Vous êtes sur la page 1sur 4

Contenu du cours

Kant et les différentes classifications de la logique (voir texte de Kant p. 283-284 du


livre de P. Wagner, Logique et Philosophie)

Pour Kant la logique se divise en

1. Logique de l’usage général de l’entendement (i.e. la faculté de comprendre) :


elle concerne les règles1 du raisonnement2 (ou plus en général, de la pensée)
qui peuvent s’appliquer à n’importe quel type d’objets ou de propositions. Il
s’agit notamment de règles qui ne dépendent pas du contenu spécifique des
propositions et qui sont donc purement formelles.

2. Logique de l’usage particulier de l’entendement : elle concerne les règles du


raisonnement qui s’appliquent à un domaine particulier d’objets ou de
propositions. Ces règles dépendent donc du contenu spécifique des
expressions d’une discipline (ou d’une science) particulière. En un certain
sens, on pourrait considérer que cette logique s’intéresse aux principes (ou
aux axiomes) qui caractérisent une discipline (ou une science) particulière
(comme par ex. la physique, la géométrie, l’arithmétique, etc.).

La logique de l’usage général de l’entendement se divise, à son tour, en deux


parties :

1.1. Logique (générale) pure : elle concerne les règles de raisonnement qui font
abstraction de tout type de contraintes empiriques auxquelles, en tant
qu’êtres humains, nous sommes soumis dans l’exercices effectif de notre
faculté de compréhension3. Ces contraintes peuvent être soit de type cognitif
(par ex. limites d’attention ou de mémoire), soit de type physique (par ex.
limites de type spatial ou temporel4).
Les règles de raisonnement qui sont étudiées par la logique (générale) pure
sont des règles qui fixent les conditions qu’il faut respecter afin de pouvoir
penser tout court. Pour la logique (générale) pure il ne s’agit donc pas de
décrire comment l’on pense effectivement (concrètement), mais d’établir les
1
Pour l’instant, on peut employer le terme « règle » comme un synonyme de « principe », c’est-à-dire
comme quelque chose qui permet de guider l’exercice d’une certaine faculté de l’esprit (dans ce cas le
raisonnement ou la pensée). Dans la suite du cours nous serons portés à donner une définition plus
précise de la notion de règle et à distinguer finalement ces deux termes.
2
En simplifiant un peu, on peut dire qu’ici on entend par raisonner la faculté qui nous permet
d’organiser nos pensées (selon un certain ordre) et notamment de passer de certains jugements à
d’autres jugements (en suivant certaines règles).
3
On peut reformuler cette idée en disant que les règles de la logique (générale) pure sont les règles
de raisonnement d’un agent humain idéalisé, c’est-à-dire un agent qui possède exactement les
mêmes capacités que n’importe quel être humain réel, « en chair et os », à la seule différence qu’il les
exerce de manière parfaite, n’étant soumis à aucun type de limitation contingente (comme, par
exemple, des limites de mémoire ou d’attention, ou l’insuffisance du papier disponible pour réaliser
des calculs).
4
Pensez par exemple aux contraintes empiriques qui se posent quand on veut calculer à la main, sur
une feuille de format A4, un nombre comme 23 765429079. (En réalité cet exemple n’est pas vraiment très
heureux car pour exécuter ce calcul on n’emploie pas seulement les règles de la logique de l’usage
général de l’entendement, mais aussi les règles de l’usage particulier, tel que les règles de
l’arithmétique.)
règles qui permettent de dire ce qu’une pensée et ce qui ne l’est pas. Le rôle
de cette logique est donc un rôle normatif (Kant dit que cette logique est un
« canon de l’entendement et de la raison »).

1.2. Logique (générale) appliquée : elle concerne les règles (ou mieux, les
régularités) du raisonnement que nous pouvons extraire, de manière
inductive5, à partir d’un ensemble de cas (de raisonnement) dont nous avons
fait l’expérience (Kant dit que cette logique est un « catharticon6 de
l’entendement commun »). Il s’agit donc de règles qui sont établies de
manière empirique et qui tiennent donc compte des contraintes empiriques
auxquelles nous sommes soumis au cours de notre exercice effectif et
concret du raisonnement. Pour Kant, la logique (générale) appliquée n’est
point différente de la psychologie.

Logique, normativité et morale chez Kant

Selon Kant, la logique générale pure est fondamentalement caractérisée par deux
aspects:

I. en tant que générale, elle ne dépend pas du contenu des propositions sur
lesquelles elle opère ; tout ce qui compte c’est donc que la forme de ces
propositions et la manière selon laquelle elles sont structurées (entre elles) ;

II. en tant que pure, elle n’est pas sujette à des contraintes de type empirique ; les
règles qu’elle définit ne sont donc pas des règles déterminées a posteriori, mais
plutôt a priori. Plus précisément, en tant que pure, cette logique est une
doctrine démontrée, au sens où ses règles (ou ses principes) ont un caractère
nécessaire et cette nécessité peut être prouvée de manière non empirique : soit
en ayant recours à l’intuition (quand on a affaire à des règles primitives) soit en
raisonnant de manière déductive (quand on a affaire à des règles non
primitives). Cf. l’idée de discours apodictique d’Aristote.7

Kant fait remarquer aussi que la distinction entre la logique générale pure et la
logique générale appliquée ne correspond pas à la distinction qui consiste, d’une
part, à établir, a priori, un certain ensemble de règles ayant une portée générale et,
5
L’induction consiste en une méthode de raisonnement (de type non déductif), qui permet, à partir
d’un grand nombre de cas particuliers observés, de tirer une affirmation générale qui vaut pour tous
les cas (c’est-à-dire une affirmation de type général). Cf. Wagner, Logique et Philosophie, p. 8-9.
6
Avec le terme « catharticon » Kant veut indiquer ici le résultat d’une « purification », dans ce cas la
purification des raisonnements particuliers employés dans l’exercice de l’entendement. Il faut aussi
remarquer qu’une purification est quelque chose qui se fait a posteriori, après que certains
raisonnements ont été accomplis. La purification ici consiste notamment en l’extraction de la forme
commune à tous ces raisonnements (il s’agirait donc d’une forme générale que tous ces
raisonnements particuliers ont en commun).
7
Il faut faire attention à ne pas confondre le discours apodiptique avec le discours assertorique (ou
apophantique ; voir Séance 4). Le discours apodiptique a affaire avec des propositions qui sont jugées
comme vraies ou fausses de manière nécessaire. Le discours assertorique a affaire, en revanche,
avec des propositions jugées comme vraies ou fausses de manière factuelle, et donc non nécessaire
(les faits se donnent en effet de manière contingente ; voir Séance 4). Pour simplifier, on pourrait dire
aussi que le discours apodiptique porte sur les vérités que Leibniz appelle les vérités de raison, tandis
que le discours assertorique porte sur les vérités de fait.
de l’autre, à employer ces règles dans des cas particuliers, c’est-à-dire en les
appliquant à des propositions ayant un contenu bien spécifique.

Les règles de la logique générale appliquée, en effet, ne sont pas simplement des
instances particulières des règles de la logique générale pure. Au contraire, elles
sont des règles qui correspondent plutôt à des régularités qui peuvent être détectée
dans l’exercice du raisonnement tel que nous le faisons chaque jour et qui est
soumis à des contraintes empiriques. En particulier, les règles de la logique générale
appliquée sont des règles qui, du point de vue de la logique générale pure,
pourraient même être incorrectes. Cela veut dire que, pour Kant, la logique générale
appliquée n’est pas une discipline qui concerne le plan de la connaissance, mais
plutôt celui de l’opinion (ou de la croyance8). Seule la logique générale pure permet,
à travers ses règles, de passer de certaines connaissances à d’autres
connaissances (l’idée est qu’une connaissance peut être considérée comme une
proposition qui est vraie et qui a été démontrée ; la logique générale pure est ainsi la
discipline qui s’occupe des règles qui permettent de passer d’un ensemble de vérités
– les prémisses – à une autre vérité – la conclusion).

Afin de mieux expliquer la distinction entre logique générale pure et appliquée, Kant
s’appuie sur une analogie : la relation qui existe entre la logique générale pure et la
logique générale appliquée est analogue à la relation qui existe entre une « morale
pure » et une « doctrine de la vertu ». Une morale pure consiste en un ensemble de
règles de comportement, fixées a priori, qu’il faut absolument suivre si l’on veut
atteindre ce qu’on considère être le bien. Une doctrine de la vertu, en revanche,
consiste en un ensemble de règles ou des techniques de conduite pratique qu’on
acquière9 avec l’expérience pour essayer, dans les différentes situations qui se
présentent à nous au cours de notre vie, de nous rapprocher le plus possible à un
certain idéal de bien (il faut remarquer que ces règles ne respectent pas toujours les
principes fixés a priori de la morale pure. Il s’agit en effet de règles qui sont adaptées
aux situations qui se sont présentées à nous jusqu’à maintenant, mais qui pourraient
devoir être réadaptées si une situation nouvelle se présente. Elles sont donc sujettes
à l’imprévisibilité des situations avec lesquelles nous avons affaire. Les règles de la
morale pure, en revanche, ont la prétention d’avoir un caractère absolu et immuable.)

Avec cette analogie, il y a deux aspects qui sont mis à l’avance.

a. Le premier consiste en une analogie entre les jugements de la logique


et les jugements de la morale (ou de l’éthique). Dans tous les deux cas,
il s’agit de jugements portant sur deux types de valeurs : le vrai ou le
faux, dans le premier cas (il s’agit dans ce cas, de valeurs aléthiques) ;
le bien ou le mal, dans le deuxième cas (il s’agit dans ce cas, de
valeurs éthiques).

b. Le deuxième aspect, en revanche, consiste à associer la logique


générale pure à une discipline normative, comme la morale pure ou

8
On ne peut pas en effet avoir connaissance de quelque chose de faux, tandis qu’on peut croire en
quelque chose de faux.
9
On appelle ces règles de règles de la vertu, car la vertu correspond justement à la disposition
acquise à faire le bien.
l’éthique, et la logique générale appliquée à une discipline descriptive,
comme la doctrine de la vertu.

Vous aimerez peut-être aussi