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Le Dieu Des Philosophes
Le Dieu Des Philosophes
Histoire de la philosophie :
Le dieu des philosophes
La question de la preuve de l’existence de Dieu est l’un des aspects les plus séduisants pour
entamer l’étude des grands maîtres de la pensée moderne. Comme d’éminents spécialistes l’ont
remarqué, la « métaphysique moderne » au sujet des preuves de l’existence de Dieu a été de courte
durée : dès les Méditations métaphysiques de Descartes, parues en traduction française en 1647, à la
Critique de la raison pure de Kant, dont la deuxième édition apparaît en 1787.
Ainsi durant un demi-siècle, d’abord Descartes, puis Spinoza et Leibniz, ont interrogé les moyens
de connaître Dieu par la raison, et donc par l’idée qu’a l’esprit humain de Dieu.
Ensuite, dans le demi-siècle suivant, ces mêmes conditions épistémologiques ont été mises en
question notamment par Hume, et démenties définitivement par Kant. Après leurs critiques, la
philosophie a renoncé à songer à des nouveaux arguments de l’existence de Dieu. Dans le cours,
nous examinerons les passages philosophiques les plus significatifs de la parabole de la «
métaphysique moderne » et tâcherons de le faire dans un parcours à travers plusieurs œuvres. Nous
aurons ainsi l’occasion de nous confronter à divers types de raisonnement et à différentes
conceptions de l’univers au sein de la pensée moderne.
Œuvres philosophiques :
-Descartes, Méditations métaphysiques
-Hume, Dialogues sur la religion naturelle
-Kant, Critique de la raison pure (Dialectique transcendantale)
-Leibniz, Monadologie
-Spinoza, Éthique (Première partie).
-Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Première partie, question 2
INTRODUCTION :
La preuve de l’existence de Dieu au Moyen Âge : le cas de Thomas d’Aquin et
les preuves a posteriori
1. Kant, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, liv. II, ch. III, sec. III :
« Il n’y a que trois types de preuves possibles de l’existence de Dieu. Toutes les voies que l’on
peut tenter de suivre dans ce but partent ou bien de l’expérience déterminée et de la nature
particulière de notre monde sensible, telle que cette expérience nous la fait connaître, et elles
s’élèvent à partir de celle-ci, en suivant les lois de la causalité, jusqu’à la cause suprême située en
dehors du monde ; ou bien elles ne prennent empiriquement pour fondement qu’une expérience
indéterminée, c’est-à-dire une existence quelconque ; ou bien enfin elles font abstraction de toute
expérience et concluent entièrement a priori, à partir de simples concepts, à l’existence d’une
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Thomas d’Aquin propose une distinction entre les démonstrations quia (a posteriori) et propter
quid (a priori).
Selon lui on ne peut prouver l’existence de dieu qu’à travers des preuves a posteriori. Il ne croit pas
à la possibilité d’établir une connaissance scientifique de l’existence de dieu.
Dans l’article 1, Thomas d’Aquin nous dit que la preuve que Dieu existe « n’est pas évidente à
notre égard » parce qu’on n’a pas une connaissance parfaite de la nature divine, on ne sait pas ce
qu’est Dieu en raison de notre entendement fini.
L’existence de Dieu est évidente en soi mais pas pour nous.
3. Richard de Middleton (théologien franciscain, XIIIe siècle), Commentaire sur les sentences
de Pierre Lombard, I, Dist. III, q.
« Une démonstration est propter quid quand on démontre une affection du sujet par la cause, et une
démonstration est quia quand on démontre la cause par l’effet. En parlant de la première
démonstration, je dis qu’il n’est pas possible de démontrer que Dieu existe, car l’existence de Dieu
n’a pas de cause, par laquelle on puisse démontrer que Dieu existe. En parlant de la démonstration
par l’effet, j’affirme que nous pouvons démontrer que Dieu existe de bien des façons ».
Il y aurait une absence de causalité de l’existence de Dieu pour une raison ontologique. On ne peut
pas demander la raison d’être de Dieu car Dieu n’a pas de raison d’être.
Regressum ad infinitum : Chercher les causes des causes jusqu’à la première.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Selon Thomas d’Aquin, le nom le plus approprié pour désigner Dieu est l’être car c’est le plus
noble.
4. Thomas d’Aquin, La Somme contre les Gentils, liv. III, ch. XLIX :
« Il est donc impossible de saisir la divine essence à travers le créé. Toute espèce intelligible qui
permet de connaître la quiddité ou l’essence d’une chose, embrasse cette réalité dans sa
représentation ; aussi appelons-nous ‘termes’ ou ‘définitions’ ces discours par lesquels nous
exprimons l’essence. Or il est impossible à quelque similitude créée d’exprimer Dieu ainsi, car à
l’encontre de Dieu toute représentation créée est d’un genre déterminé. Il n’est donc pas possible
de connaître Dieu par quelque représentation créée ».
On ne peut pas à travers quelque chose de fini attendre quelque chose d’infini. Les concepts, les
similitudes créées ne peuvent pas exprimer ce qu’est Dieu. Les termes apposé à celui Dieu tel
qu’« être pur » désignent partiellement seulement Dieu.
D’ordre logique : si on ne peut saisir une telle cause par ses effets
« Pour qu’une proposition soit matériellement démontrable a priori, il est nécessaire que le
prédicat et le sujet ne se joignent pas immédiatement, mais par les biais d’un autre terme : mais
Dieu étant un ensemble constitué formellement par la nature divine, il se joint immédiatement à sa
propre existence, sans l’intervention d’un moyen terme : cette proposition, ‘Dieu existe’, est donc
matériellement indémontrable.
Il ne manque pas d’auteurs pour affirmer que la proposition ‘Dieu existe’ est démontrable a priori
même pour ceux qui sont encore dans l’état de voyage […] En effet, tout en admettant que, dans la
condition commune, on ne donne pas de démonstration propter quid de la proposition ‘Dieu
existe’, ceux-ci sont cependant de l’avis qu’elle pourrait être démontrée par celui à qui Dieu
insufflerait une science évidente des termes, ou au moins du terme ‘Dieu’.
Celui qui est encore dans l’état de voyage, en s’élevant au-dessus de la norme ordinaire, peut avoir
une démonstration a priori de la proposition ‘Dieu existe’ seulement si deux conditions sont
satisfaites : la première, que l’on parvienne à une connaissance abstractive de Dieu claire et
distincte, l’autre, si une telle connaissance se vérifie, que l’on puisse construire à partir de celle-ci
une véritable démonstration ». 1 http://docteurangelique.free.fr/
L’essence de Dieu ne peut être connue mais on peut l’admettre et démontrer par ses effets.
Descartes pose donc une distance avec Saint Thomas d’Aquin en considérant qu’on peut avoir une
compréhension claire et distance de Dieu et que l’idée de Dieu est innée.
• Pour Thomas d’Aquin, la compréhension de Dieu est une idée acquise par la
recherche, pas d’évidence de l’existence de Dieu.
≠ cadres épistémologiques
• Pour Descartes, l’existence de Dieu est évidente, la compréhension de Dieu est innée et
démontrable.
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3. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :
« Mais il se présente encore une autre voie pour rechercher si entre les choses dont j’ai en moi les
idées, il y en a quelques-unes qui existent hors de moi. À savoir, si ces idées sont prises en tant
seulement que ce sont de certaines façons de penser, je ne reconnais entre elles aucune différence
ou inégalité, et toutes semblent procéder de moi d’une même sorte ; [A] mais les considérant
comme des images, dont les unes représentent une chose, et les autres une autre ; il est évident
qu’elles sont fort différentes les unes des autres. De plus celle par laquelle je conçois un Dieu
souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puisant, et Créateur universel de toutes
les choses qui sont hors de lui ; celle-là, dis-je, a certainement en soi plus de réalité objective, que
celles par qui les substances finies me sont représentées.
[B] Maintenant c’est une chose manifeste par la lumière naturelle qu’il doit y avoir pour le
moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet : car d’où est-ce que
l’effet peut tirer sa réalité sinon de sa cause ? et comment cette cause la lui pourrait-elle
communiquer, si elle ne l’avait en elle-même ? C’est à savoir que, si la réalité objective de
quelqu’une de mes idées est telle, que je connaisse clairement qu’elle n’est point en moi ni
formellement, ni éminemment, et que par conséquent je ne puis pas moi-même en être la cause : il
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
suit de là nécessairement que je ne suis pas seul dans le monde, mais qu’il y a encore quelque autre
chose qui existe, et qui est la cause de cette idée.
[C] Et ceci ne laisse pas d’être vrai, encore que je ne comprenne pas l’infini, ou même qu’il
se rencontre en Dieu une infinité de choses que je ne puis comprendre, ni peut-être aussi atteindre
aucunement par la pensée : car il est de la nature de l’infini, que ma nature, qui est finie et bornée,
ne le puisse comprendre ; et il suffit que je conçoive bien cela, et que je juge que toutes les choses
que je conçois clairement, et dans lesquelles je sais qu’il y a quelque perfection, et peut-être aussi
une infinité d’autres que j’ignore, sont en Dieu formellement ou éminemment, afin que l’idée que
j’en ai soit la plus vraie, la plus claire, et la plus distincte de toutes celles qui sont en mon esprit ».
La première partie porte sur la nature des idées, une idée est un acte de pensée. Mais il y des
différences entre les idées par rapport à leur contenu/objet.
La deuxième partie introduit la question sur le contenu de l’idée de Dieu. On a un principe
vrai par le lien naturel. La cause d’une idée doit avoir autant de réalité que dans l’effet produit.
On ne peut pas avoir une cause mineure qui a un effet majeur.
Et puisque l’idée de Dieu est infinie et donc bien supérieure à moi-même qui suis fini et ne
m’est pas égale, alors je ne peux avoir inventé cette idée, il faut donc que Dieu existe hors de
moi-même.
5.2 Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« C’est pourquoi je dirai ici premièrement que l’infini, en tant qu’infini, n’est point à la vérité
compris, mais que néanmoins il est entendu ; car entendre clairement et distinctement qu’une
chose soit telle, qu’on ne puisse y rencontrer de limites, c’est clairement entendre qu’elle est
infinie ».
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Le fait que je peux concevoir l’idée d’une substance infinie me montre que je suis une substance
finie.
7. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 3 intitulé Que Dieu existe, on peut prendre
cinq voies pour le prouver :
« La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses
sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est
pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait
antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à
l’infini dans les causes efficientes ; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la
première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces
intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en ait qu’un seul. D’autre part, supprimez la cause,
vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il
n’y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l’on devait monter à l’infini dans la série des causes
efficientes, il n’y aurait pas de cause première ; en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni
cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer
qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu ».
pourrais être, en cas qu’il n’y eût point de Dieu. Et je demande, de qui aurais-je mon existence?
peut-être de moi-même, ou de mes parents, ou bien de quelques autres causes moins parfaites que
Dieu ; car on ne se peut rien imaginer de plus parfait ni même d’égal à lui.
[A] Or si j’étais indépendant de tout autre, et que je fusse moi-même l’auteur de mon être,
certes je ne douterais d’aucune chose, je ne concevrais plus de désirs, et enfin il ne me manquerait
aucune perfection : car je me serais donné moi-même toutes celles dont j’ai en moi quelque idée,
et ainsi je serais Dieu.
[B] Et encore que je puisse supposer que peut-être j’ai toujours été comme je suis
maintenant, je ne saurais pas pour cela éviter la force de ce raisonnement, et ne laisse pas de
connaître qu’il est nécessaire que Dieu soit l’auteur de mon existence. [a] Car tout le temps de ma
vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des
autres, et ainsi de ce qu’un peu auparavant j’ai été, il ne s’ensuit pas que je doive maintenant être,
si ce n’est qu’en ce moment quelque cause me produise, et me crée, pour ainsi dire, derechef, c’est
à dire me conserve. [b] En effet c’est une chose bien claire et bien évidente (à tous ceux qui
considéreront avec attention la nature du temps) qu’une substance pour être conservée dans tous
les moments qu’elle dure, a besoin du même pouvoir et de la même action, qui serait nécessaire
pour la produire et la créer tout de nouveau, si elle n’était point encore. En sorte que la lumière
naturelle nous fait voir clairement, que la conservation et la création ne diffèrent qu’au regard de
notre façon de penser, et non point en effet. [c] Il faut donc seulement ici que je m’interroge moi-
même, pour savoir si je possède quelque pouvoir 3 et quelque vertu, qui soit capable de faire en
sorte que moi qui suis maintenant, sois encore à l’avenir. [d] Mais je n’en ressens aucune dans
moi, et par là je connais évidemment que je dépens de quelque être diffèrent de moi. Car comme
j’ai déjà dit auparavant, c’est une chose très évidente qu’il doit y avoir au moins autant de réalité
dans la cause que dans son effet.
[C] Et partant puisque je suis une chose qui pense, et qui ai en moi quelque idée de Dieu
quelle que soit ; enfin la cause que l’on attribue à ma nature, il faut nécessairement avouer qu’elle
doit pareillement être une chose qui pense, et posséder en soi l’idée de toutes les perfections que
j’attribue à la nature divine. [a] Puis l’on peut derechef rechercher si cette cause tient son origine et
son existence de soi-même, ou de quelque autre chose : Car si elle la tient de soi-même, il s’ensuit
par les raisons que j’ai ci-devant alléguées, qu’elle même doit être Dieu ; puis qu’ayant la vertu
d’être et d’exister par soi, elle doit aussi avoir sans doute la puissance de posséder actuellement
toutes les perfections dont elle conçoit les idées, c’est à dire toutes celles que je conçois être en
Dieu. [b] Que si elle tient son existence de quelque autre cause que de soi, on demandera derechef
par la même raison de cette seconde cause, si elle est par soi, ou par autrui, jusques à ce que de
degrés en degrés on parvienne enfin à une dernière cause, qui se trouvera être Dieu. [c] Et il est
très-manifeste qu’en cela il ne peut y avoir de progrès à l’infini, vue qu’il ne s’agit pas tant ici de
la cause qui m’a produit autrefois, comme de celle qui me conserve présentement. [d] Il faut
nécessairement conclure que de cela seul que j’existe, et que l’idée d’un être souverainement
parfait (c’est à dire de Dieu) est en moi, l’existence de Dieu est très évidemment démontrée ».
B.a : Descartes introduit une conception nouvelle du temps : il est divisé en instants indépendants
les uns des autres. On s’interroge sur la cause de moi-même dans le présent et sur la conservation de
moi-même dans le temps. Dans chaque instant on a donc une nouvelle création.
On peut donc si le moi a le pouvoir de se recréer à chaque instant ? Non car il doit y avoir autant de
réalité dans la cause que dans l’effet, et je n’ai pas assez de réalité pour me recréer à chaque instant.
C. Lorsque je suis en train de chercher la cause par soi de la cause par autrui, ne risque-je pas de
tomber un nouveau regressum in infinitum, une régression à l’infini ? Non car si je recherche la
cause par soi à la fin des autres, je tomberai sur l’idée de Dieu.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
11. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« Car il compare mon argument avec un autre tiré de Saint Thomas d’Aquin et d’Aristote, comme
s’il voulait par ce moyen m’obliger à dire la raison, pourquoi étant entré avec eux dans un même
chemin, je ne l’ai pas néanmoins suivi en toutes choses.
[…] Je ne voyais pas que cette succession de causes me pût conduire ailleurs, qu’à me faire
connaître l’imperfection de mon esprit, en ce que je ne puis comprendre comment une infinité de
telles causes ont tellement succédé les unes aux autres de toute éternité, qu’il n’y en ait point eu de
première. Car certainement de ce que je ne puis comprendre cela, il ne s’ensuit pas qu’il y en doive
avoir une première ; mais bien il suit seulement que mon entendement qui est fini, ne peut
comprendre l’infini. C’est pourquoi j’ai mieux aimé appuyer mon raisonnement sur l’existence de
moi-même, laquelle ne dépend d’aucune suite de causes, et qui m’est si connue que rien ne le peut
être davantage. Et m’interrogeant sur cela moi-même, je n’ai pas tant cherché par quelle cause j’ai
autrefois été produit, que j’ai cherché quelle est la cause qui à présent me conserve, afin de me
délivrer par ce moyen de toute suite, et succession de causes.
[…] De plus je n’ai pas seulement cherché quelle est la cause de mon être, en tant que je suis
une chose qui pense, mais principalement en tant qu’entre plusieurs autres pensées, je reconnais
que j’ai en moi l’idée d’un être souverainement parfait. Car de cela seul dépend toute la force de
ma démonstration. Premièrement parce que cette idée me fait connaître ce que c’est que Dieu, au
moins autant que je suis capable de le connaître. […] En second lieu, parce que c’est cette même
idée qui me donne occasion d’examiner si je suis par moi, ou par autrui ; et de reconnaître mes
défauts. Et en dernier lieu, c’est elle qui m’apprend que non seulement il y a une cause de mon
être, mais de plus aussi, que cette cause contient toutes sortes de perfections ; et partant qu’elle est
Dieu ».
- Tous les extraits sont issus de la Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Une preuve a priori débute en posant une proposition que l’on considère comme réelle.
Si la 3eme méditation nous a donné une définition claire de Dieu, il faut désormais le prouver.
En acceptant le fait que Dieu est un être souverainement parfait et que l’existence est une
perfection. On ne peut pas contredire cette prémisse. Donc, Dieu existe.
« Il n’est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot : Dieu, l’entende d’un être tel qu’on
ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais
admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu’on prétend, à savoir celle d’un être tel
qu’on n’en puisse concevoir de plus grand : il s’ensuit que chacun pense nécessairement qu’un tel
être est dans l’esprit comme appréhendé, mais nullement qu’il existe dans la réalité. Pour pouvoir
tirer de là que l’être en question existe réellement, il faudrait supposer qu’il existe en réalité un être
tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient
l’existence de Dieu. Que la vérité soit, en général, cela est évident ; mais que la vérité première
soit, c’est ce qui n’est pas évident pour nous ».
Rappel : Anselme donne une définition négative de Dieu, on nie les propriétés des êtres finis pour
les opposer à celles de Dieu. Anselme et Thomas d’Aquin n’ont donc pas une si grande différence
dans leur approche de la définition de Dieu.
majeure ne se peut aussi nier, parce qu’on est déjà tombé d’accord ci-devant, que tout ce que nous
entendons ou concevons clairement et distinctement est vrai. Il ne reste plus que la mineure, où je
confesse que la difficulté n’est pas petite ».
2. → Descartes est d’accord avec Thomas d’Aquin, Anselme a eu tort selon lui.
3. → Descartes dit que son argument est néanmoins différent que celui d’Anselme et donc que les
critiques portées à son égard ne sont pas applicables à son argumentaire.
Descartes attaque la définition nominale de Dieu. Si on a une réelle définition de Dieu, on pourra
surpasser le problème de la critique logique évoquée par St Thomas d’Aquin. On a un passage de la
réalité de la pensée à la réalité extérieure.
Nouvelle et dernière formulation de la preuve ontologique a priori dans les Réponses aux
Objections :
Descartes cherche à démontrer sur la base de l’innéité l’existence de Dieu et pour cela il se fonde
sur une démonstration mathématique-géométrique. Il veut comparer l’innéité que l’on se fait de
l’existence de Dieu avec celle que l’on a des formes géométriques.
La plus importante différence entre la preuve d’Anselme et la preuve de Descartes est sur
l’innéisme cartésien.
Quelle est la place occupée par la preuve de l’existence de Dieu dans la philosophie de Descartes ?
Pourquoi ne pas s’arrêter au cogito ?
La preuve de l’existence de Dieu à l’Âge classique : Descartes, les idées innées et la causa sui
(1)
Descartes et l’innéisme
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Pour St Thomas d’Aquin : il y a une analogie fondée sur l’idée de participation platonicienne pour
créer une échelle d’êtres.
Pour Descartes : il y a une univocité entre l’essence divine et l’idée que nous avons de Dieu.
La réalité des essences concerne Dieu, Dieu a une existence propre en dehors-même de la pensée.
Voici pourquoi la critique d’Anselme contre St Thomas d’Aquin qui consiste à inférer d’une idée de
Dieu son existence ne s’applique pas, car pour Descartes l’idée de Dieu est indépendante de la
réalité de Dieu. Il existe bien indépendamment.
L’idée de Dieu est donc une idée innée que Descartes va comparer à d’autres idées innées comme
les mathématiques. Sur la base de l’innéité de la connaissance mathématique, Descartes veut fonder
l’innéité de l’existence de Dieu. Sa démonstration est dite quia.
Rappel :
• démonstration propter quid (partir des causes pour en déduire les concepts)
• démonstration quia (partir des effets pour en déduire leurs causes)
Si on peut distinguer l’idée d’un cheval et des ailes qu’il pourrait porter, je ne peux pas distinguer
des parties de Dieu, je ne peux pas distinguer son existence de lui-même.
L’idée de Dieu s’impose à moi.
Rappel : Si le prédicat B est contenu dans le sujet A : jugement analytique (jugement a priori) → le
jugement n’apporte aucune connaissance nouvelle
Si le prédicat B n’est pas contenu dans le sujet A : jugement synthétique (jugement a posteriori) →
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
le jugement apporte une connaissance nouvelle. Exception faite, selon Kant, des mathématiques
qui sont des jugements synthétiques a priori. En géométrie, la caractéristique d’avoir 3 angles est
nécessairement liée au concept de triangle mais il nous faut le constater, donc c’est synthétique.
Dieu est une idée simple et non composée. Toutes les idées innées sont des idées simples. Le lien
analytique au sens de l’idée de Dieu est tel que je peux en déduire l’idée de Dieu.
Le problème de Descartes est d’être certain que le fait que l’existence de Dieu comme être
souverainement parfait est l’une de ses caractéristiques ne soit pas une pétition de principe.
Dieu est l’être souverainement parfait. Descartes dit qu’on lui attribue tellement de perfections que
l’on ne va pas s’attarder à les énumérer. Il dit ensuite que l’existence est une perfection, donc Dieu
existe. Mais si j’énumère tous ses caractères, je vais donc tomber sur sa perfection. Ne risque-je pas
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Pour Gassendi, l’analogie entre le triangle et Dieu est mauvaise car si effectivement quand je pense
aux propriétés d’un triangle, j’aboutis à quelque chose de nouveau, un triangle. En revanche, à
propos de Dieu, toutes ses propriétés ne sont pas connues donc quand on dit que l’existence est
l’une de ses propriétés, c’est une pétition de principe contradictoire avec une véritable
démonstration. Descartes fait l’erreur de partir d’une définition simplement nominale pour en
établir une existence prouvée de Dieu.
Descartes essaie de faire une démonstration plus solide en définissant un triangle par ses propriétés.
Ce raisonnement est insatisfaisant selon Gassendi, ici encore ce sera une pétition de principe que de
fonder l’essence d’un triangle sur un triangle particulier, en faisant de la définition de triangle une
pétition de principe.
Pour Descartes, puisqu’on n’aperçoit pas tout de suite qu’il y a une pétition de principe, il n’y en
aurait pas.
Descartes soutient que Dieu a librement voulu créer les vérités éternelles dont celles des
mathématiques. Les vérités mathématiques reposent donc sur celle de Dieu.
Un athée n’aura donc jamais de connaissance réelle puisque non fondée sur l’existence divine.
13. Descartes, Médiations métaphysiques, Réponses aux secondes Objections [de Mersenne] :
« Or qu’un Athée puisse connaître clairement que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux
droits, je ne le nie pas ; mais je maintiens seulement qu’il ne le connais pas par une vraie, et
certaine science ; parce que toute connaissance qui peut être rendue douteuse ne doit pas être
appelée science ; et puisqu’on suppose que celuilà est un Athée, il ne peut pas être certain de n’être
point déçu dans les choses qui lui semblent être très évidentes, […] Et jamais il ne sera hors du
danger de l’avoir [ce doute], si premièrement il ne reconnaît un Dieu »
L’athée est cet homme qui s’est arrêté au cogito dans la Deuxième méditation. Il peut vivre sans
l’idée de Dieu et avec ses sciences subjectives mais il ne résiste pas réellement au doute.Si un jour il
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
se met à douter du fait qu’il est la seule vérité en ce monde alors il pourra suivre le chemin des
Méditations métaphysiques et découvrira l’idée de Dieu en surmontant son doute.
Dieu est pris par soi négativement car il n’a pas de cause.
Dieu pourrait aussi être pris par soi positivement car il est cause de soi dans l’être.
→ Le problème de cette idée est que Dieu devrait avoir une cause efficiente de lui-même avant lui-
même, comment une chose qui n’existe pas pourrait causer Dieu ? Dieu devrait exister avant qu’il
soit, ce qui est absurde.
2. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 3 intitulé Que Dieu existe, on peut prendre
cinq voies pour le prouver :
« La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses
sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est
pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait
antérieure à elle-même, chose impossible ».
St Thomas d’Aquin appuie le même propos sur l’absurdité de l’idée de Descartes à dire que
Dieu est la cause de lui-même.
4. Thomas d’Aquin, De l’Être et de l’Essence, ch. 5, point 4 Les intelligences sont produites
par Dieu :
« Il faut donc que toute chose de cette sorte, à savoir une chose dont l’existence est autre que sa
nature, tienne son existence d’un autre. Et parce que tout ce qui existe par un autre se ramène à ce
qui existe par soi comme à sa cause première, c’est pourquoi il faut qu’il y ait une réalité qui, du
fait qu’elle-même n’est qu’existence, soit cause d’existence pour tous les autres êtres car
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
autrement on procéderait à l’infini dans les causes puisque toute réalité qui n’est pas existence
seulement tient son existence d’une cause ainsi que nous l’avons dit ».
Saint Thomas d’Aquin soulève un problème dans la cause de soi chez Descartes : comment peut-il y
avoir une cause de soi dans les preuves a posteriori puisque leur propre est de ne pas en avoir.
Descartes disait dans la Troisième méditation :Je ne peux pas régresser à l’infini si je me considère
dans le présent.
Ici : L’idée d’une cause de soi arrête déjà toute possibilité d’une régression à l’infini, on n’a
même pas besoin de s’interroger sur notre place dans le présent. Il se débarrasse des conditions qu’il
avait posé dans la Troisième méditation. La cause de soi est la nouvelle façon de reformuler la
preuve a posteriori.
substance. Mais, du moment qu’il existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même
immobile et en étant actuelle, cette chose-là ne peut absolument point être autrement qu’elle n’est ;
car la translation est le premier des changements. La première des translations est la translation
circulaire, et c’est elle que produit le premier moteur ».
Chez Aristote, mouvement et temps sont éternels. S’ils sont éternels, c’est en revanche qu’ils n’ont
pas été créé. Est-ce que le monde a été créé avec Dieu ?
Le mouvement est le passage de la puissance à l’acte.
4 mouvements :
le lieu
la qualité (altération)
au niveau de la quantité
La cosmologie chez Aristote suppose qu’il y a une cause première qui fait agir le premier ciel et ce
dernier a une incidence sur tous les ciels contenus en lui jusqu’à notre monde.Le premier ciel
mobile reçoit le premier mouvement du moteur immobile, et se déplace circulairement, le Dieu
d’Aristote, qui transforme la puissance en acte
On part du mouvement, ensuite on se rend compte que ce mouvement a besoin d’un moteur jusqu’à
remonter au moteur originel qui n’en a pas, cette cause des causes.
peuvent également être et ne pas être ; c’est précisément tout ce qui est produit et est périssable ;
car tantôt ces choses-là sont, et tantôt elles ne sont pas. Ainsi donc, la production et la destruction
ne se rapportent qu’à ce qui peut être et ne pas être ».
Possible : ce qui est vrai en un certain temps. Une chose possible passera sera vraie à un certain
moment.
Nécessaire : ce qui est tout le temps vrai
Impossible : ce qui est faux en tout temps
C’est l’existence qui permet de dire si une chose est possible, impossible ou nécessaire. Dans le ciel
d’Aristote, il s’intéresse non pas à son existence mais à sa relation dans le temps, donc à son devenir
et sa puissance.
Toutes les preuves des auteurs, Descartes, Aristote, St Thomas d’Aquin, sont toujours a posteriori.
Elles partent de l’existence pour chercher la preuve du moteur immobile.
Un passage va s’opérer des preuves a posteriori habituelles vers une possibilité d’établir des
preuves a priori de l’existence de dieu à partir de modalités logiques et non pas à partir de
l’existence des choses.
Descartes va constituer ce carrefour dans sa discussion avec Arnauld entre la conception
aristotélicienne et thomiste basée sur les modalités temporelles qui traitent de la possibilité
d’existence qui sont des démonstrations a posteriori vers la démonstration a priori que va
développer ensuite Leibniz.
Rappel : c’est grâce à Arnauld que l’on peut dire que l’essence divine implique son évidence. Alors
on bascule vers une forme terminologique proche de la preuve a priori.
distinction qui est entre l’esprit et le corps humain disposées d’une façon géométrique [à la
suite des Réponses aux secondes Objections] :
« Axiomes ou Notions communes. I. Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse
demander quelle est la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu ; non
qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister, mais parce que l’immensité même de sa nature est la
cause, ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister ».
La cause de Dieu implique son existence. Tout a une raison d’être. Dieu aussi a une cause, une
raison d’être qui est contenue en lui-même puisqu’il est cause par lui-même. Il pose les fondements
de réécriture des preuves de l’existence de Dieu et qui seront repris par Leibniz.
12. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« Et selon les lois de la vraie Logique, on ne doit jamais demander d’aucune chose, Si elle est [an
sit], qu’on ne sache premièrement, Ce qu’elle est [quid sit] ».
Pour St Thomas d’Aquin, il fallait toujours s’interroger d’abord en se demandant si la cause existe.
On se demande ce qu’est une chose puis si elle existe effectivement.
A posteriori St Thomas d’Aquin : Interrogation sur la cause divine → démonstration de son
existence. Enquête cosmologique préalable, comme le faisait Aristote.
A priori Descartes : Démontre l’existence de Dieu → s’interroge sur la cause
On est en train de basculer vers une conception qui est d’ordre logique.
Dans cette nouvelle preuve, on a cette question sur la raison d’être des choses.
Distances totales avec Aristote ou St Thomas d’Aquin pour qui il y avait déjà avant nous
probablement une existence divine. Ils ne s’interrogent pas sur l’existence des êtres mais plutôt sur
leur temporalité.
Chez Leibniz, on s’interroge sur la raison d’être des existences des êtres contingents qui ont des
causes extérieures. Dieu en est leur cause par soi. Cette procession vers une cause par soi revient
dans un raisonnement semblablement a posteriori (action de remonter de cause en cause) est une
façon a priori de terminer le raisonnement a posteriori.
On dit que le raisonnement est finalement a priori puisqu’on finit par dire que la cause première est
Dieu.
Chez Thomas d’Aquin, on cherchait au terme de notre regressum infinitum à aboutir à une cause
première sans réellement savoir si elle porte le nom de Dieu.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
C’est précisément l’objet des critiques de Catérus qui montrait que St Thomas d’Aquin ne savait
pas si cette cause première était Dieu.
Fondement temporel de la nécessité et du possible. Si Dieu était un être nécessaire mais qu’il
n’existait pas, il ne serait donc pas nécessaire. Pour qu’il existe à l’avenir, il faut qu’il existe depuis
toujours. Cela reprend Aristote, St Thomas et même ce que Descartes disait face à Catérus.
Descartes n’arrivait pas à montrer l’existence de Dieu mais à montrer le fait qu’il existait depuis
toujours.
« Si Dieu est possible, Dieu existe », on retrouve donc 2 façons différentes d’entendre la nécessité.
On avait conscience à l’époque d’une conception temporelle et d’une conception logique pour
déterminer la nécessité. Cudworth va superposer ces deux conceptions. La plus simple et la plus
directe veut que la temporalité soit très importante. C’est un fondement temporel de la nécessité et
du possible, si Dieu est un être temporel et qu’il n’existait pas il ne serait dès lors pas nécessaire.
Par ailleurs, pour qu’il existe à l’avenir, il faut qu’il existe depuis toujours. Descartes n’arrive pas à
démontrer l’existence de Dieu mais que s’il existe alors il existe depuis toujours.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
La seconde conception de Cudworth affirme que ce qui est contingent est quelque chose qui peut ne
pas exister au moment même où il existe. Tandis que selon cette nouvelle conception, un être
nécessaire est un être dont l’impossibilité implique une contradiction tandis que possible n’implique
pas de contradiction. Il implique contradiction de nier l’existence de Dieu. Si Dieu était possible
mais n’existe pas cela signifie que c’est un être contingent mais cela signifierait que Dieu serait un
être contingent et nécessaire, ce qui implique une contradiction. Donc il serait impossible. (Dieu est
possible à Dieu est nécessaire à Dieu n’existe pas à Dieu contingent et nécessaire à
Contradiction à Dieu n’est pas possible à Dieu existe).
Si Dieu est l’être nécessaire et qu’il est possible, alors il existe.
5. Waterland, A Dissertation upon the Argument a priori for proving the Existence of a First
Cause :
« Je peux maintenant chercher sur quoi l’argument a priori (comme on l’appelle) doit se fonder, ou
comment il est soutenu. Pour y parvenir, il faut d’abord prouver a posteriori l’existence d’un être
indépendant, c’est-à-dire : Quelque chose est maintenant, donc quelque chose a existé de toute
éternité ; donc, un Être inchangeable et indépendant, au moins un ; par conséquence, il y a un Être
qui existe par soi ou qui existe nécessairement. Jusqu’à présent, il est juste et bon d’arriver à
l’existence nécessaire dans la manière d’argumenter a posteriori. Appelons cela Nécessité
d’Existence, cette Nécessité importe un Mode d’Existence qu’on vient de prouver, subséquent,
dans l’ordre de la Nature et de la Conception, à l’Existence, et renvoyé au Sujet de celle-ci. La
Nécessité suivante est peu après abandonnée, et la Nécessité antérieure nous est glissée dans sa
chambre. Sous le couvert d’un Nom ambigu, l’Idée, avec laquelle nous avons commencé, est
d’abord changée pour une autre, tout à fait nouvelle et étrangère, et puis elle entre dans l’Argument
a priori avec tous les problèmes qu’elle engendre. Il est maintenant conçu je ne sais quelle
Nécessité antécédente, quelle Cause interne, quelle Raison antérieure, quel Sol, quel Fondement de
l’Être indépendant ; et tout cela construit sur rien, l’Équivoque d’un Mot ».
La nécessité vient après c'est-à-dire que ce n’est plus une nécessité qui suit l’existence. On
s’interroge sur une nécessité qui trouve la cause et le fondement de l’existence d’un être. C’est une
interrogation a priori. Descartes n’infère pas Dieu comme étant cause de soi dans la preuve.
La nécessité antérieure questionne la raison-même d’être de Dieu. On voit l’introduction de l’idée
de la cause par soi, de Dieu comme cause de lui-même.
donné ou encore un progrès des causes à l’infini, mais seulement dans cette supposition qu’il est
impossible que les choses qui n’existent pas nécessairement par nature ne soient pas déterminées à
exister par une chose qui, elle, existe nécessairement »
Chez Spinoza, la nature de Dieu enveloppe son existence. Existence de Dieu comme cause de soi.
On avait vu que chez Spinoza, la cause par soi est le fondement de sa philosophie. L’essence fonde
l’existence. Existence de Dieu fondée sur les modalités logiques.
« Jusqu’ici nous n’avons parlé qu’en simples physiciens : maintenant il faut s’élever à la
métaphysique, en nous servant du grand principe, peu employé communément, qui porte que, rien
ne se fait sans raison suffisante, c’est-à-dire, que rien n’arrive sans qu’il soit possible à celui qui
connaîtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour déterminer, pourquoi il en est
ainsi, et non pas autrement. Ce principe posé, la première question qu’on a droit de faire, sera,
pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien. Car le rien est plus simple et plus facile que quelque
chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison, pourquoi
elles doivent exister ainsi, et non autrement ».
La philosophie de Leibniz est très connue par le fait qu’elle définit tout entre le possible et le
nécessaire, entre l’existant et l’inexistant.
Il distingue les vérités contingentes ou vérités de faits qui sont des vérités dont le contraire est
possible, elles peuvent ne pas exister, comme les vérités de l’Histoire.
Tandis qu’il y a des vérités nécessaires, donc leur contraire implique une contradiction. Les
propriétés du triangle constituent une vérité nécessaire.
Dans tous les mondes possibles les règles nécessaires restent les mêmes alors que les contingentes
non.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
Il y a plein de mondes possibles constituant tous des vérités contingentes et nécessaires et elles sont
toutes subordonnées à Dieu.
Pourquoi Dieu a fondé ce monde plutôt qu’un autre ? Il l’a choisi parce qu’il calcule le monde dans
lequel le plus de possibles peuvent trouver leur effectivité, leur réalité.
3. Leibniz, De l’origine radicale des choses : « Les raisons du monde se trouvent dans quelque
chose d’extérieur, différent de la chaîne des états ou des suites de choses dont le groupement
constitue le monde. C’est pourquoi, de la nécessité physique ou hypothétique, qui détermine dans
le monde les choses qui suivent à partir de celles qui précèdent, il faut remonter à quelque chose
qui soit d’une nécessité absolue, ou métaphysique, […] ou dont l’essence entraîne l’existence ».
Chez Leibniz, on considère un ensemble de vérités contingentes retrouvées sur un plan et il faut
faire un saut pour accéder à un plan métaphysique qui est la nécessité divine.
Là où chez Saint Thomas d’Aquin, on procédait en cause par autrui pour remonter jusqu’à la cause
par soi. Il y avait 1 plan, on ne sortait pas de la chaîne.
≠
Ici, chez Leibniz, il n’y a pas de relation, pas de lien entre vérités nécessaires et contingentes. Il y a
2 plans (physique/ métaphysique).
Leibniz transpose la preuve thomiste déjà modifiée par Descartes à partir du principe de la raison
suffisante.
St Thomas → Descartes → Leibniz
Si on n’avait pas Dieu, on n’aurait rien. Comme on n’a pas rien dans ce monde, alors Dieu existe.
Il y a chez Leibniz une convergence entre la nécessité de l’être due à une preuve a posteriori
(preuve à travers les êtres matériels) et une autre a priori (le pourquoi de Dieu, s’il est possible qu’il
existe).
Si on admet la preuve a posteriori, on ne peut pas refuser la preuve a priori, et nécessairement
réciproquement. L’être nécessaire est également l’être souverainement parfait.
Il nous faut d’abord nous fonder sur l’idée
7. Leibniz, A Henning Huthmann (?) en janvier 1678, Démonstration que l’être nécessaire
existe, s’il est possible :
« Si nous définissons Dieu comme un être par soi, ou comme un être dont l’essence suit
l’existence, ou comme un être nécessaire, il s’ensuit cette conclusion mémorable : Si Dieu est
possible, il existe en acte [...] Comme Dieu est aussi défini comme un être éminemment parfait et
que l’existence fait partie des perfections, l’on déduit, à raison, ici également, que Dieu est l’être
dont l’essence implique l’existence ».
C’est interdit chez Leibniz de passer de la possibilité d’une chose à l’existence de celle-ci, mais il y
a quand même l’exception : celle de Dieu. Dieu est la seule essence qui peut passer de la possibilité
à l’existence. Il s’est réalisé.
La possibilité suppose une chose qui, n’ayant pas de contradiction, est possible.
3. Chapitre 8 :
« Quelque chose que nous disent les philosophes partisans du système religieux pour nous prouver
l’existence d’un tel être que leur Dieu, ils ne prouvent autre chose sinon qu’il n’arrive rien qui ne
soit l’effet d’une cause ; que le plus souvent nous ne pouvons connaître les causes immédiates des
effets que nous voyons ; que, lors même que nous les pouvons voir, ces causes sont elles-mêmes
des effets à l’égard des autres causes antérieures qui les ont produites, et ainsi à l’infini. Mais ils
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
ne montrent point qu’il faille en venir à une première Cause éternelle, qui soit la cause universelle
de toutes les causes particulières, qui produise toutes les propriétés des êtres et même leur
existence, et qui ne dépende elle-même d’aucune autre cause. Il est vrai que nous ne connaissons
pas la liaison, la suite et la progression de toutes les causes ; mais que conclure de là ? L’ignorance
d’une chose n’a jamais pu être un motif raisonnable de croire ni de se déterminer. »
Selon Fréret, les philosophes on a un moment besoin de trancher la question est de croire qu’il
existe qu’une cause première : Dieu. Les philosophes seraient orgueilleux de ne pas admettre leur
ignorance. Inutile de s’aventurer dans des raisonnements qui ne mènent nulle part.
Hume est publié posthume. Il laisse des textes audacieux sur la question de la nature divine.
3 personnages entrent en jeu :
- le personnage de Deméa représentant la tradition métaphysique (Leibniz, Descartes) et qui
présentent une preuve a priori
- le personnage de Cléanthe qui est théiste ou déiste, il croit en Dieu sur la base d’une preuve a
posteriori seulement. Si chez Leibniz on ne pouvait pas exclure la preuve a priori quand on
acceptait l’a posteriori, ce n’est pas le cas du personnage déiste. Il s’appuie sur l’argument
téléologique
- le personnage de Philon, c’est un sceptique, il ne croit pas en l’existence de Dieu.
De quel côté penche Hume ? Il oscille entre Cléanthe et Philon, le déiste et le sceptique.=
Hume ne fait pas ce que fait Fréret (c’est-à-dire refuser l’idée de dieu comme cause première). Il ne
dit pas que Dieu n’existe pas. A travers la mise en dialogue, il se questionne sur la nature de Dieu.
Hume, Dialogues sur la religion naturelle (1779) 9e partie : La preuve a priori de l’existence
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
de Dieu
L’argument, répondit Déméa, sur lequel vous insistez, est l’argument commun. Tout ce qui existe
doit avoir une cause ou une raison de son existence car il est absolument impossible qu’une chose
se produise elle-même ou soit la cause de sa propre existence. En remontant donc des effets aux
causes, nous devons soit suivre une succession infinie sans jamais découvrir de cause ultime, soit
avoir recours à une cause ultime qui existe nécessairement. Or, que cette première hypothèse soit
absurde, nous pouvons le prouver ainsi. Dans la chaîne ou succession des causes et des effets,
chaque effet pris à part est déterminé à exister par le pouvoir et l’efficacité de cette cause qui l’a
immédiatement précédé; mais toute la chaîne ou succession, prise globalement, n’est pas
déterminée ou causée par quelque chose et il est pourtant évident qu’elle requiert une cause ou
une raison, tout comme un objet particulier qui commence à exister dans le temps. Il est
raisonnable de se poser cette question : pourquoi cette succession de causes existe-t-elle de toute
éternité plutôt qu’une autre succession ou pas de succession du tout ? S’il n’y a aucun être
nécessairement existant, toute supposition qui peut être formée est également possible et il n’y a
pas plus d’absurdité dans le fait que rien, de toute éternité, n’ait existé qu’il n’y en a dans cette
succession de causes qui constitue l’univers. Qu’est-ce qui a donc déterminé quelque chose à
exister plutôt que rien et a donné l’être à une possibilité particulière à l’exclusion des
autres ? Les causes externes, on suppose qu’il n’y en a pas. Hasard est un mot vide de sens. Était-
ce le néant ? Mais le néant ne peut jamais produire quelque chose. Nous devons donc avoir
recours à un être nécessairement existant qui porte la raison de son existence en lui-même et
qui ne peut être supposé ne pas exister sans une contradiction expresse. Il y a par conséquent
un tel être. Un dieu existe donc.
Déméa présente son argument comme a priori, pourtant il reprend trait l’argument a posteriori de
Leibniz. On doit se référer sur un autre plan dans lequel il y a une nécessité métaphysique avec un
Dieu cause de lui-même pour que la chaîne contingente en découle. L’argument de la preuve
cosmologique leibnizien a priori est ici présenté comme a posteriori. L’être nécessaire est aussi
l’être infiniment parfait.
Déméa cherche à prouver la nécessité de l’existence divine. Cette preuve n’est plus seulement a
posteriori mais métaphysique car Dieu est présenté sur un autre plan que le plan physique.
L’idée de Dieu permettait avant de donner une description adéquate de la nature de Dieu. L’auteur
croit en la possibilité d’avoir une preuve a priori a condition d’avoir une téléologie négative
(comme chez Anselme), on donne des définitions négatives de Dieu.
Alors que chez Descartes ou Leibniz on s’appuie sur une téléologie positive (tout est tellement
rationnel qu’on peut expliquer totalement Dieu).
Cléanthe paraphrase Wollaston dans la manière dont il dit que l’argument a priori est invalide.
impossible qu’ils admissent une autre disposition ? Tant il est dangereux d’introduire l’idée de
nécessité dans la présente question ! Tant elle offre naturellement une inférence directement
opposée à l’hypothèse religieuse »
Il y a une référence explicite à Spinoza, pour lui dès que je pose une cause, tous les effets doivent
nécessairement découler de cette cause. Une chose est possible lorsqu’elle arrive non pas à temps
mais par une nécessité logique. Une fois Dieu posé est qu’il y a une nécessité entre sa substance et
son essence il y a EN PLUS une nécessité entre Dieu et le monde et les effets vont nécessairement
découler. Tous les contingents suivent du principe de Dieu. La nécessité chez Spinoza est de l’ordre
du principe duquel découle nécessairement des effets.
Il y a une nécessité métaphysique, il n’y a pas de contingence. Il n’y a pas une infinité de mondes
possibles mais un effet associé nécessaire à sa cause.
Il veut distinguer entre la nécessité absolue (Dieu est la raison de son existence), ça c’est sûr. Après
Lei
A la fin du texte de Hume, Philon dit qu’ils débattent depuis tout ce temps sur quelque chose qui
peut être n’existe même pas dans le monde.
1. Kant, Critique de la raison pure, Analytique transcendantale, liv. II, ch. III :
« Nous avons maintenant non seulement parcouru le pays de l’entendement pur et considéré
scrupuleusement chacune de ses parties, mais nous en avons aussi pris toutes les mesures et y
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique
avons déterminé la place qu’occupe chaque chose. Ce pays, toutefois, est une île, et de ce fait
enfermé par la nature elle-même dans des limites immuables. C’est le pays de la vérité (nom
fascinant), entouré par un vaste océan vaste agité de tempêtes, véritable siège de l’illusion, où
maints bancs de brouillard et maints blocs de glace bientôt fondus offrent l’aspect trompeur de
terres nouvelles et, abusant sans cesse par de vaines espérances le navigateur exalté à la
perspective de nouvelles découvertes, l’engageant dans des aventures auxquelles il ne peut jamais
renoncer, mais qu’il ne peut pourtant jamais non plus mener à bonne fin »
Kant