quelques cafiers épars qu'il planta, la culture négli-
gée dans le champs,qu'il rendit fertiles, excitent de justes
Mgrets.
CHAPITRE XVL

ACARNANÏE OU CARMUE. FORÊTS DE MANtrfA.

DRA&OMESTRE. X~ROMEROS. PORT P~-


TALA. ANATOLICO. ACHELOUS VIM.A&ES
QUI LE BORDENT. ÎLES ESGHtNADES, MES9A-
LONGHt. MOEURS DES HABtTANS DU XERO- 1

MEROS.

AjA Cartélie est an pettt canton del'Albanie me-


ridionale, compris entre lecanal de Sainte-Maure, c=
le lac d'Arta, le fleuve Achéloüs que les Grecs
appellent aujourd'hui Aspro-Potamos et qui se
termine au portPétala.On peutlui donnerquinze
lieues de longueur du nord au midi, et huit à
neuf d'orient en occident. Le golfe d*Ambrac!e
ou d'Arta, dont j'ai fait mendon le termine au
septentrion.
La côte de la mer forme, à cinq lieues et de-
mie au dessous de l'entrée du golfe d'Arta, un
port profond qui appartient à ce canton, et que
les Grecs nommentPorto-Candui.H est abrité au =

nord et à l'orient parles montagnes du continent,


et il est protégé à l'occident par Sainte-Maure et
quelques écueils qui le rendent d'un accès difn-
cile. On y trouve quelques maisons réunies; et,&
peu de distance,dans l'intérieur du pays, un village
appelé T~avedra, que je serais bien embarrassé Je
rattacher à quelque point de l'antiquité connu.
L'ancienne vuted'Alysie dut exister de ce côte,
mais il serait aussi difficile que dangereux d'en
rechercher les traees,quiprobahlementn'existeat
plus.
Les forêts connues sous le nom de Maniaa,
qui se prolongent jusqu'à Calydon occupent
yintérieuï'de cette contrée, et servent de repaire
à des habitans extrêmement méchans qui sont
cependant soumis à Ali pacha. Les maisons des
gens un peu aises qu'on trouve dans les villages,
sont des espèces de tours crénelées,dans lesquelles
onentreparunpont-Ievis.L'escaIierdelachambre
où ils vivent armes et retranchés comme dans
un &M*t, se ferme par une trape pesante; et
comme on ne quitte point le fusil, chacun se fait
justice, s'il vient à être attaqué.
Cette singulière contrée qu'on peut regarder
comme le séjour de l'anarchie, comptait encore
des places importantes au temps du Bas-Empire,
et même sous le gouvernement des Turcs mais
elles sont tombées peu à peu en ruine, et ces-
sent d'en imposer à des hommes naturellemeut
portés à l'indépendance ils sont arrivés à l'état
presque sauvage dans lequel ils existent.
La place de Dragomestré, dont Coronelli fait
mention, qui dut être un lieu fort d'assiette et
de fortiucation n'existe plus que comme un
village malheureux, qui a vue sur un port inhos-
pitalier, où des barques seules viennentchercher
no asile contre les vents d'est. L'anse de Pétala,Il
a une lieue de l'embouchurede l'AchéIoùs, n'est
pas d'une plus grande importance. Telle est enfin
la partie littorale de la Carlélie,dont l'intérieur,
qui renferme une population nombreuse, est peu
connu.
Au point que je viens d'indiquer, commence
l'Etoile, que les Grecs modernes désignent sous
le nom deXeromeros, ( Sef~ttf ) région aride,
et la vue du territoire âpre. de Dragomestré leur
aura fait donner une semblable dénomination à
ce pays. L'aspect des montagnes schisteuses, la
vue des forêts l'existence des landes et des lacs
qui se trouvent de toutes parts, étaient en effet
suffisans pour mériter ce titre à l'Etoile. qui
s'embellit cependant, et se pare de verdure et de
moissons vers les bords de l'Achetons.
Les souvenirs de la Fable se réveillent au nom
de l'AchéIoùs d'Etolie qu'Homère décorait du
titre pompeux de roi des fleuves et ces sou-
venirs peuvent conduire, en visitant le pays à
examiner les changemens qui ont dû nécessairc-
ment s'opérer à son embouchure. Hercule qui
exterminait les monstres, et qu'on peut regarder
comme le premier bienfaiteurde la Grèce; (soit
qu'il ait existé plusieurs hommes de ce nom, ou
qu*Il ait été seul) Hercule s'occupait aussi de la
salubrité du pays Ainsi, son prétendu combat
avec rAchéIoûs, auquel il arrachaune corne, se.
rait peut-être un travail par lequel II aurait ren-
fermé le fleuve dans un seul lit, lorsque ses eaux
devaient, parla déclivité du terrain vers l'orient,
former des marais, et se décharger, par plu.
sieurs embouchures, dans la mer de Corinthe.
Les modernes ont donné le nom de Fleuve
Blanc, Aspro-Potamos, à l'AchéIous. Il prend
sa source au mont Mezzovo, ou Pinde, dont un
des contre-forts forme le côté oriental du vallon
d'Arta, jusqu'à la hauteur de Macronori mon-
tagne isolée qui domine le golfe d'Ambraeie
à l'orient.
Pour se rendre de Dragomestré sur les bords
de FAchéIoûs .ensuivant la route pratiquée par
les gens du pays, on passe, au bout d'une heure
et demie de marche, une petite rivière qui ra
se jeter dans ce fleuve, et on descend peu après
dans son vallon. La culture de superbes oliviers,
des villages disséminés sur quelques coteaux, an-
noncent un pays fertile.
Le premier village sur lequel j'aie des données
positives, est Pandi, dont la distance à la ville
d'Arta est de sept lieues. On trouve ensuite, sur
la rive gauche de l'Aspro-Potamos Viacbori
bourg assez considérable, qui est la résidence
d'unjevéque, et le chef-lieu d'un sangiak riche,
dont on estime la distance à Anato])Ico,dedouze
lieues de chemin. Sur la rive droite du même
Seuve, deux heures plus au nord il y a un
village appelé Milos ou Mi!a, d'où on tire une
grande quantité d'huiles et de vins.
Ivoria, à cinq lieues nord d'Anatolicd, est un
autre village de Grecs qui est bâti sur la rive
gauche du fleuve Achéloûs, presque vis-à'visdu.
hameau de Katochi, qui s'élève sur la rive op-
posée.
Comme ces bourgades se rapprochent de la
vitle où l'autorité réside, il est assez facile à un
étranger de les visiter et on pourrait y établir
quelques relations commerciales', qui seraient
avantageusemententretenues parlesnégociansde
Patra& ils en tireraient de l'huile, des cotons
de la soie, du sumach et de la vallonéc, qui s'é-
coulent par un autre débouché.
Néochorion, éloigné de deux lieues de l~em-
bouchure du fleuve se trouve aux pieds des
montagnes qui bornent au nord la plaine d'Ana-
toiico, qu'une culture variée, des oliviers et de
hautes futaies décorent de toutes parts.
La ville d'Anatolico, quia été quelquefois gou-
vernée par un pacha à deux queues, est bâtie sur
plusieursdes iles Ëschinades, dont les anciens at-
tribuaient la formation aux alluvions du fleuve
Achéloûs. Elle est actuellement sous les ordres
d'unbey, et habitée en grande partie par des
Grecs, qui s'adonnent exclusivement à la pèche
pour faire de la poutargue, qui constitue la bran-
che la plus essentielle de leur commerce.
Les îles Eschinades, connues aujourd'hui sous
le nom de Nisia, sont une multitude d'écueils~
jetés par groupes à l'entrée du golfe de Lépante,
dont ils semblent fermer l'entrée, surtout lors-
qu'on en approcheen longeant la côte d'Epire.
Une lieue au sud-est, on trouve Messalenghl,
chef-lieu d'un pachalik à deux queues qui ne
fait plus partie de l'Albanie, et, une lieue dans
l'intérieur des terres, on voit encore la poussière
des ruines de Calydon.
Telles sentieslimitesdupachalII~d'AlideIanina,
et tel est le pays qu'il gouverne. Si la presque to-
talité est encore barbare, on doit cependant dire
que l'Albanie est la province de l'Empire Otho.
man la plus riche en hommes belliqueux, et en
denrées territoriales.On retrouverait dans les Al-
banais, les soldats d'Alexandre et de Castriot.
L'habitant des montagnes de l'Epire accoutumé
aux privations et aux dangers, ne respire que la
guerre et s'il parle d'une nation qui n'est pas
la sienne il ne l'estime qu'en raison de la bra-
voure qu'il lui suppose.
Les peuples indépendans se rattachent aux
Albanais musulmans ( qui semblent n'avoir
embrassél'Islamisme que par politique ) par des
moeurs analogues, et par un même idiome. Tous
souffriraient impatiemment un joug étranger, et
une 'domination autre que celle dont ils reçoi-
vent la loi. Ainsi, quand l'empire d'Orient serait
démembré, l'Albaniepourrait rester long- temps
ce qu'elle est aujourd'hui car il serait difficile
de calculer comment on parviendrait a dompter
des hommes retranchés dans des montagnes inac-
cessibles, et que rien ne pourrait effrayer lors"
qu'il s'agirait de défendre leur liberté.
Pour mettre le complément à ce que je donne
sur le pachalik d'Ali, il faut espérer que quel-
que voy ageur entreprendra de visiter la Thessa-
lie et la Macédoine, dont uous ne connaissons
que les irontières et la projection des montagnes.
Que des dangers factices n'effraient point celui
qui méditerait un pareil dessein!Qu'il soit seule-
ment pénétré de la nécessité de respecterles usa<*
ges et les mœurs des peuples qu'il irait visiter
et qu'Use soutienneque la plupart des malheurs
arri~ésau~ Européensqui ont voyagé en Orienta
sont dus aux imprudences qu'Hf ont commises,
eL au mépris qu'ils ont témoigné des hommes
dont Us dépendaient,pendant qu'ils se trouvaient
au milieu d*eu~.
Le panha de lanina, soupçonneux el inquiet,
oavrirait san~. dUticutté les déniés tes plus inac-
cessibles de sou pachalik, à t'étranger nui lui
communiquerait frauchftnent ses dessein-, on
peut ntcme présumer qu'il le favoriserait. Que
de choses nouvelles en géographie, quelle abon<
dante moisson pour un naturaliste pour un ob-
servateur, se présenterait à chaque pas! Mais
quel homme voyagerait avec le ph~ d'avanta-
ges ? Celui ~Miti doute qui se sent le courage
de tout oser pour le progrès des sciences, et qui
met son bonheur à porter des germes de civili-
sation dans des pays autrefois célèbres, et qui ne
sont peut-être pas éloignés de commencer une
époque nouvelle de gloire et de prospérité.
Puissent donc mes pages, puisse le tableau
descriptif que j'ai mis au jour, exciter une noble
émulation et un désir nouveau de parcourir la
Grèce Que cette tâche ne reste pas plus long-
temps à s'accomplir. Le. ni que je présente ser~
vira à guider le voyageur au milieu du chaos. Il
rectifiera mes erreurs il ajoutera les trésors in.
finis de ses découvertes,aux choses nouvelles que
j'ai publiées. Pour moi, content de mon travail,
s'il a provoquéde nouvelles découvertes, je me
glorifierai d'avoir sauvé ces débris menacés du
nau&age, d'avoir conservé dans le malheur assez
de persévérance, pour former un ouvrage dé-
pourvu de la pompe du style, mais utile, comme
ayant donné l'éveil.
Qu'on me pardonne cette digression; je ren-
tre dans mon sujet, et e serai court sur ce qui
me reste à dire, par rapport à la manière de vivre
et au régime des Albanais. Je me rcstiendrai ég~*
)em6nt sur l'état du ciel et des saisons, et je
Saurai qu'un mot à dire par rapport aux mala-
dies. J'envisagerai enfin le commerce d'une ma-
nière succincte, mais positive, et basée sur des
données irrécusables.

CHAPITRE XVII.

DUET~TÏQCE ET MOEURS DES AMANAÏS.

jLtEs AlbanaIs,qu'onpoutTaitnommerlesScythes
de l'empire d'Orient,ne connoissent que peu de
besoins.
Us habitent, en général, des maisons quin'ont
qu'un rez-de-chaussée,et couchent sur des nattes
ou sur les épaisses capotes, qui les mettent à cou-
vert des injures de l'air. Peu sensibles aux varia-
tions de l'atmosphère, ils mènent une vie égale-
ment laborieuse dans les différentes saisons de
l'année contens de peu, ils se nourrissent de
lait, de fromage, d'oUves,de végétaux,deviande,
mais en petite quantité, de poissons et d'oeufs
enfin de poissons salés tantôt ils font usage de
pain, tantôtils se contentent de blé bouilli ou de
mais. Leur boisson varie, mais, pour la plupart,
ils f~nt usage du vin.
Les hahitans des villes, mieux logés que 1<*
peuple des campagnes, ajoutent quelques mets
au régime grossier dout je viens de parler. Les
agneaux, les cochons rôtis la volatile, le gibier,
paraissent fréquemment sur leurs tables, leur
pain est bon, bien cuit, et ils ont d'excellcns vins.
L'huile vraimeut délicieuse, qu'ils emploient
< omme condiment, dans tous leurs ragoûts ne
le cède en rien pour la quatite, aux meiUcures
huiles connues. Ils font enfin usage de café, et
les rossogiios d'Itane~ les liqueurs de Çorfou et de
Cépnaiome, ont pecétré jusque dana les riches
ïnonastères des caioyers.
LesA!bauais, pasteurs,guerners ou bien agri-
cuneurs, sont vêtus d'une étoffe grossière, Ht;
portant point de linge, ou n'eu changeant que
lorsqu'il tombe par lambeaux.; Une chemise
noire est le signe de la bravoure; un soldat se gto-
riue de Fuser sur son corps, comme de savoir
supporter les privations et la douleur sans mur-
murer. Sobres et actifs, ils se contentent daus
leurs voyages ou dans leurs travaux, d'un peu
de farine délayée, de riz qu'ils font cuire avec
du beurre et les chants, la danse, la gatte
semblent les délasser et réparer leurs fatigues.
Aussi voit-on rarement une poignée de sol-
das sans sa mandoline ou sou chanteur et
p. fois avec un orateur chargé de raconter du
histoires.
Les bergers albanais qui conduisent les trou-
peaux du pacha ou dé ses Ëls, ainsi que ceux des
agas qu'ils servent, suivent les saisons, et changent
de cantons en marchantdans 1 es pâturages,à me-
sure que la nature leur fait naître les herbes. Pen-
dant l'été, ils errent ordmairemantdans les chaî-
nes du Pinde et du Tomarus ou Dzoumerka,
et les pasteurs du pacha amènent, au mois de
juin dans la plaine de lanina, les troupeaux de
montons qui leur sont confiés.
On célèbre alors une sorte de fête, et on pro-
cède à la tonte, après quoi on compte les mou-
ions~ que les pasteurs conduisentsur les coteaux
de la Cassiopie dans le vallon d'Arta, du côté
de Paramithia, de Margariti et de Nicopolis. Ils
se cantonnent enfin dans la partievoisine du golle
d'Arta, ou dans la Carlélie pendant l'hiver
parce que ces cantons sont mieux couverts et que
latempératureyest plusdouce, que vers la Bolina
et Tebeleni.
L'habitant de la Haut' Albanie cultive ses
vignes, ses champs, et récolte ses olives. Il s'oc-
cupe aussi à couper, dans les forêts les chênes
propres à la construction, qu'on transporte vers
le point le plus proche de la côte, où les forêts se
trouvent. Les SagoDfttes,Itbt'es dans leurs mon
tagnes, mènent une vie patria"chale; heureux de
leurs mœurs simples, des productions de leur~
champs, satisfails des tul<s m''(!(;ncs sous les-
quels ils ont reçu la vie, chaque jour leurs main&
f.'clèvcnt vers le ciel, pour lui demander de rester
toujours cequ'iissont,etla -voix de leurs ministt'es
ne répète que des hymnes de paix et d'amour.
Quand l'hivervient ensevelir la Haute-Albanie
'ious les neiges, ses habitans retirés sous leurs
chaumières enfumées, ont peu d~occupations
et se livrent u équemmentauxplaisirsde la.chasse'
Dans la plaine de lanina, ils ont des travaux sé.
dentaires qui les fixent dans leurs foyers; mais
tous paraissentpeu sensibles à la vivacité du froiJ.
Les habitans des villes sont loin de jouir d'une
semblable vigueur. Le Grec se couvre alors de
vétemens, allume un brasier dans l'intérieur de
sa maison, tandis que l'immuableAlbanais, ac-
croupi et tranquille, souffre, parce qu'il faut
souffrir.
La constitution physique diffère en consc
quence dans les deux peuples, autantquel'homnM
moral diffère de l'homme physique. Tout honnue
même né en Epire, a un caractère et un tempéra-
ment, enfin une physionomie, qui le distinguent
des autres Grecs.
t Hippocrate semble avoir peint
les Albanais,
y
lorsqu'il établit la différence entre l'Asiatique et
~'habitant de rEurope °. « Les Européens, dit-il

t"T!!t. Ttf~t AtfM' t«fftTa< Tt'!tit, CXTt.


ï(!tB (;XJ[.
M sont d'un Naturel sauvage, insociables et fou.
? gueux, parce qu'ils rivent sous un ciel où l'es-
prit éprouve sans cesse de ces changemens
? brusques qui rendent l'homme sauvage et qui
M !ni ôtent la douceur et l'aménité des moeurs.

Le père de la médecine les caractérise encore


plus spécialement par ces paroles dont l'expé-
rience démontre tons les jours le grand sens s
« Tous ceux qui habitent un pays montueux 9
inégal élevé et pourvu d'eau, et qui éprouvent
des variations considérables dans les saisons,
M doivent naturellementêtre d'une haute stature,
très-propres à l'exercice et au travail, et pleins
» de courage. Ils sont sur-tout d'un caractère
» sauvage et féroce
Les Albanais sont ces hommesdes montagnes.
Leur taille commune est de cinq pieds quatre
pouces; ils sont fortement musclés; l'angle facial
est cher eux généralement droit, et l'ovale du vï-
Sftgc allongé; les moustaches sont peu fournies,
les joues colorées, Focil est vif; la bouche, bien
proportionnée, laisse voir un double rang de
dents parfaitement alignées; le front est étroit,
le col est élevé, la poitrine développée, et peu
couverte de viMosités. Peu chargés d'embon-
point, ils sont en ganera~ bien faits, agiles,
et ont la jambe fine et peu fournie de mollet.
Leur tempérament participe du sanguin et du

Traduction Je 31. Curai.


bilieux. Chez eux le systèmeabdominal est peu =-
développé, etils ontia constitution la plus propre `_
aux fatigues et aux expéditions lointaines.
On les trouve aussi, comme je l'ai dit, dans
toutes les parties de l'empire et depuis les rivess.
de l'Euphrate jusqu'à remboncbnredu Driuo;
en Egy pte et dans les régences barbaresques,les=
Arnaoutes ou Albanais sont les soldats par ex-
ceUence, et j s ntUtccs les plus rciMtnnMps.
f.Ijs sem"tent
également dost <~M'
auxpba~a~cs

tés qui in test eu' ~il~unu~c, e! s~us rougir dx


métier de f.~anJs, '~u~j emporte aveciu:
des dangers, ils raconta hautement leurs cou-
pabtcs prouesses, et its -a gtorICeut.
C'était à ce sujet, qu'un A ~bt'n~squi se retirait=
dans ses foyers faisait part & M. Bessières des =-
plaisirs de sa jeunesse. « On n'est heureux, disait r
? Hadgi-Moustapha de Pharsalc., que lorsqu'on
»est fort et vigoureux. Pour moi, ce temps est I
passé, et il faut faire une nn Je reviens pour
la seconde fois de la Mecque, et ja vais rentrer
à Pharsale, après avoir bien usé de la vie. J'étais =
chef de Itaïdouts concevez ma satisfaction,
lorsque je pillais en Roumilic. J'aimais, après
avoir mis un village à contribution, a voir les
femmes épintées venir me demander grace
pour leurs maris je la leur accordais, et vous
penscz si j''cta!< f~'r <!e n'a pn; !i!(m < tf'rs-
M !à pst nnssc bien vite. ?
Les femmes qui donnent le jour à ces hommes
féroces, participentde la vigueur de leur organi-
sation. Fortement constituées, elles ne vivent
puint dans la mollesse des harems et. loin du
commerce de la vie, elles travaillent, elles arro-
sent la terre de leurs sueurs et elles partagent
fréquemmeat les dangers de leurs époux et de
leurs en&ns. Leurs traits fortementdessinés, le
tissu serre de la peau, qui recouvredes partes mus-
culaires icrmes et douées d'élasticité,font quelles
sont exposéesà peu de maladies, et que les signes
de lu nature sont pins tardifs chez elles que parmi
les femmes des parties méridionales de la Grèce.
Elles conservent aussi pendant plus long temps
leur fraîcheur, et elles sont mères jusqu'à un âge
aussi avancé que dans les contrées septentrio-
nales de FEurope.
Elles couchent sur la même natte que leurs
pponx mènent la vie dure et exercée qui fait
leurs délices. Elles sont, comme eux, vêtues de
tare grossière, et souvent elles marchent les
jambes nues pendant les froids les plus rigoureux
des hivers de FAlbanic.EHcsont aussi plus d'une
fois partagé leurs dangers, et si la mère d'Ali pacha
pr<-)td les armes, on voit.les femmes de la Haute~-
Aihanic se placer dans les rangs, et exhorter les
hotutucs a ;'érir pour la défense commune.
Onhc la hi'nvnnrc qn! est n:ttnrc!!c aux Alha
Mais il!, ouL un. cancLcrf prononcé de franchise
qui n'est point ordinaire aux Orientaux; ils ma.
niiestcnt sans détour leur estune ou leur dédain. c
S'ils parlent des Osmanlis c~est pour les taxer
de lâcheté, et ils ont fréquemmentà la bouche ce
proverbe trivial pour tes désigner 0.f/M<M~M ca/of
M<6 ~M!~0<C~Of~,(l'<3~M~ C~ bon ~M~~f.)
De là ces dédains qu'ils aRectent pour ce qui leur
vient de Constantinople.
Ils ne mettent pas plus d'art à dissimuler. Dès
qu'ils peuvent obtenir une place, c'est pour faire =
fortune c'est aussi ce qui faisait dire à l'aga de =
Bonila, qui était un admirateur d'AU pacha « Le =
vezir m*a mis ici, c'est pour gagner de l'argent;
» ainsi il m'en faut de l'argent de l'argent ou
? je fais jouer le bâton Me vale e<~o o P~<M
dia n<t ~o aspra! A<Mthelo aspra, aspra, â =
.t~M, ~o~, A<M .c~o~. Incapables de l'astuce =
musulmane, ils ne comblent point de caresses
eeM qu'ils veulent perdre ou qu'ils détestent
au fonddeleur cœur; ils lui déclarent une haiue
Irancbe, et s'ils ont juré sa perte, ils ne man-
quent pas de lui annoncer leur résolution.
Aussi mauvais Mahométans qu'ils sont bra' °
Tes, ils pratiquent assez négligemment les céré- c
monies extérieures de leur culte et ils croient
aussi peu au Prophète qu'en Jésus-Christ. Ils ju-
rent même plus fréquemment par le nom au-
guste du Christ, que par leur foi, pour affirmer
la vérité de ce qu'ils disent; en sorte qu'il estasse~
étrange d'entendre les noms de Maton Theon,
Maton Christon, dans la bouche des sectateursdu
Kouran. On les accuse en conséquence d'Incré-
dulité et d'irréligion, et le mot albanais est syno «
nitae de celai d'Ao~~M~ sans ~<, ( ~M~y. )
Pleins d'enthousiasme pour leur pays, ils n'en
parlent jamais qu'en le mettant au dessus des au-
tres et quoique fixésparfoisdans des contrées plus
heureuses ils ne cessent de porter leurs regards
versIesnMntagnesdel'Epire. Ils ne se rappellent
pas des privationsqu'ils y éprouvaient, des dangers
répétés qu'ils y trouvaient, maisdel'indépeadance
dont ils jouissaient; ils ne peuvent oublier i'hum-
ble toit où ils reçurent le jour, lesrochers où ils
en aient, les vallons témoins de leur enfance, et
tant d'objets qui parlentsur-toutau coeur de celui
qui vit rapproché de la nature.
Pourquoisuis-je forcé de mêler ici le reproche
des outrages qu'ils font a la morale ? Il semble
que les goûts infâmes, désavoués par la loi pre-
mière des hommes, soient le fruit de la barbarie.
L'Albanie, autant qu'aucune autre contrée d'O-
rient, renfermepes honteuxprincipesépars dans
laGrèce moderne, et dont on ne sait plus rougir.
L'Albanais est dissolu, sans soupçonner rénor-
Buié de sa faute, quand il la voit accréditée et
récompensée par ses chefs et par le vezir auquel
il est soumis les camps, la vie errante qa'H
Biène encouragent peut-être cette passionbrutale,
qui est celle de toutes les classes 1
Peu jaloux il n'enferme point ses femmes
sous les verroux, et dans les montagnes on les
trouve sans voile et sans contrainte. L'intérêt n'a
jamais part aux alliances qu'il forme, et le ma.
riage une fois consommé est rarement rompu par
le divorce, si commun et si facile chez les Ma-
sulmaus. Rarement chaque homme a plus d'une
femme, et la coutume contraire est, pour Jes
grands, un devoir d'étiquette auquel ils se sou-
mettent par luxe, plutôt que par volupté.
Les Grecs qui habitent l'Albanie ont aussi
des moeurs plus fières que celles des habitans des
îles et des provinces qui s'avancent au midi et
au milieu desquelles ils possèdent des viuages et
des cantons indépendans.Ils perdent même dans
cet état, la duplicité et le défautde loyauté dont
on les accuse, sans doute parce qu'ils apprécient
alors la dignitéde leur êtr e et qu'ils ne sont point
obligés de se dégrader, pour ramper sous la verge
d'un oppresseur. Ceux qui habitent les villes res-
semblent à tous les hommes de cette nation, chez
qui la corruption a précédé les connaissances,et
les lumières suffisantes pour aspirer à la vertu,
par le seul besoin de la pratiquer. Mais on ose
concevoir des espérances en voyant les Sago-
riates et dans la Grèce libre leurs douces habi-
tudes ne seraient pas sans doute citées comme un 'ê

phénomène.
Je dois terminer sur les Albanais en disant
que par-tout on les trouvese réunissant et formant
un corps à part qui est fier de son nom qu'ils 1
conservent avec obstination la langue esclavone,y
etqu'ilsrestent, maigréréloignementetrexpatria-
tion, toujoursAlbanais et orgueilleux de cenom.

CHAPITRE XVIII.

ETAT DU CIEL ET SAISONS DE L'ALBANIE. TEM-


PERATURE.EAUXPOTABLES.- SOURCES.

.L'ALBANIE, comme tous les pays élevés et


hérisses de montagnes, qui sont couverts de fo-
rêts et qui abondent en eaux, nourrit des hommes
belliqueux et féroces. La température, sujette à
à des changemens fréquens et brusques, varie
encore suivant les lieux et l'aspect des vaUons.
Avec elle, le caractère des habitans prend des
nuances et reçoit des formesnouvelles; et quoique
je n'aie tracé qu'une esquisse générale, il existe
des détails que je reprendrai à mesure qu'ils s*of-
ïtiront dans mes narrations météorologiques.
Le ciel de l'Albanie est pur, et pendant que
les montagnes de la Chimère sont couvertes de
nuages, les vallons de l'Aous, de FAcherusie et
les bords de la mer, jouissent de jours sereins
qui ne sont obscurcis que par quelques orages,
qui apportent une pluie fécondatrice. Les grandes
sécheresses sont aussi rares que les pluies qui dé-
truisent l'espérance du laboureur Si quelque*
fois les torrensseprécip:' ~nt, en mugissant, du
sommet des montagnes si le bruit de leurs cas-
cades retentit au loin, un soleil bienfaisant qui
paraît soudain, vient réparer le deuil qui remuait
sur les coteaux. Ainsi le printemps, dont les nia-
tinées sont fraîches, et l'été qui lui succède, sont
ordinairement deux saisons qui trompent rare-
ment les soins de l'agriculteur; les gelées qui
aflligent nos climats, la rouille qui désole les
blés en Morée, le ver qui ravage les vignobles;i
ces fléaux passagers, maistoujours trop funestes;
ne sont point connus en Albanie.
Le lever du soleil n'est nulle part plus po~
peux que lorsqu'il vient dorer les sommets da
Pinde ou les forêts séculaires de Dodone Ses
feux, réuéchis par les vagues de l'AchérusIeqm
se balancent mollement, présententun spectacle
qui paraît toujours nouveau; mais à l'automne,
lorsque le tonnerre commence à retentir moins
fréquemmentdans le mont Dzoumerka lorsquee
le vert des forêts perd son uniformité par !<*s
teintes diverses des feuilles aucune contrée de
)'univers, n'offreplus de richessesaux crayons du
paysagiste Aucune ne donne une plus grande
quantité de vins d'huiles et de fruits de toute
espèce, et par conséquent ne présente plus de
jouissance à l'homme qui saurait les apprécier =
Aux approchesde l'hiver,on voit rarement les
vallons couverts de brouillards. Après les der-
ï)Ières pluies de l'automne, on sent d'ordinaire
des froids vifs le matin on apperçoit des glaces
que le soleil fond avant le milieu du jour; ennu
les neiges qui arrivent, après s'être accumulées
sur les montagnes,couvrent la terre, et l'Albanie
éprouve des hivers extrêmement rigoureux. Le
vent du nord, qui vient à soucier, gèle les ri~
vières et les lacs, et donne à ces vallons, si ma-
gninques en été, des couleurstristeset mourantes.
La température, pendant cette saison, qui
dure plus de deux mois avec rigueur, est celle
des pays septentrionaux, et le ciel qui reprend
sa sérénité lorsque le vent de sud-est se fait
sentir, amène dé fortes gelées. Mais si le vent
du sud s'élève, alors les neuves se grossissent
de la fonte de tant de neiges. Ce n'est néan-
moins qu'au printemps, lorsque les zéphyrs
commencent à échauHer l'air, que les mon-
tagnes se découvrent, et que h:s avalanches rou-
lent avec fracas de leurs sommets escarpés. Les
monts Chimériens semblent, a cette époque,
sortir du chaos et recevoir une vie nonve!le les
croupes inférieures du Pinde revêtent un aspect
verdoyant, et les chants des oiseaux éclatent de
toutes parts.
La températurede l'été, qui devrait être insup.
portable dans les gorges, est tempérée par les
brises des montagnes remplies de glaciers et de
neiges, qui ne fondent en aucun temps et par
les vents qui paraissent sortir du fond des bois,
et qui arrivent chargés des parfums et des odeurs
aromatiques des coteaux Les rivages du golfu
d'Arta sont sur tout agréables pendant cette
saison, et l'habitant de lanina, s'il n'existait pas
dans la crainte trouverait des jouissances bien
précieuses à parcourir le lac qui l'avolsine, et à
goûter là fraîcheur d'une belle soirée~ sur ses
rives enchanteresses.
J'ai parlé des tremblemens de terre, et j'ai in-
dique les phénomènes des feux souterrains, qui
sont les agens principaux des accidens physi-
ques qu'on remarque dans les montagnes qui
bornent les Champs-Elysées il ne parait as as
reste qu'ils aient aucuns effets nuisibles t l'île
même du lac, qui est si fréquemment agit c, est
aussi salubre qu'aucune autre partie de 1 pro-
vince. On n'y ressent point ces exhalaison sul-
fureuses communes aux environs des vol-
cans, et les cavernes nombreusesne donnent au-
cunes vapeurs nuisibles aux hommes. Si autrefois
il s'en évapora des mofettes dangereuses, ce sou-
venir ne s'est pas transmis jusqu'à nous, et ces
accidens sont oubliés dans l'obscurité des siècles
qui nous ont précédés.
La plupart des vallées de l'Albanie comme
celles de la Grèce, sont exposées à l'orient ou
au midi le seul vallon de l'Aous et de Te-
beleni, qu'on pourrait à la rigueur ranger
dans cette classe font exception à la règle gêné*
raie, par la déclivité du premier qui s'élargit au
nord, et par celle du second qui s'ouvre à ~occi-
dent. Mais ses villes et ses villages sont tournés à
l'orient ou au midi, un petit nombre seulement;
de ports de mer ont vue à l'occident, et aucuns
hameaux ne sont bâtis vers le nord.
Les .habitans des montagnes de la Chimère,
dont la plupart des villages sont tournés à l'occi-
dent et at<L nord-ouest, sont enclins à la férocité,
et ne puisent les règles de leur conduite que dans
le sentiment de leur force dont ils font un cou-
pable abus; ceux qui habitent le rivage de la mer,
quoique doués d'un caractère moins agreste,
contractent un goût prononce pour la piraterie.
Ainsi, tous les hommes de ce revers de nïonta-
gnes, et ceux qui vivent sur leurs plateaux, sont
naturellement adonnés aux armes, quelle que
soit leur religion ou leur croyance. Les Miisul-
mans, impatiens de trouver des dangers, passent
au service des régences de Barbarie; et la Yallo-
na, Antivari leur fournissent un grand nombre
de soldats. Les Chrétiens Grecs émigrent de leur
côté pour servir en Russie, et ceux du rite latin
formaient le régiment de Macédoine, que le roi
de Naples recrutait clandestinement à Autivari
t
à la Vallona, à Croie, et a Scutari, sur la Bolina.
Les habitans de Sagori, qui ne sont sépares
des monts Acrocérauniens que par un espace
peu étendu, et que le mont Dzoumerim unit
ïnéme aux chaînes de la Chimère, doivent peut-
être leurs mœurs antiques à la beauté de leur
aspect, que le soleil naissant salue de ses pre-
miers rayons. Leur caractère pacifique la
santé dont ils jouissent, le courage calme qui les
distingue, la vivacité de leur esprit, brillent d'un
éclat inaltéré. Leurs femmes, douées de la beauté
des formes, et de la régularité des traits, sont
douées et fécondes.
Au delà, du côte de Castoria ( l'ancienne
Celethrum) on ne ~Mt qu'àpreté. Les lacs, les
rizières, les forêts profondes donnent un autre
caractcreetdes mœurs bien différentes aux habi-
tans de ce pays. L'hospitalité, la bonté, sont l'a-
panage des Sagoriens; et, dans le pays qu'on par~
court, pourserendreàBucharest, on ne peut
voyager sans escorte. L'homme place sous une
innuence plus rigoureuse, a contracté quelque
chose de féroce et de barbare.
Le revers occidental de Sagori, les montagnes
t[ui forment au uord le vallon de Tebc!eni, et
qui dessinent,plus au nord encore, le bord méri-
dional du bassin du Drin, indiquent par leurs
coupes Inégales, et par leurs hautes forêts de
pins le caractère de leurs habitans. Les fem-
mes oublient la douceur de leur sexe pour courir
aux armes, et tout y est guerrier, pasteurou bri-
gand.
En revenant au midi de l'Albanie~ on trouve
les peuples voisins de la Thyamis, ceux des bords
de l'Aréthon, et du golfe d'Ambracie dont j'ai
décrit les moeurs et les usages d'une manière
assez détaillée, pour ne pas répéter qu'ils sont
guerriers, braves et moins féroces que ceux du
nord. Mais les rizières qui avoisinent Souli sont
assez importantes, pour établir, dans un petit es-
pace, une nuance dansla température.
Après avoir donné un précis sur les tempéra-
tures pour suivre le plan méthodique que j'ai
adopté, je terminerai par un appercu sur les eaux
de FAIbanie.
La plupart des fleuves de la Grèce, qui furent
beaucoup plus considérables dans l'Histoire que
dans la réalité, sont en grande partie à sec pen-
dantl'été~cequifaitquedanscepays.leseanxsont
assez communémentrares et mauvaises. Celles de
la meilleure qualité, sont les eaux de pluie qu'on
conserve dans des citernes, ou que la nature
tient en réserve dans les cavités des rochers. Les
eaux de la Thyamis, de l'Aous, de FAréthon,
sont Imputables dans le temps des chaleurs, à
cause des insectes et des débris de substances vé-
gétales qu'elles entraînent avec elles, ou qu'elles
tiennent en dissolution. On a donc recours à
l'eau des sources.
On a vu, par l'Itinéraire de Butrinto à lanina,
qu'il ne se trouve que quelques ruisseaux dans
toute cette partie, et que Delvino,qui est la ville
la plus considérable de cette contrée, est située
sur une hauteur.Delvinachi bâtiedans un vallon,
est arrosée par quelques sources; mais Dzidza,
assis sur un pic n'a qu'une fontaine, et l'eau
d'une mare qui se trouve aux environs.
lanina est plus riche en eaux; celle du Cocyte
est fraîche sans odeur, molle et agréable a
boire; mais on ne peut faire usage des eaux
de l'Achérusie que pour les bains, parce qu'elles
sont fades saumâtres, et qu'elles exhalent une
odeur désagréable. Comme elles sont inconnues
par leurs principes, le voyageur qui les analyse-
rait, pourrait peut-être y trouver des qualités
qui dédomageraient de leur privation.
Le bourg de Bonila est longé par un petit ruis-
seau mais des sources éparses à l'ouest, dont le
bassin est rempli de cresson, donnent une ean
préférable car celle d'une rivière faibledans son
cours, contient toujours une trop grande quan-
tité de vase, pour ctre employée aux besoins uu-
médiats de la vie.
n se trouve en outre une multitude de fontai-
nes éparses de plusieurs côtés, ainsi que des eaux
thermales dont on connaît quelques sources. On
voit dans le voisinage du pays des Philatès, des
eaux salées qui coulent des rochers sur lesquels
elles font une nappe, et qui mériteraientl'atten-
tion de l'économiste. Mais, sous ce point de vue,
l'Albanie a besoin d'être examinée et parcourue
avec soin.
L'Acarnanie ou Carlélie est remplie de lacs;
on en désigne de nombreux aux sources de l'A-
chélous mais on n'a rien d'assez sûr, ni d'assez
positif, pour établir des raisonnemens irrécu-
sables.
On ne peut non plus définir le tempérament
des peuples des différens vallons, chose qui se-
rait pourtant bien importante, afin d'expliquer
plusieurs passages des auteurs anciens, et de ren-
dre compte des phénomènes qui se présentent
en foule aux yeux du voyageur.
On voit cependant,d'aprèsce que j'ai dit, qu'il

y a plus d'uniformité dans la température de


l'Albanie, que dans celle du Péloponèse. La na-
ture y a subi, à la vérité, moins de changemens.
Les chaînes de montagnes y sont longues et con-
tinues. Le Pinde, le Tomarus, les monts Acro-
cérauniens, forment de vastes amphithéâtres do-
minés par quelques pics élevés; mais on n'y re-
marque pas de bouleversemenssemblables~ceux
qu'on observe dans les parties méridionales de la
Grèce, et dans les iles de FArcbipel, bouleverse.
mens qui ont mis les entrailles de la terre à dé-
couvert. Les vallons sont spacieux et ouverts,
et on n'appercoit les entonnoirs volcaniquesque
dans le canton de Loroux, pays, ainsi que celui
d'Arta, qui sont minés par des feux souterrains.
La Thessalie, et les cantons situés sur le revers
oriental du grand Mezzovo ou Pinde,sontbaignés
par des fleuves profonds et par des rivières qui
ont de l'eau dans toutes les saisons de l'année. Ils
renferment en outre des sources, des fontaines,
et quelqueslacs. Les hivers, qui n'y sont pas aussi
vifs qu'en Epire, y sont plus longs; mais le ciel
y est également beau, et la terre offre par-tout
des pâturages, des moissons et des trésors, quele
défaut de bras, plus encore que le manque d'in-
dustrie, laisse perdre et ruiner.
Les eaux y sont pures, molles, et de facile di-
gestion. Les nuages, attirés par le sommet des
chaînes de montagnes qui environnent le bassin
de la Thessalie, où coule le Pénée ou Salembria
sont le principe des sources et des fontainesinfi-
nies, dont les ruisseaux limpides, après avoir fe-
condéles campagnes,vont porterie tributde leurs
eaux dans le lit de la Salembria.
Leshabitans de ce pay~ sont braves sans férocité,
courageux et réuéchis, capables d'entreprendre
les choses les plus hardies, et ils en calculent les
dangers non par crainte, mais pour ranger de
leur côté les résultats les plus avantageux. Ils es-
timent les arts, ils honorent I'agricu!ture;et,dt~
férens de l'Albanais, ils portent leur vue au delà
de l'horizon qui les environne, pour établir des
liaisons de commerce. Peut-être sont-ils moins
francs que l'Arnaoute; mais ils ont des vertus
plus attrayantes, un caractère sociable, digne
d'être aimé, et ils conservent quelquechose d'hu-
main on préférera enfin leur corruption même,
si on peut appeler ainsi certains déguisemens,
que l'état dans lequel ils vivent excuse assez,
parce qu'ils sont plus près de la civilisation.
Il y a sans doute dans la Thessalie des variétés
parmi les habitans comme on en trouve dans
l'Epire. L'hommequi habite les revers du Pinde,
les hauteurs voisines des couvens Météoriens
n'a pas l'aménité morale de l'habitant de Phar-
sale, de Larisse, et des bords du golfe de Volo.
Des rapprochemens Immédiats avec les Euro-
péens, ont répandu des idées, chez les riverains
de la mer, qui ne peuvent s'étendre que par de-
grés dans l'intérieurdes terres, où l'industrie, qui
se propage, éveille déjà des pensées et des senti*
mens qu'on avait oubliés.
CHAPITRE XIX.

MALADIES PROPRES A 1/AMANÏE. MÉDECINS ET

cmRURGlENS.

JL~B tout ce que j*al dit par rapport à la topo.


graphie, à l'aspect des vallons et à la projection
des montagnes. enfin sur la température et les
eaux, on peut facilement conclure quelles sont
les maladies qui règnent dans' l'Albanie. L'ou-
vrage de l'oracle de Cos nous servira de guide en
cette occasion et on trouvera que ses principes
conviennent aux temps modernes, comme aux
siècles dans lesquels ce grand homme existait. La
nature des alimens, pleins desucs etde parties nu-
tritives, fournira aussi lieu aux inductions médi-
cales. Mais malheureusement,je manque de faits
pourrégulariscr unplan de constitutions,comme
celui dont j'ai donné l'apperçu, en traitant de la
Morée; et cette partie restera à considérer aux
voyageurs qui visiteront ce pays.
Je me contenterai de consigner ici, comme
observation positive, que la ville de lanina, à
cause du voisinage dulac, est sujette à des nevres
tierces au printemps, et qu'en automne les 6èvM$
quartes y sont ordinaires.
Les environs d'Arta sont également névreux
9
et les lacs qui se trouvent du côté de l'Etolie, ren-
dent cette contrée aussi malsaine que les dunes
de Corinthe. Les rizières qui se trouvent dans ce
pays sont, à n'en pas douter, la cause d'une pa-
reille altération de l'air, et des inconvéniens qui
en résultent.
La peste est évidemment étrangère au climat
de l'Albanie. Les constitutions n'étant presque
jamais australes, les hivers revenant constam-
ment accompagnésde neiges, de glaces et de fri-
mas, un semblable néau ne peut se conserver
au milieu d'une région dont la températurelui
fait la guerre. Si on a cru qu'elle sortait des ma-
rais du golfe d'Ambracie,oudes lacs, c'est qu'elle
se développe ordinairement de ces côtés, qui
sont les plus exposés aux communications exté-
rieures.
C'est de Constantinople, et plus souvent des
côtes de la Barbarie, qu'elle est apportée dans
l'Albanie. Un vaisseau qui arrive de Tunis ou
d'Alger, soit qu'il soit contumace ou non, n'est
jamais visité; on ne s'informe même pas s'il existe
des accidens d'épidémie dans le pays d'où il
vient, ou s'il s'est passé quelque chose d'extraor-
dmaire sur son bord. Si on le questionne même
sur ces choses, on ne tarde pas à l'admettre,
pour peu que le capitaine iasse quelques cadeaux
à un commandant de port, ou & un aga. L'avidité
qui ne spéculejamais, achète ensuite sans pré-
caution tout ce qui lui offre un moyen de lucre,
et les germes de l'épidémie pénètrent ainsi dans
l'intérieur d'un pays où, sans l'arnaehie, elle
serait à jamais inconnue.
Les tatars ou courriersqui viennent de Cons-
tantinople, se chargent aussi de marchandises,
sans faire attention si la peste existe ou non dans
la ville d'où. ils sortent. Je sais que par le temps
qu'ils emploient à faire le voyage, par l'immen-
sité de l'air dans lequel ils se lavent des impure-
tés pestilentielles, ils ne peuvent apporter dans
leurs vétemens aucune contagion; mais il n'en
est pas de même des marchandises, qu'ils tien-
nent soigneusement renfermées, et qu'ils se gar-
deraient bien de sereiner ou de purifier en les
exposant à l'air.
C'est donc la communication de ces hommes,
et plus encore les caravanes, qui, avec les tré-
sors dont elles sont chargées, tr ansportentd'une
province dans une autre les malheurs du monde,
et le fléau le plus redouté, jusqu'à ce qu'on eut
connu, de nos jours, la fièvre gastro-ataxique,1)
ou fièvre-jaune, qui vient, semblable à l'Ange
exterminateur,détruire les villes et les nations.
Cependant l'Albanien'est jamais couverte d'nn
demi qui menace sa population. Tandis qu'une
ville est le séjour de la mort et de la désolation,
les cités et les hameaux, bâtis dans ses montagnes,
sont à l'abri de ses coups et respirent au milieu
d'une atmosphère de vie et de santé. La p~ste
elie-méme par la pureté de l'air est bientôt
détruite et le soleil, accompagné des vents
d'est ou du souffle de Borée, ne tarde pas à dis-
siper les principes de la contagion.
Lucainvientà l'appui de ces observations, lors-
qu'il représente la peste moissonnant les soldats
de Pompée, retranchéssur les hauteursde Dyrra-
chium,et il rapportelacausedepette maladie qu'il
peint avec les couleurs mâles de son pinceau. =

« Un soin plus pressant, dit-il, que celui de la =


? guerre occupe les chefs, et leur ôte l'envie de
mesurer leurs armes. Dans l'enceinte du camp
de Pompée, la terre épuisée ne donnait pins
d'herbages les prairies foulées aux pieds des
chevaux, et endurcies sous leurs pas rapides,
» refusaient de les nourrir. Ces coursiers belli-
? queux périssaient de langueur dans des caui-
? pagnes dépouillées,leurs jarrets tremblans ûé-
chissaient, ils s'abattaient au milieu de leur
course, ou devant des crèches pleines d'un
chaume aride ils tombaient mourant de fai-
blesse, la bouche ouverte, et demandant eu
vain un herbage frais qui leur rendit la vie.
La corruption suivit la mortalité. L'air hu"
? mobile et croupissant se remplit de mortelles
exhalaisons.qui, condensées en nuage, cou.
vrirent le camp de Pompée. Telle est la vapeur
? infernale qui s'élève des rochers fumans de
Nésis, ou des cavernes d'ïnarimès, d'où Ti.
» phée exhale sa rage. Les soldats tombent en
langueur l'eau, plus facile encore et plus
!) prompte qne l'air a contracter un mélange im-
pur, porte dans les entrailles un poison dévd-
)) rant. La peau se sèche et se noircit, le feu
? jailli' à travers les prunelles,
un rouge ardelit
colore les joues; le sang, qui brûle dans les
veines, brise ses canaux et s'exhale en tu-
? tueurs, la tête, lasse et appesantie, refuse de se
soutenir. Le ravage que fait le mal est à cha-
qnp instant plus rapide. Il n'y a plus aucun
intervalle de la pleine vie à la mort Dès qu'on
se sent frappé, on expire. La contagion se
nourrit et s'accroît par le nombre de ses vic-
times car les vivans sont confondus avec les
morts privés de sépulture, et l'unique devoir
funèbre que l'on rend à ces malheureux, c'est
? de les traincr hors des tentes, et de les laisser
M épars dans les champs.

? Cependant le souille des aquilons qui v!nL-


» rent purifier l'air, et l'abondance que les vais-
? seaux apportèrent sur le rivage, firent cesser
? cet horrible uéau. ?
La peste ne tirait donc pas son origine du pays
où elle moissonnait les Romains, mais des tua!-
heurs de la guerre les aquilons et l'abondance
la chassent
Comme les étés sont en général chauds et secs,
et les hivers &'oids, !a peste, lorsque cette mala-
die est introduite en Albanie ne fait gaères de
ravages que pendant l'automne on l'a vue, mais
plus rarement, se manifester au printemps.

JMo~or OMn d~ee! MtïceM~M abstrahit armis:


FoM~ewt ~c<t<t!i<B~rte&eKj<!ad~'a&M~ ter~B)
QtKB CtftTt'n!o&<rtf<(e~!<es~gro<t<6!Hg!<e c:M<M
Xi~g'e&t ymnf/eKtent<~cMHtcortte<tcampum.
JBe/Cger<!«o/MMM/tt~)Bï<~<~e<!tMM <tn'M
.~<.h~c«M c~~/t<r_/«nt/!<~ftB~epMc«/Mo~ 1
Ofe noc~ïpoïcM~ntoM&MK~M &:&R!<rAe~at~
JËt M!hM/o medios a&fnm~pop/ttegyn!
Ctxpora <BM K)~M< ta&e!, et <er~<:f<M!.
jTn!a:t<Me<x c<c~M fluidè contagia pestis
O&tcKM/MM MK&~M MN~ramMe~eîM
Emittit Stygium Me&tt&MM aera saxis,
~fttregtte tett~rt'rattcm ~OKM a/tAe~Kt.
2<t<te ~a6aftt poptfft c(B&)gttepoMtttO)'tt~tdtt
OMMepatt~trtM~ttfafttfMcëmcce/M)
<~tm rt~a<rt:C!<<u, ~MMKM~tfe/KMHM ftt<<tptt:
J~Kee~ee M ~!</<M, et «:cro ~ffMa mor&o
Pestis abit, ~eaM~c~ e<r/)M<!e~n'e ~c~Mf.
Jcm magis atquewo~M~'M~c~o~ftiMato/fF~Mm~
~e me~M dtfùHM/<( mer~t, M/amy«e!f<eeem~«e
~e<<MorcMM mortet~M<, <t<r&~M0ca</eM<t<M
~t<c&! A~t nt&M/oee)!~ ~eOHit</M ~&
û)fpoM Mam mM~n'< M<t<ï: «MM~tt cives
~po~gere~M/tM erat, Mme~ hos mMt<ere /<!&oret
.d ~e/~o~c~M,~K~j'~Ke<Kf~oMt&tM «é'r,
J'<t«ora~Kect~)!Mfepen~~tM meM~ea~BÈ.
I.t.rc~tN, PMA~. t~y. xv. 'rad. de MjmMON'Mf..
Avec quelques précautions très-faciles à exé-
cuter, en établissant, par exemple, des lieux
d'observation dans le défilé de Mezzovo, à Fen.
trée du golfe d'Arta, à Butrinto, et vers la Val-
lona, on s'assurerait pour toujours d'un état de
salubrité qui ne serait plus troublé par les
alarmes continuelles de ce fleuve.
Les Albanais, par leurs mœurs ont échappé
à un danger peut-être plus réel, en se pré-
servant des calo-iatros qui infestent la Morëe
et la capitale de l'empire et, & peu d'excep-
tion près ils sont en sûreté de ce côté. Les
médecins de lanina sont des Grecs, et les
Grecs, dans cette partie de la science natu-
relle, méritent une considération particutière.
La plupart ont fait de bonnes études, soit en
France, ou dans les écoles les plus illustres
de l'Europe. lanina possède quelques uns de ces
hommes estimables, et malheureusement trop
rares, qui s'occupentdu bonheur et du soulage-
ment de leurs concitoyens. On remarque en eux
un zèle, un enthousiasme un besoin de faire le
bien, de propager les connaissances, qui ne
peu convenir qu'à des amis de l'humanité.
Aussi, Ils accueillent l'étranger, ils l'interro-
gent pour recueillir des lumières, et leur désin-
téressement égale leur sensibUité ils se réjouis-
sent des succès de leurs contrères.
Malheurcut'emeut epite la plup<ut, et mcme
tbtts ces hommes ne réunissentpoint l'art d'o-
pérer à l'exercice du traitement des maladies mé-
dicales, parce qu'aucuns d'eux ne se sont encore
Uvrés à cette partie si utile et si essentiellede l'art
de guérir. La chirurgie est toute entière entre les
mains des Albanais, ou de quelques charlatans
qui ne connaissent que les onguens, les emplâtres
et les drogues, qui sont les types de l'Ignorance,
et l'aveu taeite d'une insuffisance qui rougit d'a-
vouer ce qu'elle est. S'il y a quelques méthodes
passables parmi ces manoeuvres grossiers dont
j'ai parlé il s'en trouve une foule de fautives
et d'erronéeSt Ils pratiquent souvent des for-
mules cabalistiques; et comme eUcs n'entraînent
pas d'inconvéniens, on peut leur laisser ce petit
plaisir qui était aussi celui d'un sage de l'anti-
quité qui prétendaitréduire les luxations, par
le moyen de certaines paroles magiques.
Mais les fractures du crâne, les coups, les
blessures profondes, l'ouverture des vaisseaux
artériels, ne peuvent pas s'enchanter plus facile-
ment que les plantes ne sont dans le cas d'arrê-
ter une hémorragie.C'est ce qui fait qu'un homme
blessé est à peu près regardé comme mort et ce
sentiment porte peut-être les Albanais M trancher
la tête d'un guerrier qui reste sur le champ .de
;c.
~<<~ Voyage en Mnrcc, tom.t, C!tap. xx.xvtn
/<'7'e~Piutat'qt)< ~'ic <!(; CoCOu.
bataille < parce qu'Us le regardent comme voue
a une fin prochaine. Ils donnent pourtant quel-
ques soins à leurs soldats qui se trouvent blessés,
mais ils cessent de les compter au nombre des
vivans.
La chirurgie qui porte ses secours au milieu
des combats, cet art incomparable qui retient la
vie prête à s'échapper, qui cicatrise les plaies,
qui rend l'espoir au soldat blessé en combattant,
serait un bienfait digne d'être porte en Albanie,
et au sein de la Grèce qui ne le connut jamais
au degré de perfection ou il est parvenu dans le
siècle actuel

CHAPITRE XX.

COMMERCE DE L'ÀLBANIE.

JLtES productions de. l'Albanie auraient dû être


récapitulées dans un article à part, avant de
traiter du commerce de cette pr ovince mais9
outre que j'aurais à détailler un grand nombre
d'objets dont j'ai fait mention dans la partie de
mon Voyage qui traite de la Morée, j'ai cru pou-
voir former un tout de cet objet.
Le commerce de l'Albanie n'est qu'une faible
partie du commerce de la Grèce dont on peut
voir le tableau dans l'ouvrage de M. Félix Beau-
jour, auquel je renverrai toujours le lecteur,
lorsqu'il sera question de considérer cette partie
ça grand, et sous les rapports politiques je me
contenterai donc de donner ici une idée spé-
ciale et succincte de celui du pachalik d'Ali
poursuppléer aux détailsdans lesquelscet auteut
n'a pas cru devoir entrer.
Si l'on se rappelle ce que j'ai dit de l'Albanie,
ou je n'ai pas retrouvé le sol gras de FElide,
même dans les vallons tes mieux ouverts, on
croira sans difficulté que son terrain est peu
productif; mais malgré les montagneset les jfbréts
dont ce pays est couvert, il s'y trouve des pâtu-
rages nombreux, dans lesquels on nourrit beau-
coup de bétail.
On a planté des oliviers par-tout où la terre
s'est trouvée susceptible d'en recevoir, ainsi que
des mûriers dans les plaines, et des vignes sur
les coteaux les mieux exposés. On cultive dans
les vallons et sur les plateaux l'orge, le mais et le
tabac il y a même des vallées privilégiées, dont
le terroir donne de très-beau blé.
Lesabeilles fournissent aussi, parleurnombre,
une quantité de miel et de cire qui surpasse de
beaucoup la consommation. Enfin on fait des
fromages et du beurre; on confit des fruits secs et
des olives; les habitans des côtes de la
mer pré-
parent de la poutargue,des sardines, et quelques
salaisons de poissons.
Le pays n'étant pas peuplé à raison des pro-
ductions que la terre, quoique négligée et peu
fertile, donne de tous côtés, il arrive qu'on re-
cueille plus qu'on ne consomme et la sobriété
naturelle des Albanais augmente encorela somme
des denrées, qu'on a intérêt d'exporter. Je dis in-
térêt, parce qu'on a besoin de l'argent étranger
pour payer les impositions et de quelques ob-
jets des manufactureseuropéennes,dansun pays
ouïes arts même les plus communs, sont pres-
que inconnus.
Les armes de toute espèce sont un objet indis-
pensable pour les peuples belliqueux de l'Epire,
qui, outre le besoin qu'ils en ont, en font en-
core un objetdeluxe.Ils accordent la préférence
aux fusils et aux pistolets qui sortent des manu
factures de Brescia. Us tirent également d'Italie
les verres. les glaces et les papiers dont ils ont
besoin. Leurs femmes, dont la plus belle parure
est un mouchoir brodé à fleurs d'or, reçoivent
les fils d'or ou d'argent de Vienne; et l'Al-
banie, outre ces articles a une in&nité de be-
soins qui l'obligent d'entretenir des rapports avec
l'Europe dont elle se rend ainsi tributaire.
Ses denrées, qui comme je viens de le dire,
excèdent ses besoins et celles qui sont destinées
à alimenter les manu!actures,ou à approvisionner
les chantiers, passent en France, en Allemagne
et en Italie. Celles qui sont de simple consomma-
tion, sont portées en Italie par des vaisseaux ra-
susais ou esclavons, qui font leurs chargemens
principaux dans les ports d'Arta, Prévesa, la Val-
loua et Durazzo ou aux bouches de la Boiana.
11 se fait, chaque année, dans les ports que je
viens de citer, cinq ou six chargemens d*hu!Ie
pour Trieste et Venise trois ou quatre de laines
nonassorties, etdans lesquellesles laines en suint,
les laines bâtardes et celles de pelage sont con-
fondues elles ont leur destination pour Ancône
et pour Gênes il s'y fait encore trois ou quatre
chargemens de Me pour Gènes, et un ou deux
de tabac pour Naples et Messine,
La France qui a constamment entretenu des
relations commercialessuivies avec l'Albanie, en
extrayait tous les ans, avant la révolution plu-
sieurs chargemens de bois de construction et
ces bois, beaucoup meilleurs que ceux de la
Baltique, étaient tous mis en oeuvre dans les
chantiers de Toulon nos plus belles frégates
étaient construites de bois d'Albanie. Depuis dix
ans que les éyénemens de la guerre ontsuspenda
la majeure partie des affaires que nous faisions
en Orient, nous avons retiré de l'Epire par la
voie des neutres, quelques chargemens de blé,
surtout pendant la guerre d'Italie; et maintenant
il ne nous vient plus sous le pavillon étranger
que quelques chargemens de vallonée et de coj~-
douans. Tel est l'état de nos affaires, dans la
position où nous sommes aujourd'hui, et quel-
ques années de paix leur donneraient plus de
splendeur qu'elles n'en eurent dans aucun
temps, parçe que je présumeque le commercede
Marseille a acquis des lumières sur ses intérêts.
laniua,qu'on doit considérercomme le comp-
toir principal du commerce, possède un grand
nombre de négociausriches, qui font des affaires
dans les principales villes d'Allemagne~ et dans les
ports de lAdriatique;elle tient en outre le premier
rang dans le commerce intérieur. C'est elle qui
est le dépôt des cotons filés qui lui viennent de
la Thessalie, et que ses marchandsexpédient en
Allemagne par Trieste, et presque aussi souvent
par la voie de terre, qui parait n'être guères
plus dispendieuse. Cette branche de négoce est
très-considérable, et les Grecs de lanina, qui
possèdent de très-gros capitaux, peuvent seuls le
faire. et soutenir avec avantage la concurrence
a?ec ceux de Salonique.
Enfin, les îles Ioniennesreçoivent du territoire
d'AIi pacha le bétail qu'elles consomment, et
qui s*élève à plusieurs milliers de boeufs, qu'eUcs
paient en sequins de Venise cet objet est d'une
importancemajeure pour les Albanais, en faveur
desquels la balance commerciale se trouve, 'ici
est l'appercu des exportations.
Les importations, dont j'ai indiqué en partie le
besoin, se composent de bonnets, de galons,9
d'armes à feu, de couteaux, de sucre, de café, de
cochenille,d'indigo, de boulets et dequincaillerie.
Le café et les draps forment l'article principal
c'était la France qui avait t'avantagede les fournir
avant larévolution, et les deux parties gagnaient à
ce commerce.Trieste a depuis ce temps remplacé
Marseille elle envoieen Albanie des draps de Leip-
sik, qu'ellereçoitdel'Allemagn.e,etdes marchan-
dises coloniales, que les Anglais lui apportent.
Venise, malgré son changement de domina-
tion, a conservé ses anciennes relations avec
l'Albanie, pour la vente des armes à feu, qu'elle
tire, comme je Fai déjà dit, des ateliers de Bres-
cia. Les Albanais prêtèrent ces fusils et ces pis-
tolets à ceux de nos manufactures, parce qu'ils
sont plus légers et qu'ils ne sont point bronzés
étant dans l'asage de les nettoyer avec la lime
ils aiment aussi que la crosse soit mince et
garnie d'une marqueterie bisarre. La verroterie,
qui a perdu de sa vogue, depuis que l'usage des
diamans se répand, et que le& grands sont deve-
nus plus opulens, la bonneterie, et quelques ar-
ticles, sont passés dans les mains des armateurs
de Trieste, de Gènes et de Livourne.
Lesmarchands d'Ancône,et ceux delà foire de
SInigaglia, inondent tout ce pays de faux galons,
qu'ils n'ont pas honte de vendre pour des galons
(le Lyon. Ils présentent également, sous leno~
des fabriquesfrançaises, toutes les marchandises
que nous avions coutume de fournir, quoique
celles qu'ils vendent soient de qualités bien in-
férieures.
f
Enfin depuis douze ans, ou il s'est fait un
changement dans les affaires commerciales du
levant, le commerce de l'Albanie est tombé
entre les mains de gens si subtils, que les mar-
chands juifs n'osentplus le faire concurremment
avec eux. Il f~ut espérer qu'a la paix, les habitaas
de l'Epire se dégoûterontde traiter avec des fri-
pons et alors Marseille écrasera aisément tous
ces misérablesagioteurs qui osent être ses rivaux,
parce qu'elle seule peut fournir aux Albanais les
différentes marchandises dont ils ont besoin, et
les leur fournir meilleur marché. Il n'y a d'ail-
leurs, dans toute la Méditerranée, que ce port où
l'on puisse assortir les cargaisons.
Malgré les profits des armateurs qui font le
commerce d'Albanie, en vendant à un prix élevé
çe qu'Us. importent et en recevant les objets
qu'ils exportent a un~taux très modéré, la somme
des importations n'égale point celle des exporta-
tions. ~'Albanie reçoit la solde en sequins de
Veuise et ce sont ces sequins qu'Ali pacha re-
prend par les impositions, et qui font de cet Al-
banais, un des plus riches ~t des plus puissac~
pachas de la Turquie.
CHAPITRE XXI.

TROUBLES EN ALBANIE.–GUERRE AVEC LES SOU-


HOTES. MOYENS PROPOSÉS PAR LE PACHA POUR
RÉDUIRE CETTE TRIBU. –<~M. CHARBONNEL EST
CHARGE DU COMMANDEMENT DE L'ARTtLLERtE.

MM. POITEVIN CHARBONNEL ET BESSIERES,


CONCERTENT ET METTENT A EXÉCUTION UN PLAN
D'EVASION. LEUR ARRIVÉE A CORFOU.

IL
est temps de reporter l'attention du lec-
teur sur les officiers français, et de raconter les
derniers événemens de leur séjour en Albanie
leur variété, autant que les dangers auxquels ils
furent exposés, répandra de rmtérêt sur cette
partie de leurs aventures.
On a vu à quel point ils s'étaient avancés dans
la faveur du pacha mais deux années révolues
leur avaient trop appris qu'ils ne pouvaient pas
çompter sur sa parole. Sans cesse il leur pro-
mettait de les a~rancbir et tout prouvait qu'il
n'eu avait pas la moindre intention. La captivité
se prolongeait, et rien n'en démontraitle terme.
Les graces du vezir pouvaient changer, et de
Nouvelles infortunes en être la suite. Plusieurs
fois les officiers lui avaient parlé de l'espoirdont
il les avait flattés, et ils s'étaient aussi souvent
concertés pour se délivrer de ses fers. Ils n'é-
taient tenus par nul engagement, et aucune pa-
role d'honnenr ne leur imposait la loi de rester
prisonniers. Réduits en captivité par un forban
auquel Ali pacha avait tant de fois reproché de
nous avoir pris, leur sort semblait réglé par ses
propres paroles. Us avaient le droit de réclamer
leur liberté mais ce qui est bon en principe, ne
s~exécute pas toujours à la rigueur. Ils résolurent
donc, à la première occasionfavorable, de rendre
le pacha conséquent, et de briser des fers qui,
suivant toutes les lois, ne leur étaient pas ré-
servés.
Au moment, où ils méditaient leur projet
d'affranchissement, les habitans se croyaientà
la veille d'événemens nouveaux. Différens bruits
circulaient en Albanie; on croyait cette province
menacée par les Français, et on les voyait par-
tout ils préparaient des armemens formidables,
à ce qu'on prétendait, et des gens chez qui la
peur fait voir des iantumes .assurèrent plus d'une
fois les avoir vus débarquer. Telle était la crainte
qu'inspiraient nos légions, et cette crainte est
ordinaire dans tous les pays qui se croient me-
nacés d'une Invasion. Le pacha ne partageait pas
ces ridicules terreurs, et s'il découvrait des en-
nemis, c'était dans l'avenir 1
Pour se prémunir contre les chances qu'il en
redoutait, il pensa dès lors aux moyens de suh-
juguer les peuples Indépendans, qui l'inquié-
taient et le harcelaient fréquemment. II fut en-
core sur le point de rompre avec le pacha de
Dcivino, dont la soumission suivit de près les
c,
mécontentemens qu'il avait occasionnés./Mais il
pensa sérieusement à réprimer, et même à dé- =
truire les Souliotes desquels il avait reçu de
nouveaux affronts, et qui devenaient chaque
jour plus à craindre./Il n'était plus à regretter !e
voisinage amical des Français, auxquels on avait 0

prêté tant de vues révolutionnaires sur l'Epire


vues aussi outrageantes que méchamment ré-
pandues et accréditées par nos ennemis.
Ali ayant réuni ses troupes, tint conseil avec
ses capitaines. Illeur rappela les attaques iniruc-
tueuses qu'ils avaient faites contre Souli jusqu'à
ce jour et, persuadé qu'ils ne voudraient pas
consentir à monter à l'assaut dans les gorges de
ces montagnes, en marchant en colonne serrée
il leur fit part du dessein où il était, de bloquer
étroitement les Souliotes H fut en conséquence
résolu qu'on bâtirait des tours aux déniés et
qu'on ne cesserait de harceler ces montagnards,
en leur lançant des bombes, et en les canonnaut.
Le vezir chargea en même temps M. Charbonnel
d'organiser un petit parc d'artillerie, dont il lui
donnale commandement. Comme le colonel avait
déjà réglé le service de l'artillerie et formé des
canonniers, il ne tarda pas à être en mesure de
emplir les volontés du pacha, dont les troupes
se mirent aussitôt en marche.
Le troisième jour, l'arméealbanaise, qui tra-
versa le canton des Paramithiotes, vint planter
ses. tentes devant le défilé ou dervin de Souli et
commença à s'y fortifier. M. Charbonnel y éta-
blit de son côté une batterie; et, après y avoir
séjourné quinze jours, les yeux élevés vers ces
massesaériennes,devant lesquelles Ali sentaitson
impuissance,il prétexta des besoins à lanina. On
lui permit d'y retourner avec d'autant plus de
facilité, que ses travaux étaient terminés et que
la réduction des ennemis devait être l'ouvrage
du temps, ou de quelque circonstance favorable,
qu'il n'était pas possible de prévoir.
Ce fut à cette époque que réuni, avec MM. Bes-
sières et Poitevin, ces officiers arrêtèrent déË-
nitivement le projetde leur évasion, différédepuis
long-temps par la maladie du colonel Poitevin.Il
fut convenu qu'ils partiraient isolément, chose
qu'ils pouvaient d'autant plus facilement prati~
quer, qu'on était accoutumé à les voir s'absenter
etparcourirlepays. M. Bessièresayant l'avantage
de savoir et de parler parfaitement le Grec, fut
chargé de partir le premier, et d'aller à Corfou
sonder les dispositions des commandans russes
et de leur agent commercial, qui se trouvaient
dans cette place.
Il quitta donc lanina, ayant avËc lui un Grec
qui lui louait une monture. !1 traversa le pays
des Philatès, et vint, sans aucun accident, s'em-
barquer à un scaloma solitaire, qui se trouve an
dessous de Keracha, vers l'embouchure de la
Thyamis, et il débarqua à Cor fou.
D'après ce qui avait été convenu avec ses ca-
marades, avant de les quitter, M. Bessières, qui
aurait pu garder l'incognito, se rendit auprès du
consul de Russie et des chefs de cette nation, aux
qacisilsentconnaître. Il leur dit les motiË; qui l'a-
vaient porté à s'affranchir de la captivitéquilsou~
frait depuis deux ans, et il leur annonça qu'il de-
vait être suivi de deux compagnons d'inibrtnne.
M. Bessières reçut l'accueil qu'il avait eu droit
d'attendre de son ouverture franche qui était
propre a ûatter l'amour-propre d'ofnciers qui es-
timent l'honneur;et on lui promit pour ses amis,
la même bienveillance qu'on lui témoignait.
M. Bessières, ilatté de cette douce espérance
n'était plus tourmenté que par la crainte de quel-
ques contre-temps fâcheux, qui pouvaientempë:
cher le départ de ses camarades. Il savait qu'u
chaque instant M. Charbonnel pouvait être rap-
pelé au camp; et il était encore plus particu*
rement inquiet de la situation de son ami Poite-
vin, qu'il avait laissé malade. Il pouvait être dans
un état tellement fâcheux, que tout déplacement
lui devint Impossible entin chaque htstant
ajoutait à son Impatience, et au désir de les vo!r
hors des mains du pacha. Il passa ainsi plusieurs
jours bien longs errant sur la plage de Corfou,
les yeux sans cesse tournés vers le rivage de
l'Albanie. Chaque barque, chaque bateau qui
sortaient d'une des anses opposées, nattaient son
espérance, qui t-'ennammait à la vue d'unc voile
qui paraissaitdans l'éloignement, et le replon-
geaient bientôt après dans de tristes pensées. Il se
t appelait que le même surgi, ou loueur de che-
vaux, qui l'avait conduit au scaloma. où il s'était
embarqué,avaitpromisd'aller chercher ses deux
camarades et de les conduire au même endroit;
où il se trouvait un bateau.
Fatigué d'attendre, il se risqua de nouveau à
traverser le canal pour examiner la baie, et tâ-
cher d'apprendre quelque chose sur le sort de ses
amis mais rien ne paraissait Enfin ses
démarches, ses allées et ses venues, le nrcntsoup'
conner. Comme on le voyait souvent traverser
de l'île à la terre terme, on s'Imagina qu'il pou-
vait être un homme envoyé par Ali pacha pour
examiner la situation de la ville et, lorsque la
générosité aurait dû lever les incertitudes qu'on
avait sur son compte, M. Bessières fut observé et
surveillé comme un homme suspect. Comme ou
ne découvrait rien de repréhensibic, le comman-
dant russe le manda, et lui nt la proposition de
le renvoyer cn Italie, s'engageant à sauver M~I.
Poitevin et Charbonnel, dès qu'ils seraient arri-
ves. M. Bessières qui aurait pu assurer son salut
en acceptant cette proposition, remercia le com-
mandant, en lui protestant qu'il ne pouvait pec-
sef à sa liberté, tant qu'il aurait des incertitudes
sur le sort de ses amis. II ajouta qu'ayant jusqu'à
présent couru les mêmes dangers, quelle que fût
l'issue de l'événement actuel, il voulait en voir
la fin avant de prendre un parti, et soufïrir en-
core avec ses camarades, s'ils étaient réservés à
de nouvellesépreuves.
Ce refus généreux de M. Bessières qui devait
être le plus sûr garant de la loyauté et de la pu-
reté de ses intentions, loin de dissiper les soup-
çons, en éveilla de nouveaux et fut la cause
qu'on le suivit avec une attention toute parti-
culière. Enfin, comme on le vit continuer d'aller
et venir, on lui ordonna lesarrêts. Mais un.
autre incident avant que cette mesure de ri-
gueur eût été adoptée, faillit de ruiner le pro<
jet, qui ne commençait qu'à s'accomplir.
M. Bessières était déjà connu dans Corfou et
il y fixait trop particulièrementles regards. Quel-

ques anciens partisans des Français l'avaient ap-


proché, et son aventure pouvait se divulguer. Il
eut tout lieu de le craindre lorsqu'il se vit ac-
costé sur le port par un des officiers du pacha de
Ianina,qui le salua par son nom, et parut étonné
de le trouver en ce lieu. M. Bessieres, sans se
laisser déconcerter, feignit d'abord de ne pas re-
connaître l'Albanais, auquel il imposa ensnite
silence d'un ton d'autorité. Il lui dit qu'il était
envoyé par Ali, et sur-tout qu'il eût à se taire
car s'il le faisait connaître, il saurait en instruire
le vezir, qui le ferait pendre sans rémission. II in-
vita même cet homme, qui donna dans le piège,
de ne pas se presser de retourner & lanina, afin
de le trouver s'il avait besoin de lui et, dans
tous les cas f de ne pas partir de Corfou sans lui
en donner avis.
M. Charbonnel arriva enfin sur ces entrefaites,
et le commandant russe ne douta plus, en le
voyant, de la sincérité de celui qu'il avait fait
arrêter; il lui rendit la liberté en promettant
aux deux officiers de les renvoyer en Italie, aus-
sitôt que M. Poitevin serait arrivé.
Le colonel Charbonnel apprit en même temps
à son ami la cause de son retard, qui était due à
la maladie de M. Poitevin. Cependant il l'avait
laissé dans un état satisfaisant, qui ne donnait
plusaucunescraintes,etil ne pouvaitpas manquer
de paraîtrebientôt.Les mesuresétaient prises peut'
assurer le succès, l'infatigable muletier était re*
tourné le prendre Ali était au camp de Souli <
et aucuns soupçons n'avalent pénétré. On avait
vu s'éloigner successivementles officiers &ancaM
qui accompagnaient ordinairementle pacha; et~
comme ils prenaient la route du canton où il
ce trouvait, ce déplacement n'offrait rien que
d'ordinaire. Il était seulement à craindre qu'il ne
se commit quelque indiscrétion de la part dc&
paysans de Philati, qui connaissaient les Fran-
çais, on qu*Hs ne fussent rencontres par quel-
que soldat de l'armée d'Ail. Alors, on pou-
vait arrêter M. Poitevin dans son évasion et ses
amis qui l'avaient précédé, auraient gémi d'un
aussi funeste accident.
Ils commençaient même à s'inquiéter~ lorsque
le colonel Poitevin parut, trois jours après l'ar-
rivée de M. Charbonnei, et le onzième depuis le
départ de M. Bessières. La joie des prisonniers
qui venaient de briser leurs fers, était à son
comble, quoique le colonel Poitevin fut encore
bien malade, et affaibli sur-tout par le chemin
qu'il venait de faire.
Les commandansrusses n'ayant plus dedoutes,
permirent aux ofRciers d'aller et venir dans la
ville de Corfbu, où ils reçurent des témoignages
non équivoques de l'amitié que quelques Cor-
fiotes portaient aux Français. Un grand nombre
d'habitans établissaientdes rapprochemensentre
ie temps où ils furent soumis à nos lois et l'é-
poque où ils se trouvaient. Ils formaient des dé-
sirs intempestifs ils avaient des regrets et,
comme tous ceux qui s'éloignèrent de nos dra-
peaux protecteurs, ils expiaient les torts qu'ils
avaient eus envers nous.
Les autres Mes de la république n'étaientpas
dans un état plus heureux. L'esprit inquiet des
Grecs, qui sont toujours mécontens d'un gou-
vernement par cela seul qu'il existe, se flattait
d'un ordre nouveau quand les Français en se-
raientexpulsés.Leurs vœux avaient été exaucés,
quand ils virent se déployer le pavillon mosco-
vite mais la licence à laquelle ils voulaient se
livrer, ne tarda pas à être réprimée. Que dis-je ?
la chimère dont ils s'étaient flattés de jouir, cette
liberté qu'on leur avait promise, les prérogatives
qui devaient leur être concédées, ne furent qu'un
vain mot et une promesse dérisoire! On ne daigna
pas même user de déguisemens Ils étaient iai-
bles et divisés, et on éleva au milieu d'eux un
gouvernement qui ne convenait à aucun des
partis.
A l'aristocratie des nobles de Venise, qui ne
paraissaientdans les iles Ioniennesque pour s'en-
dormir dans une bienheureuse oisiveté succéda
l'aristocratie plus puissante d'un sénat et d'un
prince, que les Russes choisirent eux-mêmes. U
fallut se soumettre,et se soumettre sans munuo
rer. Cependant il resta toujours quelques germes
de fermentationà Céphalonie, où les vieilles di-
visions se rallumèrent.Les deux grandes iamIUes
rivales aiguisèrent de nouveau les stylets de leurs
sicaires'On vit en même temps plusieurs habitans
amis de la tranquillité,s'expatrierpour chercbtt
~n autre ciel, une terre nouvelle, et une garaï).
tie qu'ils n'osaient plus espérer au sein de leurs
dieux domestiques~.
L'affaissement qui succède aux maladies gra-
ves, était l'état où se trouvait Corfou. Les voloït-
tés y étaient flottantes ) incertaines et ropinioa
publique n'avait aucune couleur décidée, ni au-
cun ton prononcé.Onparlaitdes événemensavec
cette apathie qui indique la fatigue on ne se
plaignait pas, on avait des regrets et on n'osait
former aucuns souhaits. Enfin, on se considérait
dans un état de choses si extraordinaire, qu'on
&vait pei&e& y croire ou plutôt qti'on refusait
d'y croire.
Les Moscovites maîtres de la citadelle et des
portesdelà ville, faisaient la police, publiaientdes
ordonnancesau&omduprésidentdusénat,et agis.
saient comïUe dans leur propre pays. Les Turcs,
leurs alliés, qui devaient occuper le pays conquis
concurremmentavec eux, ne paraissaient là que
pour la forme. Leur chef semblait engourdidans
la douce habitude du repos, croyantétre le maitt e
entre des remparts où son nom était à peine
connu. En6n, le pavillon turc ne flottait que
sur quelques vaisseaux de cette nation et une
poignée de galiondgis étaient les seules troupes
du grand-seigneurdans cette forteresse, dont on
lui avait fait hommage, et sur laquelle la croix
moscovite s~élevait pompeusement!
Comme la Russie se rapprochait à cette époque =

de la tTaucè, elle ne semblait pas avoirde projets


sur Corfbu, et on avait à peine réparé les dom- è

mages qui avaient été faits aux fortifications ce =

et.
fut seulement dans la suite que cette puissance
en fit son arsenal,

CHAPITRE XXII.

COLERE >D*ALI PACHA A LA NOUVELLEDE L*EVASMMt

DES OFFICIERS FRANÇAIS IL MET LEUR. TETE A


PRIX. SUPPLICE DE LEUR CONDUCTEUR.
TROIS CENTS ALBANAIS DESCENDENT A CORFOU.
M. POITEVIN EST PRIS. NM. CHARBONNEL
ET BESSIERES SE REFUGIENT CHEZ L'AGENT RUSSE,
QUI LES FAIT TRANSPORTER SUR UNE FRE&ATE DE
SA NATION. LEUR RÉCLUSION A LA CITADELLE
DE CORFOU.

~LjE
que les officiers &anca!s avaient appréhende
arriva, mais heureusement trop tard pour faire
échouer leurs projets. Ils furent reconnus en
route et comme on ne les vit ni au camp ni à
lanina, quelques uns de ceux qui les avaient ob-
servés, Instrmsirent le pacha de leurs démarches.
Il n'était plus à &ON pouvoir de leur nuire, d'à-
ptèa ce qu'on vient de voir, mais il pouvait exer-
cer son ressentiment sur le malheureux surgi qui
les avait sauvés.
A cette nouvelle Ali pacha blessé dans son
amour-propre, et se voyant privé des lumières
d'hommes sur lesquels il comptait entra dans
une fureur extrême, et jura de les reprendre. Ne
pouvant croire qu'Us étaient sortis de son terri-
toire, et se persuadant qu'ils étaient peut-être
cachés dans quelques villages, il expédia des
courriers sur tous les points, et spécialement vers
la n'ontière maritime de son pachalik. Il fit en
même temps publier qu'il récompenseraitgéné-
reusement ceux de ses sujets qui ramèneraient
les prisonniers morts ou vifs, et il mit leur tête a
un prix capable d'exciter le zèle de l'Albanais le
moins avide.
La nouvelle decetévénementse répanditen un
instant sur tous les points, de manière que les dé-
filés se trouvèrent gardés enfin le pacha étant
convaincu que sa vigilanceétait en dé&ut, fit ar-
rêter et pendre le malheureux surgi qui avait
contribué à l'évasion des officiers. Reversant mo-
mentanément sa colère sur les prisonniersfran-
çais qui se trouvaient encore a lanina, il les il!
renfermer et sa colère s'étant calmée il leur
rendit la liberté dont ils jouissaient auparavant.
Cependant les Souliotes gagnèrent à cet évé-
nement~ et l'expédition qui devait ruiner leur
pays,s'étant terminéecomme celles qui l'avaler
précédée, le pacha ajourna I~accomplissement
de ses-desseinsà d'autres temps. Mais il ne se dé-
sista pas aussi facilement de ridée de reprendre
ses prisonniers il était trop vivement offensé
pour l'oublier, et son caractère ne devait s'ap.
paiser que par leur retour ou par le temps, qui
manque rarement de le rendre aux sentimens de
l'équité.
Ils'adressad'abordauxchefsquicommandaient
dans la place de Corfbu, en leur faisant part de
ce qui s'était passé. N'en ayant pas obtenu une ré-
ponse cathégorique, il eut recours au comman-
dant des forces othomanes. Celui-ci, 9 l'insu des
Russes, donna ordre à un capidgi-bachide pren-
dre trois cents hommes, de mettre secrètement
pied à terre d'entrer à Corfou, et d'enlever de
vive &rce tes trois officiers, qui avaient pris leur
logement dans. une auberge.
Les Français, qui se croyaient dans la plus
parfaite sécurité, et auxquels on n'avait pas fait
connaitre-la demande d'Ali pacha, étaient bien
éloignés de songer a ce qui se tramait contre eux.
Le commandant russe ne. se doutait pas non plus
dé l'existence d'un pareil projet. Il n'avait pas re-
pondu & la réclamation du vezir deïanina,ou bien
il s'imaginait que les choses étaient terminées et
on vit entrer les Musulmans dans la place sans se
douter de ce qu'ils méditaient. Comme ~a ne coa-
Misaient pas bien les alentours de l'auberge, et
que quelques Corfiotes entendirent ce qu'ils de-
mandaient, les Français furent instruits que les Mu.
sulmansétaientàleurpoursuite. MM.Charbonnel
et Bessières purent aller chercher un asile, chez
l'agent commercial de Russie;etM.Poitevin,que
la lièvre retenait dans son lit tomba au pouvoir
des Turcs. Soit hasard, soit enfin humanité, ils
le respectèrent, et se contentèrentde le garderà
vue sans le troubler.
Un événement de cette nature, une violence
ouverte contre des hommes qui étaient sous la
sauve-garde des commandans russes, excitèrent
de lafermentationdans Corfou.Les personnes les
plus sages s'indignaient de voir les Turcs violer
ainsi le respect dû aux malheureux et le consul
de Russie, afin de sauver sa responsabilité, prit
le parti de faire conduire ses deux hôtes à bord
d'une frégate de sa nation, qui était mouillée
dans le port.
Prisonniers sous l'apparence d'une protection
spéciale, les deux Français que le consul avait
placés sur la &égate, y restèrent, flottant entre
l'espérance d'êtrerendus à la liberté, et de faire
voile pour l'Italie, ou d'être réunis & leur ami,
aSnd'attendrel'issuedesévénemens, qui devaient
avoir un terme prochain. S'ils adressaient des ré-
clamations, s'ils se plaignaient de la nouvelle
captivité dans laquelle on les retenait, ils ne re-
ce valent que des réponses vagues ambiguës, o«
évasives. Il semblait qu'on désirât de trouver un .=
prétexte pour retenir des hommes, qui n'étaient
plus les prisonniers d'aucune nation dès le mo-
ment où ils s'étaient sauvés de l'Albanie. Enfin,
au bout de quinze jours, on les fit passer à la cita-=
delle où M, Poitevin, arraché à la surveillance =
des Turcs, fut également conduit, et on leur
promit une délivrance, qu'on était moins que =
jamais dans l'intention de leur accorder.
Errer de catastrophes en catastrophes, passer 1
d'une prison dans une autre, être le jouet des ca-
prices et des volontés d'hommesstupides ou mal-
intentionnés, tel était le sort des trois officiers
français, depuis qu'ils s'étaient mis sous la pro-
tection d'une nation civilisée. Quelques uns de
ces chefs auraient désire les servir; mais la crainte
d'être signalés comme les partisans d'hommes0
proscrits, les retenait et nullisait les bonnes in-
c
tentions qui les animaient. Au milieu de ces os- =
cillations, rien n'annonçait une fin et les pri-
sonniers n'avaient aucune donnée satisfaisante.
Sur qui compter, à qui pouvaient-ils se fier,i,
après avoir été trompés de la manière la plus
cruelle ? Les Turcs venaient de les assaillir dans
t'auberge qu'on leur avait assignée pour retraite;
le consul de Russie, pour mettre leur vie en sû-
reté, les avaïtcondamnésauxarrétssuruneirégate;
on les incarcéraitdans la citadelle.Quelétait le but
je tant de rigueurs, voilées des apparences d'un
tr ;tdre intérêt?. On n'osait les livrer, ni les ren-
dre à la liberté.
Etait-ce pusillanimité était-ce quelque puis-
sante considération ? craignait-on, par exemple 9
d'offenser la Turquie ou d'agir contre les in-
tentions du cabinet de Saint-Pétersbourg; car les
pluspetits objetsfixaient son attention de ce côté?
Mais on ne tenait aucun compte des Turcs, et la
Russie était au termed'nne pacincation prochaine
avec la France. Les débris de ses armées étaient
rentrés au sein de ses Etats solitaires; sa flotte
avait abandonné la Méditerranée,et ses vaisseaux
désarmés reposaient dans les ports de Cherson et
duNiester.Lesprisonniers moscovites étalenttrai-
tés en France avec les plus grands égards, tandis
que les soldats français qu'ils avaient faits prison-
niers,vivaientplongésdans le bagne. Hy avait une
sorte de devoir a faire oublier le passé. La con-
daite généreuse du héros de la France retentissait
dans l'Europe, et les chefs russes n'avaient rien à
redouter ils pouvaient pratiquer le bien sans
crainte. Ce qu'ils faisaient envers trois individus
d'un grade distingué, et qui mérite par-tout des
égards, était une chose inouïe. On n'avait jamais
traité ainsi les officiers français même dans les
époques les plus désastreuses de la guerre qui
avait ensanglanté l'Europe depuis dix ans; et
ceux qu'on incarcérait aussi sévèrement, et don!
en aggravait l'infortune, méritaientpersonnelle''
ment une considération distinguée.
Les prisonniers étant donc bien convaincus
que toute négociation nouvelle serait infruc.
tueuse, résolurent encore une fois de tenter la
fortune qui n'avait pas comblé leurs désirs. Ils
convinrent de faire un coup d'éclat, et de com-
mander la justice qu'on leur refusait. Ils conçu-
rent en conséquence un second plan d'évasion.
jLa santé de M. Poitevin était alors assez bonne
pour leur permettre d'en risquer les chances.
Mais avant d'en venir à cette extrémité, ils cru.
yent devoir faire les plus fortes représentations.
ïis exposèrent leurs droits, ils s'appuyèrentdes
usages existansentre les nations civilisées,de l'in-
térêt que le malheur inspire lorsqu'il est accom-
pagné du mérite et du courage, et enfin ils
annoncèrent positivement la résolution qu'ik
avaient formée, de briser leurs fers dès que l'oc-
casion s'en présenterait.
Tantde franchise et déloyauté auraientstimulé
favorablement les hommes les plus apathiques
De semblables sentimens., un dessein aussi for-
mellementavoué, méritaient seuls l'affranchisse-
ment, s'il n'eut été dû par le fait; mais, loin de
provoquer une action généreuse, il attira plus de
stirveillance qu'auparavant. On redoubla d'at-
tention, et on mit en œuvre des mesures de
rigueur contre tes prisonniers. Us étaient rele*
gués dans un bastion isolé, qui avait vue sur la
ma*, et on voulait savoir à toute heure ce qui se
passait au milieu. On posta pour cela une senti-
nelle à la porte de leur prison, qui restait ou-
verte, avec la consigne de ne pas les perdre de
vue. On rechercha en même temps tous ceux
avec lesquels ils avaient eu des rapports pen-
dant qu'ils étaient en liberté dans la ville, afin de
recueillir jusqu'à leurs paroles, et, ce qui est le
caractère certain, l'Indice de la terreur, on leur
interdit toute espèce de rapports avec l'intérieur.
Cette conduite suffit encore pour redoubler
l'impatienoedes officiers français, qui ne s'occu-
pèrent que des moyens de s'aSranchird'unesem-
blable tyrannie. Se soumettre plus long-temps à
la captivité, si l'occasion de s'évader se présen-
tait, c'était un tort réel, et les ennemis qui les
opprimaient avec tant de dureté, devaient pren-
dre un parti dénnidf car on ne pouvait le9
garder long-temps.
CHAPITRE XX.IIL
3ÉVASMN DES OFFICIERS ILS SE RÉFUGIENT DANS
L*iLE DE CORFOU. LEUR TÊTE EST MISE A PM%
UNE SECONDE FOIS. CRAINTES DU SENAT.
ARRESTATION DES NOTABLES DU VILLAGE DE ST-

D1MITRÏ QUI LEUR ATAÏENT DONNÉ ASILE.


LES F&ANCAïS DEMANDENT A SE CONSTITUER PM.
SONN1ERS POUR DÉLIVRER LES NOTABLES ON
LES RECONDUIT A LA CITADELLE.

JL.E bastion dans lequel


on avait incarcère !es
prisonniers français donnait, comme je l'ai dit,
sur la mer. Ils voyaient dans le port et sur le ri-
vage plusieursbateaux qui n'étaient pas gardés,
'et l'espérance de pouvoir s'emparer d'une de ces
embarcations,le voisinage dé l'Italie, leur firent
concevoirla possibilité d'un succès, qui les ren-
drait enfin à la liberté. Ils avaient encore quel-
ques intelligences avec les insulaires de Corfou,
qui pouvaient leur aider, et il ne fallait qu'une
nuit favorable pour échapper des mains de leurs
oppresseurs. S'ils ne réussissaient pas s'ils
échouaient de nouveau dans leurs projets, qu'a-
vaient-ils à redouter? On pouvait les plonger
a!ans une casemate mai' d'une casemate à ua
bastion, la différence est si peu de chose, que
l'inconvénient ne pouvait être balancé.
Comme le temps amène d'ordinaire une sorte
de relâchement. dans les mesures les plus sèv-
res, les Russes avaient cessé de surveiller les
français avec la rigueur qu'ils avaient employée,
et croyant que l'annonce de leur dessein était
une jactance, ils se,contentèrent deles.garder dans
la prison, sans cependant retirer la sentinelle qui
veillait à la porte. Ceux-ci, ayant trouvé un mo-
ment favorable, firent une corde avec les draps
de leur lit, et l'ayant fixée à la volée d'un canon,
ils se laissèrent glisser successivement par une
embrasure, entre les rochers sur lesquels la cita-
delle est bâtie. Profitant ensuite du dévouement
d'un Grec affidé, ils suivirent ses: pas, et se reti-
rèrent dans l'intérieur de File, pour réaliser leur
embarquement le plus tôt qu'il serait possible.
Le Grec qui avait sagement prévu l'éclat que
ferait l'évasion des Français, et les recherches
qui en seraient la suite les cacha dans une
petite église dédiée à St-Dimitri, .persuadé que
la sainteté du lieu contribuerait an succès de la
bonne oeuvre qu'il venait de faire.
Il ne fut pasiong-tempsà être désabusé. La fuite
des prisonniersne tarda pas a êtreannoncéedaM
Corfou et cet événement si ordinaire fut un
sujet d'alarmes; on crut la ville dans un pér!l
imminent. Le Grec, qui fut bientôt dénoncé,
p
$e vit arrêté et chargé de fers, sans pouvoir don~
ner avis de la situation dans laquelle il se trou-
vait et le sénat assemblé extraordinairement fut
prêt à déclarer la ~~e en danger. Lorsqu'il
se fut assuré que les prisonniers n'étaient pas
sortis de l*ile, il se crut placé sur un volcan. Il
craignait qu~ls ne se missent à la tête des me'
contens, et d'un parti insurgé qui se trouvait
déjà dans HIe, et il suivit la conduite d'Ail pa-
cha, en mettant à prix les têtes que le vezir avait
proscrites. Il fut enjoint de rechercher les Traa~
çais de les poursuivre et de les atteindremorts
ou vifs. Ennn, pour mettre le complément à une
mesure aussi sage, on porta des peines contre
les receleurs et comme il y avait quelques ven-
geances particulières à exercer, on arrêta qua-
rante notables des villages qu~on soupçonnait,
en les menaçant de la mort, si les fugitifs ne rc*
paraissaient pas.
Les Français, dans cette confusion, étaieut
loin de se douter de ce qui se passait ils se nior-
fondaient depuis quarante-huit heures dans l'é-
glise de St-DImitri, sans manger et sans voir
reparaître leur guide. Ils étaient inquiets de cet
abandon, lorsqu'un des amis de ce généreux
Corfiote vint les instruire de ce qui se pas-
sait et du malheur arrivé à leur libérateur. 11
leur donna en même temps quelques alimens,
dont ils avaient le. plus pressant besoin et les
remit entre les mains d'un chef de parti..
Cette nouvelle fut bientôt connue du sénat
qui annonça la résolutionde sévir contre les no-
tables, qu'il retenait en otage et les chefs rus-
ses eclatèrent en menaces. Les Grecs ndèles à la
religion de l'hospitalité, restaient cependant Iné-
branlables, et rien ne faisait appréhender leur
défection mais un sentiment qui n'appartient
qu'à des hommes d'honneur, lit craindre aux
Français que le sang innocent ne fût répandu.
Comme on les avait retenus in justement, et qu'on
les poursuivait avec fureur, on ne devait attendre
que des malheurs de la part d'hommes aveuglés
par la plus fatale injustice. Us pensèrent donc
qu'ils devaient se dévouer et présenter ~eurs têtes
proscrites, afin de sauver les ôtages Ils écrivi-
rent en conséquence au gouverneurde la viUe
que, « connaissant ses intentions, et ne voulant
» pas que des étrangers qui iguoraient leurs des-
» seins, souffrissent aucun dommage pour euxI»
» ils étalent prêts à se remettre entre ses mains
» s'il voulait consentir à les relâcher,~oublier le
» passé et àpardonnerauxCornotesquilesavaient
M servis. Ils stipulaient, en outre la condition
expresse d'être renvoyés promptementen Italie.
Les chefs de la ville et le séuat, voulant ter-
miner cette affaire sans engager une lutte qui
pouvait avoir de l'importance si les insurgés se
réunissaientaux Français, consentirentdela ma-
Nière la plus solemnelle à tout ce que ceux-di
leur demandaient, et ratinèrent une capitula.
lion d'un genre tout a fait nouveau. Ils rendi-
rent en même temps la liberté aux ôtages et au
Grec qui avait été arrêté dès le commencement
de cet événement. Les Français de leur côté, se
présentèrent avec le calme et l'assurance qui
distinguaient la justice de leur cause, aux postes
russes qui, les traitant aussitôt en ennemis, les
conduisirent de nouveau à la citadelle en les
suivant la bayonnette aux reins.
Plongés dans le cachot d'où. ils s'étaient sauvés,
les prisonniers attendirentavec courage etresi*
gnation les assauts qu'on leur préparait. Loin
de se justifier ils demandèrent hautement l'exé-
cution des promesses qu'on leur avait faites; ils
se plaignirent ensuite de leur infraction avec di-
gnité, et sans compromettre la bonté de leur
cause, par la censure amère de ceux qui les per-
sécutaient et qu'ils auraient pu couvrir de con-
fusion.
Comme on était peu rassuré sur la solidité de
leur prison on essaya de les abuser; on eut re-
cours à la fourberie et aux promesses. Le consul
russe les fit assurer que les longs débais allaient
avoir une fin qu'on allait prendre un parti dé-
finitif, et que leur sort serait réglé de manière à
1es contenter Ironie aussi cruelle que per-
fide, puisquepeu de temps après on les exhamâ
dudonjon ,pour les remettre entre les mains des
Turcs, aux conditions qu'ils seraient conduits
à Constantinople.
Ces élèves en astuces prétendues politiques
(car en Orient, la politique est souvent l'art
des pents incidens) crurent avoir fait un coup
d'état et ils ne considéraient pas moins que
cela, un événement qu'ils avaientprovoque.Ils
n'auraient pas osé prendre sur eux de rendre
la liberté aux prisonniers, parce que faire le
bien était dans leur idée une chose extraordi-
naire sur-tout quand' il s'agissait d'honorer leur
souverain par un acte de générosité. Ils ne les
rendaient pas a Ali pacha, et ils trouvaient un
moyen terme qui les mettait à l'abri du reproche,
indifférens au reste sur le fait considéré en lui-
même. Quelle bonne nuit ils durent passer après
une aussi brillante conception l'inventeur mé-
ritait bien sans doute quelque distinction.
CHANTRE XXIV.

Ï.ES OFFÏCÏEM SORTENT DE LA CITADELLE MPH ËTM


TRANSFERESA COKSTANTtKOPLE. MSTOMQCE
DE LEOR NAV~&ATM)N ILS SONT UVMS AU CAPOB-
DAN PACHA.

~OMME les officiers bancals devaient parcourir

toutes les périodes et les lenteurs de la perséca-


tion dont on les honorait, on les fit sortir de la
citadelle de Corfou non pas afin de faire voile
directementpour Constantinople,mais pour étM
déposés sur une frégate turque, en attendantqne
quelque bâtiment othoman partit pour la capi-
tale. On était trop peu rassuré sur les murs qu'ils
avaient escaladés, et ils restèrent trois semaines
à bord de cette prison flottante. Au bout de ce
temps, on les fit passer sur un kirlanguitch, qui
étaitchargé dedépéches pour la Sublime Porte, et
qui mit en mer dès qu'il eut reçu les prisonniers.
Ils quittèrent sans regret les bords d'une Ne
ou ils avaient été le jouet de la perfidie et des évé-
nemens, sans savoir le sort qui les attendait à
Constantinople, ou ils avaient à craindre de ne
pas être favorablement accueillis.
Aprè~ être sortis du port de l'antique Corcyre,
où l'étranger vient inutilement chercher les jar-
dins d'AIcinons, ils longèrent les côtes de TE"
pire jusqu'à la hauteur de Parga. Ayant salué ce
promontoire habité par un peuple libre et intré-
pide, ils dirigèrent vers Céphalonie, qui s'élève
comme un môle immense au dessus des mots de
la mer Ionienne qui se brisent contre ses riva-
ges acores. En s'éloignant de ces masses volcan
niques, où l'oeil a peine à distinguer quelques
traces de végétation, quoique la nature soit libé-
rale de ses dons dans certaines vallées ils vinrent
à la vue de Zante. Cette ile jouit de la répu-
tation méritée d'être riche et agréable, et de
posséder les habitans lés plus aimables de cet
archipel. Us se rapprochèrent bientôt du cap
Chelonitès et les -vents étant devenus contrai-
res la mer élevant ses ondes comme de hautes
montagnes, lorsqu'ils se trouvèrentpar le travers
des îles Strophades, ils vinrent chercher un abri
dans le port de Modon.
Cette ville, au sujet de laquelle je n'ai dit qu'un
mot, dans la première partie de mon Voyage
qui comprend la Morée, est située entre -Navarin
et Coron, au pied d'une montagneque quelques
modernes appellent le mont St-NicoIas, et que
las anciens désignent et comprennent dans le
mont Thématia « Elle fut connue, dit Pansa-

Pa<M. Meosern.
? nias, avant la guerre de Troie, sous la déno*
? mination de Pédose, et elle prit son nom de
M Mothene de celui d'une &Me d'~nens ou
plutôt d'un rocher que les gens du pays appel-
lent Mothon et qui forme une espèce de
)) rade fort étroite car cette roche. avançant
dans la mer, rompt la furie des vagues et sert
? comme d'abri aux vaisseaux. »
Mothone, dans la suite des temps, a changé
son nom en celui de Modon; et elle a, comme le
Peloponèse dont elle fait partie éprouvé la fu-
reur des Barbares et des conqnérans. Ravagée et
tyrannisée par les Lacédémoniens, elle passa
sous la domination desNaupliens, qui y établi-
rent une colonie. Elle fut ensuite envahie par les
Illyriens qui la saccagèrent mais elle fut con-
solée par Trajan l'amour du genre humain, et
on la voit heureuse jusqu'en 1124.
A cette époque, elle fut prise par le doge Do-
menico,et, peu de temps après, réunie aux pos-
sessions de la république vénitienne. En 1~08,
Bajazet H la soumit à son empire; et, peu après,
elle revint aux Vénitiens, qui la perdirent, ainsi
que la province.
Modon depuis ce temps, n'est plus regardée
<comme la ville la, plus importante de la Morée,
mais elle'a cependant des avantages réels. Sa si-
tuation sur le rivage méridional de la Messéme,
en face de~ Stropbades, et son port, y devraient
attirer un plus grand commerce, si les vaisseaux
n'y étaient exposés aux coups de vent d'ouest.
La ville, telle qu'elle existe, est le chef-lieu d'un
évéché grec et la résidence d'un bey. Elle est
fortifiée d'un cordon de murs, et, du côté de la
mer, elle est défendue par quelques batteries, Sa
situation est agréable, et il y a quelques jolis vil"
lages aux environs. Elle se ressentit des malheurs
qui suivirent la guerre du comte Orlow mais
ces malheurs sont oubliés. Son commerce princi"
pal consiste en olives salées, qu'on exporte à
Constantinople, et en huiles qui se vendent pour
Marseille et pour l'Italie. Enfin sa proximité de
Coron et du golfe de Messénie, ajoute encore
aux avantages dont elle jouit.
Le kirlanguitch qui portait les officiers fran-
çais, ayant quitté le port de Modon, eut a peine
doublé le cap Matapan, et laissé derrière lui les
rochers des Cacovouliotes que les vents le for-
cèrentd'aller chercher un abri à. Cérigo, suivant
en cela l'usage des marins de l'Archipel qui
consiste à se réfugier dans un port au moindre
coup de vent dont ils sont menacés.
Cérigo, ou il fallut attendre le retour du temps
favorable est comme on sait, l'ancienne 41e de
Cythère, où par un caprice bisarre les peu-
ples de la Grèce élevèrent des autels à Vénus, au
milieu de sites âpres et sauvages. La vue dé ce
rocher,oùl'on trouve quelques champs cultivés,
est propre à désabuser les poëtes et les amans,qui
viendraient y voyager avec les souvenirs de l'an-
tiquité. Au lieu de Céladons, ils ne trouveraient
que des paysans grossiers et pour Ténus, que
des Grecqqes sauvages; enfin, au lieu de gazons
émaillés de fleurs que des pointes de rochers et
un terrain hérissé d'arbustes.
Le kirlanguitch, qui semblait diriger et régler
sa navigation par journées de marche, partit de
Cérigo; et, après avoir doublé le cap Saint-Ange,
traversé l'extrémité du golfe d'Argus, vu Me
de la Spezzia, et rangé les bords de l'Hermionide,
il vint donner fond au port d*Hydra.
Cette îïe, dont j'ai parlé succinctement dans la
première partie de mon 'Voyage, n'est que très-
rarement fréquentéepardes vaisseauxeuropéens,
qui plus d'une fois ont eu à se plaindre de ses
habitans, avec lesquels on communique rare-
ment sans être insulté. Les enfans des Hydriotes
ont même une haine envers les étrangers, qui les
porte à leur lancer des pierres, et à les pour'
enivre en criant an Franc, ~MMgc. On prétend
cependant que cette tribu de marins a établi des
collèges dans la ville dTïydrà, et qu'on y cultive
les sciences; mais l'institutionest sans doute trop
récente, pour qu'on ait encore en le temps de
s'appercevoir de ses bienfaits.
En sortant du port d'Hydra, les Turcs, qui

ne quittaient pas les côtes, continuèrent leur


navigation terre & terre jusqu'au promontoire
Sunium; et, après t'avoirdépassé, ils vinrent re-
connaitre le cap d'Or de l'ue d'Eubée autour
duquel la mer lance souvent des vagues mugi&.
santes. Ils s'avancèrent ensuite au milieu des Nés
de la mer Fgée, qu'on ne voit jamais sans eprou-
ver une douce émotion, soit que te ciel les envi-
ronne d'un jour serein, ou qu'elles soient battues
par les flots que les vents poussent contre leurs =

rivages. Enfin Je second jour de leur départ


d'Hydra, déjà iati~ues de tenir la mer,, les indo-
lens Osmanlis abordèrent dans ï'iie de Lesbos.
La patrie de Sapho, privée de ta magnincence
de ses villes et de la splendeur de ses monamens,
t
est toujours parée des charmes d'une nature
délicieuse. Ses habitans ont conserve un goût
naturel pour la poésie et pour la musique. Ba
montrent avec une sorte d'orgueil, à l'étranger
qui les visite, les ruines et les objets d'antiquité
qui subsistent au milieu d'eux ils peuvent sur-
tout se vanter de la &rtiUté et de la béante de
I.esbos.
Cette uë est couverte d'oliviers de vignobles
de lentisques etd'arbres vigoureux. Ony trouve~
en outre, quelques viltes iatéressantes, des ports
profonds et commodes, de beaux coteaux, des
vallées ombragées, des fontaines abondantes
des eaux thermales et enfin, une foule d'objets
dignes de l'attention des voyageurs, qui ont dé-
crït Lesbos de manière à ne plus rien !aîsser
dire à ceux qui les suivraient.
Le commerce de Lesbosconsiste en huiles, en
olives et en raisins. On y trouve une race de che-
vaux quiest extrêmement petite, et que les Turcs
appellent MytHéniotes, ou chevaux deMytilènp,
du nom moderne de cette Me, qui a perdu celui
de Lesbos.
De Mytilin ou Lesbos, ~e kirlanguitch, afin de
terminer son voyage de l'Archipel,vint mouiller
à Ténédos, plus pour payer un tribut à la re-
nommée de ses vins, que pour se reposer; car,
cette &ts, ie'trajet n~eta~pas d'une journée de
imep. Maie Ténédos a une réputationméfitée, et
les Grecs ou les Turcs ne parlent qu'avec respect
ctattendrissementderexceBencedesesvignobles.
Sur cetarticle, on peut s~en rapporteràteurs con-
naissances~ Les habitans de Ténédos, dont la ma-
jeure partie soutChrétiens~antaussilaiéputation
d'être d'excellens buveurs mais ce n'est pas le
Heu de s'appesantir sur cet ~ob jet, puisqu'on satt
que cette qualité est nationale chez les Grecs.
De Ténédos, le kirlanguitch à la marche
tente, vint s'échouer aux Dardanelles. Comme la
mêmechose m'était arrivée avec le bâtiment grec
quinousportaàConstantinople, je seraispresque
tenté de croire que c'est un usage reçu chez les
Orientaux, qui prêtèrent cette manière de mouil-
ler. Elle serait en eSet commode le- fond étast
de vase et de sable, s'ils n'étaient aussi maladroits
à se touer, afin de se remettre à flot. Pour ne rien
perdre, et ne pas manquer un seul port, il fallut
entrer à Gallipoli, dans l'Hellespont.
Cette ville, connue et décrite par tous les voya'
geurs est la résidence ordinaire du capoudan
pacha, lorsqu'il n'est pas occupé à surveiller les
travaux de l'arsenal du sultan et il vient s'y dé-
lasser, après la ronde annuelle qu'il fait dans
l'Archipel. Enfin sa maison son harem, et le
siège de son pachalik, y sont établis.
Enfin après avoir erré à travers l'Archipel et
visité une partie de ses ports, les officiers fran-
çais arrivèrentà Constantinople réduits à~ l'état
le plus malheureux. Les ennemis, entre les mains
desquels ils étaient tombés, plus attentifs à leur
prêter des idées de subversion,étales persécuter,
qu'à s'occuperde leurs besoins, les avaient laissés
dans un dénument absolu. C'étaitune chose assez
bisarre de voir des hommeschezlesquels on apper-
cevait là culture et l'éducation, et qui inspiraient
l'Intérêt et le respect, couverts d'habits déchirés.
Dans cette situation, les officiers 6'ançais,qui ne
devaient plus craindre aucuns mauvais procédés
d'après ce qu'ils venaient d'endurer furent pré-
sentés, sous un pareil costume, à Hutchui~ Hus-

Voir l'excellent ouvrage de M. le CbevaHcr.


sein, capoudan pacha. Ce seigneur, (commet
Turcs en général) sans faire attention à la mise
des prisonniers, les écouta avec attention. Il en.
tra dans les détails de leurs aventures et, du
même air qu'il les aurait relégués dans les prisons
du bagne, il les envoya à la maison d'arrêt de
Pera, où se trouvaient détenus les négocians
les commissairesdu commercefrançais, comme
j'en ai fait mention dans le second tome de cet
Ouvrage.
Ce fut de cette dernière prison que je reçus,
~Btbout de deux ans et demi, les premières lettres
de mon ami Bessières et du colonel Charbonriel,
et que j'appris les détails de leurs aventures. A
cette nouvelle inattendue, j'eus de la peine à me
persuaderque mes yeux ne fussent pas fascinet
par les erreurs d'un songe. Je relus vingt fois les
lettres de Bessières enfin. je ne pus plus douter
de mon bonheur. C'était ce même ami avec le-
quel j'avais fait le voyage d'Egypte, le même qi
m'avait tant de fois répété que nous serions tou-
jours unis c'était enfin mon compagnon d'in-
fortune, dont le sort m'avait séparé sur les ri-
'vages de la Calabre et qui se retrouvait, mais
presque libre, dans la même viue où j'étais en-
core prisonnier. Ce que j'avais entendu dire
d'AIi pacha, me faisait regarder les prison niefs
échappés de ses mains comme des hommes qui
commençaient une nouvelle existence.
Quand je connus cependant la série des évé-
nemens par lesquels ils avaient passé et sur'toat
lorsque je sus qu'ils devaient le bienfait dont ils
jouissaient provisoirement, à Hussein pacha, je
me vis encore force de proclamer l'humanité
d'un Turc, et de l'élever au dessus des chefs qui
commandaient à Corfou. Qui n'aurait pas été
tenté, en eHet, de les ranger au dessous des na-
tions barbares, si on ne savait dans quels égare-
mens la passion. peut jeter les hommes les plus
sensés! Mais, ceux qui se livrent ainsi à leurs res-
scntimens, ceux qui foulent aux pieds les prin-
cipes de l'équité, ne devraient jamais oublier que
tout se sait, et que les persécutions les plus obs-
cures sont tôt ou tard révélées et exposées au
grand jour. La fureur des guerres a un terme, les
nations se réconcilient; et la honte de ceux qui
ontméié leurs haines et leurs vengeances parti-
culières aux querelles des souverains., reste
ineHacaMe S'i!s ont versé le sang de l'innocent,
qu'ils tremblent, il doit retomber sur leur têteî
S'Hs ont opprimé et persécuté, ils sont jamais
ûétris par leursvictimes, dont lavoix foudroyante
les accuse au tribunal des rois, et à la face des
rations
CHAPITRE XXV.

SEJOUR DES TROIS OFFICIERS FRANÇAIS A FERA

ILS OBTIENNENT LEUR LIBERTE DEFINITIVE.


PRÉPARATIFS DE LEUR DÉPART POUR LA FRANCE.

EN
voyant arriver des hommes qui s'étalent
échappés des mains d'Ail pacha, et de la cita-
delle de Cor&n, les négoclans français de Pera.
s'Imaginèrent que la maison d'arrêt serait un
bien faible obstacle pour les retenir, s'il leur
prenait une nouvelleenvie de s'affranchir. Sans
rénëcbir que les circonstances où se trouvaient
ces officiers étaient bien différentes de celles où
ils étaient en Albanie, et sans faireattention qne
ceux qui s'étalent dévoués pour sauver les pri?
mats d'un village de Corfou, devaient être in-
capables d'occasionner le moindre désagrément
a des compatriotes ils provoquèrent une me-
sure de sûreté qui tendait à faire consigner en
masse tous ceux qui étalent détenus. L'égoisme
avait sa part dans cette mesure mais il en fut
châtié.
Les oSIders étalent, à la vérité, mal vêtus,
ils portaient l'empreinte d'une longue captivité,
et le mélange d'hablt$ et de costumes, enfin le
caractère que donne un long séjour chez un
peuple tout à fait étranger à nos moeurs; toutes
ces choses suffisaient pour offusquer des yeux
peu exercés en physionomie. Us ne tardèrent
pendant pas à se dessiller, gracé aux apponte-
ce-
r
mens que M. le baron d'Hubschsleur compta; et c
cet argent, qui fut la source de plus de considé-
ration, attendrit jusqu'au cœur des Turcs, qui
donnèrent aussitôt la préférence aux nouveaux
venus, sur leurs anciens hôtes. Les portes de lamai-
son d'arrêt leur furent ouvertes, ils purent aller
où bon leur semblait, monter à cheval, errer
dans la campagne, fréquenter les bals enfin, vl- 0'
vre:à leur guise tandis que les calculateurs gar-=
daient la prison, ou étaient forcés de payer afin
d'obtenir la faculté de sortir le soir. Un état si
nouveau n'offrait que des jouissances car
après deux ans et demi de privations, on est fa-
cile en plaisirs; aussi Pera fut-Il un lien charmant
pour les prisonniers. Toujours pleins de bienveil- ::0
lance, ils s'occupèrent d'éteindre les petites que-Cc
relies de prison qui subsistaient entre tant
d'hommesde caractères différens;et pour se ven-
ger de ce qu'ils avaient été défavorablement ju-
gés, ils leur donnèrent la paix et l'union. Enfin
l'ennui d'une longue captivité s'évanouit dès ce
moment, et on peut due qu'il ne subsista plus
dans la suite, daus un lieu où il semblait relégué.
Après avoir pris quelques instans de repos, lei
ofnciers français portèrent leurs regards vers
Ie~ ambassadeurs d'Angleterre et de Russie Us
leur détaillèrent les longues persécutions dont
ils avaient été victimes, les dangers auxquels ils
avaient été exposés, par la faute de leurs agens,
et, pour prix de tant de peines, ils demandèrent
leur liberté.
Le moment était arrivé ils furent écoutés.
Qu'il me soit permis d'en féliciter ceux qui forent
sensibles à l'humanité, et de proclamerleur con-
duite. Avec quel plaisir j'aime à leur rendre
hommage de ce qu'ils firent! Une bonne action,
un acte de justice, étaient si rares dans ces temps
malheureux, que l'âme se sent soulagée lors-
qu'elle peut s'en rappeler une seule.
0 vous, qui pouvez faire le bien, saisissez
toujours l'occasion de le pratiquer! Souvent celui
duquel vous espériez le moins, sera le plus re-
connaissant et quelquefaible, quelqu'obscur
jnéme qu'il fût, le plaisir d'un service rendu est
une satisfaction, et un bienfait porte son prix
avec lui.
Lord Elgin, qui jouissaitd'un grand crédit au-
près de la Porte Othomane, fut celui qui s'emd
pressa de réparer les injustices et les torts qu'on
avait eus envers les officiers français. Il accueillit
leurs réclamations, et il les réclama auprès de la
Porte Othomane, comme s'ils eussent été pri-
eonniers anglais. Lorsqu'il eut obtenu cette dis-
uMtion en leur faveur, il sollicita des passe-
ports afin qu'ils pussent retourner en France.
M. de Tamara, rivalisant de générosité avec le
ministre anglais et pénétré des bonnes inten-
tions de sa cour, vit plusieurs fois les officiers,
et leur témoigna l'estime qu'il avait conçue pour
eux; ils ne tardèrent pas ensuite à songer à leur
départ, ét ils prirent toutes les précautionsnéces-
Mires afin de traverser la Turquie, et de se ren-
dre par le golfe Adriatique, en Italie.
La victoire de Marengo, et la paix avec l'Alle.
magne, qui en fut la suite, leur ouvrait cette voie.
Ils conclurent donc un marché avec un tatar
ou courrier turc, qui devait leur servird'escorte
josqu'à Raguse.Hsse pourvurentd'habits etd'une
coiffure à la tatare, afin de voyager avec plus de
s&reté. Us se munirent en même temps d'armes
et d'un harnois complet pour leurs chevaux. En-
Sn,ils organisèrent leur caravane, qui se trouva
composée de MM. Poitevin,Charbonnel, Bessiè-
M&, du général la Salcette, qui était sorti des
Sept-Tours dès le janvier 1801 et de
M. Hotte,qui obtint une pareille faveur quelques
mois après, ainsi que le brave Richemont, et
M. Beauvais. Ces deux officiers ne se trouvant
pas prêts à cette époque, prirent un chemin dif-
ïerent.
Le ferman qui ouvrait le chemin de l'Intérieur
de la Turquie, ayant été remis aux voyageurs
le 6 mars, M. Bessières, que je ne pus voirpen~
dant son séjour à Constantinople,m'écrivitpour
Tfne faire part de cette heureuse nouvelle. Il m'an.
nonçait en même temps qu'il avait obtenu ma
liberté, et que je devais sortir sous deux jours;
mais sa promesse n'eut pas FeNet que j'en atten-
dais. Il partit, brûlant du désir de toucher le ri-
vage, qui fuyaitdepuis si long-temps devantlui,
et de terminer une existence orageuse.
Pour moi, j'appris à mes dépens combien peu
H fallait compter sur la parole d'hommes qui
ne faisaient pas le bien pour le plaisir de le faire.
Bessières m'écrivit de Raguse, et il me donna des
nouvellesde son voyage, tandis que j'étais encore
aux Sept-Tours, d'ou je sortis un des derniers,
grace à certaines manoeuvres qui firent tomber
la préférence sur d'autres personnes. Mais je
fus trop bien dédommagé de ces contrariétés,
dans la suite, pour ne pas en rendre grace àceux
qui en furent les auteurs.
CHAPITRE XXVI.

DEPART DES FRANÇAIS. ITINERAIRE DEPUIS CONS-


TANTINOPLE JUSQU'A RAGUSE.–.EXPOSE DE~ECM
DIX PREMIERS JOURS DE MARCHE. INDICATION
DES LIEUX PAR OU ILS PASSÈRENT AVANT D'ARRI-
VER AU MONT PRISRENDI, OU MONT SCARDUS EN
SERVIE. DISTANCE RESPECTIVE DE POKTE-PIC-
COLO, PONTE-GRANDE,SILIVRI,TCatORLOU, BOUR-
GAS ESKIBABA ANDRINOPLE, HEBIDGN HAS-
KIVI.

j-jA caravane des voyageurs dont j'ai cité les


noms, quitta Pera-lès-Constantinople,le 8 mara
à neuf heures du matin, sous la conduite d'un
janissaire tatar avec lequel on avait fait prix à
raison de deux cent vingt piastres. A onze heu-
res elle arriva aux eaux douces, où se trouve
un keosk de plaisance du sultan, que j'ai indique
dans le tome second de mon Voyage.
Elle traversa ensuite les champs situés au nord
de Constantinople,qui, pendant l'été, sont côu-
verts d'abondantes moissons, etelle arriva, a une
heure et demie après midi, à Ponte-Piccolo; c'est
la halte ordinaire des voyageurs qui sortent de
Constantinople. n y avait, dans le temps du Bas-
Empire, un châteauImpëriaI,appelëRegium:mais
on n'y voit aujourd'hui qu'une réunion de quel. c
ques cabanes, et des ruines qu'on dit être cel.
les du prétendu lieu de plaisance des empereurs,
qui avaient fait un mauvais choix, en venant s'é-
tablir sur les bords d'un lac insalubre. Le nom =
de Ponte-Piccolo, ou petite mer, a été donné au
lac de Regium, par opposition avec un autre lac 0
appelé Ponte-Grande, dont je vais parler tout à
rheure.
Les voyageurs employèrenttrois heures à par-
courir la campagne presque inculte et dépourvue
d'arbres qui s'étend jusqu'à Ponte-Grande, où
ils arrivèrent à cinq heures du soir, et où ils pas-
sèrent la nuit daus un assez mauvais gîte. Il pa-
rait pourtant que cet endroit fut toujours une
station, car on le voit désigné sous le nom an- ê
cien de Mélanthias comme le terme de la pre-
mière journée de marche qu'on faisait depuis
Bysance. Le lac qu'on y voit est formé par les =
eaux de l'Atyras, auquel on ne connaît d'autre
nom que celui de rivière de Ponte-Grande, qui
vient des environs de Belgrade. Le village est pau-
we et ses environs sont montagneux. Les carpes
énormes qu'on trouve dans ces deux lacs, ne
sont pas très-estimées, et pourraient bien être
semblables à celles du Stymphale et du lac d'Or-
chomène

~oy-M tome premier, page


Ijes voyageurs, pleins de courage et de santé t
quittèrent les bords du lac où ils avaient passé
la nuit, afin de continuer leur route. Au bout de
six lieues, pendant lesquellesil ne s'offrit rien
de remarquable à leur observation, ils arrivèrent
à Silivri.
Cette ville, connue anciennementsous le nom
de Selymbria, se trouve située à peu de distance
de la mer, sur le bord de quelques ruisseaux et
qui n'ont pas reçu de nom particulier elle est à
la lisière des vastes plaines qui s'étendentjusqu'à
une journée au delà de Philippopoli, et que plu-
sieurs voyageurs ont décrites et fait connaître.
Après un diner &ugal, ( chose ordinaire en
Turquie ) la caravane se remit en marche pour
venir coucher à Tchiorlou petite ville éloignée
de sept lieues de Silivri.
C'était entre Tchiorlu et Silivri qu'exista au
temps du Bas-Empire cette muraille qui s'é-
tendait depuis la mer Noire jusqu'à la Pro-
pontide. Les empereurs, en élevant ce monu-
ment de leur faiblesse, paraissaient se contenter
de cette portion de terre, quand leur empire
était la proie des Barbares ils étaient assez heu-
reux lorsque la muraille était intacte mais elle
ne put contenir les torrens qui faisaient irrup-

Mentionnadans les itinéraires romains, sous le nom


~eThoruhM.
e
tion dans les contrées de la Thrace. Son éten<
due était Impossibleà garder et il parait qae ce
retranchement fut complètement détruit, car
on n'en observe plus detraces.Peut-étrp.avec une
attention scrupuleuse, serait-ilpossible d'en ex.
humer les fondemens. Mais, dans quelle Inten-
tion? les ruines participent elles-mêmes de la
décadence générale qui régnait alors.
Tchiorlu, que les Turcs et les habitans pro-
noncent Tchiorlou, est la petite ville de Thuru.
lus, dont le nom ne s'est conservé que dans les
itinéraires romains, ainsi que celui de sa petite
rivière, qui y est appelée Zorolus. Elle est au-
jourd'hui remarquable par une nombreuse po-
pulation, et par les agrémens du site au milieu
duquel elle se trouve bâtie~
Le zo mars les voyageurs reprirent leur
route, et au bout de huit lieues de chemin,
toujours dans un pays de plaines, qui n'est coupe
que par -quelques ruisseaux et interrompu
que par des collines verdoyantes, ils arrivèrent à
Bourgas.
Bourgas ou Burgas est, suivant toute appa-
rence, la ville de Bergulé, dont il est fait mention
dans les itinéraires romains, échappés aux ra-
vages du temps. Elle est bâtie sur les bords d'nn
ruisseau qui se rend à la rivière d'Ergen, connue
anciennement sous le nom d'Agriaxes, rivière
qui va se jeter dans la Maritza, au dessous d'An'
drinople. Tout ce pays est beau, fertile, uni et
assez peuplé. II doit y avoir des villages dissé-
minés dans la direction des ruisseaux qui y por-
tent la fécondité.
Sans s'arrêtera Bourgas, les voyageurs qui ne
perdaient pas un moment pour accélérer leur
marche, et s'éloigner d'un pays ou ils n'avaient
connu que le malheur les voyageurs dis-je
poussèrentvivement leurs chevaux. Ils firent sept
lieues dans le reste de cette journée, pour gagner
EsMbaba/
Cet endroit, qui parait être l'ancien Burtudi-
sus est situé au bord d'une petite rivière qui
porte ses eaux dans l'Ergen. Les voyageurs y
passèrent la nuit dans un khan, qui dut leur pa-
raître le plus ennuyeux de tous ceux dé la Tur-
quie, puisqu'il était dépourvu de ce qui était
absolument nécessaire à la vie. Ils ne tardèrent
pas aussi à le quitter; et le iï mars, dès l'au-
rore, ils montèrent à cheval.
Quoique fatigués et froissés par le pas inégal
et dur des chevaux dont ils changeaient, les
voyageurs continuaient leur chemin avec une
égale célérité. Cependant quelques uns d'entre
eux étaient incommodés mais le printemps, dont
on appercevait le premier réveil dans~a verdure
naissante de la campagne, leur inspirait un nou-
veau courage.

Itinéraires romaiDS.
Ce jour ils parcoururent de belles campagnes, ë
dont la culture variée, l'élégance et la jEraicheur,
présentent un spectacle plus beau que celui des
champs qui avoisinent Constantinople. A deux C

heures d'Andrinople ils passèrent un bras de C

l'ancien Ebre, connu aujourd'hui sous le nom de


Maritza qui divise Andrinople en deux parties.
Cette ville, qui est, comme on sait, une des
plus grandes de l'empire otboman, est située
dans une plaine parfaitement unie. Ses mosquées,
ses édinces, la pureté de la langue turque qu~on
y parle, son commerce, et l'aménité de ses habi-
tans, rélèvent a bon droit au dessus des autresci-
tés de l'empire.
M. Poitevin, dont la santé fut toujours chance-
lante, se vit obligé de quitter en cet endroit ses
compagnons de voyage. Une fièvre violente,l'im'
mensité d'une route difficile l'engagèrent à re-
prendre la voie de Constantinople,avec un tatar
qui s'y rendait à petites journées, et de proHtcr
du premier vaisseau qui ferait voile pour l'Italie<
afin de retourner dans sa patrie. Le reste de la
petite caravane fut égalementindécise,quandelle
compara ce qui lui restait à faire, et les fatiguer
qu'elle avait déjà éprouvées. Mais après que les
voyageurs~qui la composaient se furent consul-
tés, le voyage fut irrévocablement arrêté, et
lendemain, ils le continuèrent avec ardeur.
Hs partirent en conséquence,le t2 mars au ma-
<m, de la superbe ville d'Andrinople, dont les
tatars admirent les quatre minarets de !a princi-
pale mosquée,comme étant les plus hauts de tous
ceux de la Turquie, et dont ils vantent les vins,
en justes appréciateurs. On suivit pendant cette
journée le cours de l'Ebre., en remontant vers
son cours, qu'ils passèrent à la petite ville de Hé-
bidgé, pour aller coucher à un village qui se
trouve deux lieues au delà.
Les voyageursprenaientcette route afin d'éviter
la rencontre des haidouts ou brigands, qui por-
taient la désolationdans toutle pays, etqui se signa-
laient encore par des horreurs, avant de rentrer au
sein des montagnes, oûils se retirent pendantl'été.
Ils virent les traces desdésordres de ces anarchistes
dans le village oùlls vinrent passerla nuit, et dans
lequel ces scélérats avaient fait halte la veille. Les
rues étalent encombrées d'une si grande quan-
tité de têtes de boeufs de vaches, de moutons,
et de chèvres, qu'ils avaient égorgés la veille
pour se régaler qu'on n'avait pas exagéré leur
nombre, en le portant de quinze à vingt mille.
Malgré les traces récentes de cette lave, dont
le passage portait la mort et la destruction sur le
territoire qu'elle foulait les Français dormirent
tranquillementà une lieue et demie de l'endroit
où les haidouts étaient campés, et furent assez
heureux pour n'être pas appercus d'aucun de
leurs partis, qui erraient à l'aventure.
Le i3 au matin, les voyageurs se mirent en
route. S'ils avaient été surpris des désordres qui
avaient &appé leurs regards, en entrant dans le
village où ils avaient passé la nuit, ils virent
avec plus d'horreur encore ce que peut l'anar-
chie. Quatorze lieues d'un pays entièrement dé.
vasté, où régnait le silence des tombeaux, ou
l'on trouvait des cadavres, et des cabanes incen-
diéès, furent les objets qui se déroulèrentdevant
eux. L'espérance du laboureur qui ne faisait
que de naître, était détruite, et l'espoir de l'ave-
nir était perdu. Les habitans étaient en fuite, ou
avaient été victimes de la fureur de ces bêtes fé-
roces, qui ne reçoivent d'impulsion 'que d'eux-
mêmes, et de lois que de leur cupidité. La cons-
ternationrégnait par-tout, et ces régions presque
Sauvagesvenaient de recevoir un coup mortel. La'
jeunesse capable de porter les armes avait été
entraînée par les insurgés et si elle était encore
pure, si elle avait des mœurs avec quels non-
veaux goûts reviendrait-elle dans ces mêmes
champs fertilisés par ses travaux ? Voudrait-elle
s'y fixer lorsqu'il n'y existait plus aucun asile ?
C'est ainsi que la Turquie s~use et s'épuise, et
que chaque jour elle tend à sa ruine. Ses habitans,
accoutumés aux désordres et au vagabondage,
mais doués d'uue bravoure féroce, répandcn!:
des ténèbres sur les événemensqui pourraient y
ramener la paix. Ce serait le sabre seul d'un Sul-
tan infatigable qui pourrait y rétablir l'ordre.
homme?.
B~ais, où est cet
Les voyageurs, qui avaient le plus grand inté-
rêt à sortir d'un pays aussi désolé, et qui pou-
vait leur devenir funeste, firent quatorze lieues
d'une seule traite, et, après avoir 1 ussë Haskivi,
éloigné de douze lieues de Hébidgé, Us vinrent
coucher, trois lieues plus loin dans la cabane
d'un berger.
Le fléau avait respecté l'asile du pauvre qui
fut toujours à l'abri des révolutions, excepté dans
les ravages des haïdouts. Cet humble toit avait
sans doute échappé a leurs regards Les Fran-
çais y trouvèrent l'hospitalité, quelques iruïts,
du laitage, et enfin un espace sufnsant pour se.,
reposer, quand la tempête mugissait de toutes
parts, et éclatait sur l'horizon qui les environ-
nait. Leur nuit ne fut troublée par aucunes alar-
mes, et leurs jours furent protégés par l'obscu.
Mté de leur g~te.
CHAPITRE XXVII.

SUITE DE L'ITtKERAIRE DES FRANÇAIS ILS ENTRENT


EN BULGARIE. PHILIPPOPOUS. BAZARDGIS.
BANA. SOURCES DE L*EBRE OU MARITZA.
MONT RHODOPE, OU DESPOTODAG. D'CB-

NITZA. MONT SCOMIUS. KICSTENDH.


RUINES D'CLPIA PAUTALIA. PALAKKA.
KOUMANOKA. USKUTB. MONT ORBELUS.
KALKANDELUK, A LA BASE DU MONT PRÏSRENDI
OU SCARDUS.

jLjE
i~ mars, les Français quittèrent la chan.
mière protectrice dans laquelle ils avaient re-
posé et ils entrèrent dans la Bulgarie.
Cette province, dès le temps du Bas-Empire,
était habitée par une nation guerrière, qui tint
souvent en échec les forces des empereurs. Les
Bulgares dans les époquesqui ont suivi ce temps,
et depuis qu'ils sont passés sous le gouvernement
des Turcs, ont toujours conservé un reste d'in-
dépendance. Retranchés dans leurs montagnes,
ils ne les quittentordinairement que pour s'unir
~ax rebelles, qui font parfois trembler CtMistan-
t inople, ou pour se rendre dans cette ville, et dans
ies principales cités de la Turquie ,dès que le prin-
temps commence. Comme ils sont pasteurs, ils
se mettent alors momentanément au service des
pachas et des grands, pour avoir soin de leurs
chevaux pendant tout le temps qu'on les tient
au vert. Après cette époque, ils reprennent le
chemin de leurs montagnes, où ils se livrent à
leurs occupations et aux habitudes qu'ils ont
contractées.
Leurs vêtemens, indices de la médiocrité dans
laquelle ils rivent, consistent en une veste de
peau de mouton dont la laine est en dedans, et
en de larges culottes de toile. Ils sont coiffés d'un
bonnet de peaud'agneau, et leurs chaussures sont
de cuir brut de sangliers. Aucuns ne sont dans
l'usage de conserver la barbe, et ils se contentent
de porter la mcustache qui est peu fournie.Le
ton de leur peau est olivâtre, le tissu en est ûas-
que, et le système abdominal est fortement dé-
veloppé chez la plupart. Leur taille est avanta-
geuse, sans avoir rien de noble, et leur figure ou-
verte leurs yeux petits, leur front proéminent,
forment une nuance qui les distingue mieux que
le caractère de grossièreté qui leur est propre.
Grands amateurs de musique et de danse ils
ne marchent jamais sans une musette, de laquelle
ils tirent des sons criards, au bruit desquels tout
le monde, jusqu'au musicien même, se met en
cadence. Ils connaissent la pyrrhique et une in-
itiuté de danses obscènes, qu'ils exécutent ordt-
nairement dans les rues de Constantinople, avant
d'entrer en condition, et lorsqu'ils se disposent
à retourner dans leur pays. Ils sont, au reste,
Braves, sobres, infatigables, mais ignorans au
delà de tout ce qu'on pourrait croire.
Leurs femmes sont douées de la plus grande
beauté et réunissent à la régularité et à la per-
fection, l'avantage d'une taille haute et d'un pas
noble. C'est parmi elles, plutôt qu'entre lesCir-
cassienues, que les voluptueux monarques de
l'Orient devraient venir chercher les roses d'a-
mour destinéesà embellir leur sérail. Commetant
de perfections ne peuvent être isolées de l'esprit,
ils y trouveraient sans doute aussi des charmes
suffisans, pour leur faire oublier l'ennui de leur
existence solitaire.
Mais je crains de m'éloigner de mon sujet;
j'ai déjà dit un mot des Bulgares, en parlant de
Bonila, je poursuis l'itinéraire des voyageurs
français qui s'avancèrent dans la Bulgarie. Au
bout de huit lieues de chemin, ils arrivèrent à
PhiHppopolis.
Cette ville, connue dans l'antiquité: fut fondée
par Philippe père d'Alexandre-Ie-Crrand qui
lui donna le nom de Poneropolis on ville des
Mëchans,parce qu'il l'avait peuplée de Phocéens
sacrilèges, qui avaient pillé le temple de Del-
phes. Mais le temps qui détruit les plus fortes
impressions et sans doute les moeurs de ses ha-
bitans qui ne pouvaient souffrir de la faute de
leurs pères, la délivrerontde ce nom. Celui de
son fondateur Philippe en prit la place, et il lui
est resté même dans la suite des temps, quoique
tout ait changéautour d'elle, et que les montagnes
mêmes aient reçu de nouvelles dénominations.
La nouvelle ville de Philippopolis ou Philippo-
poli, estbâtiedansun site riant, et elle s'étend en
partie sur un plateau qui se prolonge au midi. Sa
régularité, ses bâtisses et son ensemble, peuvent
lafaireregarder,à bon droit,commeunedesplus
jolies cités de la Bulgarie. On commence à y re-
connaîtrela nuance du sang bulgare. Ses habitans
ont la réputation d'être industrieux, francs et
hospitaliers il y a parmi eux beaucoup de Chré-
tiens du rite grec.
Les Français, après avoir fait halte à Philippe?
polis en partirent pour se rendre à Bazardgik
Il
située à dix lieues de là ils y arrivèrent au dé-
clin du jour. Cette ville, qui est l'ancienneBessa-
para dont le nom s'est altéré est gouvernée
par un bey puissant dont la domination s'étend
sur une partie du vallon, a l'extrémité duquel se
trouvent les sources de l'Ebre. Ses habitans sont
remplis de bravoure; les femmes de Bazardgik
sont charmantes,et la ville qu'elles habitent peut
passer pour la plus jolie de ces contrées.

Forez Itinérairesromains. `
On appercoit de Bazardgik, les sommets du
Balkan ou mont Hémus, dont les points cul-
minans sont couverts de neige, pendant presque
toute l'année et, en suivant sa chaîne, qui n'est
qu'un des contre-forts du Scomius, on conçoit le
système régulier de ces masses, qui n'offrentpoint
la confusion des sommets entassés du Pétopc-
nèse. L'œll se repose agréablement sur les co-
teaux voisins et suit avec délices le cours de
l'Ebre, de ce fleuve dont les vagues répétèrent le
nom d'Eurydice, et roulèrent avec elles la tc'e
ensanglantée d'Orphée, qui le premier civilisa
les peuples de ses bords.
Le 10 mars, les voyageurs dirigèrent sur Bana,
bourgqui est désigné sous le nom de Bagni, dans
les itinéraires romains. 11 se trouve à huit lieues
de Bazardgik, et il n'est remarquableque par des
fontaines d'eaux thermales, qu'on y voit. L'Ebre
prend sa source à peu de distance, dans le mont
Scomius,qui ferme l'horizoù du côté de l'occi-
dent, et il commence à couler au nord-est jus-
qu'à Philippopolis, où, grossi du tribut d'une
seconde branche qui tombe d'un contre-fort du
Scomius, il se dirige vers l'aurore, en fertilisant
une immense vallée, et les plaines où s'élève Aa-
drinople. Devenu impétueux et riche de mille
rivières et de nombreux torrens qn! Ini appor-
tent les eaux de la Thrace, il se jette, par deux
embouchures dans le golfe dTEnos.
Jusqu'à Bana, les chemins avaient été aussi
bons qu'on peut le désirer dans un pays où il ne
se trouve pas de grandes routes pratiquées mais
depuis ce bourg jusqu'à Scutari d'Albanie, ou ne
trouve plus que des montagnes âpres et arides.
La nature prend un caractère dur et sauvage;
elle annonce l'anarchie des habitans, et leurs
mœurs féroces. Plus de sites agréables, plus de
prairies les vallées riantes qu'on trouve ne pa-
raisseut point à leur place.
Les voyageurs avaient fait douze lieues le ma-
tin, et ils continuèrentleur route pour se rendre
à Sarmako; ils commencèrent, en quittant Bana,
à s'enfoncer dans le mont Rhodope, qui est un
contre-fort de l'Orbelus, et ils marchèrent dans
les rochers ou sur le bord des précipices, ne
trouvant que des groupes de sapins et des mélé-
xiers, pendant six lieues de chemin qu'il firent
pour arriver à Sarmako ou ils passèrent la nuit.
Sarmako ne paraît pas avoir fait partie d'au-
cun Heu connu sous le Bas-Empire, ou dansde~
temps plus anciens. C'est un village entièrement
habité par des Bulgares, qui la plupart sont pas-
teurs. Leur pays hérissé de montagnes offre
peu de ressources et de débouchés pour l'expor-
tation des laines et*de quelques denrées,qu'ils ne
peuvent pas consommer.
Le lendemain (16 mars ) les voyageurs ar-
rivèrent à midi à Dubnitza petite ville bâtie dans
le mont Rhodope, qui est éloigné de dix lietiea
de Sarmako où ils avaient couche la nuit pré-
cédente. Ils avaient constamment marché sur !e
revers septentrional du mont Scomius, depuis
plus de vingt-cinq lieues lorqu'IIs arrivèrent à
Dubnitza, au dessus duquel le Scomius pyramide
avec la majesté d'un souverain.
Cette montagne, citée par les auteurs anciens,
dépend évidemment du mont Orbelus. Des en-
virons de Dubnitza elle envoie deux rameaux,
dont le plus septentrional forme le mont He<
mus ou Balkan et se bifurque pour dessiner la
crète orientale du bassin de l'Ebre tandis que la
branche méridionale accompagne le Strymon,
et se termine par des pentes douées, à l'extré-
mitéBeptentrionalede la plaine d'AmphipoIIs. H
se rattache ensuite par plusieurs contre-forts au
mont Orbelus qui lui donna naissance.
Les voyageurs~qoi passèrentlerestede lajournée
à Dubnitza,quittèrent cette petite ville le i mars
au matin, ~n se dirigeantsur Kiustendil,éloignée
de sept lieues, où ils arrivèrent à midi. Musten-
dil est connue dès le temps du Bas-Empire, sous
le nomdeJustiniana. Elle fut ainsi appelée, parce
que l'empereur Justinien y prit naissance.C'étatt
avant cette époque unepetite Sourgarde qui étatL
désignée sous la dénoTnIn~ica de Tauresium:
elle est de nos jours retombée dans l'état de tne-
diocritéoù elle se trouvait avant son illustration
On trouve aux environs les ruines d'Ulpia-Pau-
talia', ville iavorisée par Trajan.
Après avoir fait halte à Kiustendil, les Fran.
çais se mirent en route pour Palanka, ou ils vin<
rent passer la nuit. Palanka est un mot turc qui
signifie fortification et j'ignore a quel lieu de
1 antiquité on peut rapporter le bourg qui porte
ce nom. Il est encore situé dans le mont Scomius;
le chemin qui le sépare de KiustendU dont la
distance est de sept lieues, est à travers de hautes
montagnes, ,qui n'offrent par-tout que d'aHreu&
précipices, des pointesde rochers ou des plateaux
de granit, sur lesquels les chevauixont la plus
grande peine à marcher. Quoiqu'on se familiarise
avec les dangers, quand on a voyagépendant quel-
ques jours au milieu des montagnes,il est<Hfn-
c!le de résistera l'impression toujours terrible
qu'offrentdes flancs à pic, des roches qui sem-
blent prêtes à s'écrouler et écraser le oyage.ur
enfin au coup d'oeil des gorges dont l'teil ne peut
mesurer le fond, qui semble se dérober dans les
entrailles de la terre. Qu'on ajoute à ces horreurs
sublimes le désagrément des gites, Fêtât presque
sauvage des Bulgares, qui poursuivent un étran-
ger comme un objet curieux, dont ils dévorent
le vêtement pour peu qu'il soit apparent et on
verra les dangers et les embarras auxquels on
est exposé dans un semblable voyage.
Le ï8, les voyageurs eurent les plus grandes
peines à &'anchir l'espace qui sépare Palanta
de Koumanova~ quoiqu'il ne soit que de dix =
lieues. lis s'étaient élevés insensiblement en sui- ï

vant le Scomius, et ils touchaient au point cul- c


minant du mont Orbelus. A deux heures de che-
min de cette dernière ville, ils virent des aigles 0
d'une grandeur extraordinaire, qui planaient à
peu de hanteurau dessus de leur tête, et le voisi- =

nage de ces oiseauxleur fit justementsoupçonner


qu'ils devaient être dans un lieu trës-élevé.
En effet, le mont Orbelus sur lequel ils se
trouvaient, peut être considéré comme le noyau =
des montagnes de la Macédoine de là partent des =

chaînes qui en dessinent les principaux vallons.


Il jette d'abord deux rameaux à l'est et à l'ouest,
qui forment le Scomius, le Rhodope ou Despo-
todag et le mont Hémus dans la première direc-
tion, tandis que le rameau occidental compose
le Scardus ou mont Prisrendi, et les chaînes se-
condaires qui s'étendent vers le couchant. On
pourrait enfin lui rapporter les branches qui Sf
prolongent jusqu'à Orsova mais je me borne à
dire ici qu'il est le point essentiellement domi-
nant du système des montagnes de la Turquie
d'Europe et le lieu le plus haut de la Bulgarie.
Il serait digne de l'attention des voyageurs de dé-
terminer son élévation au dessus du niveau de la
mer, et de considérer, par un examen peu dis-
pendieux, les différons emhranchemeus qui se
rapportent à ce centre commun.
La nature est par-tout sauvage aux environs;
l'horizon, hérissé de pics peu élevés, est confus,
et n'offre qu'un sentiment qui attristé l'ame par
l'image du néant qu'il présente de tous côtés. Les
aigles, qui le fréquentent, ne semblent s'y plaire
que comme dans un observatoire,où ils se repo-
sent au milieu d'un air qui convient à leurs facul-
tés et aux besoins de leurrespiration, et d'où leur
vue perçante cherche, au loin dans les vallons, les
animaux surlesquels ils fondent pour en faire leur
proie. Commeils parcourent des espaces considé.
râbles en peu de temps, ils prennent leur essor, de
ces sites aériens qui leur servent de ralliement.
La bourgade de Koumanova, où les voya-
geurs passèrent la nuit, se trouve dans un lieu
fertile, près de quelques torrens qui se précipi-
tent des montagnes. La saison n'était pas encore
assez avancée dans ces régions froides, pour
montrer quelques points devue agréables. Cepen.
dant il se trouvait des oliviers sur des terrains
maigres sur les revers méridionauxde quelques
contre*forts. Quel que soit, au reste, ce payss
pendant l'été, tout porte à présumer qu'il doit
être fort pauvre et malheureux. Ses habitans
Têtus de peaux,semblentvieux de misère et leur
constitution paraît usée par l'inclémence du ciel
sous lequel ils existent car ils n'ont point la
santé et le teint fleuri de tous lés montagnards
qui sont fiers de leur Indépendance.
La caravane quitta Koumanoka le ïg mars,
et continua de marcher dans des montagnes aussi
difficiles mais moins élevées que celles où elle
avait voyagé le jour précèdent elle s'avançait
alors dans le mont Scardus. Au bout de sept
lieues de chemin, elle arriva à Usidub, où les
voyageurs dînèrent. Pendant leur repas, ils fu-
rent visités par des Bohémiennes, qui vinrent
danser et leur donner un concert. Malgré cette
musique et les talens de ces malheureuses, (lui
vont avec les Tchingnenetsou Bohémiens erraas
dans les lieux les plus agrestes, et au milieu de
pays barbares, sans courir de dangers person-
nels, les voyageurs se disposèrent bientôt à quit-
ter leur halte.
La ville d'UsIdub, dont ils s'éloignèrent ce
même jour est rancienne Scupi. Elle est située
aux sources de FAxius ou Vardar dont le som-
met du versant est dans le mont Scardus, qui la
domiue. Ce fleuve roule ses eaux au midi; et,
après avoir baigné Bilazora et les mines de cette
Pella qui vit naître Alexandre, il va se jeter
dans la mer, au fond du golfe Thermaïque.
Uskiub outre l'avantage de voir naître l'Axius
est renommée par ses fabriques de maroquin et
par quelques autres objets d'exportation. Sa popu-
lation estplus civilisée que celle des autres stations
dont j'ai fait mention depuis Bazardik. On peut
même dire que cette ville mérite l'attention du
voyageur, qui pourrait tacitementy diriger ses
pas en partant deSalonique.IlverraitPellaet une
multitude de lieux inconnus; il parcourrait des
campagnesfertiles, et rapporterait de cette seule
excursion, de quoi le dédommager de ses peines.
Quant aux dangers, il n'en aurait aucuns à cou-
rir, en s'environnant des précautions que l'é-
tranger ne doit jamais négliger, lorsqu'il par-
court la Turquie, même jusqu'aux environs de
la capitale.
Les voyageurs eurentdixmortelles lieues à fair e
pour se rendre d'Uskiub à Kalkandeluk, qui, avec
les sept pareouruesdans la matinée, faisaientune
journée des plus fatigantes. Pour comble de mal.
heur, ils ne trouvèrent rien à manger ûu khan
où ils descendirent,et labourgaden'était pasptus
riche en provisions. En pareil cas ils prirent
le parti le plus sage, qui fut de se coucher sans
souper, et d'attendre le sommeil, étendus sur
une natte.
Toute cette partie de la Bulgarie et de la Servie
est extrêmement mal peuplée à peine y décou-
vre-t-on quelques villages et presque nulle part
des champs cultivés. C'est seulement dans quel-
ques gorges isolées, sur le bord des torrens et
des petites rivières, que les habitans font des
récoltes, qui suffisent à lear~ besoins. Mais mal-
heur au voyageur qui espère trouver quelque
chose à Kalkandeluk et sur-tout à celui qui se
verraitcontraint d'y séjourner, comme cela doit
an iver j&équemment
On prévint les voyageurs qu'Us auraient à tra-
verser, le lendemain, des montagnes très-élevées:
il fallait gravir pendant plus de quatre lieues, et
ûanchirdesescarpcmensbordés de précipices.On
devait ensuite trouver la région de la neige, qui
efErait de nouveaux dangers ils étaient d'autant
plus grands à cette époque, que rhiver finis-
sait à peine. Dans l'été, ces neiges ont cependant
coutume de fondre, et il n'y a de chances lâ-
cheuses à craindre, que la tourmente. On leur re-
présenta les désagrémens et les périls de rentre-
prise qu'ils allaient ibrmer; et on les assura qu'ils
étaient les premiers voyageurs qui de cette an.
née-Ià prenaient la route du mont Prisrendi.
H y avait bien un autre chemin; mais il oMi-
geait à faire un détour considérable il fallait
rétrograder d'une journée de marche, suivre le
coursdu Yardar jusqu'à Bilazora, passer à Fines,
pccndre le défilé du mont Boras; on aurait en-
suite traversé i'Erigon et !e sommet du vauoa
qui s'étend jusqu'à Pella et on serait entré dans
le vallon du Drino. Mais cette route, outre les
délais qu'eue entraînait, n'était pas sans avoir
aussi ses inconvéniens. Les passages pouvaient
être fermés par les neiges; les rivière!: grossie
par les torrens des montagnes, étaient débor-
dces la plupart manquaientde ponts: on aurait
été obligé d'aller s'inCormer on étaient les bacs,
et on s'exposait à dés avanies sans nombre. Les
voyageurs étaient fatigués, ils désiraient le terme~
le plus court pour se rendre a Scutari, et cette
considération les détermina & passer le mont
Prisrendi.
On fit en conséquence ses dispositions et oa
se munit de ce qu'on put trouver: on conçoitqu<s
cela se réduisit à bien peu de chose, vu la paa;-
vreté du pays.
Cétait cependant un lieu charmant qu& le
pauvre bourg de Kalkandeluk, en comparaison'
des pays qui restaient à parcourir, comme on~en
jugera par l'exposition de l'itinéraire des voya-
geurs. Jusque là, ils n'avaient eu à se plaindre
que de l'&pretédes montagnes; mais au passage
du Prisrendi et à travers rillyrie', ils n'apperçu-
rent presque plus aucunes traces de civilisation.
Je ne sais à quel Heu connu anciennement on
pourraitrapporterKalkandeluk, et redoute qu'au-
cun voyageur en ait fait mention. Cependant ce
bourg a été vu, ainsi que le Prisrendi, par plu-
sieurs Français,qui suivirent cette route pendant
le temps de la dernière guerre lorsqu'ils se ren-
dirent de Scutari à Constantinople mais aucuns
n'ont rien publié sur ce pays. Les cartes qu'on
connaît sont également silencieuses et M. d*An-
viHe, toujours si précis et si positif, manque
d'exactitude au delà de Philippopolis. Faute de.
yenseignemcns, ce père de h géographie a été
obligé de placer au hasard quelques noms qu'il
avait recueillis mais on sera toujours étonne de
ia vérité qui règne dans la projectionde ses mon.
tagnes, qui donnent par~Mtement Faspect dn
pays. On a droit d'espérer, au reste, que la
Turquie d'Europe sera connue; et de nombreux
matériaux, qui se trouvent entre !es mains d'un
savant géographe., ne sont Pas destinés à rester
dans l'oubli.
H serait à désirer aussi que des voyageurs jetas-
sent un, coup d'oeil sur ce pays aiïreux à Ja Ye-
rité.mais qui est neufpour la science de l'histoire
natureHe.

CHAPITRE XX~IIl.
SCtTEDEL'ÏT'NERAtREnECOKSTAKTtKOPLE,
A SCP-
TARI D'ALBAKtE.–MONTSCAM~OSOPPRÏSREKDt.
–VtLLE DE PMSRENOt. KHAN RETJtANCHE.
MONTAGNES,DESERTS.–ARRIVEE A SCUTAM.

JipRES avoir quiné Kalkandduk, les


voyageurs
ne tardèrent pas à arriver au pied du mont Pris-
rendi. Leur caravane, malgré la mauvaise chère,
ou plutôt malgré la disette forcée de la veille et
!es fatigues d'un long voyage, était pleine de coM-
rage et. de santé. Elle regardait toutes les diffi-
cultés vaincues, ïorsqu'eMe aurait passé la mon-
tague qui s'élevait devant elle.
Le mont Prisrendi semble la limite naturelle
de la Bulgarie, de la Servie et de FlUyrie dont
H trace la démarcation par des rameaux qu'il en-
voie au nord où ils se rattachent aux chaines
de la Bosnie et par des contre-forts qui courent
à l'ouest. Sa base inculte, et couverte de quel-
ques forêts noirâtres, n'oSre point les gorges
charmantes des Alpes et ses flancs escarpés,
ainsi que ses sommets, portent le découragement
et la fatigue, lorsqu'on les considère.
Les voyageurs, qui commencèrent à gravir le
Prisrendi ]e 20 mars au matin, marchèrent pen-
dant quatre heures sur des escarpemens roides et.
coupés inégaiement, avant d'arriver à la région
des neiges. A cette hauteur, M. Hotte, qui faisait
partie des voyageurs, commença à éprouver une
incommodite qui devint alarmante. Une hémor.
ragie nasale se manifesta chez lui, dès que l'action
stimulante de l'air eut agi sur la membrane pitui-
taire. Le fluide aérien étant plus raréfié, et par
conséquent formant une pression moins considé-
rable que de coutume sur les vaisseauxsanguins,
facilita un écoulement.de sang assez considérable.
Le malade ( car on put un moment lui donner ce
nom ) éprouvait en même temps des vertiges,
des bourdonuemens d'oreiue, et se trouvait dans
cet état qui approche de l'affection comateuse.
Le jeune Amoureux, dont rai parle couché
sur la neige, refusait de marcher. Le froid, prin<
cipe des causes débilitantes, commençait à ea-
~nurdir ses membres, après avoir agi sur le
centre épigastrique. M. Amoureux s'était plaint
de la faim bientôt après il fut mouillé d'une
sueur légère, et il sentit une propension Irrésis-
tible au sommeil. Tous les voyageurs éprouvaient
un malaise générât, lorsqu'ils prirent le parti de
tne!tre pied à terre; ils stimulèrent Amoureux,
en le forçant de marcher et cette violence lai
sauva la vie, car déjà la circulation se ralentis-*
sait et fuyait des extrémités, dont le froid s'empa-
rait. Enfin il fallut voyager de la sorte pendant
trois lieues au milieu des neiges il n'y avait au-
cun chemin de frayé, et on se dirigeait sur l'ex*
h émité des poteaux plantés de distance en dis-
tance, pour indiquer la route. Les chevaux ne
pouvaient se soutenir; on était obligé de les re-
tcver vingt fois dans un quart d'heure, et il fallut
même en laisser quelques uns, du nombre des-
quels fut celui qui portait les effets du colonel
Charbonnel.
Enfin, après avoir quitté la région des neiges,
commença à respirer. Les voyageurs qui
raient été Incommodés cessèrent d*éprouver
des accidens. Ils retrouvèrent une vigueur nou-
velle et la caravane entière, au bout de cinq
lieues qu'elle fit en descendant arriva a la pe-
tite ville de Prisrendi, trois heures après te corn*
mencement de la nuit.
Prisrendiparait être Thérendassi qu'on trouve
mentionn 'e sur quelques cartes, et spécialement
citée par M. d'Auvilte. C'est une petite ville assez
peuplée,dont les habitans,en partie Chrétiens et
en partie Musulmans, ne parlent que l'esclavon.
ils sont gouvernés par un bey qui relève, dit-on,
du pacha d'Ocbrida.
A la nouvelle de l'arrivée des Français, la po-
pulation entière de Prisrendi accourut pour les
voir. Elle semblait ne pouvoir se rassasier de ce
spectacle et les voyageurs eurent à se plaindre
d'une importunité qui dégénéra en impertinence
de la part des Prisrendiens; car, & l'admiration
succéda l'insulte; ils jetèrent de la boue et des
pierres aux voyageurs semblables en cette con-
duite, a tous les hommes qui ne voient que peu
d'étrangers, et chez qui l'ignorance, mère de la
cruauté et du fanatisme, entretient la haine pour
tous les hommes qui ne sont pas de leur nation.
Cependant cette conduite fut peut-être aussi
provoquée par une bigarrure existante dans le
costume des Français qui, sous le vêtement ta.
tar, avaient quelques restes d'habits européens $
que par une animadversion contre les Chrétiens.
Prisrendi est peu fréquentée par les courriers
pM~ne qui viennent de Constantinople les habi.
tans regardent le passage de la montagne
comme extrêmementdangereux. Pendant toute
la durée de l'hiver, qui est de plus de sept mois
pour les sommets escarpés du mont Prisrendi,
on ne pourrait s'y hasarder, à cause de l'abon-
dance des neiges, qui y tombent à plusieurs pieds
de haut, dans un très-petit espace de temps. En
été, lorsque la voie est ouverte et praticable, on
y éprouve le phénomène de ]a tourmente connue
dans le mont Cenis. Des tourbillons qui semblent
partir en même temps des rumbs opposés, ont
enveloppé et précipité plus d'une fois des cara-
vanes entières qui ont péri brisées sur les ro-
chers qui hérissent le fond des précipices.
Avant de quitter Prisrendi, on prévint les
voyageurs de faire des provisions pour eux et
pour leurs chevaux, afin de pouvoir se rendre a
Scutari. Il n'existe dans tout cet espace, ni villes,
ni hameaux, et on ne trouvedans les stations que
du pain de majs mal cuit, et de la paille pour les
bêtes de somme.
Le Tout-Puissant a placé ce désert au milieu
des nations belliqueuses qui habitent les vallées
profondes des chaînes Sous-Alpines,pour les sé-
parer, et mettre un frein à leur fureur. Il n'arrête
cependant pas le vagabond, qui vient y attendre
le voyageur, comme le nomade des solitudes de
l'Arabie et de l'Airique s'embusque, afin d'épier
les caravanes paisibles. La nature n'offre de tou-
tes parts en ces lieux, que l'image du chaos, et
l'empreinte des bouleversemens. Si quelques
montagnesverdoyantes se détachent sur le fond
granitique qui orne et circonscrit l'horizon, des
rochers nus, que le temps a noircis, ou que le
feu du ciel a cicatrisés, coupent aussitôt la nuance
agréablequi s'oSrait & l'œil. Plus de vallons cou-
verts de verdure, où les ruisseaux fuient en
murmurant sous des voûtes tieuries! le lever de
l'aurore n'y réveille jamais les oiseaux, et ses
pleurs ne baignent que la surface imperméable
du granit, sur laquelle la rosée se dessèche, ou
forme des plateaux de glace, suivant l'ordre des
saisons. Jamais l'écho n'y répond aux concerts
du rossignol le sinistre hibou, l'aigle qui vit
dans les hautes régions de l'air, le déchirent seuls,
par leurs cris rauques et perçans. Les habitans de
ces excavations, sont des tortues, quelques rep<
tiles, des chauve-souris des loups féroces qui
poursuivent les chamois, et des jakals en petit
nombre.
On compte à peu près trente lieues d'un sem-.
blable pays depuis Prisrendi jusqu'à Scutari.
Les voyageursse mirent en route Je 22 mars au
matin pourvus de ce qu'ils avaient pu acheter
et anbontdeneuf lieues,à travers des chemins dé-
testables, ils vinrent patser ta nuit a une statioa,
C'était un grand khan, retranché et palissadé,
Il
afin de se défendre des brigandsqui infestent ces
contrées. Comme leur férocité est connue, on a
pris tous les mesures pour leur résister, et pour
repousserleur agression car, la force est le seul
moyen qu'on ait, dans une contrée privée du
bonheur d'une législation protectrice.
Après avoir passé la nuit sous le couvert du
khan palissadé la caravane le quitta le 23 mars
au matin. Pendant toute cette journée, elle i!t
route dans des montagnes élevées, où il se trouve
des pins, des méléziers, et des arbres amis des
températuresfroides et elle suivit des chenuns
difficiles. Quelques uns étaient pratiqués en zig-
zag, ou formaient d'immenses sinuosités dans
tes flancs âpres des rochers tous étaient pro-
fonds, étroits, et minés par les eaux dont ils
sont les canaux; dans d'autres espaces, les che-
vaux avaient peine à se débarrasser des pointes
de rochers qui hérissent cette surface aride.
Il serait diincile de rendre un compte exact de
cette contrée, où il est très-pénible de voyager.
n y a des sources abondantes, et par conséqueut
quelques gorges cultivées. Les brigands qui
l'infestent sont ses propres habitans, qui existent
dans des cabanes isolées et disséminées de tous
côtés, sans aucune réunion en corps de villages.
L'amour de la rapine peut les rassembler momeu
tanément mais ils n'ont pas encoresongé à s'asso
cier, et à former aucuns noyaux de villages.
On peut enua comparer leur état à celui de tout
les peuples naissans, ou qui se trouvent sur un sol
Ingrat, ou bien soumis aux rigueurs d'un ciel
Inclément, semblable à celui qui avoisine le pole.
Les hommes de cette partie de FIHyrie ne con-
naissent que peu de besoins, et viennent, à cer-
taines époques, aux grandes foires de Casova
de Monastir, et de Prisrendi,,échangerquelques
denrées contre de la poudre et des armes. On
dit que la plupart professent la. religion chré-
tienne grecque, et qu'il se trouve peu de Mu-
sulmans parmi eux.
On coucha cette dernière nuit a une statina
éloignée de douze lieues de la première, où l'on
avait passé la nuit après avoir quitté Prisrendi,
et on la compta avec plaisir comme la dernière,
dans ce pays sauvage. Le lendemain, on devait
voir la fin de tant de fatigues et de dangers, et se
reposer en paix dans les murs de Scutari. Cette
seule idée fut l'entretien et le parégoriquele plus
excellent, pour charmer une nuit rendue plus
longue encore par le dénûment dans lequel on
se trouvait.
Le 2~ mars fut en conséquence la seizième et
dernière journée de marche des voyageurs de-
puis Constantinople ils étaient sur pied une
heure avant le jour. La caravane était prête )c
tatar n'ayant aucune occasion de boire; n'atten-
dait que le signal, et on s&nut en marche ~vant
le lever du soleil.
Même aridité pendant les premières heures de
marche, même aspect d'un terrain nu et hé-
t'Issé d'aspérités; même coup d'oeil enfin de mon-
tagnes, où l'on ne découvrait que quelques ri-
deaux de pins, qui se terminaient à l'endroit où
nnis~ait la terre végétale. Cependant on pouvait
s'appercevoir que les montagnes s'abaissaient par
des pentes douces, qui offrirent d'abord un peu
de verdure, et ensuite quelques pâturages. On
traversa plusieurs torrens et vers midi on arriva
au bord d'une plaine immense. A la vue de ce
tableau, qui parut vraiment délicie~ ~près le
pays qu'on venait de parcourir, et qui était effec-
tivement beau, les voyageurs éprouvèrentun plal-
sir extrême, sur-tout lorsqu'ilsdécouvrirentSco-
tari, située à l'extrémité occidentale de ce vallon.
Ce bassin magninque, dans lequel ils marchè-
rent pendant plus de quatre heures, est formé
au sud par un contre-fort du mont Scodrus, et
au nord par un prolongementde la même mon-
tagne, qui tous deux s'inclinantpar étages, ren-
Tironnent de collines fertiles. A mesure qu'on
approche de Scutari, on les voit couvertes d'ar-
bres fruitiers de vignobles et de jardins. Le
milieu du vallon est arrosé par une rivière pois-
sonneuse, et tout le fond est baigné par une
multitude de sources et de fontaines qui y por-
tent l'abondance, et y entretiennent une verdure
fraiche et déncieusf.
Le Dril on Drin coupe cette vallée un peu plus
au nord. Ce tleuve, qu'on peut regarder comme
le plus considérable de tous ceux de l'IHyrie t
a deux sources connues, .qui ont reçu les noms
de Drin Noir et de Drin Blanc. La plus considé-
rable, qui est celle du Drin Noir, se trouve sur
le revers septentrional des montagnes de Sagori~
d'où elle coule au nord, et forme, à huit lieues de
son or~ine, le lac Lychnidus ou lac d'Ochrida
d'où elle sort pour arroser un vallon fertile,
dans lequel elle reçoit le Drin Blanc. Cet autre
Drin tombe du mont Boras, qui est un des con-
tre-forts du Scardus et se réunit au Drin Noir*
à dix lieues du lac d'Ochrida. Confondùes dans
un même litetréunies sous un nom commun, les
eaux des deux branches du Drin roulent au nord<
ouest. Son cours alors sert de limite à l'Albanie
qu'il sépare de la Dalmatie, et borne lIllyrie;t
il reçoit enfin le tribut de mille ruisseaux et de
plusieurs rivières, qui se précipitent des monta-
gnes voisines du vallon qu'il baigne. Changeant
ensuite de direction il porte ses eaux au midi,
décrit une grande sinuosité à la hauteur de Scu-
tarl, et vient se décharger dans la mer Adriati-
que. On comptait autrefois sur ses rives plusieurs
villes renommées qui sont tombées dans l'obs-
curité cependant il en existe encore de très-
peuplées, où il y a des foires considérables, qui
appellent et réunissent une multitude de mar-
chands. Le pacha d'Ochrida gouverne et admi-
nistre une grande partie des pays baignés par
Drin.
le
Cett~ contrée fut spécialement le théâtre des C

exploits de Scanderberg,qui tint si long-temps


la puissance othomane en échec lorsque ses
armes étaient redoutables. Il subit ensuite diffé-
rentes révolutions, ayant passé sous la domina- =
tion de plusieurs princes qui fréquemmentarho- =:
rèrent l'étendard de l'insurrectiou. Ses habitans
sont naturellement fiers et belliqueux. Chrétiens
ou Musulmans, on les trouve toujours les ar- Õc
mes à la main Ils ne se sont jamais laissé sub-.c
juguer, et, remplis des idées de leur indépen-
dance, ils ne se soumettraientpas volontiers aux
lois qu'on voudrait leur imposer. Ils ne. counats-
sent qu'eux, et ils n'estiment rien plus que ce
qu'ils, possèdent. Pasteurs et guerriers, ils sont
riches en troupeaux, en fruits, en huiles et en =
miel. Les ruisseaux qui se déchargent dans le =
Drin du côté de la Haute-Ochrida, font que la terre =
se couvre d'unemultitudede fleursque d'innom-
brables essaims d'abeilles ne cessent de visiter
pour en extraire le miel, qui abonde de ce can-
ton, dans tous les marchés voisins. Onassureaussi
qu'il s'y trouve beaucoup de ruines de temples
et de monumens en marbre, avec d~s inscrip-
tions grecques et latines, qui appartiennentau
temps des empereurs romains. Mais comme ce
fait, qui me parait très-probable n'a pas été vé-
riaé, je n'en fais mention qu'avec circonspec-
tion, et seulement afin dedonner l'éveil au voya-
geur qui pourraitpénétrerdans cesvaUées incon-
nues, qui se trouvent aux portes de l'Europe.
La langue du pays est l'illyrienne, mélange
d'esclavon et de bulgare. On est surpris de sa
douceur qui prend encore un caractère plus
agréable, à mesure qu'on approchede la mer. Les
Monténégrins, les nations des bouches de Cataro,
et des montagnes qui forment des masses tumul-
tueusement entassées jusqu'à Raguse, sont les
seuls hommes qui. entretiennent quelques rela-
tions vers Ochrida et le Dnn autrement, tous
ces cantons sont peu visités et fréquentés. Ils
seraient cependant bien intéressans a voir, et
on ne peut trop encouragerune pareille entre-
prise on trouveraitde vastes forets à scruter
des montagnes à étudier dans leurs projections
et dans la nature des fossiles nombreux qui
se présentent dans presque toutes leurs pétri-
fications entin, on n'aurait pas à redouter les
dangers qui semblent devoir opposer un obsta-
cle invincible.Ce point a de plus Favantaged'étre
le chemin de communication de l'Esclavonie et
de l'Albanie, avec la Bulgarie et la Bosnie, et le
chemin par où les Monténégrins se proposaient~
dans ces derniers temps, de faire leur jonction
avec les Serviens.
<
CHAPITRE XXIX.

DESCRIPTIONDE SCUTARIET DE SES ENVIRONS.LAS


LABEATÏS, BOHANA. COUP DOEÏL GENERAL SUR
LA NATURE DES MONTAGNESDE LA GRECE ET SUR
LEURS RAMÏFïCATIONS. LACS DESSECHES.
ANTRES, ET LEUR ÉTAT ACTUEL.

JLBRAam gouvernait Scutari lorsque les


PACHA
Français y entrèrent. A peine fut-il instruit de
leur arrivée, qu'il les envoya visiter et les fit
loger dans un de ses conaks ou maisons, et or-
donna de les traiter magnifiquement. H expri-
mait ainsi le plaisir de voir les vieux alliés de
l'empire othoman et témoignait combien il
souhaitait un rapprochement pacifique que cet
élargissement des prisonniers faisait entrevoir
comme très-prochain. Enfin il ne cessa de leur
prouver, par les attentions qu'il eut pour eux,t
combien, dans tous les temps, il avait été l'ami
sincère de notre nation.
La ville de Scutari où les Français demeu-
rèrent pendant deux jours, remonte à la plus
haute antiquité. Son premier nom était Scodra,
et sa gloire fut grande dans le temps de rem-
pire romain et des deme!és de Pyrrhus avec le
Peuple-Roi.On voit dans l'Histoire comment elle
fut incendiée par le préteur Antius, et ravagée
ensuite par les Barbares, qui détruisirent les
monumens qu'elle renfermait. Après avoir été
colonie romaine, ville de guerre, elle passa,9
dans des temps plus modernes, sous le gouver"
nement de Georges, Stracim et Balda, de la fa-
mille royale des Balsiches dont un descendant,
nommé Georges, et qui fat seigneur de Scutari,9
de Lysse, de Drivaste et d'Antibare, transporta
la propriété à Amurat premier mais il y ren-
tra bientôt après en possession, pour une jeune
fille sa parente, dont il lit présent au sultan,
qui lui rendit Scutari à cette condition. Enfin,
ce prince inconstant céda -sa propriété au sénat
de Venise, qui en fut dépouillé par les guerres
qui eurent lieu dans la suite contre les Turcs..
Scutari se trouve à sept lieues de la mer, et à
cinq du Drin, qui a, dit-on, quitté un lit plus
voisin de cette ville. Sa situation est au nord
9
ayant à l'ouest le lac Labeatis, ou lac discou-
dar, d'où sort la rivière de Boiana, qui coule
ensuite à l'orient et puis à l'ouest, où elle se
jette dans le golfe du Drin. La plaine sur laqueB&
la vue de cette ville s'étend, est unedesplus belles
et des plu s richesdu monde, àcausedesafertillté~
des oliviers et des vignobles qui la couvrent. On y

~b~ez Histoire de Castriot,folio 5yt, édit. ta-8*.


voit une multitude de hameaux et de maisons
isolées, et par-tout on y remarque l'abondance.
La paix, la santé et une vie frugale, sont le par-
tage des paysans qui habitent ces beaux lieux.
Des coteaux verdoyans des montagnes couver-
tes debois au dessus desquelless'élèvent des crou.
pesâpres enfin, la vue lointaine des pics chargés
de neige, forment les perspectives les plus va-
riées dont on puisse jouir.
Le lac Labeatis, ou lac d'Iscoudar a environ
trois lieues de long sur une lieue et demie de
largeur. Il est formé par les eaux de la Boïana,
qui se trouvent encaissées au milieu des monta-
gnes, d'où elles se sont fait jour en minant, par
les secousses de plusieurs siècles, le col inférieur
de ces contre-forts qui se trouvent devant Scu-
tari. Il abonde en poissons de plusieurs espèces,
qui sont délicats et dont les habitans font un
très-grand usage. La Boïana participe aussi de
cet avantage, étant aussi poissonneuse que le lac
dont elle sort. Elle prend sa source cinq à six
lieues plus au nord-est et vient accumuler ses
eaux dans ce bassin, qui paraît n'avoir rien d'in-
salubre pour la ville qu'il avoisine.
C'est au milieu de cette position et dans un
lieu avantageusement situé pour être défendu,
que s'élève la ville de Scutari que les Turcs
appellent encore Iscodar, ou tscoudar. EMese
Jcploie sorun plateau et ami-côte~ avec la \.t-
riété et le coloris qu'offrent communémentles
villes opulentes de l'Orient. Son point le plus
élevé est couronné par un petit château bâti sur
le roc vif, et elle est composée de quatre fau-
0-:
tourgs, qui ont pris la dénomination commune
de Scutari. Ses habitans, en partie Musulmans et
en partie Chrétiens, des deux rites grec et latin,
sont au nombre de plus de douze mille.
Scutari a encore l'avantage d'être le cheHien
d'un pachalik, qu'on peut regarder comme le
plus considérable et le rival en puissance de
celui d'Albanie. Il .renferme la meilleure par-
tie du Drin, et tout l'espace qui se trouve sur le
revers des bouches de Cataro l'HIyrie propre-
ment dite jusqu'aux nouvelles frontières de
l'Allemagne et aux limites de Raguse. Il com-
prend enfin le rivage de la mer jusqu'aux envi-
rons de Durazzo, et le territoire enclos dans
une ligne qui partirait de ce point, pour se rat-
tacher à la chaine des montagnes qui s'élèvent =
an dessus de Tebeleni. Il y a dans toute cette
dernière partie des villes qui doivent être consi-
dérables, s'il est possible d'en juger par les mar-
chés qui s'y tiennent fréquemment.
Les Chrétiens du rite grec ont un évoque à =

Scutari, et ceux du rite latin y reçoivent les se-


cours spirituels et la morale évangéMque, par le
moyen de quelques pieux missionnaires, que la
cour de Rome envoie dans un pays ou ils on!.
phts à craindre de l'animosité des Grecs, que des
mœurs des Musulmans, dont l'habitude noNe
est de respecter les religions. La France protège
ces pieux ministres, comme elle le fait dans
toute l'étendue de l'Orient.
Tel est sommairement Scutari, et le coup
d'œil des pays qu'on parcourt depuis Constanti-
nople jusqu'à cette ville d'Albanie, lorsqu'on
prend la route du mont Prisrendi. J'aurais dé-
siré apporter une plus grande variété dans mes
tableaux, en les ornant des richesses botaniques
et naturelles que ces contrées présententde toutes
parts mais il a fallu me restreindre à un Itiné-
raire dans lequel il y a quelques détails géogra-
phiques d'autant plus importans, qu'on n'avait
rien sur çes parties du monde, ou que les faits
consignés dans les cartes étaient erronés. Ceux
qui viendront après moi, guidés par ce ni, pour-
ront ajouterd'autres cantons, aux points princi-
paux que j'ai indiqués.
Mais avant de m'éloigner de la Turquie d'Eu-
rope, avant de quitter la patrie du roi Glaucias,
qui, dit-on, régna dans Scodra, avant enfin de
saluer ces rivages célèbres par tant de hauts Ëuts,
fixons un dernier regardsur l'ensemble des mou-
tagnes de la Turquie d'Europe. La précision, la
rapidité de la narration, seront les moyens dont
je me servirai pour solliciter l'indulgence, en Er-
reur de la digressiona laquelle je me livre..
MONTAGNES DE LA GRECE.

Le sol de la Grèce, (sous ce nom je comprends


le Péloponèse, l'Attique la Thessalie la Macé-
doine, la Thiace et l'EpIre ) le sol de la Grèce,
dis-je, est généralement hérissé de montagnes,
tantôt couvertes de terre végétale, tantôt âpres
et nues et quelquefois chargées de neiges, que
le soleil ne fond jamais en totalité. Un petit nom-
bre sont granitiques, plusieurs sont schisteuses,
et la majeurepartie sont de nature calcaire. L'em-
preinte des volcans se remarque dans la plu-
part~ d'autres sont minées par des antres~ et
un très-petit nombre semblent reposer sur l'axe
immobile du globe. Enfin, leur nature est subor-
donnée à un système général, que je laisse à éta-
blir aux géologistes, en me contentant de faire
remarquer leur projection.
J'ai dit que le mont Orbelus était le point cul-
minant des montagnes de la Macédoine et que
le Scardus on Prisrendi le Scomius ou Despoto-
dag, enfin l'Hémus ou Balkan, n'en étalent que
des contre-forts. Mais ce géant, qui lance au loin.
de vastes rameaux, dont les sommets se perdent
au dessus de la région du tonnerre, n'est à son
tour qu'un rayon de la chaîne Alpine. C'est de ce
point élevé de notre globe, connu sous le nom
d'Aipes Noriqnes, qu'il faut partir pour suivra
le système général des montagnes: en examinant
la direction des sommets dans cette étendue, on
les voit venirserendre à l'Orbelus.
Cette montagne est, pendant toute l'année,
couverte de neige et son noyan principal est
granitique jusqu'à sa moyenne région, elle est
en grande partie recouvertede terre végétale. Ses
rochers sont le séjour des aigles. De ses flanes
s'échappent une infinité de sources qui sont le
principe des rivières et des fleuves qui vont se
rendre à la Méditerranée. Outre les chaînes prin-
cipales qne j'ai nommées, les rameaux inférieurs
de FOrhelus dessinent les vallons de la Thrace,
où coule l'Ebre embrassent les défilés de la Ma-
cédoine, et entourent le vaste bassin de la Thes-
salie. Quelques uns tombent par des pentes brus-
ques dans la mer d'autres s'inclinent et se
perdent à l'extrémité des plaines. L'Olympe,
l'Ossa, les montagnes de l'Attique,le Parnasse,
l'Helicon ne sont tous que des chaînes secon-
daires et des dépendances de l'Ôrbelus, qu'il se-
rait trop long de suivre dans ses inflexions et
dans ses contours. Mais il s'arrête là, et, loin de
se glisserdans le Péloponèse, par l'isthme de Co-
rinthe, il s'étend à l'ouest. La nature de ces mon-
tagnes diSère de la chaîne première. Dans quel-
ques unes, ou trouve des carrières du plus beau
marbre et dans d'autres, tous les produits com-
muns aux volcans. Les montagnes de la Béoiie
sont de cette nature. Celles dans lesquelles se
trouve l'antre de Trophonius exhalèrent long.
temps les vapeurs asphixiantes de feux souter-
rains et le souffle prophétique n'était sans doute
autre chose que cette propriété qui donne des
vertiges lorsqu'elle n'est pas poussée à l'excès.
On se sentait animé du dieu. la terre trem-
blait sous les pieds, et les forêts semblaient des-
cendre des coteaux
Mais les montagnes de l'Epire et le Pinde sem-
blent former un système isolé de l'Orbelus. Le
Pinde ou Mezzovo communiqueraitavec les mon-
tagucs de la Dalmatie, et il enverrait ses rameaux
pour ibrmer les monts Liacmons ou Sagoriens;
le Tomarus arrosépar cent fontaines', les monts
Acrocérauniens enfin le petit Pinde donnerait
naissance au groupe granito-calcaire de Souli. La
chaîne qui avoIsInel'Aréthon s'étage jusqu'aux
montagnes voisines de l'Achéloûs.
Les montagnes arides de l'Etoile, celles qui
bordent le golfe de Connthe ou qui hérissent
l'Acarnanie, sont des branchesduPinde.Celles de
l'Acarnaniepourraient cependant être justement
considérées comme forméesvolcaniquement, par-
ce qu'elles circonscrivent des entonnoirs pro-
fonds, sans aucun ordre, sans suite de rameaux

Tomarus MOM~ eeH«<m /<M~t~ cirea r~tce~, <Aeo~


pompo c~e&M~ Plin. Rist. Xat. Hv. tY, Chap. t.
et de contre-Sorts.Elles n'offrent qu'un amas con.
fus de vallées étroites, de sommets et de pointes,
elles sont presque généralement recouvertes de
terre végétale. On trouve des eaux thermales à
leur base et elles sont assez fréquemment agi.
tées par des tremblemens de terre.
Le Péloponèse offre un système qui lui est
propre, dans la projectionet dans la nature de
ses montagnes. Elles ne paraissent point dépen-
dre des Alpes à moins que le mont Pholoë ne
leur soit uni par quelque contre-fortsous-marin.
I~ordrc me paraît dépendre du mont Tricara,
qui s'élève entre Sicyone et Vostitza car je per-
siste à dire, que les montagnes de l'isthme de Co-
rinthe ne sont pas le point de communication.
Le mont Tricara dont le revers septentrional
forme, par une pente assez rapide, le rivage du
golfe de Lépante, est coupé d'une infinité de tor*
rens qui sont si considérables dans le temps des
pluies, qu'on ne peut les traverser sans danger. Il
envoie d'abord un rameau occidental qui s'étend
du côté de Calavrita, et dont les contre-forts for-
ment les vallons de l'Achaie il s'élève ensuite
pour développer le mont Vodi, et là commence
le Pholoë. Au centre de la Morée, le Pholoë jette
un rameau qui crée le Menale on Rome, dont la
direction est nord-sud. Il s'attache au Borée, au
Chelmos, et il est contigu par ses embranche-
~icus, avec le Taygète et le mont Yourcano~ qui
embrassent la Messénie. Le même Tricara forme
les groupes montueux d'Argos, l'ArtemIsius, le
Partbénius et le Tornika. Il envoieune troisième
branche, qui forme le côté oriental du vallon
d'Argos, ainsi que les montagnes de laTresteme
et de l'Hermionide.
Cette division, et cette coordonnance,qui est
la moins vicieuse qu'on puisse exposer., m'a sou-
vent embarrassé, lors même que, tes yeux fixés
sur les montagnes de la Morée 4 ressayais d'em
démêler le chaos. J'étais surpris de remarquer
le Taygète avec des traces volcaniques, et de
trouver le mont Chelmosgraniteux. Enfin, cet
amas de rochers entassés confondit, plus d*nne
fois les idées d'ordre et de régularité que
je voulais appliquer à ce que je voyais. Je ne
pouvais sur-tout rattacher à aucunes grandes
chaînes extérieures les plus hautes montagnes
qui ne sont que des sommets sans suite et sans
ensemble.Si je jetais les yeux au dessous du mont
Tricara, je n'appercevais que des gorges pro-
fondes et le Taygète seul, malgré ses saccades
et ses coupes,me parut une montagne régulière.
Je le suivis dans sa directionjusqu'au cap Mata-
pan, où il se termine par une innnité d'écuells,
qui se prolongent au loin sous les eaux de la
mer.
J'avais fait une observation. que, depuis, j'ai
eu fréquemment oacasion de vérISer, c'est que
les rameaux secondaires des montagnes sontp]ïM
sujets aux secousses volcaniqués et aux trembie-
mens de terre, que les grandes masses. Cepen-
dant il y a des exemples assez rapprochés qui
prouvent que le Pinde les monts Acrocëran-
niens, le Taygète et les chaînes du Balkan, ont
tremblé sur leurs bases mais toujours, comme
je l'ai dit, à l'automne, et sur-tout pendant la
nuit. Les commotions dont je me suis apperçu,
ont eu lieu quelques heures avant le lever =' du
soleil. Mais de ces phénomènes ëpars, je ne pré.
tends tirer aucune induction; et j'abandonnerais
même mon exposé des projections, si je n'avais c:

J'ai observé que les Alpes et les Apennins tremblent


fréquemment, et que les terres sont ébranlées plus son-
vent en automne et au printemps. qne cela arrive plus
ordinairementla nuit que pendant le jour j'ai pareille-
ment reconnu que les plus grands tremblemens arrivaient
le matin et le soir, qu'ils ont lieu dans les éclipses de so-
leil et.de lune, car les vents sont alors assoupis, sur-tont
lorsque des chaleurs suivent les pluies, ou que la pluie sac-
cMe aux chaleurs.
Exploratum est Mt~Ï~~OM, ~CFMMKMm~Me ~<~<M~ tre-
muisse, et aMtKMMo oc vere ~err<B crebrius mofeK<M'~si-
CM~~MH~~M/MtCa. Item MOCfe ~OB~tM~,~MCtM M/C~M
ma.CMtt autem motus C-M~Mtt matutini, vespertinique
~cyMM~M~luce crebii, interdiù autem circa meridiem
~ct<f et ~o/M &MM~me <c<K ~MonMm tempestates tunc
fo/MM~ar~Be~M ~crô, cum sequitur imbrem <B<Mft
!m&c~fc<B~<M. PHm.Liv.ïv.
en ma faveur l'observation que j'ai faite avec
constance.
LACS DESSECHES.

On ne peut pas révoquer en doute que la plu-a


part des valléesde la Grèce n'aientété autrefoisdes
lacs, et cette assertion, qu'un examen. rigoureux
et suivides différens bassins de ce pays rendraitin-
contestable, infirmerait l'opinion des voyageurs
qui ne voientpar-tout que l'empreintedesdéluges.
0
Elle s'accorderait en même temps avec le silence
des plus célèbres auteurs, qui n'ont jamais fait
mention de ces phénomènes que leur muse ou
leur burineussent exprimés & grands traits. Croit-
on sur-tout qu'Homère, qui nous a donné pres-
que tous les tableaux de la nature, aurait oublié
le déluge de Deucalion? Hérodote qui nous ap-
prend que le plan de l'écliptique fut parallèle à
l'équateur,et qui recherchescrupuleusement jus-
qu'aux fables les plus anciennes de la Mythologie,
aurait-il oublié un déluge? non sans doute. De-
puis Ovide seulement, on a vu des descriptions
de submersions générales, des tableaux d'inon-
dations qui ont englouti l'univers
S'il en a été ainsi, s'il a existé une semblable
catastrophe comme l'autorité divine nous l'an-
nonce, je doute que nous lui devions rapporter
toutes les pétrifications qui se présentent à notre
observation il y a une autre manière d'expli-
quer ces merveilles de la nature mais cet oit*
jet appartient à un ouvrage théorique, et non
pas à la relation d'un voyageur, qui doit seule-
ment faire mention de ce qu'il a vu.
Je ne sais si, comme le dit Lucam et plu-
sieurs autres écrivains anciens, je ne sais, dis-je,

« La Thessalie,dit-11, du côté oh le soleil se lève en"


vironné des frimas de l'hiver, est ombragée par le mont
Ossa; mais lorsque l'été promène le char du dieu du jour
au milieu et au plushaut du ciel, c'est le mont Pélion qui
s'oppose aux premiers traits de sa lumière. Au midi s'élève
l'Othrix couronné d'épaisses forêts, qui défendent cette
contrée de la rage du lion céleste. LePindc, au couchant,
lui sert de barrière contre le Zéphyr et l'lapis; et les peu-
ples qui vers le nord habitent au pied de l'Olympe, soat~tà
couvert des aquilons et ne savent pas que les astres de
l'ourse brillent toute la nuit au ciel. Les plaines que ces
monts environnent étaient jadis cachées sous les eaux,
avantqu'a travers le vallon de Tempé, les fleuves se fussent
ouvertun passage pour se jeter au sein des mers. Ils ne for-
maient qu'un lac immense leurs eaux s'accumulaient ait
lieu de s'écouler. Mais quand le bras d'Hercule eut sépare
l'Ossa de l'Olympe, et que Nérée entendit la chute de ces
torrensnouveauxpour lui, alors sortit de sous les eaux cette
PharFale, que les dieux auraient du laisser à jamais submer-
gée. On vit paraître les champs de Philacé, où régna le
premier des Grecs qui descendit au rivage Troyen; et ccu::
de Ptélée, et ceux de Dorion, qui depuis ont été célèbres
parle malheur de Thamiris, le rival des Muses; et Tra-
chine, ou s'exila Hercule; et Mélibée, la patrie du com-
pagnon de ce héros ,de Phlloct~te,héritier de ses ftccbc!}i
si la Thessalie, avant d'être couverte de prairies
ttd'habitans fut un vaste lac mais, en exami-
nant !e cours-de la Sal~mbna son encaissement
dans la vallée de Tempé la direction de deux
contre-forts que les eaux semblent avoir brisés
pourse décharger danslamer, on pourrait assurer

et Larisse, autrefois puissante sous le rëgno du vaillant


Achille; et ces campagnes oh florissait Argos, couverte
aujourd'huide moissons et cette Thèbes fabuleuse, dont
on nous montre encore la place, Thèbes où la malheureuse
Agavé ensevelitla tète de Panthée, de ce fils qu'cUe-même
avait immolé dans un accès de ses fureurs.
Les eaux de ce marais immense s'écooiercnt d'âne par d!-
vers canaux, et formèrent autant de fleuves le pur et &iMe
JEas qui, de son humNe lit coule dans la mer d'Ionie et
l'Inacchus père d'Isis qui n'est pas plus fort que l'JEas et
l'Acuélous,qui se vit au moment d'être l'époux de Déja-
nire et l'Evèae, qui fut teint du sang de Nessus, et qui tra-
verse Calydon~la patrie de Méiéagre;et l'Amphrise,doM
les claires eaux arrosent les prairies ou Apollon, berger
garda les troupeaux d'Admcte et l'Anaurus, d'ou jamais
il ne s'élève aucun nuage, et que les vents n'osent trouNcr
et nombre de fleuves inconnus au dieu des mers, qui ren-
dent au Pénée le tribut de leur onde. L'Epidane se jette à
flots précipités dans l'Enipc, qui ne devient rapide qu'm
s unissanta lui l'Asope reçoit dans son sein le Phénix t't
le Mêlas; leTitarèse se joint au Penée; mais sans se con-
fondre avec lui, il coule le long du rivage on croit qu'il
prend sa source dans les marais duStyx; que; fier encore
de son origine, il dédaigne de meift' ses ea~x avec ccHea
que ce bassin fut anciennementun lac. Il servie
possibled'en direautant des plateaux qu'on trouve
dans les montagnes, qui n'ont qu'une étroite on*
verture par laquelle les eaux se précipitent, en
formant des cascades. La plupart de ces embra-
sures, sont évidemment l'ouvrage de l'eau accu-

d'un fleuve obscur et qu'il est craint des dieux comme le


Styx lui-même.
Dès que ces fleuves écoules laissèrent à sec les cam-
pagnes, divers peuplés s'empressèrentà les venir cultiver:
de ce nombre furent les Maguètes, inventeursde l'art de
dompter les chevaux, elles Miniens, constructeurs cëIÈ-
hres du vaisseau que monta Jason. Ce fut aussi dans les
antres des montagnes de Thessalie que la nued'Ixion en-
gendrales Centaures,tels que Monichès qui brisait les durs
rochers du mont Pholoë; Rhëcé qui, du haut de l'Etna,
lançait des chênes qu'il arrachait du sommet de cette
montagne, et que Borée à peine aurait déracinés;et Photo
qui se glorifiait d'être l'hôte du grand Alcide; et toi
Nessus, que ce héros perça de ses Sèches empoisonnées
et toi, sage Chiron, qu'on voit briller au ciel vers le pole
glacé de l'ourse, l'arc tendu sur le scorpion. Cette même
terre a produit toutes les semences de guerre ce fut là que
du sein du roc frappé du trident de Neptune, s'élança le
coursier, présage des combats; ce fut la qu'il reçut de la
main du Lapithe le premier frein qui le dompta qu'il
rongea le mors pour la premièrefois, et couvrit d'écume
les rênes. Cefut de là que le premier vaisseau qui jamais
ait fendu les ondes, emporta l'homme audacieux loin de
la terre, soaëtémeut, sur l'abîme inconnu de~ mers. Ce
Mulée, qui, agissant sur une pierre calcaire OK
schisteuse, aura fini par la miner par l'user @t
se frayer ainsi un passage.
La nature n'a pas suivi en cela une marche
uniforme, en attaquant la digue la plus déclive
elle a quelquefois dirigé l'effort du fluide vers le
fond du bassin. J'ai dit qu'au dessus dû Delpbes i
dans le mont Parnasse, on voyait une fontaine
jaillir du pied d'un rocher, et couler à travers uu
plateau, qu'elle transformeraitbientôt en un lac,f
si elle ne s'échappait, dans l'antre Corycins i
par une déchirure de ce même plateau Elle a
donc, par son séjour, usé lavoûte du Çorycius+
par où elle s'est formé une issue, d'où tombe
la cascade, qui donne naissance au Plisthus
fleuve connu et renommé dans l'antiquité.
Les montagnes du vallon du Céphise offrent

fut encore un roi de Thessalie Itonns, tlui apprit MX ha<


mains fondre les métaux dans d'immenses fournaises,à
façonner leur masse brute socs les coups des marteaux br&-
laas, faire de l'argent et de l'or les signes mobiles des 0
richesses,et calculer lenr valeur secret fatal qui &tt pour
les peuples une source de guerres, de malhenrs et de c.

crimes. La Thessalie avait anssi engendré le serpent Pi-


thon et ces deux enfans d*Aloée, dont l'impiété seconde
la révolte des Titans lorsque sur Pélion qui touchait
presque au ciel, Ossa fut encore entassé, et coupa la route
des astres. M

~o~<MTome second,page 35.


;<
dans leurs pétrincations, des coquillages fluviati-
les.etneprésententriendecequiappartientessen-
tiellementaux mers. Le lac Copaïs les marais de
Marathon,ont des issues et des égouts par où leurs
eaux s'épanchent.Enfin soit qu'on porte ses re-
gards sur la Locride, soit qu'on considère la Macé-
doine, on voit, dans la direction des bassins, dans
la projectiondes montagnes qui les environnent,
le typedelacsanciens, qui, maintenantdesséchés
et ornés par les siècles, de tout ce que la nature a
de plus riche et de plus varié, offrent à l'homme
des trésors et des bosquets enchanteurs. Colonne
présente encore quelques vallées délicieuses où
lerossignol forme d'agréables concerts la Thes-
salie déploie des plaines riantes, et les bords du
Céphise possèdent d'agréables hameaux.
Si je passe ensuite à examiner les lacs dessé chés
du Péloponèse,je vois que le plus moderne est ce-
lui d'Argos. La nature des marais, le terrain pro
preala cultureduriz,les eaux stagnantesquiavoi-
sinentencore Mycènes, meconnrmentdans mon
opinion. L'éruption des eaux dut se faire vers
l'embouchure de l'Erasinus car, les bords voi-
sins de Thyrinte sont trop élevés; maisjene crois
pas que depuis cette évacuation,les hauteurs en-
vironnantes soient devenues arides. Argos dat
toujours être entourée d'un terrain sec et peu
fértile excepté du côté de Némée on voit des
yignobles dans toute cette partie,et sur les poin'
<tom!nans qui s'élèvent à l'ouest. Le parallèle de
ces montagnes, celles qui bordent le golfe Saro<
nique, sont verdoyantes et couvertes d'oliviers
elles procèdent par amphithéâtres, dont la direc-
tion est nord-sud, depuis le mont Polyphengo~
jusqu'à Corinthe.
L~ partie de l'isthmeconnuesonsie nom deRo-
'nianie, ne présente que des entonnoirs,et par-tout
le coup d'œil d'un terrain volcanisé~ dans lequel
on reconnaît l'action des feux souterrains.
Le bassin de la Laconie dut être long-temps
couvert d'eau. Les cataraetes qu'on trouve dans
l'Eurotas au dessous d'Amyclée, et celle plus
voisine de son embouchure, qui existe au dessous
d'Apidane, attestent l'action des eaux sur les
barres, qui s'opposèrent à leur cours. Je ne sais si
ce vallon put jamais être considéré comme le cra-
tère d'un volcan; mais ce même cratère dut être
long-temps recouvert par l'Eurotas, qu'on peut
à plus juste titre, regarder comme un torrent
que comme un Neuve.
La Messénie et l'Elide furent toujours des
pays ouverts. Le vallon de Calamatte n'est
point bordé de montagnes du côté de la mer$
l'Elide va en inclinant dans la direction du sud
en sorte que d'Andritzéna, et des villages qui
avoisinent les rives de l'AIphéc, on découvre la
mer, qui ferme presque par-tout l'horizon, dans
)a partie du midi.
Mais le vallon de FErimantbe, aujourd'hui
connu sous lenom d'AtzIeolos, a Nécessaire-
ment dû être couvert par les eaux, dans l'espace
compris entre Ï)imizana et la montagne d'où
H tire sa source. Le fleuve tombe par une cas-
cade, d'un plateau élevé, qu'il dut couvrir de ses
eaux il remplit, après cette éruption, un second
plateau, et il s'échappe d'un troisième pour ar-
roser le vallon. Rien de plus imposant que !a
perspective de ces bassins couverts aujourd'hui
d'arbres et de forêts, d'où l'Erimanlhe se préci-
pite. On retrouve encore des petits lacs dans ces
lieux, qui jadis furent ensevelis sous les eaux
Les gorges de Calavritta,la plaine deMantinée,
ont des -gouffres qui reçoivent les eaux dont
elles seraientbientôt couvertes, si elles ne se fus-
sent creusé ces issues, ou si quelque grande ré-
solution arrivée dans le globe, ne leur eut ouvert
quelques antres souterrains, ou quelques canaux
inconnus,par lesquels ils vont former des lacs,
ou se déchargerdans !a mer sans être apperçus,
Le plateau de Tripolitza, qui est sans contre-
dit le plus élevé de toute laMorée, dut être au-
trefois un vaste lac, qui communiquaitavec Man-
tinée. On y voit même encore pendantl'hiver,
des étangs qui se perdent insensiblement et avec
le retour de l'été, dans des cavernes souterraines,
dont la nature du sol atteste l'existence. Les goni~
~yes del'AIphéc, qui se trouvent au pied du mont
Borée,à l'endroit où j'ai indiqué la chaussée
quoiqu'encombrés de vase et d'alluvions, débar-
tassent encore la plaine de ce côte, en donnant
nue issue à ses eaux.
En6n, dans l'Albanie, la même empreintedes
lacs se montre à chaque pas, et sans FAchéron
t
qui n'exhale plus de vapeurs méphitiques les
Champs-Elysées seraient submerges. Sans doute
que cette issue dut son origine aux feux souter-
rains qui existent sous le lac, et dont les secous.
ses font trembler toute cette partie de la Grèce.
Mais, qui en connaît l'époque ? Il est encore pos-
sible que FAchéron exhalât une fumée sulfu-
reuse car il dut son ouverture aux ébranlemens
d'un volcan, qui avait creusé des cavernes pro-
fondesdans les entrailles de la terre. Mais quand
l'Achéroneut rempli ces vastes cavités, regardées
comme les sombres demeures de Pluton,les eaux
se urentuneou plusieurs issues. Je dis qu'elles se
firent plusieurs issues, car la rivière de Vélistri
ue donnant point une quantité d'eau égale à celle
que FAome engloutit, on peut justement soup-
çonner l'existence d'autres issues qui se ren-
draient directement dans le golfe d'Ambracie.
On pourrait, et jp l'indique ici pour ceux qui

Voyage MtMot~e, Tomt. Ï.


Pline le dit positivement. ~<M:M~tantôt et
<tf<&«~ <C/t«~M. fMN. ,€!Mp. Uv. tV.
~ra
visiteront l'Albanie vériner facilement d*on
c
sortent les eaux de i'Achérusie. Quelques sub-
stances légères, mais en grande quantité, qu'on
jetterait dansrAorne,pourraientservirdemoyen
de reconnaissance.Je sais qu'on a prétendu apper-
cevoir à Véïistri des débris de plantes qui ne se
trouvent que dans l'Achéron; niais, ouh'c que
ceux qui ont observé ce phénomènen'ont pas la =

meilleure manière possible de voir il doit exis.


ter plusieurs issues, qu'on reconnaîtrait par ce.
procédé aussi simple que facile, il serait égale-
ment à propos de déterminer l'élévation des
Champs-Elysées au dessusdu niveau de la mer, c

et l'eJevation respective de ce point avec Vélis-


tri. Enfin respectivement au Cocyte, il faudrait

si.
envisager les rapports du Pinde avec l'Achérusie,
et faire une &)ule d'expériences, dont le succès
Ne serait pas contrarie

DES ANTMS <W CAVERNES DE t'A 6RECE ET DB


t.EUR ~TAT ACTPE~

Les antres de 1~ Grèce ont cessé, depuis pini


sieurs siècles~ d'exhaïer nn souflle prophétique.
Le Trépiedde Delphes,et la ï~thie, ne rendaient
Plus d'oracles long;temps avant Ïa ruine du culte
des dieux. Enfin pour parler le langage de Ï~
physique, les exhataisons volcaniques ne sor~cu~
plus des cavernes auxquelles elles donnèrent aju-
trefois une célébrité si grande et si peu mé-
ritée.
Ces cavernes étaient en grand nombre, et on
ne peut révoquer en doute les phénomènes
qu'elles présentaient. De toutes parts, on ne par-
lait que des miraclesqu'elles opéraient, et des se-
çrets qu'elles faisaient connaître. L'antre de Cory.
cius avait ses dieux; mais il était privé de ses ex-
halaisons, long-temps avant plusieurs autres an-
tres de la Grèce. 11 devait sa célébrité, parce
qu'il avait servi d'asile aux habitans de Delphes,
lors de l'invasion des Perses, sous la conduitede
Xercès. J'ai dit qu'il était arrosé par l'eau d'un
plateau supérieur qui s'y précipite; mais sa fraî-
cheur, l'air qu'on y respire, la douce lumièret
qui y entretient une ombre favorable aux mys-
tères, lui mériteraientencore le surnom d'antre
des Nymphes 1
î
II y avait aux environs plusieurs cavernes, où
les Grecs avaient élevé des autels aux dieux, et
çes lieux sacrés existent encore, ou ne sont obs-
trués quepardesattérissemens<
Plutarque, aussi grandobservateurque géogra<
phe, nous apprend que de son temps, tous les
oracles de la Béotie avaient cessé, a la réserve de
celui de Trophonius. C'est nous dire en d'autres
termes, que les feux souterrains n'existaient plus

Pansamas, Liv. x de la Phocide.


au dessous des cavernes, et n'y envoyaient plus
leurs vapeurs enivrantes. Mais Trophonius
jouissait encore de cette prérogative, et Pausa-
nias en fit l'essai sur lui-même.
Cet auteur, qu'on ne peut trop exalter pour sa
précision, entre dans les plus petites particulari-
tés sur les cérémonies qu'on pratiquait envers
<:eux qui se présentaient pour consulter l'oracle,
avantde les admettre dans la caverne sacrée. «Les
ablutions, les libations, Fadorationdela statue
du dieu faite par Dédale, étaient les préliminai-
res d'usage. On arrivait ensuite à cet antre, qui
était dans une montagne an dessus d'unbois sa-
M cré. L'entrée était semblable à un four, ayant
? quatre coudées de largeur sur huit de hauteur,
et il n'y avait point d'escalier pour y pêne.
trer. On se servaltd'uneéchelle pour descendre
dans une fosse, d'où l'on glissait alors, par nn
» trou, au fond de l'antre dans lequel on était en.
tramé avec rapidité. Alors l'avenu* était révélé
Lemêtneàuteur fait mention d'un satellite de
Démétrius, homme impie qui trouva la mort
?) dans ce lieuredoutable, parce qu'il était venu,
moins pourconsulter l'oracle, que pour empor
ter l'or et l'argent qui s'y trouvaient. Son corps
? fut jeté hors de la caverne par une autre issue
que l'ouverturesacrée, par laquelle on descend.
)) Il parait qu'on était quelque temps à reprendre
ses esprits, et Pausanias termine, en disant qu'il
rapporte ce qu'il a vuarriver aux autres, et ce
qui lui est arrivé à lui-même
L'antrede Trophonius a été reconnu de nos
jours par M. Fauvel; mais il nous en manque'une
bonne description. Cependant on peut assurer
qu'il est muet, et que la Pytbonisse,qui prédit les
malheurs de Fharsale, fut la dernière voix qui
retentit sous ses voûtes,maintenant silencieuse~.
La Morée possède des cavernes en grand nom-
bre le Mega Spileon de Vasilico est connu on
sait que la forêt de Némée et les environs en ren-
ferment, plusieurs, Le mont Pholoë aujourd'hui
Dimizana recèle souvent dans ses antres les
bandes de Laliottes que les soldats du pacha ne
peuvent atteindre dans ces retraites profondes.
LemontMenale,quoique calcaire,enaplusieurs,
où l'eau filtre continuellement. Le Taygète ne ré-
pond avec tant d'éclat au bruit du tonnecrs~ que
parce qu'il est étagé Sur des antres, du fond des-
quels la voix de l'écho répond aux commotions
du ciel enÛammé, par les foudres qui sillonnent
les airs. Ënun, le cap Ténare, au pays des Ca-
covouliotes, est rempli d'une si grande qnanthé
de cavernes que c'est une chose prodigieuse à
concevoir °. Les unes servent de retraite aux pho-
ques qui viennent s'y reposer les plus com-

Pimsanias, Beot., Liv. M.


~o~e.: Pièces justificatives, tome second.
modes sont habitées par les scélérats qui peuplent
cette côte inhospitalière, une partie sert de ci.
ternes enfin, il y en a de si profondes, qu'il n'a =
pas été possible d'y pénétrer.
Ces lieux, emblèmes de la demeure des om-
bres, avaient fait croire aux anciens que les
antres du cap Ténare étaient la bouche des
Enfers. C'était par là, disaient-ils, qu'Hercule
avait pénétré sur les bords ténébreux où rè-
gne une nuit éternelle Ils racontaient les prodi-
ges dont il fut témoin et les dangers auxquels il
fut exposé. Aujourd'hui la même idée subsiste
sous un autre nom. C'est par là, répètent les Ca-
covouliotes que Saint-Michel descend am{
enfers pour retirer les ames des justes. Chaque
fois que Satan ose se montrer la lance fou-
droyante de l'Archange le contraint de se re.
plonger dans ces antres. Tel est le préjuge
subsistant que toutes les voix répètent, et
qui n'est point un vam mot pour les Cacovou-
liotes.
Il sert au naturaliste à prouver l'existence de
cavernes dans le cap Ténare et qui mén-
tcraient de nxer l'attention. Il serait encore
possible de la satisfaire; car le pays quoique
inhospitalier peut être parcouru, si on voulait
l'entreprendre.
On ne dit rien de l'antre du Styx,ou plutôt,
n'ai pu savoir quelle était l'opinion des LaIioMe&
sur son existence peut-être n*a-t.elle pas nxe
leur attention.
~Albanie possèdeaussi des cavernes,sur-tout
dans les montagnes de la Chimère, et on pour-
rait y trouver la source de l'Eau Royale, dont
Pline fait mention

CHAPITRE XXX.
DÉPART DES FRANÇAIS DE SCUTARI. ANTIVARt
DULCIGNO. –IDEE DE CETTE CÔTE. MONTENE-
GRINS. BOUCHES DE CATARRO. ARRIVEE A.
RA&CSE.

ApRES avoir séjourné deux jours Scutayi 1~


Français obtinrent du pacha qui commandait
dans cette ville la permission d'en partir. Ils
avaient eu à se louer dé l'accueil qu'il leur avait
fait, et il donna ordre qu'on leur fournit un ba-
teau au port d'A.ntivari, où ils devaient s'em-
barquer, pour se rendre à Raguse.
Ils quittèrent en conséquence le 27 mars le
Pt.m., Liv. iv, Chap. i.
Pline l'appelle une ville Romame. Oppidum ctfMtt
RomanoK<nt~cordMt, d/M~ xvm, M. ~<M~. éloignée de
dix-huit mille pas de la mer, et il dit qa*eUe s'élevait au
dessus du Drin; ce qui justifierait ce que )'aï rapporte,
sur le changement du lit de ce fleuve. PMtf., H:st. Nab
Liv. Ht, Chap.xxtt.
chefJiett du dernier pachalik qu'on trouve de
ce côté. Ils parcoururent, en sortant d'Iscodar
ou Scutari, le reste de là plaine qui s'étend au
pied'du revers méridional des Monténégrins, et
au bout de quatre heures de marche, ils arrive*
rent à Antivari.
Cettevilleest situéesur unemontagne escarpée,
a unelieue et demiedurivagede la nier, et c'est la
dernière place de l'Albanie turque. Elle a reçu le
nom d'Antibari dont les Grecs à cause de leur
prononciation~ ont fait Antivari, parce qu'elle se
trouve précisément à l'opposite de Bari, qui s'é-
lève dansla Pouille,sur l'autre rive du golfeAdna'
tique. On peut distinguer de fort loin Antivari, à
cause de son enceinte et de sa situation pittores-
que, qui semblent Isolées dans les airs. Elle n'est
guères peuplée que par des Turcs; mais les vil-
lages de la côte qui sont nombreux, sont habités
par des Chrétiens des rites catholique et grec.
Sur toute cette côte, depuis Raguse jusqu'aux
montagnes de la Chimère, on trouve un assez
bon nombre de Chrétiens de la communion ro-
maine. On y remarque même quelques traces
du séjour des Catalans, qui, comme on sait, fu*
rent en possession de ces rivages, dans le temps.
où ils passèrent au service des Paloléognes qui
gouvernaient l'Orient. C'est à leur communica-
tion, sans doute, qu'il faut attribuer l'existence
des catholiques qui habitent ces plages, d'où ils
s'expatrient pour s'enrôler sous les drapeaux
de Naples. L'impression des Catalans ne s'est
pas encore effacée, et c'est à elle sans doute
que tient l'instinct qui appelle les habitans de
la Haute-Albanie sur le territoire de la Pouille
et de la Calabre. C'est aussi la première terre qui
frappe leurs regards et quoiqu'elle ne soit pas
beaucoup plus riche que celle qu'ils habitent, ils
envient le bonheur de ses habitans.
Antivariest l'échelle de Scutari, et l'entrepôt
des denrées du vallon du Drin. Outre les den-
rées communes à toutes Jes autres parties de la
Grèce, il en sort une assez grande quantité de
peaux de chèvres, qu'on tanne à Scutari, et qui
sont vendues dans le commerce, sous le nom
de cordouans.
Les Français, après avoir fait les dispositions
qu'ils jugèrent convenables, et ayant toujours
leur tatar avec eux, mirent le même jour à la
voile; ils sortirent du golfe du Drin, et, laissant
derrière eux le promontoire Nymphœum !es
cendres de l'antique Lisse, et Fancienne Olchi-
nium appelée aujourd'hui Dulcigno ijs cin-
glèrènt vers Raguse.
La ville de Dulcigno, où l'on désirerait voir

Les villes romaines de cette côte, étaient R.Iiit!mium e


~utua, Ascrivium, Olchtmum ,<pu fut avant appelée Col-
chinium, parce qu'elle avaitété fondée par des habîtaM de
Colchos. PuN. Liv. tH ,Chap. xxH.
flotter l'aigte germanique, parce qu'elle ren-
drait la côte plus sûre, est habitée par six mille
pirates qui se disent marchands, et qui vivent,
t
comme ceux d'Alger, du produit de leurs bri.
gandages. L'étranger n'approche point de leur
port, et le navigateurqui se trouve dans ces pa-
rages doit veiller et se tenir sur ses gardes car
à peine estait nuit, que les avides Dulcignotes
et les habitans de ces bords sauvages, se jettent
dans depetités barques poursurprendre un navire
qui reposerait dans une fatale sécurité. On sait
trop qu'il n'y a pas dequartier avec ces barbares,
et on doit faire des vœux pour que la nation
loyale qui occupe la Dalmatie purge un jour
le sol d'Olchinium des brigands qui le souillent
par leur présence. Cette ville eut bientôt dis
paru aux regards des voyageurs, qui cinglaient
vers Raguse.
Au delà sur ces côtes étrangères, règne en
<;ore la barbarie, et avec elle les brigandages et
les désordres; mais ce que la nature n'oRreen
aucun pays du monde, c'est un port semblable
au golfe Rhizonique, ( Rhizonicus sinus ) plos
connu aujourd'hui sous le nom de Bouches de
Catarro. Qu'on se représente trois vastes bassins,
qui s'étendent au loin dans l'Intérieur des ter-
res en ne communiquant que par des passes
susceptibles d'une défense régulière, et on aura
une idée des ports de Catarro. Qu'on jette enfin
un coup d'oeil sur les plans de Cordnelli, quoi-
que défectueux, et l'imagination snfnt à peine
pour embrasser les détails de tant de merveilles 1
Des flottes entières peuventtrouver un abri dans
ces vallées profondes où la mer s'engouffre et,
des contre-forts de montagnes âpres, où il n'est
pas vraisemblable qu'il existe autre chose que des
forêts ou des pâturages, on peut voir tout it coup
sortir des escadres et l'appareil de la guerre. Des
pentes sublimes circonscriventles ports de Catar-
ro, et des peuples intrépideshabitent les plateaux
qui les avoisinent. Par-tout la nature a déployé
un caractère imposant, un ton de grandeur qui
n'est marqué par aucunes imperfections. Enfin,
on doit regarder les bouches de Catarro comme
le port le plus important de la mer Adriatique,
et c<ntsidérer cette mer comme le domaine de la
puissance à qui il appartiendra. H sera inutile
d'en détailler les autres avantages sentis et ap-
préciés, et que l'Allemagne, en possessionde ce
point, fera sans doute connaitre.
A l'est des bouches dé Catarro ~'élèvent les
montagnes habitées par les Monténërins ou
Monténégrins. Peuples superbes et braves, ils
ne respirent que la guerre. L'état demi-sauvage
dans lequel ils existent, la vue de leurs monta-
gnes et des mers qui viennent se briser avec fra-
cas contre les rivages acores de la Dalmatie,
enfin, le tumulte des démens, font leurs délices.
Restes inaltérés des anciens Illyriens, la plupart
professent le Christianisme et tous n'admirent
que l'indépendance!Us fuient quelquefois cepen-
dant les lieux qui les ont vus nattre, pour passer
au service des empereurs de Russie mais leur
tempérament résiste difficilement à un change-
ment de climat et la plupart succombent,
quoique moins mal nourris et mieux traités
qu'au sein de leur famille.
Au delà des bouches de Catarro, les voyageurs
virent quelques écueils connus et mentionnes
sur toutes les cartes. L'Adriatique ne leur offrit
point ces tempêtes dont elle est si souvent ag!-
tee ils jugèrent par le grand nombre de pa-
villons impériaux qu'ils rencontrèrent, comment
la maison d'Autriche prospère par les conces-
sions qui lui ont été faites dans ces derniers

C'est une vérité reconnue, que les montagnards et les


hommes qui,
par leurs habitudes, sont très-près de la na-
ture, ont la plus grande peine à s'acclimater.
Le Lapon ne peut vivre hors de son pays. Les habitans
des montagnessont sujets aux nostalgies, et les Savoyards
font ordinairementde graves maladies en arrivant dans nos
trilles,quoiqu'ilssoient mieux nourris que chez eux.
L'hommedes villess'acclimate plusfacilement à la cam-
pagne, que celui de la campagnedans les cites.
L'hommepasse plusfacilement de l'inactivité a l'exer-
cice de toutes ses fonctions, que d'une vie occupée au repos.
Ainsi, le Monténerin qui s'engageau servicede Russiet
temps. Les b&timens esclavous, plus protégés que
par !e faible gouvernement de Venise auront
bientôt oublié le lion de St Marc, et tout porte
à croire qu'une marine militaire sortira un jour
du fond de ce golfe, pour proclameret dépendre
ja liberté de la Méditerranée.
Enfin, le deuxième jour de leur navigation.
les voyageurs vinrent mouiller à Raguse, et ils
entrèrent au lazaret, pour accomplir les lois
de la quarantaine sagement établies dans ce
port, comme dans tous ceux de la chrétienté. Le
tatar reprit dès Je lendemain !a route de Cons"
tantinople, et une lettre de M. Bessières, que
je reçus, m*apprit une partie des détails de ce
voyage.

malgré la mauvaise nourriture des soldats de cette nation


périt, parce qu'il est réduit à la vie monotone d'une ca-
serne. Il porte ses regards en arrière, il songe a son pay~
il ne voit plus ses troupeaux ni ses cabanes, et une Hcvre
brûlante le conduit Ment&t au tombean. S'il pouvait ton-'
cher de nouveau le rivage, qu'il quitta imprudemment, il
guérirait. Mais son tombeau est marqué sur une terre
étrangère.
Le Grec qui s'expatrie, paie également le tribut fatal;
ejt on pourraitregarder la Russie, pour tous ces peuples,
aomme les Antilles pour les Européens; enfin, je tien~
d'unobservateur que la mortalitédes emigransqui vont en
Russie, est d'environ un cinquième dans les six prem}cfea
<maëes de leur expatriation.~
< <
CHAPITRE XXXI.

TOPOMAMHE DE MG08E. D'OML DE


COUP
CETTE ~M.LE. KOTtCE SOR SON GOUVERKE-
MNT ET SUR SON COMMERCE.

JUAGUSE
est située sur les côtes de la Dalmatie
dans le golfe Adriatique, par le 36°. degré de
longitude et Ie~\ z5 minutes de latitude. Elle
doit, comme on sait, son origine à ïa destruction
de la vHled'Epidaure~quetes Gothsrenversèreat
sousterègne de rempereurValérien.Elle s'agran-
dit, au bout de trois siècles, des ruines de Salone,
qui fut saccagéepar les Esclavons, trois cents aa~
après les ravages des Goths, c'est a-dire en 6o3.
La ville telle qu'elle existe aujourd'hui, est
assise au pied de la montagne de Bargat, qui la
protège contre les vents d'ouest et de nord-ouest,
dont elle rompt la violence. Son étendue est pe-
tite, et présente la forme d'un carré, dont les
deux cotés, du nord et du sud, s'étasent sur des
hauteurs. Son enceinte est fermée par un mur sec
et continu, Hanqué de tours la plupart rondes,.
et toutes percées de meurtrières et d'embrasures.
La porte du levant est seule fortifiée, et la
moderne est dé&udue par un ouvrage à cornes.
Ses rues sont étroites, mais propres. La princi.
pale fait exception pour les dimensions, étant
large et bien décorée eUe traverse la ville dans
toute son étendue, du nord au midi. Les maisons
qui la bordent, ainsi que celles de Raguse en
généra!, fbtTnent la nuancé entre l'architecture
orientale et l'italienne.-Il y a quelques places et
des édifices publics parmi lesquels on remar-
que le palais du gouvernement, ( t~M~szo ) qui
est vaste et d'une architecture gothique; les égH<
ses de Saint-Blaise, qui esttacathédrate, deStc-
Marie, de Saint-Pierre, de Saint-Laurent, et de
Saint-André, ainsi que celle des Jésuites, oc*
cupée par des dominicains.
Raguse a une population de quinze mille ames.
Son gouvernementressemble en quelque sorte à
celui de Fancienne Venise, avec cette différence
qu*I] oHreia caricaturedes nobili, qui régnaient
dans les Lagunes.
Il est composé d'un grand conseil formé par
tous les nobles Ragusais qui ont plus de vingt
ans, et dont les noms sont inscrits sur un registre
que l'on nomme lemiroir.(Il ~ecc~/o. ) Ce sénat
se rassembletous les ans, le t~. décembre, pour
procéder à l'étection des magistrats de la républi-
que, sous la présidence du recteur, qui est le
chef du pouvoir exécutif, (chacun prend alors
séance par rang d'âge, et sans distinction celui
qui tire d'une urne disposéeà cet effet, nnehonte
~orée, est admis a voter pour l'élection si h
boule est noire, il perd sa qualité d'électeur.
Toutes les élections se font au scrutin et a la ma-
jorité absolue des suffrages. Le grand conseil
sanctionnealors les lois rendues par le gouverna
ment, il peut rappeler les bannis et les meur-
triers il connaît des créances et des dettes de
Fêtât et décide enfin de la paix et de la guenm,
si Raguse peut avoir une volonté dans ce cas,
mais enfin ce pouvoir est mentionné dans ses di-
plômes, comme symbole de souveraineté.
JI y a ensuite une administration désignée sons
le nom de conseil des prégati. ( Il cwM~o de
~s~M<ï. ) II se composedurecteur, des onze ment-
Lies du petit conseil, des cinq provéditeurs de
la ville, des douze juges civils et criminels, des
trois membres du conseil des fabriques de laine,
t
et de vingt-neuf conseillers ou prégati. II établit
les impositions, juge les affaires civiles et crimi-
nelles en dernier ressort, nomme les ambassa-
deurs, les chefs militaires, les gardesde l'arsenal,
les caissiers et receveurs des deniers publics il
s'assemble quatre fois la semaine.
Le petit conseil, dont je viens de parler, se
forme du recteur, et de onze conseillers, la plu-
part avancés en âge, et des meilleures familles
de la noblesse. li reçoit les ambassadeurs étran-
gers, et ceux qui ont quelques réclamations à
iaire, ou quelques aSaires à traiter avec la répu-
Mique. Ils jugent les procès relatifs aux revenus
publics mais ils sont obligés d'en référer
au grand conseil dans les affaires majeures.
Le chef du gouvernementde la république se
nomme recteur, ou comte; ( il rettore 0 il conte)
mais depuis i358, le premier titre a toujours
prévalu. Ce magistrat jouissait autrefois d'une
grande autorité mais quelques uns en ayant
abusé au point de tyranniser leur patrie, le peu-
ple et le sénat restreignirent beaucoup le pouvoir
qui leur était accordé. Aujourd'hui ses attribu-
tions se bornent à présider le sénat, le grand et
le petit conseil, à àpposer le sceau sur les décrets
publics, à être le gardien et le dépositaire des
clefs de la ville, des places fortes et ch&teaux de
la république lui seul peut convoquer le sénat
et le grand conseil; mais, dans l'un et dans l'au-
tre, il n'a que sa voix. Son costume de cérémo-
nie est semblable à celui des sénateurs vénitiens;
et quand il parait en public, il est précédé de
vingt-quatre huissiers et d'une douzaine de mu-
siciens il est suivi de tous les secrétaires et ofS-
ciers du palais. En cas de maladie, d'absence, ou
de tout autre empêchement légitime, le recteur
est remplacé par le doyen du petit conseil A sa
mort, on ferme les portes de la ville, et ce sont
les premières familles qui le portent sur leurs
épaules au lieu de la sépulture.
Cinqprovédtteurs sont chargésdu maintien des
Ip!s,d€sédits,etdelaconservationdeschartesdela
république. Us sont égalementchargésde rexécu-
tion des tes~tamens. Cette charge dure une année,
et ceux qui la possèdent jouissent du privilège
de parvenir immédiatement
a
au rectorat, tandis
que les autres magistrats ne le peuvent avant
l'intervalle de deux ans. Dans les cérémonies
publiques et dans les conseils, les pro~éditeurs
marchent immédiatement après les recteurs et
les membres du petit conseil.
Tellessontles premièresmagistratures delà repu
Mique de RaguseJl en existe plusieurs autressecon
daires, dont je me contenteraid'indiquer les noms,
qui expliquent assez leurs attributions. Ce sont:
Le conseil des six juges criminels et celui des
six juges civils;
Les cinq officiers des raisons (~c~~rH~ ~j~'
ZM~t delle /'agïo~i. ) Ils forment une espèce de
chambre des comptes
Les cinq oinciers de la santé. Ils sont charges
des lazarets et de la salubrité de la villex
Les cinq ofnciers de la contrebande;
Les trois avocats <~e commune;
Les trois préposés à l'achat des grains;
Les trois préposés aux salines;
Quatre appréciateurs de marchandises1
Six préposés aux travaux publics
Quatre préposés à Farmement et a h défense
pub~que,
Les trois officiers des eaux, qui ont la direction
et l'inspection des fontaines publiques;
L~s six officiers de nuit, ehargésde la gardede
la ville pendant la nuit;
Les officiers chargésde la garde des châteaux
ils changent chaque jour;
Les cinq trésoriers, et les trois procurateurs
de Sainte-Marie
Le collège des vingt-neuf, qui forment un tri~
bunal d'appel, en matière civile
Les quatre douaniers
Les cinq justiciers. Ce sont des espèces d'édiles
on d'officiers municipaux. Us sont charges des
contestations entre marchands, des poids et me.
sures, de la police des marchés, etc.
Les six avocats del proprio
Les quatre camerlingues
Les notaires.
La répuHiqne entretient une compagnie de
cent soldats chargés de là garde des portes de la
ville, et du palais du gouvernement.
Le territoire de la république de Ragase, en
terre ferme peut être environ de cinquante
lieues carrées. Il est divisé en sept comtés, dont
les chefs sont tirés du grand conseil. Ils restent
en place deux ans, un an, six mois, suivant l'im-
portance de leurs gouvememens, et ne peuvent
être réélus qu'aprèsdeux ans d'intervalle. Ils ad<
tainistrent avec une sagesse et une économie
qu'on ne peut comparer qu'à l'ancienne admi.
nistration de la Hollande. Les deux villes princi-
pales de la république, sont Gravosa et Stagno.
Outre cela elle possède cinq petites Mes dans le
golfe, dont les principales sont celles de Lagosta
et de Maleda.
Je ne suis entré dans un aussi long détail sur
le gouvernement de Raguse, que pour donner
un ensemble de son état, qui se trouve ëpars
dans une longue histoire très-peu répandue, et
pour faire connaître la politique de cette républi.
que, qui a créé à peu près autant de charges
qu'elle a de nobles dans son sein. En effet, dans
l'état actuel, il n'y a pas un noble ragusais qui
ne soit pourvu d'une charge quelconque.
La noblesse ragusaise se compose d'une qua-
rantaine de familles environ, dont quelques unes
sont très-anciennes.
Le pavillon de larépublique est blanc, avec un
saint Blaise au milieu, et la grande bannière
porte le mot libertas entouré d'une couronne
de chêne.
Rien n'est plus singulier que le coup d'oeH
de Raguse, le matin jusqu'à midi, excepté les
jours de fête. Magistrats, secrétaires, scribes,
commis, tous sont vêtus d'une longue robe noire
attachée avec une ceinture un grand rabat te-
nant à une espèce de colerette leur couvre ta
poitrine, et ils sont coiffés d'une perruque à la
Despréaux, dans laquelle ils ne manquent pas
de ficher quelques plumes à écrire, afin de se
donner un air de gens de loi. Ils tiennent en
-outre à la main une espècede bonnet ou barette,
dans lequel ils déposent leur mouchoir et la
tabatière. Ce costume est de rigueur, et pér-
sonne ne peut se dispenser de le porter. On
voit de jeunes nobles de quinze à seize ans,
ainsi caparaçonnés et dont la figure disparait
sous rénorme crinière de leur perruque. En6n,t
rien ne parait plus plaisant aux yeux d'un étran-
ger, que cette mascarade. Le nombre des per-
sonnes ainsi décorées, peut être de deux ou trois
cents dans une petite ville comme Raguse, et
on juge si cela se fait remarquer.
Les Turcs de la Bosnie et du pachalik de
Scutari, fréquentent beaucoup Raguse, avec la-
quelle ils font un commerce de peaux de bœufs,
de bestiaux et de suif. Ces Turcs, qui ne sont
soumis à la quarantaine que pour la forme,
mais qui néanmoins ne peuvent entrer dans la
ville sans avoir rempli cette observance sont
justiciables, en cas de contestation ou de dispute,
d'un consul ou commissaire des relations com-
merciales, envoyé,chaque année, par le pacha de
Scutari. Il loge hors la ville, dans une partie da
lazaret, et il donne ses audiences assis sur une
estrade placée à la porte de son logement. II a
sous ses ordres trois ou quatre sbires a moitié
nus et mourant de faim qui lui servent de
domestiques, et qui sont en même temps les exé-
cuteurs de ses sentences. Rien n'est plus expé<
ditif que sa manière de procéder en cas de dif-
férends. Il entend les deux parties; si elles sont
de sa nation, il leur fait partager une distribu-
tion de quelques coups de bâton si c'est un
Turc contre un Chrétien, il renvoie ce dernier
devant ses magistrats naturels, et fait bastonner
le premier:tortou raison, telle est l'issue des pro-
cès, et on s'étonnerait à bon droit qu'il se trouvât
encore des plaideurs, si on ne connaissait l'es-
prit contentieuxde tous les peuples qui habitent
la Turquie européenne.
Le port de Raguse est très-petit, et ne peut rece-
voir que des bateaux mais il y a, àunedemi-lieae
au nord-ouest de la ville, la belle rade de'Sainte-
Croix, où peuvent mouiller tous les vaisseaux de
la république c'est un vaste bassin qui forme
le plus beau port de la Dalmatie. La plaine qui
J'environne est bien arrosée et elle est couverte
de maisons de campagne, où les principaux ha-
bitans de Raguse viennent passer l'été.
Raguse, ai-je dit, a une population de quinze
mille habitans, dont la langue commune est l'e!'
clavonne, et malgré cela on y parle très-boa
italien. La plupart des Ragusais sont marins,
et l'on sait que les vaisseaux de cette petite vu!e
couvrent la Méditerranée. Son gouvernement
analogue à celui de Venise et l'industrie de ses
citoyens, ont fait dire de cette république, que
c'étaient une ~e~Me et une Hollande en MMïM-
ture. Les Ragusais sont très-modestes, et lors-
qu'on les accuse d'être fripons comme les Juifs
st rapaces comme les Turcs, ils répondent hum.
blement qu'ils ne sont ni Turcs ni Juifs mais
de pauvres Ragusais Mo/z <9~MO ne yMrc~~
ne jEfr6<~ ma ~MMO ~<~er< jR~Hjfe!. Lear com-
merce s'était singulièremeiit accru pendant la
dernière guerre entre la Turquie et le* France
et des renseignemens positifs portaient à plus de
deux cents le nombre de leurs vaisseau~ de com-
merce mais les Barbaresques les ont inquiétés
et molestés depuis cette époque.
Raguse paie tribut au grand seigneur, & l'em-
pereur et au pape; auxdeux premierspar crainte,
et à l'autre par amour. Ces tributs, au reste, sont
peu de chose et ils n'ont que cela de honteux,9
qu'ils sont le signe de l'ancien vasselage.
CHAPITRE XXXIL

DEPART DE RAGUSE. ARRIvÉE A AJfCONE.


CONCLUSION DE CET OUVRAGE.

A
A PRES avoir satisfait aux lois de la quaran-
taine et subi les complimens d'usage, les Fran-
çais s'embarquèrent pour passer en Italie; et
la navigation ayant été bonne, ils arrivèrent
à Ancône peu de temps après leur départ.
Ils y trouvèrent nos drapeaux arborés ils y
apprirent la gloire nouvelle de nos armes, et
en traversant les champs de l'Italie ils virent
les lieux témoins des exploits qui préparaientla
paix générale, objet des vœux du héros qui la

~)\
voulait, et des nations fatiguées qui attendaient
ce bienfait

fMf DU TOME TROISIÈMEET DER~jEËR:


TABLE
DES CHAPITRES
DU
TROISIÈME VOLUME.

DE L'ALBANIE.
CHAPITRE
1~. Exposition. -Aventures de,
MM. Poitevin, Charbonnel et Bessières de-
vant Corfou. Siège dé cette ville. Idée de
l'armée des alliés. Départ du corsaire har-
baresque pour Butrinto. t
CnAP. IL Arrivée des officiers français au port
de Bntrinto.–Alipacha vient en rade sur son
kirlanguitch. -M. Guerinilui est présenté.–
Le corsaire lui fait hommage des prisonniers. 8
CnAp. III. Topographie de Bntrinto. Portrait
d Ali pacha et de ses fils. Situationdes Fran-
çais dans son camp. –Idée de son armée et de
la discipline.–Mœursdes soldats albanais.
–Départ de M. Charbonnel pour Agio-Saranta.
Départ de MM. Poitevin Bessières etc.
pour Ianina. ï~
CnAp.IV.Départ des o~&ciers français pour la-
nina leur itinéraire jusque cette ville par
Delvino Delvitiachi et Qzidza–Coup d'oeN
descriptif. –Itinéraire de M. Charhonnel )us"
qu'aAgio-Saranta.–Description de ce pays. a8
CuAP. V. Champs-Elysées. Topographie de
lanina. Lac Achérusie. Fleuve souterrain
ou Cocyte. Rivière de Protopapas. Aché-
ron. Mont Cassiopée. Vélistri. Bonila.
Jardins du pacha. 3?
CHAP. VI. Route de lanina au monastère du pro-
phète Elic. Séjour des ofnciers français
avec les caloyers ou religieux de ce couvent.
Province de Sagori. –Mœurs de ses habi-
tsns. 5a
CHAr. Vil. Retour des Français a lanina.
M. Bessières accompagne le pacha dans un
voyage au nord de l'Albanie. Description
de Rodostopos et de Protopapas. Itinéraire
de lanina à Tebeleni. 6<t
CHAt. VIU. Etendue du pachalik d'AH. Ses
revenus. Ses troupes. Influence qu'il a
dans la Roumilie.-Etrangers.-Fin tragique
de M. de la Salle. 66
CaAP. IX. Détails sur la situation des Français
à lamina.– Ecole d'artillerie & Bonila. Evé-
nemena arrivés dans l'Albanie. Fin tragique
du corsaire Orousch&. Guerre avec le pacha
de Delvino. Bombardement de sa ville.
ÏI conclut la paix avec Ali pacha. L'inquisi-
teur Guerini se, fait Musulman. Le pacha
renvoie M. Bouvier en France. ~4
CnAf. X. Partie orientale du pachaIH d'AIi.
Itinéraire de lanina a Larisse. 84
CHAf. XI. Littoral de la Haute-Albanie. Chi-
mariotes leur religion moeurs. Produc-
tions. 8~
CaA?. XII. Description de la partie occidentale
de l'Albanie, et de son rivage, depuis Butrinto
jusqu'à Prévesa. Ruines de Nicopolis, Phi-
latès, Pargotes. t)3
CeAP. XIII. Affaire de Prévesa, en l'an VM.
Massacre des Français. Action héroïque du
capitaine de génie Richement. -Trahison des
Souliotes, et des Grecs de Prévesa. Cruauté
d'Ali envers les Prévesotes. Route des Fran-
çais prisonniers, jusqu'à lanina. ÏOtc
CcAP. XIV. Route de lanina aux montagnes de
de Souli. Dervigniana. Paramithia ses
habitans. Canton de Souli noms des viUages
qui le composent. Souliotes leurs guerres
avec Ali pacha leur nm. Etat actuel de ce
pays. ïi~
CaAP. XV. Partie méridionale de l'Albanie.
Arta. Salagora, Loutraki, Tricala, Terra-
Nova. Golfe d'Arta son commerce.–Vo-
nitza, Ambracie. Rapports avec Sainte-
Maure et Ithaque. Tremblemens de terre.
Phénomènes observés dans ces parages. t a8
CHAt-.XVI. Acamanie ou Carlélie. Forets de
Manina. Dragomestré. Xéroméros.
Port Pétala.–Anatolico.Achéloùs,villages
qui le bordent. Iles ~Eschitmdes. Mes-
salonghi. <– Mœurs des habitans du Xéro-
méros. 141
CaAP. XVII. Diététique et moeurs des Albanais. ï~g
CHAR. XVIII. Etat du ciel, et saisons de l'Alba-
nie. Température. Eaux potables.
Sources. t5o
CHAR. XIX Maladies propres à l'Abanie. –Mé-
decins et chirurgiens. ïio
CaAP. XX. Commerce de l'Albanie. t~8
CaAP. XXI. Troubles en Albanie. Guerre avec
les Souliotes.–Moyens proposés par le pacha
pour réduire cette tribu. M. Charbotinel
est chargé du commandement de l'artillerie.
Poitevin, Charbonnel et Bessières
MM.
concertent et mettent à exécution un plan
=
d'évasion. Leur arrivée à Corfou. ï8S
CaAP. XXII. Coh're d'AIi pacha à la nouvelle de
l'évasion des officiers français il met leur
tête à prix. Supplicede leur conducteur.
Trois cents Albanais descendentà Cortbu.
M. Poitevin est pris. MM. Cimrbonnel et =

Bessières se réfugient chez l'agent russe, qui

fou..106
les fait transporter sur une frégate de sa na-
tion. Leur réclusion à la citadelle de Cor-

CaAP. XXIII Evasion des officiers. Ils se ré-


fugient dans 1 île de Corfou. Leur tète est
mise à prix une seconde fois. Craintes du
sénat. Arrestation des notables du .village
de, Saint-Dimitri,qui leur avaientdonné asile.
Les Français demandent & se constituer
prisonniers,pour délivrer les notables on les
reconduit à la citadelle. ao~
CHAf. XX! V. Les officiers sortent de la citadelle

aïo
pour être transjfërés à Constantinople. His-
torique de leur navigation; ils sont livrés au
capoudan pacha,
CaAt.XXV. Séjour des trois officiers français
à Pera ils obtiennentleur liberté dénnitive.
Préparatifs de leur départpour la France. aao
CnAP. XXVI. Départ des Français. Itiné-
raire depuis Constantinople jusqu'à Raguse.
Exposé de leurs dix premiers jours de mar-
che. Indication des lieux par où ils passè-
rent avant d'arriver au mont Prisrendi, ou
mont Scardus en Servie. Distance respec-
tive de Ponte-Piccolo Ponte-Grande, Silivri,
Tchiorlou, Bourgas, EsUbaba, Andrinople,
Hebidgé, Haskivi. aaS5
CaAP. XXVII. Suite de l'itinéraire des Français;
ils entrent en Bulgarie. Philippopolis.
Bazardgik. Bana.- Sources de l'Ebre, ou
Maritza. Mont Rhodope, ou Despotodag.
<–D'Ubnitza.–Mont Scomins. -Kiustendil.
Ruinesd'UlpiaPautalia. Palanka. Kou-
manova. –UsMub. Mont Orbelus. Kal-
kandeluk, la base du mont Prisrendi, ou
Scardus. a3~j..
CaAP. XXVIII. Suite de l'itinéraire de Constan-
tinople, à Scutari d'Albanie. Mont Scardus
ou Prisrendi. Ville de Prisrendi. Khan
retranché. Montagnes, déserts. Arrivée a
Scutari.
CaAP. XXIX. Description de Scutari et de ses
environs. Lac Labéatis Botana. Coup
d'oeil général sur la nature des montagnes de
la Grèce et sur leurs ramifications. Lacs
dessèches. Antres, et leur état actuel. a6o
CaAt. XXX. Départ des Françaisde Scutari.
Antivari. Dulcigno. Idée de cette cote
Monténégrins. Bouches de Catarro.
Arrivée Raguse. a&5
CHAP. XXXI. Topographiede Raguse. Coup
d'ceil de cette ville. Notice sur son gouver-
nement, et sur son commerce, aoa
CaAP. XXXII. Départ de Raguse. Arrivée à
Ancone. Conclusionde cet Ouvrage. 3ea

~Tn de la Table du treMtetM et dernier ~eJMm?.


TABLE GENERALE

DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CET OUVRAGE,

OC t'ON TROUVE DE PLUS LA SYNONTMÏE DES NOM9


ANCIENS ET MOBEHNES, DES YIM.ES BOURGS ET?
RIVIERES DONT IL EST FAIT MENTION.

Nota. Le chiffre romain in~ae te Tome, le chiffre


arabe la page da Volume.

AaDpMAMiD, aga des Sept-Tours; son origine, se9


moeurs, etc., 11, 6'y.
AcAXNANïz (aujourd'hui Carlélie ) sa descrip-
tion couverte de forêts, hérissée de montagnes, par-
semée de lacs, III, T~i garnie de places importantes
an temps du Bas-Empire, III, i~a maintenant sau-
vage, t~M~–Mainrs de ses habitans, ibid.
AcHAiE, ( partie de la Morée comprenant aujour-
d'hui les sangiaks on baronnies de Gastonni et de
Patras ) 1, 4?-
Acnii.oDS fleuve, ( aujourd'hui Aspro-Potamos
~rpe n<TttjtM! ), 111, i~ï sa longueur du nord au
midi, t&t<~ ce qu'en disait Homère. i~.3; sa sour-
.ce, 4~, son embouchure, i~5.
AcaEnoN, flenve il naît du lac Achérusie, va se
perdre <taBa te gouBre de rAverae, et reparaît à Ve-
listri, pour se jeter dans le golfe d'Ambracie on
d'Arta,III,4?.
AfCBERPsîE (lac); sa situation son étendue est
formé par le Cocyte, III, 44; traversé par une chaus-
sée qui conduit dans la province de Sagori, Sa na-
ture de ses eaux, 46 et 166; He de l'Achérusie, 111 3,
45 ses habitans, <&M~ ses phénomènes dans Fau-
tomne,!&M~.
<
AcBMET pACH~; son arrivée à Tripolitza ,1, 73l
cérémonies de son entrée, et suiv. expédition de
ses délis contre les voleurs de l'Achaïe, 1, 333; leur n

retour, 336.
AcRocoMNTHE,montagne de l'isthme sur laquelle
est bâtie la citadelle de Corinthe. Fontaine Pirene
ruine, souvenir, étendue de pays qu'on découvre de
ce lien 1, 5o et suiv. c:
AsLACAMBOs, bourg de l'Argolide, I, ~8~ sa po-
sition, ~85, est bâtie sur l'emplacement de l'an-
cienne forteresse de Cenchrée,1, 486 ruines, t~
Costume de ses habitans, 487.
AlASMA ce que c'est, 1, 36.

Ai.A&o]'riE, ( aujourd'hui lanitza ) ville ancienne de


la Messénie, 1,15o. =
Ai.Ai.coM~NE fontaine, 8~'
Ai-BAJfAis, ou Amantes, anciennement Epirotes
caractère des soldats Albanais, III ï 8 ils se disent
jdescendans des Français, )%M~. caractère de leurs oJË-
ciers, III, a i leurs chansons et leurs danses III,
ï 9 ils sont au service de tous les pachas, dont ils J!br-
ment la garde ordinaire et les meilleures troupes, II})
y<; diététique et mceurs des Albanais, III, ï~g et
suivantes.
Aï.BANiE,payspeu connu )nsqu'&présent,cstla pro-
vince de l'Epire la plus riche en hommes belliqueux
et en denrées, III a; description du littoral de la
Haute-Albanie, IJI, 8p et suiv.; description de la par-
ité orientale de son rivage, depuis Butrinto jusqu'à
Prévesa, III, g3 et suiv. description de la partie mé-
ridionale de cette province, III, t a8 et suiv. Etat du
ciel et des saisons, III, 15g et suiv. température,
III, t6ï ses eaux, III 176, lacs desséchés, ÏH
a~O). Cavernes, III, a85. Commerce, III, 1~8 et
suiv. Maladies propres à ce pays, III i~ médecins
et chirurgiens, III, ig6.
Aï-cntjÊDOjf, ( plaine de ) 1,186.
An, pacha d'Albanie détails sur ce pacha, III
xa son caractère 111, a3; sa physionomie, ,2~. Dé-
tails sur ses fils, Mouctar et Veli, III, a6 gouverne
Ianina par le double moyen de la terreur et de la
confiance, III, 4~; a nue haute estime pour l'Em-
pereur des Français 111, 43 gagne l'esprit des
Grecs en favorisant leur religion et 1 établissement
des monastères, III, 5o. Manière dont il a acquis la
puissance, III, 66, étendue de son pachalik, ibid. et
suîv. ses revenus, ~b a ordinairement à ses ordres
six ou sept mille Albanais ~o idée de son armée à
Batrinto,m, 18; résistance invincible que les tribus
des montagnes de l'Epire opposent à sa domination,
6~ sa guerre contre le pacha de Dciviuo, III, ~g ?s
fait bombarder Delvino et lui accorde la paix, 8t
sa guerre contre les Souliotes 111 ï?9 sa conduito
M t'egard de l'adj.-génér. Rose, 111,10 et io5 envera
les habitans de Prevesa, III, 10~ sa colère contre les
officiers français, a la nouvelle de leur évasion, III,
to6 fi met leur tête à prix, tg'y.
Ai.oNi SrEJro, mont ( anciennement appelé Ostra-
cine ) 1, 86.
AMis, bois anciennement consacré à Diane, fut
autrefois le lien choisi par Xénophon pour sa retraite,
il y écrivit ses ouvrages, 1, i son état actuel,
ibid.; rempli de restes précieux de l'antiquité, 1, t3o.
Aï.pHEE fleuve ( appelé aujourd'hui Ronna, "H
Pw.p<<: ) I, n~ et ï3ï.
AMpH~E, ville ancienne; de ses ruines on a hâti
le village de Chastemi, 1, ~o.
AMFHTSSE, ville de FEtolie ou Xeromeros, au-
jourd~hui appelée Salone, Il, 33.
AMYCï.EE, ville de la Laconie, aujourd'hui SUavo-
Chori,I,i~
m,i34.
ANACTOBJPM ville d'Epire, aujourd'hui Voïutza,

ANATOuco, ville du Xeromeros III, i~3.


1

ArrAziRt, village de Morée, au villaïéti ou canton C

d'Andréossa est peut-être hàti sur les ruines d An- =


danie, I, 35 et 3y.
ÂNCHisE, lac d'Epire, appelé aujourd'hui lac Pe-
ïodi, in, ï~.
ALBANIE ville du Péloponese n'est point An-
dréossa, 1, 3~.
AjrcmEossA ou Androussa ville de Morée, n'est tu
Andanie, ni Messéne c'est une ville moderne, 1,3~;
~a situatton, sa vue, ibid. sa chorégraphie Sg chef-
lieu d'an villaiéti et résidence d'un aga, t&<J. Phy-
sionomie et caractère de ses habitans ibid. son com-
merce est fait par ceux de Calamatte, 1, a8.
ANDRINOPLE, ville de la Thrace, III, 280 sa posi-
tion sur l'Ebre ou Maritza beauté de ses environs t
pureté de la langue turque qu'on y parle, t&t~.
AifD&iTZENA, petite ville de l'Arcadie sa descrip-
tion, ses habitans, I, 1.~1 sa distance deCaritène~1
1~ ï4~-
ANTtPAxocs,Ue de la mer Ionienne, II, i~.
AjfTivAtu, ville du pachalik de Scutari; sa situa-
tion, ses habitans, III, 286 son commerce, a8~.
ApiDANcs, rivière de Thessalie, II, 5i.
Apoi-LONiE, ville d'Epire ses ruines III, 89.
ApsAMA, rivière de la Messénie, au canton ou vil-
Méti de Calamatte 1, a8.
ÂRCADiA ville de Morée; sa situation; bâtie sur
les ruines de l'ancienne Cyparisia, 1, i a. C net-lien
d'un villa~éd, et d'une métropole connue sous le nom
de Christianopolis 1, i~'
AncADtA ( golfe d' ) anciennement appelé golfe de
Cypapisia, 1, 68.
AncADtA, ( port.de ce nom ) 1, i~.a.
A&cADiE, province du Péloponèse son état actuel,
son ciel et ses habitans, 1, io8.
An&ouDE, province du Péloponèse, gouvernée en
partie par le pacha de Morée I.
Ancos, aujourd'hui appelée Argo capitale de l'Ar-
golide, 1 ~g5 description d'Argos moderne ï,
Ag6 gouvernée par un bey, <&t< son cb&tean son
bazttr, t&t~. sa population, 1, ~g6 sa distance de
Mycène, 1,~9~; restes de la voie antique d'Argos a
Mycene, 35~. Route d'Argos à Mantinée désignée
sous le nom de Kakiscala, I, 354. Maladies propres à.

Argos, 3g3, et dans son vallon 3~. Dessèchement


de son vallon, H! a~6.
AR&os, ( golfe d' ) aujourd'hui de Naupli, 1, 68.
AR&TRo-CASTRON ville d'Albanie vallon de ce

nom, III, 63 position de cette ville, III, 64.


AmsTOMENE lieux témoins de ses exploits, 1,3o.
AMtïnos, ville du Magne, 1, aô8.
AnNi, anciennement appelé Atné ~'f' par Pau-
sanias, village b&ti sur le mont Artemisios,1, 84.
AROE ou Aroa, ville de l'AcMe, aujourd'hui Pa-
tras,
ART A, ville d'Albanie; sa situation,III, 129; pen-
dant l'été aSIigée de fièvres épidémiques, III, i3o;i
'productions de ses environs, !&tJ. son commerce,
i3i;donne son nom au golfe anciennement appelé
d'Ambracie. Choses remarquaMes, !J.
A&TA, ( golfe d' ) sa description 111, ï 33 et saiv. i
son commerce, &t~.
ARTEMïsius, montagne du Péloponese, 1 80.
AsE ou Asi, ancienne ville de l'Arcadie, 1, aay.
AspRE, monnaie turque sa valeur, II, 68.
Asp&opotAMOS, ancien fleuve Achélous, III, t~t.
AïBENEs son golfe appelé golfé d'Enghia, 1, S':3.
ATBos, montagne appelée par les Grecs, Montagne
Sainte, ou Agion Oros, et par les Italiens Monte
Santo, 1, a<)3.
AvA&iN ~o/. Navarin, 1, ïy.
AxiM, fleuve appelé aujourd'hui Vardar, 11!~ a44'
B
BABA cap ancien, promontoire Lectum dans l'Asie
Mineure, I, ia8.
BAGNi, bourg appelé aujourd'hui Bana lit,
a38.
BAM-ïADA, bourg c'est l'ancienne Coronée, a6.
BAMPCH, cimetière de Grec~ à Constantinople.
Ses poissons, II, g3.
BANA bourg, t'o~. Bagni.
BAnATH chef-lieu du pachalik de la Valions en
Albanie, III, 6~.
BAXATTA!RE ce que c'est, 1, ioo.
BAZARD&iK, anciennement-appeléeBassapara, III
23~.
BEAucHAMp, astronome détails sur ses malheurs,
H, 21 g etsuiv.; notice sur ce savant,11, sa~. note ï.
BEtiLEMtNE lieu où était cette ville, 1,46.
BEi.ouH.-BAcm ce que c'est, 1, aa.
BENGAZE sa situation, 1,
BERGULÉ, ville de la Thrace, aujourd'hui appelée
Bourgas IJI, 2x8.
BESSAPARA ville appelée aujourd'hui Bazardgik,
in,a3'7.
BET&EKS ce que c'est, 1,388.
BoNiï~A, hameau situé sur les bords de l'Achérusie,
III, ~.8 habité par des Bulgares t6tW. Sérail et jar-
dins d'Aï! pacha, III, 5o. Ecole d'artillerie, tM.
BORÉE, montagne de l'Arcadic appelée aujour-
d'hui mont Chehnos, 1, 80.
Po~RGAS, ville, anciennement Bergulé sa situation
ni,aa8. ¡
BovMtocs, ou Fournous, anciennement connue
eous le nom de Phtionte. Port du golfe d'Argos, 1, ~8a.
BuMARiE, province de l'Empire Othoman, III,
a3~ ses habitans ) aSg,
BTTHROTCM,ov.Butrinto.
B~TJUNTO, port désigné par les anciens et célébré
par Virgile, sous le nom de Buthrotum III, t~; sa
position, III, ï6.
BcTMNTO, ( ville de ) la Chaonie ou Valetitza, an-
ciennement appelée Bntnrottnn,III, ï~ siège d'un
é~êché, t&M. seshatitans, t&ttï. leur commerce, ï8.
BpRTTjDts~s ville appelée aujourd'hui EsHbaba,
YH, axg.
C
CAcovopcNi, Cacovouniotes ou Cacovouliotea
peuples indomptés, qui habitentl'extrémité méridio-
nale de la Laconie, jusqu'au cap Ténare 1, 68 et
218; leurs villages, I, ai g, caractère de ce peuple,
!&:<f. et 220; différence entre le Cacovouniote et le
Maniate aaï se réjouit de la saison des ouragans
I,36S.
C~iM~R, espèce de laitage, 1, 3<)o
CAt.AMATTE,ville de la Mcssénie, n'est point l'an-
tique Thuria, mais plutôt l'ancienne Calamé I, &8;
chef-lieu d'un villaïéti tM<t. ~ea habitans font le
commerce d'Andréossa trés-Tnéchans leur snmom,
!&M~. Noms des villages qui dépendentde Calamxtte
t,K9.
CAt-AMATTE, ( golfe de anciennement appelé gpMe
de Messénie., 1, a8.
CAtAHE,fO~.Calamatte.
CAt-AVMTTA,ville de la Sicyonie sa situation, ï,
=

g3; paraît être moderne, ibid. ses habitans, x&<


<es environs, ï, 9~; son commerce de fromages,
ibid. Routede Calavritta & Fatras1, 96.
CAt-PAK, bonnet, 1, ~3*
CAI.TDON, ruines de cette ville, IH, t~o.
CA&ATCH, ou impôt capital, 1, a3o.
CAMTENE, ancienne ville de Gorthys, ïiS: s«
population, 1, t n caractère de ses habitans sala-
Mté de ses environs, ibid. son commerce ïï?
Route de Caritene à Otympie n~ et n3. Sa ri-
viere est l'ancienne Gorthynia, 1, n 5.
CARYATHi, village de la Laconie, 1, i65.
CA&VATHï, village à deux lieues d'Argos, appelé
anciennement Mycène, 1, ï46 et ~98. Tombeau des
Atrides existant, 1, ï~6.
CAssAN, bey de Naupli, 1 So3 nous lui sommes
présentés, t&M~.
CAssiopEENNEs,montagnes d'Albanie, aujourd'hui
montagnes de Sonli, ni, et 119.
CASTAMBOt., ville. de l'Asie Mineure sur le Pont-
Euxm,n,8.
CASTOMA ville d'Albanie, appelée anciennement
Celetbrum, ni, i64.
CASTM, village de Morée appelé anciennement
Hermione, 1, 5i~.
CASTM, (golfe de) anciennement connu sons le
nom de plage d'Hermione, 1,68.
CAMM, village du pacbalik de Salone, qui a rem-
placé l'ancienne Delphes, Il 3~. Ruines qu'on y
observe, ibid.
CATAtF ce que c'est, I, 388.
CATAn&o, ( Bouches de ) anciennement Rhizonicas
Sinus, ou golfe Rhizonique, III, a88.
CATHAMNA, ville de Thessalie qui parait repré-
senter l'ancienne Alera, II, 5~ sa population II, 60.
CAYtAR ce que c'est, I, 385.
CENCHR~E,ville de l'Argolide; c'est sur son empla-
cement qu'est bâtie Aglacambos, 1, ~8o.
CEOs, Me, aujourd'hui Zea, I, 5a3.
C~PHtsE, fleuve sa source, son cours, II,
37.
CERÈs ses statues remplacées par celles de la Sainte-
Vierge, 1, ~o.
CÊBJ&o.tle, autrefois Cythere, III, ai 3; idée de
l'état actuel de cette Me, ai/{..
CnASTEMï, peut être l'Amphéedes anciens, t~o.
CHATEAU Impérial des Sept-Tours différens noms
qu'il porte, II, 62; son historique; fut pris en i~53
par Mahomet II; Osman II y fnt assassiné, 63 depuis
théâtre de plusieurs exécutions, 66 actuellement le
lieu où l'on renferme les ambassadeurs et les minis-
tres étrangers, ibid. nommé par les Turcs forteresse
impériale, 6~ gouverné par un aga, ibid.; idée de sa
garnison, 68 et 69 topographie de ce châtean ~o et
suiv.; sa situation, son étendne, ~o; première en-
ceinte, arc de Constantin, t cachot du sang, ~a et
*y3; pnits du sang, ~3 seconde enceinte, ~j eUe~
comprendla maison du gouverueur et des prisonniers
otages, ï~J., cimetière des martyrs, ~9; enceinte
extérieure 83 et suiv.; air de ce château malsain <
CHEmos, montagne, anciennement mont Borée,
ï,<0.
CnELONiTEs, golfe de Morée, aujourd'hui golfe de
Tornese, to.
CaïARENZA golfe de Morée anciennement de
Cyliena 68.
CaïARENZA, ville anciennement Cyllène, I, ï36
CaiMARtOTKs, peuples belliqueux qui habitent les
montagnes de la Chimère; ou mont Acroceranniens,
Ht, ga; productions de leur pays, ibid.
CHiMjE&njM, promontoire de l'Epire, aujourd'hui
capitale de Parga H t6.
CmnHA, ville de la Phocide, aujourd'hui appelée
Galaxidi, 11, 35.
CiTMEs ou Kitriès, ville du Magne, résidence du
bey de ce pays, I, a!o.
CLEONES, ville de l'Argolide, aujourd'hui Klegna,
I, ï47.
CuTOR, ville d'Arcadie, aujourd'qui c'est le bourg
de Gardichi, 1, 8g.
Ci-iTORiuM, rivière de l'Arcadie, appelée aujour-
d'hui rivière de Gardichi, I, 333.
CocTTKE, fleuve de l'Epire son cours, M,
ses chutes, 45 nature de ses eaux, 166.
CoMA-BACHi ce que c'est, I, 6~.
COLYV A, sorte de ragoût, 1, 3a3.
CoNSTANTiNOM.E;tableau de cette ville II, to8
et suiv.; ses rues, 108; ses besestims, iog; c'estde
ces marchés que la peste se répand dans Constanti-
nople, no; Bazar des femmes, ibid.; Mosquée de
Sainte-Sophie, tia et 113 repas turcs, n4< occu-
patioa journalière, tï5 et sniv., manière dont les Eu-
ropéens se nourrissent à Constantinople, ng fruits,
y~ gibiers, volailles, poissons, coquillages, tao;¡
jpgumes, ïai café, ja3; Teriakis, ~< et suiv.; cos-
tumes, jay;Ioissomptuaires, ia8, tableau industriet
de cette ville, 129 etsuiv. danseursdes tavernes, 136;
ivrognes privilégiés,ï38; incendies, 137, 1~0 etsmv.,i
Bagne, i~3 traitement des prisonniers français dans
ce lieu i~5, i5ï et i58; fièvres pernicieuses qui y
régnèrent en ï~QQ ,11, i5~ air et ciel de Coàstantino-
ple ï~a vents qui y règnent, saisons, iy3; maison
d'arrêt de Pera, 190; Champ des Morts, 191, t63 et
-suiv.; hospice des pestiférés, 192 bureaux des mi-
nistres de la Porte, soi promenade de Dolma-Bak-
i
ché, ao5 BoaioaIt-Deyré,a a forêt deBelgrade, a 5 Í
Des des Princes, a3o; noms que portent ces fles, x3a
CoxFOp (Ue de) ses habitans favorables aux Rus-
ses, II, 6.
CozïNTHE son état actuel, I, i~ ses diûerens
noms, 1~8 sa situation, ibid.; révolutions qu'elle a
éprouvées 1~9; ses ruines, ibid.
CORINTHE, ( golfe de) aujourd'hui appelé golfe de
Lépante, 68;chàteanx de Morée et d'Albanie leur
état actuel, leur importance, II aa.
ConiNTHE, ( isthme de ) appelé aujourd'hui par
les Grecs Examini, 1,15o mur de cet isthme, II, 22
Co&oN, anciennement appelée Colonides, 1, 26,
est Féchelle la plus riche du Péloponèse, ~K~ une
des principales résidence des marchands de la Mb-
rée, ~6t.
CoRON, (golfe de) anciennement appelé golfe de
Meesénie, 1, 68.
Co&oNEE aujourd'hui BaHiada, 26 son ancien
état, ibid.
CocRABtA; ce que c'est, ï, 388.
CocfocFAM, ville du Magne, I, 3ï3; àes envi-
rons, son commerce, ibid.
C~ANATÈ aujourd'hui Marathonisi on Finocch!, 1,
ÏOO.
CMÏA, village désolé, fut long-temps la capitale
de l'Albanie, III, go.
CTU.ENE, patrie de Mercure an}onrd'hni Chiai.
trenza, I, i36.
Cït-ï-~NE, ( golfe de) aujourd'hui Chiarenza 1,68.
CYPAMssiA, appelé aujourd'hui Arcadia 1~ ïa.
CTFA&MsiA,(goKe de) appelé aujourd'hui golfe
d'Arcadia, I, 68.
1,CYTH&nE, Ile, aujourd'hui
cap Conello,i
CYPAM9tT!Mpromontorium,anjom'd.

Cér!go,III, ai 3.
D
DARDASEt-I-ES, 1, 5~
DAViA village près d'Andritzéna en Morée, est
l'ancienne Phygalis I, ï~s peu distantdes sourcés
de larNeda,t&tJ.
DÉfït.É DES PonTE~ 1, 29.
DEFTE&-MAYA, lieutenant. Mort du beau-frère du
pacha de Tripolitza qui occupait cette place, 1, /~i.
DEt-MES, ville de la Phocide, appelée aujourd'hui
Castri, Il, 34.
-DF,LVINÀGIRI, bourg de l'Albanie, est peut-être
l'ancienne Omphalon, III, 3a
DB~V!NO ville d'Albanie sa situation, Hï, a~
gouvernée par un pacha à trois queues sa popula-
tion, 30.
DEMALA, on DEMATTA anciennement Trezene
ï,
35~ et 5ï~ son port n'est ni s&r ni fréquenté, 5ao.
DE&vïNDGïPACHA, ou prev&t des grands chemins'
1, 353;'son itinéraire dans la Morée 35~ et suiv.;
pourrait être dangereuxpar son ambition, 3oa.
DGEM.AH, ou bourreau ses privilèges 1, Sa.
DimTZANA, ville regardée comme l'ancienne Pso-
phis, I, 119 idée de cette ville, iao; productions
de son vallon, ses eaux thermales, ibid.
.DIMITZANA,( mont ) appelé anciennement Pholoë,
I,9et i3t.
DoDONE(rivière de ) conjectures sur ce qui la re-
présente aujourd'hui ,111, 53. Monts et forêts de ce
nom, 55. Plus de traces de la ville, ibid.
DoMtAZ ce que c'est, 1, 388.
DoMps, village du Magne, 1, aie.
DnEPANUM, ou cap de la Faulx, aujourd'hui Dre-
pano, 1,10~.
DML, ou Drin, fleuve d'Illyrie ses sources et son
cours, III 257 et suiv.
DuBNtTZA, ville de la Bulgarie, III, ~4°
DcMïCNo, anciennement appelée Olchinium 1,
5 III, 28~ sa situation 1 5 mœurs de ses habi-
tans, ibid.
DoRAzzo, ville d'Albanie,autrefois Dyrracchium,
ÏU,89.
Dtx~ACCHMM,~o~. Durazzo.
DztBZA, bourg d'Albanie; sa situation, tll, 33;
ses habitans ses vins, 3~.
E
ËBHB, fleuve de Thrace, anjonrd'hni Maritza
!II,a36et238.
EcAi~E, f mont ) ïj tg.
EfH~M, aMJonrd'hn! Vostitza, I, 101 ne possède
rien de sa grandeur primitive, ï o5 commerce qui se
fait dans son port, 106.
Et.EPHANTtAsta, lieux de la Morée où il est fré-
quent, 1 396.
EMBE, province du Péloponèse, appelée aujour-
d'hui Kaloskopi, ou Belvédère, 6~; pendant l'état
sujette aux fièvres adynanu~ues ou putride~ et ataxi-
ques ou malignes, 1, 3g6.
EnE, (monas~redu prophète ) est en Albanie sa
situation, III, 56.
ENGHiA ( golfe d' ) autrefois golfe d'Athènes,
1,68.
EtïDAC&~s, Hmera, aujourd'hui Napolt de Mal-
I,
voisie, 186.
EMttANTHE, neuve de l'Arcadie, appelé aujour-
d'hui Atzicoloa,sa source, ses chutes son cours, etc.
t,ti9. <

EscHïNADES, Hes de la mer de Corinthe, appelées


aujourd'hui Nisia, 111,~6.
EsRiBiBA, anciennementBurtadisus,111, aan.
ETiBNNE, ( village de Sf- ) arrivée à ce&e plage, ï,
S3a idée de ce village, 533 départ, 534.

<
EïOME appelée cujoard'hui Xéromeros S~~Mj!
ou région âpre son état actuel, HI, t~3.
EcBEE, aujourd'hui appelée île de Négfepont, et
par les Turcs, Egribo, II, 38.
EuROTAS, appelé aujourd'hui Vasilipotmos et Va-
ailipûtatni, ou Fteuve Royal, Ï, 4~origine de cette
dénomination moderne, I, ï6ï; appelé Néris par
Mélétius; 160; ses sources, 46 ce qu'il est aujour-
d'hui, y 61 et i6a<
ExAtHM, amcieNCenMUT isthme de Cotinthe, I,
t5o.
P
É
FANA~AtHd'Europe, ( ch&teaude)II, a~S 5 et suiv..
f
jplage de Fanarald, 220~; FanaraM d'Asie ~36.
FETrA ce que c'est, 11,
F&Axm, est peut-être l'anciennePhryxia ~ï, 1 z3.
G
GAi.AXtBï ~ille du Xeromeros, appelée ancien-
nemeut Cirrha; sa distance de Salone, Il, a5 est
une échelle essentielle, t6<~
GAi.MNDCï, soldat de marine, 1, Szi ses cham-
Maasur Pasaewend-Ogl~u !~tJ.
GAU.MOM sar l'HeUespoat IH ~t est I&
viUe
yesidence du capondan pacha, !&M~.
GA<B!Bt<HM, Bourg de la haute Accadie~ ancienne-

ment Clitor, 1, 89.


GAMMcnt~ rivière de fArcadio~aacieïUteïaent Cli-
tofiuntyl ,8~.
GASTocNt, ville duj&a!osltopi,I, 5; sas!ituat<o&
sur la rive gauche de l'Iglia~o idée de cette ville 1,
135 de ses environs, ï36; on ne sait ce qu'elle fut
dans l'antiquité, t33 la plus riche de la Morée a
trois neures de chemin on trouve les ruines d'Élis,
t36.
G~ANïEB,( K~ont) appelé aujourd'huiMacri PIagt,
i,t4s.
GouNtTZA petite ville du Kaloskopi sa situation,
J, !t.
de la Carlélie III, gS.
GoMENtzz~, port
GoMPHi, ville de la Thessalie, est peut-être aujour-
dl~ui Roukouliotiko,III, 86.
Cro&TBYS aujourd'hui Cariténe 1 i 15.
GMCE, ses. antres, ses cavernes leur état 'ac-
tuel lacs desséchés, III, a~5 et suiv. a~ ï ~o.
GMEcs ~ïncears, caractère, etc.; marine dea Grecs,
11, ~&{., cjMnposée aujourd'hui de plus de si~E-eents
vaisseaux Bajarohands.
H
HAt-ERA, ville de laThessalie~ peut-êtrereprésentée
pa!: ceUede Catharina,tH, 59
HAt-VAZ ce que c'est, 1, 388.
HEt.EifE, (iled' ) appelé aujourd'hui Macronisi~
ou Ue I~pmgne, 1,53a.
H~H~, estpeut~&Meaujjourd'huiïra, ï, taa.
HE~M~cM de la t<aconie, aujourd'hui dervin de
Carvathi, 1 t6~.
ï~E~w~ECMdes aMMas.est ce qu'on.appelle aujour-
d'hui le grand dervin ou déulé 1, 3<).
HEnMMNE, aa)onrd'hmCasMt,I,5ï4et 5to.
HEMtMNE, (Plage d' ) aujourd'hui Castri, 1,68.
HissARD, lieu ou Xénophon et Mahomet traverse~
rent le Bosphore, II, io5.
HcssEHf pacha, manière dont il reçoit les officiers
français conduits à Constantinople,III, 210.
HYDRA vue de cette ue, 1, 5io n'est qu'un rocher
stérile,Sao; sa ville et son port idée de ses haMtans,
ï,5ai.
HYDRA 111, at~ haine de ses habitans contre tous
étrangers.
HYDRIOTES, leur marine Il? a65.
1
lANïtfA, ses campagnessont appelées Champs-E!y-
sées, ni, idée de cette plaine 3~.
lANijfA, ( vilte de ) sa position; soumise aux Turcs;
quand; III 33 sa description 3g sa population,
~9 son commerce t&t<7. comptoir d'Albanie IH J
i8a.
lANiNA, itinéraire de lanina à I~risse, III, 8~ et
suiv.
lAjrijfA, route, de cette ville aux montagnes de Sou-
n,ni,ii4.
4-
lAJriTZA, petite ville du Magne, 1, ag.
iB&AHiM Tchiaoux son caractère, 11, ay et a8.
IcHTTs ,ilot, appelé aujourd hui Pontico, 1, lo.
IcHAKo,rtvièro de Morée anciennement appelée
le Pénée du Péloponese ,1,9.
INACCHTS, rivière de l'Argolide aujourd'hui
Planitza, 1, ~g6.
ÏBAOCHtts, fleuve d'Epire, 111~ t3a.
IsAActey,noticesur ce Turc, II, 166 etsuiv.
IsTAMBOt. efïendi ce que c'est vient aux Sept-
Tours, II, 112.
IrnoME, montagne de la Messénie, appelée aujour-
d'hui mont Vourcano 1, 3o de son sommet on dé-
couvre une vue immense, 3g; on y trouve deux mo-
nastères, ~o.
locou&TB ce que c'est, 1, 3go.
IpSTiNiANA aujourd'hui Kiustendil ,111, a~o.

K
KA&DAMO~i.A, ou Kardarmya, ville du Magne
I,&t2.
KlRLAN&TTITCH Ce que C'est, 111, H.
&ICSTENDH., ancienneJustiniana ni,
a~.o.
Hot.oxTTMA, ( golfe de ) ancien golfe de Laconie
ï,68.
Kt-EGNA ancienne Cléones I, i~.
L
LABEATïs, ( lac ) ou lac discoudar, m, a6a.
LACONICON, oubain d'etuves, 1, t~.
3L.ACOHIE,1, 15~ différens noms qu'elle a portés
ibid. aujourd'hui désignée sous le nom de Sangiak de
Mistra; t&t<?. son état au temps du Bas-Empire, ï 58 i
sa description, 15g et suiv.
LACONïE, ( golfe de ) aujourd'hui de Kolo~ythia,
1,68 et r ga dangereux, t~o.
l.AcoNtENs, sujets à des maladies moins graves que
les autres peuples de la Morée, 1, 3g6.
t.Aï.A, ville' du mont Pholoë 1, 8~~
LALIOTTES, ou brigands du mont Pholoë, 89 et io<~
LAMiA, ville de Thessalie, aujourd'hui Zeitoun'
n, 43.
LANGAMA petite ville d'Arcadie remplace Zétée
et Parorée de l'antiquité, 1, 115 chef-lieu d'un évé-
ché, tM~.
LAMSSE, ville de Thessalie/11, 5a son gouverne-
ment civil et militaire, 5a.
LECTUM promontorium aujourd'hui cap Baba
I,5a8.
LEONiDAS sa mémoire défendue contre les asser-
tions de Panw, 1, ï5~.
LAPANTE, combat naval sous les ordres de dom
Jean d'Autriche,1, 102.
LEP ANTE, ( goMe de) autrefois mer de Corinthe
~t des Alegons,1, 68.
'LEVANTE anciennement Naupacte arrivée de
MM. Beauvais et Gérard en cette ville, II a3 sa po-
rtion ses fbrtincations a~. son port, sa population,
a5 résidence d'un pacha a trois queues, 26; mal-
saine, 27.
LàpRE, examen d'une jeune Moraite lépreuse,
3o() cette maladie ne se communique pas par le seul
attouchement, 1, ~oo
I-.EnNE, appelée Milos,et Lcrne encore aujourd'hui,
ï, 4.6t sa position sa distance d'Argos son étang,
~oaet~63; santé et maladies de ses habitans,~94;
échelle principale de la plaine de Tripolitza, tM~.
]-.EttKE, route de 1-eme & Naupli, ~gg.
LEaBos, !le; son état actuel, HI, 2tS.
LEccAnE, (promontoire de) III 90.
LEircACE, aujourd'hui Sainte-Maure, 111, ï~o.
LEUCTREs dePétoponese, appelée Londari; son
vallon est aujourd'hui appelé vallon de Londari sa
description, I,
LoNDAM n'est point Mégalopolis 1,11 a descrip-
tion de I~ondari caractère de ses habitans,55.
Lo~ocx, ville d'Avanie, III, lit.
M
MACRONist, ancienne île d'Hélène, 1, 5a3.
MAGNE, pays des Maniâtes ,1, tg3 et sniv. situa-
tion de ce pays, caractèrede ses habitans,196; ses
beys sont nommes par le peuple, et con&rmés par
le gouvernement turc, 198 ils résident Citriés, ao8;¡
division politique du Magne, 308 et saiv. sa popula-
tion de quarante mille habitans, a~S ses prpdactions,
son commerce, ai~ et suiv. couvert de ruines anti-
qaes, ai8.
MAHOMET, (Jfete de la naissance de ) ï8p.
MA~DiNïEs, ville du Magne, 1, apg ses riches-
ses, t&t<
MANtATES, M<t~<tïtf, peuple de la LacoaM, 68;
leur caractère, ï 99 et 19~ femmes Maniâtes, ao5i
religion de ce peuple, ao6, leurs chants patriotiques,
<&jr leors papas, aoy; leurs combats contre les
turcs, ao3 etsuiv.; leurs irruptions jusqu'au~ ent-
rons deTripplitza, t, 464<
MANiNA, (forêts de) III, ï4%.
MANTtNEE lieu o~ fut cette ville, 1, ï8a examett
de ses ruines, /& et 83 route do Mantin~e à Cala-
~-itta,86.
MANTiNEE, (plaine de) 1, 85'; lieu ou périt Epa-
tn!nondas, t'&M~.
MARATHONisi, ancienne Cranaé, ï, igo.
MAMTZA anciennement Ebre, neuve, 111, a6oj
MAPRE, ( SfE-) anciennement Leucade, III, t~o.
MAVROMATHi, bourg; origine de ce nom ,1, 3o i
on prétend qu'il est Mti sur les raines de l'ancienne
Messène, 35 selon M. Fauvel, c'est a~ quelque dis-
tance de l'emplacementde cette ancienne ville, 89.
ME&AI.OFOUS, n'est point Londari, c'est Sinano,
1, i ïx ce qui reste de ses ruines, 11~
MEï.ETïus critique de sa géographie, 1, 68.
MENAï-E, mont, aujourd'hui appeléRoino, I, ~g.
MEssiNE, ville du Péloponèse, n'est point aujour-
d'hui Andréossa, 1, 3~. on prétend qu'elle est rem-
placée par Mavromathi, 35.
MEssENïE, (goMetde) aujourd'ho: d';Ca!amatte,
1, a8 ou de Coron, 68.
METHYDRtTM aujourd'hui Mettaga, I, 8g.
METTAGA, bourg, ~o~.Metnydriam.
MEZAi-ONCHt, petite ville de l'Elide, 1, ï3~ son
commerce, ibid.
MEZAY.ON6HI, petite ville du Xéroméros,II, ia3.
MEZzovo de l'Albanie III 85 Mezzovo, monta-
gne anciennement appelée Pinde,' III, 86.
Mi&AcA, anciennement Olympie, I, ïa3; com-
posé de Grecs gouvernés par un aga turc t 30.
MKTRA, anciennement Sparte, bâtie des ruines de
cette ville, éloignée d'une demi-lieue de l'emplace-
ment de cette ville ancienne, I, 168; sa situation,
sa description, son château, ibid.; ses habitans savent
travailler le fer ~36.
MisT&A rivière de Mistra *eT<t~< rwt M~rvj'fn, an"
eiennement Tiase, I, 1~5.
MonoN,port et ville deMorée, I!I, an noms
que cette ville a portés dans les différens temps, ap-
pelée Methône par Pausanias a t a son état ac-
tuel, ai 3.
MoNEMBAsiE ou Nanpii de Malvoisie 1 ï8~
MoNTENERtNs, III, 289 paysages qu'ils habi-
tent, 290.
MoREE subdivision ancienne 66 anciennement
Péloponcse, livrée à la fureur des Albanaisen t ~o, 63
administrationde. cette province, impôts, I, 23o et
a3i population a3a division en vingt-quatre can-
tons on villaïëtis; leurs noms, a33 et a3~; division
ecclésiastique a35 et a36 golfe 68 difficile à en-
vahir, 153 produit des impositions, a38 police, a~g
et a~,o revue des troupes du pacha, a~o état mi-
litaire, a~i et suiv. physionomie des habitans; a~5
leur caractère, !'&t'J. et suiv. femmes MoraYtes 2~8
etsuiv.; superstition des Moraïtes, a5~, a6o; leur
vanité, a6o et 261 naissances, 261 et 262 baptême
par immersion 263 nourriture de l'enCrnt, 26~. l'
femmes turques en Morée, 265 et a66, éducation
d~s enfans, 267 et 2~0; occupation de l'adolescen-
ce, 2~0; lutte, 2'yo jeux du disque, 2~ t ;.danse,
2~2; rondes grecques, 2~3; musique, a~<) et suiv. i
romances, 282 cotzaMas, 28'y proverbes, 290
religion, 292 et 3oi fêtes, 3ïi mariages, 3n
~t2 et 3~; cérémonies funèbres 318, cama-
val, 3 ï 6; état actuel des connaissances ohez ïe~M<w :00

raïtes, 33g et suiv.; douceur de la prononciation de la


langue grecque, 33g eUe varie aussi chez leff Grecs
modernes, 3~o les traductions en grec vulgaire ne
parviennent que difSoilement, 3~a ouvrages lan-
0-
çais traduits, 344 3~5 et 346 géographie de Phi-
lippides, 34~ poëme de Polissoï 348 amour de la
chicane 35o et 3S3 police des villes, 353 en~e-
tien des chemins 353 et suiv. ponts, bacs, 358
température, 36o a du changer j)ar les rcvotaHons
dans la civilisation la formation des marais, 36t =

la dévastation des tbt&ts par les bergers, 36a aai- c


sons, t~iML et sniv. hiver, 36~ printemps, 368 et
3~a été 3~a et 3~6 automne, 3~6 et 3~8 régime
et manière de vivre des Grecs de la Morée, 383 etsaiv.;
eaux, 381 et 38~ régime et manière, cavtar,,¡I
rago&t national, ragots, 385 rôti, poissons, 386;
fruits, leur abus favorise les maladies contagieuses
fromages p&tissenes, 38~ ragoûts, 388 salades
F
laitage, 38Q et 390; boissons, 391; maladies pro-
pres à la Morée, 30~ et suiv.; peste, ~ot et 4~
état de la médecine et de la chirurgie, ~aa jusqn à
~3a état des arts et métiers, charrue ~33; fahcica-
tion du pain, ~3~ et ~35 art du charpentier et du
menuisier 435 du sellier, ~36 teintures, ~<~L
c
occupations des femmes, ~3~ et 438* 0
MoREE, (productions de la )I, /~o; troupeaux 44?
chevaux, ânes, 444 M~, grains ,445 huiles, t&
et 446 mûriers, soie, coton, 44? Sgnes, 449~ aman-
des, citrons oranges, 43~ abetlles miel, cire,
jardins, 45 ï potagecs, vergers,44~ gibiers, chasse 7
~53 lacs étangs rivières productions des
~5~
fbr&ts, ~55 plantes, avec la désignation des lieux ou
elles croissent ~55 et ~58 commerce de là Morée,
~58 et ~6t cavernes, M, a83 lacs desséchés, ï~6.
MopDEtu petite rivière ,1, ao.
MocsTAPBA, pacha de Morée l'auteur lui est pré-
senté, ï, ~9 description de l'intérieur de son pa-
lais, 51 son domestique, t&t< ses occupations jour-
nalières, Sa concert des Icholans, 5~ son conseil
ordinaire 55 sa garde à pied, 56 est déposé et
remplacé par Achmet, 58 accueille avec bonté la
garnison de Zante, ï~
MTCENE, aujourd'hui Carvathi I, /{.o8 tombeau
des Atrides, t&M~.

N
NA&ARA, ancienne Sestos, 11, z~i.
NAVAins, ville appelée par les Grecs modernes
Néo-Castron, et par les Turcs, Avarin, ï~; &?-
tincatîons, t&M.
NAVARtN, ( port de ) sa description 1, i8.
NACPACTE, aujourd'hui Lépante, 11, a~.
NAUPu de Remanie, anciennementNauplium, I,
Su; description de cette ville, ibid. aujourd'hui
nue des principales résidences des négocians de la
Morée 411 air très-malsain, 3o~. fièvres quartes
endémiques, 5o~.
NAUM.f, (golfe de ) anciennement golfe d'Argos y
1,68.
NsDA, rivière, aujourd'hui appelé Samarï, Ï, ~a.
NieMPONT île, a~cienceime~ Ënbée, n, 38.
NEMJSE, près d'Argos .aujourd'hui villagede Saint-
Ceorges, 1, ~98 ce qui reste de l'ancienne ville, ibid.
NEO-CAST&oN)~<y. Navarin.
NzzE&o, bourg moderne 1, g6.
NicofoMs, ville d'Epire; ses ruines, III, 93 et 100.
Ntsi, bourgade 1, a6.
NïscA Mes, anciennement appelées Eschinades
In, 146.
0
OcQCE;ce que c'est, I, Saa.
OnABACHi, officier turc I, i~<
Ot-cHuri~M ville de ITllyrie, aajourdTtoi DnÏci-
gno ,1,5, III, 28~ idée de ses habitans, a88.
Oï-YMME, ville de l'Elide, aujourd'hui village de
Miraca, I, i23 opinion de M. Fauvel sur les rui-
nes de cette ville, ïa~ et suiv. opinion de l'auteur
ace sujet, ta8.
OpHis, rivière du vallon de Mantinee, 1, 83.
OpiuM ses effets sur les theriatds, H, ia3 et
suivantes.
ORBEi-ps, montagne, nl, &
OnouscHs, nom du corsaire barbaresque I, 3,
t~ et suiv présente à AU pacha les prisonniersfran-
çais, III, est étranglé par ordre du pacha, 79.
OsxAN H fut assassinéau châteaudes Sept-Tours,
ÏI, 63 notice sur ce prince, &M?. et sniv.
OsT&AeîNB, montagne près de Mantluée appelée
aujourd'hui Aloni Steno, ï, 86.
p
PADiscBA,on grand roi, titre de l'empereur Turc,
II,?.
PAH.ANTtUM,ancienne ville de l'Arcadie, 1, aaS*
PAMtasus, fleuve de la Measénie, aujourd'hui Pir-
nazza, 1, a6.
PA&AMïTHiA, ville d'Albanie, III, tï*~ ses habi-
tans, n 8.
PARAsa valeur, 61.
PA&&A, ville d'Albanie, ni, g6.
PA&6A( cap ) anciennement promontoire CluaMB-
Mum,II,ï6.
PA~TaENïps mont de l'Arcadie,
PAT&AS ville de l'Achaïe, anciennement Aroé, I,
g8 ce qu'en dit Pausanias, ibid. révolutions qu'elle
a éprouvées sa situation actuelle, go son port, t&<<
gouvernée par un bey, !& pourrait recevoir avec
avantage des maisons de commerce, 100; ses environs,
toi route de Patras à Vostitza, <&K~.
PAXOTrs,( île de ) anciennement appelée Paxé, 16
refuge des malheureux qui échappèrent à l'incendié
de Prévesa, <S/< sa situation, son étendue, ibid. ses
productions, ï~.
PAx~, ~<y. Paxous.
PéDMEES sur ses ruines on a bâti un village, !I, 3y.
PEt.oDï ancien lac d'Anchise, en Epire, III, i~.
PELOTONESE, aujourd'hui Morée sa division an-
cienne et moderne, 1,66 et suiv.
PENEE, ( neuve aujourd'hui Igliako 1, 9.
PENTE-DACTTi-ON, chaine de montagnes de la Mo'
rée, anciennement le Taygète ï, ï 5p.
PESTE préjugés relatifs à son origine, I, ~01
et suiv. sa nature est inconnue ~.o5 prise dans
l'insalubrité des lieux et l'impureté de l'air, tM.,
se manifeste en Egypte, lorsque soudent les vents
chauds et humides du sud, 406; paraît recelée dans
les environs de Damiette d'ou elle se propage en-
suite par communication, 4~7 symptômes qui ca-
ractérisent ses duïêrentes périodes, ~.09 et suiv. on
ne reconnaît point de spécinque contre cette mala-
die, ~.18 traitement prophylactique, 4~; son dé-
veloppement est favorisé en été par l'usage que les
Turcs font de courges pour leur nourriture, H, 118;
est étrangère à l'Albanie, ni, ï? 1 n'y exerce jamais
de grands ravages, ainsi que l'avait observé Lucain
i~3; c'est principalementpendant l'automne qu'elle
se manifeste d'une manière plus funeste, ï~5.
PnA&sAt.E aujourd'hui Farsa, ville de la Thes-.
salie, éloignée de six lieues de Zeitonn, II, ~.6 sa
plaine fameuse par la victoire de César, 4'y et suiv.
fut anciennement un lac, III, a~ a et suiv.; opi-
nion et belle description que fait Lucain de ce val-
lon, ni, a~a et suiv., note i idée de la ville mo-
derne de Farsa, H, 48
PHÉ&ÉE, 1, aog appelée aujourd'hui Palœochora,
près ~de l'église de Stavros, ibid.
Pat~ATEs peuples indépendans de l'Albanie,
m, 94.
PmHPMPOMs, aujourd'hui PhiHppopoli autrefois
appelée Poneropolis, III, a36 sa situation, ses ha-
Htans, 28~.
PHiLOPEMEjf, ses titres à l'immortalité,1,9$.
PnoLOE, ( mont ) aujourd'hui Dimizana, ,1,9.
PamYNA, est probablement Fraxio, ïa3.
PaTioNTE, port ou golfe d'Argos, aujourd'hui
Boumous ou Fournous 1, 482.
PaiCALM, an)~nrd'hniDaYia,I, 1~2.
PIASTRE sa valeur en monnoie de France, I, i~.
PILAW, mets préparé avec le riz, 1, 33.
PtNDE, aujourd'hui Mezzovo, 111 86 et
Pm&o et Pirgos, ville sur la rive droite de la Rou-
fia idée de cette ville, I, t38 et 13g.
Pi&NAZzA rivière anciennement le Pamissus
1, a6 on la passe sur un pont, <& abonde en
poissons, !'&!<
Pt~AtEs de tête elles guérissentrapidement à Con-
stantinople, II, 128
Pi.ANM'zA, anciennement Inacchns,ûenve, I, 49~~
est presqne a sec pendant l'été, ~9~.
Pï-ATANtsTE, Me formée par l'Eurotas, 1, ï~S.
-Pi-ATON idée des Turcs sur cet auteur, Il, ao3.
Pi.ATZA, ville du Magne idée de cette ville, 1, 213.
PoooN, ( port) ancien port de Trézéne, II, 266.
PONTE-GRANDE IH 226.
PoNTE-PïCCOÏ.O III ,225.
PoNTïeo ,ile de, anciennement Ichtys, ï, ïo.
PoRto-CoNTE, en Sardaigne, H, 2~8; sa descrip-
tion, 280 et suiv.
PRBTESA, ville bâtie à l'entrée du golfe d*Arta, 98.
3
~Saire de Prévesa ep l'an ï0ï et sniv.
PMSMNM, (mont) anciennement Scardua, M, 9~6
et suiv. ville de ce nom, a5t.
P&OTOPAPAS, bourg d'Albanie 111, 6ï.
PsA&A, ( ile de ) anciennement Psira marine, H,
a66 son port, chef-lieu de cette Me, résidence d'un
sous-bacbi, 5a6; idée de seshabitans, 5z'y.
Prios, ( ville de ) ï, 19 son état actuel, 16 et ao.
PïR&o ,1 92 séjour des névres intermittentes
les plus rébelles Sgô.
R
RAGTSE sa topographie, IH 293 sa population,J
son gouvernement, agS et suiv. son commerce) 3oo.
RAMA z AN; ce que c'est, II, 69.

RaïON, cap de l'Achaïe emplaeement du château


de Morée, 1, ioa.
RHizoNtQ~E,(gol&)aujourd'hui Bouches de Ça*
tarro,nl,288.
RoDOsTOPoa bourg de l'Albanie III, 62.
RoÏNo, ( mont) anciennement Menale, 1, ~9.
RoTT?iA, ( la ) rivière anciennement le fleuve Al-
phée ses sources, 1, 4?'
S
SA&oRi, ( province et ville de ) ni, 89 caractère
de ses habitans, t& et suiv.
SA&oMATEs leurs m<Bur8, III, i5i, 16~.
SAï.A&otLA, port d'Albanie, IH, i33.
SAt-oNE sa plaine autre&is appelée plaine de Crissa;
est fertile, H 3a la ville de ce nom est probable-
ment l'ancienne Amphise; situation de cette ville, 33.
§AMAM, anciennement rivière de la Neda ses sour-

ces, I, ï~a.
SEt.YMB&iA, ville aujourd'hui Silivri, III, aa'j.
SEcu, ville, aujourd'hui Uskiub Ml, a~.
ScTTARi, ville d'Albanie; son origine, les différens
noms qu'elle a portes, lii, 266 sa situation 26~;i
son château chef-Heu d'un pachalik a63.
SEUM III, empereur turc; commença à régner en.
!~8o son physique, ï 60 sa famille !6t..
SEUM III sa cour, Il aoo et su iv. descriptionde
ses jardins, a38 et suiv. de son harem d'été, a5i
et suiv.
SÊMM aga notice sur ce Turc, II ao8.
SFA<HA, ( ile de ) anciennement §phacterle sa
description, ig; massacre des Lacéd<5moniens
dans cette île, t&
StuvRï ville anciennement appelée Selymbria
y
Bl, aa~.
SiNANo, anciennement Mégalopolis, 1, na preu-
ves de cette assertion, ibid et 11 a son état actuel, n
S&i.AvocHOM, ancienne Amyclée, I, i~; siège
d'un éveché ,187.
So~M, (montagnes de ) autrefois montagnes Cassio-
piennesonCassopéennes,III,ai9;leur topographie, ï a i.
SoTjHOTEs habitans de Souli leurs guerres avec
Aupacha;leursprojets, 122 caractère de cette tribu,
ia3 haine d'Ali pacha contr'elle, /&t~ sentitnens de
la Porte othomane son égard ,12~; moyens de ré-
duction adoptes par Ali fin des Souliotes, 196 état
actuel de ce pays, 12~ et suiv.
SPARTE, son état ancien, I, ï 55 et su!v. sous le BM"
Empire, ï 58; appelée aujourd'hui Mistra, ï 58 entrée
du conquérant de Bysance dans cette ville, ï 58 ruinée
trois ans après par Malatestade Rimiui, t6t~ ses ruines,
168 origine de sou nom, t 69 ancien château, ]~i.
SpENCE& SMïTa sa conduite et celle de son beau-
père envers les prisonniers français, II 6 s'empare
du palais de France, II 8, Q, etc.
SpEzziA, (Me de la) anciennement Tiparenus,
t, ~67 sa description, 5i6 et saiv. son port, 5o~
saville principale, sa population t&<J~ son commerce,
caractère de ses habitans S î 8 départ de cette île, 519.
SpEzzïoTEs leur marine 11, &66.
SpHACTÉRtE, anjonrd'huiSfagia, i5.
STAeOTtS petite ville de l'Albanie, III, 8y.
ST&ATA-HAMMET,1, ~8î, ~.89, ~.83 c'est la voie
antiqne désignée par Pausanias sous le nom de Tro-
c~os,482.
STMo, village de l'Arcadie 1, 5~0, 8o.
STïx, fontaine du Péloponése 1, 8g fontaine
froide se trouveaux environs de l'ancienne Nonacris
ï, 334.
STROPHADES Mes I, t~.
SfTMPHAi.E,lac d'Arcadie, aujourd'hui appelé lac
de Voulsi, I, !45.
S~tZE, ville delà cote d'Afrique,sa situation, II, 3~ S.

T
TATc~TE, montagne de la Lacon!e, aujourd'hui
Pcnté-Dactyloti, 1, 15~ dioerens noms qu'il porte,
t6o, ses dentés, i6t et suiv.
TcausH ce que c'est U "6.
TcHiOM.T ville appelée anciennement Thnrulus
m,228.
TEBELENï ville natale d'Ali pacha sa situation
gouvernée par un aga, III, 63.
TE&EE appelée par les Grecs Paleopolis, et par
Mélétius Paleoepiscopi, 1,t63; idée de la campagne
qui l'environne,ibid; ses ruines, aa~ son vallon, sa
description, ~o etsuiv.
TEMATHiA, montagne, 1, a3; aujourd'hui Saint-
Nicolas, IU,2tï.
TEMPE ( vallon de ), aujourd'hui appelé Lycosto-
mos, II, 55.
TENEDOs, vue et idée de cette ville, 5a8 et Sag
renommée pour ses vins, 111, 2t6.
TE&TZENA, bourg d'Arcadie, I,
ï ïo ses envi-
rons, <&
TaEBEs en Béotie, aujourd'hui Thiva; ce qu'elle
est, !&M~.
TaMMOtYt.Es, sont actuellement un lieu dange-
reux, II, 3<) ce qui reste des tombeauxdes Spar-
tiates, ~o.
TnEssAME, ses eaux, ni, 168; caractère de ses
habitans, 160.
TBiYA.~o~. Thèbes, I, i5ï.
Tau&iA, n'est pas Calamatte, I, 28 sa situation
ibid.
TauR~i.cs ville, aujourd'hui Tchiorlu, Ht, aa8.
TaYRtNTE,lieux ou l'on peut penserque cette ville
exista 1, 5oo.
TïASE., rivière, aujourd'hui appelée rivière de
Mistra, I, ï~5.
TïNA,(Mede)vue de cette île; propreté d'une
sultane, I, 5a3.
TjpA&ENCs, ( Ue de ) aujourd'hut Ue de la Spezzia,
I,i96.
TpRNEsB-CASTEi., surnommé Cleïnoutzi par les
Turcs; idée de cette place, 1~ t~a; ses environs
t~3 ses habitans t&Mf.
TonNESE ( golfe de ) anciennement ~oUe de Che-
Ionites, 1,10.
ToMEus, ( mont) I, a3.
TnEZENE,(portde)aB}OttEd'hoipoKPogon,ÏI, 2~6.
T&E2ENE, (ville de) aujourd'hui Dématta, 1, 35~
Si4.
est peut-être l'ancienneTricça, ÏH, 8~.
TmicAt-A
TMCALA,ville d'AHanie, Itt, ï3i sa situation,
ibid idée de ses habitans, ï 3a.
TniCA&A montagne de Mar~e, I, 5ï.
TmiccA, voy. Tricala, 111, 87 siège d'un pacha-
lik, occupé par un beau-~reEe d'Ali pacha, ibid.
TniPOLiTZA, capitale de la Morée arrivée de
l'auteur dans cette vH!e,I, ~g; présentationau pacha
Belyerbey ibid; enfermé dans le palais, 5o harem
du pacha, 5o son intérieur, Sa sorti pour habiter
en ville, 5g situation de Tripotitza, 1, 6~ sa
description ses fortifications,6g et suiv.
TmpoMTZA, ( environs de ) aaz son vallon
t~. Tégée son canton, 180 s~ description, t&td! ,81.
TntpoMTZA ( ronte de ) Mistra, 1, t6a.
TRÏPOHTZ A, départ de l'auteurroute deTripolitza
àLeme)~
TMMTEMi;( ville de ) sa situation,1,913 ses habi-
tans, ~t< c
T~ïTÉ, ancienne Tritéa, 1, 9~.
T&iTEA, peut-être anjoûrd'hni le village de Trité
79.
Tcnc manière dont il passe le jour, II, 115 et
suiv. mariage, igy.
Toncs, ( récréations des )II, t3~ leurs principaux
dogmes religieux, 98.
To&QUE, marine turque, II, 209 école de des-
sin, aïo; imprimerie, an; musique, ao5.
TDRQTiE ( état de la ) en 1800, II, 176 et suiv..

u
UsKiup, ville, anciennement Scnpi ,111, 3~.
UjtouE, aujourd'hui Porto-Farino, II, 2~6.
v
VAstMPOTAMÔs, suite de son cours 18~ et suiv.
VAmouM, village du Magne, résidence de révêque
de Zarnate, l, an.
ViM,viUage,I, 86.
ViTiLON, on Porto-ViMio, bourgade du Magne,
anciennementOEtylos, I,2i~.
Vont, montagne la plus élevée de l'Arcadie
1,57.
VoNtTZA, ville d'Albanie, anclennem"~ Anacto-
rinm, III, i3~.
VoRBONiA, ville de la Lacome.estunlieamoderae;
Ï~Sg.
VoeTïtZA anciennement Egmm~ 1,101.
Vopt-si, ( étang de ) anciennement Stymphate t
ï,t45
VocMANO, anciennementmont Ithome, 1, 3o.
Y
YANAKt ienne Grec; notice, 11, ï5s et suiv.
sacrMé par Kutchuk Hussein pacha, t5~.
YAKtTZA, peat-étre Atagonie, 1, tSg.
YM, ou Ira, peut-étre Herée, 1, i ï 9.
z
ZACKAMAS,fameux chef de voleurs, 1, a35; son
supplice, 336.
ZANTE, ( garnison française de ) son itinéraire
depuis Castft-Tomèse jusqu'à Tripolitza 1 i3at, 1
ï 33,13~ 135 et suiv. son arrivée au Lagne de Cons-
tantinople, II,
T~3 traitemeus affreux, i~5 le
Lagne sert à renferma les prisonniers de gnerro,
ï~6;Tchiaonx-Bachis, bourreau ~47; description
des maladies 154.
ZARKO, petite ville de l'Albanie, 111, 88.
ZEA, Me, an iennement Cëos, 1, 523.
ZBtTcuN ville sa situation, ~3 ancienne Lamia

foires,
ZoMtE et Parorée, remplacée par Langadia,
2?n de la T~Me ~eKe~/c des ~a~~ir
Ï,
on n'y observe point de ruines; renommée par ses
H, 44-

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