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23- ENSEMBLE DOCUMENTAIRE SUR LA GRÈVE DU 14 DÉCEMBRE 1988

Document 1: Manifeste de la convocation de la grève générale du 14 décembre 1988 signé


par Commissions ouvrières et UGT.

Ensemble, nous pouvons.


Depuis plus d’une décennie d’années, les travailleurs espagnols ont mené à terme une
politique de responsabilité, rendant possible la consolidation du système démocratique,
l’assainissement de l’économie et la croissance de la productivité. Les syndicats ont toujours
montré sa volonté pleine au dialogue et la négociation. Maintenant, quand a lieu une
amélioration de la situation économique et les entreprises et les banques obtiennent de
grands bénéfices, les travailleurs exigeons l’établissement de priorités sociales, ajournées
pendant des années, que, si elles ont toujours été de justice, aujourd’hui devient tout à fait
scandaleux de les refuser. Dans cette ligne, les syndicats avons soulevé au gouvernement et au
patronat, dans les tables de négociations récemment convoquées, la nécessité de créer plus
d’emploi, avec la plus grande stabilité, introduire des réformes incontournables dans notre
cadre institutionnel, moderniser le système de relations de travail et améliorer les conditions
des chômeurs, des retraités, des employés publics et, encore, de l’ensemble des travailleurs.
Or, l’accord n’a pas été possible par la forte intransigeance du gouvernement attaché à
la défense des intérêts du patronat et à la mise en place de mesures régressives et contraires
aux intérêts des grands collectifs, dont les plus démunis.
Cette politique, antisociale et antisolidaire du gouvernement et du patronat suppose la
mise en place de quelques agressions qui se trouvent parmi les plus graves subies par les
travailleurs depuis le retour de la démocratie […]

Document 2 : Tête de la manifestation convoquée par les syndicats le 14 décembre 1988
Document 3 : La Une du quotidien El País au lendemain de la grève générale du 14 décembre
1988.
1.- Présentation des documents.

Le document 1 est un texte historique-circonstanciel, le manifeste de la grève générale


convoquée par les syndicats Commissions Ouvrières et UGT le 14 décembre 1988 contre la
politique économique et sociale du gouvernement de Felipe González.
Le document 2 est une photographie, document témoin et iconographique de source
primaire de la tête de la manifestation convoquée par les syndicats le 14 décembre 1988.
Quant au document 3, il s’agit d’un document journalistique, la Une du journal El País,
au lendemain de la grève générale du 14 décembre 1988 informant sur le succès de la grève.

Le document 1, texte collectif des syndicats convoquant la grève générale du 14


décembre 1988, Commissions Ouvrières et UGT, montre les critiques de ces syndicats à l’égard
de la politique du gouvernement, à son avis lié aux intérêts du patronat et souligne la
responsabilité des travailleurs, et de leurs syndicats, pendant toute la période de Transition à
la démocratie, contribuant, dans une époque de difficultés économiques, à la consolidation de
la démocratie. Or, les syndicats demandent un tournant social de cette politique tenant
compte, en plus, que pendant la seconde moitié des années 1980 l’économie espagnole
expérimente une période de croissance.
Le document 2 montre la tête de la manifestation convoquée par les syndicats le jour
de cette grève, manifestation massive qui correspond à la participation aussi massive dans la
grève.
Le document 3 fait état, à travers la Une du quotidien El País, du succès de la grève,
même si ce journal, comme la plupart des médias, avait fait campagne dans les semaines
précédentes contre la grève, mais dont la réussite il n’a pas d’autre choix que reconnaître.

2.- Contexte historique.

Malgré le changement politique qui se produit en conséquence de l’arrivée du PSOE au


pouvoir en 1982, ce qui est considéré par beaucoup comme la fin de la Transition du moment
qu’un parti ayant fait partie de l’opposition à la dictature franquiste arrivait au pouvoir, la
politique économique du gouvernement de Felipe González, montre beaucoup de
ressemblances par rapport à celle pratiquée par les gouvernements de l’UCD. À la tête de cette
politique économique se situe d’abord Miguel Boyer, remplacé par Carlos Solchaga en 1985
qui continue avec la politique économique de son prédécesseur. Le but principal de cette
politique est de moderniser l’appareil productif et de s’adapter aux exigences de l’entrée de
l’Espagne à la CEE. Dans un contexte général de mise en place de politiques néolibérales, aussi
dans les pays avec des gouvernements conservateurs, dont le Royaume Uni de Margaret
Thatcher ou les États-Unis de Ronald Reagan, que dans ceux qui comptaient avec des
gouvernements social-démocrates, dont la France de Mitterrand, le gouvernement de
González renonce aux politiques de transformation, de renforcement du secteur public et de
progressivité fiscale et centre ses efforts dans la lutte contre l’inflation, la rigueur budgétaire,
la réduction du déficit et la reconversion industrielle, provoquant l’affrontement avec les
travailleurs et leurs syndicats, notamment dans une première phase les Commissions
Ouvrières.
La principale réussite politique et économique de ce gouvernement est l’entrée
d’Espagne à la CEE, dont le traité est signé le 12 juin 1985 entrant en vigueur à partir du 1 er
janvier 1986. Cette entrée coïncide avec une conjoncture haussière de l’économie mondiale et,
en plus, l’Espagne bénéficie des fonds de cohésion apportés par la CEE. Cependant, on ne tire
pas profit de cette situation pour améliorer la situation des travailleurs et diminuer les clivages
sociaux, ce qui provoque un affrontement de plus en plus tendu avec les syndicats, maintenant
non seulement Commissions Ouvrières, mais aussi l’UGT, syndicat historiquement lié au PSOE.
Ces affrontements débouchent sur la convocation d’une grève générale pour le 14 décembre
1988.

3.- Réflexion organisée sur la politique économique des gouvernements de Felipe González
et leur affrontement avec les syndicats.

L’arrivée au pouvoir du PSOE en 1982 suppose la mise en place de quelques réformes


visant à développer quelques services publics comme la Santé ou l’Éducation et à rendre plus
effective l’administration publique. Cependant, ces mesures deviennent insuffisantes étant
donné le niveau de retard de l’Espagne par rapport à d’autres pays européens dans le
développement des services publics et à l’assouplissement de la portée de ces réformes par
des mesures prises postérieurement. Néanmoins, par rapport à la politique économique, ce
qu’il faut souligner est surtout la continuité à l’égard de celle des premiers gouvernements de
la Transition. En quoi consiste cette politique économique et quelle va être l’attitude des
syndicats par rapport à une politique qu’ils considéraient contraire aux intérêts des
travailleurs ? Pour répondre à ces questions, on va voir d’abord quelles sont les principales
mesures prises en matière économique par les gouvernements de Felipe González et puis
quelle va être la réponse des syndicats à cette politique.

Le but principal de la politique économique des gouvernements de Felipe González est


de mettre l’économie espagnole en conditions d’affronter les enjeux de l’entrée d’Espagne à la
CEE. Pour y réussir, le gouvernement considère nécessaire mener à terme avant tout la lutte
contre l’inflation, la réduction du déficit budgétaire et renforcer la compétitivité de l’industrie
espagnole à travers une reconversion industrielle qui, pour la plupart, devient réellement un
processus de démantèlement industriel qui touche larges secteurs de l’industrie espagnole
sans prévoir les alternatives, ce qui suppose une forte augmentation du chômage dans le
secteur industriel. En plus, on mettait en œuvre quelques mesures de libéralisation
économique et de flexibilisation du marché du travail, c’est-à-dire de rendre plus facile le
licenciement des travailleurs. Même si le but d’entrer à la CEE est atteint, le prix à payer de
cette politique est l’affrontement avec les travailleurs et leurs syndicats, notamment
Commissions Ouvrières car l’UGT, même si elle montre un certain malaise, accepte cette
politique. Or, quelques mesures comme la réforme du système de retraites en 1985 amènent
aussi l’UGT à se démarquer de la politique gouvernementale, si bien que ses dirigeants Nicolás
Redondo et Antón Saracíbar, députés en plus du PSOE au Congrès des députés, votent contre
cette loi au parlement, alors que Commissions Ouvrières convoquait, avec d’autres syndicats,
une grève générale pour le 20 juin 1985. Tout cela conduit à un rapprochement des deux
syndicats qui s’acheminent vers l’unité d’action. L’approbation par le gouvernement en
octobre 1988 du Plan de Promotion de l’Emploi Jeune met le feu aux poudres et provoque une
réponse immédiate des syndicats qui considèrent que ce plan signifiait la précarisation de
l’emploi pour les jeunes.
En effet, l’unité d’action qui s’annonçait entre les deux syndicats majoritaires se
renforce du fait de leur opposition commune à cette mesure. Le 12 novembre 1988 les
directions d’UGT et Commissions Ouvrières décident la convocation d’une grève générale pour
le 14 décembre. Le 17 novembre est paru le manifeste Ensemble, nous pouvons où l’on
exigeait le retrait immédiat du plan et un tournant social de la politique gouvernementale
permettant la récupération du pouvoir d’achat des travailleurs et une augmentation des
allocations de chômage. Le gouvernement entendait que la convocation de cette grève était
une opération de déstabilisation politique et mène à terme une forte campagne contre les
syndicats, appuyée par la plupart des médias, encore ceux publics. Or, la grève fut un succès.
Le pays restait paralysé, ce qui est symbolisé par l’arrêt des émissions de télévision espagnole
aux 0 :00 heures du 14 décembre 1988.
Le gouvernement n’eut d’autre choix que reconnaître le succès de la grève. Les
syndicats avaient réussi à exprimer le malaise provoqué par la politique économique du
gouvernement. Le Plan d’Emploi Jeune fut abandonné et s’est produit un certain tournant
social de la politique économique du gouvernement : augmentation des retraites et des
allocations de chômage et, en général, des dépenses sociales. Cependant, les contraintes du
traité de Maastricht et une nouvelle période de dépression économique amorcée en 1993
supposent à nouveau un tournant vers la libéralisation économique et l’augmentation des
inégalités. La victoire du Parti populaire aux élections de 1996 et la formation d’un
gouvernement présidé par José María Aznar renforce cette politique.

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