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La tête au carré DUEF C1 décembre 2017 / Le pouvoir de la parole / transcription

https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-09-novembre-2017

A partir de l’intro [0’00]


Accoucher des mots, apprivoiser l’oralité, manier la rhétorique, utiliser les pouvoirs du langage, la parole est
un sport de combat et c’est un avocat qui le dit, un homme dont le métier est de faire entendre sa voix et de
convaincre les plus récalcitrants. Bertrand Perrier est avocat, il enseigne l’art oratoire, il s’est fait connaître
du grand public dans le film documentaire A voix haute dans lequel il entraînait des étudiants de Seine-
Saint-Denis à un concours de prise de parole. Il est invité à l’occasion de la sortie de son livre La parole est
un sport de combat et nous ont rejoints en studio également les élèves du lycée LPII de Poitiers que je salue,
« Bonjour à tous… » et qui vont courageusement se frotter au grand maître de la joute oratoire. C’est le
dossier de La tête au carré avec dans un instant vos messages sur France Inter.fr et sur le mot-clé la TAC…
[…] Couper à 1’00
A COUPER [1’05… Axel Vidard bonjour // Il y a la voix de Vanessa Paradis… 14’25]
«  La tête au carré, Matthieu Vidard. Voilà, nous sommes en direct du Studio 621 aujourd’hui avec les
élèves de Terminale du lycée LPII de Poitiers qui aiment la radio, qui aiment la science, et qui ont eu envie
de rencontrer notre invité Bertrand Périer qui publie La Parole est un sport de combat chez Jean-Claude
Lattès, avec les auditeurs qui nous rejoignent également, il y a déjà beaucoup de questions pour vous,
Bertrand Périer, sur l’art de savoir bien prendre la parole -Je vous transmettrai ces questions dans un
instant…- et le grand public qui a fait connaissance avec vous grâce à cela.
« (Extrait du documentaire : A voix haute) C’est un bonheur infini de vous voir, tous ici, rassemblés par
l’amour de la parole : la parole qui convainc, la parole qui sauve, la parole qui libère, la parole qui émeut, la
parole qui touche, la parole qui choque, c’est celle-là qui nous rassemble… »
Voilà…et le décor est planté avec cet extrait du film-documentaire A voix haute, la force de la parole qui est
sorti l’année dernière d’abord sur France Télévision ensuite au cinéma et maintenant en DVD.
Apprendre le pouvoir du langage, eh bien, c’est ce que vous enseignez, au travers entre autres de ces
concours Eloquentia avec des étudiants de Saint-Denis qui l’ont expérimenté et qui se sont entraînés avec
vous à l’art de la rhétorique, Bertrand Périer. Il faut quoi d’abord ? retrouver de la confiance ? Bien ancrer
ses pieds dans le sol pour prendre la parole convenablement ?
BP : Oui, il y a plusieurs choses, ancrer ses pieds dans le sol, c’est très important, la stabilité, la posture, tout
ce qui fait diminuer le stress, l’idée d’estime de soi aussi, de confiance en soi, de se dire que les mots vont
venir, que ceux qui vous écoutent ne sont pas nécessairement malveillants et que, avec quelques exercices
que j’ai expliqués dans ce livre, de souffle, de respiration, de posture, on peut faire en sorte que le stress ne
disparaisse pas mais qu’il ne vous paralyse pas.
MV : Vous, professionnel de la parole, puisque je rappelle quand même que vous êtes avocat, donc, il faut
savoir exposer et convaincre, un exercice particulièrement difficile, il faut aussi s’adapter à tous les vecteurs
de parole, justement, les médias en sont un, la plaidoirie en est un autre…
BP : Bien sûr, il y a des fondamentaux qui valent pour tout, les inflexions de la voix, le souffle, le regard, le
geste. Et puis, il y a des situations de prise de parole qui ne sont pas les mêmes : on ne parle pas de la même
façon à la radio qu’à une tribune ou un tribunal, dans une assemblée politique, dans un club de supporters,
dans une assemblée de copropriétaires. Chaque situation de prise de parole a ses règles.
MV : Vous dites : « J’adore participer à des émissions de radio, ça suppose une concentration très
particulière, derrière le journaliste, je pense aux auditeurs, je pense à faire passer le message, je fais la chasse
aux mots inutiles, je veille à ne pas ennuyer, à ne pas être redondant, ne pas hésiter à demeurer dans un
rythme de parole que j’apprécie lorsque moi-même, j’écoute la radio. C’est-à-dire que là, en ce moment,
vous pensez à tout cela, vraiment ?
BP : Je pense pas à tout ça, mais en l’écrivant, j’ai pensé à tout ça en synthétisant les expériences de radio
que j’avais eues grâce au film et effectivement, dans les émissions, il y a des émissions magazines, comme
celle-ci où on a une heure, on va pouvoir développer un petit peu sa pensée et puis il y a des moments où on
a trente secondes…
MV : Alors donc, avec ces élèves en particulier qui d’ailleurs ont préparé un texte qu’ils vont vous vont vous
proposer tout à l’heure un texte autour du transhumanisme, apprendre la parole, toutes les classes sociale,
tous les âges sont intéressés par le fait justement de savoir manier les mots
BP : Oui, parce que la parole, c’est le pouvoir, et donc évidemment, on a tous la volonté d’avoir pas
forcément un pouvoir mais une bonne insertion sociale, économique, et on est dans un monde de l’oralité où
cette maîtrise des mots est nécessaire pour s’insérer.
MV : Et quand ça a commencé, justement, comment est parti ce projet ?
BP : Il est né de l’expérience personnelle du réalisateur du film, Stéphane de F., qui est né à Aubervilliers en
Seine Saint Denis. Ses études l’ont amené dans le 16 ème arrondissement de Paris et il a constaté que ce qui
était le plus difficile pour lui, c’était la stigmatisation par le langage et il s’est dit, voilà, c’est le langage qui
nous sépare, et donc c’est le langage qui peut aussi nous réunir, raison pour laquelle il a conçu ce
programme Eloquentia avec la valorisation de la parole sous toutes ses formes, c’est-à-dire la parole
personnelle avec des recruteurs, une parole plus théâtrale avec un metteur en scène, une parole plus
artistique avec un slammeur. Puis il avait besoin d’un enseignant de rhétorique classique, c’est-à-dire le
discours convaincant et il m’a demandé de venir dans cette aventure.
MV : Et ça se poursuit toujours, ça n’a pas servi qu’au tournage du film évidemment, il n’y a pas eu un seul
concours…
BP : … il y a eu Eloquentia avant, il y aura Eloquentia après, il y a aura Eloquentia 2018.
MV : On va écouter justement un extrait du film A vois haute avec El Hadj qui parlait de la voix et de la
prise de parole comme une arme.
Extrait du film A voix haute
Vers mes 15 ans, il y a eu un incendie chez nous au Pré Saint-Gervais. Quand l’incendie s’est déclaré, c’était
dur, mais le plus dur c’est vraiment quand on est revenus chez nous. Tu débarques, tu vois ton habitation
être ravagée, tu vois un mec de France Habitation qui débarque, et la seule chose que ce gars-là trouve à
faire et à dire, c’est que vous allez être dehors, mais de toute façon vous alliez être en situation d’irrégularité
donc de toute façon, c’est pas grave, ça te fait tellement flipper, t’es tellement en colère que il y a rien qui
sort.… Si j’avais eu les bons mots au bon moment j’aurais été capable de lui faire comprendre certaines
choses, qu’il a limite brisé des vies, je pense qu’à ce moment-là, j’aurais aimé avoir la force que j’ai dans
mes mots actuellement. Je me dis que la parole c’est ce qui m’a manqué quand j’étais gosse. La parole, c’est
une arme, c’est quelque chose qui me permet de pouvoir me défendre, de pouvoir me défendre et de défende
certaines de mes idées aussi…
MV : Voilà, il s’appelle Elhadj, on l’entendait donc dans ce film A voix haute avec la parole qui est
vraiment une … C’est quoi, c’est un ring, c’est un combat de boxe de savoir bien jouer avec les mots quand
il faut se défendre, dans des cas particuliers comme celui-là ?
BP : Oui, on est dans un cas où les mots sont quasiment un cas de vie ou e mort, et donc oui, y a pas de
quartier, on est vraiment sur un ring. Après, l’idée d’un sport de combat, c’est que ça peut être d’abord un
combat sur soi, hein, y a un des jeunes qui va bientôt me poser une question, je pense que son cœur bat un
peu plus vite…
MV : donc il est très courageux, oui…
BP : Bien sûr, il y a d’abord un combat sur soi pour vaincre cette timidité et passer au-delà, après il y a le
combat vis-à-vis des autres pour convaincre.
MV : Allez, on va se tourner justement vers ce premier élève du lycée LPII de Poitiers, bonjour …
K : Oui, bonjour
MV : Quel est ton prénom ?
K : Mon prénom, c’est Komren
MV : On t’écoute Komren
K : Du coup, ma question, c’est moins à propos de la parole et plus à propos de la discussion en général. Ma
questions, c’est que dans un temps qui est de plus en plus politiquement polarisant, du coup on voit de la
rhétorique extrémiste qui vient de la droite et de la gauche, et la discussion qui devient de moins en moins
fréquente entre ces deux côtés, quel est le moyen de rapprocher ces deux côtés politiques et ouvrir un
dialogue entre ces deux positions ?
MV : questions très sérieuse, hein…
BP : Oui, alors, il y a c’est vrai, une polarisation du discours avec une violence mais dans le discours
politique, le problème, c’est que, si vous voulez, on ne parle pour écouter, on n’écoute pas, pardon pour
comprendre, on écoute pour répondre, et à partir de là, on tombe dans l’élément de langage et il n’y a pas de
débat. Les débatteurs politiques ne sont pas là pour se convaincre les uns les autres, ils ne s’écoutent pas et
donc il n’y a pas de dialogue possible. Ce qu’il faut je crois, c’est instaurer, des dialogues de citoyenneté.
Les hommes politiques professionnels sont à mon avis définitivement installés dans la langue de bois, qui
est désespérante parce que c’est le contraire de la parole…
MV : Pourquoi ils n’en sortent as de ça d’ailleurs a priori ?
BP : parce qu’ils ne souhaitent pas s’engager, parce qu’ils ne souhaitent pas hypothéquer leur avenir, parce
qu’ils sont prisonniers des échéances électorales et que ils sont dans une discipline partisane également et
donc leur parole est enfermée, alors que nous citoyens on a encore la possibilité de se parler et de s’écouter
pour se comprendre et pour instaurer un dialogue. // Fin du document
A COUPER [22’26… Ca ressemblerait à quoi une conversation entre citoyens…]

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