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Rassemblement démocratique africain

Le Rassemblement démocratique africain (RDA) est une ancienne fédération de partis politiques
africains fondée à l’issue du Congrès de Bamako en 1946. Il fait partie des trois principaux partis fédéraux
Rassemblement
(avec le Parti du regroupement africain — PRA — et le Parti des fédéralistes africains — PFA) panafricains démocratique africain
revendiquant la création d’une fédération des partis politiques d’Afrique au moment des indépendances. Présentation
Plusieurs partis politiques de l'Afrique, tel que l'UPC du Camerounais Ruben Um Nyobe, s'affilieront puis Leader Félix Houphouët-Boigny
quitteront le RDA en raison de l’évolution de son idéologie. Fondation 21 octobre 1946

Le RDA est resté dans les esprits la force politique la plus connue de la période des décolonisations des Disparition 1960
territoires français, en voulant incarner une nouvelle lutte pour l’indépendance en dehors des partis Siège Bamako, Afrique-
politiques français traditionnels.  Occidentale française
Abidjan, Afrique-
Occidentale française
Histoire du RDA Fondateur Félix Houphouët-Boigny
Alliés PCF (1946-1951)
UDSR (1951-1958)
La naissance du Rassemblement démocratique africain
Positionnement Gauche
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Le Rassemblement démocratique africain est créé lors du Congrès de Bamako, du 18 au 21 octobre 1946 . Idéologie Nationalisme africain (en)
Panafricanisme
C'est dans un contexte de volonté de la métropole coloniale française d'assimiler plus fortement encore les Anti-impérialisme
élites des territoires d'Outre-Mer, que les partis politiques africains se créent. Ils sont d'abord associés aux Indépendantisme
partis politiques français, comme la SFIO (prolongée au Sénégal par la Fédération du parti socialiste du Adhérents 1 000 000 (1948)
Sénégal) ou le Parti communiste dont les Groupes d'études communistes devaient créer des partis ou
2 Couleurs Noir
mouvements anticolonialistes . Certains élus africains appellent à un rassemblement à Bamako en octobre
1946. Le ministre socialiste de la France d'Outre-Mer, Marius Moutet, fait pression sur les élus socialistes
pour les empêcher de participer au Congrès. Les délégués de l'Afrique-Équatoriale française ne purent pas participer au Congrès. De plus, sur les conseils de
leurs parrains français, les socialistes africains, Léopold Sédar Senghor et Lamine Guèye en tête, boycottent le congrès de Bamako, attitude que Senghor
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reconnaîtra, par la suite, comme « une erreur » . Malgré les difficultés, le congrès peut finalement se tenir à Bamako du 19 au 21 octobre 1946, sous la
présidence de Félix Houphouët-Boigny, qui n'aurait pu s'y rendre sans l'avion affrété par le ministre communiste de l'Air Charles Tillon. Il aboutit à la
création du Rassemblement démocratique africain, fédérant des partis politiques locaux sur la base de l'anticolonialisme. Cette fédération des partis politiques
africains rassemble à ses débuts l'Union démocratique sénégalaise, l'Union soudanaise, l'Alliance pour la démocratie et la fédération de Haute-Volta.

L’aspiration première du RDA est de rassembler la plus large union de forces politiques africaines, au-delà des clivages politiques, religieux, et culturels.
Ainsi, la circulaire du Comité de coordination du RDA, le 26 février 1947 en pose les préceptes : le RDA est « une réalité indépendante des conceptions
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philosophiques ou religieuses, des affinités ethniques, de la situation sociale » .

L'union des partis politiques africains par le RDA s'est ainsi constituée sur un programme minimum, pour la lutte contre la domination coloniale des africains.
On retrouve dans la circulaire du comité de coordination du RDA, le discours équivoque de Félix Houphouët-Boigny : « La résolution exprime les idées
fondamentales qui seront la base du Rassemblement : élaboration d'une politique qui reconnaisse et favorise le lieu, l'expression de l'originalité africaine en
rejetant toutes les entraves d'une fausse assimilation. […] L'objectif essentiel du rassemblement est de réaliser à tous les échelons de l'organisation politique
l'union que manifestent les africains. Sa tâche primordiale, dans la période actuelle, est donc l'union de toutes les forces anticolonialistes à l'intérieur de
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chaque territoire » .

Le deuxième congrès du RDA, prévu à Bobo-Dioulasso (actuel Burkina Faso), est interdit par le gouverneur Albert Mouragues. Il se tient finalement à
Abidjan du 2 au 6 janvier 1949 en présence de centaines de délégués. Il y exprime sa solidarité avec les peuples du Vietnam (pendant la guerre d'Indochine)
et de Madagascar (à la suite de la répression sanglante de l'insurrection de 1947). Le congrès adopte également des résolutions marquées à gauche
concernant les questions économiques, exposant les problèmes ouvriers et paysans, ce qui conforte les soupçons de «  communisme  » de l'administration
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coloniale .

Ligne politique : de l'alliance avec le PCF au soutien au gouvernement

Le RDA n'entend pas lors de sa fondation en 1946 s'appuyer sur une ligne idéologique bien définie, souhaitant plutôt rassembler les responsables politiques
et syndicaux de l'Afrique coloniale française pour leur permettre de peser sur l'avenir de l'Union française. Il rassemble ainsi des organisations et
personnalités de tendances différentes  : des «  modérés  » souhaitant réformer le système colonial afin d'obtenir plus de droits pour les colonisés, des
« communistes » qui défendent l'indépendance et de profondes réformes économiques et sociales, et des « nationalistes » qui militent pour l'indépendance
sans pour autant rejoindre les idées marxistes.

Il est cependant proche à ses débuts du PCF, plus ouvert aux réformes que les autres partis, et de l'Union soviétique, qui critique la colonisation. Pour des
raisons d'efficacité et tactiques, la totale indépendance du RDA aux partis politiques français, et son positionnement au-delà des clivages politiques ne
peuvent être conservés (Félix-Houphouët Boigny entrera d'ailleurs en 1956 dans le gouvernement français). Le soutien du PCF au Rassemblement donne à
la fédération des partis un poids important dans la politique française, et le groupe s'apparente en 1947 au groupe parlementaire du Parti communiste à
l'Assemblée nationale.
Le RDA ne constitue pas pour autant un parti politique traditionnel, mais plus un cadre de coopération des élus socialistes et communistes africains,
permettant une action unitaire en matière de revendication des droits des africains. Ses membres élus restent principalement représentants de leurs partis
locaux, avec leur mode de fonctionnement propre. Ainsi, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) est une des sections du RDA.

Félix Houphouët-Boigny apparaît comme une figure de compromis et est pour cette raison choisi comme président du Rassemblement. Il n'est pas pour
autant son chef unique. D'autres autorités morales le dépassent, comme Mamadou Konaté, fondateur du syndicat des instituteurs d'AOF en 1937, ou Gabriel
Dadié, fondateur du syndicat agricole africain en Côte d'Ivoire en 1944. Un comité de coordination est censé représenter l'instance dirigeante du parti.

Houphouët-Boigny est reçu secrètement à l’Élysée par Vincent Auriol le 27 juillet 1950 et affirme son souhait de « collaborer » avec le gouvernement (il
prononce le mot à six reprises au cours de l'entretien). Promettant de se séparer des communistes et de marginaliser les éléments les plus fermement
anticolonialistes au sein du RDA, il demande en échange à l’État français de réduire la puissance des colons qui font fortune dans le café et le cacao,
expliquant que le « gros commerce » constitue le principal problème des colonies d'Afrique. Le président français comprend que son interlocuteur, richissime
planteur africain, entend monnayer son influence politique contre la défense de ses intérêts économiques. Houphouët-Boigny rencontre ensuite le chef du
gouvernement René Pleven, et enfin François Mitterrand, ministre de la France d'Outre-mer, chargé de sceller le rapprochement. Il accepte de remettre à ce
dernier la promesse écrite que le RDA respectera le cadre de l'Union française, renonçant par conséquent à revendiquer l'indépendance. En octobre, les
parlementaires du RDA se retirent du groupe communiste ; en janvier 1952, le RDA rejoint le groupe UDSR (parti centriste auquel étaient notamment affiliés
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René Pleven et François Mitterrand), et appartient dès lors officiellement à la majorité gouvernementale .

Ce changement de ligne politique est accueilli avec scepticisme par beaucoup de militants, qui y voient cependant tout d'abord un simple « repli tactique ».
Le vice-président du RDA, Gabriel d'Arboussier, dénonce finalement une «  trahison  ». Plusieurs formations affiliées au rassemblement partagent cette
position  : l'Union démocratique sénégalaise, l'Union des populations du Cameroun et l'AERDA, branche étudiante du RDA. Houphouët-Boigny voit sa
position plus encore fragilisée par la lourde défaite du RDA aux élections législatives, massivement truquées, de 1951. Alors qu'il risque d’être évincé de la
présidence du rassemblement, il parvient à manœuvrer habilement pour imposer sa ligne. Un rapport confidentiel des autorités françaises décrit un putsch du
président du RDA contre son propre mouvement  : «  Pendant la période de mi-1950 à la mi-1951, le RDA fit entièrement volte-face pour devenir
progressivement un parti pro-administratif. [...] [Houphouët] mena son jeu seul avec beaucoup de souplesse, de tergiversations, de roueries dignes de
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Machiavel, se gardant bien de convoquer soit le comité directeur, soit le congrès de son parti . » Le comité de coordination n'est convoqué qu'en 1955, après
le départ des principaux opposants à cette nouvelle ligne (Gabriel d'Arboussier, Djibo Bakary, etc). À cette occasion, l'UPC du Cameroun et l'UDS du
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Sénégal sont officiellement exclues du RDA .

Cependant, les répressions contre le Rassemblement dans les années 1949-1950 entraîne le renouveau de l'intérêt des intellectuels, avocats africains pour le
parti fédéraliste. En Côte d'Ivoire, les autorités coloniales s’emploient à favoriser les dissensions internes à l'aide d'agents provocateurs et font incarcérer en
masse les militants du parti, générant une montée des tensions. Durant toute l'année 1949, les grèves, les manifestations et les affrontements se multiplient,
faisant officiellement une cinquantaine de morts et plus de 3 000 arrestations. En janvier 1950, la plupart des cadres sont arrêtés  ; l'un d'eux, le sénateur
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Victor Biaka Boda, est même décapité . En février 1950, les autorités interdisent toute réunion du RDA. Certains responsables français, comme le Haut-
Commissaire en AOF Paul Béchard, se prononcent pour une interdiction du parti. La décennie 1950 est le moment d'effervescence du parti, qui est à
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l'origine d'un grand élargissement de son audience . Dans ce contexte, en 1957 est créée l'Union générale des travailleurs de l'Afrique noire instiguée par le
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RDA. Il remporte de nombreuses victoires électorales entre 1956 et 1957 .

Le RDA et les indépendances : l'éclatement

Dans les années 1960, les territoires d'outre-mer d'Afrique occidentale et équatoriale françaises deviennent des États indépendants. Les différents chefs d'État
africains peinent à s'entendre quant à l'application des préceptes de fédéralisme prôné par le RDA. Si des unions de type fédéral se mettent en place, comme
la Fédération du Mali - regroupant le Sénégal et le Soudan Français, actuel Mali -, elles ne s'inscrivent pas dans la durée et les divergences politiques des
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leaders des indépendances se posent en obstacles de taille . D'autre part, Félix Houphouët-Boigny s'emploie à neutraliser politiquement les dirigeants les plus
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nationalistes du RDA et à les remplacer par d'autres, mieux disposés à l'égard des intérêts du gouvernement français .

Autre obstacle à la concrétisation des desseins du Rassemblement, l'inégale présence des sections du RDA en Afrique est majeure. Le mouvement s'est pour
l'essentiel focalisé sur les territoires des ex-colonies françaises, rendant difficile une union large des États africains. De plus, le cœur des territoires du RDA
est, de fait, l'ancienne AOF, laissant souvent les territoires d'Afrique équatoriale de côté.
Ces difficultés n'ont toutefois pas été considérées comme un échec du RDA. Au contraire, l'absence de mouvement fédéraliste large et de longue durée en
Afrique a posé sur le RDA une image mythique d'un parti se voulant incarner un idéal africain d'indépendance, et d'exemplarité politique. Aujourd'hui, le
RDA incarne encore l'idéal-type du panafricanisme et de l'anticolonialisme.

Composition du parti

Les partis composant le RDA

Partis politiques constituant le RDA

Pays Parti politique

Côte d'Ivoire Parti démocratique de Côte d'Ivoire

Haute-Volta Parti démocratique voltaïque, puis en 1957 Union démocratique voltaïque, devenu le Rassemblement démocratique africain

Soudan français Union soudanaise

Cameroun Union des populations du Cameroun (jusqu'en 1951)

Sénégal Union démocratique sénégalaise (exclu en 1955)

Guinée Parti démocratique de Guinée (exclu le 9 octobre 1958 après sa décision de rejeter la Communauté française.)

Niger Parti progressiste nigérien

Tchad Parti progressiste tchadien

Moyen-Congo Parti progressiste congolais, remplacé en 1958 par l'Union démocratique de défense des intérêts africains

Gabon Comité mixte gabonais, puis en 1954 Bloc démocratique gabonais

Les personnalités fondatrices du RDA


Félix Houphouët-Boigny
Gabriel d'Arboussier
Modibo Keïta
Fily Dabo Sissoko
Doudou Guèye
Jean Félix-Tchicaya
Joseph Félix Corréa du Sénégal
Sourou Migan Apity
Yacine Diallo

Notes et références
1. « Naissance du Rassemblement démocratique africain – Jeune Afrique », Jeune Afrique,‎15 octobre 2007 (lire en ligne (http://www.jeune
afrique.com/103057/archives-thematique/naissance-du-rassemblement-d-mocratique-africain/), consulté le 11 octobre 2020).
2. J. Suret-Canale, A. A. Boahen (Chap. 7), Histoire générale de l'Afrique. Tome VIII. L'Afrique depuis 1935, Paris, Unesco, 1998
(ISBN 92-3-202500-0, lire en ligne (http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001843/184344f.pdf)), Page 131
3. « Francophonie - Le mouvement panafricaniste au xxe  siècle » (http://www.francophonie.org/IMG/pdf/oif-le-mouvement-panafricaniste-au-
xxe-s.pdf), sur francophonie.org, mai 2013 (consulté le 11 décembre 2015)
4. Elikia M'Bokolo, Afrique Noire. Histoire et civilisations. Du xixe  siècle à nos jours, Paris, Hatier, 2008 (ISBN 978-2-218-75050-2), page
475
5. L'Empire qui ne veut pas mourir: Une histoire de la Françafrique, Seuil, 2021, p. 140-174
6. Gabriel Lisette, Le combat du Rassemblement démocratique africain pour la décolonisation pacifique de l'Afrique noire, Paris, Présence
Africaine, 1983, 398 p.
7. Turpin Frédéric, « Le passage à la diplomatie bilatérale franco-africaine après l'échec de la Communauté. », Relations internationales,
no 135,‎mars 2008, p. 25-35 (www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-3-page-25.htm)
8. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita,, Kamerun, La Découverte, 2019, p. 416

Voir aussi

Articles connexes
Panafricanisme
Décolonisation de l'Afrique
Felix Houphouët-Boigny

Bibliographie
Charles-Robert Ageron, La décolonisation française, Paris, Armand Colin, 1991
J.-R.de Benoist, La balkanisation de l'Afrique Occidentale française, Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1978
J.-R. de Benoist, L'Afrique occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à l'Indépendance (1960), Dakar, Les
Nouvelles Éditions africaines, 1982
Ibrahima Thioub, Le Rassemblement démocratique africain et la lutte anticoloniale de 1946 à 1958, Dakar, Université Cheikh Anta
Diop, 1982, 78 p. (Mémoire de maîtrise)
Charles-Robert Ageron (Dir.), L'Afrique noire française. L'heure des indépendances, Paris, CNRS Éditions, 2010 (1992)
Fall Babacar, « Le mouvement syndical en Afrique occidentale francophone, De la tutelle des centrales métropolitaines à celle des
partis nationaux uniques, ou la difficile quête d'une personnalité (1900-1968). », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 4/2006
(No 84) , p. 49-58 
Elikia M'Bokolo, Afrique noire. Histoire et civilisations. Du XIXe siècle à nos jours, (Tome 2), Paris, Hatier, 2008 (1992)
Charles-Robert Ageron (dir), Histoire générale de l'Afrique. Tome VIII. L'Afrique depuis 1935, Paris, Unesco, 1998
Amzat Boukari-Yabara, Africa Unite, une histoire du panafricanisme, La Découverte, 2014
Philippe Guillemin, « Les élus d'Afrique noire à l'Assemblée nationale sous la Quatrième République » (https://www.persee.fr/doc/rfsp
_0035-2950_1958_num_8_4_392489), Revue française de science politique, 1958, 8-4, p. 861-877.

Liens externes

Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :


BlackPast (https://www.blackpast.org/global-african-history/african-democratic-rally-1946/) ·
Dizionario di Storia (http://www.treccani.it/enciclopedia/rassemblement-democratique-africain_(Dizionario-di-Storia)/) ·
Enciclopedia De Agostini (http://www.sapere.it/enciclopedia/RDA.html) ·
Gran Enciclopèdia Catalana (https://www.enciclopedia.cat/EC-GEC-0054346.xml)
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WorldCat (https://www.worldcat.org/identities/lccn-n50061922)

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