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Savitri en français

Traduction de Savitri, le chef-d'oeuvre poétique de Sri Aurobindo, afin de faciliter l'accès au


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LIVRE II, Chant 9 – Le Paradis des dieux de la Vie


auroreflets 
Inde, Poésie, Savitri, Spiritualité, Sri Aurobindo 
19 mai 201829 mai
2018 6 Minutes
 

Livre II – Le Livre du Voyageur des mondes

Chant 9 – Le Paradis des dieux de la Vie

Un grand Jour de félicité rayonnait autour de lui.

Éclat d’un certain Infini en extase,

Il contenait dans la splendeur de son rire doré

Des régions où le cœur, libéré, jouissait du bonheur,

Enivré du vin de Dieu,                                                                                                              5

Immergé dans la lumière, perpétuellement divin.

Favori et intime des Dieux,

Obéissant à l’ordre divin prescrivant la joie,

Il était le souverain de son propre délice

Et le maitre des royaumes de sa force.                                                                              10

Sûr de la béatitude pour laquelle furent créées toutes les formes,

Indifférent à la peur, au chagrin et aux chocs du Destin

Et non effrayé par le souffle du Temps qui fuit


Ni assailli par la circonstance adverse,

Il respirait dans le doux bienêtre d’une sécurité confiante,                                           15

Exempt de notre fragilité corporelle invitant la mort,

Éloigné de notre zone dangereuse de Volonté défaillante.

Il n’avait pas besoin de réfréner ses battements passionnés;

Exalté par l’étreinte des sens ardents et satisfaits

Et par la ruée merveilleuse prompte, la flamme et le cri                                                20

De la course rougeaude magnifique des impulsions de vie,

Il vivait dans le rythme splendide du rire de Dieu

Et reposait sur le sein de l’amour universel.

Non menacé, sans entraves, l’Esprit de la Joie

Faisait paitre son luisant cheptel au soleil et ses troupeaux de lune                            25

Le long du lyrisme intrépide de cours d’eau sereins

Dans la fragrance d’un asphodèle autre que terrestre.

Un silence de félicité enveloppait les cieux,

Un éclat insouciant souriait sur les hauteurs;

Un murmure de ravissement inarticulé                                                                             30

Tremblait dans les vents et touchait le sol enchanté;

Incessant dans les bras de l’extase,

Répétant sa douce note involontaire,

Un sanglot de délice coulait au long des heures.

Avançant sous une arche de gloire et de paix,                                                                   35

Voyageur sur le plateau et sur le faite qui médite,

Comme celui qui voit dans le miroir du Magicien-du-Monde

Filer une imagerie fantastique de paysages d’âme,

Il traversa les scènes d’une joie immortelle

Et contempla des abysses de beauté et de félicité.                                                           40

Il y avait autour de lui une lumière de soleils conscients

Et l’allégresse méditative de grandes choses symboliques;


À sa rencontre se massaient des plaines de calme brillant,

Des montagnes et des vallées violettes des Bienheureux,

De profonds vallons de joie et des cascades qui chantonnent                                        45

Et des bois de solitude pourpre frémissante;

Au-dessous de lui s’étendaient, comme des pensées aux lueurs de bijoux,

Les cités des rois Gandharva, plongées dans le ravissement du rêve.

À travers les lieux secrets vibrants de l’Espace,

Une musique tamisée et heureuse s’insinuait doucement,                                              50

Il entendit tout près du cœur, extrait par des mains invisibles,

Passer l’appel de la harpe des ménestrels célestes,

Et des voix d’une mélodie surnaturelle

Chantaient la gloire de l’amour éternel

Dans l’air au rayon de lune blanc bleuté du Paradis.                                                       55

Sommet et cœur de tout ce monde merveilleux,

Se dressaient à distance les hautes collines sans nom de l’Élysée,

Embrasées tels des couchers de soleil dans une transe du soir.

Comme vers quelque profondeur nouvelle inexplorée,

Leur base plongeait dans une immobilité joyeuse;                                                           60

Leurs pentes s’enfonçaient parmi un empressement de rires et de voix,

Traversées par une foule de ruisseaux chantants,

Adorant le ciel bleu par leur hymne rempli de bonheur,

En bas jusqu’en des forêts au secret ombragé :

Dressés en un vaste mystère sans voix,                                                                               65

Leurs pics s’élevaient vers une grandeur par-delà la vie.

Les Édens rayonnants des dieux du vital

Le reçurent dans leurs harmonies immortelles.

Là était parfait tout ce qui fleurit dans le Temps;

La Beauté y était le moule originel de la création,                                                            70

La Paix était l’émotion d’une pureté voluptueuse.


Là, l’Amour réalisait ses rêves d’or et de rose

Et la Force, ses rêveries couronnées et grandioses;

Le Désir montait, flamme vive omnipotente,

Et le Plaisir avait la stature des dieux;                                                                                75

Le Rêve se promenait le long des routes des étoiles;

Des choses ordinaires plaisantes devenaient des miracles :

Surpris par l’envoutement soudain de l’esprit,

Frappé par l’alchimie d’une passion divine,

Le moi de la souffrance se transformait malgré lui en joie puissante,                         80

Guérissant l’antithèse entre le ciel et l’enfer.

Là, toutes les hautes visions de la vie sont incarnées,

Ses espoirs errants menés à terme, ses rayons dorés

Saisis par le mangeur de miel à la langue qui se darde,

Ses conjectures passionnées changées en vérités extasiées,                                          85

Ses excitations puissantes apaisées dans un calme éternel,

Et libérés ses immenses désirs.

Dans ce paradis où le cœur et les sens étaient parfaits,

Aucune note inférieure ne pouvait briser le charme sans fin

De sa douceur ardente et immaculée;                                                                                 90

Ses pas y sont assurés de leur point de chute intuitif.

Après l’angoisse de la longue lutte de l’âme,

Enfin étaient trouvés le calme et le repos céleste

Et, enveloppés dans un flot magique d’heures sans tristesse,

Les membres blessés de sa nature guerrière furent guéris,                                           95

Enlacés par les bras d’Énergies

Qui n’admettaient aucun manque et ne craignaient pas leur propre délice.

Dans des scènes interdites à nos pâles sensations,

Au milieu de parfums miraculeux et de teintes merveilleuses,

Il rencontra les formes qui divinisent la vision,                                                              100


La musique qui peut immortaliser le mental

Et rendre le cœur aussi vaste que l’infini,

Il l’écouta et capta les inaudibles

Cadences qui éveillent l’oreille occulte :

Hors du silence ineffable, elle les entend venir,                                                             105

Tremblantes par la beauté d’une parole sans mots

Et par des pensées trop grandes et profondes pour trouver une voix,

Des pensées dont le désir refait à neuf l’univers.

Une gamme de sensations qui grimpait avec des pieds fougueux

À des hauteurs d’un bonheur inimaginable                                                                     110

Refondit l’aura de son être dans un embrasement de joie,

Son corps reluisait telle une coquille aux reflets de ciel;

Ses portes sur le monde étaient traversées par des océans de lumière.

Sa nature terrestre, dotée de compétence céleste,

Abritait un pouvoir qui n’avait plus besoin                                                                     115

De franchir la barrière douanière fermée du mental et de la chair

Pour faire entrer en contrebande la divinité dans le genre humain.

Elle ne reculait plus devant l’exigence suprême

D’une inlassable capacité de béatitude,

D’une puissance qui pouvait explorer son propre infini                                              120

Et la beauté, la passion et la réponse des profondeurs,

Et ne craignait plus de se pâmer dans une identité heureuse

Où l’esprit et la chair se joignent dans une extase intérieure

Annulant la querelle entre le moi et la forme.

De la vision et du son, elle recueillait un pouvoir spirituel,                                         125

Faisait des sens un chemin pour rejoindre l’intangible :

Elle tressaillait sous les influences célestes

Qui produisent la substance de l’âme plus profonde de la vie.

La nature terrestre était née à nouveau, camarade du ciel.


Digne compagnon des Rois éternels,                                                                                 130

Devenu l’égal des divinités des Soleils vivants,

Il se mêla aux passetemps radieux des Êtres sans naissance,

Entendit les murmures du Joueur inaperçu,

Écouta sa voix qui s’empare du cœur

Et l’attire sur le sein du désir de Dieu,                                                                              135

Sentit son miel de félicité

Couler dans ses veines comme les rivières du Paradis,

Fit du corps une coupe pour le nectar de l’Absolu.

Par moments soudains de flamme révélatrice,

Dans des réponses passionnées les dévoilant à demi,                                                   140

Il atteignit le pourtour d’extases inconnues;

Un toucher suprême surprit son cœur empressé,

Il se remémora l’étreinte du Merveilleux,

Et des suggestions de blanches béatitudes descendirent.

L’Éternité s’approcha sous le déguisement de l’Amour                                                 145

Et posa sa main sur le corps du Temps.

Un don modique vient des Immensités,

Mais la vie y gagne une joie sans bornes;

Là se reflète tout l’indicible Par-delà.

Une goutte géante de la Béatitude inconnaissable                                                          150

Submergea ses membres et devint autour de son âme

Un océan embrasé de félicité;

Il sombra noyé dans de douces et brulantes vastitudes:

Le terrible délice qui peut déchirer la chair mortelle,

Le ravissement qu’éprouvent les dieux, il le supporta.                                                  155

Le plaisir immortel le purifia dans ses vagues

Et changea sa force en un pouvoir impérissable.

L’Immortalité captura le Temps et engendra la Vie.


 

Fin du Chant neuvième

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