Vous êtes sur la page 1sur 5

Comprendre le pouvoir pour mieux l’exercer 7

Au cœur de toutes les interactions humaines, imbriqué


dans le tissu même de la vie groupale et organisation-
nelle, inscrit aux fondements du politique, le pouvoir est
une réalité multiforme, difficile à cerner. Une certaine
aura de mystère l’entoure, lui conférant un attrait
puissant aux yeux de certains, inspirant une répulsion
tout aussi forte à d’autres.
Les connotations du terme même de pouvoir sont
donc à la fois négatives et positives. Avec bravade,
d’aucuns n’hésiteront pas à se déclarer « homme de
pouvoir » ou « femme de pouvoir », alors que d’autres
récuseront avec force l’étiquette qu’on voudra ainsi
leur accoler. Vouloir le pouvoir pour le pouvoir entraîne
une certaine réprobation sociale, sans doute teintée de
peur, car l’abus de pouvoir, dans notre imaginaire, n’est
jamais très loin du pouvoir lui-même…
La meilleure façon de démystifier le pouvoir, c’est
encore de l’examiner à la loupe, en l’isolant des juge-
ments moraux que l’on porte spontanément sur lui,
c’est d’essayer de comprendre ce qu’il est, de l’appri-
voiser. C’est ce que je me propose de faire avec vous
dans ce premier chapitre. J’y examine d’abord les liens
qu’entretiennent l’influence et le pouvoir, pour voir
ensuite si l’on peut légitimement parler de bon ou
de mauvais pouvoir. Puis je me penche sur la notion
d’abus de pouvoir, en y opposant l’usage judicieux
du pouvoir. Le chapitre se termine par l’identification
du premier jeu de clés nous permettant d’aller de
l’avant dans l’exercice quotidien d’un pouvoir mieux
compris.
8 Le pouvoir, c’est pas sorcier

INFLUENCER, OUI,
MAIS EXERCER DU POUVOIR…
Vivement, un petit exercice pour vous situer dans la
nébuleuse du pouvoir et de l’influence…

Exercice 1.1
Pouvoir et influence

Appuyez vos réponses à ces questions sur des exemples très concrets, tirés de
vos expériences récentes.

u Dans les activités de tous les jours, comment est-ce que j’oriente
les actions de mes proches, y compris celles de mes enfants ?
______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

u Est-ce que je consulte mes amis quand j’ai des choix à faire ? Est-ce
que je suis leurs conseils ?
______________________________________________________
______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

u Mon patron me donne-t-il des consignes précises quant à mon


travail, que je dois observer à la lettre sans poser de questions ?
______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________
Comprendre le pouvoir pour mieux l’exercer 9

u Avec mes collègues, est-ce que nous échangeons sur nos façons
de faire ? Nos expériences respectives ont-elles un impact sur nos
façons d’agir ?
______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

u Dans chacun des exemples qui précèdent, s’agit-il d’influence ou


de pouvoir ?
______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

u À mes yeux, qu’est-ce qui distingue l’influence du pouvoir ?


______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

______________________________________________________

Commentaire sur cet exercice à la page 122.

Dans bon nombre de groupes et d’organisations


– et ce, particulièrement en milieu communautaire ou
dans les groupes où se retrouvent surtout des femmes –,
la vision que l’on a du pouvoir est plutôt négative.
Certains théoriciens du pouvoir le considèrent aussi
comme étant nécessairement associé à la coercition,
à la contrainte, voire à la violence. L’influence quant à
elle serait une façon beaucoup plus douce d’obtenir ce
que l’on veut d’une autre personne.
10 Le pouvoir, c’est pas sorcier

Par exemple, si mon enfant s’engage dans la rue


au moment où arrive une voiture et que je lui dis :
« Attention, il y a une voiture », s’agit-il de pouvoir ou
d’influence ? Si je saisis vigoureusement son bras pour
l’empêcher de se faire renverser, s’agit-il de pouvoir ou
d’influence ? Et si j’agis de la même façon pour le forcer
à aller se coucher alors qu’il me résiste et s’oppose à
ma volonté ? Y a-t-il une différence de nature entre le
pouvoir et l’influence ? Dans les deux cas, comme dans
les réponses que vous avez données dans l’exercice 1.1,
ce que l’on tente de faire, c’est soit d’amener l’autre à
modifier son comportement afin de le rendre conforme
à nos attentes, soit de l’inciter à nous aider à orienter
notre action. Il y a donc là des tentatives d’influence et
des invitations à nous influencer qui peuvent se conce-
voir comme des actes de pouvoir ou comme des actes
de soumission au pouvoir des autres. Nous en arrivons
ainsi à la définition suivante du pouvoir.

Définition du pouvoir
Le pouvoir, c’est la capacité, consciente ou non, d’une
personne ou d’un groupe A de modifier les attitudes, les
valeurs, les idées ou les comportements d’une personne ou
d’un groupe B.

Avec cette définition, on voit que ce ne sont pas


seulement les comportements de l’autre que nous
visons lorsque nous cherchons à l’influencer. Nous
pouvons aussi vouloir provoquer des changements dans
ses attitudes, dans ses valeurs, dans ses idées. Le pouvoir
est donc omniprésent dans la vie sociale, il caractérise
toutes les interactions par lesquelles nous souhaitons
voir des changements chez la personne ou au sein
du groupe que nous cherchons à influencer, ou dans
leurs décisions, que cela soit conscient ou non. Ainsi,
Comprendre le pouvoir pour mieux l’exercer 11

le tout petit bébé exerce-t-il dès sa venue au monde


son pouvoir au sein de la cellule familiale. Dès qu’il
pleure, sa mère ou son père accourt pour le nourrir, le
changer, le langer, le bercer. Le poupon n’est pas du
tout conscient de son influence et, pourtant, toute la
dynamique familiale est modifiée par sa seule présence.
Les actes de pouvoir vont ensuite se poursuivre tout au
long de sa vie, et l’enfant se mettra très tôt à tester les
limites de ce pouvoir, les parents ayant pour leur part
à apprendre à établir ces limites, par l’exercice de leur
propre pouvoir.
Il en va de même avec ses amies, ses collègues,
son mari, sa conjointe, son patron, sa supérieure immé-
diate, son chef politique. L’interaction humaine est
faite de tentatives d’influence individuelles ou collec-
tives, très simples ou très complexes, immédiates ou
construites dans le temps au moyen de plans d’action
à plus ou moins long terme. Ces tentatives réussissent
parfois, d’autres fois non. Mais elles visent toujours à
amener un changement allant dans le sens de ce que
l’on désire, à influencer l’autre ou les autres en ce sens.
Paradoxalement, elles peuvent entraîner des change-
ments que nous n’avions pas prévus, qui peuvent même
être contraires à nos souhaits. Par exemple, si en tant
que chef de parti, j’exige que l’on suive la ligne que j’ai
définie et que le refus de s’y conformer d’un membre
important de mon parti l’amène à donner sa démission,
ce n’est certes pas le changement que je voulais intro-
duire ! Les actes de pouvoir ne sont pas à sens unique,
ils entraînent des réactions : l’autre aussi a ses visées et
cherche à m’influencer.
On l’aura noté, j’utilise de façon presque inter-
changeable les termes de pouvoir et d’influence. Cela
correspond à ma vision du pouvoir et ma définition de
l’influence reflète ce choix.

Vous aimerez peut-être aussi