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19ème Congrès Français de Mécanique Marseille, 24-28 août 2009

Couplage mécano-fiabiliste en vue d’évaluer la performance


sismique des bâtiments

A. EL GHOULBZOURI*, A. KHAMLICHI*, M. BEZZAZI**, T. MOURABIT**, F. LOPEZ ALMANSA***

*EM2SM, Faculté des Sciences Tétouan, Maroc


**EMMS, Faculté des Sciences et Techniques, Tanger, Maroc
***Université polytechnique de Catalogne, Dept. Structures Architecturales, Barcelone, Espagne

Résumé:
On considère dans ce travail l’évaluation de la performance sismique des bâtiments. On utilise le concept de
surface de réponse afin d’exprimer la fonction de défaillance obtenue par régression des résultats de
simulations éléments finis de type pushover effectuées à l’aide du logiciel Etabs. On considère le problème
de la durabilité des résistances caractéristiques du béton et de l’acier en introduisant deux variables
aléatoires. Un plan factoriel complet est employé afin de définir les points expérimentaux où la valeur de la
fonction de défaillance, déplacement maximal inter étages, est évaluée.

Abstract:
Evaluation of seismic performance of buildings is considered in this work. Surface response concept is used
to derive explicitly the failure function in order assess reliability of seismic design durability. Finite element
computations were performed by Etabs package. Two random variables defined by concrete and
reinforcement material resistances were introduced. A complete factorial design was used to define a finite
set of data points where the failure function considered being the maximum inter-story displacement is
evaluated.

Mots clés: Séisme, béton armé, pushover, MEF, surface de réponse, fiabilité

1 Introduction
Les constructions modernes doivent satisfaire aux critères de dimensionnement sismique qui représentent
souvent la combinaison d’action la plus défavorable vis-à-vis des efforts latéraux. Afin de satisfaire aux
exigences de sécurité en évitant un surdimensionnement coûteux, le besoin de développer des solutions
optimisées et économiques nous invite à évaluer avec plus de maîtrise le risque en intégrant de manière
rationnelle l’effet des incertitudes qui affectent les chargements appliqués, les caractéristiques des matériaux
et les imprécisions des dimensions géométriques. La fiabilité des structures représente l’outil pertinent qui
permet de quantifier les effets de ces incertitudes et de calculer la probabilité de défaillance à partir des
densités de probabilités des variables incertaines présentes dans le problème, [1]. Cette discipline permet non
seulement de calculer la probabilité de défaillance mais également de déterminer les sensibilités de cette
probabilité dues à chaque variable aléatoire, ce qui ouvre la possibilité d’agir de manière préférentielle sur
les variables les plus influentes afin d’atteindre la fiabilité désirée.
Le but de ce travail est d’appliquer la méthodologie d’une analyse fiabiliste afin d’évaluer la performance
sismique d’un bâtiment en béton armé. En négligeant, par hypothèse, les effets des variations des charges et
des dimensions géométriques, on présente dans ce travail la simulation de l’effet des détériorations qui
peuvent affecter les propriétés mécaniques de base à savoir la résistance caractéristique moyenne du béton à
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l’age de 28 jours et la limite élastique garantie des armatures. L’analyse fiabiliste est conduite de manière
paramétrée en fonction du facteur ductilité qui est très difficile à quantifier dans le cas du bâti existant
lorsqu’il est de type pré code. En effet, rien ne permet de déterminer avec une précision suffisante les
dispositions constructives exécutées lors de la réalisation du bâtiment, ce qui fait que le niveau de ductilité
reste inconnu. L’analyse fiabiliste permet de vérifier que la probabilité de défaillance chute de manière
considérable avec le niveau de ductilité réel présent dans la structure. Ceci peut entre autres expliquer la
dispersion observée à grande échelle au niveau des dégâts qui surviennent suite à un tremblement de terre.

2 Approximation de la fonction de défaillance par une surface de réponse


Il existe des méthodes qui permettent d’approximer la fonction d’état limite lorsqu’elle est de nature
implicite. Ces méthodes permettent de formuler une représentation mathématique simplifiée de la fonction
d’état limite exacte et dont l’évaluation en fonction des variables aléatoires d’entrée est immédiate. Ceci
permet d’éviter l’appel systématique à la méthode des éléments finis pour évaluer pour chaque jeu de
paramètres la fonction de défaillance G, [2, 3]. L’appel au code éléments finis est géré de manière plus
efficace afin d’en tirer un maximum de profit sans alourdir les calculs. En effet, dans sa version normale
l’analyse fiabiliste emploie l’appel à la méthode des éléments finis pour effectuer les différentes évaluations
de G. Ceci est fait principalement pour calculer les gradients par différences finis, une information qui ne sert
qu’une seule fois en un point de calcul donné. Or, l’algorithme d’optimisation peut échouer à trouver
constamment un optimum au cours des itérations, ce qui se traduit alors par des appels inutiles au code
éléments finis. Une autre façon plus robuste consiste à construire un modèle représentatif du modèle
mécanique en effectuant des tirages sur le domaine considéré suivant un plan d’expérience défini a priori. A
partir de ces informations on construit un métamodèle: la fonction d’état limite est obtenue sur tout le
domaine par régression sous forme d’une surface de réponse. La surface de réponse est une expression
analytique, le plus souvent un polynôme [4, 5, 6]. Mais, l’expression de la fonction de défaillance obtenue
par régression n’est valable que dans la gamme des valeurs choisies pour les variables aléatoires et
l’extrapolation au-delà de cette gamme n’est pas justifiée.
La première étape consiste donc à sélectionner un nombre fini de points expérimentaux où la valeur de la
fonction de défaillance sera évaluée. L’approche la plus commune consiste à prendre des points
expérimentaux en faisant varier les valeurs des variables aléatoires conformément à un plan factoriel
complet, [7].
Dans le cas particulier d’une interpolation linéaire en fonction des paramètres, l’existence d’erreurs dans la
sortie du modèle mécanique nous oblige à prendre un grand nombre de points avant d’opérer ensuite
l’identification par la méthode des moindres carrées. L’estimateur se définie alors par la minimisation de la
fonction erreur au sens des moindres carrés.

3 Calcul pushover sous Etabs


Etabs est un logiciel de calcul des structures permettant d’effectuer l’analyse et la conception parasismique
des bâtiments. Etabs permet d’effectuer divers types d’analyse qui vont de la simple étude 2D en statique
afin de dimensionner les armatures à une analyse dynamique non linéaire 3D très complexe. Etabs permet de
satisfaire de nombreux besoins qui sont ressentis dans le domaine de l’analyse des structures, principalement
des bâtiments, et en particulier l’analyse pushover très utilisée dans le domaine du génie parasismique.
La modélisation du comportement du béton en vue du calcul pushover avec Etabs ne demande que la valeur
de la résistance caractéristique à l’age de 28 jours, notée f c28 . Le caractère mécanique de l’acier servant de
base aux justifications est la limite d’élasticité garantie f e . Le module d’élasticité longitudinale de l’acier est
pris égal à E s = 200000 MPa .
Les simulations pushover sont effectuées sur un cas réel. La structure modélisée est celle d’un immeuble
R+4, situé à Tanger. Il est d’une surface totale de 288 m2 . Il s’agit d’un bâtiment en béton armé, dalle en
poutrelle préfabriquée de 12 cm d’épaisseur. La hauteur de chaque niveau est de 3m .
La contrainte admissible du sol considéré dans son dimensionnement est q=2,2 bars. Les autres hypothèses
de calcul sont: ciment CPJ45, calcul suivant les règles BAEL91 en utilisant le programme Robot office 21 et
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le règlement parasismique marocain (RPS 2000). La zone sismique concernée est conformément à ce
règlement la zone III. Le coefficient de ductilité choisi est K = 3.76 . Le coefficient de priorité est I = 1 . Le
coefficient de site est S = 1.2 .
Les charges permanentes retenues sont:
- Béton armé: 2500Kg /m3;
- Cloison légère répartie: 50Kg / m2 .;
- Dalle préfabriquée: 16+4 :285Kg / m2;
- Plate de forme: 140kg / m2;
- Enduit sous plafond 30Kg / m2
- Double cloison en brique creuses (épaisseur 0,14m): 256Kg / m2;
- Simple cloison en brique creuses (épaisseur 0,07m):158Kg / m2.
Les charges d’exploitation sont:
- Bâtiment à usage d’habitation: 150kg / m2;
- Escalier (marches isolées exclues): 250kg / m2;
Le dimensionnement réalisé par Robot Office a donné les résultats suivants:

Tableau 1 - Dimensions des poutres et des poteaux et ferraillage longitudinal des poteaux

Niveau Poutres (cmxcm) Poteaux (cmxcm) Ferraillage des poteaux


RDC 25x40 30x60 12HA12
Etage de 1 à 4 25x40 25x55 10HA12

FIG. 1- Distribution des rotules plastiques à la rupture


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FIG. 2: courbe de fragilité donnant l’effort tranchant à la base en fonction du déplacement du toit du bâtiment

La direction sismique la plus défavorable est la direction x, figure 1. L’analyse pushover est conduite sous
Etabs Nonlinear v9. Des rotules définies par défaut de type effort tranchant V2 ont été placées sur les
poteaux. Les rotules des poutres sont toutes de type flexion M3.
La figure 1 présente l’état limite de ruine du bâtiment. La figure 2 donne la courbe de fragilité
Les résultats de calcul obtenus permettent de construire artificiellement la fonction d’état limite associée
dans notre cas à la ruine du bâtiment en utilisant un polynôme de degré deux ajusté aux résultats de calculs
pushover. Cette fonction est utilisée pour évaluer la probabilité de défaillance. L’évaluation numérique de la
fonction décrivant l’état limite de ruine a nécessité la réalisation d’une série d’expériences numériques qui
correspondent à des calculs avec des paramètres d’entrés sélectionnés conformément à un plan factoriel
complet. Le tableau 2 présente le déplacement inter étages maximal en fonction des paramètres utilisés.

Tableau 2 - Déplacement inter étage en fonction des variables aléatoires

Déplacement
Test Fc (MPA) Fe (MPA)
Inter étage (m)
1 30,05 686 0,015168
2 30,05 560 0,025565
3 30,05 434 0,030017
4 24,50 686 0,012792
5 24,50 560 0,022784
6 24,50 434 0,025644
7 18,95 686 0,007860
8 18,95 560 0,016603
9 18,95 434 0,030925

4 Analyse fiabiliste
La fonction d’état limite est définie par: G(f c28 ,f e )=δ c - δ(f c28 ,f e ) avec δc = 0.03h/K , où h est la hauteur
inter étage, K le coefficient de ductilité et δ(f c28 ,f e ) la fonction de réponse déterminée par régression
quadratique des résultats du tableau 2, soit
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δ(f c28 ,f e )=0.07519-0.002166 f c28 -0.000051 f e +0.00002 f c28 -0.0000001f e2 +0.0000029 f c28 f e

Le logiciel Phimécasoft est utilisé pour effectuer le calcul de l’indice de fiabilité (Hasofer-Lind) et de la
probabilité de fiabilité. Deux approches sont utilisées: Monte Carlo et FORM/SORM. Les résultats obtenus
sont présentés sur le tableau 3.

Tableau 3 - Indice de fiabilité et probabilité de fiabilité en fonction du coefficient de ductilité

Ductilité MONTE CARLO FORM/SORM


K β (Hasofer-Lind) Pf β (Hasofer-Lind) Pf
2 1.6449 5% 1.9678 2.45%
2.5 1.2265 11% 1.4985 6.7%
3 1.1264 13% 1.2044 11.42%
3.5 0.8416 20% 1.0021 15.82%
4 0.6745 25% 0.8547 19.64%
4.5 0.64335 26% 0.7465 22.77%
5 0.58284 28% 0.6532 25.68%

β=ƒ(K)

1,8
1,6
1,4
1,2
1
β=ƒ(K)
β

0,8
0,6
0,4
0,2
0
2 2,5 3 3,5 4 4,5 5
K

FIG. 3- Indice de fiabilité en fonction de la ductilité de la structure du bâtiment (Monte Carlo)

β=ƒ(K)

2,5

1,5
β=ƒ(K)
β

0,5

0
2 2,5 3 3,5 4 4,5 5
K

FIG. 4- Indice de fiabilité en fonction de la ductilité de la structure du bâtiment (FORM/SORM)


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L’indice de fiabilité varie en sens contraire de la probabilité de fiabilité Pf . Il varie dans le même sens que la
probabilité de défaillance.
Il est évident, comme le montre les deux figures 3 et 4, que l’indice de fiabilité diminue avec le niveau de
ductilité présent dans la structure.
Lorsqu’on intègre la variabilité des performances des matériaux exprimée ici en fonction de la résistance
caractéristique du béton à l’age de 28 jours et la limite élastique garantie de l’acier, la structure qui est
conçue initialement avec les valeurs nominales f c28 = 25 MPa et f e = 500 MPa et pour un niveau de
ductilité K = 3.76 présente une probabilité de ruine qui tourne autour de 80% si le niveau de ductilité
réalisé correspond effectivement à l’hypothèse adoptée. Cette probabilité est voisine de 98% lorsque le
niveau de ductilité est minimal K = 2 .
La méthodologie appliquée dans ce travail pour analyser la fiabilité utilise les surfaces de réponses
polynomiales qui a montré ses limites en présence de probabilités de défaillance importantes [8], [9] et [10].
Cette situation se présente dans notre cas et il serait nécessaire de considérer de manière rationnelle par
exemple l’effet de la troncature polynomiale sur le comportement du modèle fiabiliste considéré ici.

5 Conclusion
Nous avons appliqué le concept d’analyse fiabiliste afin d’intégrer de manière rationnelle l’effet, sur la
résistance à la ruine d’un bâtiment, qui résulte des variations qui peuvent affecter les caractéristiques
fondamentales du matériau béton armé à savoir la résistance du béton et celle de l’acier. Un autre paramètre
non vraiment contrôlé lorsque le bâtiment est pré code, en l’occurrence la ductilité, intervient dans le
problème. Nous avons présenté son influence sur la probabilité de défaillance. Celle-ci augmente
considérablement lorsque la ductilité réelle est minimale.
Des études complémentaires seraient utiles afin d’analyser par exemple l’effet de la troncature polynomiale
sur la qualité de la réponse du modèle fiabiliste.

Références
[1] O. Ditlevsen and H.O. Madsen. Structural reliability methods., Ed. John Wiley and Sons (1996).
[2] A.M. Hasofer and N.C. Lind. An exact and invariant first order reliability format, J.Eng. Mech., ASCE,
100 (12):111–121 (1974).
[3] R. Rackwitz and B. Fiessler. Structural reliability under combined random load sequences. Computers
and Structures, 9:489–494 (1979).
[4] Gayton, N., Bourinet, J. et Lemaire, M. CQ2RS : A new statical approach to response surface method for
reliability analysis. Structural Safety, 25:99–121. 2003.
[5] Roux, W.J., Stander, N. et Haftka, R. T. Response surface approximations for structural optimization.
Journal for Numerical Methods in Engineering, 42:517–534. 1998.
[6] Soares, R., Mohamed, A., Venturini, W. et Lemaire, M. (2002). Reliability analysis of nonlinear
reinforced concrete frames using the response surface method. Reliability Engineering and System Safety,
75:1–16.
[7] Quanwang Li. Mathematical Formulation of Tools for Assessment of Fragility and Vulnerability of
Damaged Buildings. PhD thesis. Georgia Institute of Technology. 2006.
[8] Schoefs F. Sensitivity approach for modelling the environmental loading of marine structures through a
matrix response surface. Reliability Engineering and System Safety 93, 1004-1017, 2008.
[9] Leira B.J., Tore Holmas T. and Herfjord K.Application of response surfaces for reliability analysis of
marine structures. Reliability Engineering and System Safety 90, 131–139, 2005.
[10] Rguig M. Méthodologie des surfaces de réponse pour l’analyse en fiabilité des plates-formes pétrolières
offshore fissurées. Faculté des Sciences et des Techniques, Université de Nantes, Nantes, France 2005.

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