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PRINCIPE D’ECONOMIE II

(Initiation à la Macroéconomie)

Dr R. KINDA ; Dr S. LOABA ; Dr Y. Diasso


UFR DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
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INTRODUCTION GENERALE

L’objectif du cours est de présenter les concepts fondamentaux de la macroéconomie afin de donner
les bases pour d’une part comprendre les phénomènes économiques, d’autre part aider à se faire un
jugement afin d’évaluer les recommandations de politique économique.

De façon synthétique, le macro économiste poursuit quatre objectifs majeurs :

● La détermination des agrégats permettant d’expliquer le comportement des groupes d’agent :


c’est l’objet de la comptabilité macroéconomique ;
● L’étude des relations entre ces variables afin de déterminer l’existence de rapports stables
dans le temps : cela fait l’objet des lois macroéconomiques ;
● L’analyse des principaux déséquilibres qui peuvent apparaître entre les agrégats :
augmentation des prix, chômage, déficit des finances publiques, déficit de la balance
commerciale avec l’étranger : c’est l’objet de la modélisation macroéconomiques ;
● L’étude des moyens permettant de corriger ces déséquilibres et d’atteindre certains buts fixés
(stabilité des prix, plein emploi, équilibre extérieur, …) : c’est l’objet de la politique
économique.

Ce cours pour en rendre compte est structuré de la manière suivante :

● PARTIE I : LES FONDEMENTS DE LA MACROÉCONOMIE

● PARTIE II : L’EQUILIBRE MACROECONOMIQUE

● PARTIE III : POLITIQUES ÉCONOMIQUES

● PARTIE IV : QUESTIONS MACROÉCONOMIQUES

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PARTIE I : LES FONDEMENTS DE LA MACROÉCONOMIE

Qu’est-ce que la macroéconomie?


La Macroéconomie est le domaine des sciences économiques qui traite des phénomènes économiques
globaux (chômage, inflation, croissance... etc.) et de leur interaction, qui prend pour objet d’étude le
fonctionnement de l’économie considérée comme un tout.
C’est une discipline relativement récente: le terme macroéconomie a été utilisé pour la première fois
par l’économiste norvégien R. Frisch en 1933 « prix nobel 1969 ». Cependant, en faisant référence à
la pensée économique, on peut dire que la démarche macroéconomique est très ancienne puisqu’il est
habituel de chercher les origines du circuit économique dans le tableau économique de F. Quesnay
(physiocrates 1767).

Qu’est-ce qu’étudient les macroéconomistes?


Les macroéconomistes s’efforcent d’expliquer le fonctionnement de l’économie dans son ensemble.
A cette fin, ils réunissent les données sur les revenus, les prix, l’emploi et les autres variables
économiques à des époques et en lieux différents. Sur cette base :
● Ils élaborent des théories générales qui expliquent ces données.
● Ils améliorent les politiques économiques et aident les décideurs politiques à évaluer les effets
de leurs politiques

Pourquoi étudier la macro éco?


Les problèmes économiques (chômage, inflation, récession, etc.) sont d’ordre macro, mais ils
résultent de décisions et comportements individuels: consommateurs, chefs d’entreprises, ouvriers,
ministre, représentant syndical, …etc. Ainsi, pour analyser ces problèmes il faut prendre en
considération les millions de décisions individuelles. Ce qui parait impossible sinon fastidieux. Pour
résoudre cette difficulté, la macroéconomie s’est développée en essayant d’élaborer une présentation
simplifiée de l’éco par agrégation :
● Des agents économiques (groupes homogènes appelés secteurs institutionnels : 5 groupes:
ménages, entreprises, administrations, institutions financières et reste du monde).
● Des opérations qu’ils réalisent : 3 types d’opérations: opérations sur Biens et Services;
opérations de répartition de revenu, opération financières
Quelles différences entre la microéconomie et la macroéconomie
La microéconomie étudie le comportement des agents économiques individuels. Elle tend à
comprendre comment les ménages et les entreprises prennent leurs décisions et comment ces

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décisions s’influencent mutuellement sur le marché.
L'analyse microéconomique s'occupe essentiellement de:
● La consommation des différents biens et services par des consommateurs individuels
(ménage, individus);
● La production des différents biens et services par des producteurs individuels (entreprises);
● L'échange des biens et services sur des marchés particuliers.
L'unité d'étude dans l'analyse microéconomique est donc la partie, l'élément et non le tout, c'est-à-
dire l'ensemble. Dans un problème de microéconomie, on décompose l'univers en deux parties:
- Le système microéconomique d'une part (le ménage, l'entreprise)
- L’environnement d'autre part
L'hypothèse générale est que l'environnement agit sur l'agent économique mais que l'inverse est faux.
Par ex: qu'un étudiant choisisse de prendre son déjeuner au RU ou dans un restaurant du coin
aujourd'hui ne modifiera pas le fonctionnement ou le tarif de ces établissements.
L'unité microéconomique peut alors se donner des règles de gestion, en étudiant les modifications des
variables qui la décrivent.
Ex1-La demande étant ce qu'elle est, si je baisse mes prix de 5%, j'augmente mes bénéfices
de 2%.
Ex2-Si je vais déjeuner au RU aujourd'hui, j'économise 30 Francs.
Dans le cadre de la concurrence pure et parfaite, le prix est imposé. L'entreprise est PRICE TAKER,
preneur à ce prix et tente de maximiser ses profits dans ces conditions. Par ex : Comment la
SONABEL fixe-t-elle le prix du Kwh? Comment la SONABHY fixe-t-elle le prix de l’essence?
Ainsi l’hypothèse de base de la microéconomie est l’optimisation : maximiser la satisfaction sous
contrainte budgétaire : Les ménages maximisent l’utilité et les entreprises maximisent le profit.
La macroéconomie étudie quant à elle le comportement économique d’un point de vue global. Elle
fait du fonctionnement de l'économie comme un tout l’objet propre de son analyse. Elle considère
pour cela les "AGREGATS" c'est-à-dire des ensembles (de personnes, de biens...) suffisamment
vastes pour recevoir un traitement statistique; elle examine leur comportement par rapport à la totalité
d'un univers donné (par exemple la Nation).
La macroéconomie étudie aussi les déterminants des variables, les raisons de leurs variations dans le
temps et les relations entre elles. Les économistes recourent à plusieurs variables économiques pour
expliquer et mesurer la manière dont se comporte une économie. Trois variables sont d’une
importance particulière: le PIB (et sa croissance), le taux d’inflation, le taux de chômage.

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● PIB réel mesure le revenu global de tous les agents d’une économie (compte tenu du niveau
des prix).
● Le taux d’inflation mesure la vitesse à laquelle les prix augmentent
● Le taux de chômage mesure la part de la population active qui n’a pas d’emploi

Ainsi donc, dans une économie donnée la macroéconomie considère le niveau du revenu
national, le niveau général des prix, la croissance du revenu national, la consommation et
l'investissement global et analyse leurs principaux déterminants. Par ex : Comment la hausse du
prix du pétrole provoque l’inflation et le chômage.
Cependant les multiples interactions entre les décisions que prennent les ménages et les entreprises
finissent par susciter des phénomènes qui touchent l’ensemble de l’économie : c’est pourquoi
macroéconomie et microéconomie sont inextricablement liées. Il est donc important de garder en
mémoire que l’approche microéconomique et celle macroéconomique ne sont que deux façons
d’appréhender une même réalité. La microéconomie étudie l’économie de bas en haut, la
macroéconomie de haut en bas. Le comportement de l’économie dans son ensemble dépend du
comportement des unités qui la constituent mais en macroéconomie, « le tout n’est pas simplement
la somme des parties ».
Cette première partie vise, dans un premier temps à clarifier pour vous la détermination des agrégats
permettant d’expliquer le comportement des groupes d’agent ; et dans un second temps à étudier les
relations entre les différentes variables macroéconomiques afin de déterminer l’existence de rapports
stables dans le temps. Elle est structurée de la manière suivante :

Chapitre 1 : L’économie nationale et agrégats macroéconomiques


Chapitre 2 : Offre globale et demande globale

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Chapitre 1 : L’économie nationale et les agrégats macroéconomiques

1. Le champ de la macroéconomie
En rappel, la macroéconomie étudie l’économie dans son ensemble. Elle a pour objectif d’expliquer
les changements économiques qui ont des conséquences sur l’ensemble des ménages, des entreprises
et des marchés. Elle s’intéresse donc à plusieurs questions : pourquoi les revenus moyens sont-ils
élevés dans certains pays et faibles dans d’autres ? Comment expliquer la hausse rapide des prix ou
leur stabilité à différentes périodes ? Comment expliquer les périodes de croissance et de contraction
de la production et de l’emploi ? Quelles interventions publiques peuvent favoriser une croissance
rapide des revenus, une inflation faible et le plein-emploi ? Ces questions sont toutes de nature
macroéconomique, puisqu’elles concernent le fonctionnement global de l’économie.

1.1. Les principaux (ales) objectifs (questions)


Le tableau ci-après décrit l’évolution de quelques variables macroéconomiques dans quelques pays.

1.1.1 La production
La finalité de l'activité économique est de fournir les biens et services que la population désire. La
mesure de la production totale d'une économie est le Produit intérieur Brut (PIB). C’est la valeur de
la production réalisée par les unités de production dans un pays donné pendant une période
donnée. C’est le revenu global de tous les agents économiques d’une économie. Les mouvements du
PIB réel (c'est-à-dire du PIB sans l’influence de la hausse des prix) sont la meilleure mesure du niveau
et de la croissance du produit ; ils mesurent le pouls de l'économie nationale.

Une étude des profils de croissance du produit (PIB) dans certaines économies montre des périodes
d'expansion et de contraction du PIB réel. Les fluctuations de l'activité économique globale sont
appelées les cycles économiques.

En effet, les conditions de l’activité économique ne demeurent jamais les mêmes. La prospérité peut
être suivie d’une panique ou d’un krach. Les cycles économiques surviennent quand l’activité
économique s’accélère ou ralentit. On définit un cycle économique comme une fluctuation de la
production nationale, du revenu global et de l’emploi global, durant habituellement de 2 à 10 ans,
marqué par une expansion ou une contraction généralisée dans de nombreux secteurs de l’économie.
Le cycle économique se divise en deux phases. Les « pics » et les « creux » marquent les points de
retournement des cycles, alors que la « récession » et « l’expansion » sont les principales phases. La
récession est aussi définie comme une période où le PIB réel diminue pendant au moins deux
trimestres consécutifs. Elle commence par un pic et termine par un creux

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Tableau 1- Evolution de quelques variables macroéconomiques
Variables
Pays 1960-69 1970-79 1980-89 1990-99 2000-09 2010-19
macroéconomiques
Burkina
Taux de croissance 3,27 3,28 3,74 5,12 5,29 6,02
Faso
PIB par tête 293,24 327,31 378,14 425,19 559,88 731,05
Taux d'inflation 1,64 8,20 4,71 4,53 2,49 1,68
Taux de chômage 1,30 2,51 3,36 5,59
Mali Taux de croissance 1,97 5,21 2,57 3,91 5,34 4,39
PIB par tête 344,99 402,15 448,82 518,60 650,86 730,99
Taux d'inflation 12,34 9,00 5,22 8,31 3,22 3,26
Taux de chômage 3,30 10,23 5,73
Cote
Taux de croissance 8,71 7,61 -0,24 2,45 0,71 6,25
d'Ivoire
PIB par tête 1530,51 2168,93 1767,64 1397,49 1246,17 1423,75
Taux d'inflation 2,66 10,67 5,52 7,53 3,50 5,72
Taux de chômage 4,97 4,33
Brasil Taux de croissance 5,90 8,47 2,99 1,88 3,39 1,39
PIB par tête 3843,36 6514,81 7977,18 8314,21 9579,27 11422,48
Taux d'inflation 49,04 33,92 309,37 851,57 8,22 6,68
Taux de chômage 2,53 3,73 7,20 8,94 9,43
China Taux de croissance 3,37 7,39 9,74 9,99 10,35 7,69
PIB par tête 169,30 266,40 515,23 1169,57 2765,65 6346,84
Taux d'inflation 1,09 0,37 5,27 7,60 3,74 3,12
Taux de chômage 5,35 2,65 2,77 4,00 4,16
France Taux de croissance 5,70 4,10 2,35 2,02 1,46 1,38
PIB par tête 15947,30 23369,37 28613,55 34061,49 39891,90 42097,56
Taux d'inflation 4,28 9,07 7,16 1,42 1,82 0,89
Taux de chômage 3,83 9,06 11,34 8,51 9,45
USA Taux de croissance 4,66 3,18 3,12 3,22 1,91 2,27
PIB par tête 20731,44 25855,04 31567,44 38621,74 47254,12 51712,44
Taux d'inflation 2,50 6,58 4,73 2,21 2,21 1,71
Taux de chômage 4,70 6,21 7,27 5,78 5,54 6,23
Source : WDI (2021). NB : le PIB par tête est expliqué en dollar US (constant 2010)

Graphique : cycles économiques

Source : Wikipédia

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En dépit des fluctuations à court terme que l'on observe au cours des cycles économiques, les
économies surtout celles qui sont développées font preuve généralement d'une croissance régulière à
long terme du PIB réel et d'un accroissement de leurs niveaux de vie. Ce processus est connu sous le
nom de croissance économique.

Les fléchissements de l'activité économique sont appelés récession quand l'écart est peu important
(exemple la décennie 80 en Afrique) et dépression lorsque l'écart est grand (la dépression 1929/30,
1997/98 en Asie du Sud Est (Corée du Sud, Thaïlande), 2007/2008 dans le monde.

1.1.2 Le chômage
Un autre objectif de la politique macroéconomique est l'emploi élevé qui est la contrepartie d'un
chômage minime. Les gens veulent avoir la possibilité de trouver de bons emplois, bien rémunérés,
sans chercher ou attendre trop longtemps. Le taux de chômage donne le pourcentage des travailleurs
sans emploi par rapport à la main d’œuvre totale (population active). La main d’œuvre est le nombre
de personnes employées ou qui cherchent de l'emploi.

L'objectif d'assurer de bons emplois à tous ceux qui le désirent s'est avéré de plus en plus difficile
dans les économies de marché (capitalistes). De ce fait les économistes définissent souvent le plein
emploi en vertu d'un taux de chômage de 6 à 7% de la population active.

1.1.3 La stabilité des prix


La stabilité des prix sur des marchés libres constitue le troisième objectif macroéconomique. Le désir
de maintenir des marchés libres est une question délicate, fondée sur la croyance qu'une économie de
marché fonctionnant bien est le moyen le plus efficient d'organiser la majeure partie de l'activité
économique. Sur un marché libre, les prix sont déterminés dans la mesure du possible par l'offre et la
demande, et les Etats s'abstiennent de contrôler les prix des biens individuels. Ce n'est qu'en laissant
aux firmes la possibilité de fixer librement leur prix que le marché fera l'usage le plus efficace des
ressources.

Pourquoi la stabilité des prix est-elle souhaitable ?

Une économie de marché se sert des prix comme un étalon de mesure des valeurs économiques et
comme un moyen pour gérer l'activité. Quand l'étalon se modifie rapidement au cours des périodes
de hausse des prix, les gens sont amenés à faire des confusions ; ils commettent des erreurs et passent
la plupart de leur temps à s'inquiéter de la valeur de leur monnaie. Par ailleurs, une instabilité trop
accusée des prix augmente l’incertitude pour les investisseurs potentiels. Ces investissements ont des
effets qui s’étendent dans le long terme. L’incertitude, quant à l’évolution des prix des intrants et des
extrants, peut décourager l’investissement productif. Si l’inflation continue de s’accélérer, les efforts
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pour protéger le pouvoir d’achat de son revenu mobilisent toujours plus de temps (et donc de
ressources productives). A la longue, l’utilisation de la monnaie peut céder le pas au troc. Des moyens
d’échanges non officiels, mais plus stables se substituent tout naturellement à la monnaie officielle.
Ainsi, les brusques variations de prix sont sources d'inefficience économique.

La mesure du niveau général des prix la plus couramment utilisée est l'indice des prix à la
consommation (IPC). Le taux d'inflation est la variation du niveau général des prix c’est à dire:

[(L’indice des prix à la consommation à une année t - l'indice de l’année t-1) *100] / l'indice des prix de
l'année t-1

Taux d’inflation = (IPCt – IPCt-1) *100/ IPCt-1

La plupart des nations cherchent une règle d'or de flexibilité des prix, tolérant souvent une dose
d'inflation, comme le meilleur moyen de permettre au système des prix de fonctionner avec efficience.

1.1.4 Le commerce extérieur


La plupart des pays s'efforcent de tirer parti de leur participation au commerce international.

Pour accroître les niveaux de vie de leurs citoyens, ils importent et exportent des biens, des services
et du capital. Ils empruntent ou prêtent de l'argent aux étrangers. Ils imitent les technologies étrangères
ou vendent de nouveaux produits à l'étranger. Leurs habitants voyagent dans tous les pays du monde
pour des raisons professionnelles ou pour le plaisir.

A LT les nations s'efforcent généralement d'équilibrer leurs importations et leurs exportations

X-M=0: balance commerciale équilibrée

X-M<0: balance commerciale déficitaire

X-M>0: balance commerciale excédentaire

Par ailleurs, les nations ont pour souci d'avoir un taux de change stable de leur monnaie par rapport
aux autres devises. Le taux de change entre deux pays est le prix auquel se font les échanges entre
eux. Les économistes définissent deux taux de change : le taux de change nominal (TCN) et le taux
de change réel (TCR).

 Le taux de change nominal (TCN) est le prix relatif des monnaies de deux pays; le prix de la
monnaie d’un pays par rapport aux devises étrangères. Exemple : 1$ = 500FCFA ou 1 €=
655,957FCFA (cotation à l’incertain du FCFA, c'est-à-dire qu’on a pris une unité de la
monnaie étrangère et qu’on utilise le FCFA - notre monnaie - comme unité de compte ou

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numéraire); Le FCFA serait coté au certain si on prend la valeur du FCFA exprimée contre
une quantité de monnaie étrangère : 1 FCFA =0,002$ ou 1 FCFA =0,00152€.
 Le taux de change réel (TCR) est le prix relatif des biens entre deux pays. Il nous dit à quel
taux il est possible d’échanger des biens d’un pays contre les biens d’un autre. On appelle
quelquefois termes de l’échange, le TCR. TCR=TCN*rapport des niveaux des prix dans
chacun des pays concernés. Soit ε le taux de change, P le prix intérieur du bien (Burkina) et
P* le prix du bien à l’étranger (Ghana), alors ε = TCN* (P/P*).

Si le TCR est élevé, les biens étrangers sont relativement bon marché et les biens intérieurs
relativement chers. Si le TCR est faible, les biens étrangers sont relativement chers et les biens
intérieurs relativement bon marché. Le TCR peut être considéré comme un indicateur de
l’évolution de la compétitivité d’un pays sur le marché international.

Tout comme le prix du pain affecte la demande de pain, le prix relatif des biens intérieurs et étrangers
affecte la demande de ces biens. Si le taux de change réel (TCR) d’un pays est faible et que, donc, les
biens qu'il produit sont relativement bon marché, les résidents de ce pays achèteront peu de biens et
services à l’étranger, au contraire des résidents des autres pays, pour la même raison. Les exportations
nettes (X-M) de ce pays seront donc élevées.

1.2. Le carré magique de Kaldor


Pour évaluer le succès de la performance globale d'une économie, les économistes s'attachent à quatre
critères: la production, l'emploi, la stabilité des prix et le commerce extérieur.

Ces quatre agrégats correspondent aux quatre côtés de ce qu’on appelle le carré magique de Kaldor
(N. Kaldor, 1971). Le carré magique est composé de la croissance, du plein-emploi, de la stabilité des
prix et de l'équilibre externe.

1.2.1. Définition
Le carré magique est une représentation graphique des quatre grands objectifs de la politique
économique conjoncturelle d'un pays que sont :

● la croissance économique;
● le plein emploi des facteurs de production,
● l'équilibre extérieur de la balance commerciale
● la stabilité des prix

C'est en rejoignant les quatre points, qu'on obtient un quadrilatère qui représente d'autant mieux une
situation économique favorable que ce quadrilatère est proche du carré magique.
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Plus la surface du carré magique est grande plus la santé économique ou l’activité économique du
pays est considéré comme importante. Le carré est qualifié de « magique » selon Kaldor car il est
impossible de réaliser à tous les quatre objectifs simultanément.

Dans la réalité, il est très difficile d'atteindre simultanément les quatre objectifs de la politique
budgétaire : une forte croissance avec un faible chômage, une faible inflation et une balance
commerciale équilibrée. En fait plus la surface du quadrilatère correspondant aux statistiques d'un
pays à une période s'éloigne de la surface idéale du carré magique, plus la situation se détériore.

1.2.2. Construction du carré magique

 L'équilibre extérieur entre sorties et entrées de devises du territoire national


On estime favorable une situation où les entrées sont excédentaires. Sur le graphique, on envisagera
comme optimale la situation où l’excédent est égal par exemple à 2% du PIB et comme franchement
mauvaise la situation où l’excédent des sorties est égal à ce montant.

On a donc l'échelle suivante :

Situation Tragique Situation Optimale

Où l’excédent exprimé en PIB, est négatif quand ce sont les sorties et positif quand ce sont les entrées.

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 L'équilibre de l’emploi entre l’offre et la demande de travail

La situation de plein emploi (que nous réduisons ici à l'absence de chômage) est considérée comme
optimale. Nous retiendrons l'échelle suivante où les chiffres représentent le nombre de chômeurs par
rapport à la population active.

Situation Optimale Situation Tragique

0% traduit le plein emploi, 12% une situation extrêmement mauvaise au-delà de laquelle le "carré
magique" deviendrait un "carré tragique".

 L'équilibre des prix entre offre et demande sur le marché des biens et services

La stabilité des prix est considérée comme situation optimale. La détérioration de cette situation se
traduit le plus souvent par la hausse de prix que nous envisagerons comprise entre 0 et 20% par an.
Ce qui nous donnera l'échelle suivante sur le graphique :

Situation Optimale Situation Tragique

 La croissance économique

Elle traduit le dynamisme se dégageant des divers équilibres économiques et s'exprime en


pourcentage de l'augmentation constatée au cours de l'année t par rapport au montant du PIB de
l'année t-1.

Nous envisagerons une croissance comprise entre 0 et 10%, ce qui donnera l'échelle suivante:

Situation Tragique Situation Optimale

La situation idéale se présente alors comme un carré dans un carré. C'est ce qu'on appelle le "Carré
magique ». Le centre du carré est la pire des situations.

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2. Le circuit économique
Un circuit économique est une représentation schématique des mécanismes fondamentaux du
fonctionnement d’une économie.

Cas d’une économie simplifié

Supposons une économie privée (l’Etat est absent) et fermée composée seulement de ménages et des
sociétés non financières. Supposons également qu’il existe seulement deux marchés, le marché des
biens et le marché des facteurs.

Représentation d’un circuit économique simplifié

Selon ce schéma, les transactions entre les ménages et les entreprises donnent lieu à un double flux :

 Un flux réel (en noir) correspondant au mouvement de biens et de facteurs d’un agent à un
autre ;
 Un flux monétaire (en rouge) qui est la contrepartie du flux réel, représentant les sommes
versées en échange des biens et des facteurs

Autrement dit, dans ce circuit, les dépenses des entreprises constituent les revenus des ménages et les
dépenses de consommation des ménages représentent autant les recettes ou le chiffre d’affaires des
entreprises : c’est la circularité des flux.

Toutefois, dans la réalité le circuit n’est pas complètement fermé, il s’y produit certaines fuites qui
mettent en cause ce caractère circulaire du circuit économique. Exemple de fuite : l’épargne.

En supposant que les ménages épargnent une partie de leurs revenus, le circuit économique,
abstraction faite des flux réels, sera représenté comme indiqué ci-après (voir figure)

Représentation d’un circuit économique avec épargne et investissement

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3. Les principaux agrégats
3.1. Le Produit Intérieur Brut (PIB) : Étalon des performances économiques
3.1.1. Définition
On entend par PIB la valeur de la production réalisée par les unités de production résidentes pendant
une période donnée.

Commentons la définition.

1) Le PIB s'exprime en valeur, c'est-à-dire en monnaie plutôt qu'en quantité physique. Cela se
comprend aisément vu l'extrême diversité des produits composant le PIB. Comme du point de vue de
la détermination de la production et du revenu, il serait insensé d'additionner des citrons et des
bananes, on additionne les valeurs de ces produits.

Cette solution pose toutefois un autre problème, celui de la base d'évaluation des éléments du PIB.
Par convention on évalue par le prix du marché.

Cela n'est cependant possible que si les biens sont effectivement échangés. Deux exceptions méritent
d'être signalisées :

 D'abord, celle des produits marchands qui ne sont pas échangés. Les biens produits dans
l'agriculture d'autosubsistance en offre le principal exemple. Pour les comptabiliser, on fait
comme s'ils avaient fait l'objet d'un échange. On les évalue au prix du marché des produits
similaires effectivement échangés.
 La seconde exception concerne les produits non marchands qui, par définition, ne font pas
l'objet d'échange sur un marché. Pour les prendre en compte, on se contente du coût de la
production.

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La valeur de la défense nationale est aussi évaluée en additionnant le salaire des soldats, le prix de
l'essence consommé, la valeur des cartouches...Cela en l'absence d'information sur ce que les citoyens
sont prêts à payer pour ce service.

2) Les unités de production sont les entreprises que l'on retrouve dans tous les secteurs
institutionnels internes. Elles produisent les biens et services. Les secteurs institutionnels retenus par
la comptabilité nationale sont:

● Les sociétés et quasi société non financières (OK, SONABEL, Hotel Silmandé etc...) Les
sociétés ont une comptabilité complète et jouissent de la personnalité morale. Certaines unités
disposent d’une comptabilité complète mais non de personnalité morale. Elles sont cependant
considérées comme des quasi-sociétés c'est-à-dire décrites avec les sociétés car elles
disposent d’une autonomie de décision et peuvent exercer une importante action économique.
Il s’agit : -de quasi-sociétés publiques qui sont juridiquement des administrations mais qui
vendent la majeure partie de leur production- les services publiques autonomes- (PTT); -de
quasi-sociétés privées constituées par les succursales dans le pays d’unités économiques non
résidentes, des filiales d’entreprises étrangères;
● Les institutions de crédit (UBA, BICIAB, BCB, CORIS, etc);
● Les entreprises d'assurance (SONAR, UAB, ALLIANZ, etc);
● Les administrations publiques (État central et les collectivités locales.),
● les institutions privées sans but lucratif;
● Les ménages, (y compris les entreprises individuelles);
● Le reste du monde.

3) Une unité de production est résidente quand elle exerce son activité sur le territoire national.

Est considéré comme résident aussi:

 Les administrations publiques y compris les ambassades qui se trouvent nécessairement en


dehors du territoire national. Les ambassades étrangères et les organismes internationaux ne
sont pas considérés comme résidents.
 Les personnes physiques habitant le territoire (habiter le territoire signifie qu'on y passe des
séjours dépassant une année)

4) Le PIB étant réalisé pendant une période donnée, il relève des variables flux. L’année civile
constitue normalement cette période.

3.1.2. La détermination du PIB

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Il y a trois procédés de détermination du PIB : Par la production, par les emplois, par les revenus.

3.1.2.1. La détermination du PIB par la production.


Pour aboutir au PIB, on doit faire l'addition de toutes les valeurs ajoutées brutes par les unités de
production résidentes. La valeur ajoutée brute par unité de production correspond à la valeur totale
de sa production (ou son chiffre d'affaire (CA)) diminuée de la valeur totale des intrants intermédiaires
ou consommations intermédiaire (CI).

En termes formels, on obtient :

PIB=∑ni=1 V A Bi avec i=1, ...n les unités de production résidentes.

(VAB) i = (CA) i - (CI) i

On utilise les valeurs ajoutées pour éviter de compter plusieurs fois la même chose. Prenons un
exemple pour illustrer le concept de valeur ajoutée (1):

Supposons une économie hypothétique qui ne produit qu'un bien final : la confiture. Tous les intrants
intermédiaires pour la production de la confiture sont réalisés dans le pays. Il y a trois unités de
production :

 L’unité de production des fruits P;


 L’unité de transformation des fruits en confiture T;
 L’unité de distribution de la confiture aux consommateurs D.

L’unité P produit 300 Kg de fruits. Les intrants intermédiaires utilisés à cet effet sont négligeables, si
bien que qu’on peut en faire abstraction. L’unité P vend l’intégralité de sa production à l’unité T.
Cette dernière produit 500 litres de confiture. T vend intégralement sa production à D qui elle, la met
en pot pour une distribution (vente) aux consommateurs. Sa production est de 1000 pots. On suppose
que l’unité T et l’unité D n’utilisent pas d’autres intrants que les fruits et la confiture. De plus, un (1)
Kg de fruit coûte 1000F, un (1) litre de confiture produit par T coûte 2000F et le pot de confiture
coûte 2000F.

Comment procéder pour obtenir le PIB ?

Réponse

On est tenté de faire la somme de la valeur de toutes les productions. On a alors :

- Valeur de la production de P = 1000F * 300Kg = 300.000F


- Valeur de la production de T = 2000F * 500litres = 1.000.000F
- Valeur de la production de D 2000F * 1000pots = 2.000.000F
TOTAL = 3.300.000F
17
Ce total ne constitue pas le vrai PIB parce qu’on a comptabilisé plusieurs fois les fruits produits par
P et la confiture fabriquée par T.

Schéma :

Valeur de la production de P VAB1 = 300.000

Valeur de la production de T VABT =


700.000

Valeur de la production de D VABD =


1.000.000

On a en effet additionné 3 fois les fruits (donc deux fois de trop) et deux fois les confitures (donc une
fois de trop). De toute évidence, le calcul du PIB doit éviter de comptabiliser plusieurs fois un même
produit. C’est pourquoi, les économistes et les comptables nationaux utilisent le concept de valeur
ajoutée pour calculer le PIB. Alors :

- VABP = (1000F*300Kg) – 0 = 300.000F


- VABT = (2000F*500l) – 300.000F = 700.000F
- VABD = (2000F*1000pots) – 1.000.000F = 1.000.000F
TOTAL = 2.000.000F

Une propriété fondamentale de ce concept est d’être indépendante des structures de production.
Supposons en effet que T et D fusionnent. Le nouveau processus de production de la confiture peut
être schématiser comme suit :

Valeur de la production de P VABP = 300.000

Valeur de la production de (T+D)


VAB(T+D) = 1.700.000

- VABP = (1000F*300Kg) – 0 = 300.000F


- VAB(T+D) = (2000F*1000pots) – 3.00.000F = 1.700.000F
TOTAL = 2.000.000F

18
La somme des valeurs ajoutées demeure inchangée. Elle est de 2 millions, tandisqu’en passant la
somme des valeurs de la production, cette dernière passe de 3,3 millions à 2,3 millions.

PIB=∑ni=1 V A Bi

Prenons un exemple (2) :

Supposons une économie hypothétique qui ne produit qu'un bien, des repas de tô.

Tous les intrants intermédiaires pour préparer ces repas sont réalisés dans le pays. A côté du
restaurant, il existe deux unités de production : une ferme et un moulin. Durant l'année la ferme
produit 100 Kg de mil. Les intrants intermédiaires utilisés sont négligeables si bien que l'on peut en
faire abstraction. La ferme vend l'intégralité de sa récolte au meunier qui l'utilise pour faire 100 Kg
de farine de mil. Cette farine est intégralement vendue au restaurant qui prépare 200 repas de tô. On
suppose que le meunier et le restaurateur n'utilise pas d'autres intrants que respectivement le mil et la
farine. Un Kg de mil coûte 50 francs, un Kg de farine coûte 70 francs et un repas est vendu à 50
francs.

Comment procéder pour obtenir le PIB?

On est tenté de faire la somme de la valeur de toutes productions. On a:

Valeur de la production de la ferme: 50F*100 =5.000F

Valeur de la production du moulin: 70F* 100 = 7.000F

Valeur de la production du restaurant:50F*200=10.000F

Total = 22.000F

Ce total ne constitue pas le vrai PIB car on a comptabilisé plusieurs fois le mil et la farine. Ceci
apparaît clairement si on imagine que le restaurateur achète le moulin et la ferme pour constituer une
seule entreprise. L'intégration verticale des trois entreprises montre que la valeur totale de la
production devient égale à 10000 francs. C'est pourquoi les économistes et comptables nationaux
utilisent le concept de la valeur ajoutée pour calculer le PIB.

Pour notre exemple: la sommes des valeurs ajoutées brutes

VAB1: valeur ajoutée brute de la ferme: 5000-0=5.000

VAB2: valeur ajoutée brute du moulin:7000-5000=2.000

VAB3 : valeur ajoutée brute du restaurant:10000-7000=3.000

∑ VABi =10.000
19
Graphiquement

Ainsi PIB= ∑VABi

Valeur de la production de la ferme VAB1 = 5000

Valeur de la production du moulin VAB2 =


7000

Valeur de la production du restaurant


VAB3 = 3000

3.1.2.2. La détermination du PIB par les emplois


Les différents emplois du PIB sont :

 La consommation finale privée (CFP) concerne les ménages et les institutions privées sans
but lucratif
 La consommation finale des administrations publiques (CFAP) c'est la consommation de
biens et services faite par les administrations publiques dans le processus de production de
biens collectifs (Défense nationale, Police, Justice...)
 L'investissement. Les biens d'investissement revêtent deux formes :

o La Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) (biens d'équipement, bâtiment,


machines, voitures)
o La Variation des Stocks (VS): les stocks peuvent concerner des biens finis, semis
finis ou des matières premières.
● Les exportations de biens et services (X)
● Importations de biens et services (-M)
Ainsi :

(2) PIB= CFP+CFAP+FBCF+VS+(X - M)

Ou PIB = C + I + (X-M) avec C = CFP + CFAP; I = FBCF +VS

Ou PIB= C+I+G+(X - M) avec C = CFP; I = (FBCF +VS) privé; G = CFAP +I public

20
3.1.2.3. La détermination du PIB par les revenus
La création du PIB donne lieu à la formation de revenus. En faisant l'addition de tous les revenus liés
à sa réalisation, on obtient une troisième estimation du PIB.

Quels sont ceux qui bénéficient, sous forme de revenus, de la valeur du PIB?

Il y a :

 Les détenteurs des facteurs de production utilisés pour produire le PIB


 L’État qui accapare une partie de la valeur produite sous forme d'impôts indirects

Les détenteurs de facteurs de production sont :

1/ Les salariés : leur revenu, appelé Rémunération des Salariés (RS) constitue un premier élément
du PIB

2/ Les travailleurs indépendants, les capitalistes, les propriétaires fonciers reçoivent des recettes de
ventes, des intérêts, des dividendes, des loyers et des rentes que le comptable national regroupe sous
la rubrique très hétérogène d'Excédent Brut d'Exploitation (EBE)

3/ L’État : sa part dans le PIB est saisie dans la rubrique Impôt Indirects Nets de Subvention (IINS).
En effet si la plupart des productions et ventes sont soumises à des impôts indirects, certaines
productions bénéficient de subvention (enseignement par exemple)

(3) PIB=RS+EBE+IINS

Les équations (1) (2) (3) sont identiques :

PIB=∑VAB= C+ FBCF+VS+(X - M)=RS+ EBE+IINS

3.2. Le PIB à parité de pouvoirs d’achat (PPA)


Il n’est pas évident de comparer la richesse des nations dans l’espace. En effet les pays utilisent des
monnaies différentes. Exemple du dollar US pour les Etats-Unis, l’euro pour la France, le yuan pour
la chine et le Franc CFA pour le Burkina.

Pour comparer le Pib entre ces pays, il faut convertir les Pib dans une monnaie commune en utilisant
le taux de change qui est le prix d’une monnaie convertie dans une autre monnaie. Mais comme les
prix, les taux de change sont fluctuants au cours du temps.

Pour contourner la difficulté des fluctuations des taux de change, on utilise la moyenne internationale
des prix au lieu des prix d’un seul pays, pour ne pas accorder de l’importance ou privilégier la

21
structure des prix d’un pays. Cette solution revient à calculer le taux de change d’une monnaie fictive
qui respecte la parité des pouvoirs d’achat.

Définition : la parité à pouvoir d’achat permet de gommer les effets de change et les écarts de prix
entre les pays. Les prix vont être convertis en PPA et vont permettre d’exprimer le rapport entre deux
pays différents pour un panier de biens et services identiques.

3.3. Le PIB par habitant


Définition : le PIB par habitant est un outil de mesure plus efficace que le PIB pour comparer le
développement d’un pays. Cependant, il n’est qu’une moyenne et donc il ne permet pas de rendre
compte des inégalités de revenus et de richesses au sein d’une population.

3.4. Le produit national brut (PNB)


Le PNB est la valeur monétaire de l’ensemble des biens et services finaux produits par les facteurs
de production nationaux au cours d’une période donnée généralement l’année. Ce qui compte ici c’est
la nationalité (Burkinabè) des détenteurs des facteurs de production et non le lieu de leur activité.

PNB (Revenu national) = PIB + revenus des facteurs reçus du reste du monde – revenus des
facteurs versés au reste du monde.

Le produit intérieur net mesure donc la richesse créée nette de celle qui a été détruite au cours de la
production. C’est donc une meilleure mesure du revenu d’un pays. C’est pourquoi on l’appelle
également revenu national.

3.5. Le PIB potentiel


Le PIB potentiel est un autre indicateur macroéconomique important. Il mesure le montant que
pourrait produire l’économie si le travail était pleinement employé, à des niveaux supportables
d’heures supplémentaires et si le capital (machines et bâtiments) était utilisé dans des conditions
normales. Le PIB effectif se situe en dessous du

PIB potentiel quand l’économie est à des niveaux de sous-emploi des ressources productives
supérieures à la normale.

Le taux de croissance potentielle est donc le taux de croissance maximum de la production qui serait
possible sans augmentation de l’inflation grâce à une utilisation optimale des facteurs de production
(travail et capital). La croissance potentielle dépend donc de la population active, du stock de capital
et de la productivité globale des facteurs. Il est donc différent du taux de croissance effective.

22
Un boom (expansion) correspond à une forte fluctuation à la hausse. On appelle récession une
fluctuation à la baisse. Dans ce cas, on admet en général que le PIB réel baisse pendant deux trimestres
consécutifs. En période de récession, l’économie fonctionne très en dessous de ses capacités (faible
utilisation des capacités, sous-emploi des travailleurs). Lorsque la récession est très profonde, on dit
qu’il s’agit d’une dépression.

Les limites du PNB ou PIB en tant qu’instrument de mesure du bien-être humain

Le PNB ou PIB sert à mesurer les flux de production, de revenus et de dépenses, lesquels peuvent
contribuer au bien-être de l’individu.

Le calcul du PNB ou PIB doit être amélioré pour refléter toutes les transactions économiques
importantes. Certaines déficiences du PNB ou PIB en tant qu’instrument de mesure de l’activité
économique peuvent être corrigées, du moins en théorie. Par exemple, pour calculer le revenu
national, il est possible d’attribuer une valeur à l’épuisement des matières premières non
renouvelables. Mais, il est moins facile de remédier à d’autres faiblesses car le PNB mesure les
moyens et la fin.

Évoquons quelques limites du PNB ou PIB :

 Le PNB ou PIB n’enregistre que les échanges monétaires

Il ne compte que les biens et services qui peuvent être échangés pour de l’argent. Il ne tient donc pas
compte de la grande proportion de travail exécuté au sein du foyer ou de la collectivité. Exemple, la
bonne augmente le PIB et une fois Madame, le diminue.

 Le PNB ou PIB met sur le pied d’égalité les bons et les mauvais produits et services.

Il considère que les services utiles pour la société, par exemple les soins aux enfants ou aux personnes
âgées, ont la même importance que la fabrication d’armes de destruction massive.
23
 Le PNB ou PIB compte à la fois les dépendances et les remèdes

La boulimie et l’alcoolisme par exemple, sont comptabiliser deux fois : une première fois lorsque la
nourriture et l’alcool sont consommés et une seconde fois lorsque des sommes d’argent importantes
sont dépensées pour suivre des régimes et des cures de désintoxication.

 Le PNB ou PIB considère que les ressources naturelles sont gratuites

La dégradation de l’environnement, la pollution et l’appauvrissement des ressources ne sont pas


comptabilisés. La terre est traitée comme « une entreprise en faillite »

 Le PNB ou PIB n’accorde aucune valeur aux loisirs

Lorsque le PNB enregistre la baisse de revenu associée par exemple à la réduction du temps de travail
ou aux départs en retraite anticipée, il n’introduit aucune compensation en rajoutant le nombre
d’heures de loisirs en plus de l’autre côté de la balance. Il ne soustrait pas non plus les loisirs perdus
lorsque les personnes sont contraintes d’accepter un deuxième emploi.

 Le PNB ou PIB ignore la liberté humaine

Les comptes du revenu national n’accordent aucune valeur à la liberté, aux droits de l’homme ou à la
participation. Il serait ainsi parfaitement possible d’atteindre des revenus élevés par habitant et de
satisfaire à tous les besoins matériels dans un État–prison bien géré.

Pour tenter de remédier à ces insuffisances, les économistes du Programme des Nations Unies pour
le Développement (PNUD) ont élaboré un indicateur composite de mesure du développement
humain : l’Indicateur de Développement Humain (IDH). Il chiffre le niveau moyen attend par chaque
pays sous trois aspects essentiels :

o La longévité et la santé représentées par l’espérance de vie à la naissance ;


o L’instruction et l’accès au savoir, représentés par le taux d’alphabétisation des adultes
(pour 2/3) et par le taux brut de scolarisation, tous les niveaux confondus (pour 1/3);
o La possibilité de disposer d’un niveau de vie décent, représentée par le PIB/ habitant
en parité de pouvoir d’achat (PPA). Le PPA est un taux de change destiné à neutraliser
les différences de prix entre pays, afin de permettre les comparaisons internationales
de la production et du revenu en termes réels.

3.6. L’inflation
L’inflation est la hausse du niveau général des prix. La lutte contre l’inflation est un des objectifs de
la politique économique.

24
Exemple certaines banques centrales se fixent un objectif d’inflation à atteindre. Pour la Banque
Centrale Européenne la cible d’inflation doit être inférieure à 2%. Pour le Pacte de Stabilité et de
croissance des pays de l’UEMOA, il est à 3%.

3.6.1. Mesure de l’inflation


Pour mesurer l’inflation, on peut construire l’indice des prix à la consommation (IPC) ou le déflateur
du PIB.

A) Indice des prix à la consommation (IPC)

Il est facile de mesurer l’évolution des prix d’un seul bien. Mais les difficultés apparaissent lorsqu’on
considère tous les prix des biens d’une économie en raison des problèmes d’agrégation. Comment
mesurer l’évolution des prix des biens différents, consommés en quantités différentes, en tenant
compte de l’évolution du pouvoir d’achat ?

On peut contourner ces difficultés dans la construction d’un indice de prix selon les trois étapes
suivantes:

 Etape 1: définir le panier du consommateur moyen c’est-à-dire la répartition de son budget


entre les différents biens et services qu’il consomme.
 Etape 2: calculer le prix de ce panier de biens, à intervalle régulier (mois, trimestre, année).
 Etape 3: calculer l’indice des prix en rapportant le prix courant du panier à celui d’une année
de base.

Taux d’inflation est alors taux de variation de l’IPC sur une période donnée.

Exemple d’application numérique

IPC au Burkina Faso, voir site de l’INSD

B Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)

L’indice des prix à la consommation harmonisée signifie qu’un groupe de pays dans une union
économique ou dans un processus d’intégration économique par exemple ont harmonisé leur méthode

25
de calcul de l’IPC pour rendre comparable leur taux d’inflation. Le principe de la construction de
l’IPCH est rigoureusement identique à celui de l’IPC.

C Mesure de l’inflation par le déflateur du PIB

L’IPC ayant des lacunes (exemple surestimation de l’inflation), il devient alors nécessaire d’avoir
une autre méthode complémentaire pour mesurer l’inflation. A cette fin, on utilise le déflateur du PIB
qui est, comme on l’a vu, le rapport entre le PIB nominal et le PIB réel. Comme l’IPC, le déflateur
est un indice et n’a donc pas de sens en tant que tel, mais c’est sa variation qui permet d’appréhender
l’évolution des prix.

La différence fondamentale entre le déflateur et l’IPC est que le déflateur concerne l’évolution des
prix de tous les biens et services produits sur le territoire alors que l’IPC n’intègre que les prix des
biens et services consommés sur le territoire.

3.7. Le chômage
Le taux de chômage reste une préoccupation pour les pays développés et en développement et
constitue aussi une priorité de la politique économique.

Sa mesure nécessite de préciser certains concepts tels que ceux de la population active, inactive et
employée. Cette précision conduira après à proposer les mesures du chômage.

3.7.1. Population active, inactive et employée ou la distinction entre chômage, inactivité et emploi

Généralement pour les adultes, on fait le classement suivant:

 ceux qui ont un emploi, c’est-à-dire une activité rémunérée;


 les chômeurs ou ceux qui n’ont pas d’activité non rémunérée; et
 les inactifs c’est-à-dire ceux qui ont une activité non rémunérée (étudiants, femmes ou
hommes au foyer, etc).

La population active regroupe ceux qui ont un emploi et les chômeurs.

C’est la population active qui permet de mesurer le taux de chômage.

𝑛𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑐ℎ𝑜𝑚𝑒𝑢𝑟𝑠
𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑐ℎ𝑜𝑚𝑎𝑔𝑒 = × 100
𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒

On distingue le taux d’activité de la population du taux de chômage. Le taux d’activité de la


population mesure la proportion des actifs dans la population adulte.

𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑒
𝑇𝑎𝑢𝑥 𝑑 ′ 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑣𝑖𝑡é = × 100
𝑝𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑑𝑢𝑙𝑡𝑒

26
3.7.2. Mesure du chômage

Pour mesurer le chômage, il convient de faire une limite nette entre activité, inactivité et chômage
afin de pouvoir classer les individus entre ces différentes catégories. Cette limite n’est pas aisée à
obtenir et pose par conséquent les difficultés de mesurer le chômage (exemple le travail à temps
partiel involontaire, un chômeur en formation peut être considéré comme actif, ou comme inactif
puisqu’il suit une formation).

C’est pour cela que l’on adopte une définition opérationnelle du chômage.

Une première définition est de considérer tous ceux qui sont inscrits dans une structure ou organisme
étatique pour une demande d’emploi. Exemple cas de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) au
Burkina.

Cette définition a cependant des limites car:

 Tous les chômeurs ne sont pas inscrits;


 Certains travailleurs au noir peuvent être inscrits.

C’est pour ces différentes raisons qu’il existe un consensus relatif à la définition proposée par le
Bureau international du travail (BIT) en 1982.

Chômeur au sens du BIT: toute personne en âge de travailler, sans emploi, immédiatement disponible,
et à la recherche d’un emploi ou ayant trouvé un qui commence ultérieurement.

L’âge de travailler pour le BIT est 15 ans ou plus, le fait d’être sans emploi comme celui de pas avoir
travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence, et le fait d’être immédiatement
disponible comme celui de pouvoir prendre un emploi dans les 15 jours.

Cette définition a l’avantage d’être précise et permet clairement de classer les individus entre actifs,
inactifs et chômeurs. Elle permet par ailleurs de faire des comparaisons internationales.

Son seul inconvénient cependant est qu’elle exige des enquêtes permanentes.

1.1.1 Les différentes formes de chômage

Les économistes font une distinction entre quatre catégories de chômage :

→ Chômage saisonnier : on appelle chômage saisonnier le chômage qui varie suivant les saisons
(tourisme, agriculture, bâtiment). Comme ces fluctuations de l’emploi et du chômage correspondent
à des phénomènes saisonniers normaux, le taux de chômage qui est publié est corrigé du volume

27
moyen de chômage pendant la saison considérée. Ces ajustements sont appelés ajustements des
variations saisonnières.

→ le chômage frictionnel. Ce type de chômage résulte du fait d’un processus normal de transition
d’un emploi à un autre. Si les individus pouvaient passer instantanément d’un emploi à un autre, il
n’y aura pas de chômage frictionnel. Dans une économie dynamique comme celle des Etats-Unis, où
certains secteurs sont en croissance et d’autres en déclin, il y aura toujours des mouvements d’un
emploi à l’autre et donc du chômage frictionnel.

→ le chômage structurel. C’est un chômage de long terme (généralement d’une durée supérieure à
6 mois) et il résulte souvent des facteurs liés aux structures de l’économie. Un chômage structurel
important coexiste souvent avec des emplois vacants parce que les chômeurs ne possèdent pas la
qualification requise pour les nouveaux emplois créés. Exemple: il peut avoir simultanément des
emplois dans l’informatique et du chômage dans le secteur du bâtiment ou la main d’œuvre peut
manquer dans des zones de forte croissance et être surabondante dans les zones de déclin.

→ le chômage cyclique: ce type de chômage est associé aux fluctuations économiques lorsque
l’économie descend en dessous de son niveau potentiel. Le chômage cyclique est donc le chômage
qui augmente en période de ralentissement économique et baisse en période de prospérité. Il s’agit
d’un sujet de préoccupation majeur en macroéconomie

28
Chapitre 2. La demande et l’offre globale
Le produit intérieur et le niveau des prix sont déterminés par la demande et l'offre globales. Ceci
signifie que le niveau effectif de la production est en partie déterminé par la demande globale et en
partie par l'offre globale.

1. Les fondements analytiques de la demande globale

La demande globale est la quantité totale ou globale de biens et services que les agents souhaitent
acheter pour un niveau donné des prix ceteris paribus (toutes choses égales par ailleurs). La demande
globale est la dépense totale désirée dans tous les secteurs de la production.

1.1 Les composantes de la demande globale

Elle comprend quatre composantes : la consommation (C), l'investissement (I), la dépense publique
(G), les exportations nettes (X-M).

● La consommation est principalement déterminée par le revenu disponible qui égale au revenu
après impôt. L’évolution à plus long terme du revenu, la richesse des ménages, et le niveau
général des prix constituent les autres facteurs influant sur la consommation. L’analyse de la
demande globale met l’accent sur les déterminants de la consommation réelle qui est la
consommation nominale divisée par l’indice des prix de la consommation. C = f (Yd)

● L’investissement. La dépense d’investissement (I) comprend les achats d’installations fixes et


d’équipements et l’accumulation de stocks. Les principaux déterminants de l’investissement
sont le niveau de la production, le coût du capital (dépendant de la politique fiscale ainsi que
des taux d’intérêt et d’autres conditions financières) et les anticipations. La politique
monétaire constitue le principal vecteur par lequel la politique économique peut influer sur
l’investissement. I = f (Y, i )

● La dépense publique. Elle constitue la troisième composante de la demande globale. A la


différence de la consommation et de l’investissement, la dépense publique est déterminée
directement par les décisions de dépense de l’Etat.

● Les exportations nettes. Elles sont égales à la valeur des exportations moins celle des
importations. Les importations sont déterminées par le revenu et le produit intérieurs, par le
rapport entre les prix domestiques et étrangers, et par le taux de change de la monnaie
nationale. Les exportations (qui sont les importations des autres pays) constituent le
symétrique des importations, sont déterminées par les revenus et les productions étrangères,

29
les prix relatifs, et par les taux de change étrangers. Les exportations nettes sont alors
déterminées par les revenus et les productions étrangers, les prix relatifs et les taux de change.

DG = C+I+G+(X-M)

1.2. La décroissance de la courbe de demande.

Graphique

NGP

150

100

2000 300 PNBréel


0

Pour comprendre la pente négative de la courbe de demande agrégée, il faut étudier la relation entre
le niveau des prix et la consommation, l’investissement et les exportations nettes.

Le niveau des prix et la consommation : l’effet d’encaisses réelles

Pensons à l’argent qui se trouve dans votre portefeuille et votre compte bancaire. Sa valeur nominale
est fixe, mais pas sa valeur réelle. En cas de baisse des prix, ces francs cfa ont une valeur supérieure,
ce qui vous permet de consommer plus. Cela nous permet de comprendre une première cause de la
pente négative de la courbe de demande agrégée. Une baisse du niveau des prix fait augmenter la
valeur réelle des encaisses (ou des liquidités) des ménages, ce qui les incite à dépenser davantage.
Cette augmentation de la consommation se solde par une hausse de la quantité demandée de biens et
de services. Inversement, une hausse du niveau des prix réduit la valeur réelle des encaisses, de la
consommation et la quantité demandée de biens et de services.
30
Le niveau des prix et l’investissement : l’effet du taux d’intérêt

Le niveau des prix est l’un des facteurs déterminants de la quantité demandée de monnaie. Plus les
prix sont bas, moins les ménages ont besoin de détenir de monnaie pour acheter les biens et les
services. Lorsque les prix baissent, les consommateurs ont tendance à réduire leurs liquidités et à en
prêter une partie. Ils peuvent, à titre d’exemple, acheter des obligations portant intérêt ou déposer leur
argent dans un compte d’épargne, ce qui permet aux banques d’octroyer plus de prêts. Quoi qu’il en
soit, plus les ménages cherchent à convertir leur monnaie en actifs rapportant un rendement, plus le
taux d’intérêt baisse. Une telle réduction du taux d’intérêt incite les entreprises à investir dans de
nouvelles usines et de nouveaux équipements.

Cela nous permet de comprendre une deuxième raison pour laquelle la courbe de demande agrégée
est à pente négative. Une baisse du niveau général des prix réduit les taux d’intérêt et fait augmenter
les dépenses d’investissement, ce qui accroît la quantité demandée de biens et de services.
Inversement, une hausse du niveau des prix fait augmenter les taux d’intérêt et diminuer les dépenses
d’investissement et la quantité demandée de biens et de services.

Le niveau des prix et les exportations nettes : l’effet de substitution internationale

En rappel, les exportations nettes sont déterminées par les revenus et les productions étrangers, les
prix relatifs et les taux de change.

Le niveau général des prix au Burkina Faso (P), le niveau général des prix à l’étranger (P*) et le taux
de change nominal Burkinabè (Franc CFA) (e) permettent de calculer le taux de change réel du
Burkina Faso :

E = (e × P) / P*

Le taux de change réel mesure le taux auquel on peut échanger des biens et des services produits au
Burkina Faso contre des biens et des services produits à l’étranger. Toutes choses étant égales par
ailleurs, une réduction du niveau des prix au Burkina Faso fait diminuer le taux de change réel. Une
telle dépréciation réelle rend les produits burkinabè meilleur marché par rapport à ceux de fabrication
étrangère : les burkinabè et les étrangers substituent alors aux marchandises venant de l’étranger des
biens fabriqués au Canada. Il s’agit donc de la troisième raison pour laquelle la courbe de demande
agrégée est à pente négative. Une baisse du niveau général des prix dans un pays se traduit par une
baisse du taux de change réel, laquelle stimule les exportations nettes du pays et fait augmenter la
quantité demandée de biens et de services. Inversement, une hausse du niveau général des prix d’un
pays donné se traduit par une hausse du taux de change réel, ce qui réduit les exportations nettes
canadiennes ainsi que la quantité demandée de biens et de services.

31
1.3. Les déplacements de la demande globale.

Les facteurs qui font varier la demande globale comprennent :

 Les politiques macroéconomiques telles que les politiques monétaire et budgétaire.

L’accroissement de l’offre de monnaie diminue les taux d’intérêt et améliore les conditions de crédit,
entraînant des niveaux plus élevés d’investissement et de consommation de biens durables.

Les accroissements de dépenses de biens et de services augmentent directement la dépense ; les


diminutions d’impôts ou les augmentations de transferts accroissent le revenu et entraînent une
consommation plus forte.

 Les variables externes liées à l'environnement international tel l'activité économique


étrangère, les variations du prix du pétrole, le mouvement des marchés financiers.

L’augmentation de la production à l’étranger entraîne un accroissement des exportations nettes ;


l’augmentation des cours de la bourse (des actions) ou du prix des logements provoque la croissance
de la richesse des ménages et accroît donc la consommation ; ceci entraîne également une baisse du
coût du capital et augmente l’investissement des entreprises ;

Une production mondiale de pétrole plus forte diminue les prix du prix du pétrole. Des revenus réels
plus élevés des consommateurs et une meilleure confiance des entreprises augmentent la
consommation et l’investissement.

Ainsi donc, quand ces variables se modifient, elles entraînent le déplacement de la courbe de demande
globale

Graphique

32
2 LES FONDEMENTS ANALYTIQUES DE L'OFFRE GLOBALE

Elle indique la quantité totale de biens et de services que les entreprises produisent et vendent, pour
chaque niveau des prix. À l’inverse de la courbe de demande agrégée et de sa pente toujours négative,
la pente de la courbe d’offre agrégée dépend de l’horizon temporel.

2.1 Offre agrégée de long terme

2.1.1 Courbe d’offre agrégée de long terme

À long terme, la courbe d’offre agrégée est verticale. À long terme, la quantité offerte de biens et de
services dépend de la capacité de production. Autrement dit à long terme (LT) (plusieurs années ou
décennies), on est en présence de la fonction d’offre globale de LT. Cette relation est représentée par
une droite verticale OG, car les accroissements du niveau des prix n’entraînent plus d’augmentation
de la production totale offerte.

Graphique

2.1.2 Pourquoi la courbe d’offre agrégée à long terme se déplace-t-elle ?

La théorie macroéconomique classique prédit la quantité de biens et de services produits à long terme
dans une économie : elle explique donc aussi la position de la courbe d’offre agrégée à long terme.
Le niveau de production de long terme est parfois appelé production potentielle ou production de
plein-emploi. Nous l’appelons toutefois niveau de production naturel, parce qu’il correspond à la
production de l’économie au taux de chômage naturel ou normal.

Ce niveau naturel représente le niveau de production vers lequel l’économie tend à long terme. Tout
événement modifiant ce niveau de production naturel provoque un déplacement de la courbe d’offre
agrégée. Comme la production repose, selon le modèle classique, sur la quantité de travail, de
ressources naturelles et de capital ainsi que sur la technologie utilisée pour transformer ces ressources
en biens et en services, nous pouvons nous servir de ces quatre facteurs pour classer les différents
déplacements de la courbe d’offre agrégée.

Les déplacements dus à la main-d’œuvre

Imaginons une augmentation de la main-d’œuvre dans un pays. En raison de l’augmentation du


nombre de travailleurs, la quantité de biens et de services produits s’accroîtrait. Cela se traduirait par
un déplacement vers la droite de la courbe d’offre agrégée.

33
À l’inverse, en cas de réduction de la main-d'œuvre, la courbe se déplacerait vers la gauche.

Les déplacements dus au capital

Un accroissement du stock de capital fait augmenter la productivité et, du même coup, la quantité
offerte de biens et de services. En conséquence, la courbe d’offre agrégée se déplace vers la droite.
Par contre, une réduction du stock de capital diminue la productivité et la production de biens et de
services, ce qui entraîne un déplacement vers la gauche de la courbe d’offre agrégée.

Le raisonnement est identique, qu’on parle de capital physique ou de capital humain. Une
augmentation du nombre de machines, ou du nombre de diplômés universitaires, provoque une
augmentation de la productivité et, donc, un déplacement vers la droite de la courbe d’offre agrégée
à long terme.

Les déplacements dus aux ressources naturelles

La production d’une économie dépend de ses ressources naturelles, dont la terre, les minéraux et le
climat. La découverte de nouveaux gisements minéraux provoque un déplacement vers la droite de
la courbe d’offre agrégée à long terme.

Une modification du climat qui rend la production agricole plus difficile suscite un déplacement vers
la gauche de la courbe d’offre agrégée à long terme.

Dans plusieurs pays, d’importantes ressources naturelles sont importées de l’étranger. Une
modification de la disponibilité de ces ressources peut aussi provoquer un déplacement de la courbe
d’offre agrégée à long terme.

Les déplacements dus aux connaissances technologiques

L’augmentation de la production, d’une génération à l’autre, s’explique en grande partie par les
progrès technologiques. Par exemple, l’invention de l’ordinateur a permis de produire plus de biens
et de services, toutes choses étant égales par ailleurs. Cette innovation a donc fait bouger vers la droite
la courbe d’offre agrégée à long terme.

D’autres événements ont des conséquences semblables. Ainsi, l’ouverture au commerce international
peut se comparer à l’introduction de nouveaux processus de production. En effet, l’ouverture aux
échanges permet de se spécialiser dans des industries où la productivité est meilleure, ce qui provoque
un déplacement vers la droite de la courbe d’offre agrégée à long terme. Par contre, l’adoption par le
gouvernement de nouvelles réglementations interdisant aux entreprises certains processus de
production, notamment en raison de leurs effets polluants, pourrait entraîner un déplacement vers la
gauche de la courbe d’offre agrégée à long terme.
34
2.2 Offre agrégée de court terme

2.2.1 Courbe d’offre de court terme

Nous abordons maintenant la différence essentielle entre l’économie à court terme et l’économie à
long terme : le comportement de l’offre agrégée. Nous avons vu que la courbe d’offre agrégée à long
terme est verticale, car à long terme, le niveau des prix ne touche pas la capacité de produire des biens
et des services.

En revanche, à court terme, le niveau des prix influe sur le niveau de production. Ainsi, sur une
période d’un an ou deux, une augmentation du niveau général des prix dans l’économie a tendance à
faire augmenter la quantité de biens et de services offerts, alors qu’une réduction des prix provoque
l’effet inverse.

La courbe d’offre agrégée à court terme présente donc une pente positive

Graphique

2.2.2 Pourquoi la courbe d’offre agrégée de court terme se déplace-t-elle ?

Les déplacements de la courbe de court sont causés par toutes les variables produisant les
déplacements de la courbe à long terme, plus le niveau des prix anticipé — influant sur le niveau des
salaires.

Nous avons vu que les déplacements de la courbe de long terme sont causés par des modifications du
travail, du capital, des ressources naturelles et des connaissances technologiques. Ces mêmes
variables influent également sur la courbe d’offre agrégée à court terme.

Ainsi, lorsque le stock de capital augmente, ce qui améliore la productivité, les deux courbes d’offre
agrégée, à long terme comme à court terme, se déplacent vers la droite.

Une nouvelle variable importante, qui détermine la position de la courbe d’offre agrégée à court
terme, s’ajoute maintenant : les anticipations de prix. En rappel, la quantité offerte de biens et de
services dépend, à court terme, des salaires. Ceux-ci sont déterminés en fonction des anticipations de
prix. Toute variation de ces anticipations se traduit donc par un déplacement de la courbe d’offre

35
agrégée à court terme. D’après la théorie des salaires rigides, lorsqu’on prévoit un niveau des prix
élevé, les entreprises et les employés ont tendance à s’entendre sur des salaires élevés. Ces salaires
se répercutent sur les coûts de production et font ainsi diminuer, pour chaque niveau des prix, la
quantité offerte de biens et de services. Par conséquent, lorsque le niveau des prix anticipé augmente,
les salaires montent, les coûts grimpent, les entreprises décident de réduire leur production pour
chaque niveau des prix et la courbe d’offre agrégée à court terme se déplace vers la gauche.

De même, une diminution du niveau des prix anticipé fait augmenter la quantité offerte de biens et
de services et fait bouger vers la droite la courbe d’offre agrégée à court terme.

Un dernier facteur peut finalement provoquer un déplacement de la courbe d’offre agrégée à court
terme, sans influer sur la courbe d’offre agrégée à long terme : des changements de prix des autres
facteurs de production. Par exemple, une augmentation du prix du pétrole, un intrant utilisé par la
grande majorité des entreprises, accroît les coûts de production unitaires. Les firmes réagissent en
diminuant, pour chaque niveau des prix, la quantité offerte de biens et de services. Par conséquent,
lorsque les prix des facteurs de production augmentent, les coûts grimpent, les entreprises décident
de réduire leur production pour chaque niveau des prix et la courbe d’offre agrégée à court terme se
déplace vers la gauche. Lorsque le prix de ces facteurs diminue, les coûts baissent, les entreprises
augmentent leur production pour chaque niveau des prix et la courbe d’offre agrégée à court terme se
déplace vers la droite.

Graphique

36
PARTIE II : L’EQUILIBRE MACROECONOMIQUE

Pour comprendre l’économie, les économistes ont recours à des modèles, c’est-à-dire des théories qui
simplifient la réalité pour mettre en évidence la manière dont les variables exogènes influencent les
variables endogènes. Tout l’art de l’économiste est d’évaluer si un modèle donné rend compte de
manière pertinente des principales relations économiques. Aucun modèle unique n’étant capable de
répondre à toutes les questions, les macroéconomistes utilisent à diverses fins des modèles différents.

L’une des hypothèses centrales dans chacun de ces modèles concerne la vitesse avec laquelle les prix
et les salaires s’ajustent face à des changements des conditions économiques. Certains économistes
font généralement l’hypothèse que le prix d’un bien ou d’un service donné s’ajuste rapidement pour
équilibrer l’offre et la demande. En d’autres termes, ils supposent que, pour tout prix donné, les
acheteurs ont acquis la quantité qu’ils souhaitaient et les offreurs ont vendu la quantité qu’ils
voulaient. Cette hypothèse, dite d’équilibre du marché, est au cœur de la plupart des modèles.

Pourtant, il n’est pas totalement réaliste de supposer que les marchés s’équilibrent en permanence.
Ce ne serait le cas que si les prix s’ajustaient instantanément aux variations de l’offre et de la
demande. En réalité, de nombreux prix et salaires ne s’ajustent que lentement. Les conventions
collectives et les contrats de travail fixent souvent les salaires pour plusieurs années. De nombreuses
entreprises évitent de modifier trop souvent leurs prix comme par exemple les éditeurs des journaux
qui généralement changent leurs prix tous les trois ou quatre ans. Ainsi alors que les modèles
d’équilibre du marché font l’hypothèse que tous les prix et salaires sont flexibles, dans le monde réel,
de nombreux prix et salaires peuvent être rigides. Mais cette rigidité apparente des prix et des salaires
n’invalide pas pour autant les modèles d’équilibre du marché car tout dépend de l’horizon temporel
considéré. Si à court terme les prix et les salaires peuvent être rigides, cette rigidité n’est pas éternelle ;
au bout d’un certain temps, les prix et salaires doivent s’ajuster à l’offre et à la demande.

La plupart des macroéconomistes considèrent aujourd’hui que dans un horizon de long terme les
modèles d’équilibres décrivent le mieux l’économie. En revanche, dans le court terme l’hypothèse de
rigidité des prix qui est plus réaliste doit conduire à étudier des modèles d’économie en déséquilibre.
Loin d’être anodine, cette distinction entre modèles d’économies en équilibres et modèles
d’économie en déséquilibres à de nombreuses implications notamment en termes de
recommandations de politiques économiques. Cette distinction structure d’ailleurs deux grandes
approches de la macroéconomie que l’on se propose de présenter en détail dans la suite :

37
● L’approche « classique » (ou encore « néoclassique »), qui fait confiance aux mécanismes de
prix pour réaliser rapidement l'équilibre sur tous les marchés ;

● L'approche « keynésienne », qui examine les situations où les prix ne peuvent pas jouer ce
rôle équilibrant automatique

Cette partie sur l’équilibre macroéconomique est ainsi structurée autour deux chapitres. Le chapitre
1 intitulée « Équilibre macroéconomique de long terme » présente le modèle classique construit
autour de l’hypothèse de flexibilité des « prix ». En d’autres termes, à quelques exceptions près, ce
modèle faisant l’hypothèse qu’un marché s’équilibre toujours, il n’y a guère de place pour la politique
macroéconomique. Le chapitre 2, dont le titre est « Equilibre macroéconomique de court terme étudie
le comportement de l’économie lorsque les prix sont rigides. Elle introduit un modèle d’économie en
déséquilibre conçu pour analyser des problèmes de court terme tels que les raisons des fluctuations
économiques et l’impact des politiques publiques sur celles-ci.

38
Chapitre 1. L’équilibre macroéconomique de long terme
(Approche « classique ou « néoclassique »)

L'approche classique ou néoclassique part donc d'une hypothèse centrale : les prix sont parfaitement
flexibles et assurent un équilibre automatique et instantané de l'offre et de la demande sur tous les
marchés. Dans le langage moderne, les économistes qualifient indifféremment de « classiques » ou «
néoclassiques » les modèles faisant ainsi confiance au mécanisme des prix. De la même manière,
nous regroupons ici sous l'une ou l'autre de ces deux appellations quatre écoles :

● L’école classique, développée du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle par des auteurs
souvent considérés comme les « pères fondateurs » de l'économie politique moderne (A.
Smith, D. Ricardo, J.-B. Say, T. R. Malthus, J. Stuart Mill);

● L’école néoclassique, qui, de la fin du XIXe au milieu du XXe, reprend les grands principes
libéraux de la plupart des classiques et certains de leurs instruments d'analyse, mais unifie
l'analyse économique comme une science (pour une bonne part mathématique) des choix
individuels et de la coordination de ces choix par les marchés (citons L. Walras, C. Menger,
V. Pareto, A. Marshall, A. C. Pigou, J. Schumpeter, M. Allais, K. J. Arrow, G. Debreu);

● Les monétaristes, qui s'appliquent à démontrer la validité à long terme de la théorie classique
de la monnaie, la supériorité des politiques monétaires sur les politiques budgétaires et les
effets pervers de l'instabilité monétaire (F. von Hayek, M. Friedman);

● Les nouveaux classiques, qui, dans les années 1970, introduisent l'hypothèse des anticipations
rationnelles et pensent démontrer l'inefficacité totale des politiques économiques (citons R.
Barro, R. Lucas, T. Sargent).

Au niveau de l’approche classique ou néoclassique l’essentiel du débat se mène du côté de l’offre


globale. On parle de logique de l'offre. En effet, comme les mécanismes de prix assurent
instantanément l'équilibre sur tous les marchés, les agents n'ont pas d'incertitude réelle quant à la
réalisation de leurs plans. Ainsi, les entreprises n'ont pas à se préoccuper vraiment des débouchés
éventuels pour leur production puisqu'elles sont assurées d'écouler sur le marché n'importe quelle
quantité de biens et services grâce aux mécanismes d'équilibre automatiques.

39
Dans ce contexte, la demande globale ne joue pas un rôle déterminant dans l'économie nationale. La
préoccupation des producteurs est l'efficience productive : il s'agit de produire en utilisant au
maximum et au mieux tous les facteurs de production disponibles ; on peut ensuite faire confiance
aux lois du marché pour assurer un débouché à cette production.

Les mécanismes d'équilibre fonctionnant aussi bien sur les marchés de facteurs que sur les marchés
de biens et services, on est assuré du plein-emploi des facteurs. Là encore, ce n'est pas la demande de
capital ou de travail qui est déterminante mais l'offre de facteurs. Tous les facteurs offerts par les
agents ont un emploi, sinon leur prix baisse jusqu'à ce qu'ils soient pleinement employés. Le point de
départ logique de l'analyse est donc l'offre de facteurs, et, à un moment donné, uniquement l'offre de
travail, le stock de capital étant invariable à court terme.

On commencera donc par analyser l'équilibre sur le marché du travail (section 1) qui détermine
l'emploi. Le volume de travail détermine ensuite le volume de la production et l'on étudie les
mécanismes par lesquels la demande va s'adapter automatiquement à l'offre sur le marché des biens
et services (section 2). Comme nous le verrons, on peut ainsi décrire l'équilibre « réel » de l'économie
nationale (travail, investissement, emploi, production...) sans tenir compte de sa nature monétaire. La
monnaie n'a pas d'influence réelle sur l'économie. Il est nécessaire toutefois de l'introduire dans un
troisième temps pour déterminer le niveau des prix (section 3).

1. L’équilibre sur le marché du travail

A. Le fonctionnement du marché du travail

a) LES HYPOTHÈSES

Le marché du travail est supposé en situation de concurrence parfaite. Cela implique notamment que
le travail est un facteur de production parfaitement homogène, c'est-à-dire que les employeurs
considèrent les différents individus offrant leur travail comme strictement identiques en ce qui
concerne les qualifications et la productivité. Si l'on tient compte de l'existence de différentes qualités
de travail, l'hypothèse d'homogénéité signifie qu'il existe un marché du travail indépendant pour
chaque type et chaque niveau de qualification. Sur un marché du travail donné, les entreprises sont
donc indifférentes à la personnalité des travailleurs embauchés; elles ne considèrent dans leur calcul
économique que la quantité de travail et le prix du travail.

La concurrence suppose également un grand nombre d'employeurs et d'employés (atomicité), libres


d'entrer et de sortir du marché, négociant librement et de façon individuelle les contrats de travail.
La conséquence majeure de cette concurrence est qu'aucun employeur et aucun travailleur n'a
suffisamment de poids sur le marché pour influencer le prix du travail (le salaire). Le salaire est
40
déterminé par l'équilibre entre l'offre et la demande de travail et s'impose à tous; il est parfaitement
flexible.

L'information est parfaite. À chaque instant, tous les employeurs et tous les travailleurs connaissent
toutes les offres et les demandes de travail pour chaque type d'emploi. En conséquence, tout
mouvement dans l'offre ou la demande entraîne une renégociation immédiate des contrats, qui
détermine un nouveau salaire d'équilibre.

b) L'OFFRE ET LA DEMANDE DE TRAVAIL

On désigne le salaire nominal par w, le salaire réel par wr (wr = w/P, le salaire nominal divisé par un
indice de prix), le niveau général des prix par P, l'offre de travail par Lo et la demande de travail par
Ld.

Conformément aux résultats de l'analyse vue en microéconomie (Principe d’économie 1), l'offre de
travail est une fonction croissante du salaire réel [wr]. A l'équilibre, l'utilité marginale du revenu
retiré du travail doit être égale à l'utilité marginale du loisir sacrifié pour accomplir ce travail. Si le
temps de travail augmente, le loisir diminue, l'utilité marginale du loisir sacrifié augmente et doit
donc être compensée par un salaire croissant :

● Les travailleurs ne sont pas victimes d'une illusion monétaire qui les conduirait à ne
s'intéresser qu'au montant inscrit sur leur fiche de paye (le salaire nominal);

● En offrant leur temps de travail, ils sacrifient du loisir en échange d'un revenu en vue
d'acquérir des biens et des services ;

● Ils s'intéressent à la quantité de biens et services que le salaire nominal leur permet d'acheter;

● Cette quantité est égale au salaire nominal divisé par le prix moyen des biens et services, c'est-
à-dire au salaire réel : wr = w/P.

● Plus wr est élevé, plus les travailleurs sont disposés à sacrifier leur temps de loisir pour le
consacrer au travail.

De même, nous savons (cf. Principe d’économie 1) que la demande de travail par les employeurs (Ld)
est une fonction décroissante du salaire réel. En effet, à l'équilibre, les entreprises rationnelles
utilisent une quantité de travail telle que le coût réel du travail (wr) soit égal à sa productivité
marginale physique (PmL). La courbe de demande de travail est donc confondue avec la courbe de
productivité marginale, qui est décroissante (loi des rendements décroissants).

41
c) LA FLEXIBILITÉ DES SALAIRES

La concurrence entre les employeurs pour attirer les salariés, d'une part, et la concurrence entre les
travailleurs pour obtenir les emplois, d'autre part, garantissent une flexibilité parfaite des salaires
réels. Sur la figure 1, si la demande de travail diminue de Ld1 à Ld2, le salaire d'équilibre diminue de
wr, à wr2.

En effet, au taux de salaire initial, la demande (L3) est nettement inférieure à l'offre de travail (L,).
Pour rétablir l'équilibre, il faut réduire l'offre et augmenter la demande. Cela est réalisé concrètement
par la concurrence entre les travailleurs pour obtenir les emplois disponibles, qui les conduit à
accepter des salaires plus faibles; au fur et à mesure que les salaires régressent, l'offre de travail
diminue et la demande se trouve stimulée; le processus continue tant qu'il existe une offre
excédentaire de travail. Si l'information est parfaite, c'est-à-dire si tous les intervenants sur le marché
connaissent simultanément et instantanément la nouvelle situation du marché, on peut renégocier
aussitôt tous les contrats, comme on le ferait en Bourse pour un titre dont la demande diminue. S'il
n'existe aucun obstacle à cette renégociation et aucun coût de négociation, on peut considérer les
salaires comme parfaitement flexibles, et le retour à l'équilibre est instantané.

Sur la figure1 on vérifie bien qu'une augmentation de l'offre de travail abaisse le salaire réel et qu'une
augmentation de la demande de travail ou une diminution de l'offre élève le salaire réel (noter que
lorsqu'on parle d'une variation de l'offre ou de la demande, sans autre précision, il s'agit d'un
déplacement de toute la courbe et non d'un déplacement le long de la courbe d'offre ou de demande).

42
B. Interprétation néoclassique du chômage

a) CHÔMAGE VOLONTAIRE ET CHÔMAGE INVOLONTAIRE

Dans la littérature macroéconomique, on a pris l'habitude de distinguer chômage, involontaire et


chômage volontaire :

Il y a chômage involontaire quand des individus souhaitent travailler au taux de salaire courant
offert sur le marché et ne trouvent pas d'emploi, et chômage volontaire quand des individus ne
trouvent pas d'emploi parce qu'ils demandent un salaire supérieur au salaire d'équilibre du
marché.

À première vue, l'existence d'un chômage involontaire paraît difficilement compatible avec le
fonctionnement du marché du travail décrit ci-dessus. En effet, si les salaires réels sont parfaitement
flexibles, le marché du travail est toujours en équilibre, quels que soient les mouvements de l'offre et
de la demande de travail. Si l'offre est égale à la demande, cela signifie qu'au taux de salaire
actuellement payé dans les entreprises, tous les individus offrant du travail à ce taux de salaire sont
employés. Si tel n'était pas le cas, s'il se trouvait des individus inemployés et désireux de travailler au
taux de salaire courant, cette offre excédentaire entraînerait une baisse des salaires réels jusqu'à ce
que l'équilibre entre l'offre et la demande soit restauré.

Dans la théorie néoclassique élémentaire, le seul chômage envisageable est donc le chômage
volontaire des individus qui refusent de travailler au taux de salaire existant et demandent un salaire
supérieur. Cette première conclusion est cependant en contradiction trop flagrante avec la réalité, et
différents développements de la théorie macroéconomique ont permis une interprétation néoclassique
des situations où les individus ne trouvent pas d'emplois alors même qu'ils ne demandent pas un
salaire supérieur à celui qui est couramment payé par les entreprises.

b) LES SALAIRES RIGIDES ET « TROP » ÉLEVÉS : LE CHÔMAGE « CLASSIQUE »

Une première explication classique du chômage met en cause les rigidités institutionnelles qui
empêchent le fonctionnement normal du marché du travail. Les syndicats limitent la concurrence
entre les travailleurs, favorisent la négociation collective des rémunérations au détriment des
négociations individuelles, et s'opposent aux baisses de salaires. Les pouvoirs publics interviennent
par le droit du travail, qui réduit la marge de manœuvre des employeurs dans la gestion de l'emploi

43
et des salaires. Il existe souvent des réglementations imposant un salaire minimum. En un mot, il
existe des institutions qui limitent la flexibilité des salaires, particulièrement à la baisse.

Or, dans la théorie néoclassique, lorsque la demande de travail diminue, on ne peut éviter le chômage
que s'il se produit une baisse des salaires réels. Sur la figure 2, supposons qu'une récession de l'activité
des entreprises les conduise à réduire la demande de travail de Ld 1 à Ld2.

Ce mouvement devrait entraîner une baisse du salaire réel de wr1 à wr2. Si le salaire réel est rigide à
la baisse, les employeurs sont contraints de maintenir le salaire à wr, et de réduire l'emploi à L3, alors
que l'offre de travail reste inchangée en Lr

La différence L1-L3 constitue un chômage « involontaire » ; les travailleurs ne demandent pas un


salaire fantaisiste mais celui qui est effectivement payé dans les entreprises (wq), mais, à ce taux de
salaire, il n'y a pas assez d'emplois disponibles. Il ne faut pas se méprendre sur l'origine de ce
chômage. Il ne provient pas d'une insuffisance des débouchés pour les entreprises (comme nous le
verrons au chapitre suivant, il s'agirait dans ce cas d'un chômage keynésien).

Les entreprises seraient disposées à embaucher davantage de travailleurs et pourraient écouler sans
difficulté la production supplémentaire. Elles ne le font pas parce que ce n'est pas rentable:

● Avec un salaire fixé à wr1 elles préfèrent réduire l'emploi et la production (ce qui engendre
momentanément un excès de demande sur le marché des biens).

● Dans la terminologie moderne, on désigne cette situation par le terme de « chômage


classique».

44
En termes de politique économique, l'interprétation libérale de cette situation est claire :

● Des individus sont condamnés au chômage par des institutions qui empêchent les entreprises
de négocier librement les salaires et de proposer des emplois à ceux qui accepteraient d'être
rémunérés au nouveau prix d'équilibre du travail qui est désormais wr2 ;

● Une plus grande flexibilité salariale rapprocherait l'économie du plein-emploi.

c) LA THÉORIE DE LA RECHERCHE D'EMPLOI : LE CHÔMAGE « FRICTIONNEL»

En l'absence de toute rigidité salariale, le chômage peut apparaître si l'information est imparfaite sur
le marché du travail. La théorie de la recherche d'emploi part d'un constat : pour un même travail
homogène, il n'existe pas un salaire unique dans toute l'économie, mais une série de salaires dont les
individus n'ont pas instantanément et gratuitement connaissance. Si l'on pouvait rassembler en
permanence tous les offreurs et tous les demandeurs, la circulation parfaite de l'information sur les
offres et les demandes aux différents taux de salaire interdirait de pratiquer un salaire différent pour
un même travail. Mais cet effet de la concurrence ne peut pas jouer dans l'économie réelle où
l'information est imparfaite; un travailleur peut donc se voir offrir des salaires différents selon les
entreprises; de même, un employeur sera confronté à des prétentions salariales différentes selon les
candidats qu'il reçoit.

Dans ce contexte, les agents ont intérêt à consacrer un certain temps à la recherche d'information,
pour trouver le meilleur salaire ou pour trouver le meilleur employé. Même s'il existe toujours un
emploi disponible correspondant exactement aux attentes et aux qualifications des individus
cherchant un travail, il y aura un niveau de chômage incompressible correspondant au temps qui est
nécessaire aux agents pour acquérir l'information sur le marché du travail. Le chômage reflète donc
un choix individuel rationnel; il s'agit d'une activité coûteuse (perte de revenu) mais qui présente une
certaine rentabilité (trouver un meilleur emploi); la recherche individuelle s'arrête quand sa rentabilité
marginale (le gain de salaire que l'on peut espérer en cherchant une journée de plus, par exemple) est
égale à son coût marginal (le salaire perdu en refusant de travailler durant cette journée de recherche
supplémentaire).

Ce chômage incompressible est souvent qualifié de « frictionnel » : il existe en permanence des


frictions entre les offres et les demandes de travail de façon à les ajuster au mieux; cet ajustement se
produit toujours (chaque offre de travail finit par rencontrer une demande), mais il prend le temps que
les agents estiment rationnel de lui consacrer. Ce chômage frictionnel est d'autant plus important que
45
la mobilité professionnelle ou géographique des travailleurs et des entreprises est forte. Tout passage
par le marché du travail implique en effet une période de chômage correspondant au temps optimal
de recherche d'emploi. Mais il s'agit d'un chômage de plein-emploi. Tous les individus souhaitant
travailler aux taux de salaires actuellement payés dans les entreprises trouvent un emploi. De plus, le
temps passé au chômage ne constitue pas un sous-emploi de la force de travail, au contraire : compte
tenu de l'imperfection de l'information, cette recherche constitue, à un moment donné, le meilleur
emploi possible du temps, puisqu'elle permet d'orienter les individus vers de meilleurs emplois pour
eux (salaire plus élevé) et pour la collectivité (productivité plus forte).

d) LE CHÔMAGE « STRUCTUREL »

Dans l'approche néoclassique, le chômage structurel est un chômage de recherche volontaire qui
résulte d'une inadaptation momentanée entre la structure des offres et des demandes de travail.

La structure de la demande de biens et services évolue dans le temps et, de ce fait, la production de
certains secteurs décline, tandis qu'elle se développe rapidement dans d'autres secteurs. Ces mutations
du système productif modifient la structure de la demande de travail : certaines qualifications
professionnelles sont de moins en moins recherchées et d'autres sont en revanche très demandées. La
structure des offres de travail peut donc se trouver en partie inadaptée à celle des demandes. En effet,
le système d'éducation et de formation professionnelle met un certain temps à s'adapter aux nouveaux
besoins de l'économie, et la réduction de l'emploi dans les secteurs en déclin amène sur le marché du
travail des individus dont l'expérience professionnelle est de moins en moins demandée par les
entreprises.

En conséquence, il existe une offre de main-d'œuvre excédentaire pour les qualifications les moins
recherchées. Dans l'approche néoclassique, le chômage qui en résulte est un chômage volontaire. En
effet, la présence d'une offre excédentaire pour certaines qualifications signifie que leur prix
d'équilibre sur le marché du travail est plus faible. Mais, dans un premier temps, les jeunes qui arrivent
sur le marché avec une formation insuffisante ou inadaptée demandent un salaire d'entrée équivalent
à celui de leurs aînés; de même, les travailleurs provenant des secteurs en déclin demandent un salaire
équivalent à la valeur de marché passée de leur expérience.

Les individus mettent du temps à réaliser et à accepter que leur qualification s'est dévalorisée sur le
marché du travail et qu'ils ne peuvent trouver un emploi qu'en acceptant un salaire inférieur ou en
sortant momentanément du marché pour suivre une nouvelle formation. Ce chômage structurel se
trouvera bien entendu renforcé par toute réglementation ou institution qui limite la flexibilité des
salaires à la baisse. Ainsi, le salaire minimum est perçu comme un obstacle à l'emploi des jeunes
insuffisamment qualifiés.
46
e) LE TAUX DE CHÔMAGE « NATUREL »

Les différentes thèses présentées ci-dessus procèdent d'une même démarche : expliquer l'existence
du chômage dans le cadre d'une économie où les marchés fonctionnent correctement. Le chômage
n'apparaît pas comme le résultat d'un dysfonctionnement du marché du travail. Au contraire, il
constitue le mécanisme d'ajustement par lequel des agents rationnels s'adaptent efficacement à
l'imperfection de l'information et aux contraintes institutionnelles. Les monétaristes ont assez bien
résumé cette vision du chômage à travers le concept de « taux de chômage naturel ».

Le taux de chômage naturel est le taux de chômage correspondant au fonctionnement normal et


efficace du marché du travail, compte tenu de l'imperfection de l'information et des contraintes
institutionnelles.

Le chômage naturel comprend donc le chômage frictionnel (ou de recherche), le chômage structurel
(qui n'est qu'une variante du précédent) et le chômage classique. Il est très largement volontaire; seule
une partie du chômage classique est involontaire : celle qui provient d'institutions empêchant les
employeurs d'offrir des emplois aux individus qui accepteraient un salaire réel inférieur au salaire
courant. La partie involontaire du chômage est donc réductible par une remise en cause des
institutions qui rigidifient les salaires à la baisse. Cela constitue la seule voie offerte à la politique
économique; une fois éliminé le chômage classique, le chômage naturel est incompressible; il s'agit
alors du chômage correspondant à l'équilibre entre l'offre et la demande de travail et nécessaire à la
réalisation de cet équilibre.

La conclusion essentielle de l'approche néoclassique reste donc : une économie où les salaires réels
sont parfaitement flexibles est toujours au plein-emploi, le chômage qui subsiste dans cette économie
est un chômage volontaire et efficace, un « chômage de plein-emploi ».

2. L’équilibre sur le marché des biens et services

A. L'offre globale de biens et services

a) LE PRODUIT INTÉRIEUR DE PLEIN-EMPLOI

Comme nous venons de le montrer, la flexibilité des salaires garantit le plein- emploi du travail. En
généralisant la démarche classique, on peut dire que l'ensemble des facteurs de production (y compris
donc le capital) sont toujours pleinement employés. Si tel n'était pas le cas, le prix des facteurs offerts
sur le marché mais non encore utilisés s'abaisserait rapidement pour rétablir l'équilibre entre l'offre et
la demande de facteurs.

47
Le volume des facteurs disponibles détermine donc la production de la nation. En courte période,
quand un seul facteur est variable (par exemple, le travail), le volume de production dépend
uniquement de la quantité disponible de ce facteur.

Sur la figure 3, nous représentons la fonction de production de courte période :

● Y (le PIB, ou revenu réel) est une fonction croissante de L (le volume de l'emploi).

● Y croît de moins en moins vite en raison de la loi des rendements décroissants (cf. Principe
d’économie 1) selon laquelle la productivité marginale d'un facteur est nécessairement
décroissante, toutes choses étant égales par ailleurs. Cette fonction de production est
construite pour une quantité de capital et pour une technologie donnée.

● Une augmentation du stock de capital ou une amélioration des techniques de production


déplacent la fonction de production vers le haut.

Le revenu d'équilibre déterminé par la fonction de production est forcément Ype, le revenu qui
correspond au plein-emploi, puisque, en raison des hypothèses sur le fonctionnement du marché du
travail, la quantité de travail utilisée correspond nécessairement au plein-emploi (Lpe ).

b) LA COURBE D'OFFRE GLOBALE (de long terme)

Pour étudier l'équilibre entre l'offre et la demande globales, il est utile de représenter les conséquences
de l'approche classique en termes de courbe d'offre. La courbe d'offre globale indique la relation entre
le produit intérieur réel (Y) et le niveau général des prix (P). Il importe de ne pas la confondre avec
les courbes d'offre des entreprises ou des branches particulières examinées dans l'analyse
microéconomique. Nous avons vu que ces dernières sont normalement croissantes en courte période
et le plus souvent croissantes en longue période; mais elles décrivent la relation entre l'offre d'un bien

48
particulier et son prix quand tous les autres prix sont supposés constants, et non la relation entre le
produit intérieur total de la nation et le niveau moyen de tous les prix.

● Que se passe-t-il si le niveau général des prix augmente?

● Les entreprises ne seront-elles pas incitées à augmenter leur production?

Si les marchés de facteurs sont efficients et garantissent le plein-emploi des facteurs, la production
globale ne peut plus augmenter à court terme, faute de facteurs disponibles, quelles que soient par
ailleurs les incitations des entreprises. L'offre globale (O) est donc indépendante du niveau général
des prix; elle ne dépend que de la quantité des facteurs offerts et qui sont, par hypothèse, totalement
employés. La courbe d'offre globale peut donc être représentée par une droite verticale au niveau de
Ype (cf. figure 4).

B. L'équilibre entre l'offre et la demande

Les entreprises choisiront donc nécessairement une production qui utilise totalement et au mieux
l'ensemble des facteurs de production disponibles. La question qui se pose alors est de savoir si la
demande sera suffisante pour assurer un débouché à l'ensemble des biens et services ainsi produits.

a) LA LOI DES DÉBOUCHÉS DE J.-B. SAY

En 1803, Jean-Baptiste Say (1767-1832) énonce la loi des débouchés pour montrer l'impossibilité
d'un déséquilibre entre l'offre et la demande globales. On peut résumer ainsi cette loi :

La valeur des biens et services offerts se transforme en un revenu qui est intégralement dépensé
pour l'achat de biens et services; en conséquence, dans l'économie prise dans son ensemble, la
demande globale est nécessairement égale à l'offre globale.

49
J.-B. Say observe que les individus n'offrent des biens et services qu'en vue d'acquérir le pouvoir
d'achat nécessaire à l'acquisition d'autres biens et services (il s'agit ici de tous les biens et services, y
compris, donc, les facteurs de production). En fait, « les produits s'échangent contre les produits ».
Les échanges monétaires ne sont que des opérations intermédiaires facilitant les transactions, mais
sans incidence réelle sur le fonctionnement de l'économie. « La monnaie n'est qu'un voile », énonce
ainsi J.-B. Say; elle n'est pas un bien désiré pour lui-même, mais un simple intermédiaire dans les
échanges; personne ne détient sous forme d'encaisses inutilisées une partie du revenu acquis par la
vente de biens et services; tout le revenu est donc bien employé pour demander des biens et services;
la demande globale est donc équivalente à l'offre globale.

Par conséquent, tous les biens offerts dans l'économie ont un débouché ; une surproduction
généralisée est inconcevable. Seuls peuvent exister des déséquilibres sectoriels entre l'offre et la
demande sur un marché particulier, mais J.-B. Say fait confiance aux ajustements des prix pour
rétablir rapidement l'équilibre sur les différents marchés.

Le produit intérieur de plein-emploi (Ype) est donc assuré de trouver un débouché sur le marché des
biens et services, à la condition toutefois que tout le revenu soit dépensé.

● Que se passe-t-il si les agents constituent une épargne et qu'en conséquence une partie
du revenu n'est pas dépensé?

Cela ne constitue pas une fuite susceptible d'entraîner une dépense globale inférieure à l'offre globale,
parce que la partie du revenu qui n'est pas consacrée à la consommation est utilisée pour financer
l'investissement. La loi des débouchés suppose donc un mécanisme d'équilibre automatique entre
l'épargne et l'investissement. Cela nous conduit à préciser la vision néoclassique de la fonction
d'épargne et de la fonction d'investissement.

b) LA FONCTION D'ÉPARGNE (S)

Les individus n'épargnent pas pour le plaisir de détenir des liquidités oisives; ils n'ont pas de
préférence pour la liquidité ; ils épargnent pour effectuer des placements rémunérés par un taux
d'intérêt, qui augmentent leur richesse future. Les agents n'étant pas victime d'une illusion monétaire,
ils ne s'intéressent bien entendu qu'au pouvoir d'achat que représente le taux d'intérêt. Ils tiennent
donc compte du taux d'intérêt réel, c'est-à-dire du taux d'intérêt nominal (le taux affiché sur les
marchés financiers) éventuellement corrigé pour éliminer la dépréciation de la monnaie liée à
l'inflation.

L'épargne (S) est donc une fonction croissante du taux d'intérêt réel (i) :

S = S (i), avec S’(i) > 0 ...(1)


50
Remarque mathématique :

Rappelons que S’(i) est la dérivée de S par rapport à i et qu'elle indique la variation de l'épargne à la
marge, pour une variation infinitésimale (tendant vers zéro) de i. Par la suite, nous continuerons
d'utiliser la présentation f’(x) pour désigner la dérivée d'une variable expliquée f par rapport à une
variable explicative x; f’(x) > 0 indiquera une fonction croissante, et f' (x) < 0, une fonction
décroissante.

L'épargne ne réduit donc pas la dépense globale puisqu'elle est utilisée pour financer l'investissement.
Mais rien ne garantit qu'à chaque instant le montant de l'épargne décidé par les agents économiques
corresponde précisément aux besoins des investisseurs pour la constitution du capital. Les décisions
d'épargne et d'investissement sont en effet prises par des agents différents sans aucune coordination
préalable. Le problème n'est qu'apparent, parce que l'investissement, comme l'épargne, dépend du
taux d'intérêt, et tout déséquilibre ex ante entre l'épargne et l'investissement est corrigé instantanément
grâce aux fluctuations du taux d'intérêt.

c) LA FONCTION D’INVESTISSEMENT

Nous avons vu dans l'analyse microéconomique (Principe d’économie 1) que les producteurs
confrontés à un marché des facteurs de production parfaitement concurrentiel utilisent un facteur
jusqu'au moment où sa productivité marginale physique (la valeur réelle de la production
supplémentaire) est égale à son prix réel. Cela vaut autant pour la demande de travail que pour la
demande de capital. La demande de capital (de biens d'investissement) est donc telle que la
productivité marginale physique du capital (PmK) est égale au prix réel du capital (Pk / P, où Pk est
le prix nominal du capital et P, un indice du niveau général des prix). Comme pour la demande de
travail, on en déduit que la demande de capital est une fonction décroissante du prix réel du capital.

Il reste à préciser ce qu'est le prix réel du capital. On le mesure dans l'analyse macroéconomique par
le taux d'intérêt réel. En effet, un producteur qui ne dispose pas des fonds nécessaires à l'achat de
capital doit les emprunter et payer un intérêt. Pour déterminer le volume de son investissement, il
compare donc le coût d'emprunt d'un franc supplémentaire (le taux d'intérêt) à la productivité du
franc supplémentaire Investi. Si le producteur autofinance son investissement à l'aide des profits, le
taux d'intérêt mesure toujours le coût du capital. En effet, au lieu d'investir ses profits dans des biens
d'investissement, le producteur peut les placer, sur les marchés financiers. Pour chaque franc investi
dans la production, il perd le taux d'intérêt qu'il pourrait percevoir dans un placement financier.

Dans les deux cas (financement par emprunt ou autofinancement), le producteur développe son
capital tant que la productivité marginale du franc investi dans la production est supérieure au taux

51
d'intérêt réel couramment versé pour un franc placé sur les marchés financiers. Partant d'une position
d'équilibre, si le taux d'intérêt réel s'élève, toutes choses étant égales par ailleurs, le coût du capital
devient supérieur à sa productivité marginale et il est rationnel de réduire la demande de capital.

L'investissement (I) est donc une fonction décroissante (ou encore varie en fonction inverse) du
taux d'intérêt réel (i) :

I = I(i), avec I'(i) < 0 ... (2)

d) L'EQUILIBRE EPARGNE = INVESTISSEMENT

Sur la figure 5, nous représentons l'épargne comme une fonction croissante, et l'investissement
comme une fonction décroissante de i. Il existe un taux d'intérêt réel i* tel que I = S.

Bien entendu, les investisseurs et les épargnants ne se rencontrent pas sur un marché pour échanger
de l'épargne contre des biens d'équipement. Il se rencontrent indirectement sur les marchés financiers,
le plus souvent avec le concours des intermédiaires financiers qui gèrent l'épargne des agents non
financiers. Pour comprendre la signification concrète de la figure 5, il suffit de réaliser que l'épargne
est une offre de fonds prêtables (de la part des agents qui disposent de capacités de financement),
tandis que l'investissement correspond à une demande de fonds prêtables (de la part des agents qui
ont des besoins de financements).

52
● Quand i = i1, l'offre de fonds de la part des épargnants est trop abondante par rapport aux
besoins des investisseurs, les épargnants ont du mal à trouver preneur pour leurs fonds sur les
marchés financiers ; ils doivent accepter une rémunération plus faible et le taux d'intérêt baisse
jusqu'en i*

● Inversement, si les besoins des investisseurs sont trop importants par rapport à l'épargne
disponible dans l'économie (quand i = i2), les investisseurs devront accepter de payer un taux
d'intérêt plus élevé pour trouver les fonds nécessaires; le taux d'intérêt monte jusqu'à i*.

Dans l'approche néoclassique, les marchés financiers sont, comme tous les autres, des marchés
parfaitement concurrentiels; les taux d'intérêt sont donc parfaitement flexibles. Si, d'aventure, les
plans d'investissement des différents agents économiques n'étaient pas compatibles ex ante avec leurs
plans d'épargne, l'équilibre épargne-investissement serait instantanément rétabli sur les marchés
financiers par un mouvement des taux d'intérêt.

On peut donc considérer qu'à tout moment, I(i) = S(i). L'épargne n'est pas une fuite dans le circuit
économique, elle n'est qu'une dépense en biens d'investissement. La loi des débouchés est vérifiée.
Le produit intérieur qui assure le plein-emploi (Ype) est toujours confronté à une demande suffisante
pour utiliser la totalité de la production. Le marché du travail et le marché des biens et services sont
simultanément en équilibre, et il n'y a pas de chômage autre que le chômage naturel de plein-emploi.

3. L’équilibre monétaire

Jusqu'ici, nous avons représenté l'équilibre réel des marchés de biens et de facteurs sans introduire la
monnaie, qui constitue pourtant une caractéristique majeure d'une économie de marché. Nous avons
déterminé le niveau d'équilibre de la plupart des grandes variables macroéconomiques (production,
emploi, etc.) avec cependant une exception de taille : le niveau général des prix (P). L'étude de
l'équilibre monétaire permet à la fois d'augmenter le réalisme du modèle et de déterminer P.

A. La demande et l'offre de monnaie

a) LES FONCTIONS DE LA MONNAIE

La monnaie, au sens strict, est constituée de l'ensemble des moyens de paiement immédiatement
utilisables pour effectuer des règlements et acceptés par tous dans une communauté donnée.

On reconnaît habituellement trois fonctions à la monnaie : elle constitue un étalon de mesure de tous
les biens; elle est un intermédiaire dans les échanges qui évite les limites du troc; elle est une réserve
de valeur.

b) LA DEMANDE DE MONNAIE DE TRANSACTION


53
La première fonction de la monnaie (étalon) peut être remplie par n'importe quel bien et ne nécessite
pas une détention de monnaie; elle ne constitue donc pas un motif de demande de monnaie. La
monnaie est détenue pour les services qu'elle rend soit comme instrument d'échange, soit comme
instrument de réserve. Seul le premier de ces motifs est véritablement retenu dans l'approche
néoclassique élémentaire.

En effet, dans un univers d'information parfaite et sans incertitude, les agents n'ont pas de préférence
pour la liquidité ; ils considèrent que la détention de biens matériels ou de titres n'est pas plus risquée
que la détention de monnaie; la monnaie ayant un taux de rémunération le plus souvent nul (voire
négatif en cas d'inflation qui déprécie le pouvoir d'achat des encaisses), les agents rationnels préfèrent
toujours utiliser les encaisses qui ne sont pas nécessaires aux échanges à des placements financiers
rémunérés.

Le seul motif de demande de monnaie est donc le financement efficace des transactions. De façon à
pouvoir effectuer des échanges commodément, sans avoir à convertir au préalable des biens ou des
titres en Monnaie, les agents détiennent une encaisse monétaire qui dépend donc directement de
l'importance des échanges. Plus la valeur des biens et services en circulation dans l'économie est
importante, plus la quantité de moyens de paiement nécessaire pour effectuer les transactions est
importante.

Dans l’approche néoclassique élémentaire la demande de monnaie est supposée peu sensible, voire
complètement inélastique, au taux d'intérêt. Les agents maintiennent toujours leurs encaisses non
rémunérées au niveau minimum qui est nécessaire au financement des transactions; ils ne peuvent
donc pas réduire ces encaisses, même si les taux d'intérêt s'élèvent, tant que le volume des échanges
n'est pas modifié; par ailleurs, si le volume des échanges ne se développe pas, ils n'ont aucun besoin
d'une encaisse non rémunérée supplémentaire, même si les taux d'intérêt diminuent.

Ainsi, le taux d'intérêt ne détermine que l'arbitrage entre l'épargne et la consommation, n'agissant pas
(ou peu) sur l'arbitrage entre détention de monnaie et placements financiers. La monnaie n'étant
détenue que pour assurer de façon efficace les échanges, la quantité qui est nécessaire pour assurer
cette fonction ne dépend que des habitudes et des techniques de paiement.

c) L'OFFRE DE MONNAIE

La monnaie est offerte par les banques. Cette offre dépend de la politique monétaire de la banque
centrale. Dans les modèles simples de l'analyse macroéconomique on admet généralement pour
hypothèse que l'offre de monnaie est parfaitement contrôlée par les autorités monétaires ou le
gouvernement. On dit que l'offre de monnaie (Mo) est exogène :

54
B. L'équilibre monétaire

L'équilibre monétaire suppose simplement que Mo soit égale à Md.

On peut noter que cette relation d'équilibre entre l'offre et la demande de monnaie ne constitue pas à
proprement parler une théorie. Tant que l'on ne fait pas d'hypothèses sur l'évolution des différentes
variables et les liens de causalité qui existent entre elles, l'équation n'est qu'une tautologie comptable
qui dit ceci : la valeur totale des échanges effectués dans l'année est égale au nombre d'unités
monétaires utilisées dans les échanges multipliés par le nombre de fois où chaque unité monétaire a
été en moyenne utilisée dans l'année

a) L'EFFET D'ENCAISSE RÉELLE (OU « EFFET PIGOU »)

Par quel mécanisme concret les variations de la quantité de monnaie sont- elles reflétées dans le
niveau général des prix ? Par ce que l'on appelle l'effet d'encaisse réelle (initialement énoncé par
Arthur Cecil Pigou).

L'effet d'encaisse réelle est la variation des dépenses monétaires décidée par les détenteurs de
monnaie en vue de ramener au niveau désiré la valeur réelle de leurs encaisses monétaires après
qu'elles ont été modifiées par un choc quelconque.

Admettons que les pouvoirs publics décident d'accroître l'offre de monnaie, dans l'espoir, par
exemple, de stimuler l'activité. La quantité de monnaie en circulation augmente; pour un niveau
général des prix inchangé, le pouvoir d'achat monétaire mis en circulation augmente. Partant d'une
situation d'équilibre où les agents détenaient des encaisses réelles qu'ils jugeaient satisfaisantes pour
assurer les transactions, ils se retrouvent avec des encaisses réelles excédentaires qu'ils vont dépenser
sur les marchés. Ces dépenses vont augmenter la demande. Mais l'offre de biens et services ne peut
augmenter, puisqu'on est en permanence au plein-emploi des facteurs de production; en conséquence,
les pressions sur la demande font monter les prix. La hausse des prix réduit la valeur réelle des
encaisses détenues par les agents. Le mouvement se poursuit jusqu'au moment où les encaisses réelles
ont retrouvé leur niveau initial.

Inversement, on peut se trouver dans une situation de pénurie d'encaisses, à la suite d'une politique
de freinage de la création monétaire. Dans ce cas, les encaisses réelles sont jugées insuffisantes par
les agents, qui vont chercher à les reconstituer en réduisant leurs dépenses; la réduction des dépenses
provoquera une baisse du niveau général des prix (sur des marché parfaitement concurrentiels); la
baisse des prix se poursuit jusqu'au moment où l'on peut à nouveau financer un même volume
d'échanges avec moins de monnaie en circulation et où les encaisses réelles ont retrouvé leur niveau

55
initial. Là encore, la monnaie est neutre, le volume d'activité et l'emploi n'ont pas varié, seul
l'ensemble des valeurs monétaires a baissé.

4. Résumé de l’approche néoclassique

a) L'ENCHAÎNEMENT DES ÉQUILIBRES

Les marchés de facteurs étant parfaitement concurrentiels et les prix des facteurs parfaitement
flexibles, le produit national (ou revenu national) est toujours à un niveau qui tire le meilleur parti de
tout le travail et le capital disponibles ; il n'y a pas de chômage en dehors du chômage de recherche
volontaire ou du chômage lié à des rigidités institutionnelles qui bloquent la libre négociation des
salaires; il n'y a pas de capacités de production inutilisées; le PIB effectif est égal au PIB potentiel.

La totalité du PIB est écoulée sans difficulté sur les différents marchés. Il n'y a jamais d'insuffisance
de la demande. En effet, toute la production est transformée en revenu; tout le revenu est utilisé en
dépenses de consommation ou en épargne; toute l'épargne est orientée vers le financement des
dépenses d'investissement grâce aux fluctuations des taux d'intérêt. Les éventuels déséquilibres ex
ante entre la structure de la demande et la structure de l'offre sont corrigés immédiatement par des
fluctuations des prix relatifs des différents biens et services.

La détention de monnaie permet un développement optimal des échanges, mais ne constitue pas une
fuite susceptible de soustraire une partie du revenu à la dépense. Les agents n'ont en effet aucune
raison de détenir de la monnaie en dehors du motif de transaction; leur demande de monnaie pour ce
motif est très stable; ils maintiennent la valeur réelle de leurs encaisses dans une proportion stable par
rapport au volume réel des échanges; toute variation inattendue de la quantité de monnaie en
circulation conduit les agents à ajuster la valeur de leurs dépenses de façon à rétablir le niveau désiré
des encaisses réelles; l'économie étant en permanence au plein-emploi, l'offre globale des biens et
services ne peut varier; en conséquence, les mouvements de la demande induits par les variations de
la quantité de monnaie se reflètent entièrement dans le niveau général des prix. La monnaie n'a donc
pas d'effet réel sur l'économie; elle détermine seulement le niveau général des prix et n'agit ni sur les
prix relatifs des biens ou des facteurs, ni sur l'emploi, ni sur la production.

b) IMPLICATIONS DE POLITIQUES ÉCONOMIQUES

Dans ce contexte, il n'y a guère de place pour la politique macroéconomique. Les seules interventions
nécessaires sont celles qui garantissent un fonctionnement concurrentiel des marchés et limitent les

56
rigidités institutionnelles qui pèsent éventuellement sur les fluctuations des prix et salaires. Il n'est
même pas évident qu'une intervention publique soit nécessaire si les marchés mettent quelque temps
à s'ajuster après un choc. En effet, comme l'a notamment suggéré Hayek, dans un contexte
d'information imparfaite qui explique la lenteur d'ajustement d'un marché à de nouvelles conditions,
la libre négociation et le libre « tâtonnement » du marché restent le meilleur moyen de révéler et de
brasser les informations nécessaires au retour vers l'équilibre; dans cette optique, toute intervention
publique pour « corriger » le marché risque de retarder l'ajustement en freinant ce processus
irremplaçable de circulation de l'information.

c) MÉTHODOLOGIE (Synthèse de l’approche)

Les principales caractéristiques méthodologiques de l'approche développée dans ce chapitre sont les
suivantes :

● L’analyse s’appuie sur des fondements microéconomiques. Plus précisément, le souci


théorique est de développer une explication du fonctionnement de l'économie nationale qui
dérive du postulat de rationalité des comportements individuels, ou qui, du moins, soit
compatible avec ce postulat. Si les problèmes, à l'échelle nationale, sont toujours
macroéconomiques, la théorie, elle, doit avoir des fondements microéconomiques.

● L'analyse est statique et non dynamique. Ainsi, quand on examine l'évolution d'un marché
après un changement quelconque (exemple : une variation de la demande), on n'étudie pas
précisément les processus concrets par lesquels le marché va passer d'une position d'équilibre
à une autre; on se contente de décrire le nouvel équilibre. Ce qui se passe entre deux points
d'équilibre et le temps que cela prend ne constituent pas un sujet d'analyse très important
quand on part du postulat que tout marché est automatiquement et instantanément équilibré
grâce à la parfaite flexibilité des prix.

● L'analyse se situe dans le long terme. Il s'agit là d'un corollaire de la caractéristique


précédente. Le long terme peut être considéré comme une période suffisamment longue pour
que tous les ajustements nécessaires à l'équilibre des marchés aient eu le temps de s'opérer.
Puisqu'on raisonne ici en postulant un équilibre instantané de tous les marchés, l'analyse
s'intéresse, par définition, au long terme. En fait, cela revient à ne pas réellement prendre en
compte le rôle du temps dans les processus économiques. Cette démarche est raisonnable si
le temps nécessaire au passage d'un point d'équilibre à un autre est relativement court, ou
encore si le court terme est vraiment court; dans ce cas, en effet, ce qui importe, c'est le résultat
final du processus d'ajustement, ce vers quoi, très rapidement, l'économie va tendre.

57
Chapitre 2. L’équilibre macroéconomique de court terme

(Approche « keynésienne »)
En 1936, John Maynard Keynes (1883-1946) publie la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et
de la monnaie. Les travaux de Keynes sont assurément à l'origine de l'essentiel des développements
de l'analyse macroéconomique moderne, que ce soit grâce à des prolongements proposés par les
keynésiens, ou grâce aux vives critiques qu'ils ont suscitées chez les économistes d'inspiration
néoclassique.

Certaines interprétations de la théorie de Keynes ont mis en avant son approche macroéconomique
et le rôle du budget de l'État dans la régulation de la conjoncture; ces aspects importants ne constituent
pas cependant son apport le plus original. En fait, l'approche macroéconomique domine toute la
pensée économique classique jusqu'à la révolution marginaliste de la fin du xixe siècle. Par ailleurs,
comme Keynes le signale lui-même, les mercantilistes du xvme siècle ont déjà analysé l'effet
stimulant des dépenses de l'État sur l'activité économique.

Le véritable changement de méthode est donc ailleurs. Comme l'ont notamment montré R. W. Clower
(en 1965) et A. Leijonhufvud (en 1970), la véritable critique de Keynes à l'égard de l'économie
politique classique et néoclassique se situe sur le plan des fondements microéconomiques de l'analyse
macroéconomique : dans un univers d'information imparfaite, on ne peut pas faire confiance aux
mécanismes de prix pour rétablir rapidement l'équilibre sur tous les marchés, comme le prétend la
théorie de l'équilibre général. Que se passe-t-il dans l'économie si les ajustements ne se font pas par
les prix (salaires, prix des biens, taux d'intérêt), mais par les quantités (production, emploi, chômage)?

Tout comme au chapitre 1, nous ne nous préoccuperons pas ici d'histoire de la pensée économique et
ne chercherons pas à distinguer keynésiens, néokeynésiens ou post-keynésiens. Nous classerons sous
le label « approche keynésienne » toute analyse qui part de la question posée au paragraphe
précédent : que se passe-t-il dans l'économie si les ajustements ne se font pas par les prix (salaires,
prix des biens, taux d'intérêt), mais par les quantités (production, emploi, chômage) ?

Nous verrons qu’au niveau de l’approche keynésienne l’essentiel du débat se mène du côté de la
demande globale. On parle de logique de la demande

L'approche keynésienne inverse surtout le postulat de départ de l'analyse néoclassique. Les prix ne
sont plus parfaitement flexibles, mais rigides à court terme. En effet, la plupart des marchés de biens
et services ne peuvent pas fonctionner comme une Bourse où sont rassemblées toutes les offres et
toutes les demandes autour d'un « commissaire-priseur » qui assure la fixation quasi instantanée des

58
prix d'équilibre. À court terme donc, les agents sont obligés de raisonner à prix fixés et opèrent tout
ajustement nécessaire en agissant sur les quantités (consommation, investissement, production,
emploi...).

Dès l'instant où les agents ne peuvent plus compter sur la flexibilité parfaite des prix pour équilibrer
instantanément tous les marchés, il existe une incertitude réelle quant à la réalisation de leurs plans.
Les entreprises ne sont pas assurées d'écouler n'importe quelle quantité de biens et services; en cas de
surproduction, la baisse des prix et des taux d'intérêt n'éliminera pas aussitôt les stocks invendus ;
leurs débouchés effectifs dépendent de la demande des autres agents. Or la demande des autres agents
dépend aussi de la réalisation de leurs propres plans. Les ménages, par exemple, prévoient un certain
niveau de consommation dans le cas où ils parviennent à louer leur force de travail comme prévu, ce
qui dépend de la demande de travail des entreprises.

Dans un univers où la réalisation des plans en termes de quantités échangées n'est pas garantie par un
mécanisme d'équilibre automatique, les agents prennent leurs décisions en fonction de la demande
anticipée pour les biens ou les facteurs qu'ils ont à offrir. Contrairement à la logique du chapitre
précédent, où l'offre créait sa propre demande, c'est à présent la demande effective à laquelle les agents
s'attendent à être confrontés, à l'équilibre, qui détermine l'offre. L'ordre logique dans lequel on doit
aborder l'étude de l'équilibre macroéconomique se trouve donc modifié par rapport au chapitre
précédent. Au chapitre 1, toute l'analyse s'enchaînait à partir de l'offre de travail ; dans ce chapitre-ci,
le fonctionnement des différents marchés découle de la demande de biens et services.

1. Les déterminants de la demande globale

A. La demande de consommation et l'épargne

a) LA FONCTION DE CONSOMMATION DE KEYNES

La demande d'un bien est, on le sait, fonction du revenu des agents et du prix relatif de ce bien par
rapport aux autres biens (cf. Principe d’économie 1). Au plan macroéconomique, on peut donc faire
l'hypothèse que la consommation globale est uniquement fonction du revenu réel Y (les mouvements
de prix relatifs modifiant la répartition du budget de consommation entre les différents biens et non
le volume total de la consommation). Plus précisément, selon l'hypothèse de Keynes (sa loi
psychologique fondamentale), les agents augmentent leur consommation (C) quand le revenu (Y)
s'élève, mais ne consacrent qu'une fraction de l'augmentation du revenu à la consommation. On
appelle propension marginale à consommer la variation de la consommation induite par une variation
marginale (infinitésimale) du revenu.
59
b) LA FONCTION D'ÉPARGNE

L'épargne (S) est un résidu : elle est tout simplement la partie du revenu qui n'est pas consommée. Si
la propension à consommer est de 0,8 et qu'en conséquence 80 % du revenu est consommé, 20 % du
revenu est épargné. La propension marginale à épargner (s) est simplement la complémentaire, par
rapport à 1, de la propension à consommer

Dans le chapitre précédent, l'épargne dépend du taux d'intérêt; elle reflète donc essentiellement un
comportement de placement financier; le taux d'intérêt arbitre entre la consommation présente et
l'épargne (qui représente des consommations futures).

Dans l'approche keynésienne, les agents cherchent d'abord à satisfaire leurs besoins de consommation
présente. S'il reste quelque chose par rapport au revenu qu'ils ont effectivement perçu, cela constitue
une épargne. C'est alors seulement qu'ils seront sensibles aux taux d'intérêt pour déterminer sous
quelle forme il faut détenir cette épargne (liquide, compte d'épargne, obligations...). Le taux d'intérêt
détermine l'arbitrage entre les différentes formes de placements financiers des ménages et non pas le
volume global de leur épargne.

a) LA FONCTION D'INVESTISSEMENT

La décision d'investissement résulte d'une comparaison entre le taux d'intérêt et la rentabilité


escomptée de Y investissement. Le producteur tient donc également compte des profits futurs qu'il
espère en réalisant un investissement : ces profits dépendent eux-mêmes de la productivité des
équipements qui seront mis en place, de l'évolution future de la demande, de l'état futur de la
concurrence. La fonction d'investissement keynésienne ne signifie donc pas que l'investissement ne
dépend que du taux d'intérêt, mais que, toutes choses étant égales par ailleurs, et notamment les
anticipations des entreprises sur la demande, l'investissement est une fonction décroissante du taux
d'intérêt.

C. La demande extérieure

C et I constituent la demande intérieure, c'est-à-dire la demande de biens et services par les agents
résidents. Mais, dans une économie ouverte, une partie du produit intérieur est exportée. Les
exportations (X) constituent la demande extérieure. Leur volume dépend en premier lieu des prix des
produits exportés et de la situation économique des pays étrangers. Pour des prix donnés, on peut
donc les considérer comme exogènes par rapport à l'équilibre économique national.

60
Comme une partie des produits achetés par les agents résidents sont importés, on peut utiliser le
concept de demande extérieure nette en déduisant des exportations les importations de biens et
services (M). La demande extérieure nette est donc : X - M.

Les importations ne peuvent être, comme les exportations, considérées comme exogènes. En effet,
elles dépendent directement du volume de l'activité intérieure. Les agents intérieurs consacrent en
effet une fraction de leurs dépenses à des produits étrangers (biens de consommation ou d'équipement,
matières premières...); ils ont une certaine propension à importer. Toutes choses étant égales par
ailleurs, plus la consommation et l'investissement intérieurs sont élevés, plus le volume des
importations augmente. M est une fonction croissante du revenu intérieur (Y).

2. L’équilibre sur le marché des biens et services

A. L'équilibre offre-demande globales

a) L'ÉQUILIBRE COMPTABLE ET L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE

L'équilibre entre l'offre et la demande globales suppose, en économie fermée, l'égalité :

Y=C+I ...(8)

ou encore : Y - C = I,

ce qui est équivalent à : S = I.

Comme l'a montré notre discussion de la loi des débouchés de J.-B. Say, l'équilibre du marché des
biens et services suppose que l'épargne soit égale à l'investissement. En effet, si l'épargne est un
revenu non dépensé, la dépense n'est plus égale à la production ; si l'épargne ne sert qu'à financer des
dépenses d'investissement, l'identité entre la dépense et la production est maintenue.

Au chapitre précédent, il existait un mécanisme équilibrant automatiquement S et I : les fluctuations


du taux d'intérêt. Dans l'approche keynésienne, ce mécanisme ne joue plus puisque l'épargne ne
dépend pas du taux d'intérêt, mais du revenu.

On a : S(Y) = I (i).

L'épargne et l'investissement dépendent de variables différentes et reflètent des comportements non


coordonnés d'agents le plus souvent différents. Il n'y a aucune raison a priori pour que l'épargne,
décidée pour l'essentiel par les ménages en fonction de leur revenu et de leurs désirs de
consommation, soit justement égale à la valeur des investissements, déterminée pour l'essentiel par
les entreprises en fonction des taux d'intérêt et des anticipations sur la demande future. En l'absence
61
d'un mécanisme automatique d'équilibre entre I et S, la loi des débouchés ne tient plus, l'équilibre
économique entre l'offre et la demande globales n'est plus garanti.

Certes, l'équilibre comptable est toujours vérifié. Ainsi, par exemple, s'il y a trop d'épargne (pas assez
de consommation), les entreprises ont du mal à écouler leurs biens de consommation, et les stocks (et
donc l'investissement) augmentent. L'équilibre comptable entre I et S est rétabli par une augmentation
des stocks, mais celle-ci constitue un investissement non désiré au départ (ex ante) par les entreprises.
Les agents ne parviennent pas à réaliser leurs plans. Il apparaît ainsi un déséquilibre économique que
les mécanismes de prix sont impuissants à corriger.

b) L'ÉQUILIBRE DE SOUS-EMPLOI

On peut représenter l'équilibre du marché des biens et services par la figure 6, qui porte le revenu réel
Y sur l'axe horizontal et la demande globale sur l'axe vertical.

La demande globale (DG) est égale à :

DG = C + I + X - M.

Elle comprend donc une partie autonome (indépendante du revenu), DA :

DA = C0 + I + X.

La droite à 45° qui part de l'origine décrit l'ensemble des points pour lesquels l'offre globale (Y) est
égale à la demande globale (DG). Quand la demande globale est égale à DGl, le point d'équilibre entre
l'offre et la demande globale est donc le point E1 et, en ce point, le revenu réel est égal à Y1.
62
Cette façon de présenter les choses est keynésienne en ce sens que c'est le niveau de la demande qui
détermine le revenu d'équilibre et non l'inverse (comme dans l'approche classique). De ce fait, rien
ne garantit que Y, assure le plein-emploi des facteurs de production et en particulier du facteur travail.
En effet, dans notre raisonnement, Y1 n'a pas été fixé en tenant compte du volume des facteurs
disponibles; Y, a été déterminé par les producteurs en fonction de la demande intérieure et extérieure
à laquelle ils pensent être confrontés à l'équilibre (principe de la demande effective chez Keynes).

Il n'est déjà pas certain que la demande réelle atteindra finalement le niveau anticipé par les
producteurs, et le marché des biens et services risque toujours d'être déséquilibré; mais, en outre,
même si les anticipations des producteurs sont correctes et qu'ils rencontrent réellement une demande
suffisante pour écouler toute leur production, rien ne garantit que ce niveau de production soit
précisément celui qui permet d'offrir un travail à tous les demandeurs d'emploi.

Sur la figure 6, l'équilibre de plein-emploi peut très bien se situer au point Epe, par exemple. On peut
donc avoir un équilibre sur le marché des biens et services, et du chômage sur le marché du travail :
il s'agit d'un équilibre de sous-emploi; la demande est suffisante pour écouler la production, mais
insuffisante pour employer tous les travailleurs à la recherche d'un emploi.

Comme nous le verrons plus loin, l'approche keynésienne conteste l'existence d'un mécanisme de
rééquilibrage automatique du marché du travail par les fluctuations du salaire réel. En conséquence,
le chômage peut durer. Ce chômage vient d'une insuffisance de la demande globale à laquelle rien ne
viendra remédier puisque, au point E, l'offre est égale à la demande et que les producteurs ne sont pas
incités à produire davantage. Pour résorber ce chômage, il faudrait que les entreprises anticipent une
augmentation de la demande future et, par exemple, se remettent à investir, poussant ainsi la demande
globale vers le haut, ce qui rapprocherait le point E, du point Epe. Ce mouvement devrait ramener
d'autant plus vite vers l'équilibre que l'investissement exerce un effet multiplicateur sur le revenu réel
(cf. plus loin).

c) L'ÉCART INFLATIONNISTE

Sur la figure 6, nous avons supposé une demande inférieure au niveau nécessaire au plein-emploi.
Mais il faut également envisager le cas où la demande, loin d'être insuffisante, est trop importante par
rapport aux capacités de production. Ce pourrait être le cas, par exemple, à la suite d'une politique
économique de stimulation de la demande.

63
Sur la figure 7, nous complétons la figure 6 pour tenir compte de cette nouvelle possibilité. Si la
demande est au niveau DG1; on est, comme précédemment, en situation de sous- emploi. Une
politique économique est nécessaire pour amener la demande au niveau DGpe qui assure le plein-
emploi. Mais si cette politique économique pousse la demande jusqu'en DG2, le nouveau point
d'équilibre entre l'offre et la demande globales se situe en E2.

Cela supposerait une production Y2 qui est impossible puisqu'elle excède Ype, qui indique le
maximum possible quand on utilise pleinement tous les facteurs de production disponibles. Dans ce
cas, la demande globale excédentaire provoque une augmentation du niveau général des prix. Tant
que la demande reste Inférieure ou égale à DGpe, ce sont les quantités produites par les entreprises
qui augmentent et non les prix : l'offre globale est parfaitement élastique parce qu'il existe des
capacités de production inutilisées.

Mais dès que la demande dépasse DGpe, ce sont les prix qui s'élèvent et non les quantités produites.
À gauche du point Epe, l'économie connaît le chômage par insuffisance de la demande; à droite de ce
point, elle subit l'inflation par excès de la demande.

a) LA NÉCESSITÉ D'INTÉGRER LA MONNAIE

Une des principales différences entre l'approche classique et l'approche keynésienne du marché des
biens et services tient à ce qu'il n'existe plus de mécanisme automatique d'équilibre entre l'épargne et
l'investissement ex ante. Les fluctuations du taux d'intérêt ne peuvent plus jouer ce rôle parce que
l'épargne dépend du revenu et non du taux d'intérêt. Cela entraîne deux types de questions :

● En premier lieu, comment le taux d'intérêt d'équilibre est-il déterminé?

64
Dans l'approche keynésienne, c'est l'équilibre entre l'offre et la demande de monnaie, et non l'équilibre
entre l'épargne et l'investissement, qui détermine le taux d'intérêt. En fixant le taux d'intérêt, l'équilibre
monétaire agit donc sur l'investissement et sur la production. Il n'y a plus dichotomie entre l'économie
monétaire et l'économie réelle.

● En second lieu, dans quelles circonstances l'épargne peut-elle vraiment contrarier


l'équilibre du marché des biens et services ?

L'épargne pose un réel problème si elle constitue un revenu non dépensé, une vraie fuite dans le circuit
qui transforme le revenu en demande de biens et services, c'est-à-dire si elle est thésaurisée. Ce
problème n'existe que si les agents ont une préférence pour la détention d'encaisses liquides et oisives
autres que les encaisses destinées à financer les échanges.

On le voit, la réponse aux questions posées par l'équilibre du marché des biens et services conduit à
intégrer réellement la monnaie dans l'analyse et, en particulier, à développer l'analyse de la demande
de monnaie.

3. L’équilibre monétaire

A. L'offre et la demande de monnaie

a) L'OFFRE DE MONNAIE

Sur ce point, il n'y a pas de différence entre les approches keynésienne et classique dans les modèles
élémentaires. Nous reprenons donc exactement les hypothèses du chapitre 1. L'offre de monnaie est
parfaitement contrôlée par les autorités monétaires ou le gouvernement. On dit que l'offre de monnaie
(Mo) est exogène :

b) LA DEMANDE DE MONNAIE DE TRANSACTION

On admet ici, comme dans l'approche néoclassique, que la demande d'encaisses réelles est une
fonction croissante du revenu. Il existe un décalage entre la perception et la dépense des revenus par
les ménages et les entreprises; en attendant d'effectuer leurs dépenses, les agents détiennent des
encaisses destinées à financer les transactions (dans la terminologie de Keynes, cette demande
correspond au motif de revenu pour les ménages, et au motif d'entreprise pour les producteurs). De
plus, les agents peuvent détenir des encaisses liquides pour faire face à des dépenses imprévues (motif
de précaution chez Keynes). Tous ces motifs de détention d'encaisses sont liés aux transactions sur
les biens et services; on les regroupe donc en une seule composante : la demande de monnaie de
transaction.

65
Sur cette composante de la demande de monnaie, l'approche keynésienne suit donc d'assez près les
analyses néoclassiques. La divergence d'analyse vient de l'introduction d'une autre fonction
essentielle de la monnaie. La monnaie n'est pas seulement un intermédiaire dans les échanges, elle
constitue aussi une réserve de valeur et, à ce titre, elle peut être détenue pour elle- même,
indépendamment du volume des échanges de biens et services, à des fins de spéculation sur les
marchés financiers.

Keynes ajoute à la demande de monnaie classique une seconde composante qui est indépendante du
revenu mais qui dépend du taux d'intérêt.

c) LA FONCTION DE DEMANDE SPÉCULATIVE DE MONNAIE

Keynes estime qu'il existe une demande d'encaisses de spéculation qui varie en fonction inverse du
taux d'intérêt. Plus les taux d'intérêt sont élevés, plus les cours des obligations sont bas, plus les agents
anticipent un retournement des cours à la hausse. C'est donc le moment d'acheter des titres à bas prix
dans l'espoir de réaliser un gain en capital quand les taux d'intérêt se mettront à nouveau à baisser et
les cours des titres à monter; les encaisses spéculatives diminuent.

Inversement, plus les taux d'intérêt sont bas, plus les cours des obligations sont hauts, plus les agents
anticipent un retournement des cours à la baisse. C'est donc le moment de vendre des titres à un cours
élevé, pour éviter une perte en capital quand les taux d'intérêt se mettront à nouveau à monter et les
cours des titres à baisser; les encaisses spéculatives augmentent.

Si l'on tient compte des deux composantes de la demande d'encaisses réelles, on obtient la fonction
globale de demande de monnaie keynésienne.

B. L'équilibre du marché monétaire

a) LE MARCHÉ MONÉTAIRE

Sur la figure 10, nous représentons l'équilibre du marché monétaire. Nous portons le taux d'intérêt (le
prix de l'argent) sur l'axe vertical, et la quantité de monnaie offerte et demandée sur l'axe horizontal.

La représentation de l'offre est particulièrement simple puisqu'elle est supposée exogène et


entièrement déterminée par la banque centrale ou le gouvernement. Mo/P est donc indépendante de i
et représentée par une droite verticale au niveau fixé par la politique économique.

La demande comprend deux composantes : L1 et L2. L1 ne dépend que du revenu Y, qui est
déterminé par l'équilibre du marché des biens et services. Elle est donc indépendante de i, et elle est
représentée par une droite verticale au niveau L1. La distance qui va de 0 à L1 mesure les encaisses

66
de transaction détenues par les agents quel que soit le taux d'intérêt, pour un niveau de revenu (Y)
donné.

Au-delà de la quantité L1 commence l'encaisse de spéculation, L2, qui est une fonction décroissante
de i. Au point L1 sur la figure 10, L2 est nulle; le taux d'intérêt atteint un niveau tellement élevé que
tous les agents sont persuadés qu'il ne peut que baisser; tout le monde anticipe donc une hausse du
cours des titres et échange la totalité des encaisses spéculatives contre des titres.

À l'autre extrême, Keynes fait l'hypothèse qu'il existe un taux d'intérêt plancher i0, à partir duquel tous
les agents sont convaincus que les taux ne peuvent que remonter; tout le monde anticipe alors une
baisse des cours et préfère détenir des encaisses spéculatives; il existe alors une préférence absolue
pour la liquidité; dans cette situation, toute augmentation de la quantité de monnaie en circulation
sera absorbée par les encaisses spéculatives : personne n'est « assez fou » pour placer cette monnaie
supplémentaire alors qu'il paraît certain que les cours des titres ne peuvent plus que baisser; c'est
pourquoi Keynes dénomme cette situation extrême « trappe à liquidité ». Le taux d'intérêt effectif est
déterminé par le point de rencontre entre l'offre et la demande (i*).

67
b) L'INTERACTION ENTRE SECTEUR RÉEL ET SECTEUR MONÉTAIRE

Si i est fixé sur le marché monétaire, il n'y a pas, comme dans l'approche classique, dichotomie entre
l'analyse des phénomènes réels et celle des phénomènes monétaires. En effet, les variations du taux
d'intérêt engendrées sur le marché monétaire entraînent des variations de l'investissement et donc, à
travers l'effet multiplicateur, des fluctuations du produit intérieur qui, à leur tour, modifient l'emploi.

Inversement, les fluctuations du marché des biens et services ont une incidence directe sur le marché
monétaire. Par exemple, une élévation du niveau d'activité (Y) entraîne une augmentation de la
demande de monnaie de transaction, parce que le volume des échanges se développe; pour une offre
de monnaie inchangée, cette pression nouvelle de la demande de monnaie fait monter le taux d'intérêt.
Sur la figure 10, la courbe de demande est construite pour un niveau donné de Y; toute augmentation
de Y déplace la courbe vers la droite : quel que soit i, la demande d'encaisse est plus forte; si Mo reste
inchangé, le taux d'intérêt d'équilibre i* est nécessairement plus élevé.

On le voit, l'approche keynésienne suppose un examen simultané de l'équilibre sur le marché des
biens et de l'équilibre sur le marché monétaire. C'est la raison pour laquelle Hicks a pu développer, à
partir de la théorie de Keynes, un modèle décrivant simultanément l'équilibre réel et l'équilibre
monétaire. Il s'agit du modèle IS-LM, qui vous sera présenté en 2ème année.

4. L’équilibre du marché du travail

A. Le fonctionnement du marché du travail

a) L'OFFRE DE TRAVAIL DÉPEND DU SALAIRE NOMINAL

Keynes ne conteste pas l'analyse classique de la demande de travail. La demande de travail est une
fonction décroissante du salaire réel, et, à l'équilibre, le salaire réel doit être égal à la productivité
marginale physique du travail.

La différence d'approche tient au traitement de l'offre de travail. Pour Keynes, l'offre n'est pas une
fonction croissante du salaire réel. En effet, dans l'économie réelle, les contrats de travail ne fixent
pas le pouvoir d'achat des travailleurs mais le salaire nominal. Concrètement donc, les individus
présents sur le marché ont à déterminer leur comportement par rapport aux salaires nominaux qui
sont les seuls effectivement offerts et négociés dans les entreprises.

Contrairement à ce qu'indique une critique fréquente de la théorie keynésienne, cette analyse ne


suppose pas de la part des salariés une illusion monétaire qui les rendrait indifférents au pouvoir
d'achat des salaires. Elle s'appuie simplement sur le constat que, dans le court terme, la seule
information dont disposent les travailleurs porte sur le salaire nominal. À un instant donné, une hausse

68
du salaire nominal peut être interprétée comme une hausse du pouvoir d'achat parce que les individus
ne peuvent pas, à cet instant, calculer l'indice des prix pour mesurer précisément l'évolution du salaire
réel. Percevoir correctement l'évolution précise du pouvoir d'achat prend du temps, et, à court terme,
les individus n'ont pas d'autre indicateur pertinent du salaire que le salaire monétaire effectivement
négocié avec l'employeur.

Keynes ajoute un argument en notant que les individus évaluent leur salaire en le comparant à ce
qu'ils pensent être la rémunération actuellement offerte aux travailleurs employés et ayant des
qualifications et une expérience comparable. Ce salaire relatif ne peut bien entendu être apprécié
qu'en termes nominaux car la seule information disponible porte sur le salaire nominal des autres
travailleurs et non sur leur pouvoir d'achat. Dans ce contexte, imaginons un salarié auquel un
employeur propose une baisse de salaire en tirant argument d'une réduction de la demande et de la
productivité; pour l'employé, il est parfaitement rationnel de s'opposer à cette baisse tant qu'il n'a pas
de raison de penser que les autres travailleurs exerçant des travaux comparables dans l'économie
subissent la même baisse de salaire.

b) LE SALAIRE NOMINAL EST RIGIDE À COURT TERME

Le salaire nominal reflète à un moment donné, dans la société, un équilibre contractuel qui détermine
la juste rémunération de chaque niveau de qualification. Cet ensemble de justes rémunérations est le
résultat du rapport de forces entre employeurs et employés dans la négociation salariale, et définit la
règle du jeu qui est acceptée à un moment donné. Tant que les individus ne sont pas convaincus que
l'évolution de l'économie rend absolument nécessaire une remise en cause de la règle du jeu, ils
résisteront aux baisses de salaires. Compte tenu du temps qui est nécessaire pour percevoir et
interpréter l'évolution de l'économie et pour s'assurer qu'il ne s'agit pas de phénomènes accidentels et
transitoires, il est raisonnable de penser que le salaire pour lequel les travailleurs offrent leur travail
est, à un moment donné, exogène par rapport à la conjoncture et au niveau de l'emploi. Les salariés
accepteront d'offrir plus ou moins de travail pour un même salaire nominal correspondant au salaire
considéré comme normal; il sera impossible d'obtenir de la main- d'œuvre pour un salaire inférieur;
en revanche, il sera possible d'obtenir plus de main-d'œuvre sans relever le salaire, sauf dans le cas
où la demande de travail des entreprises augmenterait dans des proportions considérables et où la
pénurie de main-d'œuvre les contraindrait à élever les salaires.

c) L'ÉQUILIBRE DE SOUS-EMPLOI

Sur la figure 11, nous représentons graphiquement les hypothèses qui précèdent. La demande de
travail Ld est une fonction décroissante du salaire réel. Pour un salaire nominal w1 donné, l'offre Lo
est rigide; elle ne devient croissante qu'à partir d'un niveau très élevé de l'emploi.
69
Remarque

Sur la figure, l'offre est associée au salaire réel w/P, mais ce dernier n'est que le salaire réel implicite
associé à w1 compte tenu du niveau général des prix P. Cette présentation est nécessaire pour associer
sur le même graphique la demande et l'offre, mais le comportement des offreurs n'est déterminé que
par les mouvements de w.

Admettons que l'économie soit au plein-emploi : le point d'équilibre E1 est tel que l'emploi qui en
résulte correspond au plein-emploi du travail Lpe. Partant de cette situation, une réduction de la
demande de biens et services intervient; elle entraîne un recul de la demande de travail de Ld1 en Ld2.
Sur le marché du travail, le nouveau point d'équilibre E2 implique l'apparition d'un chômage
involontaire égal à Lpe - L2. En effet, pour un salaire nominal w, inchangé, les travailleurs qui étaient
employés en situation de plein-emploi sont toujours disposés à travailler mais ne trouvent plus
d'emploi.

Leur chômage ne s'explique pas par l'exigence d'un salaire supérieur au salaire d'équilibre; ils
demandent un emploi au salaire d'équilibre actuellement payé dans les entreprises. Ce chômage vient
donc uniquement d’une insuffisance de la demande sur les marchés de biens et services. En l'absence
de mécanismes automatiques susceptibles de faire remonter la demande de biens et, à sa suite, la
demande de biens et, à sa suite, la demande de travail, le marché du travail peut rester durablement
en E2; il s'agit bien d'un équilibre, mais d'un équilibre de sous-emploi.

Si l'analyse keynésienne du chômage s'arrêtait là, elle ne serait guère différente de l'analyse
néoclassique. Finalement, en effet, le chômage semble résulter d'une certaine rigidité des salaires. La
divergence pourrait ne porter que sur l'interprétation de cette rigidité : blocage institutionnel
70
condamnable dans l'optique classique, résultat des comportements rationnels et du libre
fonctionnement du marché du travail dans l’optique keynésienne. Mais la spécificité de l'approche
keynésienne est plus profonde : non seulement la baisse des salaires paraît peu probable mais, en
outre, elle n'est pas souhaitable. L'originalité de Keynes ne tient pas ici dans l'hypothèse de rigidité
des salaires mais dans l'assurance que, si elle se produisait malgré tout, la baisse des salaires nominaux
ne permettrait pas de rétablir le plein-emploi.

d) LA BAISSE DES SALAIRES NOMINAUX NE RÉDUIT PAS LE CHÔMAGE

Selon Keynes, le remède classique au chômage (la baisse des salaires) néglige la double nature du
salaire : coût de production pour l'entreprise mais revenu pour les travailleurs. La baisse des salaires,
en réduisant le coût du travail par rapport à celui du capital, exerce bien un effet stimulant sur la
demande de travail (effet de substitution). Mais elle réduit aussi le revenu distribué aux ménages et
déclenche un effet multiplicateur à la baisse sur la demande globale, limitant ainsi encore plus les
débouchés des producteurs; il s'ensuit un nouveau recul de la demande de travail, qui rend nécessaire
une nouvelle baisse des salaires, et ainsi de suite. Une politique de baisse des salaires risque donc, à
court terme, d'éloigner de l'équilibre au lieu d'en rapprocher et de déclencher un processus cumulatif
de récession.

Keynes, pour sa part, ne conteste pas la nécessité, pour les employeurs, d’égaliser le salaire réel et la
productivité marginale. Il convient donc qu'une baisse des salaires réels est nécessaire pour
augmenter l'emploi et réduire le chômage. Il suggère simplement que la baisse des salaires nominaux
n'est pas la bonne façon de réduire le coût réel du travail. Selon lui, il convient de réduire les salaires
réels en élevant les prix. Or c'est précisément ce qui "devrait se produire si la demande globale
augmente alors qu'il existe un chômage involontaire. En effet, en raison de la loi des rendements
décroissants, l'augmentation de la production ne peut se faire qu'à coûts croissants, et donc à prix
croissants. La pression de la demande devrait faire monter les prix, abaisser le salaire réel sans toucher
au salaire nominal et inciter les employeurs à développer l'emploi.

a) LA THÉORIE DU SALAIRE D'EFFICIENCE

La théorie du salaire d'efficience, vient renforcer l'idée selon laquelle la baisse des salaires ne rétablit
pas l'équilibre selon le processus supposé par l'analyse néoclassique initiale.

Cette théorie s'appuie sur l'hypothèse suivante : la productivité du travail peut être une fonction
croissante du salaire. On peut supposer que la motivation des individus est un élément important de
leur productivité réelle. La productivité ne dépend pas que du temps de travail mais également de
l’effort réellement consenti par les travailleurs. L'effort n'étant pas défini dans les contrats de travail

71
et étant beaucoup plus difficile à mesurer et à contrôler que le temps de travail, il est largement
conditionné par la volonté des travailleurs et donc par leur motivation. On peut par ailleurs supposer
que la motivation des employés est en partie fonction de leur rémunération et du sentiment qu'ils ont
d'être traités justement par leur employeur. Être traité justement peut signifier notamment : être payé
aussi bien que d'autres travailleurs ayant des qualifications et une expérience équivalente; voir sa
rémunération progresser régulièrement avec l'ancienneté dans l'entreprise; ne pas voir ses conditions
de travail systématiquement et brusquement remises en cause quand l'employeur prétend connaître
des difficultés, etc.

Pour toutes ces raisons, il est probable qu'une élévation des rémunérations améliore la motivation et
donc la productivité des travailleurs; inversement, une réduction des salaires altère leur motivation et
leur productivité. En outre, la relation risque de jouer plus fortement à la baisse qu'à la hausse si les
individus considèrent les hausses comme la juste récompense de leur efficacité et les baisses comme
une remise en cause unilatérale des règles du jeu acceptées par l'employeur dans le contrat de travail.

Dans ces conditions, en période de sous-emploi, la baisse des salaires proposée par l'analyse
néoclassique sera insuffisante pour rétablir l'équilibre : chaque réduction de salaire détériore la
productivité du travail et déplace le point d'équilibre vers le bas. Peut-être ce processus converge-t-il
finalement vers un nouvel équilibre, mais avec une baisse des salaires et donc des revenus distribués
aux travailleurs beaucoup plus importante que celle supposée nécessaire et suffisante par l'analyse
néoclassique.

Dans ces conditions, il est de plus en plus probable que l'effet revenu négatif mis en évidence par
Keynes l'emporte sur l'effet de substitution favorable à l'emploi mis en avant par les néoclassiques

B. Les fondements microéconomiques de la rigidité des salaires

L'approche keynésienne, en raison de la place importante qu'elle réserve à l'hypothèse de rigidité des
prix et des salaires, a suscité de nombreux travaux pour mieux expliquer les raisons pour lesquelles
ces rigidités pouvaient apparaître. En effet, l'explication des rigidités par des phénomènes
institutionnels est doublement insuffisante.

D'une part, les institutions ne sont pas exogènes et l'analyse économique se doit d'expliquer aussi
pourquoi des institutions qui rigidifient les salaires (SMIC, conventions collectives, etc.) apparaissent
et se développent plus ou moins dans telle ou telle économie. D'autre part, si le phénomène de la
rigidité des salaires n'est pas le résultat logique de l'analyse économique traditionnelle, on ne peut
exclure a priori une insuffisance de cette analyse économique qui demande à être complétée.

72
La première voie de recherche (l'analyse économique des institutions) sort très largement du cadre de
ce cours et, si elle constitue actuellement l'un des pôles de développement majeurs de la théorie
économique, elle n'a pas encore débouché sur des résultats simples et largement admis. En revanche,
la seconde voie de recherche a permis d'établir un certain nombre de fondements microéconomiques
solides à une évolution des salaires sensiblement différente de celle prévue par l’approche
néoclassique. Nous examinerons donc les trois pistes de recherche essentielles en ce domaine.

b) LA THÉORIE DU CAPITAL HUMAIN

Cette théorie remet en cause l'hypothèse néoclassique d'homogénéité du facteur travail (cf. chapitre
1). Pour l’employeur, le travail est tendu hétérogène par les qualifications, l'expérience, l’effort, la
qualité des relation, l’honnêteté, en un mot l’ensemble des caractéristiques propres à chaque individu.
Deux travailleurs occupés à un poste Identique ne sont donc pas équivalents pour l'employeur. Par
ailleurs, la productivité des salariés est en partie spécifique à l'entreprise, et résulte d'une
accoutumance à des équipements, des méthodes de production, des équipes de travail, une clientèle,
etc., qui lui sont propres ; en conséquence, la productivité des individus est plus forte dans leur
entreprise que dans une autre, même pour un poste équivalent. La prise en compte de ces nouvelles
hypothèses conduit à montrer que, contrairement à la conclusion classique, le salaire d'équilibre
devrait, le plus souvent, s'éloigner de la productivité marginale.

En effet, les salariés récemment embauchés n'ont pas encore acquis les qualifications spécifiques à
l'entreprise, et leur productivité initiale est généralement très faible; cependant, pour attirer et retenir
les meilleurs candidats l'entreprise est obligée de leur payer le salaire d'équilibre sur le marché, et
celui-ci est probablement supérieur à leur productivité marginale. L'entreprise investit donc dans la
formation de ses travailleurs. En revanche, plus les travailleurs ont acquis d'expérience dans
l'entreprise, plus leur productivité marginale spécifique à l'entreprise augmente et devient nettement
supérieure à leur productivité sur le marché (dans les autres entreprises); mais l'employeur peut
continuer de leur verser un salaire équivalent à leur productivité sur le marché (ce qu'ils obtiendraient
en quittant l'entreprise). Dans cette seconde phase, le salaire réel devient inférieur à la productivité
marginale dans l'entreprise; celle-ci récupère le rendement de son investissement en capital humain.

Dans ce contexte, un ralentissement inattendu de la demande à la firme n'incite pas cette dernière à
réduire les salaires des travailleurs expérimentés tant que la productivité marginale reste supérieure
au salaire réel. Si la récession est assez grave pour abaisser la productivité en deçà des salaires,
l'entreprise ne réagit pas tant que le coût subi reste inférieur au rendement futur de son investissement
en capital humain. Tant qu'elle s'attend à une reprise de l'activité, elle peut préférer payer un « sur-
salaire » pour conserver les travailleurs expérimentés. La remise en cause des salaires n'intervient que

73
si la récession a suffisamment duré pour convaincre l'employeur qu'il est confronté à une réduction
permanente de son activité. Les salaires finissent peut-être par s'ajuster à la baisse, mais seulement
dans le long terme.

5. Résumé de l’approche keynésienne

a) L'ENCHAÎNEMENT DES ÉQUILIBRES

Dans un contexte d'incertitude sur la réalisation effective de leurs plans, les agents déterminent leurs
comportements en fonction d'anticipations sur les demandes auxquelles ils seront confrontés
(demande de biens pour les producteurs; demande de travail pour les ménages). Dès lors, la logique
néoclassique est inversée : ce n'est plus l'offre de facteurs qui détermine le produit national, mais la
demande de produits qui détermine la production et donc la demande de facteurs et l'emploi. On part
donc de l'équilibre sur le marché des biens et services, où le niveau de la demande globale effective
confrontée à l'offre globale détermine le produit intérieur.

Mais l'équilibre du marché des biens n'est pas indépendant de l'équilibre monétaire. En effet, une
partie importante de la demande globale, l'investissement, dépend du taux d'intérêt. Or le taux d'intérêt
n'est pas déterminé, comme au chapitre précédent, par l'équilibre entre l'épargne et l'investissement,
mais sur le marché monétaire, par l'équilibre entre l'offre et la demande de monnaie. Autrement dit,
le seul examen du marché des biens et services ne suffit pas à déterminer complètement le PIB (Y).

Une fois déterminés simultanément le revenu (Y) et le taux d'intérêt '(i), il reste à savoir si le produit
intérieur assure le plein-emploi des facteurs, et en particulier du facteur travail. La demande de travail
est induite par le niveau du PIB. Ce dernier n'a en rien été fixé en fonction du travail disponible : il a
été déterminé en fonction de la demande effective; il n'y a donc aucune raison a priori pour que le
PIB assure le plein-emploi ex ante. De plus, cet équilibre de sous-emploi peut être durable. En effet,
sur le marché du travail, comme sur les marchés de produits, ce sont les quantités qui s'ajustent à
court terme et non les prix : les salaires sont rigides. Même si les salaires étaient flexibles comme
dans l'approche néoclassique, cela ne garantirait pas le retour au plein-emploi. L'économie peut donc
rester en situation de sous- emploi sans qu'aucun mécanisme automatique ne se mette en œuvre pour
corriger ce déséquilibre.

b) POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Dans ce contexte, la politique macroéconomique est nécessaire. En l'absence de mécanismes


correcteurs automatiques, seule une intervention de l'État peut lutter contre le sous-emploi. Le
diagnostic étant celui d'une insuffisance de la demande globale, le remède consiste en interventions
qui stimulent la demande. Le budget de l'État constitue alors un outil particulièrement important. En
74
effet, les dépenses publiques sont un élément de la demande globale. Celle-ci est donc directement
influencée par les choix de l'État. La manipulation des dépenses et recettes publiques est d'autant plus
efficace qu'elle a un effet multiplicateur : l'effet final sur le PIB est un multiple de l'impact initial sur
la demande. Les pouvoirs publics peuvent également intervenir par la politique monétaire, puisque
l'investissement dépend du taux d'intérêt et que ce dernier dépend directement de l'offre de monnaie
décidée par la politique économique. L'examen des effets combinés des politiques keynésiennes sera
développé plus loin.

c) IMPLICATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES

Les principales caractéristiques méthodologiques de l'approche développée dans ce chapitre sont les
suivantes :

● L'imperfection de l'information et la rigidité des prix.

Le postulat essentiel de l'approche keynésienne, celui qui renverse la logique d'analyse par rapport à
l'approche néoclassique, porte sur le rôle de l'information. Les marchés ne sont pas perçus comme un
lieu de traitement infiniment efficace de l'information délivrant instantanément les signaux pertinents
(à travers les prix) qui permettent aux agents d'atteindre les solutions d'équilibre optimales en
permanence. Dans l'économie réelle, l'information circule imparfaitement sur des marchés qui ne
peuvent être organisés comme des Bourses. La parfaite flexibilité des prix n'existe pas sur la plupart
des marchés non financiers. Les prix s'ajustent donc approximativement et avec retard aux
transformations de l'environnement. Les prix sont rigides à court terme. Les quantités s'ajustent plus
vite que les prix. Même quand les prix sont flexibles, ils délivrent aux agents des informations
complexes, qui demandent du temps pour être déchiffrées, qui peuvent susciter des interprétations
divergentes selon les agents, et qui ne conduisent pas nécessairement à l'équilibre optimum.

● L'analyse est dynamique.

Sur le plan formel, le modèle keynésien élémentaire reste un modèle de « statique comparative » : on
compare les différents états d’équilibre de l'économie. Mais la problématique keynésienne est
fondamentalement dynamique. En effet, l'équilibre économique n'étant jamais garanti a priori quand
un marché quelconque subit un choc, le cœur même de l'analyse est constitué par l'examen des
processus concrets de cheminement du point d'équilibre initial vers un nouvel équilibre. Le débat sur
les mécanismes d'ajustement (prix ou quantités), qui n'a pas de sens dans un contexte néoclassique
d'ajustement instantané des marchés, est au contraire essentiel dans l'approche keynésienne.

75
● L'analyse se situe dans le court terme.

L'approche keynésienne suppose que le long terme néoclassique (la période suffisamment longue
pour que tous les ajustements nécessaires pour rééquilibre des marchés aient eu le temps de s'opérer)
est vraiment long. S'il faut attendre des années pour que les marchés tendent vers les équilibres prévus
par l'analyse néoclassique, les préoccupations réelles des agents se situent, elles, dans le court terme.
En outre, l’environnement d'un marché qui est en train de tendre vers une solution de long terme
change continuellement, si bien que la solution de long terme change aussi en permanence : dans le
monde réel, les marchés sont donc probablement en permanence en situation de déséquilibre de court
terme. Le court terme paraît donc un horizon pertinent pour l'analyse et la politique économique.

À travers ces différentes caractéristiques méthodologiques, on perçoit que l'approche keynésienne


réintroduit des dimensions essentielles de l'analyse économique : l’information, les anticipations, le
temps, l’incertitude. Il n'est pas beaucoup de développements (keynésiens ou non) de la
macroéconomie moderne qui ne soient issus d'une meilleure prise en compte de ces dimensions.

76
PARTIE III : POLITIQUES ÉCONOMIQUES

La politique économique est définie comme l’ensemble des décisions économiques entreprises par
les pouvoirs publics dans le but d’orienter l’activité économique dans le sens de la réalisation d’un
certain nombre d’objectifs préalablement fixés. Les trois principaux objectifs de la politique
économique sont (a) le maintien du plein emploi, (b) la simulation de la croissance et (c) la stabilité
des prix. Elle utilise principalement des instruments de nature financière, et son action transite
principalement par la demande globale (c'est-à-dire consommation et investissement).

Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique économique, les pouvoirs publics visent l’optimalité,
l’efficacité et la crédibilité. L’optimalité se base sur l’idée selon laquelle, à l’image du consommateur
ou du producteur, les choix de l’Etat en tant qu’acteur de la politique économique peuvent être
optimisés par une maximisation sous contrainte, ce qui revient à chercher à affecter des ressources de
la manière la plus productive possible.

Quant à l’efficacité, la préoccupation essentielle de tous les décideurs de politique économique,


repose quant à elle sur la capacité d’obtention d’un résultat recherché par l’Etat. On retient
généralement deux règles de politique économique. La règle de Jan Tinbergen établie en 1963 indique
que dans une politique économique à objectifs fixés, le nombre d’instruments indépendants utilisés
doit être égal au nombre d’objectifs à atteindre (il faut mobiliser autant d’instrument que d’objectifs)
; et la règle d’efficience de Robert Mundell (énoncée en 1960) qui implique que les instruments
indépendants de la politique économique doivent être spécialisés selon les objectifs poursuivis, en
fonction de leur efficacité comparative (il faut affecter à l’objectif l’instrument relativement le plus
efficace).

Enfin, dans une économie mondialisée, ou les biens et les capitaux circulent librement, la contrainte
de crédibilité prend une importance considérable pour les pouvoirs publics, en particulier pour ancrer
les anticipations des agents économiques privés dont les décisions sont influencées par les choix de
politique économique.

Comme les mesures de politique économique doivent être cohérent et cordonner entre elles, il est
nécessaire qu’une seule autorité décide : c’est donc le gouvernement, qui avec l’aide des ministères
et particulièrement le ministère de l’économie, qui prend les mesures de politiques économiques.
Mais certaines décisions, notamment du ressort monétaire sont prises par les banques centrales.

Dans le cadre de ce cours, les politiques monétaire et budgétaire sont les principales politiques
analysées.

77
Chapitre 1. Politique budgétaire
La politique budgétaire peut être définie comme l'ensemble des modifications de l’imposition d’un
pays ou de ses dépenses publiques qui vise à améliorer les résultats macroéconomiques d’un pays.
L’intervention de l’Etat dans l’économie s’effectue au titre de trois fonctions principales : l’allocation
des ressources, la stabilisation du cycle économique, et la redistribution des richesses pour corriger
les inégalités. La politique budgétaire vise donc à améliorer les résultats macroéconomiques en
modifiant les dépenses publiques et les impôts.

Dans la pratique, les politiques budgétaires peuvent être soit expansionnistes, soit restrictives.

Une politique budgétaire expansionniste est une politique de relance consistant en une stimulation de
l'activité dans les périodes de creux et de conjoncture économique mauvaise. Par exemple en cas de
récession économique, le gouvernement d'un pays peut décider de diminuer les impôts. Cela permet
une augmentation du pouvoir d'achat des ménages et donc de leur demande, tout en baissant les
charges des entreprises, leur permettant ainsi de produire plus et d'embaucher du personnel. L’on
assiste alors à une hausse de certaines dépenses publiques conduisant à une dégradation du solde
public.

A l'inverse, une politique budgétaire restrictive, dans les périodes de croissance économique élevée,
consiste en une action qui doit permettre de réduire le déficit public, voire de constituer des
excédents, qui seront mobilisables ultérieurement. Ainsi, lorsque la conjoncture économique est
bonne, l'Etat peut alors baisser ses dépenses, et engranger des rentrées fiscales (ou plutôt réduire
la dette publique), qui lui permettront de relancer l'économie, si la conjoncture se détériore. Par
exemple, le Gouvernement peut décider d'augmenter les impôts ; cela permettrait de diminuer la
demande par une baisse du pouvoir d’achat des ménages et qui augmentera les recettes fiscales. Les
fonds supplémentaires pourraient alors être alloués à la construction de nouvelles infrastructures, pour
la hausse des prestations sociales.

Deux points sont traités dans ce chapitre. Le premier expose sur les effets de la politique budgétaire,
et le deuxième sur l’efficacité de la politique budgétaire.

1.1 Les effets de la politique budgétaire sur la conjoncture

1.1.1 L’action sur la conjoncture

La conjoncture correspond à l’activité économique à un moment donné et se mesure par le niveau du


PIB effectif à ce moment. Pour un niveau du PIB potentiel donné, l’état de la conjoncture dépend de
la demande. Une politique budgétaire de relance vise à augmenter la demande globale. Deux leviers

78
peuvent être utilisés pour provoquer une hausse de la demande, à savoir une hausse des dépenses
publiques ; une baisse des impôts (ayant pour effet une hausse du revenu disponible). Dans les deux
cas, la politique budgétaire de relance passe par une hausse du déficit budgétaire. Dans le cadre de la
relance budgétaire deux effets antagoniques interviennent : l’effet multiplicateur et l’effet
d’éviction.

Exemples d’illustration des effets

Exemple 1. Soit une modification des dépenses publiques

Quand le gouvernement achète des biens et services, il influe directement sur la demande globale.
Supposons que l'Etat burkinabè commande des véhicules pour un milliard à la CFAO. Cette
commande affecte la demande adressée à la CFAO, mais également la demande globale et sa courbe
se déplace vers la droite. Cependant, il est difficile de dire de combien augmentera la demande globale
car deux effets interviennent : l'effet multiplicateur et l'effet d'éviction.

Effet multiplicateur : L'achat des véhicules par le gouvernement a de nombreuses répercussions. (1)
Cet achat améliore l'emploi et les profits de la CFAO. Les salariés sont mieux payés et les actionnaires
sont plus riches. Ils peuvent donc augmenter leur consommation, ce qui va profiter à d'autres
entreprises. Ainsi chaque franc dépensé peut accroître la demande de plus d'un franc. On parle d'effet
multiplicateur de la dépense publique. (2) Cette situation ne s'arrête pas à ce niveau. En effet,
l'augmentation de la consommation va accroître l'emploi et les profits des autres entreprises. Les
profits et les salaires augmentent encore et la consommation est stimulée. On rentre donc dans un
cercle vertueux allant de l'accroissement de la demande à la hausse des revenus. Si on prend en compte
tous ces effets, on comprend que la variation de la demande peut être nettement supérieure à
l'impulsion initiale lancée par le gouvernement.

Dans sa forme plus simple, k (la valeur du multiplicateur) est égale à 1/1-c ou c est pa propension
marginale à consommer ( le rapport entre la hausse de la consommation et la hausse du revenu).

79
Un accroissement des dépenses publiques d'un milliard commence par stimuler la demande globale
d’un milliard, mais sous l'effet du multiplicateur, la demande globale peut progresser beaucoup
plus.

Très souvent, l'effet du multiplicateur lié à la consommation peut se renforcer par une hausse des
investissements. En effet, on peut penser qu'à la suite de cette hausse, la CFAO décide d'ouvrir une
nouvelle usine (ce qui nécessite de nouveaux équipements). Il y aura un accroissement de la demande
des biens d'investissement. On se trouve en présence d'un accélérateur d'investissement.

L’influence du budget sur la conjoncture peut s’exercer de façon passive, par les stabilisateurs
automatiques, ou de façon active.

1.1.2 Les stabilisateurs automatiques

Les stabilisateurs automatiques constituent un mécanisme en deux temps : La conjoncture a un effet


sur le solde budgétaire (Temps 1) et le solde budgétaire a un effet sur la conjoncture (Temps 2).

Temps 1. Un ralentissement de la conjoncture provoque une augmentation du déficit budgétaire, suite


au moindre rendement des impôts et à la hausse de certaines dépenses publiques. En effet, en cas de
ralentissement économique, le rendement des impôts diminue même sans diminution du taux
d’imposition, on enregistre une baisse des revenus, de même temps certaines dépenses publiques
augmentent.

Temps 2. L’augmentation du déficit budgétaire provoque un effet de relance sur l’activité


économique.

De façon symétrique, une croissance forte améliore le solde budgétaire du fait d’un meilleur
rendement des impôts et provoque un excédent budgétaire qui a pour effet dans un second temps de
freiner l’activité économique.

En somme, les stabilisateurs automatiques ont pour effet de lisser la conjoncture économique.

1.1.3 La politique budgétaire active

L’Etat peut mener une politique budgétaire active, au moyen de variations volontaires de la dépense
publique et /ou du montant des impôts. Dans ce cas, il engage de nouvelles dépenses, ou bien il
diminue les taux d’imposition en vigueur. En principe, une relance par une hausse de la dépense
publique est plus efficace qu’une relance par une hausse des impôts : le multiplicateur de la dépense
publique est supérieur au multiplicateur fiscal.

80
1.2 Efficacité de la politique budgétaire

Il existe de nombreux éléments qui peuvent contrecarrer l’effet positif d’une relance budgétaire. La
prise en compte de ces éléments revient à poser la question de l’efficacité de la politique budgétaire.
Des effets internes comme externes peuvent contre-carré l’efficacité de la politique budgétaire.

1.2.1 Les effets internes

 Effet d'éviction: l'augmentation des dépenses publiques, en même temps qu'elle stimule la
demande globale, entraîne une augmentation des taux d'intérêt, ce qui a tendance à comprimer
la demande de biens et services. C'est l'effet d'éviction. En effet, l'augmentation des revenus
consécutive à la commande du gouvernement entraîne comme on l'a vu une hausse de la
consommation. Les ménages ont besoin de détenir de la liquidité, ce qui augmente la demande
de monnaie et les taux d'intérêt ont tendance à augmenter. Le prix de l'argent ayant monté, les
ménages et les entreprises surtout empruntent moins pour acheter des biens d'équipement qui se
trouvent ainsi évincées. Cet effet vient contracter l'effet positif initial.

Exemple 2. Modification d'impôts ou politique fiscale : un allègement des impôts augmente le


revenu net des ménages, ce qui leur permet de consommer davantage; la demande globale se déplace
vers la droite. Une hausse des impôts réduit le revenu des ménages et contribuer à déplacer la courbe
de demande vers la gauche. Comme dans le cas des dépenses publiques, l'ampleur dépendra de l'effet
multiplicateur et de l'effet d'éviction. La réduction des impôts stimule la consommation, ce qui accroît
les revenus et les profits et engendre une nouvelle consommation (effet multiplicateur). Dans le
même temps, l'augmentation des revenus provoque une hausse des taux d'intérêt ce qui a pour
conséquence une baisse des dépenses d'investissement (effet d'éviction). Cependant, un troisième
facteur peut jouer sur cette politique. Si les agents économiques considèrent la mesure d'allègement
des impôts comme une mesure permanente, la consommation augmentera de manière substantielle.
Mais si les agents soupçonnent que la mesure est de courte durée, l'impact sur la consommation sera
marginal.

81
Conclusion: si le gouvernement augmente les dépenses publiques d'un milliard, l'ampleur de la
variation de la demande globale dépendra de la force de l'effet multiplicateur et de l'effet d'éviction.

 Effet Ricardo-Barro : en cas de déficit budgétaire accru, les agents économiques anticipent
une hausse future des impôts et, par conséquent, épargnent davantage dans la perspective de
cette hausse. Cette hausse de l’épargne contrecarre la hausse de la demande que l’Etat s’efforce
de provoquer.

1.2.2Les effets externes

Les importations : l’efficacité de la politique budgétaire doit tenir compte des effets résultants des
échanges extérieurs. En effet, une partie de la demande supplémentaire se dirige non pas vers la
production nationale mais vers les produits importés. La hausse des importations provoquée par les
politiques budgétaires de relance ont pour effet de réduire leur efficacité.

1.2.3 L’ajustement budgétaire

Un ajustement budgétaire consiste en une augmentation de la capacité de financement des


administrations publiques. Il correspond soit au passage d’un déficit à un excédent, soit au moins à
une réduction du déficit. Il prend la forma soit d’une augmentation des prélèvements obligatoires,
soit d’une diminution de la dépense publique. L’objectif d’un ajustement budgétaire est de freiner la
hausse de la dette publique.

Envisager un ajustement budgétaire suppose cependant également de tenir compte de ses effets sur
l’activité économique. Les paramètres qui influencent les effets d’un ajustement sur l’activité
économique sont les mêmes que ceux qui déterminent l’efficacité d’une politique budgétaire de
relance, mais ils fonctionnent en sens inverse :

 D’un point de vue keynésien, un ajustement budgétaire a des effets récessifs, car il entraine une
baisse de la demande (suite à la baisse des impôts ou à la baisse de la dépense).

 Mais en cas d’effet d’éviction, ces effets récessifs sont amoindris (une baisse du déficit public
entraine une baisse des taux d’intérêt, qui favorise une hausse de la dépense privée). Il en va de
même en cas d’effet Ricardo (une baisse du déficit budgétaire entraine une baisse de l’épargne)
et ainsi de suite.

 De façon générale, les effets récessifs d’un ajustement budgétaire sont d’autant plus important
que la valeur du multiplicateur budgétaire est élevé.

82
L’efficacité de la politique budgétaire ne fait pas l’unanimité chez les économistes. Pour les
économistes interventionnistes, la politique budgétaire constitue un moyen efficace de contrer les
fluctuations économiques et, par conséquent, de stabiliser l’économie. A l’inverse, les économistes
libéraux estiment que ce type d’intervention entrave les mécanismes naturels du marché, dans la
mesure où il empêche les ajustements structurels de la concurrence.

83
Chapitre 2. Politique monétaire
La politique monétaire vise à améliorer les résultats macroéconomiques (inflation, croissance,
emploi) en modifiant la quantité de monnaie en circulation dans une économie (masse monétaire ou
les taux d’intérêt). La politique monétaire est menée par la banque centrale, et a pour objectifs :

La stabilité des prix : Depuis les années 1980, la stabilité des prix est l’objectif principal de plusieurs
banques centrales. La raison réside, d’une part dans le souvenir de l’inflation des années 1970, et
d’autre part, dans l’influence des idées monétaristes sur les causes de l’inflation.

La croissance de la production et de l’emploi : cet objectif résulte de l’analyse keynésien de


l’influence des taux d’intérêt sur l’investissement et sur la demande.

Le refinancement des banques de second rang : en principe, les banques centrales ont pour objectif
d’éviter les crises de liquidité des banques secondaires en jouant le rôle de prêteur en dernier ressort.

Quatre point sont développés dans ce cours. Le premier expose sur les instruments de la politique
monétaire. Le second s’intéresse aux canaux de transmission de la politique monétaire. Les effets de
la politique monétaire sont traités dans le troisième point. Le quatrième point discute de la nécessité
de coordonner les politiques budgétaires et monétaires.

2.1 Les instruments de la politique monétaire

Pour mener une politique monétaire, les autorités monétaires disposent des instruments suivants :

 Le levier des taux d’intérêt : Les principales banques centrales interviennent essentiellement au
travers d'opérations de refinancement, donnant lieu à un pilotage de la masse monétaire en
circulation via la fixation du niveau des taux directeurs. Schématiquement, une baisse des taux
améliore la liquidité des banques qui, se refinançant à un moindre coût, améliorent normalement
les conditions qu'elles proposent aux ménages et aux entreprises, ce qui est favorable à l'activité
mais peut aussi exercer une pression à la hausse sur le niveau des prix. Réciproquement, une
élévation des taux directeurs est de nature à rehausser les taux imposés aux débiteurs, ce qui pèse
sur l'activité et le niveau des prix.

 Les opérations de refinancement consistent en un prêt de monnaie centrale garanti par des
transferts de titres, avec engagement de reprise à terme

 Les opérations d’open market : opérations d'achat et vente d'obligations d'Etat par la Banque
Centrale

84
 Les facilités permanentes : correspondent à un guichet ouvert en permanence permettant de
fournir ou de retirer des liquidités, par le biais de prêts ou de dépôts à 24H.

 La constitution de réserves obligatoires rémunérés sur des comptes ouverts aux banques par les
banques centrales nationales. Les réserves obligatoires sont des dépôts obligatoires des
établissements financiers auprès de la banque centrale. Rémunérées ou non selon les pays, leur
montant constitue généralement un pourcentage (coefficient de réserve) de l'encours de
leurs dépôts, le plus souvent de leurs dépôts à court terme. Initialement créées dans un but
prudentiel, elles sont ensuite devenues un instrument central de politique monétaire : en
modifiant les coefficients de réserve, la banque centrale agit directement sur la liquidité
bancaire.

2.2 Les canaux de transmission de la politique monétaire

Les mécanismes de transmission des effets de la politique monétaire, pour atteindre les objectifs
finaux, correspondent aux canaux par lesquels celle-ci va transmettre ses effets à l’ensemble de
l’économie en modifiant les comportements économiques monétaires et financiers des agents
économiques. Il existe quatre grands types de canaux : le canal du taux d’intérêt (canal de la demande
de monnaie), le canal du crédit (offre de crédit), le canal du taux de change et le canal du prix des
actifs.

Le canal du taux d’intérêt

Dans la représentation keynésienne, si l'offre nominale de monnaie augmente alors que les prix
demeurent constants, il en résulte une diminution du taux d'intérêt qui incite les entreprises à investir,
ce qui accroit la demande globale en raison du multiplicateur.

Le canal du crédit

Les variations de la liquidité bancaire jouent sur la capacité des établissements de crédit à consentir
des prêts, favorisant l'investissement et la consommation.

Le canal du crédit se situe dans le prolongement du canal des taux, qui déterminent le coût des
ressources que les banques se procurent, à court terme, sur les marchés monétaires ou, à long terme,
sur les marchés financiers, et que ces dernières répercutent auprès de leurs clients.

Il se distingue de celui des taux d'intérêt en ce qu'il joue sur le volume et les conditions des prêts
bancaires, et non sur les conditions de financement direct par le recours au marché.

85
Ce canal, qui suppose que le crédit puisse être rationné sans que les taux d'intérêt viennent en
équilibrer l'offre et la demande, est mis en avant par les keynésiens plutôt que par les monétaristes,
plus confiants dans la capacité des marchés à assurer une allocation optimale des moyens.

Le canal du taux de change

Une baisse des taux d'intérêt rend la monnaie considérée moins attractive, entraînant sa dépréciation
et donc une baisse des prix nationaux par rapport aux prix étrangers. Il en résulte un accroissement
des exportations favorable à la production nationale. En revanche, l'augmentation du prix des
importations renforce l'inflation. Réciproquement, une appréciation de la monnaie se traduit par un
phénomène de désinflation importée.

En passant par ces différents canaux, la politique monétaire va affecter la demande globale de biens
et services.

2.3 Les effets de la politique monétaire

Une politique monétaire expansionniste en se traduisant par une réduction des taux d’intérêt (effet de
liquidité) et par une augmentation du revenu (effet revenu) et du taux de change, devrait provoquer
une accélération de l’investissement, un recul de l’épargne et donc une relance de la consommation,
soit un accroissement de la demande globale. Cela devrait se traduire par une relance de la croissance
et une réduction du chômage.

Une politique monétaire restrictive en se traduisant par une hausse du taux d’intérêt, une diminution
de la quantité de monnaie se traduit à la fois par une hausse du taux d’intérêt (effet liquidité), une
diminution du revenu (effet revenu), et une hausse du taux de change devrait provoquer un recul de
l’investissement, une hausse de l’épargne et donc un recul de la consommation, soit une réduction de
la demande globale. Cela devrait se traduire par un ralentissement de la croissance et une hausse du
chômage.

Exemple d’analyse d’une politique monétaire et ses effets.

Supposer que la BCEAO (qui pilote la politique monétaire en UEMOA) décide d'augmenter l'offre
de monnaie. Elle peut le faire par des opérations d'open-market (opérations d'achat et vente
d'obligations d'Etat par la Banque Centrale). Cette augmentation de l'offre de monnaie conduit à une
baisse du taux d'intérêt. Les emprunts sont plus faciles et les entrepreneurs augmentent leurs dépenses
d'investissement. Cette hausse des investissements entraîne un déplacement de la courbe de demande
vers la droite. Comme on l'a déjà vu, quand les taux d'intérêt baissent, les taux de change baissent, ce
qui augmentent les exportations et réduit les importations. Il en résulte une hausse des exportations

86
nettes. Cet effet renforce le premier effet de déplacement de la courbe de demande provoqué par la
baisse des taux d'intérêt.

Un accroissement de l'offre de monnaie commence par stimuler la demande globale par


l'intermédiaire de la baisse des taux d'intérêt, mais sous l'effet de la variation du taux de change
(hausse ici), la demande globale peut progresser beaucoup plus.

Conclusion : Une augmentation de la masse monétaire réduit le taux d’intérêt d’équilibre et pousse
la courbe de demande globale vers la droite. Une réduction de la masse monétaire augmente le taux
d’intérêt et déplace la courbe de demande globale vers la gauche.

2.4 Nécessité de coordination des politiques budgétaire et monétaire (policy –mix)

Nous avons présenté les politiques monétaire et budgétaire comme si c'était des politiques distinctes.
Dans la réalité, il existe de fortes interactions entre elles. Supposer par exemple que le gouvernement
réduise ses dépenses pour résorber le déficit budgétaire (politique budgétaire restrictive). Cette
réduction des dépenses contracte la demande globale et joue négativement sur la production et
l’emploi à court terme. Si la BCEAO procède à une création monétaire, cette politique monétaire
réduit le taux d’intérêt et stimule la consommation et l’investissement. Si l’opération est bien menée,
la politique monétaire peut annuler les effets de la politique budgétaire et la demande globale va
demeurer inchangée.

Dans le cas d'une relance budgétaire (politique budgétaire expansionniste) si les autorités monétaires
(BCEAO) augmentent les taux d'intérêt, cette politique monétaire peut partiellement ou totalement
compenser les effets de la politique budgétaire initiée, les deux actions agissant en sens inverse.

87
Il est donc nécessaire de coordonner ces deux politiques pour améliorer les résultats. Par exemple les
effets des politiques de réduction budgétaire peuvent être compensés en partie par la politique
monétaire. Même en cas d'expansion budgétaire, la politique monétaire peut accompagner la politique
budgétaire. Dans le cas précédent, les taux d'intérêt vont augmenter si les autorités monétaires
(BCEAO dans notre cas) restent inactives, ie gardent l'offre de monnaie constante. Dans ce cas, la
hausse des taux d'intérêt conduit à une réduction des effets de la politique budgétaire expansionniste.
On comprend alors qu'il y a une interaction entre politique monétaire et budgétaire.

Comme nous venons de le voir, les responsables politiques peuvent utiliser les politiques monétaire
et/ou budgétaire pour ramener l’économie sur le sentier du plein emploi.

Supposer par exemple une contraction de la demande globale suite à un pessimisme de la part des
agents économiques. La demande globale se déplace vers la gauche, l'équilibre de plein emploi est
rompu et l'économie se trouve dans une situation de récession. Les responsables politiques peuvent
adopter une politique budgétaire expansionniste (augmentation des dépenses publiques ou réduction
des impôts) ou une politique monétaire expansionniste (hausse de la masse monétaire ou baisse des
taux d'intérêt) afin de ramener la demande globale à son niveau initial. Noter que dans le cas d'un
déplacement de la demande vers la droite, une politique budgétaire restrictive (réduction des dépenses
publiques ou une augmentation des impôts) ou une politique monétaire restrictive (réduction de la
masse monétaire ou hausse des taux d'intérêt) doit être mise en œuvre.

Conséquence d'une variation de la demande globale et d'une politique budgétaire expansionniste de


correction

88
Chapitre xx : Efficacité des politiques conjoncturelles : arbitrage inflation-
chômage

1. Politiques conjoncturelles : des arbitrages politiques

Avez-vous déjà entendu, à propos de l’économie chinoise :


. « La croissance est encore à deux chiffres, le chômage est au plus faible, il y a des
tensions inflationnistes ».
. « L’économie est en surchauffe, il y a des tensions inflationnistes »
Cela sous-entend qu’il y aurait un lien entre activité économique et chômage, d’une part, et inflation
d’autre part.

Croissance économique et niveau de chômage : relation ?


L’idée de la présence éventuelle d’une relation entre croissance économique et niveau de chômage
est récente, au regard de l’histoire de la science économique. En rappel, jusqu’à l’école néoclassique,
le chômage était en effet considéré comme frictionnel et/ou volontaire et, dans tous les cas,
indépendant de la conjoncture économique.
Pour les classiques, puis les néoclassiques (avec leur corpus mathématique plus riche), le marché du
travail est un marché comme un autre, dont l’équilibre est déterminé par ajustement de l’offre et de
la demande de travail via la variation du salaire (qui est donc le prix du travail).

89
Rappelez-vous aussi que sur le marché du travail on avait :

● OL = offre qui est formulée par les travailleurs : ils offrent leur service L

● DL = demande qui est formulée par les entreprises : elles demandent du service L
Côté offre, les agents économiques font un arbitrage entre travail (qui est rémunéré, mais procure une
désutilité) et loisirs : plus le salaire proposé est élevé, plus ils sont prêts à consentir à renoncer aux
loisirs pour subir la désutilité de l’effort.
Côté demande, la demande de travail par les entreprises est décroissante du niveau de salaire. Pour
s’en convaincre, il est nécessaire de rappeler que :
● L’entreprise cherche à maximiser son profit
● Nous sommes dans un univers parfaitement concurrentiel
● Les agents économiques sont rationnels, et raisonnent à la marge : pour chaque « quantité »
supplémentaire, ils l’adoptent uniquement si Bm > Cm
● Au-delà d’un certain seuil, les rendements d’échelle sont décroissants : ceteris paribus, ajouter
toujours un travailleur de plus augmente la production totale, mais de moins en moins vite.
Autrement dit, la production marginale est décroissante.
Dès lors, chaque travailleur supplémentaire rapporte de moins en moins à la firme car :
● Sa productivité marginale (la quantité de production supplémentaire qu’il amène) est
décroissante (et ce, indépendamment du travailleur : même s’ils sont tous identiques, le
travailleur marginal est moins productif !)
● Lorsque davantage de B/S sont offerts sur un marché, le prix de vente diminue
=> moindre hausse marginale de la production et diminution du prix de vente unitaire
=> Le produit marginal de chaque travailleur supplémentaire est décroissant pour l’entreprise !
Pour les néoclassiques, la présence de « chômage involontaire » peut uniquement s’expliquer par des
entraves (réglementaires) au marché, ou à des imperfections du marché (structure trop éloignée de la
CPP).
Parmi les entraves réglementaires, nous trouvons bien entendu l’instauration d’un salaire minimum,
qui agit comme un prix plancher sur le marché du travail
Nous remarquerons enfin que, dans la théorie néoclassique, la présence d’un équilibre sur le marché
du travail (équilibre non entravé, sans chômage involontaire) est indépendante de la conjoncture
économique : que l’activité économique soit en expansion ou en récession, peu importe ! Le salaire
varie de sorte à ajuster offre et demande de travail, et le chômage (ou plutôt l’inactivité) est
nécessairement volontaire (résultant d’un arbitrage entre travail/effort rémunéré et oisiveté non
rémunérée). Il n’en sera pas de même dans la théorie keynésienne…

90
La notion de « chômage involontaire » telle qu’entendue par les néoclassiques est différente de la
notion de chômage involontaire plus traditionnellement entendue au sens des keynésiens. Rappelez-
vous que, suite à la crise des années 1930, John Maynard Keynes a développé une nouvelle théorie
(macro)économique (publiée en 1936 dans Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie) dans laquelle la dynamique économique est insufflée par la demande globale.
Contrairement aux classiques et néoclassiques, Keynes ne pense pas que le marché du travail est un
marché comme les autres, qui s’équilibre (via la variation du salaire) quel que soit le niveau d’activité
économique. Rappelons brièvement l’idée générale de sa théorie.

L’idée maîtresse de la théorie keynésienne est simple : le niveau de production globale dépend du
niveau de la demande globale. Lorsque les ménages consomment plus, les entreprises se mettent à
produire davantage et embauchent (idem pour les commandes d’investissement des entreprises), et
inversement : si les ménages réduisent leur consommation, les carnets de commande se vident et les
entreprises réduisent leur production voire licencient.
Rappelons que la consommation dépend du revenu disponible, c’est-à-dire de la richesse nationale
qui a été redistribuée aux ménages, après impôts. Elle dépend donc du niveau de production de
richesse créé antérieurement. Quant aux impôts, rappelons qu’ils sont un transfert des ménages vers
l’Etat, qui aura lui aussi des dépenses de consommations qui augmenteront la DG.
Le niveau d’investissement des entreprises dépend notamment du taux d’intérêt (qui résulte de la
politique monétaire), à partir duquel les entreprises arbitrent entre emprunter pour investir (et avoir
un rendement de leur investissement productif) ou placer (pour être rémunéré au taux d’intérêt). Nous
avons vu que la politique monétaire peut stimuler l’investissement via une baisse du taux d’intérêt
(permise par une hausse de l’offre de monnaie).
La théorie keynésienne fait l’hypothèse qu’il existe, dans chaque pays, un niveau maximal de
production (le niveau « naturel » de production) pour lequel le pays est en situation de plein emploi :
c’est le revenu national de plein emploi. A partir de là, si le niveau de production est plus faible alors
l’ensemble du facteur travail n’est pas utilisé et il en résulte du chômage (involontaire).
La détermination du niveau de production par rapport à ce niveau de plein emploi dépend uniquement
du niveau de la DG : si celle-ci est insuffisante, alors les entreprises l’anticiperont et planifieront un
faible niveau de production. Le niveau d’embauche sera faible… et, au niveau macroéconomique, la
somme des embauches peut être telle qu’il en résulte un chômage qui sera dit involontaire (appelé
chômage conjoncturel).
Ainsi, deux enseignements majeurs opposent Keynes aux classiques et néoclassiques :
 Le niveau d’emploi n’est pas déterminé par l’équilibre du marché du travail mais par les
anticipations des entreprises sur le niveau de la demande globale ;
91
 La demande globale peut être insuffisante pour engendrer une production globale assurant le
plein emploi et cette déficience résulte principalement de la faiblesse de l’investissement des
entreprises.

Ainsi, d’après les keynésiens, si l’économie de marché ne peut spontanément garantir le plein emploi,
une intervention extérieure au marché est nécessaire : l’Etat doit mener une politique
macroéconomique destinée à pallier le trop faible volume d’emploi spontanément créé. Comme nous
l’avons vu précédemment, cette politique peut se faire via l’outil budgétaire ou l’outil de création
monétaire.
La théorie keynésienne remet donc en cause la croyance classique dans les capacités d’ajustement
automatique d’une économie de marché.
Au-delà de ce bref aperçu, la théorie keynésienne suppose donc un lien entre niveau de production /
d’activité économique, et niveau d’emploi (ou, de chômage). Empiriquement, ce lien a été observé,
pour aboutir à ce que l’on appelle la « loi d’Okun ». Prenons l’exemple pour un pays de l’OCDE.

Graphique n°12 : Chômage et croissance économique, 1970 – 2008

Sur ce graphique, chaque point représente une année.


La coordonnée du point indique la variation (en %) du PIB par rapport à l’année précédente, en
abscisses, ainsi que la variation du taux chômage (par rapport à l’année précédente), en ordonnées.
Ex : le point le plus en bas signifie que, cette année-là, le taux de croissance était de 4%, et
que le chômage a alors diminué de 1,5 points (ex : tx de 5% -> 3,5%)

Ainsi, en recensant les données de plusieurs années, il est possible de décrire une relation entre taux
92
de croissance du PIB, et variation du taux de chômage.
Dans le cas étudié, sur la période 1970-2008, la relation moyenne entre ces deux variables est :

ut  ut 1  0,155( g yt  3,37)

Ut – ut-1 = variation du taux de chômage entre 2 années


Gyt = taux de croissance du PIB l’année t (par rapport à l’année t-1), en %
-0,155 est appelé le « coefficient d’Okun ».

Pour information, cette relation a été construite à partir de la méthode des moindres carrés ordinaires.
Ainsi, la droite en pointillées (dite « droite de régression ») est celle qui minimise la somme des
distances au carré entre cette droite et chacun des points du nuage.
Exemples de lecture de la relation :
. Si la croissance est nulle, en moyenne le taux de chômage varie de :
(-0,155)*(0-3,37) = + 0,52 point.
Ex : varie de 9 à 9,52%
. Si la croissance est de 1%, en moyenne le taux de chômage varie de :
(-0,155)*(1-3,37) = + 0,36 point.
. Il faut une croissance supérieure à 3,37% pour réduire le taux de chômage.

Remarquons que plus le coefficient d’Okun est élevé, plus l’évolution du taux de chômage est
sensible à l’évolution de l’activité économique (tant à la hausse qu’à la baisse).
Pour le cas étudié, la période que nous avons retenue peut être décomposée en deux sous périodes :

 1961 – 1980 : ut  ut 1  0,17( g yt  3,)

🡺 Croissance nulle = +0,51 pt chômage


🡺 Croissance 1% = + 0,34 pt chômage
🡺 Croissance 2% = +0,17 pt chômage

 1980 – 2008 : ut  ut 1  0,3( g yt  2,3)

🡺 Croissance nulle = +0,69 pt chômage -> chômage augmente + vite


🡺 Croissance 1% = + 0,39 pt chômage
🡺 Croissance 2% = + 0,09 pt chômage -> chômage ralentit + vite

Remarque :

 Entre 1961 et 1980, il faut une croissance supérieure à 3% pour réduire le chômage
 Entre 1980 et 2008, il faut une croissance supérieure à 2,3% pour réduire le chômage.

93
Ceci est le signe que la croissance devient davantage le fait de la hausse de l’utilisation du facteur
travail que de l’accumulation du capital, ou du progrès technique.

La théorie keynésienne, et l’observation de la loi d’Okun, pourraient, de prime abord, nous suggérer
qu’il « suffit de » créer de l’activité économique pour réduire le chômage. Mais une analyse plus
détaillée va nous amener à constater que la lutte contre le chômage peut amener à des arbitrages,
devant faire l’objet de choix politiques (pas de solution évidente).

Inflation, chômage : faut-il choisir ?


Précédemment, nous avons vu comment politiques monétaires et/ou budgétaires expansionnistes
peuvent stimuler la demande globale, favorisant ainsi l’activité économique et, en vertu de la loi
d’Okun, permettant une éventuelle décrue du chômage.

Graphique n°13 : politique expansionniste = hausse de la production et du niveau des prix

Dans chaque cas, ces politiques expansionnistes entraînent une hausse de la DG -> se déplace vers
la droite, i.e. que, pour un niveau des prix donné, la demande est plus importante.

MAIS : à court terme, une telle hausse de la demande se fait nécessairement au prix d’un niveau
des prix plus élevé => inflation !

Etudions un peu plus en détails les liens entre activité, inflation et chômage.

En 1958 l’économiste A.W. Phillips décrivait pour la première fois une relation statistique négative
entre taux de croissance des salaires nominaux et taux de chômage, à partir de données britanniques
sur la période 1861-1957. Ceci signifie que, les années pendant lesquelles le taux de chômage observé
était faible étaient caractérisées par un taux de croissance élevé des salaires, et inversement à une
croissance plus faible des niveaux de salaires correspondait un taux de chômage plus important.

94
=> Corrélation négative entre niveau des salaires nominaux, et taux de chômage

Et, partant de là, il mit en avant une corrélation négative entre taux d’inflation et taux de chômage, le
taux d’inflation « suivant » la variation des salaires nominaux. Cette corrélation est illustrée par le
graphique suivant :

Graphique n°14 : courbe de Phillips originelle :


corrélation négative entre variation des salaires nominaux et taux de chômage

Variation des salaires


nominaux (%)

Taux de chômage (%)

L’explication fournie par Phillips est très simple :

Lorsque le chômage est faible, les entreprises ont plus de difficultés à recruter des salariés. Il en
résulte une pression à la hausse des salaires, puisque les entreprises se font concurrence pour recruter
de la main d’œuvre (les salariés allant au plus offrant). Il en va de même pour les salariés en place :
lorsque le chômage est faible, les salariés en place (les insiders) ont tendance à penser qu’il est plus
facile de retrouver du travail. Ils peuvent alors faire jouer la concurrence entre différentes entreprises ;
les entreprises devant alors relever les salaires pour conserver leurs meilleurs éléments.

A l’inverse, lorsque le chômage est plus important le « pouvoir de marché » est du côté des
entreprises : les salariés potentiels se font concurrence pour obtenir un emploi, ce qui pousse les
salaires à la baisse. En outre, les revendications salariales des insiders sont moins incisives : la peur
de perdre leur emploi (et de ne pas en retrouver ensuite) refreine les revendications, ce qui ne pousse
pas les salaires à la hausse.

Ainsi, plus le déséquilibre entre offre et demande de travail est important, plus les salaires nominaux
changent rapidement (si O > D, pouvoir de marché à la D : salaire baisse ; et inversement)

Mais il existe aussi un lien direct entre le rythme de variation des salaires et celui des prix.

Pour beaucoup d’entreprises, le coût du travail représente la plus grosse part des coûts de production.
Or, sur des marchés concurrentiels, les prix varient en fonction des coûts marginaux, et un
accroissement du salaire correspond à un accroissement du coût marginal de production.

95
Ex : beaucoup d’entreprises, au moins à CT, fixent leur prix en mettant une marge (dont l’ampleur
dépend du d° de concurrence : plus la concurrence est importante, moins la marge sera grande) par
rapport aux coûts de production -> prix = Cm + 10%

Donc : si le Cm augmente suite à une augmentation des salaires, alors les prix augmentent aussi. Pour
s’en convaincre (si besoin en est), on peut observer le graphique suivant issu d’une étude US de 2004 :

Graphique : variation du taux de salaire et du taux d’inflation aux USA, 1965 - 2004

Ainsi, il est tout à fait possible de modifier la courbe de Phillips originelle en remplaçant en ordonnées
la variation des salaires nominaux par la variation des prix. Ci-dessous, un exemple de deux courbes
de Phillips (avec inflation) pour les USA
Graphique : courbe de Phillips « modifiée »

DONC si on fait un petit bilan d’étape :

Politique expansionniste : on réduit le niveau de chômage en accroissant le niveau de production, via


une stimulation de DG

. Si Y effectif > Y potentiel,

. Réduction du chômage, en deçà de son « niveau naturel »


96
. MAIS cela résulte en des « tensions inflationnistes »

DONC : arbitrage inflation – chômage (à CT) car il ne faut pas négliger les méfaits de
l’inflation…

En effet la situation idéale serait un couple chômage faible ET inflation faible

Pourquoi faible inflation ??

Car inflation :

● Ampute le pouvoir d’achat

● Pénalise les offreurs de fonds (ampute les intérêts)

Ex :

. Au 1/1/11, je prête 1000 F au 1/1/11, à un taux de 2,5%. A cette date, je pouvais acheter mes
5 boissons préférés, à 200F chacun.

. Au 1/1/12, je récupère 1025 F. Est-ce que je pourrai m’acheter mes 5 albums et mes biscuits
favoris ??

Tout dépend de l’inflation !! Si elle a été de 2,5%, alors chaque album coûte maintenant 205F. Il me
faut 1020 F pour acheter les 5 boissons, il ne me reste plus rien pour mes biscuits !

=> Donc l’inflation « rogne » les intérêts !

=> Différence entre intérêts nominaux et intérêts réels (après déduction de l’inflation)

=> J’avais prêté à 2% nominal, mais le taux réel était de 0%...

RQ : à l’inverse :

● L’inflation favorise les emprunteurs, allégeant la charge des intérêts.

● L’inflation pénalise les exportateurs (hausse de leurs prix, moindre compétitivité)

=> En pénalisant les offreurs de fonds et les exportateurs, l’inflation peut nuire à l’activité, aux
investissements, …

MAIS ici, le choix entre inflation et chômage est un choix avant tout politique…

2. Politiques conjoncturelles : une efficacité mise en doute

L’efficacité des outils de régulation conjoncturelle font l’objet de critiques, et notamment la politique
budgétaire. Nous distinguerons deux types de critiques : des critiques sur leur efficacité intrinsèque
(i.e. efficacité en elles-mêmes, dans leur rôle de base en tant qu’outil de régulation à CT), et une
critique sur leur efficacité temporelle (inefficacité sur le LT).
97
Politiques conjoncturelles : une inefficacité intrinsèque (à CT) ?

Le recours aux dépenses publiques pour réguler l’activité conjoncturelle a été très en vogue suite aux
analyses de John Maynard Keynes (1936).

Mais à partir des années 1970-1980, alors que des périodes de « stagflation » sont apparues, plusieurs
critiques ont été formulées, notamment à l’égard de la politique budgétaire.

Tout d’abord, si l’efficacité de la politique budgétaire dépend de son effet multiplicateur (qui dépend
lui-même de la propension marginale à consommer), il faut savoir que la mise en place de dépenses
publiques supplémentaires peut avoir un effet récessif : l’effet d’éviction.

(Critique 1)

Cet effet multiplicateur est atténué par un effet allant à contresens : l’effet d’éviction. Ce dernier peut
s’expliquer via deux canaux :

1/ la hausse de la DG (issue de la « relance ») se traduit par une hausse de la demande de


monnaie. Si l’offre de monnaie reste constante, cela se traduit par une hausse du taux d’intérêt, venant
renchérir le coût du crédit, diminuant alors la consommation et l’investissement.

2/ L’utilisation de fonds publics, financés sur la capacité d’épargne nationale (éco fermée), va
réduire l’offre de capitaux disponibles pour financer les investissements privés : il en résultera une
hausse du taux d’intérêt, venant renchérir le coût du crédit, diminuant alors la consommation et
l’investissement.

Ainsi, le véritable effet de la politique budgétaire est alors la somme de l’effet multiplicateur, et de
l’effet d’éviction.

Graphique : effet d’une politique budgétaire expansionniste sur la DG : décomposition de l’effet


multiplicateur et de l’effet d’éviction.

La hausse de la demande globale entraîne un accroissement du besoin en monnaie : cette hausse de


la demande de monnaie entraîne un accroissement du taux d’intérêt (O fixe de monnaie)

98
L’effet total est représenté par la flèche rouge

Une deuxième limite à l’efficacité d’une politique budgétaire expansionniste a été formulée par
Robert Barro en 1974, reprenant une intuition développée par David Ricardo (XIXème).

Cette théorie initiale, dite « théorie de l’équivalence ricardienne », a été reprise par Barro pour devenir
le « principe de Ricardo-Barro ». Ce principe peut être résumé comme suit.

(critique 2)

Pour Ricardo, il y a équivalence entre le financement public par emprunt/dette, et le financement par
impôt : en effet, que les particuliers paient contraints et forcés un impôt ou qu'ils souscrivent un
emprunt attirés par la perspective du versement d'un intérêt, ils transfèrent en tout état de cause une
partie de leurs ressources à l'Etat, dont le rôle se limite à dépenser ce qu'il leur a pris. Ricardo montrera
que cela peut avoir pour effet de concentrer les fortunes / creuser les inégalités entre les pauvres (dont
les impôts futurs serviront à payer les intérêts de la dette de l’Etat) et les créanciers (qui recevront les
intérêts de leur placement auprès de l’Etat).

Du point de vue de l’efficacité macroéconomique, la critique de Barro est la suivante : lorsque l’état
emprunte pour financer les dépenses publiques, les ménages anticipent qu’il faudra, un jour,
augmenter les impôts pour rembourser cet emprunt. Dès lors, anticipant cela, les ménages vont
accroître leur épargne pour être capable de faire face, en temps voulu, à la hausse d’imposition, et
maintenir ainsi un niveau de consommation constant / lissé dans le futur.

Ainsi :

● Emprunt -> hausse des dépenses publiques -> éventuel effet multi, hausse DG

● Emprunt -> anticipation hausse impôts dans le futur -> hausse de l’épargne -> baisse conso
-> baisse DG

99
L’idée est que les deux effets se compensent, d’où une neutralité macroéconomique des dépenses
publiques.

(attention : pas inutiles pour autant !! Les dépenses de l’Etat servent à financer des fonctions
indispensables au fonctionnement de l’économie : justice (pour droits de propriété notamment),
régulation des effets externes, biens publics (qui ne seraient pas financés sinon)

(Voir Principe d’économie 1)

Bien entendu, pour rebondir sur la critique de Ricardo-Barro, nous pouvons à aussi évoquer les limites
de la politique budgétaire en termes de crédibilité des pouvoirs publics la menant, et la limite à son
application dans un contexte mondialisé.

● Crédibilité : pour reprendre, dans un autre contexte, l’idée du principe de Ricardo-Barro, une
politique budgétaire menée dans un pays « trop » endetté peut être considérée comme non
crédible, et son efficacité peut être réduite.

● L’idée est la suivante : toute dette doit être remboursée. Le remboursement de la dette
publique ne peut se faire qu’au travers de recettes publiques supplémentaires (donc d’impôts
supplémentaires). Lorsque l’Etat finance de nouvelles dépenses par emprunt, si le montant de
la dette est trop important les agents peuvent anticiper que cet emprunt devra être remboursé
rapidement, et vont anticiper une hausse rapide des impôts. Ils vont alors épargner afin d’être
en mesure de payer ces impôts futurs : ils réduisent leur consommation, et la relance est
stoppée.

● Prise en compte du contexte international : pour être efficace au niveau national, la dépense
doit être effectuée auprès des producteurs nationaux : si les consommateurs se tournent vers
des produits étrangers, l’ « effet boule de neige » s’effectuera à l’étranger.. d’où, en contexte
internationalisé, la nécessité de coordonner les politiques budgétaires (expansionnistes) entre
pays ayant des relations commerciales intenses (afin d’avoir des effets croisés).

Enfin, la crise récente a révélé (ou plutôt confirmé) les difficultés liées au calcul du multiplicateur
budgétaire (la propension marginale à consommer), fondateur même de l’efficacité de la politique
budgétaire.

(critique 3)

D’après des études récentes (Alan Auerbach et Yuriy Gorodnichenko, Univ. Berkeley, 2012 ; Olivier
Blanchard et Daniel Leigh, IMF, 2013), il semblerait que le multiplicateur budgétaire varie dans le
temps et dans l’espace. Notamment, celui-ci serait plus élevé en période de récession qu’en période
« normale ». Cela va donc dans le sens d’une efficacité accrue des politiques budgétaires

100
expansionnistes en période de crise ; ça va dans le bon sens. Mais à l’opposé, et pour reprendre ici un
exemple d’actualité, lorsque des politiques budgétaires restrictives sont menées en période de crise,
l’effet récessif de ces politiques restrictives s’en trouve accru.

Il ne faut pas oublier en effet que le multiplicateur « joue dans les deux sens » ! Si un multiplicateur
de 4 (qui correspondrait à une PmC de 0,75) a pour effet qu’une hausse de 1F des dépenses publiques
se traduit par un accroissement de 4 de la DG (hors éventuel effet d’éviction), il est également vrai
qu’une baisse de 1F des dépenses publiques entraîne une diminution de 4 de la DG…

Ainsi, les préconisations de politiques budgétaires doivent faire l’objet des plus grandes prises de
précaution, et être formulées au cas par cas, selon le pays et la période dans le cycle économique.

Alors que nous venons de montrer quelques limites à la mise en œuvre de politiques budgétaires, la
politique monétaire n’est pas en reste ! L’une des principales limites à son application réside dans
l’éventuelle présence d’une trappe à liquidités.

(critique 4)

C’est simplement le fait de prendre en compte que le taux d’intérêt est borné vers le bas ! Il ne peut
pas descendre en dessous de zéro !! Mécaniquement, cette borne vers le bas entraîne une limite dans
l’application de la politique monétaire : on ne peut pas toujours réduire le taux d’intérêt (via une
hausse de l’offre de monnaie) pour stimuler l’investissement, la DG.

C’est alors le niveau des prix qui peut jouer comme variable d’ajustement sur l’équilibre en O et D
de monnaie : si l’offre de monnaie augmente de trop, le « trop » de monnaie en circulation va entraîner
une « dépréciation » de celle-ci qui se traduit par une hausse du niveau des prix : l’inflation permet
« d’écouler le trop plein » de monnaie en circulation…

Ainsi : il est nécessaire, lorsque l’activité économique reprend un cycle de croissance, de réduire la
masse de monnaie en circulation pour éviter l’inflation et faire remonter le taux d’intérêt (pour
pouvoir se permettre de le rebaisser dans le futur lorsque l’activité ralentira de nouveau).

Politiques conjoncturelles : une inutilité sur le long terme ?

Sur le graphique précédent (n°), nous pouvons constater que la courbe de Phillips peut se déplacer au
cours du temps : les années 1970 – 1980 (crises suite aux chocs pétroliers) sont associées à des taux
d’inflation et de chômage plus élevés.

Y aurait-il donc une instabilité de la courbe de Phillips dans le temps ??? Cette loi liant inflation à
chômage serait-elle instable ? Au-delà de cette instabilité, son existence même pourrait-elle être
remise en cause ??

Afin de bien comprendre cette instabilité dans la relation inflation – chômage, il est nécessaire revenir
101
à la notion de chômage naturel (que l’on distinguera ensuite du chômage cyclique).

Il faut comprendre que le « chômage zéro » ne peut pas exister. En effet :

Tout salarié ne peut pas occuper tout type d’emploi. Ainsi il est possible, selon la distribution des
compétences et les demandes des secteurs, avoir des mécaniciens au chômage et une pénurie
d’informaticiens. (importance de l’adéquation formation – besoins)

-> Chômage structurel (+ disparités régionales)

Lorsqu’un salarié change d’emploi, ou arrive sur le marché du travail, il passe nécessairement par la
case chômage (le temps que l’appariement OL – DL se fasse) : c’est le chômage frictionnel.

Chômage structurel + chômage frictionnel = chômage NATUREL

Ainsi, même lorsque l’économie produit à pleine capacité de production, le « plein emploi » est
associé à un taux de chômage supérieur à 0, correspond à ce taux chômage naturel (qui varie selon
les pays, en fonction notamment de la bonne adéquation formations – emplois, de la viscosité du
marché du travail,…)

Chômage naturel = chômage au plein emploi

Et cette notion de « plein emploi » des facteurs de production (étant la qualité du marché du L à plus
ou moins rapidement allouer OL à DL) est associé à la notion de « produit potentiel ».

Le « produit potentiel », appelé aussi niveau de production naturel, est le niveau de production
« max » lorsque le max de facteurs de production est employé. C’est donc le niveau de production
que l’on peut atteindre sur du MT-LT (et à TLT le produit potentiel peut augmenter sous l’effet du
progrès technique

Au-delà de ce chômage naturel (qui est incompressible, du moins à CT), une autre source de chômage
peut s’ajouter à CT : le chômage cyclique. Celui-ci peut être positif (et donc s’ajouter au chômage
naturel), ou négatif (se soustrayant un chômage naturel).

Le chômage cyclique est celui qui résulte de l’écart entre le produit national effectif et le produit
national potentiel. Ainsi lorsque :

. Produit effectif < produit potentiel :

. tous les facteurs ne sont pas employés,

. OL > DL,

. chômage total > chômage naturel (chômage cyclique > 0)

. pression à la baisse sur les salaires.

102
Et inversement..

. Produit effectif > produit potentiel :

. tous les facteurs sont employés,

. OL < DL,

. chômage total < chômage naturel (chômage cyclique < 0)

. pression à la hausse sur les salaires.

NB : c’est donc la notion de chômage cyclique qui est importante pour définir les « tensions
inflationnistes » dans un pays, et non le chômage total.

● Pour un même taux de chômage, un pays peut avoir des « tensions inflationnistes » (chômage
cyclique < 0) et un autre non, du fait d’un taux de chômage naturel différent (si tx naturel plus
gd dans 1er pays que dans le 2nd)

Ex BFA – CIV

. BFA : tx nat à 7%

. CIV : tx nat à 4% Si 6% partout, BFA est inflat°, CIV non

MAIS : mis à part les aléas conjoncturels / cycliques à court terme, le taux de chômage « tendanciel »
de LT est déterminé par des facteurs structurels (« qualité » du marché du L,..) qui amènent à un taux
de chômage dit naturel.

ET : ce taux de chômage est INDEPENDENT du niveau d’inflation !

Dès lors, « deux courbes » de Phillips peuvent être distinguées selon l’horizon temporel :

Graphique : courbe de Phillips de CT : un ajustement de l’inflation par rapport à une «


situation naturelle » de LT

103
A long terme, le niveau de PIB dépend uniquement de facteurs technologiques, tels que la capacité à
apprivoiser le progrès technique (Solow, 1956). Pour un état technologique donné, lorsque tous les
facteurs de production sont employés on peut déterminer le produit naturel (auquel correspond un
taux de chômage naturel, qui dépend de la « qualité » de marché du L,…). Ce niveau de production
naturel, indépendant du taux d’inflation, est ici représenté par YN.

A court terme, il est possible que le niveau de production soit en dessous ou au-dessus de ce niveau
de production naturel. Prenons l’exemple d’un niveau de production au-dessus du niveau naturel. La
demande de travail excède l’offre, le chômage baisse en dessous du niveau naturel, menant à une
hausse des salaires, qui elle-même abouti à des tensions inflationnistes puisque cette hausse des coûts
de production va être répercutée sur les prix. Plus le produit effectif sera élevé par rapport au produit
potentiel, plus le marché du travail sera déséquilibré, la hausse des salaires importante, et l’inflation
de même.

A l’inverse, si le niveau de production est en deçà du produit potentiel, l’ensemble des travailleurs ne
sera pas employé : OL > DL, il y a une hausse du chômage au-delà du niveau naturel, ce qui pousse
le niveau des salaires à la baisse, et de même pour le niveau des prix (par le jeu de la concurrence sur
les marchés).

La logique : l’inflation observée à un instant donné (donc à CT) est un ajustement, à la hausse ou à la
baisse, par rapport à un niveau « naturel » associé au produit naturel. Cet ajustement se fait à la hausse
si le produit effectif est supérieur au produit naturel, et à la baisse si le produit effectif est inférieur
au produit naturel.

MAIS : si cette « courbe d’ajustement de l’inflation », à partir de laquelle se dessine la courbe de


Phillips, est restée stable jusqu’aux années 1960, nous avons constaté que la courbe de Phillips s’est
déplacée ensuite dans les années 1970-1980.

Pourquoi une telle instabilité ??

La réponse est simple : le chômage cyclique n’est pas le seul déterminant du niveau d’inflation à court
terme. Les ANTICIPATIONS des agents économiques quant au niveau d’inflation futur ont aussi
un rôle déterminant.

Dans le graphique, on a décrit l’ajustement de l’inflation par rapport à la différence entre produit
effectif et produit potentiel pour une anticipation donnée du niveau futur d’inflation.

MAIS si cette anticipation change, cette relation peut être bouleversée…

Cependant, là encore, la relation n’est pas directe (entre Y et inflation) et doit passer par la
détermination des niveaux de salaires…

104
D’après la théorie keynésienne, le niveau des salaires est relativement rigide à CT puisque l’évolution
des salaires est fixée par convention collective pluriannuelle (faisant l’objet d’une négociation
préalable entre patronat et syndicat)

Graphique n°20 : dynamique d’ajustement de l’inflation, avec prise en compte des anticipations

Reprenons la dynamique d’évolution des salaires par rapport aux anticipations d’inflation.

Partons d’une situation où le niveau des prix a été stable pendant longtemps (inflation nulle – 1ère
courbe sur le graph)… les salariés, se référant essentiellement à leur expérience passée (anticipations
adaptatives), peuvent anticiper une stabilité des prix à l’avenir.

MAIS : supposons ensuite que le gouvernement décide de mettre en place une politique
expansionniste, de sorte que le niveau du produit effectif dépasse le niveau de produit potentiel. Cela
mène à une situation de « tensions inflationnistes » de sorte que le niveau d’inflation effectif
augmente en P1.

CSQ : étant donné que les salariés ont fait face à une inflation effective plus grande que celle
anticipée, ils « rectifieront le tir » lors des prochaines négociations salariales et intégreront cette
hausse du rythme de l’inflation : ils vont négocier une augmentation accrue des salaires.

Nouvelle courbe décalée du niveau P1, qui est « intégré / comme acquis » par les salariés

SI l’Etat continue sa politique et maintient un niveau de produit effectif supérieur au niveau de produit
potentiel, alors…

-> Négociations salariales : elles intégreront la nouvelle inflation anticipée révisée à P1

-> Cela aura des répercussions sur le « niveau de base » des salaires

-> MAIS EN PLUS les tensions, qui continuent, sur le marché du L vont entraîner une hausse
encore plus importante des nouveaux salaires.. donc hausse des coûts de prod.. hausse des prix

105
=> Au final : l’inflation sera de P2

=> Cela sera intégré par les salariés lors des négociations futures…

…et ainsi de suite tant que cette politique sera maintenue…

Ce comportement d’anticipation est un corollaire de ce que économistes appellent l’absence


d’illusion monétaire.

En effet, pour que la courbe de Phillips soit vérifiée A LONG TERME, il faudrait que les agents
soient victimes d’une illusion monétaire, i.e. ne voient pas les effets de l’inflation sur la réduction de
leur PA. Or, ceci peut être vrai à CT, mais pas à LT.

CSQ ??

Regardons de plus près l’influence de la présence d’une illusion monétaire sur la corrélation négative
que l’on observe (à CT) entre inflation et chômage :

Reprenons le raisonnement, à partir du modèle OG/DG:

1/ Politique expansionniste (hausse salaires / smic)

=> hausse DG (consommation) -> Prod plus importante -> baisse chômage

Ensuite : la hausse DG => entraîne hausse des prix

Voilà, à (très) court terme, lorsque les agents sont frappés d’illusion monétaire (i.e. ne voient pas
l’effet de l’inflation sur la baisse de leur PA)

MAIS à plus long terme, voici ce qu’il se passe ensuite :

2/ ENSUITE : face à la hausse des prix => observation inflation plus grande

=> Si la hausse des prix est plus forte que prévue, il y a alors une baisse du pouvoir d’achat

-> Contexte négociation annuelle de l’évolution des salaires : si on anticipait 2% d’inflation, qu’on
a négocié +2,5% de hausse des salaires (hausse PA) et que, finalement, l’inflation est de 5%, on a
alors une baisse du PA

Observation inflation importante => ANTICIPE inflation plus élevée ensuite

=> Evolution future des salaires renégociée à la hausse

=> Salaire réel (re)-augmente

=> Offre se restreint, les prix augmentent pour compenser la D excédentaire

Ainsi, pour que la politique expansionniste se traduise par une hausse DURABLE de la production,
il faudrait que les agents soient victimes d’illusion monétaire, i.e. ne constatent pas la hausse des
106
prix, ne raisonnent pas en termes de salaire réel mais en terme de salaire nominal.

Dans ce cas, si les agents étaient frappés d’illusion monétaire :

. Salaire nominal augmente -> hausse de la conso

. Prix augmentent + vite que les salaires => BAISSE DU SALAIRE REEL (non constatée
par les conso)

-> Baisse des coûts de production -> Offre pourrait s’accroître

MAIS, en réalité, à moyen-long terme, les agents considèrent leur salaire REEL : ils observent
l’inflation

=> La hausse du PA était que temporaire (hausse de la conso non durable : moindre DG)

=> Pour maintenir le PA :

-> Négociation pour accélérer hausse salaires

-> Hausse des prix + maintien du salaire réel (au niveau initial)

-> Coûts de production restent aussi élevés qu’auparavant : offre inchangée

Donc : au final => DG et OG inchangées, mais PRIX PLUS ELEVES !

C’est la grande critiques des économistes monétaristes (Milton Friedman, Robert Lucas) : à LT, les
politiques expansionnistes ne changent en rien le niveau de production (qui retourne au niveau naturel
/ potentiel), mais elles entraînent une inflation plus importante…

DONC : si on récapitule :

● Lorsque le produit effectif est supérieur au produit potentiel (suite à politique expans°)

(ou, dit autrement, lorsque le tx de chômage est < au tx chômage naturel)

● le taux d’inflation augmente d’une période sur l’autre (inflation s’accèlère !)

Car : 2 effets :

● tensions sur le marché du travail exerce des pressions à la hausse sur les salaires

● « effet de cliquet » : les salariés intègrent pour acquis la hausse passée du niveau des prix (ils
sont capables de le faire car ils ne sont pas atteints d’illusion monétaire), et la répercute sur
les négociations suivantes

107
BILAN D’ETAPE :

● Toute politique expansionniste maintenant le niveau de produit effectif au dessus du niveau


de produit potentiel (ou maintenant le chômage en dessous du chômage naturel) amène à une
accélération de l’inflation.

● Une économie ne peut avoir un niveau de chômage en deçà de son niveau naturel (qui dépend
de paramètres structurels tel que la « qualité » du marché du L, l’adéquation formations-
emplois,…) sans être confrontée à une inflation en augmentation constante.

● Corollaire : les politiques macro ne doivent pas être utilisées pour maintenir constamment le
tx de chômage en dessous de son niveau naturel (ou, similairement, le niveau de produit au
dessus de son niveau naturel), car il s’ensuit une accélération de l’inflation alors que, dès que
la politique expansionniste sera retirée, le chômage retournera à son niveau naturel.

DONC : la question de politique éco / l’arbitrage est :

« est-ce qu’une baisse temporaire du chômage vaut la hausse de l’inflation ?? »

Au-delà de ces questions normatives, une question d’application pratique se pose : à partir de quand
une politique conjoncturelle est-elle « abusivement » expansionniste ?

Répondre à cette question nécessite de déterminer le niveau de produit potentiel et/ou le taux de
chômage naturel.

OR : le niveau de chômage naturel / niveau de production potentiel peut varier au cours du temps,
notamment du fait de ce que l’on qualifie de « chocs inflationnistes ».

En réalité, ce sont des chocs extérieurs / exogènes qui vont augmenter le taux d’inflation toutes choses
étant égales par ailleurs ; et ainsi perturber la relation produit/chômage – inflation.

L’exemple des chocs pétroliers des années 1970 est très typique.

En 1973, puis en 1979, le prix du pétrole a explosé suite à différents conflits entre Israël et les pays
arabes. Or, le pétrole est une matière première entrant dans la composition de nombreux B/S, de sorte
qu’une hausse du prix du pétrole va entraîner une hausse des coûts de production, et ce
indépendamment de toute variation des salaires.

En bref, la hausse du prix du pétrole entraîne une hausse des coûts de production, se répercutant
ensuite sur le niveau des prix. Ainsi, la relation entre salaires et niveau général des prix (donc
inflation) a été perturbée

De ce fait, toutes choses étant égales par ailleurs, l’inflation a été plus importante. Et notamment,
pour un niveau de salaire et un niveau de production donné, l’inflation s’est accrue. Par voie de
108
conséquence, la courbe de Phillips se déplace

Graphique n°21a : choc d’inflation : déplacement de la courbe de Phillips (modifiée)

Ce constat peut également être établi à partir du modèle OG/DG : la hausse du prix du pétrole entraîne
une hausse des coûts de production, réduisant l’offre globale pour un niveau de prix donné, ce qui
conduit à une situation récessive par l’offre : baisse de Y, qui vient accentuer la hausse de P initiale
(provoquée par la hausse des coûts de production).
C’est donc une situation de stagflation.

Graphique n° : choc d’inflation, en provenance d’une baisse de OG

Prix OG2
OG1

DG

3 Conclusion : les politiques macroéconomiques, ou l’importance de l’horizon temporel

Il existe de nombreuses sources de désaccords entre économiques, et certains peuvent être dus à des
conceptions différentes des politiques en termes d’horizon temporel.

Si tous s’accordent à vouloir maximiser le « bonheur » social (nous avons considéré que ce bonheur
est corrélé au niveau de richesse par tête, mais ceci peut se débattre, et représente une autre source
intarissable de querelles !), les prescriptions de politique économique pour parvenir à cette fin peuvent
varier, et notamment varier en fonction de l’horizon temporel retenu.
109
A court terme, il est reconnu que prix et salaires peuvent être visqueux, longs à s’ajuster. En
conséquence, l’équilibre entre offre et demande globale peut dévier.

En cas de récession, que celle-ci soit due à une diminution de DG ou de OG, il peut être prescrit de
mettre en place une politique de relance budgétaire : hausse des salaires minimums, hausse des
prestations sociales, baisse des impôts,… Ceci entraînera un accroissement des déficits publics, mais
il peut être attendu que la relance de l’activité, amenant à des recettes fiscales plus importantes, pourra
au moins partiellement compenser ce déficit.

A moyen terme, le jeu de l’ajustement des anticipations peut tempérer ce raisonnement : face au
constat d’une inflation plus forte, les salaires vont s’ajuster à la hausse, renforçant le niveau élevé des
prix, et la hausse des salaires réels va restreindre l’offre, qui retournera vers son niveau de long terme.
D’une combinaison « production et inflation plus élevées », nous arrivons désormais à seulement
« inflation plus élevée », ce qui moins enviable.

A long terme, si les déficits publics deviennent récurrents (suite à une volonté de maintenir
durablement le niveau de production au-delà du niveau « naturel », via des politiques de stimulation
de la demande), c’est notamment l’épargne privée (cas d’une économie fermée, considéré ici) qui
devra compenser le déficit public pour maintenir le nécessaire équilibre comptable. Cette demande
perpétuelle de prêts de fonds par l’Etat va réduire l’épargne disponible pour les investissements
productifs (et le taux d’intérêt va s’accroître, ralentissant encore cet investissement). Le processus
d’accumulation du capital peut s’en trouver restreint, limitant les capacités de production de richesse.
Dès lors, à long terme, la stimulation constante de la demande pour maintenir l’activité économique
à un niveau élevé peut se faire au détriment des capacités de production à long terme, et s’avérer
néfaste.

Ici, à travers cette illustration autour de la politique de relance budgétaire, nous voyons une fois de
plus que la science économique est une science de l’arbitrage, avec ici un arbitrage entre le
« bonheur » de court terme, et celui de long terme.

Néanmoins, nous savons aussi que notre capacité à générer de la richesse à long terme dépend de
notre capacité à produire et utiliser le progrès technique. Or, le processus de création et de diffusion
des connaissances scientifiques et techniques est complexe, et ses déterminants fondamentaux sont
au cœur des recherches actuelles.

Notamment, la stimulation de ce processus peut aller au-delà de l’arbitrage que nous avons
mentionné : s’il est nécessaire que l’épargne soit suffisante et finance l’investissement productif
(privé), il est également nécessaire que l’Etat prenne en charge certaines dépenses nécessaires à la
production de connaissances et de progrès, comme le financement de certaines recherches

110
fondamentales ou de grandes infrastructures publiques, que seule l’initiative privée n’aurait intérêt à
financer (rappel du problème de financement des biens collectifs – Etat pour palier les défaillances
de marché). Dans ce dernier exemple (infrastructures), la politique étatique peut se justifier tant par
la relance de court terme, que par les effets productifs à long terme.

Au final, sans même parler de la définition de l’objectif que la Société cherche à atteindre (richesse,
équité,…), le moyen d’atteindre l’objectif simple que nous avons défini (maximisation de la richesse
par tête) peut se discuter. C’est en cela qu’il ne faut pas oublier que la science économique, bien que
science (avec sa méthodologie, sa rigueur,…), est une science sociale évoluant avec le
fonctionnement de la société : son objectif évolue avec les aspirations de la Société, les moyens de
l’atteindre évoluent avec les institutions, la psychologie des individus, leur histoire,… ; les
« mécanismes / propriétés » qu’elle révèle ne sont pas intangibles dans le temps, ni dans l’espace.

111
PARTIE IV : QUESTIONS MACROÉCONOMIQUES

Cette partie s’intéresse aux questions macroéconomiques et analyse :

 Les problèmes économiques des régions les plus pauvres du monde accueillant près des trois
quarts de la population mondiale : les pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ainsi que la plus-
part des pays d’Asie d’une part ;
 L’intégration économique entre les pays d’autre part : Pourquoi les pays se regroupent ils pour
commercer plus librement en eux ?

Elle est donc composée de deux chapitres que sont :

Chapitre 8 : Les problèmes économiques dans les pays en développement (PED)

Chapitre 9 : L’intégration économique

112
Chapitre 8. Les problèmes dans les pays en développement
Comme le remarquait Théodore Schultz en recevant son prix Nobel d’économie en 1979 : « La
plupart des gens dans le monde sont pauvres. Donc, si l’on connaissait l’économie de pauvreté, nous
saurions ce qui compte vraiment en économie. »

La première section traitera de la nature et de l’étendue de la pauvreté dans le monde, ainsi que des
moyens par lesquels on peut la mesurer. Nous étudierons ensuite les relations commerciales existant
entre les pays industrialisés. Comme nous le verrons, le développement des pays pauvres dépend de
manière aigue des relations qu’ils entretiennent avec les pays riches.

Enfin, la troisième section se concentrera sur quelques-uns des problèmes internes auxquels font face
les pays en développement, comme l’utilisation de technologies inappropriées, l’augmentation du
chômage a encore le manque de mise en valeur de l’agriculture, sans oublier le problème de la dette.

1. Le sous-développement : de quoi parle-t-on

Pour caractériser ce qu’est le sous-développement, nous allons d’abord tracer à grands traits les
différences entre les pays riches et pays pauvres avant de présenter les principaux critères permettant
de définir ce qu’est le développement.

1.1. La différence entre les pays riches et les pays pauvres

Une famille « normale » en Amérique du Nord, en Europe de l’Ouest, au Japon ou en Australie,


dispose généralement d’un confort appréciable : abondance de nourriture, logement avec électricité
et eau courante, des toilettes raccordées à un réseau d’assainissement, accès à des systèmes de soins
et éducatif à prix raisonnable, une grande variété de biens de consommation durable, des vacances,
etc. Il existe des pauvres dans les pays riches, mais ils ne sont qu’une minorité.

Dans la plupart des pays africains et dans une grande partie de l’Asie et de l’Amérique latine, la
situation est différente. La plupart des gens vivent dans la pauvreté. Pour eux, chaque jour est un
combat pour la survie. La richesse existe dans ces régions du monde, mais elle ne concerne qu’un
petit groupe de personnes. Dans ces pays, une grande proportion des habitants vit à la campagne. Ils
vivent en général dans une famille avec beaucoup d’enfants et travaillent sur une petite parcelle de
terre sans moyens financiers pour pouvoir investir dans des machines agricoles ou des engrains.
Compte tenu de la démographie, il y a de moins en moins de terre cultivables, lesquelles sont
transmises de génération en génération, sous forme de parcelles de plus en plus petites du fait du
grand nombre de descendants. Nombreux sont ceux qui sont forcés de vendre leur part.

113
D’autres vont dans les villes en forte croissance et espèrent y trouver un emploi. Cependant, leur
nombre est souvent plus important que celui des emplois disponibles, si bien que la proportion de
personnes au chômage croit inexorablement. Pour gagner leur vie, les gens vendent des marchandises
à la sauvette, travaillent comme saisonniers, domestiques ou cireurs de chaussures.

1.2. Que signifie le développement ?

Que recouvre exactement le terme « développement » ? il s’agit d’un concept, dont la définition
dépend de la vision que les économistes ont de la société.

1.2.1. Comment peut-on le définir le développement ?

Le développement peut être défini un ensemble de transformations structurelles qui accompagnent la


croissance économique. Il se manifeste par des changements démographiques (la diminution du
nombre d’enfants par femme, par exemple), économiques (l’industrialisation, la salarisation), sociales
(l’urbanisation, les changements dans les valeurs sociales et les comportements) et politiques
(l’avènement de régimes démocratiques). C’est un phénomène qualitatif de long terme.

En tant qu’objectif, le développement (appelé « développement humain ») se doit de satisfaire les


besoins fondamentaux des hommes, c’est-à-dire couvrir les besoins physiologiques, mais aussi ceux
comprenant une dimension culturelle (instruction, loisirs, etc.). Il doit également toucher l’ensemble
des populations et doit être compatible avec la sauvegarde de l’environnement ; dans ce cas, on parle
de développement durable ou soutenable.

1.2.2. Comment mesure t’on le développement ?

L’approche par les revenus

L’indicateur de développement le plus souvent utilisé est le PIB ou le PNB par habitant. Ils donnent
une estimation du niveau de vie d’une population, c’est-à-dire de la quantité de biens et de services
qu’un individu peut acquérir, produire lui-même (son autoconsommation) ou se procurer gratuitement
(services non marchands).

Le PIB ou le PNB par habitant permettent d’effectuer des comparaisons entre des pays de taille
différente et de les classer. Ils ne sont pourtant pas des indicateurs satisfaisants du niveau de
développement. En effet, ils constituent des moyennes qui masquent les inégalités au sein du pays
considéré.

L’approche par les besoins primaires

114
Une autre approche consiste à identifier les besoins primaires des individus en tant qu’êtres humains.
Les économistes ont ainsi identifié plusieurs exigences, parmi lesquelles :

 Une quantité de nourriture suffisante, un toit, la possibilité de se chauffer et de se revêtir ;

 L’accès au système scolaire ;

 La disponibilité d’un système de santé efficace ;

 La disponibilité d’emplois qui protègent la dignité des travailleurs ;

 Du temps libre de profiter de la vie en société ;

 La liberté de prendre ses propres décisions économiques ;

 La liberté de participer à la vie publique, quel que soit le niveau de participation


(gouvernement, collectivités territoriales ou locales).

Cependant cette démarche peut poser quatre problème majeurs :

 Le choix de ce qu’il faut inclure sur la liste des besoins fondamentaux. N’importe quelle
définition du développement économique engloberait le niveau de vie des gens d’un point de vue
matériel, mais faut-il y ajouter les facteurs politiques et sociaux, voire psychologique, comme
l’estime de soi, la liberté religieuse ou encore le droit à ne pas être asservi ?

 La mesure de chacun de ces indicateurs. Il est possible de mesurer le revenu par tête, le
taux d’alphabétisation ou de mortalité, mais pas de niveau d’estime de soi, par exemple.

 L’identification d’une mesure systématique du niveau de développement. On ne peut pas


ajouter l’apport calorifique moyen (donné par exemple par les moyens de chauffage) au
nombre de docteurs et d’infirmières, au pourcentage de maisons ayant des commandités
de base comme l’eau courante. On ne peut agréger les éléments de manière pertinente que
s’ils sont exprimés dans la même unité ou convenablement pondérés. Evidemment, le
choix de ces pondérations est lui-même sujet à débat

L’Indice de Développement Humain

Élaboré en 1991 par l’ONU (Organisation des Nations unies), l’IDH (indicateur de développement
humain) cherche à rendre compte du « développement humain ». Il combine trois critères : la
longévité de la population, le niveau d’instruction et le niveau de richesse.

2. Les problèmes structuraux des pays en développement

115
2.1. L'agriculture négligée

De nombreux pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, ont emprunté le chemin


de l'industrialisation sans se préoccuper des dommages pour l’agriculture. Nombreux sont ceux qui,
aujourd’hui, affrontent une crise alimentaire de grande ampleur, font face à un secteur agricole en
déclin et un monde rural quasiment sans infrastructure. Cette situation se traduit par des famines et
une forte mortalité.

Depuis peu, les points de vue évoluent. On réalise que les solutions aux problèmes de pauvreté, de
chômage et de mauvaise répartition des revenus, résident dans l’amélioration de la productivité et
l’augmentation des revenus dans le monde rural. L’agriculture est aujourd’hui considérée comme un
secteur qu’il faut développer en harmonie avec le secteur urbain. La production agricole doit croître
au bénéfice des habitants des villes et des campagnes. En même temps, la production industrielle peut
offrir de nouveaux marchés au secteur primaire si ses revenus s’accroissent.

Les réflexions suivantes proposent un certain nombre de voies possibles.

Une réforme des prix. Le prix des denrées alimentaires doit être augmenté par rapport à celui des
biens industriels. Cela pourrait être obtenu simplement par une réduction de la protection des produits
manufacturés. L’augmentation relative des prix des produits alimentaires augmenterait ainsi la
profitabilité de la production agricole et permettrait aux agriculteurs d’investir dans des systèmes
d’irrigation, dans des engrais et dans une meilleure valorisation de leurs terres.

Un problème particulier a été généré par les subventions massives accordées par l’Union européenne
et les États-Unis à leur agriculture, qui leur ont permis de doper leurs marchés en abaissant le prix
des denrées alimentaires. La diminution substantielle de ces subventions, voire leur suppression, était
une des principales demandes des pays en développement lors du cycle de négociations commerciales
à Doha.

Une dévaluation. Si la monnaie est dévaluée ou dépréciée, le prix des importations s’élève. Les
producteurs locaux peuvent alors concurrencer les étrangers et écouler leur marchandise plus
facilement. En même temps, la profitabilité des exportations de produits alimentaire s’accroît.

Le soutien de l’Etat aux projets visant à développer les infrastructures dans le monde rural. Pour que
les produits agricoles parviennent sur le marché, une infrastructure adéquate est nécessaire.
L’aménagement des routes et la construction de comptoirs marchands permettent d’améliorer la
viabilité de la production commerciale de produits alimentaires.

116
La fourniture d’aides financières. Les agriculteurs doivent avoir la possibilité d’accéder à des sources
de financement peu coûteuses. Il faut donc développer des banques rurales spécialisées, détenues par
l’État ou privées. Par exemple la Banque Agricole Du Faso

L’adoption de nouvelles technologies et pratiques. Les techniques de production agricole ont connu
des avancées rapides. Le développement d’engrais, de pesticides, de machines simples mais efficaces,
l’apparition de plantes à haut rendement (blé et riz) ont aidé certains pays à transformer leur
agriculture traditionnelle (Inde, par exemple).

Ce n’est pas le cas de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. En cause, leur incapacité à pouvoir
acquérir de nouveaux équipements, des produits chimiques et des semences, mais aussi le manque
d’infrastructure et des conditions climatiques particulières. Les technologies adoptées le sont souvent
par le biais des multinationales qui détiennent des plantations. On pourrait citer la très controversée
Monsanto qui développe et utilise des plantes génétiquement modifiées.

Les États peuvent financer des recherches pour les meilleures méthodes agricoles et les meilleurs
intrants associés aux conditions locales. Ils peuvent également contribuer au financement de
nouveaux équipements.

L’éducation et Je conseil. Certains agriculteurs sont simplement ignorants des méthodes de


production plus efficientes. Des programmes de formation ou l’aide de consultants externes peuvent
être utiles dans ce cas.

La réforme de la propriété foncière. Au fur et à mesure que la population augmente, les terres sont
divisées à chaque succession et les surfaces, de plus en plus petites, ne peuvent subvenir aux besoins
des exploitants. Une solution serait de redistribuer les terres. Pour cela, il faut un engagement fort du
gouvernement en faveur des fermiers les plus pauvres et contre les grands propriétaires fonciers,
lesquels sont souvent très puissants politiquement.

Deux des pays nouvellement industrialisés, Taïwan et la Corée du Sud, ont mené une politique
radicale de redistribution des terres des riches vers les pauvres à la fin des années 40 et au début des
années 50. Le développement du secteur agricole y a été rapide et il continue à être égalitaire, fondé
sur des petites propriétés détenues par les paysans. Par ailleurs, l’extrême pauvreté a pratiquement été
éradiquée du monde rural.

Encourager les coopératives agricoles. Si les petites exploitations se regroupaient en coopératives,


elles seraient capables de se partager l’équipement agricole comme des tracteurs et des
moissonneuses-batteuses et de mettre en œuvre des systèmes d’irrigation. Elles pourraient également
acheter en gros des intrants et de commercialiser l’ensemble de leurs productions respectives, ainsi

117
qu’accéder a du crédit mutualisé, peu cher. Dans de nombreux pays, les institutions publiques ont
encouragé la constitution de coopératives en leur accordant des subventions et des allégements
d’impôts en leur fournissant du conseil.

2.2. Des technologies inappropriées

Les stratégies de développement d’un pays conditionnent les technologies qui y sont utilisées.
Certaine conduisent à l’adoption de technologies intensives en travail, alors que d’autres favorisent
des technologies intensives en capital.

Cependant, les politiques d’industrialisation sont concomitantes de l’adoption de technologies


intensives en capital, perçues comme plus avancées puisque développées dans les pays riches.
L’argument en leur faveur est que, malgré le fait qu’elles aient un ratio capital/travail plus élevé, elles
ont également un ratio capital/production faible. L’équipement est coûteux mais il a un rendement
élevé, il permet donc de produire une grande quantité de biens et coûte donc moins cher par unité
produite.

D’autre part, si on veut encourager les multinationales à investir dans les pays en développement, on
doit les autoriser à y apporter leur propre technologie. En d’autres termes, l’arbitrage ne se fait pas
entre les techniques intensives en capital ou en travail, il s’agit plutôt de savoir si on veut ou non
bénéficier du capital apporté par les multinationales. Enfin, un dernier argument réside dans le fait
que ce type de technologie procure un profit plus élevé, source d’investissement supplémentaire et
qui permettra donc d’atteindre un taux de croissance supérieur. Sur la base de ces avis, de nombreux
États ont encouragé activement les techniques intensives en capital dans les pays en développement,
et certains le font encore.

Cependant les technologies intensives en capital ont d’autres effets négatifs. Elles contribuent à
alourdir le problème du chômage. Par ailleurs, comme elles se déploient à grande échelle, elles sont
développées par des entreprises qui sont localisées dans les villes, ce qui tend à aggraver le problème
du dualisme, c’est-à-dire la division d’une économie en deux secteurs, un moderne (généralement
urbain) et l’autre pauvre et traditionnel (généralement rural). Les inégalités de revenu entre villes et
campagnes ont tendance à augmenter, de même que, dans les villes, les écarts de salaires entre le petit
nombre d’employés du secteur moderne, aux salaires relativement élevés, et les autres.

118
Concernant l’environnement, la concentration des usines de grande taille à proximité des villes cause
des problèmes graves de pollution, notamment lorsque l’État est trop laxiste dans la mise en place
des contrôles de pollution.

Que peut-on faire pour encourager l’utilisation d’une technologie plus appropriée ? Une partie de la
réponse réside dans la correction des distorsions de marché, sous la forme d’une dévaluation de la
devise et d’une augmentation des taux d’intérêt. Cela éliminerait deux facteurs clés en faveur des
industries intensives en capital.

On pourrait aussi imaginer un système d’incitations pour l’invention ou l’adoption de technologies


efficientes intensives en travail. Il pourrait prendre la forme de recherches financées par l’État, de
centres d’information visant à faire connaître différentes techniques utilisées dans le monde, des plans
de formation pour les managers et les employés, l’aide de consultants dans les domaines de la
production, du marketing ou de la distribution ou encore des subventions pour favoriser l’innovation
et la protection des inventions sous forme de brevets. L’Etat pourrait encourager la création de petites
entreprises (qui utilisent davantage de technique intensives en travail) par la mise en place de banques
d’aide au développement qui fourniraient des services spécifiques de ce type de petites structures
(incluant les agriculteurs et d’autres entreprises présentes dans le monde rural), par exemple des prêts
à taux réduits.

Pour finir, il parait essentiel de favoriser la création de coopératives par le biais de subventions
d’allégements fiscaux ou des contraintes administratives, ou encore en mettant à disposition des
locaux loyer nul ou modéré.

2.3. Le chômage

Dans les pays pauvres, des millions de personnes vivent dans des conditions de précarité extrême.
Les chiffres du chômage y sont généralement plus élevés que dans les pays développés : des taux
supérieurs à 15 % ne sont pas rares.

Pourtant, ses taux très élevés sous-estiment largement l'étendue du problème. Dans un système de
famille élargie, où la ferme familiale fait travailler tous les membres, les gens ne sortent pas de leur
environnement habituel pour chercher du travail. Ils ne sont donc pas dans les statistiques officielles
du chômage, même si leur production est très faible. Simplement, il n'y a pas assez de travail pour
occuper tout le monde à temps plein. Cela résume le problème appelé chômage déguisé, qui regroupe
les individus qui travaillent quelques heures dans la semaine comme intérimaires ou petits
commerçants. Ces gens sont sous-employés. Lorsqu’on ajoute le chômage déguisé au chômage
officiel, le problème devient très embarrassant.

119
Les causes du chômage sont diverses et complexes mais trois d’entre elles paraissent particulièrement
importantes.

 La croissance rapide de la population. Les progrès de la médecine ayant fait baisser le taux
de mortalité, les populations des pays en développement ont augmenté rapidement depuis
plusieurs années. Pourtant la croissance de la production n’a pas été suffisamment rapide pour
créer assez d’emplois.

 L’exode rural Les gens affluent des campagnes vers les villes et grossissent le nombre de
personnes au chômage dans les centres urbains. Ces migrations comptent pour 5 % de la
croissance de la population urbaine dans ces pays. Malgré le risque de se retrouver dans des
bidonvilles, les personnes vivant dans les campagnes tentent leur chance.

 Des influences externes. La plupart des pays en développement sont très dépendants des forces
économiques internationales. Si l’économie mondiale entre en récession, si les taux d’intérêt
mondiaux augmentent, si des politiques protectionnistes sont mises en œuvre par les pays
riches, l’effet sera catastrophique sur leur économie. Leurs exportations vont chuter et leur
taux de chômage va augmenter.

Il n’y a pas de remède simple au problème de chômage dans les pays en développement (ni dans les
pays développés d’ailleurs). Cependant, un certain nombre de mesures sont susceptibles d’inverser la
tendance :

 L’État peut encourager l’utilisation de techniques plus intensives en travail.

 Il peut aider à renverser les flux migratoires des campagnes vers les villes en investissant dans
le développement du monde rural et en favorisant la création d’emplois dans les campagnes.

 Il peut fournir directement des emplois en lançant des projets de construction et/ou de
développement d’infrastructures (des routes ou des systèmes d’irrigation) qui sont intensifs
en main-d’œuvre.

 Il peut mettre en œuvre des politiques qui contribuent à faire baisser le taux de croissance de
la population. Cela passe par l’éducation et par des mesures de valorisation du rôle
économique et social des femmes. Par ailleurs, il doit prendre à bras-le-corps le problème de
l’extrême pauvreté, et pour cela inciter à limiter la taille parfois importante des familles dans
les régions les plus pauvres.

120
Chapitre 9 L’intégration économique
L’intégration économique désigne le processus par lequel plusieurs nations s’accordent pour
faciliter les échanges entre elles, afin d’unifier progressivement leurs marchés, et d’en tirer des
avantages mutuels.

Selon F. Perroux (1903-1987), « l’acte d’intégrer rassemble des éléments pour former un tout, ou
bien il augmente la cohérence d’un tout déjà existant » (L’économie du XXe siècle, 1969).

Il existe différents degrés d’intégration, qui conduisent à la formation d’espaces économiques


constitués de plusieurs nations, liées par un traité attribuant aux membres de la zone des droits non
accordés au reste du monde (suppression des tarifs douaniers par exemple). Ces espaces sont appelés
unions économiques régionales, ou zones d’intégration régionales, et se multiplient à partir des
années 1950.

L’intégration économique a suscité de nombreux débats, en raison de l’interprétation contradictoire


que l’on peut faire de ce processus. En effet, le développement des unions régionales conduit à
l’intérieur de la zone considérée à l’extension du libre-échange, mais il implique en même temps une
légitimation du protectionnisme, vis-à-vis du reste du monde. D’où les débats sur l’opposition, ou au
contraire la complémentarité, entre le régionalisme économique et le multilatéralisme préconisé par
le GATT puis l’OMC, le premier favorisant les échanges avec les partenaires d’une zone donnée, et
le second traitant à égalité l’ensemble des partenaires commerciaux (voir « Le commerce international
»).

Il ne faut pas confondre l’intégration économique et la régionalisation des échanges, c’est-à-dire


l’augmentation du commerce entre pays proches. Si la régionalisation des échanges est favorisée par
l’existence d’accords régionaux, elle peut aussi résulter plus simplement des avantages provenant de
la proximité géographique entre nations (coûts de transport, connaissance des marchés, etc.).

1. Les formes d’intégration économique

1.1. Les degrés d’intégration économique

On distingue différents degrés dans le processus d’intégration économique, selon l’importance de


l’unification des marchés, et selon la nature des accords entre les pays de la zone. Selon la « Théorie
de l’intégration économique » (1961) de B. Balassa (1928-1991), il existe cinq degrés d’intégration.

– La zone de libre-échange se caractérise par une diminution ou une suppression des barrières
douanières à l’intérieur de la région. Ce type d’accord laisse libre chaque membre de sa politique

121
commerciale envers les pays extérieurs à la zone : le libre-échange reste intra-régional, ce qui préserve
l’autonomie des États dans leurs politiques commerciales nationales.

L’ALENA, zone de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada créée en 1992 en
fournit un exemple. Par nature, la création d’une zone de libre-échange entraîne un risque de
contournement par les importateurs des tarifs douaniers : pour importer dans le pays B où le tarif
douanier extérieur à la zone est élevé, il suffit de faire transiter les marchandises par un pays A
membre de la zone où le tarif douanier est plus faible. Afin d’éviter ce contournement de la politique
commerciale, et les déséquilibres qu’il génère dans leur balance commerciale, les pays membres
instituent généralement des règles d’origine : c’est la nationalité d’origine d’un produit qui fixe son
niveau de taxation, pas le pays par lequel il a transité avant de pénétrer sur le territoire de la nation
importatrice.

– L’union douanière est une zone de libre-échange dont les membres décident d’adopter une
politique commerciale unique vis-à-vis du reste du monde, en fixant des tarifs douaniers extérieurs
communs. Généralement, le passage à une union douanière nécessite de fixer des règles de partage
des recettes douanières. Le Mercosur est organisé sur ce mode depuis sa

création en 1991. On trouve des exemples d’unions douanières dès le XIXe siècle, comme le
Zollverein, créé entre les États Allemands en 1834 (voir « Le commerce international »).

– Dans un marché commun, les pays membres ajoutent à l’union douanière la libre circulation des
facteurs de production (capital, travail, brevets…). Cela suppose une harmonisation poussée des
réglementations nationales, par exemple la fixation de règles communes concernant les diplômes et
l’accès à des professions protégées par leur statut.

Après le Traité de Rome de 1957, l’usage était de parler de « marché commun » pour désigner ce qui
constitue à cette époque une union douanière, au sens de Balassa. En revanche, le « marché unique
européen » entré en vigueur en 1993 constitue bien un marché commun, en raison de la libre
circulation des marchandises et des facteurs de production.

– L’union économique peut se définir par l’adoption d’objectifs de politique économique communs,
ce qui conduit à une harmonisation progressive des politiques économiques dans la zone. Pour B.
Balassa, cela inclut une politique monétaire commune.

Certains économistes distinguent l’union économique, qui entraîne uniquement l’harmonisation des
politiques économiques, et l’union monétaire qui implique en outre une politique monétaire
commune. Ainsi, l’Union européenne s’est engagée sur la voie de l’union économique et monétaire,
définie en 1992 par le traité de Maastricht.

122
– La construction d’une véritable fédération d’États constitue le degré ultime d’intégration
économique, ce que B. Balassa appelle « l’intégration totale » : à l’union économique et monétaire
s’ajoute la constitution d’un pouvoir politique fédéral, avec l’harmonisation des politiques fiscales et
sociales.

Il existe aussi des formes plus souples de coopération économique entre les États, qui n’incluent pas
l’existence d’une préférence commerciale : aucun privilège facilitant les échanges commerciaux
n’est réservé aux participants, comme une réduction des droits de douane par exemple. C’est le cas
des associations de coopération économique qui regroupent des pays souhaitant mener des actions
concertées dans le domaine économique. Ces accords formes d’intégration économique. On peut
donner l’exemple de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE)
créée en 1960, qui regroupe actuellement une trentaine de pays et s’est ouverte aux pays émergents
comme le Mexique et la Corée du Sud dans les années 1990.

1.2. L’intégration économique et les règles du commerce mondial

Depuis l’adoption de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce en 1948 (GATT), le
développement du commerce international est fondé sur le multilatéralisme : chaque pays signataire
applique les accords commerciaux à l’ensemble des autres nations, sans avoir besoin de négocier avec
chacun un accord bilatéral. Ce principe favorise le développement du libre-échange, et repose sur des
principes de non-discrimination, comme la clause de la nation la plus favorisée, qui étend
immédiatement à toutes les autres nations les avantages accordés à un pays (voir « Le commerce
international »).

Or, le principe même des unions régionales remet en cause les accords multilatéraux, et en particulier
la clause de la nation la plus favorisée, puisqu’il s’agit d’accords préférentiels : des avantages
commerciaux sont accordés aux seuls membres de la zone. Cependant, le GATT a prévu dès sa
création des clauses dérogatoires, afin de permettre le développement du régionalisme économique,
et l’article 24 de l’accord reconnaît qu’une union douanière ou une

zone de libre-échange échappent à la clause de la nation la plus favorisée.

Aujourd’hui, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) poursuit cette politique et considère


que le régionalisme économique joue un rôle complémentaire par rapport au multilatéralisme, puisque
tous deux participent à l’extension du libre-échange. Ainsi, lors de la création de l’OMC en 1995,
tous les pays membres (sauf le Japon et Hong-Kong) déclaraient faire partie d’au moins un accord
régional.

123
L’OMC joue un rôle important dans le régionalisme économique, dans la mesure où les accords
préférentiels doivent lui être notifiés pour être valides. Une union régionale peut être reconnue comme
un membre à part entière par l’OMC : actuellement c’est uniquement le cas pour l’Union européenne
(UE).

En 2007, l’OMC comptabilise 204 accords régionaux en vigueur. On assiste à une multiplication
d’accords bilatéraux entre nations lointaines ces dernières années, en particulier entre les principaux
pays industrialisés et les pays émergents, de façon à mettre en place des règles préférentielles, qui
permettent de contourner les difficultés rencontrées par l’OMC pour faire progresser les négociations
multilatérales.

Plus généralement, les rapports entre l’intégration économique régionale et le multilatéralisme


peuvent relever de deux logiques très distinctes :

– Certains accords régionaux, comme l’ALENA, ne sont pas voués à s’étendre au-delà d’un «
multilatéralisme régional » selon l’expression de J.-M. Siroën.

Ils s’intègrent naturellement dans la démarche multilatérale de l’OMC, et ont vocation à disparaître
à mesure des progrès du multilatéralisme mondial.

– D’autres accords régionaux, comme le montre le cas de l’Union européenne, sont basés sur la
recherche d’une intégration économique très poussée, au service d’objectifs politiques communs, et
du choix à terme d’une démarche fédérale. Dans ce cas, l’accord peut entraîner des conflits durables
avec les négociations multilatérales, comme dans le domaine agricole par exemple en raison du
caractère protectionniste de la Politique agricole commune (PAC).

2. Un développement du régionalisme économique

2.1. L’Europe, précurseur du régionalisme économique

Le processus d’intégration économique en Europe débute après 1945. Depuis ses débuts, l’intégration
européenne ne répond pas uniquement à des objectifs économiques (favoriser la croissance au niveau
régional), mais aussi à des objectifs politiques (garantir une paix durable en Europe par l’intégration
des nations, avec des institutions communes).

L’intégration européenne n’est pas un processus uniforme et linéaire, qui conduirait l’Europe à suivre
dans l’ordre les différentes étapes de l’intégration économique distinguées par B. Balassa. C’est au
contraire un processus complexe, où les différentes étapes s’enchevêtrent. Par exemple, l’intégration
monétaire débute très précocement, avec l’Union européenne de paiements qui, entre 1950 et 1958,
dans un contexte de pénurie de devises, organise une coopération monétaire en Europe par un

124
mécanisme de compensation des créances et des dettes. De même, il existe des éléments de politique
économique commune dès la signature du Traité de Rome en 1957, comme la politique agricole, alors
que la libre circulation des marchandises et des facteurs de production est pleinement réalisée avec la
création du « marché unique

européen » en 1993.

L’originalité de l’intégration européenne peut être repérée à trois niveaux.

– Un élargissement progressif à un nombre toujours plus grand de nations. Passée progressivement


de 6 à 15 membres de 1957 à 1995, l’Union européenne intègre en 2004 dix nouveaux membres (deux
pays méditerranéens et huit pays d’Europe de l’Est), suivis de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007.
L’objectif d’extension implique depuis longtemps une intégration des nations à des rythmes différents
(par exemple la monnaie unique ne concerne qu’une minorité d’États membre de l’UE pour l’instant
; d’autre part le Traité de Schengen, établissant un contrôle commun des frontières, concerne
seulement le Bénélux, la France, l’Allemagne et l’Italie). Il existe un débat à propos des modalités
d’intégration européenne, qui passe soit par des règles communes à tous (ce que proposait le projet
de Constitution de 2004), soit par la formation de groupes de pays dont l’intégration s’effectue à des
rythmes différents (comme l’illustre par exemple la mise en place d’une force de défense franco-
allemande), dans un cadre institutionnel plus souple. Le débat porte également sur les objectifs de
l’Union européenne : s’agit-il d’aboutir à un État fédéral, ou bien l’UE doit-elle se contenter d’être
une zone de libre-échange ?

– Deuxième caractéristique du processus d’intégration européenne, la mise en place, dès l’origine, de


politiques communes, notamment pour favoriser le développement économique et compenser
l’hétérogénéité de développement des territoires en Europe. Il s’agit de mener une politique
structurelle d’aide aux régions les moins développées, afin d’éviter que l’intégration

européenne n’aggrave les disparités régionales. Le choix d’une intégration s’appuyant sur la solidarité
entre les nations européennes a conduit à développer des politiques structurelles non seulement pour
l’aménagement du territoire, mais aussi pour soutenir les marchés agricoles, car ils sont très sensibles
aux disparités régionales.

2.2. Les autres Unions économiques régionales : L’intégration en Afrique

Dans le reste du monde, le développement de l’intégration économique est très variable selon les
zones. Il s’est globalement accéléré depuis la fin des années 1980, époque à laquelle les États-Unis
adoptent à leur tour une démarche favorable au régionalisme économique.

Aujourd’hui, les principales unions régionales sont :


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– L’Association de libre-échange nord-américain (ALENA), créant une zone de libre-échange le 1er
janvier 1994 entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. L’ALENA prend la suite de l’ALE,
Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada institué en 1988.

– Le MERCOSUR, créant un Marché commun du sud de l’Amérique en 1991 entre l’Argentine, le


Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, auxquels s’associent la Bolivie et le Chili en 1996 sous la forme d’un
traité de libre-échange. La déclaration de Cuzco en 2004 vise à l’étendre à l’ensemble du Continent,
et le Venezuela le rejoint en 2005.

– L’association pour la coopération économique en Asie-Pacifique (APEC), créée en 1989 est une
sorte de forum – un simple cadre diplomatique – regroupant dix-huit pays de cette zone.

– L’ANASE (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) regroupe les pays suivants : Myanmar (ex-
Birmanie), Brunëi, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande,
Vietnam. À l’origine en 1967, l’ANASE est une association à but politique : la lutte contre le
communisme.

2.3. L’intégration économique en Afrique

126
CONCLUSION GENERALE

127
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

128

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