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On appelle politiques économiques l’ensemble des actions mises en place par les pouvoirs
publics pour corriger des « déséquilibres » économiques jugés dommageables. L’appréciation
de « ce qui ne va pas » doit, en principe, se fonder sur une théorie économique. La théorie
propose une représentation rigoureuse et cohérente de l’ensemble de la réalité économique.
Elle débouche sur des implications normatives et permet de prévoir les effets à attendre de
telle ou telle action de politique publique.
À court terme, c’est-à-dire sur un horizon inférieur à deux ans, les corrections économiques
peuvent concerner un soutien à apporter à la croissance, la création d’emploi, la stabilisation
des prix, l’équilibrage des relations extérieures. À plus long terme d’autres enjeux
apparaissent : la protection de la planète et la soutenabilité du développement économique, la
répartition des revenus et des patrimoines, l’orientation sectorielle de l’économie, la
dynamisation des forces motrices de la croissance (innovation, capital humain), le bon
fonctionnement des marchés, la pertinence de l’insertion de l’économie nationale dans la
mondialisation.
Les politiques économiques recèlent donc de nombreux enjeux et leur conduite apparaît
complexe. Une manière traditionnelle de les présenter consiste à distinguer deux types de
politiques économiques : les politiques conjoncturelles et les politiques structurelles. C’est
cette première typologie qui sert d’ossature à notre cours.
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des prix et équilibre externe) sont plus relatifs, et sont désignés comme des objectifs de
stabilité.
Les politiques économiques constituent donc un objet innovant. Non seulement les autorités
changent parfois de paradigme mais, surtout, elles imaginent fréquemment de nouveaux outils
: en matière de politique fiscale (nouveaux impôts), de politique monétaire (quantitative
easing, taux d’intérêt négatifs…), de politique commerciale (formes grises de
protectionnisme...).
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CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA POLITIQUES ECONOMIQUES
La dernière crise financière dite crise des subprimes déclenchée aux Etats-Unis et qui a
déferlé à travers le monde entier, est venue nous rappeler que l’économie des marchés ne peut
pas être abandonnée à elle-même sinon c’est le gâchis. Car, en effet, les soit-disant
mécanismes d’auto-régulation du marché qui sont censés éviter de telles crises n’ont jamais
fonctionné, et ce, depuis la Grande Crise de 1929.
Dès lors, l’Etat a un rôle important à jouer pour prévenir les crises et pour relancer les
économies après des catastrophes financières à l’instar de la crise des subprimes, bref l’Etat a
le rôle de réguler l’économie et veiller au bon fonctionnement des mécanismes de l’économie
du marché. Pour mieux appréhender le rôle de l’Etat dans l’économie, sa légitimité ainsi que
ses moyens d’action, nous allons voir successivement le rôle économique de l’Etat selon les
classiques et les keynésiens, la justification et le rôle de l’Etat dans l’économie, enfin les
instruments d’intervention étatique.
Conformément à la doctrine libérale élaborée aux 18ème et 19 ème siècles, le rôle de l’Etat
était le maintien de l’ordre public et la réalisation des missions régaliennes. C’est la
conception de l’Etat-Gendarme. Selon cette conception, le Budget de l’Etat avait pour mission
de financer la force publique, la justice, la diplomatie. Toute autre dépense publique, surtout
dans le secteur économique et social, ne répondait pas, selon les Classiques, au rôle de l’Etat
et portait atteinte à la liberté individuelle, à l’initiative privée et aux lois naturelles de
l’économie du marché.
Par ailleurs, depuis les années 1970, il y a résurgence des thèses libérales avec des
économistes néo-libéraux tels que Milton FRIEDMAN (Ecole monétariste), Thomas
SARGENT (Théorie des anticipations rationnelles) et Arthur LAFFER (Théorie de la pression
fiscale optimale) qui ont soutenu et prouvé que les interventions de l’Etat étaient
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déstabilisantes sur l’économie, que les agents économiques réagissaient toujours aux
décisions économiques de l’Etat, que moins d’Etat était mieux Etat. Ils ont prôné des
politiques anti-inflationnistes se caractérisant par l’auto-limitation du pouvoir financier de
l’Etat et dénoncé les méfaits des déficits budgétaires notamment leurs effets d’éviction sur le
secteur privé et leurs effets boule de neige qui font croître l’endettement. Bref, ils ont tous
appelé au désengagement de l’Etat dans l’économie (privatisations) et à la déréglementation
(l’Etat a renoncé d’assumer certaines de ses missions régaliennes de fixer des normes, des
règles dans plusieurs secteurs du monde économico-financier). C’est cette doctrine qui
prévaut dans le monde anglo-saxon et dans les institutions économiques internationales
notamment le Fonds monétaire international (FMI).
Fort malheureusement, l’auto-régulation des marchés n’a toujours pas fonctionné d’une part
et d’autre part, il y a l’existence des biens dits publics que les libéraux ont négligé. Ces deux
facteurs ont nécessité et nécessitent toujours l’intervention de l’Etat dans l’économie.
Avec la crise de 1929, le modèle libéral basé sur le laisser-faire devenait caduc parce qu’il
venait d’étaler ses limites notamment une crise de surproduction qui a fait plonger les
marchés boursiers surtout WallStreet .L’auto-régulation du marché n’a pas eu lieu car l’offre
ne créait pas sa propre demande comme le prétendaient les classiques en l’occurrence Jean-
Baptiste SAY et qu’une crise de surproduction n’était pas impossible.
Pour faire face aux retombées de la crise, il fallait une nouvelle doctrine pour légitimer
l’action de l’Etat dans l’économie. Le Professeur d’économie à l’Université de Cambridge,
John-Maynard KEYNES, dans son livre intitulé « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et
de la monnaie », a fait l’apologie de l’intervention de l’Etat dans l’économie et a encouragé
les Etats à voter et à appliquer des budgets en déficits afin de relancer les économies meurtries
par la Crise.
Les grandes politiques d’intervention économique qui vont s’en suivre dont le New Deal (aux
Etats-Unis) vont être à l’origine d’une croissance soutenue qui va relancer les économies
occidentales jusqu’au choc pétrolier de 1973. En France, les trente années de croissance qui
ont précédé la récession engendrée par le Choc pétrolier de 1973 ont été qualifiées de Trente
Glorieuses. A l’Etat-Gendarme des libéraux, avait succédé l’Etat-Providence qui, en réalité,
ne fait que compléter le premier.
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II. JUSTIFICATION ET ROLE DE L’INTERVENTION DE L’ETAT DANS
L’ECONOMIE
L’intervention publique peut s’expliquer par : les défaillances du marchés, l’existence des
biens collectifs et l’aggravation des inégalités sociales.
Les déficiences du marché : le marché ne fonctionne pas toujours de façon à sauvegarder les
intérêts de tous les agents, à assurer sa survie et à éviter des crises. C’est pourquoi l’Etat doit
intervenir pour protéger les intérêts communs et assurer le fonctionnement optimal de
l’économie. Tel fut le cas en 207-2008 avec la crise de subprimes déclenchée par les marchés
immobiliers et financiers américains de suite d’une distribution inconsidérée des crédits
immobiliers aux ménages sans commune mesure avec leurs revenus.
L’existence des biens collectifs : à côté des biens privés qui sont l’objet de l’économie
marchande, il existe des biens dits collectifs ou publics qui ont les caractéristiques suivantes :
une fois produits, ils profitent à tous les usagers de la même façon sans que la consommation
de l’un puisse préjudicier celle de tous les autres. C’est le cas de l’éclairage public. Par
ailleurs, dès qu’un bien public est mis à la disposition de l’un tout le monde en bénéficie.
D’où la difficulté d’en faire payer le prix aux usagers car ceux-ci vont recourir
systématiquement à la non-révélation des préférences. Dès lors, la production de tels biens ne
peut être assurée que par les pouvoirs publics car on ne peut pas opérer de discrimination dans
la consommation dès qu’ils sont mis en marche.
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La fonction d’allocation : L’Etat a la charge de produire tous les biens que le secteur privé
n’a pas intérêt à produire soit à cause des investissements excessifs et peu rentables qu’ils
exigent (cas des infrastructures) , soit du fait de la non exclusion à la consommation une fois
produits (cas de l’éclairage public qui est à la portée de tout le monde- difficulté de vendre
l’éclairage public à une personne seule). Ici la question demeure l’efficacité productive.
L’Etat doit chercher à maximiser le bien-être collectif tout en tirant le meilleur parti des
ressources productives disponibles. En outre les investissements réalisés par l’Etat dans les
biens collectifs ou publics sont généralement à l’origine des économies externes pour les
entreprises. C’est le cas des dépenses effectuées pour financer la recherche et la formation
professionnelle.
Les politiques conjoncturelles sont des politiques de court terme qui portent essentiellement
sur la demande globale dans le but de stabiliser ou de relancer l’économie.
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III.2- Les politiques structurelles
Les politiques structurelles sont constituées des mesures sur les structures économiques,
politiques, juridiques et politiques dans le but d’augmenter l’efficacité de l’appareil productif.
Ces politiques ont un horizon temporel d’impact de moyen et long terme. Ici les mesures sont
prises dans tous les secteurs (politiques sectorielles) : agriculture, transports, infrastructures,
industrie, marché du travail, commerce extérieur, réglementation économique, recherche,
formation professionnelle, fonctionnement des marchés et institutions financières, etc.).
CONCLUSION
Au regard de ce qui précède, il convient de dire que l’intervention de l’Etat dans l’économie
est plus qu’incontournable face aux déficiences et au fonctionnement non optimal du marché,
disons du capitalisme. Par les normes qu’il doit édicter et par la régulation, il est obligé d’agir
sur l’économie. Toutefois, il doit intervenir en privilégiant l’efficacité économique et en
évitant le gaspillage.
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CHAPITRE 2 : LA POLITIQUE CONJONCTURELLE
Dans ce chapitre nous nous limiterons à la présentation des objectifs et des instruments de la
politique économique conjoncturelle.
Des quatre objectifs mentionnés plus haut, les deux derniers (maintenir le taux d’inflation le
plus faible possible et l’équilibre de la balance des paiements courants) peuvent sans doute
être considérés aussi bien comme des contraintes que comme des objectifs finals. Si l’objectif
de croissance ne prête guère à discussion, celui d’inflation, mérite d’être justifié. Il repose sur
le fait que les coûts de l’inflation pour la collectivité l’emportent sur ses avantages.
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mais cela est censé créer un meilleur environnement pour le développement de l’activité sur le
long terme.
Soutenir la croissance du produit intérieur brut (PIB) est un objectif final pour un
gouvernement. En effet, le PIB global d’une économie fonde le poids économique du pays et
le PIB par tête mesure le niveau de vie des habitants. Si le PIB est critiqué en termes de
capacité à mesurer la performance économique, il reste l’indicateur phare d’un tableau de
bord macroéconomique. Sur un horizon de court terme, l’objectif des autorités est de faire en
sorte que la croissance effective soit égale à la croissance potentielle (qui correspond à une «
pleine utilisation » des capacités de production). Les politiques conjoncturelles permettent de
réduire l’écart de production (output gap) qui représente cette différence entre la croissance
effectivement constatée et la croissance potentielle de l’économie.
L’emploi fonde l’identité sociale de l’individu, il est à la base de son intégration sociale.
L’implication de tous dans le projet économique d’un pays est porteuse de cohésion sociale.
Sur ces bases, l’emploi est, bel et bien, un objectif final des politiques conjoncturelles. Mais
l’ambition d’un taux de chômage égal à zéro n’est pas réaliste ! Il peut être imaginé dans deux
situations idéal-typiques qui ne correspondent pas au fonctionnement des économies
contemporaines :
dans une économie de type soviétique, sans évolution, si chacun conserve le même
emploi toute sa vie ;
en concurrence pure et parfaire, si la transparence de l’information est complète et la
mobilité de la force de travail parfaite. Dans ces hypothèses, un individu qui perd son
travail le soir pourrait en occuper un autre le lendemain matin.
Dans la réalité, le marché du travail est caractérisé par des rigidités et des frictions. Les
ajustements prennent du temps : une personne qui perd son travail a besoin de temps pour en
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trouver un nouveau. L’ajustement détermine un volant permanent de chômeurs, plus ou moins
grand selon les économies.
Sur ces bases en macroéconomie, le taux de chômage dit « naturel » peut constituer un
objectif de court terme pour le gouvernement. Il est souvent qualifié de quasi plein-emploi. Le
taux naturel est le niveau de chômage observé lorsque la croissance atteint son niveau
potentiel.
À court terme, par les politiques conjoncturelles de soutien de la demande, l’objectif est de
rapprocher le taux de chômage vers son taux naturel. En réduisant l’output gap à néant, les
gouvernements combattent la composante conjoncturelle du chômage.
L’objectif de stabilité des prix consiste à maîtriser l’inflation autour d’un taux jugé optimal.
Rappelons que l’inflation peut se définir comme une hausse générale, durable et auto-
entretenue du niveau des prix. On parle d’inflation lorsque le gonflement des prix à la
consommation présente une dimension spatiale (il concerne l’ensemble des prix), temporelle
(il est à l’œuvre sur plusieurs périodes) et mécanique (la hausse des prix est alimentée par une
indexation salariale). La stabilité des prix est censée créer le meilleur environnement pour le
développement de l’activité.
Il s’agit ici d’équilibrer les entrées et les sorties des biens et services, des revenus des capitaux
avec le reste du monde. Bref il s’agit de l’équilibre de la balance de paiements.
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Une politique budgétaire expansionniste se traduit par une hausse des dépenses
publiques, une baisse des impôts et un creusement du déficit budgétaire. Celui-ci est
considéré comme favorable parce qu’il stimule la demande globale. Le mécanisme
économique qui justifie cette politique est le suivant : l'augmentation des dépenses
publiques et la diminution des impôts déclenchent une hausse du revenu disponible des
ménages et une hausse de la consommation, ce qui engendre une hausse de la production
des entreprises et donc une hausse de l'emploi.
▪ Une politique monétaire expansionniste se traduit par une baisse des taux d'intérêt,
une progression des crédits et de la masse monétaire. Le mécanisme économique qui
justifie cette politique est le suivant : une baisse des taux d'intérêt génère des sources de
financement moins coûteuses pour les agents économiques. Ménages et entreprises vont
donc recourir à plus de crédits et vont effectuer plus d'échanges donc plus d'activité
économique et plus d’emploi.
Les politiques de relance ont des effets positifs sur l’activité économique, sur le revenu des
ménages et sur l’emploi. Cependant ces politiques peuvent favoriser l’inflation des prix et
dégrader l’équilibre extérieur en raison de l’augmentation des importations.
▪ Une politique monétaire restrictive se traduit par une limitation du crédit et une
hausse des taux d’intérêt.
Les politiques de rigueur ont, en principe, des effets bénéfiques sur les prix, sur les équilibres
extérieurs et sur les résultats des entreprises. Cependant, elles peuvent avoir des effets
dépressifs sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la production.
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III- LES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE
CONJONCTURELLE
La politique budgétaire consiste pour l’Etat à dépenser lui-même ou à inciter les agents
économique à la depense. La politique monétaire consiste à agir sur le taux d’intérêt ou à
garantir les emprunts afin d’influencer l’investissement des entreprises.
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CHAPITRE 3 - LA POLITIQUE BUDGETAIRE
L’État a la possibilité d’utiliser son budget (dépenses, recettes et soldes) en vue d’influer sur
l’activité économique du pays.
Cette action de l’État peut s’inscrire dans le cadre d’une politique structurelle visant à influer
sur l’organisation et le mode de fonctionnement de l’économie nationale, ainsi que sur les
conditions de son développement à moyen et long terme.
Mais l’action économique de l’État utilisant le budget peut prendre également la forme d’une
intervention destinée à influer sur la conjoncture économique du pays, la politique budgétaire
étant l’une des composantes de la politique économique conjoncturelle de l’État. C’est à cette
politique budgétaire conjoncturelle que l’on se référera ici. Celle-ci consiste principalement
en l’utilisation par l’État de son budget (dépenses, recettes et solde) afin d’agir sur la demande
globale et, par ce biais, d’influer sur l’évolution à court terme de certaines variables
macroéconomiques (taux de croissance en volume du PIB, niveau de l’emploi, taux
d’inflation, solde extérieur), autrement dit, d’influer sur le niveau et l’évolution de l’activité
économique et de l’emploi ainsi que sur les grands équilibres économiques et financiers du
pays.
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1 - les conditions d’efficacité d’une politique budgétaire expansive
L’analyse des multiplicateurs budgétaires conduit donc à conclure que l’État est
potentiellement capable d’influer positivement sur le niveau de l’activité et, partant, sur celui
de l’emploi grâce à une manipulation adéquate des grandeurs budgétaires. Elle montre
également qu’il n’est pas absolument indispensable pour cela que le budget soit mis en déficit,
le théorème d’Haavelmo établissant qu’une certaine relance budgétaire est possible tout en
préservant l’équilibre budgétaire.
L’efficacité de la politique budgétaire comme moyen d’influer sur le niveau de l’activité, et
par ce biais sur celui de l’emploi, est néanmoins soumise à certaines conditions qui doivent
être vérifiées pour que les multiplicateurs budgétaires puissent opérer.
1) Les entreprises ne doivent pas disposer préalablement de stocks excédentaires de produits
finis. En effet, si les entreprises ont à supporter la charge de tels stocks et que la demande
globale augmente par suite d’une politique budgétaire expansive, elles commenceront tout
naturellement par écouler ces stocks et n’accroîtront donc pas immédiatement la production.
2) Par contre, les entreprises doivent disposer de réserves de capacités de production
inutilisées et être en mesure d’embaucher en nombre suffisant les travailleurs qualifiés dont
elles peuvent avoir besoin pour accroître la production.
3) Pour que les multiplicateurs budgétaires opèrent selon les modalités évoquées
précédemment, il faut en outre que l’hypothèse keynésienne d’une liaison fonctionnelle stable
entre le revenu courant et la consommation globale des ménages, ce que traduit la constance
de la propension marginale à consommer, soit réellement vérifiée. Cette hypothèse est
précisément rejetée par les théoriciens néoclassiques qui, par ce biais, contestent l’efficacité et
donc l’utilité du recours à une politique budgétaire discrétionnaire
2 - L’internationalisation croissante des économies dans un contexte de mondialisation et
les limites à l’efficacité de la politique budgétaire
L’internationalisation croissante des économies des pays capitalistes développés est un
phénomène déjà ancien qui s’est fortement amplifié au cours des deux dernières décennies
dominées par l’affirmation du processus de mondialisation. On a vu également qu’elle se
traduit par l’intensification des échanges commerciaux internationaux et par l’augmentation
du taux d’ouverture des différentes économies nationales. Ce faisant, elle influe sur la
politique budgétaire dont elle aboutit à limiter l’efficacité potentielle en réduisant la valeur
des multiplicateurs budgétaires. En règle générale, le processus d’internationalisation aboutit
en effet à accroître la propension marginale à importer du pays, en liaison avec l’élévation du
taux d’ouverture de l’économie nationale. Or, dans une économie ouverte qui effectue des
échanges commerciaux avec le reste du monde, la valeur des multiplicateurs est en partie
déterminée par celle de la propension marginale à importer du pays considéré, de sorte que la
hausse de cette dernière est un facteur de baisse de la valeur des multiplicateurs.
Cela étant, l’internationalisation croissante des économies nationales, caractéristique de la
mondialisation contemporaine, contraint la politique budgétaire, non seulement parce qu’elle
en réduit l’efficacité potentielle en abaissant la valeur des multiplicateurs budgétaires, mais
également parce qu’elle peut favoriser l’apparition d’un déséquilibre des échanges extérieurs
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qui est l’un des effets dérivés possibles de la mise en œuvre d’une politique budgétaire
expansive.
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CHAPITRE 4 - LA POLITIQUE MONETAIRE ET LA POLITIQUE DE
CHANGE
La politique monétaire consiste en une action sur les variables monétaires (quantité de
monnaie en circulation, taux d’intérêt) destinée à influer, selon le cas, sur le taux d’inflation,
le rythme de croissance de la production et le niveau de l’emploi, le taux de change, ou le
solde de la balance des paiements. Elle se fonde sur l’hypothèse selon laquelle existent des
liens étroits et relativement stables entre les variables monétaires et d’autres variables
économiques, de sorte qu’en agissant sur les premières on peut influer sur les secondes.
Il est possible de distinguer deux grandes conceptions opposées de la politique monétaire en
fonction des objectifs finals qui lui sont assignés.
La première conception, d’inspiration keynésienne, fait de la politique monétaire un outil de
régulation conjoncturelle destiné à agir prioritairement sur le niveau de l’activité et de
l’emploi. Dans cette optique, il est supposé que la monnaie n’est pas neutre, et qu’une
variation de la quantité de monnaie en circulation est susceptible d’influer sur l’évolution des
grandeurs économiques réelles, et en particulier sur le niveau du produit global et sur celui de
l’emploi.
La seconde conception, d’inspiration néoclassique, assigne à la politique monétaire l’objectif
prioritaire, voire exclusif, d’assurer durablement la stabilité des prix. Il est supposé que la
monnaie est « neutre » et qu’elle n’a donc à priori aucune influence sur les grandeurs
économiques réelles.
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A – Le canal des taux d’intérêt
Une politique monétaire expansive prendra la forme d’une baisse du (des) taux directeur(s) de
la Banque centrale, associée éventuellement à une baisse du taux des réserves obligatoires.
Cette baisse du (des) taux directeur(s) de la Banque centrale est destinée à susciter plus
particulièrement une baisse des taux d’intérêt à court terme du marché interbancaire et, par ce
biais, de la gamme des taux d’intérêt débiteurs que les banques appliquent à leurs clients
ANF, dans la mesure où le taux d’intérêt du marché interbancaire influe sur les autres taux
d’intérêt. Si le niveau général des prix ne se modifie pas à la suite de cette baisse des taux
d’intérêt nominaux, celle-ci correspond à une baisse des taux d’intérêt réels, c’est-à-dire les
taux d’intérêt que prennent en compte dans leurs calculs des agents économiques qui ne sont
pas victimes de l’illusion monétaire. Cette baisse des taux d’intérêt réels est par elle-même un
facteur d’augmentation de la demande de crédits destinés à financer l’investissement des
entreprises ainsi que la consommation de biens durables et l’investissement en logements des
ménages. Parallèlement, le desserrement de la contrainte exercée sur la liquidité bancaire par
la baisse du taux des réserves obligatoires est susceptible de favoriser la croissance de l’offre
de crédit par les banques.
Du fait de cette politique monétaire expansive, il doit donc se produire dans l’économie une
augmentation de la demande globale de biens et services associée à une hausse de la masse
monétaire en circulation. Dans l’hypothèse où elles disposent de capacités de production
inemployées et ont la possibilité de trouver sur le marché du travail le surcroît de main-
d’œuvre dont elles peuvent avoir besoin, ce qui signifie que leur offre est élastique, les
entreprises répondront à cette augmentation de la demande en élevant le niveau de la
production en termes réels et, éventuellement, celui de l’emploi.
L’accroissement de la production qui sera finalement obtenu sera normalement supérieur à
l’augmentation initiale de la demande globale en raison du jeu des multiplicateurs de dépense.
Les théoriciens néoclassiques, et plus spécifiquement ceux qui forment le courant de la
Nouvelle économie classique, contestent cependant cette analyse de l’impact positif d’une
politique monétaire expansive sur la production et l’emploi. Ils postulent en effet qu’en cas
d’augmentation de l’offre de monnaie, les agents économiques privés anticiperont
immédiatement l’inflation qui, selon la théorie quantitative de la monnaie, doit
inéluctablement résulter de cette augmentation de l’offre globale de monnaie. En
conséquence, le taux d’intérêt nominal, qui est pour eux égal au taux d’intérêt réel majoré du
taux d’inflation anticipé par les agents économiques, augmente à court terme de la hausse du
taux d’inflation anticipé, et le taux d’intérêt réel ne baisse pas : c’est « l’effet Fisher ». Dans
ces conditions, la politique monétaire n’est pas susceptible de stimuler la croissance de
l’investissement et, partant, celle de la production, mais se traduira exclusivement par une
poussée de l’inflation (Villieu, 2002, p. 66).
Quoi qu’il en soit, une politique monétaire expansive n’est susceptible d’influer positivement
sur le niveau de l’activité et de l’emploi par le canal des taux d’intérêt que si la baisse des taux
d’intérêt nominaux à court terme initiée par la Banque centrale se traduit effectivement par
une augmentation de l’investissement productif des entreprises et/ou de la consommation et
de l’investissement en logement des ménages. Cela suppose que certaines conditions soient
réunies.
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- Cela suppose en premier lieu que la variation du taux d’intérêt nominal du marché
interbancaire suscitée par la politique monétaire expansive de la Banque centrale se traduise
finalement par une variation de l’ensemble de la gamme des taux d’intérêt débiteurs des
banques commerciales, et en particulier des taux d’intérêt réels à long terme puisque ce sont
en fait ces taux d’intérêt réels à long terme qui conditionnent les décisions que prennent les
agents économiques privés concernant l’investissement productif des entreprises,
l’investissement en logement et la consommation de biens durables des ménages. Or cela
n’est pas toujours vérifié. La variation des taux d’intérêt à long terme ne dépend en effet pas
seulement de la variation actuelle des taux d’intérêt à court terme mais également des
anticipations des agents économiques. D’une part, les anticipations des agents économiques
concernant l’évolution future des taux d’intérêt à court terme : si les taux d’intérêt à court
terme baissent aujourd’hui mais que les agents économiques anticipent leur hausse ultérieure,
cette anticipation est un facteur qui s’oppose à la baisse des taux d’intérêt à long terme.
D’autre part, les anticipations des agents économiques concernant l’inflation : l’anticipation
d’une accélération ultérieure de l’inflation incite les prêteurs de fonds à long terme à
augmenter les taux d’intérêt nominaux à long terme pour se préserver des effets négatifs pour
eux de cette accélération de l’inflation.
- Cela suppose en second lieu que l’investissement productif des entreprises ainsi que la
consommation de biens durables et l’investissement en logement des ménages soient
réellement sensibles aux variations des taux d’intérêt réels. La politique monétaire sera a
priori d’autant plus efficace que la sensibilité de l’investissement privé au taux d’intérêt est
plus grande et, en conséquence, que l’augmentation de l’investissement privé suscitée par une
baisse donnée du taux d’intérêt est plus forte. Or la théorie keynésienne montre en particulier
à ce propos que, si l’investissement des entreprises dépend des taux d’intérêt, il dépend
également des anticipations des entreprises sur l’évolution ultérieure de l’activité économique,
tandis que la consommation des ménages dépend fondamentalement du revenu. De sorte que,
par exemple, en phase de récession économique, alors que l’évolution des revenus pour de
nombreux ménages est défavorable et que les anticipations des entreprises sont plutôt
pessimistes, une baisse des taux d’intérêt, même significative, peut n’avoir aucun effet positif
sur le niveau de l’investissement et de la consommation ou n’avoir qu’un un effet très limité.
B – Les autres canaux de transmission de la politique monétaire
Outre le canal des taux d’intérêt, la politique monétaire est susceptible de faire sentir ses
effets par le moyen de trois autres canaux de transmission : le canal du crédit (a), le canal des
prix d’actifs (b) et le canal du taux de change (c).
a - Le canal du crédit
La politique monétaire peut également influer sur l’activité économique globale par le canal
du crédit, en distinguant le canal étroit du crédit et le canal large du crédit. Le canal étroit du
crédit correspond au fait que la politique monétaire influe sur le comportement
d’investissement et de consommation des ANF, et partant sur l’activité économique globale,
par son effet sur la quantité de crédit que les banques mettent à la disposition de leurs clients
(l’offre globale de crédit des banques) plus que par son effet sur les taux d’intérêt. En
accroissant la liquidité bancaire, une politique monétaire expansive crée un contexte qui
favorise l’augmentation de l’offre de crédit par les banques, lesquelles acceptent plus
aisément de prêter, y compris aux ménages et aux PME, c’est-à-dire à des agents
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économiques qui, habituellement, ne peuvent accéder à d’autres sources de financement
externe que le crédit bancaire et qui, dès lors qu’il devient plus aisé d’obtenir des crédits
bancaires, sont incités à accroître leur endettement auprès des banques pour financer leur
consommation et leurs investissements. Ce canal étroit du crédit est censé jouer d’autant plus
fortement que la dépendance des agents économiques à l’égard du crédit bancaire pour obtenir
un financement externe est plus élevée. Son importance tend par conséquent à se réduire en
liaison avec le processus de désintermédiation.
Le canal large du crédit prend en compte l’incidence de la variation des taux d’intérêt suscitée
par la politique monétaire sur la richesse nette des entreprises (et plus généralement des ANF)
et, partant, leur capacité à emprunter. En cas de politique monétaire expansive, cela
correspond au fait que la baisse des taux d’intérêt accroît la valeur actualisée de la richesse
nette des entreprises et donc les garanties que celles-ci peuvent apporter pour obtenir des
crédits. Ceci leur permet d’obtenir plus aisément ces crédits et, également, d’obtenir une
réduction, voire une suppression, de la prime de risque que les prêteurs ajoutent au taux
d’intérêt en contrepartie du risque de non-recouvrement de leurs créances : prime de risque
qui est d’autant plus élevée que les actifs de l’emprunteur pouvant servir de garantie au prêt
sont plus faibles. Cette baisse de la prime de risque se combinant à la baisse du taux d’intérêt
incite les entreprises à s’endetter pour investir. Par ailleurs, en stimulant la demande des
consommateurs, une baisse des taux d’intérêt est un facteur d’amélioration de la rentabilité
des entreprises (hausse des recettes et des profits) et, partant, accroît leur capacité d’emprunt.
b – Le canal des prix d’actifs
Les variations des taux d’intérêt influent sur les prix des actifs détenus par les agents
économiques et, par ce bais, sur leur comportement de consommation et d’investissement.
Une baisse des taux d’intérêt, par exemple, fait monter les prix des actifs (actions, obligations,
actifs immobiliers) détenus par les ménages, augmentant ainsi la valeur de leur patrimoine.
Cet effet de richesse dont bénéficient les ménages leur permet d’accroître leur consommation.
Parallèlement, la hausse des prix des actions incite les entreprises à investir. Cette hausse se
traduit en effet par une augmentation du ratio « q » de Tobin (rapport de la valeur de marché
des entreprises déterminée par le cours des actions, autrement dit la valeur du capital ancien
telle qu’elle est déterminée actuellement par le marché boursier, au coût de remplacement du
capital de l’entreprise, ce qui est un facteur de hausse de l’investissement des entreprises. Si le
ratio « q » augmente et devient supérieur à 1, c’est-à-dire que la valeur de marché des
entreprises s’élève par rapport au coût de remplacement du capital, cela signifie que le marché
valorise le capital ancien détenu par l’entreprise à un niveau supérieur à celui du coût de
remplacement de ce capital, ce qui rend l’investissement plus attractif.
c – Le canal du taux de change
L’action de la politique monétaire sur l’activité économique peut encore passer par le canal du
taux de change en régime de taux de change flexibles. Toutes choses égales par ailleurs, une
baisse des taux d’intérêt rend les placements de capitaux dans le pays moins attractifs, ce qui
favorise les sorties de capitaux pesant négativement sur le taux de change. Mais cette
dépréciation de la monnaie nationale accroît la compétitivité en termes de prix de l’économie
nationale et stimule la croissance des exportations de biens et services, ce qui influe
positivement sur le rythme de croissance de la production. En contrepartie, cette dépréciation
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de la monnaie nationale est un facteur d’inflation du fait de la hausse des prix des produits
importés qu’elle induit mécaniquement. Ce canal du taux de change n’opère cependant que si
les taux de change sont flexibles. L’intensité avec laquelle il agit dépend du taux d’ouverture
de l’économie nationale. Il vaut particulièrement pour les petites économies nationales très
largement ouvertes sur l’extérieur. Quoi qu’il en soit, il est admis que l’impact d’une variation
des taux d’intérêt sur le taux de change ne s’exerce qu’à court terme.
2 - l’action de la politique monétaire et de la politique de change sur l’équilibre des
échanges extérieurs du pays
La politique monétaire, éventuellement associée à une politique de change, peut être
également utilisée pour agir sur l’équilibre des échanges extérieurs du pays, c’est-à-dire en
fait pour éliminer un déficit ou un excédent de la balance des paiements.
En cas de déficit de la balance des paiements, les pouvoirs publics du pays peuvent agir sur le
taux de change ou sur le taux d’intérêt. L’action sur le taux de change est destinée
prioritairement à influer sur le solde des transactions courantes (A), tandis que l’action sur le
taux d’intérêt permet d’agir sur le solde des mouvements de capitaux (B).
A – L’action sur le taux de change
Le niveau auquel s’établit le taux de change conditionne la compétitivité en termes de prix de
l’économie nationale vis-à-vis de ses concurrents. L’appréciation de la monnaie nationale
affaiblit cette compétitivité, tandis que sa dépréciation l’améliore. L’action sur le taux de
change peut donc constituer un moyen d’action sur le solde de la balance des transactions
courantes dont l’évolution est directement conditionnée par la compétitivité en termes de prix
de l’économie nationale.
La dépréciation de la monnaie nationale se traduit mécaniquement par une baisse des prix
exprimés en monnaie étrangère des produits exportés par le pays, ce qui est un facteur
d’augmentation des exportations en volume du pays. Elle se traduit parallèlement par une
augmentation des prix exprimés en monnaie nationale des produits importés, ce qui est un
facteur de contraction de ses importations en volume.
Cette amélioration du solde des transactions courantes ne sera cependant réellement acquise
qu’à certaines conditions.
En premier lieu, il est nécessaire que les entreprises « jouent le jeu » et ne mettent pas cette
dépréciation à profit pour augmenter les prix en monnaie nationale des produits qu’elles
exportent, annulant ou réduisant ainsi l’impact de cette dépréciation sur les prix exprimés en
monnaie étrangère des exportations du pays.
En second lieu, à supposer que la première condition soit vérifiée, l’élasticité des exportations
et des importations du pays doit être telle que cela permette effectivement le redressement de
la balance des transactions courantes. Cette condition est connue sous le nom de « théorème
des élasticités critiques » ou « condition de Marshall-Lerner », du nom des deux auteurs qui
l’ont formulée : une balance des transactions courantes déficitaire ne se redresse, à la suite
d’une dépréciation de la monnaie nationale, que si la somme des élasticités par rapport aux
prix, respectivement des exportations et des importations, est supérieure à 1 autrement dit si,
pour le pays considéré : EM / pM + EX / pX > 1 . Cette condition est cependant généralement
vérifiée pour les grandes nations commerçantes.
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B – L’action sur les taux d’intérêt
En considérant toujours le cas d’un pays confronté à un déficit de sa balance des transactions
courantes, cette action consiste à élever le taux d’intérêt, à supposer bien entendu que le pays
soit réellement en mesure de le faire, afin d’attirer des capitaux étrangers et de dégager un
excédent des mouvements de capitaux compensant le déficit des transactions courantes. Mais,
pour que ce résultat soit obtenu, encore faut-il que l’effet d’attraction sur les capitaux de la
hausse des taux d’intérêt nationaux ne soit pas compensé par des anticipations défavorables
des opérateurs du marché des changes concernant l’évolution du taux de change de la
monnaie nationale. Les placements financiers internationaux à court terme sont en effet
conditionnés par la rentabilité des placements qui dépend non seulement des taux d’intérêt
mais aussi de l’évolution du taux de change de la monnaie dans laquelle est effectué le
placement. Un placement financier dans un pays donné qui paraît attractif au vu des taux
d’intérêt pratiqués peut se révéler finalement peu rentable, voire pire, si la monnaie dans
laquelle il est effectué se déprécie pendant la durée de ce placement.
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Ces évolutions, qui sont deux caractéristiques essentielles du processus contemporain de
mondialisation, ont eu pour effet de confronter les autorités monétaires au problème du «
triangle des incompatibilités » soulevé par le prix Nobel d’économie R. Mundell. Ce dernier a
en effet montré qu’il n’est pas possible d’assurer simultanément la stabilité des taux de
change, une mobilité internationale parfaite des capitaux, associée à leur libéralisation, et
l’autonomie des politiques monétaires nationales, c’est-à-dire en fait la capacité pour les
autorités monétaires de chaque pays de fixer librement le niveau des taux d’intérêt nationaux
et, par conséquent, d’avoir des taux d’intérêt nationaux différents de ceux des autres pays.
Seules deux de ces trois conditions peuvent être vérifiées simultanément. S’il y a liberté de
mouvement des capitaux et mobilité internationale, comme c’est le cas de nos jours, la
stabilité du taux de change de la monnaie nationale ne peut être obtenue qu’à la condition
d’aligner les taux d’intérêt nationaux sur les taux d’intérêt internationaux, ce qui implique de
renoncer à une politique monétaire nationale autonome. En effet, si ce n’est pas le cas,
autrement dit si le pays applique une politique monétaire autonome se traduisant par une
évolution de ses taux d’intérêt différente de celle des autres pays et l’apparition d’un
différentiel de taux d’intérêt avec le reste du monde, il crée par là même les conditions de
mouvements internationaux de capitaux qui font varier son taux de change.
B – Le cas du taux de change
Pour la plupart des pays, la maîtrise par l’État du taux de change et sa capacité à l’utiliser à
des fins de politique économique est, comme pour les taux d’intérêt, contenue dans des
limites qui peuvent être de nature institutionnelle et de nature économique.
* Les limites de nature institutionnelle résultent d’accords internationaux auxquels a souscrit
le pays considéré.
*Les limites de nature économique renvoient au rôle que jouent les « fondamentaux » de
l’économie nationale et la spéculation dans la détermination du taux de change. L’expérience
du système de Bretton Woods a montré que la stabilité recherchée du taux de change ne peut
être décrétée et ne peut être assurée durablement par les seules interventions des banques
centrales sur le marché des changes. En cas de déséquilibre relativement limité et momentané
des échanges extérieurs, ces interventions pouvaient suffir pour préserver la stabilité du taux
de change. Mais, en cas de déséquilibre marqué et persistant des échanges, les pays étaient
finalement contraints à changer de parité. Il est ainsi apparu que la stabilité des taux de change
ne peut être préservée durablement qu’à la condition que les balances des paiements soient
tendanciellement équilibrées, ce qui suppose que les « fondamentaux » évoluent de manière
relativement comparable dans les différents pays.
2- les effets dérivés de la politique monétaire et de la politique de change
L’expérience concrète des politiques effectivement mises en œuvre depuis la Seconde Guerre
mondiale a montré que la politique monétaire et la politique de change sont susceptibles
d’induire des effets dérivés allant éventuellement à l’encontre des objectifs poursuivis par les
politiques mises en œuvre, tant pour les politiques qui cherchent à influer sur la situation
économique intérieure du pays (A) que pour celles qui privilégient la réalisation de l’équilibre
de ses échanges extérieurs (B).
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A – La politique monétaire de soutien de l’activité et le déséquilibre de la balance des
paiements
Une politique monétaire expansive visant à améliorer la situation économique intérieure du
pays (soutien de l’activité et élévation du niveau de l’emploi) est susceptible de générer un
déséquilibre de la balance des paiements qui, compte tenu de ses conséquences, est
susceptible de faire obstacle à la réalisation de l’objectif de croissance de la production et de
l’emploi assigné à cette politique. D’une part, une politique monétaire expansive est un
facteur de déficit de la balance des transactions courantes. La stimulation de la croissance
économique dans le pays se traduit en effet normalement par une hausse des importations de
biens et services, sans augmentation parallèle des exportations qui dépendent de facteurs
indépendants de la conjoncture économique nationale (conjoncture économique
internationale, évolution du taux de change, etc.). D’autre part, cette politique est aussi un
facteur de déficit des mouvements de capitaux. La baisse des taux d’intérêt suscitée par une
politique monétaire expansive réduit en effet la rentabilité des placements financiers effectués
dans le pays, ce qui pousse à des sorties de capitaux hors du pays jouant dans le sens d’un
déficit des mouvements de capitaux.
B – Les effets dérivés d’une politique de change de résorption d’un déséquilibre des
échanges extérieurs
La politique de dépréciation de la monnaie nationale destinée à résorber un déficit de la
balance des paiements, qui a été évoquée antérieurement, peut aboutir à des résultats
différents de (voire opposé à) ceux qui étaient visés.
D’une part, pour les pays qui vérifient le théorème des élasticités critiques (c’est le cas des
pays développés à économie diversifiée) et pour lesquels une dépréciation de la monnaie
nationale est donc susceptible de permettre la résorption à terme du déficit de la balance des
transactions courantes, cette dépréciation constitue par elle-même, à court terme, un facteur de
dégradation du solde des échanges extérieurs. Il faut en effet un délai plus ou moins long pour
que se concrétise l’effet volume de la dépréciation : augmentation des exportations en volume
et contraction des importations en volume. Par contre l’effet prix de la dépréciation (hausse
des prix en monnaie nationale des produits importés et augmentation consécutive des
importations en valeur) se manifeste immédiatement. En conséquence, à la suite d’une
dépréciation de la monnaie nationale, le solde de la balance des transactions courantes
commence dans un premier temps par se dégrader. Ce n’est que dans un second temps,
lorsque la variation des prix des produits exportés et importés induite par la dépréciation se
traduit effectivement par une augmentation en volume des exportations et une baisse en
volume des importations, que peut se produire le redressement du solde de la balance des
transactions courantes, l’effet volume de la dépréciation, qui agit positivement sur le solde de
la balance, l’emportant alors sur l’effet prix, qui agit négativement sur le solde de la balance.
Ce phénomène est connu sous le nom de « théorème de la courbe en J » car la forme de la
courbe qui représente l’évolution dans le temps du solde de la balance des transactions
courantes à la suite d’une dépréciation de la monnaie nationale rappelle la lettre J. D’autre
part, dans la mesure où la dépréciation commence par aggraver le déficit initial de la balance
des transactions courantes, le risque existe que cela déclenche une vague de spéculation à
l’encontre de la monnaie nationale. Certains opérateurs du marché des changes, constatant
que le déficit de la balance s’aggrave, peuvent en effet anticiper une poursuite de
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l’affaiblissement de la monnaie sur le marché des changes et spéculer contre celle-ci, ce qui
crée les conditions d’une nouvelle dépréciation (anticipations auto-réalisatrices). Une telle
réaction des spéculateurs a une probabilité d’autant plus grande de se produire que
l’affaiblissement de la monnaie nationale stimule l’inflation interne. La hausse des prix des
produits importés se répercute en effet sur les prix intérieurs, réduisant en partie le gain de
compétitivité en termes de prix induit par la dépréciation, ce qui peut retarder un peu plus
encore le redressement attendu de la balance et alimenter par là même des anticipations
pessimistes sur l’évolution de la valeur future de la monnaie nationale, incitant les
spéculateurs à continuer d’opérer contre celle-ci.
L’économie nationale peut de ce fait s’enfermer dans un cercle vicieux : déficit extérieur –>
dépréciation de la monnaie –> déficit extérieur –> inflation + spéculation –> dépréciation –>
déficit extérieur…. Pour en sortir, les autorités monétaires et politiques seront alors
probablement amenées à mettre en œuvre une politique de rigueur sévère et durable, seule
susceptible de « rassurer les marchés » et de calmer la spéculation. Une telle politique
consiste à peser sur la demande intérieure, et en particulier la consommation globale, afin de
limiter les importations, et à tenter de maîtriser l’inflation, de sorte à aligner les fondamentaux
de l’économie nationale (rythme de croissance, taux d’inflation) sur ceux de ses principaux
partenaires économiques. Le prix à payer pour certaines catégories sociales risque d’être
particulièrement élevé : réduction du pouvoir d’achat des salairiés, chômage accru, etc. Le
taux de change ne pouvant constituer la variable d’ajustement susceptible de rétablir
l’équilibre extérieur, c’est en fait le niveau de vie de la population, et en particulier des
salariés, qui joue alors ce rôle de variable d’ajustement.
3 - les délais de mise en œuvre de la politique monétaire
Aux limites évoquées ci-dessus s’ajoutent encore celles qui sont liées aux délais de mise en
œuvre et d’action de la politique monétaire et celles qui tiennent à la capacité d’anticipation
des banques centrales.
Si l’on peut admettre qu’une politique monétaire est un moyen d’action sur l’activité
économique et l’emploi potentiellement efficace, ce n’est cependant qu’au terme d’un délai
global qui peut être relativement long, résultant de l’addition des délais respectifs des
différentes phases du processus par lequel agit la politique monétaire. D’une part, il faut un
certain temps aux autorités monétaires pour prendre la mesure exacte de la situation
économique nouvelle créée par l’évolution de la conjoncture, effectuer des projections et
déterminer le sens et l’ampleur de la variation des taux d’intérêt qui paraît la plus adaptée
pour atteindre les objectifs assignés à la politique monétaire. D’autre part, il faut également un
certain temps pour que les banques répercutent sur leurs taux d’intérêt débiteurs les variations
des taux d’intérêt directeurs initiées par la Banque centrale et que la variation des taux
d’intérêt à court terme se répercute sur les taux d’intérêt à moyen-long terme. Enfin, il faut
également un délai plus ou moins long pour que les entreprises et les ménages modifient leurs
plans d’investissement et de consommation afin de les adapter aux nouvelles conditions du
crédit, et pour que les entreprises, confrontées à une variation de la demande globale,
réagissent en adaptant le niveau de leur production et, au-delà, de l’emploi.
Ceci explique que, selon diverses études empiriques, le délai requis pour qu’une politique
monétaire expansive fasse pleinement sentir ses effets sur le PIB varie de un à deux ans, voire
plus.
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Cette variabilité de ses délais d’action obère l’efficacité potentielle de la politique monétaire.
À la limite, cela peut aboutir à ce que la politique monétaire agisse à contretemps et produise
ainsi des résultats différents de ceux attendus. L’idéal, dans ces conditions, serait que les
banques centrales soient capables d’anticiper correctement l’évolution conjoncturelle de
l’économie nationale, de manière à prendre les bonnes décisions d’intervention le plus tôt
possible, autrement dit soient capables d’anticiper sur les événements. Mais l’expérience
montre que, si l’horizon des banques centrales est censé être celui du moyen et du long terme,
leur capacité réelle d’anticiper sur les événements est limitée. Dans les économies globalisées
contemporaines fréquemment affectées par de fortes fluctuations de certaines variables
économiques stratégiques (prix du pétrole et d’autres matières premières, taux de change des
grandes monnaies, cours boursiers, etc.), les banques centrales ont de réelles difficultés à
établir des prévisions fiables concernant les principales grandeurs économiques (prix,
production, emplois, soldes extérieurs) dont l’évolution conditionne et justifie leur
intervention. Ceci explique qu’elles n’interviennent souvent qu’après-coup, en réagissant aux
évolutions observées au lieu de pouvoir anticiper ces évolutions pour éventuellement les
prévenir.
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