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La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Histoire de la philosophie :
Le dieu des philosophes

Le Dieu des philosophes :

La question de la preuve de l’existence de Dieu est l’un des aspects les plus séduisants pour
entamer l’étude des grands maîtres de la pensée moderne. Comme d’éminents spécialistes l’ont
remarqué, la « métaphysique moderne » au sujet des preuves de l’existence de Dieu a été de courte
durée : dès les Méditations métaphysiques de Descartes, parues en traduction française en 1647, à la
Critique de la raison pure de Kant, dont la deuxième édition apparaît en 1787.
Ainsi durant un demi-siècle, d’abord Descartes, puis Spinoza et Leibniz, ont interrogé les moyens
de connaître Dieu par la raison, et donc par l’idée qu’a l’esprit humain de Dieu.
Ensuite, dans le demi-siècle suivant, ces mêmes conditions épistémologiques ont été mises en
question notamment par Hume, et démenties définitivement par Kant. Après leurs critiques, la
philosophie a renoncé à songer à des nouveaux arguments de l’existence de Dieu. Dans le cours,
nous examinerons les passages philosophiques les plus significatifs de la parabole de la «
métaphysique moderne » et tâcherons de le faire dans un parcours à travers plusieurs œuvres. Nous
aurons ainsi l’occasion de nous confronter à divers types de raisonnement et à différentes
conceptions de l’univers au sein de la pensée moderne.

Œuvres philosophiques :
-Descartes, Méditations métaphysiques
-Hume, Dialogues sur la religion naturelle
-Kant, Critique de la raison pure (Dialectique transcendantale)
-Leibniz, Monadologie
-Spinoza, Éthique (Première partie).
-Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Première partie, question 2

Ouvrages généraux indicatifs :


-Moreau J., Le Dieu des philosophes, Paris, Vrin, 1969.
-Scribano E., L'existence de Dieu : histoire de la preuve ontologique de Descartes à Kant, trad. de
C. Barone, Paris, Seuil, 2002.
-Sève B., La question philosophique de l'existence de Dieu, Paris, P.U.F., 1994.

INTRODUCTION :
La preuve de l’existence de Dieu au Moyen Âge : le cas de Thomas d’Aquin et
les preuves a posteriori

1. Kant, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, liv. II, ch. III, sec. III :

« Il n’y a que trois types de preuves possibles de l’existence de Dieu. Toutes les voies que l’on
peut tenter de suivre dans ce but partent ou bien de l’expérience déterminée et de la nature
particulière de notre monde sensible, telle que cette expérience nous la fait connaître, et elles
s’élèvent à partir de celle-ci, en suivant les lois de la causalité, jusqu’à la cause suprême située en
dehors du monde ; ou bien elles ne prennent empiriquement pour fondement qu’une expérience
indéterminée, c’est-à-dire une existence quelconque ; ou bien enfin elles font abstraction de toute
expérience et concluent entièrement a priori, à partir de simples concepts, à l’existence d’une
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

cause suprême. La première preuve est la preuve physico-théologique, la deuxième la preuve


cosmologique, la troisième la preuve ontologique. Il n’y en a pas davantage, et il ne peut pas non
plus y en avoir davantage ».

2. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 2 intitulé L’existence de Dieu est-elle


démontrable ? :
« Il y a deux sortes de démonstrations : l’une par la cause, que l’on nomme propter quid ; elle
part de ce qui est antérieur, en réalité, par rapport à ce qui est démontré. L’autre, par les effets, que
l’on nomme démonstration quia ; elle part de ce qui n’est premier que dans l’ordre de notre
connaissance. C’est pourquoi, toutes les fois qu’un effet nous est plus manifeste que sa cause, nous
recourons à lui pour connaître la cause. […] Car, les effets dépendant de la cause, dès que
l’existence de l’effet est établie, il suit nécessairement que la cause préexiste. Donc, si l’existence
de Dieu n’est pas évidente à notre égard, elle peut être démontrée par ses effets connus de nous.
Solutions : Par des effets disproportionnés à leur cause, on ne peut obtenir de cette cause une
connaissance parfaite ; mais, comme nous l’avons dit, il suffit d’un effet quelconque pour
démontrer manifestement que cette cause existe. Ainsi, en partant des œuvres de Dieu, on peut
démontrer l’existence de Dieu, bien que par elles nous ne puissions pas le connaître parfaitement
quant à son essence ».

Thomas d’Aquin propose une distinction entre les démonstrations quia (a posteriori) et propter
quid (a priori).
Selon lui on ne peut prouver l’existence de dieu qu’à travers des preuves a posteriori. Il ne croit pas
à la possibilité d’établir une connaissance scientifique de l’existence de dieu.

Dans l’article 1, Thomas d’Aquin nous dit que la preuve que Dieu existe « n’est pas évidente à
notre égard » parce qu’on n’a pas une connaissance parfaite de la nature divine, on ne sait pas ce
qu’est Dieu en raison de notre entendement fini.
L’existence de Dieu est évidente en soi mais pas pour nous.

3. Richard de Middleton (théologien franciscain, XIIIe siècle), Commentaire sur les sentences
de Pierre Lombard, I, Dist. III, q.

« Une démonstration est propter quid quand on démontre une affection du sujet par la cause, et une
démonstration est quia quand on démontre la cause par l’effet. En parlant de la première
démonstration, je dis qu’il n’est pas possible de démontrer que Dieu existe, car l’existence de Dieu
n’a pas de cause, par laquelle on puisse démontrer que Dieu existe. En parlant de la démonstration
par l’effet, j’affirme que nous pouvons démontrer que Dieu existe de bien des façons ».

Montrer un effet par sa cause : démonstration propter quid, a priori


Montrer une cause par son effet ; démonstration quia, a posteriori.

Il y aurait une absence de causalité de l’existence de Dieu pour une raison ontologique. On ne peut
pas demander la raison d’être de Dieu car Dieu n’a pas de raison d’être.
Regressum ad infinitum : Chercher les causes des causes jusqu’à la première.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Selon Thomas d’Aquin, le nom le plus approprié pour désigner Dieu est l’être car c’est le plus
noble.

4. Thomas d’Aquin, La Somme contre les Gentils, liv. III, ch. XLIX :
« Il est donc impossible de saisir la divine essence à travers le créé. Toute espèce intelligible qui
permet de connaître la quiddité ou l’essence d’une chose, embrasse cette réalité dans sa
représentation ; aussi appelons-nous ‘termes’ ou ‘définitions’ ces discours par lesquels nous
exprimons l’essence. Or il est impossible à quelque similitude créée d’exprimer Dieu ainsi, car à
l’encontre de Dieu toute représentation créée est d’un genre déterminé. Il n’est donc pas possible
de connaître Dieu par quelque représentation créée ».

On ne peut pas à travers quelque chose de fini attendre quelque chose d’infini. Les concepts, les
similitudes créées ne peuvent pas exprimer ce qu’est Dieu. Les termes apposé à celui Dieu tel
qu’« être pur » désignent partiellement seulement Dieu.

Résumé : Pour prouver l’existence de Dieu, il y a plusieurs limites :


Limite ontologique : Dieu n’a pas de cause donc c’est inutile de s’essayer à une voie pour trouver sa
raison d’être.
D’ordre épistémologique : toute certitude créée n’est pas possible puisqu’elle est basée sur un être
fini qui essaie de saisir l’infini.

D’ordre logique : si on ne peut saisir une telle cause par ses effets

5. Christovão Gil (jésuite de Coimbra, XVIe siècle), Commentaires théologiques sur la


doctrine sacrée, sur l’essence et sur l’unité de Dieu, liv. I, traité VIII, ch. IV, VI-VIII :

« Pour qu’une proposition soit matériellement démontrable a priori, il est nécessaire que le
prédicat et le sujet ne se joignent pas immédiatement, mais par les biais d’un autre terme : mais
Dieu étant un ensemble constitué formellement par la nature divine, il se joint immédiatement à sa
propre existence, sans l’intervention d’un moyen terme : cette proposition, ‘Dieu existe’, est donc
matériellement indémontrable.
Il ne manque pas d’auteurs pour affirmer que la proposition ‘Dieu existe’ est démontrable a priori
même pour ceux qui sont encore dans l’état de voyage […] En effet, tout en admettant que, dans la
condition commune, on ne donne pas de démonstration propter quid de la proposition ‘Dieu
existe’, ceux-ci sont cependant de l’avis qu’elle pourrait être démontrée par celui à qui Dieu
insufflerait une science évidente des termes, ou au moins du terme ‘Dieu’.
Celui qui est encore dans l’état de voyage, en s’élevant au-dessus de la norme ordinaire, peut avoir
une démonstration a priori de la proposition ‘Dieu existe’ seulement si deux conditions sont
satisfaites : la première, que l’on parvienne à une connaissance abstractive de Dieu claire et
distincte, l’autre, si une telle connaissance se vérifie, que l’on puisse construire à partir de celle-ci
une véritable démonstration ». 1 http://docteurangelique.free.fr/

DESCARTES ET LES PREUVES A POSTERIORI


La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

1. La preuve de l’existence de Dieu à l’Âge classique : Descartes et les preuves a posteriori 1.


Descartes au Père Mersenne, Lettre du 11 novembre 1640 :
« Je vous envoie enfin mon écrit de Métaphysique, auquel je n’ai point mis de titre […] Je croie
qu’on le pourra nommer, ainsi que je vous ai écrit par ma précédente [lettre], Meditationes de
prima Philosophia ; car je n’y traite pas seulement de Dieu et de l’Âme, mais en général de toutes
les premières choses qu’on peut connaître en philosophant par ordre ».

Descartes et la première preuve a posteriori

2. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :


« Par le nom de Dieu j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute
connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il
est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites. Cette idée étant fort claire et fort
distincte […] l’idée dis-je de cet être souverainement parfait et infini est entièrement vraie.
Il me reste seulement à examiner de quelle façon j’ai acquis cette idée : Car je ne l’ai pas reçue par
les sens […] Elle n’est pas aussi une pure production ou fiction de mon esprit, car il n’est pas en
mon pouvoir d’y diminuer ni d’y ajouter aucune chose, et par conséquent il ne reste plus autre
chose à dire, sinon que comme l’idée de moi-même, elle est née et produite avec moi dès lors que
j’ai été créé ».

L’essence de Dieu ne peut être connue mais on peut l’admettre et démontrer par ses effets.
Descartes pose donc une distance avec Saint Thomas d’Aquin en considérant qu’on peut avoir une
compréhension claire et distance de Dieu et que l’idée de Dieu est innée.

• Pour Thomas d’Aquin, la compréhension de Dieu est une idée acquise par la
recherche, pas d’évidence de l’existence de Dieu.

≠ cadres épistémologiques

• Pour Descartes, l’existence de Dieu est évidente, la compréhension de Dieu est innée et
démontrable.

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3. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :
« Mais il se présente encore une autre voie pour rechercher si entre les choses dont j’ai en moi les
idées, il y en a quelques-unes qui existent hors de moi. À savoir, si ces idées sont prises en tant
seulement que ce sont de certaines façons de penser, je ne reconnais entre elles aucune différence
ou inégalité, et toutes semblent procéder de moi d’une même sorte ; [A] mais les considérant
comme des images, dont les unes représentent une chose, et les autres une autre ; il est évident
qu’elles sont fort différentes les unes des autres. De plus celle par laquelle je conçois un Dieu
souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puisant, et Créateur universel de toutes
les choses qui sont hors de lui ; celle-là, dis-je, a certainement en soi plus de réalité objective, que
celles par qui les substances finies me sont représentées.
[B] Maintenant c’est une chose manifeste par la lumière naturelle qu’il doit y avoir pour le
moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet : car d’où est-ce que
l’effet peut tirer sa réalité sinon de sa cause ? et comment cette cause la lui pourrait-elle
communiquer, si elle ne l’avait en elle-même ? C’est à savoir que, si la réalité objective de
quelqu’une de mes idées est telle, que je connaisse clairement qu’elle n’est point en moi ni
formellement, ni éminemment, et que par conséquent je ne puis pas moi-même en être la cause : il
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

suit de là nécessairement que je ne suis pas seul dans le monde, mais qu’il y a encore quelque autre
chose qui existe, et qui est la cause de cette idée.
[C] Et ceci ne laisse pas d’être vrai, encore que je ne comprenne pas l’infini, ou même qu’il
se rencontre en Dieu une infinité de choses que je ne puis comprendre, ni peut-être aussi atteindre
aucunement par la pensée : car il est de la nature de l’infini, que ma nature, qui est finie et bornée,
ne le puisse comprendre ; et il suffit que je conçoive bien cela, et que je juge que toutes les choses
que je conçois clairement, et dans lesquelles je sais qu’il y a quelque perfection, et peut-être aussi
une infinité d’autres que j’ignore, sont en Dieu formellement ou éminemment, afin que l’idée que
j’en ai soit la plus vraie, la plus claire, et la plus distincte de toutes celles qui sont en mon esprit ».

La première partie porte sur la nature des idées, une idée est un acte de pensée. Mais il y des
différences entre les idées par rapport à leur contenu/objet.
La deuxième partie introduit la question sur le contenu de l’idée de Dieu. On a un principe
vrai par le lien naturel. La cause d’une idée doit avoir autant de réalité que dans l’effet produit.
On ne peut pas avoir une cause mineure qui a un effet majeur.
Et puisque l’idée de Dieu est infinie et donc bien supérieure à moi-même qui suis fini et ne
m’est pas égale, alors je ne peux avoir inventé cette idée, il faut donc que Dieu existe hors de
moi-même.

4. Gassendi, Méditations métaphysiques, Cinquièmes Objections Contre la Troisième


Méditation :
« Vous dites qu’il y a plus de réalité objective dans l’idée d’un Dieu infini, que dans l’idée d’une
chose finie. Mais premièrement l’esprit humain n’étant pas capable de concevoir l’infinité, ne peut
pas aussi avoir, ni se figurer une idée qui représente une chose infinie. Et partant celui qui dit une
chose infinie, attribue à une chose qu’il ne comprend point, un nom qu’il n’entend pas non plus
[…] Certainement Dieu est infiniment élevé au-dessus de toute compréhension. C’est pourquoi il
n’y a pas lieu de dire que nous avons aucune idée véritable de Dieu qui nous le représente tel qu’il
est ».

5. Descartes, Médiations métaphysiques, Réponses aux cinquièmes Objections [de


Gassendi] :
« Je vous avertirai, dis-je, qu’il répugne que je comprenne quelque chose, et que ce que je
comprends soit infini : car pour avoir une idée vraie de l’infini il ne doit en aucune façon être
compris, d’autant que l’incompréhensibilité même est contenue dans la raison formelle de l’infini
».

5.2 Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« C’est pourquoi je dirai ici premièrement que l’infini, en tant qu’infini, n’est point à la vérité
compris, mais que néanmoins il est entendu ; car entendre clairement et distinctement qu’une
chose soit telle, qu’on ne puisse y rencontrer de limites, c’est clairement entendre qu’elle est
infinie ».
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

5.3 Descartes au Père Mersenne, Lettre du 27 mai 1630 :


« Car comprendre, c’est embrasser de la pensée ; mais pour savoir une chose, il suffit de la toucher
de la pensée ».

6. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :


« Lorsque je fais réflexion sur moi, non seulement je connais que je suis une chose imparfaite,
incomplète, et dépendante d’autrui, qui tend et qui aspire sans cesse à quelque chose de meilleur et
de plus grand que je ne suis, mais je connais aussi en même temps, que celui duquel je dépens
possède en soi toutes ces grandes choses auxquelles j’aspire, et dont je trouve en moi les idées […]
Et toute la force de l’argument dont j’ai ici usé pour prouver l’existence de Dieu, consiste en ce
que je reconnais qu’il ne serait pas possible que ma nature fût telle qu’elle est, c’est à dire que
j’eusse en moi l’idée d’un Dieu, si Dieu n’existait véritablement, ce même Dieu, dis-je, duquel
l’idée est en moi, c’est à dire qui possède toutes ces hautes perfections, dont notre esprit peut bien
avoir quelque idée sans pourtant les comprendre toutes ».

Le fait que je peux concevoir l’idée d’une substance infinie me montre que je suis une substance
finie.

Descartes et la seconde preuve a posteriori

7. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 3 intitulé Que Dieu existe, on peut prendre
cinq voies pour le prouver :
« La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses
sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est
pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait
antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à
l’infini dans les causes efficientes ; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la
première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces
intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en ait qu’un seul. D’autre part, supprimez la cause,
vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il
n’y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l’on devait monter à l’infini dans la série des causes
efficientes, il n’y aurait pas de cause première ; en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni
cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer
qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu ».

8. Caterus, Méditations métaphysiques, Premières Objections :


« Voilà certes à mon avis la même voie que suit Saint Thomas, qu’il appelle la voie de la causalité
de la cause efficiente, laquelle il a tirée du Philosophe ; hormis que Saint Thomas ni Aristote ne se
sont pas souciés des causes des idées ».

9. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :


« C’est pourquoi je veux ici passer outre, et considérer si moi-même qui ai cette idée de Dieu je
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pourrais être, en cas qu’il n’y eût point de Dieu. Et je demande, de qui aurais-je mon existence?
peut-être de moi-même, ou de mes parents, ou bien de quelques autres causes moins parfaites que
Dieu ; car on ne se peut rien imaginer de plus parfait ni même d’égal à lui.
[A] Or si j’étais indépendant de tout autre, et que je fusse moi-même l’auteur de mon être,
certes je ne douterais d’aucune chose, je ne concevrais plus de désirs, et enfin il ne me manquerait
aucune perfection : car je me serais donné moi-même toutes celles dont j’ai en moi quelque idée,
et ainsi je serais Dieu.
[B] Et encore que je puisse supposer que peut-être j’ai toujours été comme je suis
maintenant, je ne saurais pas pour cela éviter la force de ce raisonnement, et ne laisse pas de
connaître qu’il est nécessaire que Dieu soit l’auteur de mon existence. [a] Car tout le temps de ma
vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des
autres, et ainsi de ce qu’un peu auparavant j’ai été, il ne s’ensuit pas que je doive maintenant être,
si ce n’est qu’en ce moment quelque cause me produise, et me crée, pour ainsi dire, derechef, c’est
à dire me conserve. [b] En effet c’est une chose bien claire et bien évidente (à tous ceux qui
considéreront avec attention la nature du temps) qu’une substance pour être conservée dans tous
les moments qu’elle dure, a besoin du même pouvoir et de la même action, qui serait nécessaire
pour la produire et la créer tout de nouveau, si elle n’était point encore. En sorte que la lumière
naturelle nous fait voir clairement, que la conservation et la création ne diffèrent qu’au regard de
notre façon de penser, et non point en effet. [c] Il faut donc seulement ici que je m’interroge moi-
même, pour savoir si je possède quelque pouvoir 3 et quelque vertu, qui soit capable de faire en
sorte que moi qui suis maintenant, sois encore à l’avenir. [d] Mais je n’en ressens aucune dans
moi, et par là je connais évidemment que je dépens de quelque être diffèrent de moi. Car comme
j’ai déjà dit auparavant, c’est une chose très évidente qu’il doit y avoir au moins autant de réalité
dans la cause que dans son effet.
[C] Et partant puisque je suis une chose qui pense, et qui ai en moi quelque idée de Dieu
quelle que soit ; enfin la cause que l’on attribue à ma nature, il faut nécessairement avouer qu’elle
doit pareillement être une chose qui pense, et posséder en soi l’idée de toutes les perfections que
j’attribue à la nature divine. [a] Puis l’on peut derechef rechercher si cette cause tient son origine et
son existence de soi-même, ou de quelque autre chose : Car si elle la tient de soi-même, il s’ensuit
par les raisons que j’ai ci-devant alléguées, qu’elle même doit être Dieu ; puis qu’ayant la vertu
d’être et d’exister par soi, elle doit aussi avoir sans doute la puissance de posséder actuellement
toutes les perfections dont elle conçoit les idées, c’est à dire toutes celles que je conçois être en
Dieu. [b] Que si elle tient son existence de quelque autre cause que de soi, on demandera derechef
par la même raison de cette seconde cause, si elle est par soi, ou par autrui, jusques à ce que de
degrés en degrés on parvienne enfin à une dernière cause, qui se trouvera être Dieu. [c] Et il est
très-manifeste qu’en cela il ne peut y avoir de progrès à l’infini, vue qu’il ne s’agit pas tant ici de
la cause qui m’a produit autrefois, comme de celle qui me conserve présentement. [d] Il faut
nécessairement conclure que de cela seul que j’existe, et que l’idée d’un être souverainement
parfait (c’est à dire de Dieu) est en moi, l’existence de Dieu est très évidemment démontrée ».

B.a : Descartes introduit une conception nouvelle du temps : il est divisé en instants indépendants
les uns des autres. On s’interroge sur la cause de moi-même dans le présent et sur la conservation de
moi-même dans le temps. Dans chaque instant on a donc une nouvelle création.
On peut donc si le moi a le pouvoir de se recréer à chaque instant ? Non car il doit y avoir autant de
réalité dans la cause que dans l’effet, et je n’ai pas assez de réalité pour me recréer à chaque instant.
C. Lorsque je suis en train de chercher la cause par soi de la cause par autrui, ne risque-je pas de
tomber un nouveau regressum in infinitum, une régression à l’infini ? Non car si je recherche la
cause par soi à la fin des autres, je tomberai sur l’idée de Dieu.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

10. Caterus, Méditations métaphysiques, Premières Objections :


« Je pense, donc Je suis, voire même je suis l’esprit même, et la pensée. Or cette pensée et cet
esprit, ou il est par soi-même, ou par autrui ; si par autrui, celui-là enfin par qui est-il ? S’il est par
soi, donc il est Dieu ; car ce qui est par soi se sera aisément donné toutes choses ».

11. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« Car il compare mon argument avec un autre tiré de Saint Thomas d’Aquin et d’Aristote, comme
s’il voulait par ce moyen m’obliger à dire la raison, pourquoi étant entré avec eux dans un même
chemin, je ne l’ai pas néanmoins suivi en toutes choses.
[…] Je ne voyais pas que cette succession de causes me pût conduire ailleurs, qu’à me faire
connaître l’imperfection de mon esprit, en ce que je ne puis comprendre comment une infinité de
telles causes ont tellement succédé les unes aux autres de toute éternité, qu’il n’y en ait point eu de
première. Car certainement de ce que je ne puis comprendre cela, il ne s’ensuit pas qu’il y en doive
avoir une première ; mais bien il suit seulement que mon entendement qui est fini, ne peut
comprendre l’infini. C’est pourquoi j’ai mieux aimé appuyer mon raisonnement sur l’existence de
moi-même, laquelle ne dépend d’aucune suite de causes, et qui m’est si connue que rien ne le peut
être davantage. Et m’interrogeant sur cela moi-même, je n’ai pas tant cherché par quelle cause j’ai
autrefois été produit, que j’ai cherché quelle est la cause qui à présent me conserve, afin de me
délivrer par ce moyen de toute suite, et succession de causes.
[…] De plus je n’ai pas seulement cherché quelle est la cause de mon être, en tant que je suis
une chose qui pense, mais principalement en tant qu’entre plusieurs autres pensées, je reconnais
que j’ai en moi l’idée d’un être souverainement parfait. Car de cela seul dépend toute la force de
ma démonstration. Premièrement parce que cette idée me fait connaître ce que c’est que Dieu, au
moins autant que je suis capable de le connaître. […] En second lieu, parce que c’est cette même
idée qui me donne occasion d’examiner si je suis par moi, ou par autrui ; et de reconnaître mes
défauts. Et en dernier lieu, c’est elle qui m’apprend que non seulement il y a une cause de mon
être, mais de plus aussi, que cette cause contient toutes sortes de perfections ; et partant qu’elle est
Dieu ».

11.2 Descartes au Père Mesland, Lettre du 2 mai 1644 :


« Il me semble que toutes ces démonstrations prises des effets reviennent à une, et même qu’elles
ne sont pas accomplies si ces effets ne nous sont évidents (c’est pourquoi j’ai plutôt considéré ma
propre existence, que celle du Ciel et de la terre, de laquelle je ne suis pas si certain,) et si nous n’y
joignons l’idée que nous avons de Dieu ; car mon âme étant finie, je ne puis connaître que l’ordre
des causes n’est pas infini, sinon en tant que j’ai en moi cette idée de la première cause ; et encore
qu’on admette une première cause qui me conserve, je ne puis dire qu’elle soit Dieu, si je n’ai
véritablement l’idée de Dieu. Ce que j’ai insinué en ma réponse aux premières objections, mais en
peu de mots, afin de ne point mépriser les raisons des autres, qui admettent communément que non
datur progressus in infinitum ; et moi je ne l’admets pas ».

De l’idée de Dieu à Dieu : le cheminement vers la première preuve a posteriori de Descartes

- Tous les extraits sont issus de la Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

1 La preuve de l’existence de Dieu à l’Âge classique : Anselme, Descartes et la preuve ontologique


a priori

Anselme de Cantorbéry et la “preuve ontologique” de l’existence de Dieu

1. Anselme de Cantorbéry, Proslogion, Chapitre II :


« Mon Dieu, vous qui donnez l’intelligence à la foi, faites que je comprenne, autant que vous le
jugez utile, que vous existez comme nous le croyons, et que vous êtes tel que nous vous croyons.
La foi nous dit que vous êtes l’être par excellence, l’être au-dessus duquel la pensée ne peut rien
concevoir. […] Or, cet être suprême au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir ne saurait
exister dans l’intelligence, seule ; car, en supposant que cela soit, rien n’empêche de le concevoir
comme existant aussi dans la réalité, ce qui est un mode d’existence supérieur au premier. Si donc
l’être suprême existait dans l’intelligence seule, il y aurait quelque chose que la pensée pourrait
concevoir au-dessus de lui ; il ne serait plus l’être par excellence, ce qui implique contradiction. Il
existe dope sans aucun doute, et dans l’intelligence et dans la réalité, un être au-dessus duquel la
pensée ne peut rien concevoir ».

2. Anselme de Cantorbéry, Proslogion, Chapitre I :


« Et vous, mon Seigneur et mon Dieu, apprenez à mon cœur en quel lieu et comment il doit vous
chercher, en quel lieu et comment il peut vous trouver. […] Je désire comprendre, autant qu’il est
en moi, les saintes vérités que mon cœur aime et que ma foi reconnaît en vous. Je ne cherche pas à
comprendre afin de croire, je crois afin de comprendre ; je ne puis avoir l’intelligence qu’à
condition d’avoir d’abord la foi ».

3. Anselme de Cantorbéry, Proslogion, Préface :


« Cédant aux pressantes sollicitations de quelques-uns de mes frères, j’ai mis au jour un petit
ouvrage [le Monologion] composé en forme de méditation religieuse sur les mystères de la foi, et
dans lequel j’avais emprunté le langage et les idées d’un homme qui s’entretient, solitaire, avec sa
pensée, et cherche Dieu avec les lumières de sa raison. À peine cet ouvrage eut-il paru que,
songeant à cette longue série d’arguments qu’il m’avait fallu employer, et dont la chaine non
interrompue m’avait semblé nécessaire pour arriver à mon but , je me demandai si par hasard on
ne pourrait pas trouver un argument unique, indépendant de tout autre, se suffisant à lui-même,
pour opérer la conviction, pour établir avec certitude que Dieu existe, qu’il est la cause suprême de
toute existence et la source première de tout bien […] Un jour donc qu’elle [cette idée d’un
argument unique] me pressait avec un nouvel acharnement et que j’étais plus fatigué que jamais de
cette lutte incessante, au milieu même de ce conflit de mes pensées, ce que j’avais inutilement
cherché vint s’offrir tout-à-coup à mon esprit et me força d’embrasser avec transport l’idée
heureuse que je voulais repousser loin de moi. Tout fier de ma découverte, je m’imaginai que
quelques lecteurs la verraient avec plaisir exposée dans un écrit [le Proslogion] où je ferais parler
un chrétien qui s’efforce d’élever son âme jusqu’à la contemplation de Dieu, et qui cherche à se
rendre compte de sa croyance ».
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Descartes et la preuve ontologique a priori

4. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Or maintenant si de cela seul que je puis tirer de ma pensée l’idée de quelque chose, il s’ensuit
que tout ce que je reconnais clairement et distinctement appartenir à cette chose, lui appartient en
effet, ne puis-je pas tirer de ceci un argument, et une preuve démonstrative de l’existence de Dieu ?
[A] Il est certain que je ne trouve pas moins en moi son idée, c’est à dire, l’idée d’un être
souverainement parfait, que celle de quelque figure, ou de quelque nombre que ce soit. Et je ne
connais pas moins clairement et distinctement, qu’une actuelle et éternelle existence appartient à
sa nature, que je connais que tout ce que je puis démontrer de quelque figure, ou de quelque
nombre, appartient véritablement à la nature de cette figure, ou de ce nombre. [B] Lors que j’y
pense avec plus d’attention, je trouve manifestement que l’existence ne peut non plus être séparée
de l’essence de Dieu, que de l’essence d’un triangle rectiligne, la grandeur de ses trois angles
égaux à deux droits : ou bien de l’idée d’une montagne, l’idée d’une vallée. En sorte qu’il n’y a
pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (c’est à dire un être souverainement parfait) auquel
manque l’existence (c’est à dire auquel manque quelque perfection) que de concevoir une
montagne qui n’ait point de vallée. [C] Car y a-t-il rien de soi plus clair et plus manifeste, que de
penser qu’il y a un Dieu, c’est à dire un être souverain et parfait, en l’idée duquel seul l’existence
nécessaire ou éternelle est comprise, et par conséquent qui existe ? »

Une preuve a priori débute en posant une proposition que l’on considère comme réelle.
Si la 3eme méditation nous a donné une définition claire de Dieu, il faut désormais le prouver.

En acceptant le fait que Dieu est un être souverainement parfait et que l’existence est une
perfection. On ne peut pas contredire cette prémisse. Donc, Dieu existe.

5. Caterus, Méditations métaphysiques, Premières Objections :


« Maintenant, dites-moi je vous prie, n’est-ce pas là le même argument de Monsieur Descartes ?
Saint Thomas d’Aquin définit Dieu ainsi : Ce qui est tel que rien de plus grand ne peut être conçu.
Monsieur Descartes l’appelle un être souverainement parfait, certes rien de plus grand que lui ne
peut être conçu. Saint Thomas d’Aquin poursuit : Ce qui est tel que rien de plus grand ne peut être
conçu enferme l’existence, autrement quelque chose de plus grand que lui pourrait être conçu, à
savoir ce qui est conçu enfermer aussi l’existence. Mais Monsieur Descartes ne semble-t-il pas se
servir de la même mineure dans son argument ? Dieu est un être souverainement parfait ; or est-il
que l’être souverainement parfait enferme l’existence, autrement il ne serait pas souverainement
parfait. Saint Thomas d’Aquin infère, donc que, puisque ce nom Dieu étant compris et entendu, il
est dans l’entendement, il s’ensuit aussi qu’il est en effet : C’est à dire, de ce que dans le concept,
où la notion essentielle d’un être tel que rien de plus grand ne peut être conçu, l’existence est
comprise et enfermée, il s’ensuit que cet être existe. Monsieur Descartes infère la même chose :
Mais, dit-il, de cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s’ensuit que l’existence
est inséparable de lui, et partant qu’il existe véritablement. Que maintenant saint Thomas d’Aquin
réponde à soi-même, et à Monsieur Descartes ».

6. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 1 intitulé L’existence de Dieu est-elle


évidente par elle-même ? :
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

« Il n’est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot : Dieu, l’entende d’un être tel qu’on
ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais
admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu’on prétend, à savoir celle d’un être tel
qu’on n’en puisse concevoir de plus grand : il s’ensuit que chacun pense nécessairement qu’un tel
être est dans l’esprit comme appréhendé, mais nullement qu’il existe dans la réalité. Pour pouvoir
tirer de là que l’être en question existe réellement, il faudrait supposer qu’il existe en réalité un être
tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient
l’existence de Dieu. Que la vérité soit, en général, cela est évident ; mais que la vérité première
soit, c’est ce qui n’est pas évident pour nous ».

Lorsque je dis que Dieu existe


Il y a une impossibilité de l’homme à parler de Dieu de façon adéquate. La théologie négative
considère que l’on ne peut rien dire ou penser de Dieu de façon adéquate et donc qu’on ne peut se
fier qu’aux négations.
Pour Thomas d’Aquin on ne peut pas du tout avoir une définition de Dieu

Rappel : Anselme donne une définition négative de Dieu, on nie les propriétés des êtres finis pour
les opposer à celles de Dieu. Anselme et Thomas d’Aquin n’ont donc pas une si grande différence
dans leur approche de la définition de Dieu.

7. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Au lieu que de cela seul, que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s’ensuit que l’existence
est inséparable de lui, et partant qu’il existe véritablement ; non pas que ma pensée puisse faire que
cela soit de la sorte, et qu’elle impose aux choses aucune nécessité ; mais au contraire parce que la
nécessité de la chose même, à savoir, de l’existence de Dieu, détermine ma pensée à le concevoir
de cette façon. […] Car en effet je reconnais en plusieurs façons que cette idée n’est point quelque
chose de feint ou d’inventé, dépendant seulement de ma pensée, mais que c’est l’image d’une vraie
et immuable nature. Premièrement à cause que je ne saurais concevoir autre chose que Dieu seul, à
l’essence de laquelle l’existence appartienne avec nécessité. Puis aussi parce qu’il ne m’est pas
possible de concevoir deux ou plusieurs Dieux de même façon. Et posé qu’il y en ait un
maintenant qui existe, je vois clairement qu’il est nécessaire qu’il ait été auparavant de toute
éternité, et qu’il soit éternellement à l’avenir. Et enfin parce que je connais une infinité d’autres
choses en Dieu, desquelles je ne puis rien diminuer, ni changer ».

8. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :


« Il compare ici derechef un de mes arguments avec un autre de Saint Thomas d’Aquin, afin de
m’obliger en quelque façon de montrer lequel des deux a le plus de force. Et il me semble que je le
puis faire sans beaucoup d’envie, parce que Saint Thomas d’Aquin ne s’est pas servi de cet
argument comme sien, et il ne conclut pas la même chose que celui dont je me sers ; et enfin je ne
m’éloigne ici en aucune façon de l’opinion de cet Angélique Docteur Thomas d’Aquin. […] Or ce
qui est signifié par un mot, ne paraît pas pour cela être vrai. Mais mon argument a été tel : Ce que
nous concevons clairement et distinctement appartenir à la nature, ou à l’essence, ou à la forme
immuable et vraie de quelque chose, cela peut être dit ou affirmé avec vérité de cette chose ; mais
après que nous avons assez soigneusement recherché ce que c’est que Dieu, nous concevons
clairement et distinctement qu’il appartient à sa vraie et immuable nature qu’il existe ; donc alors
nous pouvons affirmer avec vérité qu’il existe. Ou du moins la conclusion est légitime. Mais la
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

majeure ne se peut aussi nier, parce qu’on est déjà tombé d’accord ci-devant, que tout ce que nous
entendons ou concevons clairement et distinctement est vrai. Il ne reste plus que la mineure, où je
confesse que la difficulté n’est pas petite ».

2. → Descartes est d’accord avec Thomas d’Aquin, Anselme a eu tort selon lui.
3. → Descartes dit que son argument est néanmoins différent que celui d’Anselme et donc que les
critiques portées à son égard ne sont pas applicables à son argumentaire.
Descartes attaque la définition nominale de Dieu. Si on a une réelle définition de Dieu, on pourra
surpasser le problème de la critique logique évoquée par St Thomas d’Aquin. On a un passage de la
réalité de la pensée à la réalité extérieure.

Nouvelle et dernière formulation de la preuve ontologique a priori dans les Réponses aux
Objections :

Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :


« [A] Mais si nous examinons soigneusement, savoir, si l’existence convient à l’être
souverainement puissant, et quelle sorte d’existence ; nous pourrons clairement et distinctement
connaître, premièrement qu’au moins l’existence possible lui convient, comme à toutes les autres
choses dont nous avons en nous quelque idée distincte, même à celles qui sont composées par les
fictions de notre esprit. Et après parce que nous ne pouvons penser que son existence est possible,
qu’en même temps prenant garde à sa puissance infinie, [B] nous ne connaissions qu’il peut exister
par sa propre force, [C] nous conclurons de là que réellement il existe, et qu’il a été de toute
éternité ; [D] car il est très manifeste par la lumière naturelle, que ce qui peut exister par sa propre
force, existe toujours.
[…] Et je confesserai ici librement que cet argument est tel, que ceux qui ne se ressouviendront pas
de toutes les choses qui servent à sa démonstration, le prendront aisément pour un Sophisme ; et
que cela m’a fait douter au commencement si je m’en devais servir, de peur de donner occasion à
ceux qui ne le comprendront pas, de se défier aussi des autres. Mais parce qu’il n’y a que deux
voies par lesquelles on puisse prouver qu’il y a un Dieu, savoir, l’une par ses effets, et l’autre par
son essence, ou sa nature même, et que j’ai expliqué, autant qu’il m’a été possible, la première
dans la troisième Méditation, j’ai cru qu’après cela, je ne devais pas omettre l’autre ».

Descartes cherche à démontrer sur la base de l’innéité l’existence de Dieu et pour cela il se fonde
sur une démonstration mathématique-géométrique. Il veut comparer l’innéité que l’on se fait de
l’existence de Dieu avec celle que l’on a des formes géométriques.

La plus importante différence entre la preuve d’Anselme et la preuve de Descartes est sur
l’innéisme cartésien.

Quelle est la place occupée par la preuve de l’existence de Dieu dans la philosophie de Descartes ?
Pourquoi ne pas s’arrêter au cogito ?
La preuve de l’existence de Dieu à l’Âge classique : Descartes, les idées innées et la causa sui
(1)

Descartes et l’innéisme
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Pour St Thomas d’Aquin : il y a une analogie fondée sur l’idée de participation platonicienne pour
créer une échelle d’êtres.
Pour Descartes : il y a une univocité entre l’essence divine et l’idée que nous avons de Dieu.

1. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Lesquelles certes doivent être toutes vraies, puisque je les conçois clairement, et partant elles
sont quelque chose, et non pas un pur néant : car il est très évident que tout ce qui est vrai est
quelque chose ».

La réalité des essences concerne Dieu, Dieu a une existence propre en dehors-même de la pensée.
Voici pourquoi la critique d’Anselme contre St Thomas d’Aquin qui consiste à inférer d’une idée de
Dieu son existence ne s’applique pas, car pour Descartes l’idée de Dieu est indépendante de la
réalité de Dieu. Il existe bien indépendamment.

2. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Il est certain que je ne trouve pas moins en moi son idée, c’est à dire, l’idée d’un être
souverainement parfait, que celle de quelque figure, ou de quelque nombre que ce soit. Et je ne
connais pas moins clairement et distinctement, qu’une actuelle, et éternelle existence appartient à
sa nature, que je connais que tout ce que je puis démontrer de quelque figure, ou de quelque
nombre, appartient véritablement à la nature de cette figure, ou de ce nombre ».

L’idée de Dieu est donc une idée innée que Descartes va comparer à d’autres idées innées comme
les mathématiques. Sur la base de l’innéité de la connaissance mathématique, Descartes veut fonder
l’innéité de l’existence de Dieu. Sa démonstration est dite quia.

Rappel :
• démonstration propter quid (partir des causes pour en déduire les concepts)
• démonstration quia (partir des effets pour en déduire leurs causes)

3. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Car en effet je reconnais en plusieurs façons que cette idée n’est point quelque chose de feint ou
d’inventé, dépendant seulement de ma pensée, mais que c’est l’image d’une vraie et immuable
nature. Premièrement à cause que je ne saurais concevoir autre chose que Dieu seul, à l’essence de
laquelle l’existence appartienne avec nécessité. […] Et enfin parce que je connais une infinité
d’autres choses en Dieu, desquelles je ne puis rien diminuer, ni changer ».

Si on peut distinguer l’idée d’un cheval et des ailes qu’il pourrait porter, je ne peux pas distinguer
des parties de Dieu, je ne peux pas distinguer son existence de lui-même.
L’idée de Dieu s’impose à moi.

Rappel : Si le prédicat B est contenu dans le sujet A : jugement analytique (jugement a priori) → le
jugement n’apporte aucune connaissance nouvelle
Si le prédicat B n’est pas contenu dans le sujet A : jugement synthétique (jugement a posteriori) →
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

le jugement apporte une connaissance nouvelle. Exception faite, selon Kant, des mathématiques
qui sont des jugements synthétiques a priori. En géométrie, la caractéristique d’avoir 3 angles est
nécessairement liée au concept de triangle mais il nous faut le constater, donc c’est synthétique.

4. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Car il n’est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence (c’est à dire un être
souverainement parfait sans une souveraine perfection) comme il m’est libre d’imaginer un cheval
sans ailes ou avec des ailes ».

Dieu est une idée simple et non composée. Toutes les idées innées sont des idées simples. Le lien
analytique au sens de l’idée de Dieu est tel que je peux en déduire l’idée de Dieu.

5. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Lorsque j’imagine un triangle, encore qu’il n’y ait peut-être en aucun lieu du monde hors de ma
pensée une telle figure, et qu’il n’y en ait jamais eu, il ne laisse pas néanmoins d’y avoir une
certaine nature, ou forme, ou essence déterminée de cette figure, laquelle est immuable et
éternelle, que je n’ai point inventée, et qui ne dépend en aucune façon de mon esprit ; comme il
paraît de ce que l’on peut démontrer diverses propriétés de ce triangle, à savoir, que ses trois
angles sont égaux à deux droits, […] et autres semblables, lesquelles maintenant, soit que je le
veuille, ou non, je reconnais très clairement et très évidemment être en lui, encore que je n’y aie
pensé auparavant en aucune façon, lors que je me suis imaginé la première fois un triangle ; et
partant on ne peut pas dire que je les aie feintes, et inventées ».

Le problème de Descartes est d’être certain que le fait que l’existence de Dieu comme être
souverainement parfait est l’une de ses caractéristiques ne soit pas une pétition de principe.

6. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Car encore qu’il ne soit pas nécessaire que je tombe jamais dans aucune pensée de Dieu,
néanmoins toutes les fois qu’il m’arrive de penser à un être premier et souverain, et de tirer, pour
ainsi dire, son idée du trésor de mon esprit, il est nécessaire que je lui attribue toutes sortes de
perfections, quoique je ne vienne pas à les nombrer toutes, et à appliquer mon attention sur
chacune d’elles en particulier. Et cette nécessité est suffisante pour me faire conclure (après que
j’ai reconnu que l’existence est une perfection) que cet être premier et souverain existe
véritablement ; de même qu’il n’est pas nécessaire que j’imagine jamais aucun triangle, mais
toutes les fois que je veux considérer une figure rectiligne composée seulement de trois angles, il
est absolument nécessaire que je lui attribue toutes les choses qui servent à conclure, que ses trois
angles ne sont pas plus grands que deux droits, encore que peut-être je ne considère pas alors cela
en particulier ».

Dieu est l’être souverainement parfait. Descartes dit qu’on lui attribue tellement de perfections que
l’on ne va pas s’attarder à les énumérer. Il dit ensuite que l’existence est une perfection, donc Dieu
existe. Mais si j’énumère tous ses caractères, je vais donc tomber sur sa perfection. Ne risque-je pas
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

7. Gassendi, Méditations métaphysiques, Cinquièmes Objections Contre la Cinquième


Méditation :
« Il faut ensuite remarquer que vous mettez l’existence entre les perfections divines, et que vous ne
la mettez pas entre celles d’un triangle, ou d’une montagne, quoique néanmoins elle soit autant, et
selon la manière d’être de chacun, la perfection de l’un que de l’autre. […] C’est pourquoi, comme
en nombrant les perfections du triangle vous n’y comprenez pas l’existence, et ne concluez pas
aussi que le triangle existe : de même en faisant le dénombrement des perfections de Dieu, vous
n’avez pas dû y comprendre l’existence, pour conclure de là que Dieu existe, si vous ne vouliez
prendre pour une chose prouvée ce qui est en dispute, et faire de la question un principe ».

Pour Gassendi, l’analogie entre le triangle et Dieu est mauvaise car si effectivement quand je pense
aux propriétés d’un triangle, j’aboutis à quelque chose de nouveau, un triangle. En revanche, à
propos de Dieu, toutes ses propriétés ne sont pas connues donc quand on dit que l’existence est
l’une de ses propriétés, c’est une pétition de principe contradictoire avec une véritable
démonstration. Descartes fait l’erreur de partir d’une définition simplement nominale pour en
établir une existence prouvée de Dieu.

8. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :


« Il ne reste plus que la mineure, où je confesse que la difficulté n’est pas petite […] Et aussi parce
que ne distinguant pas les choses qui appartiennent à la vraie et immuable essence de quelque
chose, de celles qui ne lui sont attribuées que par la fiction de notre entendement : encore que nous
apercevions assez clairement que l’existence appartient à l’essence de Dieu, nous ne concluons pas
toutefois de là que Dieu existe, parce que nous ne savons pas si son essence est immuable et vraie,
ou si elle a seulement été inventée »

9. Descartes, Médiations métaphysiques, Réponses aux cinquièmes Objections [de Gassendi] :


« Et je ne commets pas plutôt en ceci la faute que les Logiciens nomme une pétition de principe,
lors que je mets l’existence entre les choses qui appartiennent à l’essence de Dieu, que lors
qu’entre les propriétés du triangle je mets l’égalité de la grandeur de ses trois angles avec deux
droits ».

Descartes essaie de faire une démonstration plus solide en définissant un triangle par ses propriétés.
Ce raisonnement est insatisfaisant selon Gassendi, ici encore ce sera une pétition de principe que de
fonder l’essence d’un triangle sur un triangle particulier, en faisant de la définition de triangle une
pétition de principe.

10. Descartes au Père Mersenne, Lettre de 16 juin 1641 :


« Mais [...] si d’une idée faite par moi je concluais ce que j’ai explicitement supposé pour la faire,
ce serait une pétition de principe manifeste ; mais le fait que, d’une idée innée, je tire une
conséquence, qui certes était implicitement contenue en elle, mais que cependant je n’y remarquais
pas auparavant, par exemple, de l’idée du triangle, que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou
de l’idée de Dieu qu’il existe, etc., ce fait est si loin d’être une pétition de principe, qu’il est bien
plutôt, selon Aristote lui-même, le plus parfait de tous les modes de démonstration, à savoir celui
dans lequel la vraie définition de la chose est prise pour moyen ».
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Pour Descartes, puisqu’on n’aperçoit pas tout de suite qu’il y a une pétition de principe, il n’y en
aurait pas.

10. Descartes au Père Mersenne, Lettre de 16 juin 1641 :


« Mais [...] si d’une idée faite par moi je concluais ce que j’ai explicitement supposé pour la faire,
ce serait une pétition de principe manifeste ; mais le fait que, d’une idée innée, je tire une
conséquence, qui certes était implicitement contenue en elle, mais que cependant je n’y remarquais
pas auparavant, par exemple, de l’idée du triangle, que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou
de l’idée de Dieu qu’il existe, etc., ce fait est si loin d’être une pétition de principe, qu’il est bien
plutôt, selon Aristote lui-même, le plus parfait de tous les modes de démonstration, à savoir celui
dans lequel la vraie définition de la chose est prise pour moyen ».

11. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Cinquième De l’essence des choses


matérielles ; et derechef de Dieu, qu’il existe :
« Mais après que j’ai reconnu qu’il y a un Dieu, parce qu’en même temps j’ai reconnu aussi que
toutes choses dépendent de lui, et qu’il n’est point trompeur, et qu’en suite de cela j’ai jugé que
tout ce que je conçois clairement et distinctement ne peut manquer d’être vrai ; encore que je ne
pense plus aux raisons pour lesquelles j’ai jugé cela être véritable, pourvu que je me ressouvienne
de l’avoir clairement et distinctement compris, on ne me peut apporter aucune raison contraire, qui
me le fasse jamais révoquer en doute, et ainsi j’en ai une vraie et certaine science. Et cette même
science s’entend aussi à toutes les autres choses que je me ressouviens d’avoir autrefois
démontrées, comme aux vérité de la Géométrie, et autres semblables […] Et ainsi je reconnais
très-clairement que la certitude, et la vérité de toute science, dépend de la seule connaissance du
vrai Dieu ».

Descartes soutient que Dieu a librement voulu créer les vérités éternelles dont celles des
mathématiques. Les vérités mathématiques reposent donc sur celle de Dieu.
Un athée n’aura donc jamais de connaissance réelle puisque non fondée sur l’existence divine.

12. Descartes, Médiations métaphysiques, Réponses aux cinquièmes Objections [de


Gassendi] :
« Je ne pense pas à la vérité que les essences des choses, et ces vérités mathématiques que l’on en
peut connaître, soient indépendantes de Dieu ; mais néanmoins je pense que parce que Dieu l’a
ainsi voulu, et qu’il en a ainsi disposé, elles sont immuables et éternelles. Or que cela vous semble
dur, ou non, il m’importe fort peu ; pour moi il me suffit que cela soit véritable »

13. Descartes, Médiations métaphysiques, Réponses aux secondes Objections [de Mersenne] :
« Or qu’un Athée puisse connaître clairement que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux
droits, je ne le nie pas ; mais je maintiens seulement qu’il ne le connais pas par une vraie, et
certaine science ; parce que toute connaissance qui peut être rendue douteuse ne doit pas être
appelée science ; et puisqu’on suppose que celuilà est un Athée, il ne peut pas être certain de n’être
point déçu dans les choses qui lui semblent être très évidentes, […] Et jamais il ne sera hors du
danger de l’avoir [ce doute], si premièrement il ne reconnaît un Dieu »
L’athée est cet homme qui s’est arrêté au cogito dans la Deuxième méditation. Il peut vivre sans
l’idée de Dieu et avec ses sciences subjectives mais il ne résiste pas réellement au doute.Si un jour il
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

se met à douter du fait qu’il est la seule vérité en ce monde alors il pourra suivre le chemin des
Méditations métaphysiques et découvrira l’idée de Dieu en surmontant son doute.

Descartes et la causa sui (2)

1. Caterus, Méditations métaphysiques, Premières Objections :


« Je prie ici ce grand personnage, et le conjure de ne se point cacher à un Lecteur qui est désireux
d’apprendre, et qui peut-être n’est pas beaucoup intelligent. Car ce mot par soi est pris en deux
façons ; en la première, il est pris positivement, à savoir par soi-même, comme par une cause, et
ainsi ce qui serait par soi, et se donnerait l’être à soi-même, si par un choix prévu et prémédité il se
donnait ce qu’il voudrait, sans doute qu’il se donnerait toutes choses, et partant il serait Dieu. En la
seconde, ce mot par soi est pris négativement, et est la même chose que de soi-même, ou, non par
autrui : et de cette façon, si je m’en souviens, il est pris de tout le monde ».

Dieu est pris par soi négativement car il n’a pas de cause.

Dieu pourrait aussi être pris par soi positivement car il est cause de soi dans l’être.
→ Le problème de cette idée est que Dieu devrait avoir une cause efficiente de lui-même avant lui-
même, comment une chose qui n’existe pas pourrait causer Dieu ? Dieu devrait exister avant qu’il
soit, ce qui est absurde.

2. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 3 intitulé Que Dieu existe, on peut prendre
cinq voies pour le prouver :
« La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses
sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est
pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait
antérieure à elle-même, chose impossible ».

St Thomas d’Aquin appuie le même propos sur l’absurdité de l’idée de Descartes à dire que
Dieu est la cause de lui-même.

3. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :


« La lumière naturelle nous dicte qu’il n’y a aucune chose de laquelle il ne soit loisible de
demander, pourquoi elle existe, ou dont on ne puisse rechercher la cause efficiente ; ou bien si elle
n’en a point, demander pourquoi elle n’en a pas besoin. De sorte que si je pensais qu’aucune chose
ne peut en quelque façon être à l’égard de soi-même, ce que la cause efficiente est à l’égard de son
effet, tant s’en faut que de là je voulusse conclure qu’il y a une première cause, qu’au contraire de
celle-là même qu’on appellerait première, je rechercherais derechef la cause, et ainsi je ne
viendrais jamais à une première ».

4. Thomas d’Aquin, De l’Être et de l’Essence, ch. 5, point 4 Les intelligences sont produites
par Dieu :
« Il faut donc que toute chose de cette sorte, à savoir une chose dont l’existence est autre que sa
nature, tienne son existence d’un autre. Et parce que tout ce qui existe par un autre se ramène à ce
qui existe par soi comme à sa cause première, c’est pourquoi il faut qu’il y ait une réalité qui, du
fait qu’elle-même n’est qu’existence, soit cause d’existence pour tous les autres êtres car
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

autrement on procéderait à l’infini dans les causes puisque toute réalité qui n’est pas existence
seulement tient son existence d’une cause ainsi que nous l’avons dit ».

Saint Thomas d’Aquin soulève un problème dans la cause de soi chez Descartes : comment peut-il y
avoir une cause de soi dans les preuves a posteriori puisque leur propre est de ne pas en avoir.

5. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :


« Il est aussi loisible à un chacun de s’interroger soi-même, savoir si en ce même sens il est par soi
; et lorsqu’il ne trouve en soi aucune puissance capable de le conserver seulement un moment, il
conclut avec raison qu’il est par un autre, et même par un autre qui est par soi ; parce qu’étant ici
question du temps présent, et non point du passé, ou du futur, le progrès ne peut pas être continué à
l’infini. Voire même j’ajouterai ici de plus (ce que néanmoins je n’ai point écrit ailleurs) qu’on ne
peut pas seulement aller jusqu’à une seconde cause ; parce que celle qui a tant de puissance que de
conserver une chose qui est hors de soi, se conserve à plus forte raison soi-même par sa propre
puissance, et ainsi elle est par soi ».

Descartes disait dans la Troisième méditation :Je ne peux pas régresser à l’infini si je me considère
dans le présent.
Ici : L’idée d’une cause de soi arrête déjà toute possibilité d’une régression à l’infini, on n’a
même pas besoin de s’interroger sur notre place dans le présent. Il se débarrasse des conditions qu’il
avait posé dans la Troisième méditation. La cause de soi est la nouvelle façon de reformuler la
preuve a posteriori.

6. Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Troisième De Dieu, qu’il existe :


« Puis l’on peut derechef rechercher si cette cause tient son origine et son existence de soi-même,
ou de quelque autre chose : Car si elle la tient de soi-même, il s’ensuit par les raisons que j’ai ci-
devant alléguées, qu’elle même doit être Dieu […] Que si elle tient son existence de quelque autre
cause que de soi, on demandera derechef par la même raison de cette seconde cause, si elle est par
soi, ou par autrui, jusques à ce que de degrés en degrés on parvienne enfin à une dernière cause,
qui se trouvera être Dieu. Et il est très-manifeste qu’en cela il ne peut y avoir de progrès à l’infini,
vue qu’il ne s’agit pas tant ici de la cause qui m’a produit autrefois, comme de celle qui me
conserve présentement ».

La preuve de l’existence de Dieu à l’Âge classique : Aristote, Descartes et la preuve


cosmologique

Aristote et la preuve cosmologique

1. Aristote, Métaphysique Lambda (XII), Chapitre VII :


« Donc, le premier ciel est éternel ; donc, il existe aussi quelque chose, qui lui donne le
mouvement. Mais, comme le mobile intermédiaire est mû et meut à son tour, il faut concevoir
quelque chose qui meut sans être mû, quelque chose d’éternel, qui est substance et qui est acte. Or,
voici comment il meut : c’est comme le désirable et l’intelligible, qui meut sans être mû. Si donc
une chose est mue, c’est qu’elle peut aussi être autrement qu’elle n’est. Par conséquent, si la
translation est le premier des mouvements, et si elle est un acte en tant qu’elle est mue, il faut aussi
qu’elle puisse être autrement qu’elle n’est, au moins relativement au lieu, si ce n’est dans sa
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

substance. Mais, du moment qu’il existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même
immobile et en étant actuelle, cette chose-là ne peut absolument point être autrement qu’elle n’est ;
car la translation est le premier des changements. La première des translations est la translation
circulaire, et c’est elle que produit le premier moteur ».

Chez Aristote, mouvement et temps sont éternels. S’ils sont éternels, c’est en revanche qu’ils n’ont
pas été créé. Est-ce que le monde a été créé avec Dieu ?
Le mouvement est le passage de la puissance à l’acte.
4 mouvements :
le lieu
la qualité (altération)
au niveau de la quantité

La cosmologie chez Aristote suppose qu’il y a une cause première qui fait agir le premier ciel et ce
dernier a une incidence sur tous les ciels contenus en lui jusqu’à notre monde.Le premier ciel
mobile reçoit le premier mouvement du moteur immobile, et se déplace circulairement, le Dieu
d’Aristote, qui transforme la puissance en acte

2. Aristote, Physique, Livre VIII, Chapitre V :


« Si donc tout ce qui est mis en mouvement est nécessairement mu par quelque chose, et si c’est
par une autre chose qui est mue elle-même ou n’est pas mue, il faut aussi de toute nécessité, en
supposant le mobile mu par un autre, qu’il y ait un premier moteur qui ne soit pas mu lui-même
par une autre cause. Si ce moteur premier est bien en effet le premier, il n’est pas besoin d’en
rechercher un autre ; car il est impossible de remontrer à l’infini du moteur au mobile mu lui-
même par un autre, puisque dans l’infini il n’y a point de premier.
En effet, si le bâton donne le mouvement parce qu’il est mu par la main, c’est alors la main qui
meut le bâton. Mais si l’on suppose que c’est encore par elle que quelque autre chose donne le
mouvement, il faut aussi que le moteur qui la met en mouvement soit différent ».

On part du mouvement, ensuite on se rend compte que ce mouvement a besoin d’un moteur jusqu’à
remonter au moteur originel qui n’en a pas, cette cause des causes.

3. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 2, a. 3 intitulé Que Dieu existe, on peut


prendre cinq voies pour le prouver :
« La première et la plus manifeste est celle qui se prend du mouvement. Il est évident, nos sens
nous l’attestent, que dans ce monde certaines choses se meuvent. […] Il faut donc que tout ce qui
se meut soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut est mue elle-même, il faut qu’elle aussi
soit mue par une autre, et celle-ci par une autre encore. Or, on ne peut ainsi continuer à l’infini, car
dans ce cas il n’y aurait pas de moteur premier, et il s’ensuivrait qu’il n’y aurait pas non plus
d’autres moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent que selon qu’ils sont mus par le moteur
premier, comme le bâton ne meut que s’il est mû par la main. Donc il est nécessaire de parvenir à
un moteur premier qui ne soit lui-même mû par aucun autre, et un tel être, tout le monde comprend
que c’est Dieu ».

4. Aristote, De la génération et de la corruption, Livre II, Chapitre IX :


« Ainsi donc, c’est la matière, qui, pour les êtres produits, est cause qu’ils peuvent être et ne pas
être. Or, parmi les choses, il y en a qui sont de toute nécessité, par exemple, les substances
éternelles ; il y en d’autres qui ne sont pas nécessairement. […] Mais il y a d’autres choses qui
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

peuvent également être et ne pas être ; c’est précisément tout ce qui est produit et est périssable ;
car tantôt ces choses-là sont, et tantôt elles ne sont pas. Ainsi donc, la production et la destruction
ne se rapportent qu’à ce qui peut être et ne pas être ».

5. Aristote, Métaphysique Thêta (IX), Chapitre III :


« Si donc le possible, tel que nous l’entendons, n’est possible qu’en tant que, par la suite, il
pourrait se réaliser, il est évident qu’on ne peut pas dire avec vérité d’une chose qu’on regarde
comme possible, qu’elle ne se réalisera jamais ».

Possible : ce qui est vrai en un certain temps. Une chose possible passera sera vraie à un certain
moment.
Nécessaire : ce qui est tout le temps vrai
Impossible : ce qui est faux en tout temps

C’est l’existence qui permet de dire si une chose est possible, impossible ou nécessaire. Dans le ciel
d’Aristote, il s’intéresse non pas à son existence mais à sa relation dans le temps, donc à son devenir
et sa puissance.

Toutes les preuves des auteurs, Descartes, Aristote, St Thomas d’Aquin, sont toujours a posteriori.
Elles partent de l’existence pour chercher la preuve du moteur immobile.

Un passage va s’opérer des preuves a posteriori habituelles vers une possibilité d’établir des
preuves a priori de l’existence de dieu à partir de modalités logiques et non pas à partir de
l’existence des choses.
Descartes va constituer ce carrefour dans sa discussion avec Arnauld entre la conception
aristotélicienne et thomiste basée sur les modalités temporelles qui traitent de la possibilité
d’existence qui sont des démonstrations a posteriori vers la démonstration a priori que va
développer ensuite Leibniz.

6. Aristote, Métaphysique Thêta (IX), Chapitre VIII :


« Rien de ce qui est éternel n’est en puissance ».

Rappel : c’est grâce à Arnauld que l’on peut dire que l’essence divine implique son évidence. Alors
on bascule vers une forme terminologique proche de la preuve a priori.

11. Descartes, Méditations métaphysiques, Raisons qui prouvent l’existence de Dieu et la


La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

distinction qui est entre l’esprit et le corps humain disposées d’une façon géométrique [à la
suite des Réponses aux secondes Objections] :
« Axiomes ou Notions communes. I. Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse
demander quelle est la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu ; non
qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister, mais parce que l’immensité même de sa nature est la
cause, ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister ».

La cause de Dieu implique son existence. Tout a une raison d’être. Dieu aussi a une cause, une
raison d’être qui est contenue en lui-même puisqu’il est cause par lui-même. Il pose les fondements
de réécriture des preuves de l’existence de Dieu et qui seront repris par Leibniz.

12. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux premières Objections [de Caterus] :
« Et selon les lois de la vraie Logique, on ne doit jamais demander d’aucune chose, Si elle est [an
sit], qu’on ne sache premièrement, Ce qu’elle est [quid sit] ».

Pour St Thomas d’Aquin, il fallait toujours s’interroger d’abord en se demandant si la cause existe.
On se demande ce qu’est une chose puis si elle existe effectivement.
A posteriori St Thomas d’Aquin : Interrogation sur la cause divine → démonstration de son
existence. Enquête cosmologique préalable, comme le faisait Aristote.
A priori Descartes : Démontre l’existence de Dieu → s’interroge sur la cause

On est en train de basculer vers une conception qui est d’ordre logique.

13. Leibniz, De l’origine radicale des choses :


« Les raisons du monde se trouvent dans quelque chose d’extérieur, différent de la chaîne des états
ou des suites de choses dont le groupement constitue le monde. C’est pourquoi, de la nécessité
physique ou hypothétique, qui détermine dans le monde les choses qui suivent à partir de celles qui
précèdent, il faut remonter à quelque chose qui soit d’une nécessité absolue, ou métaphysique, […]
ou dont l’essence est l’existence ».

Dans cette nouvelle preuve, on a cette question sur la raison d’être des choses.
Distances totales avec Aristote ou St Thomas d’Aquin pour qui il y avait déjà avant nous
probablement une existence divine. Ils ne s’interrogent pas sur l’existence des êtres mais plutôt sur
leur temporalité.

Chez Leibniz, on s’interroge sur la raison d’être des existences des êtres contingents qui ont des
causes extérieures. Dieu en est leur cause par soi. Cette procession vers une cause par soi revient
dans un raisonnement semblablement a posteriori (action de remonter de cause en cause) est une
façon a priori de terminer le raisonnement a posteriori.
On dit que le raisonnement est finalement a priori puisqu’on finit par dire que la cause première est
Dieu.

Chez Thomas d’Aquin, on cherchait au terme de notre regressum infinitum à aboutir à une cause
première sans réellement savoir si elle porte le nom de Dieu.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

C’est précisément l’objet des critiques de Catérus qui montrait que St Thomas d’Aquin ne savait
pas si cette cause première était Dieu.

14. Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 8 :


« Ainsi il faut que la Raison suffisante, qui n’ait plus besoin d’une autre Raison, soit hors de cette
suite des choses contingentes, et se trouve dans une substance, qui en soit la cause, et qui soit un
Être nécessaire, portant la Raison de son existence avec soi. Autrement, on n’aurait pas encore une
raison suffisante, où l’on puisse finir. Et cette dernière raison des choses est appelée Dieu »

En chemin vers la preuve cosmologique de Leibniz


4. Cudworth, The true intellectual system of the universe, The Cartesian demonstration of the
existence of a God :
« Un être nécessairement existant, s’il est possible, existe ; car, en supposant qu’il n’existe pas, il
serait impossible que celui-ci ait jamais existé. C’est pourquoi ou il est impossible qu’il ait jamais
existé ou bien il existe. Car si Dieu était possible, et que pourtant il n’existait pas, il ne serait pas
alors un être nécessaire, mais un être contingent, ce qui est contraire à l’hypothèse.
Nous proposerons à présent quelque chose de plus simple et de plus direct, de la façon
suivante. Tout ce dont nous pouvons avoir une idée dans nos esprits, et qui n’implique quelque
contradiction que ce soit, existe actuellement ou bien, s’il n’existe pas, a la possibilité d’exister.
Mais si Dieu n’existe pas, il est impossible qu’il existe à l’avenir, c’est pourquoi il existe. La
raison et la nécessité de la mineure sont évidentes, car si Dieu n’existait pas, et qu’il pouvait
exister à l’avenir, alors il ne serait pas un être éternel et nécessairement existant, ce qui contredit
son idée ».

L’auteur dit qu’on a 2 preuves : si Dieu est possible, Dieu existe.


2 façons d’entendre la nécessité. Il atteste le fait qu’on avait à l’époque 2 façons d’entendre la
nécessité. Il va les superposer là ou Leibniz va trancher et en choisir une.

Fondement temporel de la nécessité et du possible. Si Dieu était un être nécessaire mais qu’il
n’existait pas, il ne serait donc pas nécessaire. Pour qu’il existe à l’avenir, il faut qu’il existe depuis
toujours. Cela reprend Aristote, St Thomas et même ce que Descartes disait face à Catérus.
Descartes n’arrivait pas à montrer l’existence de Dieu mais à montrer le fait qu’il existait depuis
toujours.

« Si Dieu est possible, Dieu existe », on retrouve donc 2 façons différentes d’entendre la nécessité.
On avait conscience à l’époque d’une conception temporelle et d’une conception logique pour
déterminer la nécessité. Cudworth va superposer ces deux conceptions. La plus simple et la plus
directe veut que la temporalité soit très importante. C’est un fondement temporel de la nécessité et
du possible, si Dieu est un être temporel et qu’il n’existait pas il ne serait dès lors pas nécessaire.
Par ailleurs, pour qu’il existe à l’avenir, il faut qu’il existe depuis toujours. Descartes n’arrive pas à
démontrer l’existence de Dieu mais que s’il existe alors il existe depuis toujours.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

La seconde conception de Cudworth affirme que ce qui est contingent est quelque chose qui peut ne
pas exister au moment même où il existe. Tandis que selon cette nouvelle conception, un être
nécessaire est un être dont l’impossibilité implique une contradiction tandis que possible n’implique
pas de contradiction. Il implique contradiction de nier l’existence de Dieu. Si Dieu était possible
mais n’existe pas cela signifie que c’est un être contingent mais cela signifierait que Dieu serait un
être contingent et nécessaire, ce qui implique une contradiction. Donc il serait impossible. (Dieu est
possible à Dieu est nécessaire à Dieu n’existe pas à Dieu contingent et nécessaire à
Contradiction à Dieu n’est pas possible à Dieu existe).
Si Dieu est l’être nécessaire et qu’il est possible, alors il existe.

5. Waterland, A Dissertation upon the Argument a priori for proving the Existence of a First
Cause  :
« Je peux maintenant chercher sur quoi l’argument a priori (comme on l’appelle) doit se fonder, ou
comment il est soutenu. Pour y parvenir, il faut d’abord prouver a posteriori l’existence d’un être
indépendant, c’est-à-dire : Quelque chose est maintenant, donc quelque chose a existé de toute
éternité ; donc, un Être inchangeable et indépendant, au moins un ; par conséquence, il y a un Être
qui existe par soi ou qui existe nécessairement. Jusqu’à présent, il est juste et bon d’arriver à
l’existence nécessaire dans la manière d’argumenter a posteriori. Appelons cela Nécessité
d’Existence, cette Nécessité importe un Mode d’Existence qu’on vient de prouver, subséquent,
dans l’ordre de la Nature et de la Conception, à l’Existence, et renvoyé au Sujet de celle-ci. La
Nécessité suivante est peu après abandonnée, et la Nécessité antérieure nous est glissée dans sa
chambre. Sous le couvert d’un Nom ambigu, l’Idée, avec laquelle nous avons commencé, est
d’abord changée pour une autre, tout à fait nouvelle et étrangère, et puis elle entre dans l’Argument
a priori avec tous les problèmes qu’elle engendre. Il est maintenant conçu je ne sais quelle
Nécessité antécédente, quelle Cause interne, quelle Raison antérieure, quel Sol, quel Fondement de
l’Être indépendant ; et tout cela construit sur rien, l’Équivoque d’un Mot ».

La nécessité vient après c'est-à-dire que ce n’est plus une nécessité qui suit l’existence. On
s’interroge sur une nécessité qui trouve la cause et le fondement de l’existence d’un être. C’est une
interrogation a priori. Descartes n’infère pas Dieu comme étant cause de soi dans la preuve.
La nécessité antérieure questionne la raison-même d’être de Dieu. On voit l’introduction de l’idée
de la cause par soi, de Dieu comme cause de lui-même.

Une petite digression : Spinoza et la causa sui

1. Spinoza à Meijer, Lettre d’avril/août 1663 :


« Je voudrais noter encore que les Péripatéticiens modernes ont mal compris, à ce que je crois, une
démonstration donnée par les Péripatéticiens anciens pour tenter d’établir l’existence de Dieu.
Telle, en effet que je la trouve dans un certain auteur juif appelé Rab Ghasdaj, voici comment elle
s’énonce : « S’il existe un progrès à l’infini des causes dans la nature, tout ce qui existe sera l’effet
d’une cause. Or, à aucune chose qui dépend d’une cause, il n’appartient d’exister par la vertu de sa
nature. Donc il n’existe dans la nature aucune chose à l’essence de laquelle il appartient d’exister
nécessairement. Mais cette conclusion est absurde, donc la supposition d’où on la déduit l’est
aussi. » La force de l’argument ne réside pas en ce qu’il est impossible qu’un infini en acte soit
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

donné ou encore un progrès des causes à l’infini, mais seulement dans cette supposition qu’il est
impossible que les choses qui n’existent pas nécessairement par nature ne soient pas déterminées à
exister par une chose qui, elle, existe nécessairement »

2. Spinoza, Principes de la philosophie de Descartes, Première partie, Démonstration de la


Proposition VII :
« J’existe, et cependant je n’ai pas le pouvoir de me conserver moi-même, donc je suis conservé
par [.

3. Spinoza, Éthique, Première partie De Dieu, Définition I :


« Par cause de soi, j’entends ce dont l’essence implique l’existence, autrement dit ce dont la nature
ne peut être conçue sinon comme existante ».

Chez Spinoza, la nature de Dieu enveloppe son existence. Existence de Dieu comme cause de soi.

On avait vu que chez Spinoza, la cause par soi est le fondement de sa philosophie. L’essence fonde
l’existence. Existence de Dieu fondée sur les modalités logiques.

Leibniz et les preuves de l’existence de Dieu

Leibniz et la preuve a posteriori ou cosmologique

1. Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 7 :

« Jusqu’ici nous n’avons parlé qu’en simples physiciens : maintenant il faut s’élever à la
métaphysique, en nous servant du grand principe, peu employé communément, qui porte que, rien
ne se fait sans raison suffisante, c’est-à-dire, que rien n’arrive sans qu’il soit possible à celui qui
connaîtrait assez les choses de rendre une raison qui suffise pour déterminer, pourquoi il en est
ainsi, et non pas autrement. Ce principe posé, la première question qu’on a droit de faire, sera,
pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien. Car le rien est plus simple et plus facile que quelque
chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison, pourquoi
elles doivent exister ainsi, et non autrement ».

La philosophie de Leibniz est très connue par le fait qu’elle définit tout entre le possible et le
nécessaire, entre l’existant et l’inexistant.

Il distingue les vérités contingentes ou vérités de faits qui sont des vérités dont le contraire est
possible, elles peuvent ne pas exister, comme les vérités de l’Histoire.
Tandis qu’il y a des vérités nécessaires, donc leur contraire implique une contradiction. Les
propriétés du triangle constituent une vérité nécessaire.
Dans tous les mondes possibles les règles nécessaires restent les mêmes alors que les contingentes
non.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Il y a plein de mondes possibles constituant tous des vérités contingentes et nécessaires et elles sont
toutes subordonnées à Dieu.

Pourquoi Dieu a fondé ce monde plutôt qu’un autre ? Il l’a choisi parce qu’il calcule le monde dans
lequel le plus de possibles peuvent trouver leur effectivité, leur réalité.

2. Voltaire, Candide ou l’Optimisme, Chapitre XXIX : « Pangloss disait quelquefois à Candide :


Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous
n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de
Mlle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique
à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos
moutons du bon pays d’Eldorado… ».

3. Leibniz, De l’origine radicale des choses : « Les raisons du monde se trouvent dans quelque
chose d’extérieur, différent de la chaîne des états ou des suites de choses dont le groupement
constitue le monde. C’est pourquoi, de la nécessité physique ou hypothétique, qui détermine dans
le monde les choses qui suivent à partir de celles qui précèdent, il faut remonter à quelque chose
qui soit d’une nécessité absolue, ou métaphysique, […] ou dont l’essence entraîne l’existence ».

Chez Leibniz, on considère un ensemble de vérités contingentes retrouvées sur un plan et il faut
faire un saut pour accéder à un plan métaphysique qui est la nécessité divine.

Plan métaphysique Vérités nécessaires, cause par soi

Vérités contingentes dont on trouve cause par autrui

Là où chez Saint Thomas d’Aquin, on procédait en cause par autrui pour remonter jusqu’à la cause
par soi. Il y avait 1 plan, on ne sortait pas de la chaîne.

Ici, chez Leibniz, il n’y a pas de relation, pas de lien entre vérités nécessaires et contingentes. Il y a
2 plans (physique/ métaphysique).

Leibniz transpose la preuve thomiste déjà modifiée par Descartes à partir du principe de la raison
suffisante.
St Thomas → Descartes → Leibniz

4. Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce, §8 :


« Ainsi il faut que la Raison suffisante, qui n’ait plus besoin d’une autre Raison, soit hors de cette
suite des choses contingentes, et se trouve dans une substance, qui en soit la cause, et qui soit un
Être nécessaire, portant la Raison de son existence avec soi. Autrement, on n’aurait pas encore une
raison suffisante, où l’on puisse finir. Et cette dernière raison des choses est appelée Dieu ».
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

Si on n’avait pas Dieu, on n’aurait rien. Comme on n’a pas rien dans ce monde, alors Dieu existe.

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Leibniz et la preuve a priori ou ontologique

6. Leibniz, Sur la démonstration cartésienne de l’existence de Dieu du R. P. Lamy :


« Car l’essence de la chose n’étant que ce qui fait sa possibilité en particulier, il est bien manifeste
qu’exister par son essence, est exister par sa possibilité. Et si l’Être de soi était défini en termes
encore plus approchants, en disant que c’est l’Être qui doit exister parce qu’il est possible, il est
manifeste que tout ce qu’on pourrait dire contre l’existence d’un tel être, serait de nier sa
possibilité.
On pourrait encore faire à ce sujet une proposition modale qui serait un des meilleurs fruits de
toute la Logique, savoir que si l’Être nécessaire est possible, il existe. Car l’Être nécessaire et
l’Être par son Essence ne sont qu’une même chose ».

Il y a chez Leibniz une convergence entre la nécessité de l’être due à une preuve a posteriori
(preuve à travers les êtres matériels) et une autre a priori (le pourquoi de Dieu, s’il est possible qu’il
existe).
Si on admet la preuve a posteriori, on ne peut pas refuser la preuve a priori, et nécessairement
réciproquement. L’être nécessaire est également l’être souverainement parfait.
Il nous faut d’abord nous fonder sur l’idée

7. Leibniz, A Henning Huthmann (?) en janvier 1678, Démonstration que l’être nécessaire
existe, s’il est possible :
« Si nous définissons Dieu comme un être par soi, ou comme un être dont l’essence suit
l’existence, ou comme un être nécessaire, il s’ensuit cette conclusion mémorable : Si Dieu est
possible, il existe en acte [...] Comme Dieu est aussi défini comme un être éminemment parfait et
que l’existence fait partie des perfections, l’on déduit, à raison, ici également, que Dieu est l’être
dont l’essence implique l’existence ».

8. Leibniz, Échantillon des découvertes (en latin : Specimen Inventorum) :


« La définition réelle est celle d’où il résulte que le défini est possible et n’implique pas
contradiction.
Et voilà ce qu’il manque dans la démonstration d’Anselme, reprise et rénovée par Descartes,
d’après laquelle l’être éminemment parfait ou suprême doit exister, parce qu’il implique
l’existence : on suppose en effet sans preuve que l’être éminemment parfait n’implique pas
contradiction, et c’est à cette occasion que j’ai compris quelle est la nature de la définition réelle.
L’Être nécessaire, si seulement il est possible, absolument existe. C’est là le point culminant de la
théorie des modales, par où s’effectue le passage des essences aux existences, des vérités
hypothétiques aux absolues, des idées au monde.

La possibilité pour Leibniz, précède l’existence.


Descartes disait que l’essence divine était déjà contenue dans les êtres. Pour Leibniz c’est la
possibilité qui précède l’existence qui compte. La possibilité est quelque chose qui fonde
l’essence.
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

C’est interdit chez Leibniz de passer de la possibilité d’une chose à l’existence de celle-ci, mais il y
a quand même l’exception : celle de Dieu. Dieu est la seule essence qui peut passer de la possibilité
à l’existence. Il s’est réalisé.
La possibilité suppose une chose qui, n’ayant pas de contradiction, est possible.

(A) La preuve par la possibilité de l’être infiniment parfait

9. Leibniz, Que l’être infiniment parfait existe :


« De cela, il n’est pas difficile de montrer que toutes les perfections sont compatibles entre elles,
ou si elles peuvent être dans un même sujet ».

Si l’être est infiniment parfait, il existe.


La seule raison pour laquelle un Dieu souverainement parfait n’existerait pas serait qu’il serait
contradictoire dans sa définition puisque le possible est ce qui n’implique pas de contradiction.
Il faut donc prouver qu’il n’y a pas de contradiction.

10. Leibniz, Sur la démonstration cartésienne de l’existence de Dieu du R. P. Lamy :


« Quoiqu’il en soit, on pourrait former une démonstration encore plus simple, en ne parlant point
des perfections, pour n’être point arrêté par ceux qui s’aviseraient de nier que toutes les perfections
soient compatibles, et par conséquent que l’idée en question soit possible ».

(B) La preuve par la réalité des vérités éternelles

11. Leibniz, Monadologie, § 43 à § 45 :


« Il est vrai aussi qu’en Dieu est non seulement la source des existences, mais encore celles des
essences, en tant que réelles, ou de ce qu’il y a de réel dans la possibilité. C’est parce que
l’entendement de Dieu est la région des vérités éternelles, ou des idées dont elles dépendent, et que
sans lui il n’y aurait rien de réel dans les possibilités, et non seulement rien d’existant, mais encore
rien de possible. Car il faut bien que s’il y a une réalité dans les essences ou possibilités, ou bien
dans les vérités éternelles, cette réalité soit fondée en quelque chose d’existant et d’actuel ; et par
conséquent dans l’existence de l’Être nécessaire, dans lequel l’essence renferme l’existence, ou
dans lequel il suffit d’être possible pour être actuel. Ainsi Dieu seul (ou l’Être nécessaire) a ce
privilège qu’il faut qu’il existe s’il est possible. Et comme rien ne peut empêcher la possibilité de
ce qui n’enferme aucunes bornes, aucune négation, et par conséquent, aucune contradiction, cela
seul suffit pour connaître l’existence de Dieu a priori. Nous l’avons prouvée aussi par la réalité des
vérités éternelles »

RATTRAPPER L’HEURE DISPO SUR DICTAPHONE

3. Chapitre 8 :
« Quelque chose que nous disent les philosophes partisans du système religieux pour nous prouver
l’existence d’un tel être que leur Dieu, ils ne prouvent autre chose sinon qu’il n’arrive rien qui ne
soit l’effet d’une cause ; que le plus souvent nous ne pouvons connaître les causes immédiates des
effets que nous voyons ; que, lors même que nous les pouvons voir, ces causes sont elles-mêmes
des effets à l’égard des autres causes antérieures qui les ont produites, et ainsi à l’infini. Mais ils
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

ne montrent point qu’il faille en venir à une première Cause éternelle, qui soit la cause universelle
de toutes les causes particulières, qui produise toutes les propriétés des êtres et même leur
existence, et qui ne dépende elle-même d’aucune autre cause. Il est vrai que nous ne connaissons
pas la liaison, la suite et la progression de toutes les causes ; mais que conclure de là ? L’ignorance
d’une chose n’a jamais pu être un motif raisonnable de croire ni de se déterminer. »

Selon Fréret, les philosophes on a un moment besoin de trancher la question est de croire qu’il
existe qu’une cause première : Dieu. Les philosophes seraient orgueilleux de ne pas admettre leur
ignorance. Inutile de s’aventurer dans des raisonnements qui ne mènent nulle part.

L’échec de la preuve a priori ou ontologique de l’existence de Dieu : la critique


de Hume

Hume est publié posthume. Il laisse des textes audacieux sur la question de la nature divine.
3 personnages entrent en jeu :
- le personnage de Deméa représentant la tradition métaphysique (Leibniz, Descartes) et qui
présentent une preuve a priori
- le personnage de Cléanthe qui est théiste ou déiste, il croit en Dieu sur la base d’une preuve a
posteriori seulement. Si chez Leibniz on ne pouvait pas exclure la preuve a priori quand on
acceptait l’a posteriori, ce n’est pas le cas du personnage déiste. Il s’appuie sur l’argument
téléologique
- le personnage de Philon, c’est un sceptique, il ne croit pas en l’existence de Dieu.

De quel côté penche Hume ? Il oscille entre Cléanthe et Philon, le déiste et le sceptique.=

1. Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 1e partie :


« Quelle vérité si évidente, si certaine que l’existence d’un Dieu que les siècles les plus ignorants
ont reconnue et pour laquelle les génies les plus subtils ont eu l’ambition de chercher à produire de
nouvelles preuves et de nouveaux arguments ! […] Mais, en traitant de cette évidente et importante
vérité, que de questions obscures sur la nature de cet être divin, ses attributs, ses décrets, le plan de
sa providence ! ».

Hume ne fait pas ce que fait Fréret (c’est-à-dire refuser l’idée de dieu comme cause première). Il ne
dit pas que Dieu n’existe pas. A travers la mise en dialogue, il se questionne sur la nature de Dieu.

2. Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 9e partie :


« [Déméa] Tout ce qui existe doit avoir une cause ou une raison de son existence car il est
absolument impossible qu’une chose se produise elle-même ou soit la cause de sa propre
existence. En remontant donc des effets aux causes […] nous devons donc avoir recours à un être
nécessairement existant qui porte la raison de son existence en lui-même et qui ne peut être
supposé ne pas exister sans une contradiction expresse. Il y a par conséquent un tel être. Un dieu
existe donc ».

Contexte de DEMEA, position rationnaliste, preuve a priori

Hume, Dialogues sur la religion naturelle (1779) 9e partie : La preuve a priori de l’existence
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

de Dieu
L’argument, répondit Déméa, sur lequel vous insistez, est l’argument commun. Tout ce qui existe
doit avoir une cause ou une raison de son existence car il est absolument impossible qu’une chose
se produise elle-même ou soit la cause de sa propre existence. En remontant donc des effets aux
causes, nous devons soit suivre une succession infinie sans jamais découvrir de cause ultime, soit
avoir recours à une cause ultime qui existe nécessairement. Or, que cette première hypothèse soit
absurde, nous pouvons le prouver ainsi. Dans la chaîne ou succession des causes et des effets,
chaque effet pris à part est déterminé à exister par le pouvoir et l’efficacité de cette cause qui l’a
immédiatement précédé; mais toute la chaîne ou succession, prise globalement, n’est pas
déterminée ou causée par quelque chose et il est pourtant évident qu’elle requiert une cause ou
une raison, tout comme un objet particulier qui commence à exister dans le temps. Il est
raisonnable de se poser cette question : pourquoi cette succession de causes existe-t-elle de toute
éternité plutôt qu’une autre succession ou pas de succession du tout ? S’il n’y a aucun être
nécessairement existant, toute supposition qui peut être formée est également possible et il n’y a
pas plus d’absurdité dans le fait que rien, de toute éternité, n’ait existé qu’il n’y en a dans cette
succession de causes qui constitue l’univers. Qu’est-ce qui a donc déterminé quelque chose à
exister plutôt que rien et a donné l’être à une possibilité particulière à l’exclusion des
autres ? Les causes externes, on suppose qu’il n’y en a pas. Hasard est un mot vide de sens. Était-
ce le néant ? Mais le néant ne peut jamais produire quelque chose. Nous devons donc avoir
recours à un être nécessairement existant qui porte la raison de son existence en lui-même et
qui ne peut être supposé ne pas exister sans une contradiction expresse. Il y a par conséquent
un tel être. Un dieu existe donc.

Déméa présente son argument comme a priori, pourtant il reprend trait l’argument a posteriori de
Leibniz. On doit se référer sur un autre plan dans lequel il y a une nécessité métaphysique avec un
Dieu cause de lui-même pour que la chaîne contingente en découle. L’argument de la preuve
cosmologique leibnizien a priori est ici présenté comme a posteriori. L’être nécessaire est aussi
l’être infiniment parfait.
Déméa cherche à prouver la nécessité de l’existence divine. Cette preuve n’est plus seulement a
posteriori mais métaphysique car Dieu est présenté sur un autre plan que le plan physique.

2. La critique de la preuve a priori

3. Clarke, Une Démonstration de l’être et des attributs de Dieu :


« Nous n’avons aucune idée de ce qu’est la substance ou essence de cet être qui existe par soi ou
qui existe nécessairement, ni il ne nous est possible de le comprendre en quelque mesure ».

Critique de l’inéisme de l’idée l’existence de Dieu. Critique de la 5ème Médiation


métaphysique de Descartes. Toute la construction de la 5ème méditation était construite autour du
fait que l’on avait en chacun de nous une idée claire et distincte de Dieu.
CLARKE rejette cet argument a priori mais aussi l’argument a posteriori de Leibniz qui fondait la
possibilité de l’être nécessaire pour aboutir à une preuve a priori. Si on refuse la 5ème méditation,
on refuse également la preuve a posteriori de Leibniz puisque celle-ci s’appuie à la base sur une
preuve a priori.

On ne peut plus accepter la preuve a priori.


La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

4. Wollaston, La religion de la nature délimitée :


« Un tel Être est au-dessus de toutes les choses qui sont l’objet de notre connaissance, c’est
pourquoi la façon dont il existe est au-dessus de tout notre entendement. Car il s’agit d’un être
nécessairement existant, mais rien de ce que nous pouvons concevoir est d’une telle nature. Nous
ne connaissons aucun être qu’on ne puisse imaginer non existant sans aucune contradiction ou
répulsion dans sa nature ; nous n’en connaissons aucun, excepté cet Être. À propos de celui-ci,
nous savons en effet, par le raisonnement, qu’il doit y avoir un être dont on ne peut supposer la
non-existence, avec la même certitude par laquelle nous savons qu’il y a quelque chose, tout en ne
pouvant le connaître ni savoir comment il existe ».

L’idée de Dieu permettait avant de donner une description adéquate de la nature de Dieu. L’auteur
croit en la possibilité d’avoir une preuve a priori a condition d’avoir une téléologie négative
(comme chez Anselme), on donne des définitions négatives de Dieu.
Alors que chez Descartes ou Leibniz on s’appuie sur une téléologie positive (tout est tellement
rationnel qu’on peut expliquer totalement Dieu).

5. Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 9e partie :


« [Cléanthe] On prétend que Dieu est un être nécessairement existant et on tente d’expliquer la
nécessité de son existence en affirmant que, si nous connaissions toute son essence, toute sa nature,
nous verrions qu’il lui est impossible de ne pas exister comme il est impossible que deux et deux
ne fassent pas quatre. Mais il est évident que cela ne saurait jamais arriver tant que nos facultés
demeurent les mêmes qu’à présent. Il nous sera toujours possible, à tout moment, de concevoir la
non-existence de ce que nous concevions antérieurement comme existant. […] Il faut qu’il y ait
certaines qualités inconnues et inconcevables qui rendent sa non-existence impossible ou ses
attributs inaltérables. Et on ne peut trouver la raison pour laquelle ces qualités ne pourraient pas
appartenir à la matière. Comme elles sont entièrement inconnues et inconcevables, on ne peut
jamais prouver qu’elles sont incompatibles avec elle ».

Cléanthe paraphrase Wollaston dans la manière dont il dit que l’argument a priori est invalide.

En refusant l’innéisme de la connaissance de la nature divine soutenu dans la 5ème Méditation,


alors on n’a pas de connaissance positive de Dieu, on ne sait pas adéquatement qui est Dieu.
Si on perd l’idée de la nature divine, on ne peut pas échapper à des thèses matérialistes du style
« qu’est-ce qui permet d’assurer que Dieu est posé sur un plan métaphysique et qu’il est extérieur à
toute nature ».
On nie l’argument a priori mais on a un argument a posteriori peu satisfaisant, la nature divine
serait inconcevable.
Cléanthe détruit l’argument de l’être nécessaire soutenu par Leibniz (Leibniz soutient un
argument logique de l’être nécessaire selon lequel c’est contradictoire de dire que Dieu n’est que
possible puisqu’il est nécessaire alors logiquement c’est impossible). Pour Cléanthe Leibniz se
défend avec un argument vraiment claqué parce que Dieu est un être possible et on peut penser
qu’il n’existe pas puisqu’on n’en fait pas vraiment l’expérience. Être nécessaire ne veut rien dire,
ça n’engage aucune nécessité d’être réelle, Dieu peut très bien ne pas exister.

6. Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 9e partie :


« [Philon] Et, au lieu d’admirer l’ordre des êtres naturels, ne pourrait-il pas arriver, si nous
pouvions pénétrer la nature intime des corps, que nous puissions voir pourquoi il était absolument
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

impossible qu’ils admissent une autre disposition ? Tant il est dangereux d’introduire l’idée de
nécessité dans la présente question ! Tant elle offre naturellement une inférence directement
opposée à l’hypothèse religieuse »

Il y a une référence explicite à Spinoza, pour lui dès que je pose une cause, tous les effets doivent
nécessairement découler de cette cause. Une chose est possible lorsqu’elle arrive non pas à temps
mais par une nécessité logique. Une fois Dieu posé est qu’il y a une nécessité entre sa substance et
son essence il y a EN PLUS une nécessité entre Dieu et le monde et les effets vont nécessairement
découler. Tous les contingents suivent du principe de Dieu. La nécessité chez Spinoza est de l’ordre
du principe duquel découle nécessairement des effets.
Il y a une nécessité métaphysique, il n’y a pas de contingence. Il n’y a pas une infinité de mondes
possibles mais un effet associé nécessaire à sa cause.

7. Spinoza, Éthique, Première partie De Dieu, Proposition XIX :


« Dans la Nature des choses, il n’est rien donné de contingent ; mais toutes choses sont
déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à produire un effet d’une certaine
façon ».

Tout est en Dieu.

8. Leibniz, Essais de théodicée, § 175 :


« La nécessité métaphysique est absurde, quand elle se rapporte aux actions de Dieu ad extra ».

Il veut distinguer entre la nécessité absolue (Dieu est la raison de son existence), ça c’est sûr. Après
Lei

9. Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 9e partie :


« [Cléanthe] L’expression “nécessaire existence” n’a donc aucun sens ou, ce qui revient au même,
n’a aucun sens cohérent »

A la fin du texte de Hume, Philon dit qu’ils débattent depuis tout ce temps sur quelque chose qui
peut être n’existe même pas dans le monde.

Hume, a travers le personnage de Philon,


Cléanthe veut partir des effets du monde pour voir une harmonie qui serait forcément due à un être
unique.
Philon, dit qu’il n’y a pas d’être semblable, se basant sur les règles 2 et 4 de Newton (même cause
pour même effet), critique Cléanthe. Comme on n’a pas d’être semblable, Cléanthe donne des
hypothèses absurdes pour se moquer, Philon lui répond que ces hypothèses sont aussi absurdes que
celle dans laquelle Cléanthe suppose qu’il y a un être intelligent et supérieur, Dieu.

L’échec de la preuve a posteriori ou cosmologique de l’existence de Dieu : la


critique de Kant

1. Kant, Critique de la raison pure, Analytique transcendantale, liv. II, ch. III :
« Nous avons maintenant non seulement parcouru le pays de l’entendement pur et considéré
scrupuleusement chacune de ses parties, mais nous en avons aussi pris toutes les mesures et y
La preuve de l'existence de Dieu à l'Âge classique

avons déterminé la place qu’occupe chaque chose. Ce pays, toutefois, est une île, et de ce fait
enfermé par la nature elle-même dans des limites immuables. C’est le pays de la vérité (nom
fascinant), entouré par un vaste océan vaste agité de tempêtes, véritable siège de l’illusion, où
maints bancs de brouillard et maints blocs de glace bientôt fondus offrent l’aspect trompeur de
terres nouvelles et, abusant sans cesse par de vaines espérances le navigateur exalté à la
perspective de nouvelles découvertes, l’engageant dans des aventures auxquelles il ne peut jamais
renoncer, mais qu’il ne peut pourtant jamais non plus mener à bonne fin »

Kant

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