Vous êtes sur la page 1sur 11

Chapitre III : Extraction liquide-liquide

III Extraction liquide-liquide

III.1 Généralités

L'extraction liquide-liquide (liquid-liquid extraction) est une opération de séparation


au cours de laquelle une solution liquide homogène (appelée charge), composée d'un soluté et
d'un diluant, est mise en contact intime avec un deuxième liquide partiellement miscible
(appelé solvant) afin de permettre le transfert du ou des solutés contenus dans la charge vers
le solvant. Les deux phases liquides obtenues seront ensuite séparées par différence de
densité. La phase riche en soluté (c'est-à-dire le solvant enrichi en soluté) est appelée extrait
(extract), le reste de la charge qui peut encore contenir une faible quantité de soluté est
appelée raffinat (raffinate). Dans le cas où le diluant et le solvant sont partiellement miscibles,
un peu de solvant sera également dissout dans la phase raffinat et la phase extrait contiendra
un peu de diluant. Le soluté est séparé de la phase extrait avec une pureté acceptable, et le
solvant dissout dans la phase raffinat est récupéré. Le processus d’extraction liquide-liquide
comporte généralement quatre étapes principales :

a- La mise en contact intime de la charge et du solvant en dispersant une phase dans


l'autre dans un équipement approprié.
b- La séparation des phases extrait et raffinat par différence de densité.
c- L’élimination et la récupération du soluté dissout dans la phase extrait sous une forme
relativement pure (par distillation, évaporation, cristallisation,…etc.); ce qui permet en
même temps la récupération du solvant contenu dans la phase extrait.
d- L’élimination et la récupération du solvant contenu dans la phase raffinat
généralement par distillation ou par stripping.

Les étapes d’extraction peuvent être réalisées en discontinu (batch) ou en continu.


C’est évidemment l’extraction en continu qui est pratiquée dans l’industrie du raffinage et de
la pétrochimie (Figure III.1).

Les étapes a et b sont généralement combinées dans un seul et même appareil, ce type
d’extracteur est appelé contacteur différentiel ou contacteur à étages non individualisés
(Figure III.2). Les étapes a et b peuvent être réalisées séparément dans un ou plusieurs
mélangeur-décanteur(s) dont les caractéristiques principales sont le mélange des deux phases
liquides par agitation, suivi d'une décantation par gravité, ce type d’extracteur est appelé

-1-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

contacteur à étages individualisés (Figure III.3). Dans la pratique industrielle, les contacteurs
à disques rotatifs et les colonnes à garnissages sont les plus utilisés pour l’extraction liquide-
liquide.

Figure III.1 : Schéma d’une unité industrielle d’extraction liquide-liquide où A est le diluant
(carrier), B est le solvant (solvent) et C est le soluté (solute)

La séparation d'un mélange liquide par distillation est techniquement plus simple que
l'extraction par solvant. Très souvent, une unité industrielle d’extraction comprend en plus de
l’extracteur deux colonnes de distillation (Figure III.1). Environ 5 % seulement du coût
d’exploitation de l'unité est consommé par l'extracteur et le reste (95 %) est utilisé pour le
fonctionnement des équipements de récupération du solvant et de purification des produits.
On fait généralement appel à l’extraction lorsque la distillation seule ne peut offrir une
solution économiquement satisfaisante, notamment dans les cas d’azéotropie ou de trop
faibles différences entre les volatilités des constituants du mélange. D’autre par, du fait de la
relation étroite qui existe entre solubilité et nature chimique, l’extraction par solvant est
particulièrement bien adaptée à la séparation de constituants par familles chimiques. Dans le
domaine du pétrole, elle est appliquée pour la désaromatisation des gazoles et des huiles
lubrifiantes, le désasphaltage des coupes lourdes et l’extraction des aromatiques BTX
(benzène, toluène, xylènes). Les grandes industries telles que la métallurgie, le nucléaire et la
chimie organique y ont largement recours.

-2-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

Figure III.2 : Contacteurs différentiels ou contacteurs à étages non individualisés

-3-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

Figure III.2 : Contacteurs différentiels ou contacteurs à étages non individualisés (suite)

-4-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

Figure III.3 : Contacteurs à étages individualisés

-5-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

III.2 Critères de sélection du solvant


Le choix d’un bon solvant est la clé d'une opération d’extraction réussie. La majorité
des solvants employés dans l’industrie sont des solvants organiques. Les caractéristiques
principales à prendre en considération pour la sélection du solvant sont indiqués ci-dessous :

1- La capacité ou le pouvoir solvant traduit l’aptitude du solvant à solubiliser le soluté en


présence du diluant. Il est préférable d’utiliser un solvant ayant une capacité élevée car le taux
de solvant à mettre en œuvre pour une séparation donnée diminue avec l’augmentation de la
capacité du solvant.

2- La sélectivité traduit l’aptitude du solvant à solubiliser le soluté préférentiellement au


diluant. Le choix d’un solvant sélectif facilite la séparation et diminue les coûts d’exploitation
nécessaires pour la récupération du solvant.

3- La masse volumique du solvant détermine d’une façon prépondérante la masse volumique


de la phase extrait qui doit être très différente de celle de la phase raffinat afin de faciliter leur
séparation.

4- La viscosité est un paramètre important qui a une influence sur l’énergie de pompage et de
dispersion, et sur les vitesses des phénomènes de transfert de matière, de transfert de chaleur
et de décantation. Il est toujours préférable de choisir un solvant de faible viscosité, ou de se
placer à une température sous laquelle sa viscosité est faible.

5- La tension superficielle du solvant détermine la tension interfaciale entre les phases extrait
et raffinat. Une faible tension interfaciale favorise la dispersion d’une phase dans l’autre, donc
la création d’une aire interfaciale importante, favorable au transfert de matière. Elle est par
contre défavorable à une coalescence rapide des gouttes dispersées, conduisant ainsi à une
séparation lente entre les phases extrait et raffinat. Il est donc souhaitable de trouver un
équilibre entre ces deux effets opposés lors de la sélection du solvant.

6- La volatilité du solvant doit être suffisamment différente de celles des constituants de la


charge afin de faciliter sa régénération éventuelle par distillation. Une différence de volatilité
élevée va permettre de minimiser la taille de la colonne de distillation et de réduire la
consommation énergétique.

Des propriétés complémentaires diverses telles que la stabilité thermique, l’inertie


chimique (sauf pour l’extraction réactive), la biodégradabilité, la disponibilité et le coût sont
également à prendre en considération. De plus, il est préférable que le solvant soit non-
corrosif, non-inflammable et non-toxique.
-6-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

III.3 Modes d’extraction

III.3.1 Extraction en un étage

L’extraction en un étage (Figure III.4) consiste à réaliser un mélange hétérogène


intime entre le solvant et la charge et à soutirer séparément chacune des deux phases formées
(extrait et raffinat). L’extraction peut être réalisée en discontinu, dans ce cas un seul appareil
peut suffire pour assurer l’opération de mélange puis celle de séparation, par exemple en
activant puis en arrêtant le dispositif d’agitation. Elle peut être réalisée en continu, dans ce cas
il est nécessaire de mettre en œuvre un mélangeur-décanteur (Figure III.3 a). Un étage
d’extraction est dit idéal ou théorique lorsqu’il permet d’atteindre une distribution équilibrée
du soluté entre les phases extrait et raffinat.
Solvant (S)

Charge (C) 1 Phase raffinat (φR)

Phase extrait (φE)


Figure III.4 : Schéma de principe de l’extraction en un étage

L’extraction en un étage a une efficacité de séparation limitée. Elle n’est pratiquée que
dans des cas très favorables tel que le lavage d’hydrocarbures pollués par des traces de solvant
très soluble dans l’eau. Dans les autres cas, il est nécessaire de multiplier les étages de
contact, en les agençant soit à courants croisés soit à contre-courant.

III.3.2 Extraction à courants croisés

L’extraction à courants croisés consiste en une suite d’extractions en un étage telle que
le raffinat du premier étage est repris par du solvant frais dans le deuxième étage, et ainsi de
suite jusqu’à l’obtention d’un raffinat ayant la pureté désirée. La Figure III.5 schématise le
principe de ce mode d’extraction.

Le taux de solvant à utiliser pour chaque étage peut être choisi librement, pourvu qu’il
réponde aux critères définis pour l’extraction en un étage. En pratique industrielle, il doit être
optimisé, de manière à minimiser la quantité totale de solvant mis en œuvre avec un nombre
d’étages donné.
-7-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

Solvant (S) S = S1 + S2 + S3 + S4 + S5

S1 S2 S3 S4 S5

φR1 φR2 φR3 φR4 φR5


1 2 3 4 5
Charge
(C)

φE1 φE2 φE3 φE4 φE5


φE
φE = φE1 + φE2 + φE3 + φE4 + φE5

Figure III.5 : Schéma de principe de l’extraction à courants croisés (cinq étages)

III.3.3 Extraction à contre-courant

L’extraction à contre-courant est le mode d’extraction qui consiste à introduire la


charge et le solvant aux deux extrémités d’un extracteur, de manière que les phases raffinat et
extrait circulent en sens opposé en échangeant progressivement de la matière. Cet échange est
continu dans le cas des colonnes à pulvérisation, à garnissages ou à agitation rotative. Il est
discontinu dans le cas des colonnes à plateaux perforés ou dans une batterie de mélangeur-
décanteur(s) (Figure III.3 d). Dans les deux cas l’extracteur fonctionnant à contre-courant peut
être représenté par un extracteur idéal compartimenté en étages théoriques, le schéma de
principe de cet extracteur est donné sur la Figue III.6.

φR1 φR2 φR3 φR4


C φR5
φE1 1 2 3 4 5 S
φE2 φE3 φE4 φE5
Figure III.6 : Schéma de principe de l’extraction à contre-courant (cinq étages)

Remarquons que dans l’extraction à courants croisés, chaque étage reçoit du solvant
frais et produit un extrait qui est évacué, tandis que dans le contre-courant, seul le dernier
étage reçoit du solvant frais et produit un extrait qui alimente l’étage d’avant et ainsi de suite,
de telle sorte qu’un seul extrait final est produit. Cette différence a néanmoins pour
conséquence pratique que le contre-courant ne peut être réalisé qu’en continu.

L’établissement d’un reflux dans un extracteur fonctionnant à contre-courant est une


technique qui peut permettre de diminuer la teneur en diluant de la phase extrait et par
conséquent d’augmenter la pureté finale du soluté. Dans ce cas la charge est admise dans la

-8-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

zone médiane de la colonne. Le reflux peut être provoqué par une diminution locale de la
miscibilité solvant/soluté-diluant, au voisinage de l’extrémité de sortie de la phase extrait, soit
par variation de la température soit par l’addition d’un antisolvant (reflux interne ou induit).
Le reflux peut également être obtenu par la réintroduction dans la colonne d’une partie du
soluté de l’extrait partiellement ou totalement séparé du solvant, dans ce cas le reflux est
introduit sur l’étage de sortie de la phase extrait (reflux externe).

Remarque

Un antisolvant peut être défini comme un corps miscible avec le solvant mais qui,
incorporé à ce dernier, diminue la solubilité du diluant et du soluté.

III.4 Bilan matière (cas d’un seul soluté, solvant et diluant immiscibles)

On considère l’extraction liquide-liquide d’un seul soluté telle que le solvant et le


diluant sont immiscibles. Les équations examinées dans les sections I.4.2, I.4.3 et I.4.4 du
Chapitre I ainsi que la méthode graphique de détermination du nombre d’étages théoriques
(I.4.5) restent applicables pour une opération d’extraction réalisée en continu dans un
extracteur fonctionnant à contre-courant. Les équations examinées dans les sections I.4.2 et
I.4.3 sont valables pour une opération d’extraction en un étage (continue ou discontinue), elles
restent bien évidement applicables pour chaque étage d’une opération d’extraction à courants
croisés. Dans ce cas :

• 𝐺𝐺 : est le débit massique du diluant en kg/h (supposé contant).


• 𝐿𝐿 : est le débit massique du solvant frais sans soluté en kg/h (supposé constant).
• 𝑦𝑦�𝑖𝑖 et 𝑦𝑦�𝑓𝑓 sont respectivement les concentrations massiques relatives du soluté dans la
charge et dans la phase raffinat.
• 𝑥𝑥̅𝑖𝑖 et 𝑥𝑥̅𝑓𝑓 sont respectivement les concentrations massiques relatives du soluté dans le
solvant et dans la phase extrait.

Ces équations peuvent être utilisées en quantités massiques ou molaires. Dans le cas
d’un étage idéal, qui permet d’atteindre l’état d’équilibre entre les phases extrait et raffinat,
les concentrations relatives 𝑦𝑦�𝑓𝑓 et 𝑥𝑥̅𝑓𝑓 seront reliées par l’équation ou la courbe d’équilibre.

L’extraction en un seul étage s’effectue en co-courant (Figure III.3 a), dans ce cas
l’équation de la droite opératoire prend la forme suivante :
𝐿𝐿̀ 𝐿𝐿̀
𝑦𝑦̀� = − 𝑥𝑥̀̅ + 𝑦𝑦̀�𝑓𝑓 + 𝑥𝑥̀𝑓𝑓̅ (𝐼𝐼𝐼𝐼𝐼𝐼. 1)
𝐺𝐺̀ 𝐺𝐺̀
-9-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

𝐿𝐿̀
La pente de la droite opératoire est égale à (− 𝐺𝐺̀ ), elle passe par deux points A (𝑥𝑥̀̅𝑖𝑖 , 𝑦𝑦̀�𝑖𝑖 )

et B (𝑥𝑥̀𝑓𝑓̅ , 𝑦𝑦̀�𝑓𝑓 ). Elle est représentée sur la Figure III.7 pour un étage idéal d’extraction.

Figure III.7 : Représentation graphique de la droite opératoire pour un étage idéal


d’extraction

Exercices
Exercice 1

La distribution à l’équilibre d’un soluté entre le diluant et le solvant est donnée par
l’équation suivante :
y� = 0,27 x� (III.2)

Sachant que le solvant utilisé ne contient pas de soluté et que le diluant et le solvant
sont immiscibles, calculer la quantité massique de solvant frais nécessaire à l’extraction de
95% de soluté contenu dans 1000 kg de solution composée de 15 % massique de soluté et de
85 % massique de diluant, selon les schémas de séparation suivants :

1. Extraction en un étage idéal.


2. Extraction à courants croisés en trois étages idéals, la quantité de solvant utilisée dans
chaque étage étant la même (une résolution graphique dans ce cas serait plus pratique).
3. Que peut-on conclure ?

-10-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)
Chapitre III : Extraction liquide-liquide

Exercice 2

On considère l’extraction liquide-liquide d’un soluté C mélangé à un diluant A à l’aide


d’un solvant B telle que A et B sont immiscibles. L’extraction à courants croisés est réalisée
dans une batterie d’extracteurs composée de N étages idéals (Figure III.8). Le solvant utilisé
est frais et ne contient pas de soluté. La quantité de solvant L (kg/h) utilisée dans chaque étage
est la même. Le débit du diluant G (kg/h) reste constant. La concentration massique relative
du soluté dans la charge est 𝑦𝑦�0 , sa concentration massique relative dans la phase raffinat du
Nième étage est 𝑦𝑦�𝑁𝑁 . L’équation d’équilibre du système A-B-C est linéaire (y� = α x� ). Démontrer
la relation suivante :
log(𝑦𝑦�0 ⁄𝑦𝑦�𝑁𝑁 )
𝑁𝑁 = (𝐼𝐼𝐼𝐼𝐼𝐼. 3)
log(𝐾𝐾 + 1)
Où K est une constante.

Figure III.8 : Extraction à courants croisés (N étages idéals)

-11-
Dr Kahina BEDDA (FHC, Univ-Boumerdès)

Vous aimerez peut-être aussi