Vous êtes sur la page 1sur 9

SIX SIGMA – COMPARAISON AVEC D’AUTRES

APPROCHES : SHAININ
Laetitia AVRILLON - LLP/CESALP - ESIA - Université de Savoie - BP 806 - 74016 ANNECY France
Maurice PILLET- LLP/CESALP - ESIA - Université de Savoie - BP 806 - 74016 ANNECY France

SHAININ et SIX SIGMA sont deux méthodes américaines d’amélioration de la compétitivité, axées sur le
client et dont l’objectif est la maîtrise de la variabilité des produits. Elles proposent toutes deux une
méthodologie d’approche des problèmes qualité dont l’objectif est de converger plus rapidement vers la source
du problème et de fournir un guide d’utilisation des méthodes d’expérimentation et d’analyse de données.

1 Les principes essentiels de l’approche SHAININ


1.1 Introduction
Dorian Shainin (1914-2000) a été le créateur des techniques d’ingénierie statistique qui forment la base de la
stratégie SHAININ. Il a reconnu très tôt dans sa carrière la valeur des données empiriques dans la résolution de
problèmes. Tous les outils qu’il propose sont donc basés sur des faits et non des intuitions.
Il a observé que, pour n’importe quel problème, les sources totales de variation étaient presque infinies mais
qu’une seule cause était à l’origine de la quasi-totalité des effets indésirables. Il a nommé cette cause le Red X et
a trouvé que la façon la plus rapide pour le « démasquer » était un processus d’élimination.
Dans la philosophie SHAININ, l’amélioration continue est une fausse idée. L’amélioration réelle évolue par
palier, projet par projet [SHAININ R.D. 1995]. Partant de cette proposition, la stratégie SHAININ propose
donc pour améliorer efficacement la compétitivité des entreprises :
- de choisir judicieusement les projets sur lesquels travailler
- d’utiliser un système de résolution de problèmes basé sur l’ingénierie statistique

1.2 Les principes fondamentaux de l’ingénierie statistique


L’ingénierie statistique utilise des données empiriques de la production actuelle ou des prototypes pour déceler
les caractéristiques critiques du design du produit ou du process de fabrication qui affectent la satisfaction du
client. Les stratégies et techniques de l’ingénierie statistique peuvent être appliquées au design de produit, à
l’amélioration du produit et à la maîtrise de la qualité. [SHAININ R.D. 1995]

Trois principes composent l’ingénierie statistique [SHAININ R.D. 1995]:


- La qualité est l’enthousiasme du client
La satisfaction du client est le niveau minimum à atteindre pour être compétitif. Pour être « classe
mondiale », il faut viser l’enthousiasme du client. La clef pour atteindre cet enthousiasme est de réduire la
variation à un niveau qui n’est plus important pour le client, de se focaliser sur les caractéristiques qui jouent
sur la satisfaction du client. [SHAININ P.D. and al 1997]
- Il y a toujours un Red X
Quel que soit le problème, il y a toujours une cause qui est à l’origine de la quasi-totalité des effets
indésirables. Cette cause peut être une variable X (paramètre) ou une interaction entre plusieurs variables.
- Il faut faire « parler les pièces »
La résolution de problèmes s’apparente à la démarche d’un détective : il faut générer des indices en faisant
parler les pièces, c’est-à-dire en observant la variation du process, pour se baser sur des faits et non des
intuitions.
Il est primordial que le management acquière lui-même les bases de l’ingénierie statistique, en comprenne les
concepts (ex : le Red X). L’ingénierie statistique doit être intégrée dans la culture de l’entreprise par des
formations. Un minimum d’ingénieurs doivent développer l’ingénierie statistique comme corps de compétences :
ils peuvent alors prétendre au titre de « Journeyman ». Cette certification demande de suivre un premier cycle de
formation incluant six jours de formation théorique et deux résolutions de problèmes réels à l’aide de coaching
par un Master. Un Master est un Journeyman dont le corps de compétences s’est transformé en profession et qui
a développé une habilité à coacher. Masters et Journeymen apportent une attention particulière à la
documentation et aux leçons à retenir de chaque projet pour pouvoir ensuite former et coacher d’autres
personnes à la résolution de problèmes. [SHAININ P.D. and al 1997]

-1-
1.3 Stratégie de résolution de problèmes
Le but de cette stratégie est de trouver les causes racines aussi vite et efficacement que possible. Elle propose
donc de réduire les causes possibles par élimination de larges groupes de causes en une seule fois (séries de
recherches binaires).

Cette stratégie est basée sur trois principes [SHAININ R. 1993]:


- Le principe de PARETO
Il y a toujours un petit nombre de causes responsables en très grande partie du problème et une myriade
d’autres qui ont un effet mineur. La cause majeure de variation est appelée « Red X », la seconde « Pink
X », la troisième « Pale Pink X »… La façon la plus efficiente de réduire la variation est de trouver et de
contrôler le Red X.
- Le principe de combinaison des causes indépendantes
Lorsque des causes indépendantes sont combinées, la variance de la distribution résultante est la somme des
variances des causes indépendantes (principe d’additivité des variances). Ainsi, la seule façon d’obtenir une
amélioration majeure dans la réduction de variation du process est de trouver le Red X et de le contrôler.
- Il n’y a pas de variation aléatoire
Pour toute sortie Y d’un système, il y un nombre de facteurs d’entrée X qui affectent la variation. Avec des
ressources suffisantes, le temps inclus, on pourrait trouver tous ces X. Mais rechercher tous ces paramètres
serait du gaspillage car selon le principe de PARETO la découverte de toute la myriade de petites causes et
le contrôle de celles-ci nous coûteraient plus qu’ils nous rapporteraient.

Le Système SHAININ propose six phases pour partir à la recherche du Red X [SHAININ R. 1993]:
- Définir le problème
- Etablir un système de mesure adapté
- Générer des indices
- Isoler le Red X
- Etablir une cible et des tolérances
- Implémenter la maîtrise statistique des procédés

Pour chaque phase, un enchaînement d’outils est proposé. Ces outils se veulent statistiquement rigoureux,
simples et requièrent de petites tailles d’échantillons.

Définir le problème Arbre de définition du problème

Définir un processus de mesure


IsoplotSM
adapté

Générer des indices Diagramme Multi-vari


Diagramme de concentration de défauts
Établir la liste des variables Comparaison par pairesSM
suspectes Recherche par inversion de composantsSM
Recherche Produit/Process
Réaliser des expériences
définies statistiquement Recherche par inversion de variablesSM
non Plan factoriel complet
X rouge ? Analyse de la variance par la méthode des rangsSM
oui B versus CSM
oui
Interaction ? Optimiser
Méthodologie de Surface de Réponse (RSM)
Détermination de tolérances
réalistes Parallélogramme des tolérances

Action corrective
irréversible ? Certification de process – Certif. des opérateurs
Positrol
Maîtrise Statistique du
Precontrol
processus
Lot plotSM
Validation des résultats Experience plot SM

Schéma du Système SHAININ [BOTHE 2000] [SHAININ R. 1993]

-2-
Définir le problème
La première étape est de définir le problème en terme de caractéristique spécifique importante pour le client. Il
faut donc relier le problème – qui peut être un défaut spécifique à éliminer ou une caractéristique à améliorer – à
une caractéristique spécifique mesurable. [SHAININ R. 1993]
Outil proposé : [SHAININ P.D. and al 1997]
 L’arbre de définition du problème part de la description de l’état du problème par la
management (ex : trop de rebut, coût trop élevé) pour aboutir à l’identification et à la mesure de
la caractéristique spécifique en question : le Green Y (ex : diamètre d’une pièce), Y parce que
c’est la réponse d’un système et vert parce que c’est la couleur des dollars ! ! Cet arbre se
termine par un graphe représentant la distribution actuelle et la distribution désirée du Green Y.

Etablir un système de mesure adapté


Cette étape est essentielle pour la résolution de problème technique car c’est sur la sortie de ce système que vont
se baser toutes les conclusions : a-t-on amélioré ou détérioré le Green Y ?
Quatre indicateurs doivent être vérifiés : la justesse, la précision, le biais et le discriminant.
Le discriminant est la capacité à différencier la mesure d’une pièce d’une autre. C’est le ratio de la variabilité
produit et de l’erreur de mesure (manque de précision). Le discriminant est l’élément critique de la résolution de
problème technique car la variation de l’instrument de mesure ne doit pas masquer la variation des produits !
[SHAININ R. 1993]
Outil proposé : [SHAININ R. 1993]
 IsoplotSM permet de séparer la variation du produit et l’erreur de mesure et ainsi de déterminer
le discriminant.

Générer des indices


Cette étape constitue l’originalité du Système SHAININ, le cœur de cette stratégie de résolution de problèmes.
Contrairement à la plupart des méthodes de résolution de problèmes, la recherche de causes ne commence pas
par un brainstorming : il faut « faire parler les produits » pour générer des indices et non se baser sur des
intuitions. Shainin réfute toute méthode subjective comme le brainstorming ou le diagramme en arêtes de
poisson. [SHAININ P.D. 1993]
Deux éléments critiques composent donc cette phase [SHAININ R. 1993]:
- L’élimination des causes potentielles par collecte de données bien planifiée : utilisation des outils de
génération d’indices : Diagramme Multi-vari, Diagramme de concentration de défauts, Comparaison par
pairesSM, Recherche par inversion de composantsSM et Recherche Produit/Process [BOTHE 2000].
- L’interprétation des indices par les experts : leur compréhension du process permet de pointer plus
rapidement le Red X.
Lorsque l’on a atteint un nombre gérable de causes potentielles, on peut passer à l’étape suivante qui consiste à
isoler le Red X.
Outils proposés : [SHAININ R. 1993]
 Le Diagramme Multi-Vari permet de déterminer, par des prélèvements successifs de pièces dans
le process, quelle est la plus grande famille de variation. On peut alors éliminer toutes les causes
qui ne concordent pas avec cette famille. Les familles peuvent être de trois types : « inter unité »,
« intra unité » et temporelle.
 Le Diagramme de concentrations de défauts permet d’étudier la famille de variation « intra
unité » plus en détail. Ce outil propose d’établir un schéma de localisation des défauts afin
d’apporter des indices.
 La Comparaison par pairesSM permet d’étudier la famille de variation « inter unité » plus en
détail. Des paires de pièces, une bonne et une mauvaise proches dans le process, sont
analysées afin d’identifier les différences constantes entre la bonne et la mauvaise pièce de
chaque paire qui constitueront alors de précieux indices.
 La Recherche par inversion de composantsSM permet d’étudier la famille de variation « inter
unité » plus en détail lorsque les produits sont démontables. Le principe est de permuter les
composants entre un produit très bon et un très mauvais jusqu’à ce que leurs Green Y
s’inversent : le ou les composants à l’origine du problème sont alors démasqués.
 La Recherche Produit/Process [BOTHE 2000] est une comparaison par paires sur toutes les
caractéristiques du produit et du process.

-3-
Isoler le Red X
Pour identifier le Red X qui peut être une interaction, un plan d’expérience doit être utilisé.
Trois cas peuvent se présenter [SHAININ R. 1993] :
- Le nombre de causes suspectes est supérieur ou égal à 5 : Shainin propose d’utiliser sa propre version de
plans d’expériences : Recherche par inversion de variablesSM .
- Le nombre de causes suspectes est compris entre 2 et 4 : un plan complet peut être conduit.
- Une seule cause suspecte découle de la phase précédente : l’outil B versus CSM (Better versus Current) peut
être directement utilisé.
Outils proposés : [SHAININ R. 1993]
 La Recherche par inversion de variablesSM est analogue à Recherche par inversion de
composantsSM sauf qu’à la place de paires de bons et mauvais composants ce sont deux niveaux
de chaque variable suspecte, un a priori meilleur et l’autre a priori pire, qui vont être permutés.
Recherche par inversion de variablesSM est l’outil SHAININ le plus critiqué. En effet, si on
compare cet outil avec les plans fractionnaires, son unique avantage est la première étape où
l’on s’assure que le Red X est effectivement capturé en répliquant en plus les essais. Mais de
nombreuses critiques négatives peuvent être établies [LEDOLTER and al 1997]. Il est préférable
d’utiliser des plans fractionnaires.
 Le Plan complet consiste à réaliser toutes les combinaisons des niveaux des facteurs suspects.
C’est évidemment le plus précis des plans mais aussi le plus coûteux.
 B versus CSM est un test non paramétrique utilisé pour confirmer que le nouveau niveau B donne
de meilleurs résultats que l’ancien niveau C.
 Rank Order ANOVASM est une analyse de la variance non paramétrique proposée par Shainin
pour déterminer lesquels des effets ou interactions sont significatifs [SHAININ D. and al 1990].

Etablir une cible et des tolérances


Pour Shainin, les tolérances doivent être établies avec preuves pour être correctes soit par validation statistique,
soit par des tests empiriques. Tout effort dépensé pour réduire la variation d’un process avec des tolérances
incorrectes est complètement du gaspillage. En fait, selon Shainin, le véritable travail d’un professionnel de la
Qualité est d’assurer que les tolérances sont correctes et que tous les produits ou services sont à l’intérieur de ces
tolérances.
Tous les Red X doivent avoir des tolérances. Par contre, fixer des tolérances sur des variables non influentes
augmentera le coût du travail et rendra ainsi l’entreprise moins compétitive sans améliorer la qualité. [SHAININ
P.D. 1993]
Outils proposés : [SHAININ R. 1993]
 Le Parallélogramme des tolérancesSM permet d’établir la cible et les tolérances pour le Red X
en fonction des spécifications sur le Green Y lorsqu’il n’y a pas d’interaction entre le Red X et
une autre variable.
 Les outils de Méthodologie de Surface de Réponse servent à optimiser la réponse dans le cas où
il y a des interactions importantes à prendre en compte (ex : le Red X est une interaction).

Implémenter la maîtrise statistique des procédés


Il faut ensuite veiller au maintien du Red X sur sa cible.
Si cette maîtrise du Red X ne peut être réalisée par une action irréversible alors un plan de contrôle statistique
des procédés est requis.
Outils proposés :
 La Certification de process [BOTHE 2000] permet de contrôler périodiquement que tous les
paramètres process listés comme importants sont bien maîtrisés.
 La Certification des opérateurs [BOTHE 2000] permet d’attester que tel opérateur est formé
pour tel process et de suivre l’avancement ou le renouvellement de ses formations.
 Le Positrol [BOTHE 2000] – contraction de POSItive conTROL – est un plan de surveillance
basé sur le QQOQCP (Qui Quoi Où Quand Comment Pourquoi).
 La carte Precontrol [SHAININ R. 1993] est une carte MSP (Maîtrise Statistique des Procédés)
très simple d’utilisation : trois zones de couleur – verte, jaune et rouge – sont dessinées par
rapport aux tolérances et des règles simples indiquent à l’opérateur quand et combien de pièces
il doit prélever et s’il doit régler ou non. Mais cette carte ne doit être utilisée seulement si la
capabilité court terme est excellente.

-4-
1.4 Implémentation et déploiement
Le management doit sélectionner judicieusement les projets à traiter. Chaque entreprise a ses propres priorités
mais il peut être proposé l’ordre suivant : les rebuts chez les clients, les rebuts dans l’entreprise, l’élimination
d’opérations de production (réduction des coûts) et l’amélioration de la performance du produit. [SHAININ P.D.
1993]

Le management doit sélectionner les cinq problèmes les plus importants (PARETO) pour chaque unité et
assigner des ingénieurs à travailler exclusivement sur ces problèmes, et non pas diviser le nombre de problèmes
par le nombre d’ingénieurs disponibles pour les répartir. Cette liste des cinq problèmes doit être publiée par la
direction et circuler à travers toute l’entreprise pour que tous comprennent ces priorités. Seule la direction de
l’unité peut correctement sélectionner ce « Top 5 » et elle seule doit avoir le pouvoir de modifier cette liste ou
l’assignation des équipes. [SHAININ P.D. and al 1997]

Pour chaque projet, il faut ensuite constituer une équipe. L’équipe idéale selon Shainin est constituée de trois
personnes seulement représentant les départements Ingénierie produit, Production et Qualité [SHAININ P.D.
1993]. Chaque projet doit aussi avoir un Sponsor : c’est une personne élevée hiérarchiquement dont le rôle est de
fournir à l’équipe les ressources nécessaires et de la protéger des attaques éventuelles de l’extérieur [SHAININ
P.D. and al 1997]. En effet, la résolution de problèmes requièrent de nombreuses ressources : personnes,
produits, équipements de mesure, temps de la ligne de fabrication… Une charte de l’équipe doit donc être établie
pour définir l’objectif de l’équipe et préciser les ressources qui lui sont allouées. Cette charte doit être signée par
la direction. [SHAININ P.D. 1993]
A la fin de chaque projet, coûts et gains doivent être calculés et toute connaissance importante développée par
l’équipe doit être capitalisée. Shainin propose de rentrer toutes ces informations dans une base de données afin
qu’elles soient accessibles par tous sur réseau. [SHAININ P.D. 1993]

2 COMPARAISON AVEC SIX SIGMA

2.1 Introduction
SIX SIGMA est une méthode d’amélioration de la qualité et de la profitabilité reposant sur la maîtrise statistique
des procédés. C’est aussi un mode de management qui repose sur une organisation très encadrée dédiée à la
conduite de projet. SIX SIGMA est souvent utilisé pour concilier plusieurs objectifs : doter l’organisation
d’actions mesurables et efficaces, réduire les pertes et coûts de la qualité et améliorer l’image de marque du
groupe. [BERGER 2002]

SIX SIGMA est une approche par processus contrairement à SHAININ, fondée sur le fait que les clients
évoluent à travers l’entreprise via une série de processus, et non en suivant ses fonctions ou services. Tout
processus doit donc mesurer son efficacité et son efficience. [ECKES 2001]

Les principes de SIX SIGMA s’appliquent à tout type d’entreprise quelles que soient sa taille et son activité.
Cette méthode ne concerne pas seulement les processus industriels, elle s’utilise pour tous les processus de
l’entreprise : design de produit, ingénierie de produit, processus commercial… [HARRY and al 2000].

S’il ne fallait retenir qu’un mot de SIX SIGMA ce serait la mesure. Sans mesure de ses processus, l’entreprise ne
peut ni situer où elle est ni où elle va. [HARRY and al 2000].

2.2 Comparaison des principes fondamentaux


Les principes fondamentaux de SIX SIGMA sont [HAHN and al 2000] :
- Une approche Top-down
- Une approche très disciplinée
- Une approche orientée données
- La formation de toute l’organisation
- Des rôles bien définis

-5-
Une approche Top-down
Les « Champions » de SIX SIGMA sont choisis parmi les hauts responsables hiérarchiques. Ils sont responsables
de la réussite de l’implémentation de SIX SIGMA dans leurs propres zones d’influence. [HAHN and al 2000]

SHAININ est aussi une approche Top-down. La direction de chaque unité a pour rôle de sélectionner les
problèmes les plus importants et d’assigner à chacun de ces problèmes une équipe [SHAININ P.D. and al 1997].
Le « Sponsor » de SHANIN s’apparente au « Champion » de SIX SIGMA dans le sens où il sélectionne les
projets et est en charge des ressources attribuées à ceux-ci.

Une approche très disciplinée


La méthode proposée par SIX SIGMA se découpe en cinq étapes : Définir, Mesurer, Analyser, Améliorer et
Contrôler (DMAIC en anglais) [HAHN and al 2000] :
- Définir : Définir le problème à résoudre, préciser l’impact sur le client et les bénéfices potentiels.
- Mesurer : Identifier les CTQ (Critical To Quality). Vérifier la capabilité du moyen de mesure. Evaluer le
taux de défauts actuel et fixer celui à atteindre.
- Analyser : Comprendre les causes premières de l’apparition du défaut, identifier les variables clés du
process qui causent le défaut.
- Améliorer : Quantifier l’influence des variables clés du process sur les CTQ. Identifier la cible et les limites
acceptables pour ces variables, modifier le process en conséquence.
- Contrôler : Assurer que les variables clés du process restent à l’intérieur de leurs limites pour maintenir les
gains sur le long terme.

L’approche SHAININ propose un autre découpage en six phases [SHAININ R. 93] mais dans lequel on peut
retrouver le DMAIC de SIX SIGMA avec une particularité supplémentaire qui constitue le cœur et l’originalité
de SHAININ : la génération d’indices :
- Définir le problème  Définir
- Etablir un système de mesure adapté  Mesurer
- Générer des indices
- Isoler le Red X  Analyser
- Etablir une cible et des tolérances  Améliorer
- Implémenter la maîtrise statistique des procédés  Contrôler

Une approche orientée données


Par des slogans comme « In God we trust – all else bring data » ou « We don’t know what we don’t know », SIX
SIGMA montre qu’il faut se baser sur des faits et non des intuitions pour valider les paramètres en jeu dans le
problème traité. Ainsi l’implémentation de cette méthode se fait par des outils statistiques. Pour chaque étape,
une panoplie d’outils statistiques classiques (ex : t-test) sont proposés mais ne sont pas prescrits : il faut choisir
ceux qui sont les plus appropriés au problème en question [SANDERS and al 2000].

L’approche SHAININ rejoint exactement ce principe et va même plus loin en rejetant tout outil faisant intervenir
le jugement des personnes comme les diagrammes en arêtes de poisson. SHAININ propose ses propres outils (ou
assimilés comme !) qui présentent l’avantage d’être statistiquement rigoureux, simples et requièrent de petites
tailles d’échantillons [SHAININ R. 93].
Le principe phare de SHAININ est de « faire parler les pièces » pour générer des indices. Cette approche parle
d’ « ingénierie statistique ». [SHAININ P.D. and al 1997].

La formation de toute l’organisation


SIX SIGMA doit être compris et intégré à tous les niveaux : business, opérationnel et process [HARRY and al
2000].
SHAININ souligne aussi le fait que cette ingénierie statistique doit être intégrée dans la culture de l’entreprise. Il
propose d’étendre cette compétence par la mise en place de cercles de formation et par l’importance de
pratiquer : au moins deux problèmes réels pour être certifié. Il existe deux certifications : Journeyman et Master.
Le coaching par le Master (2ème cercle de formation) est primordiale pour maintenir la culture [SHAININ P.D.
and al 1997]

Des rôles bien définis


Les Sponsors, Journeymen et Masters de SHAININ peuvent être rapprochés des Champions, Master Black
Belts, Blacks Belts et autres Green Belts de SIX SIGMA bien que leurs rôles ne soient pas aussi cadrés.

-6-
2.3 Comparaison de la stratégie de résolution de problèmes
Les outils proposés par SIX SIGMA sont connus de longue date : ce sont les outils classiques de résolution de
problèmes et de statistiques. Le plus de cette méthode est d’avoir « fait des casiers » dans cette boîte à outils : à
chaque étape du DMAIC correspond une liste d’outils utilisables.

Nous avons vu précédemment que, même si le nombre de phases n’est pas le même, on peut retrouver le même
découpage entre SIX SIGMA et SHAININ. Reprenons chacune des phases pour étudier les similitudes et les
différences.

Définir
SIX SIGMA et SHAININ s’accordent sur le fait que la définition du problème doit aboutir à une caractéristique
mesurable et qu’une charte de l’équipe doit être établie.
Mais SIX SIGMA va plus loin en s’appuyant sur une approche processus pour définir le projet : une cartographie
du processus est à établir ainsi que la liste des acteurs, des clients du processus, leurs besoins, leurs exigences …

Mesurer
Cette étape de SIX SIGMA regroupe en fait deux sous-étapes qui correspondent aux phases « établir un système
de mesure adapté » et « générer des indices » de SHAININ.
Pour établir un système de mesure adapté, SIX SIGMA est plus complet. Outre le fait de vérifier la capabilité du
moyen de mesure, un plan de collecte des données est établi contenant le qui, le quoi, le où et le quand du
mesurage du projet. [ECKES 2001]
La deuxième sous-étape de SIX SIGMA est beaucoup plus pauvre. Elle indique seulement que le recueil des
informations se focalise sur les données les plus pertinentes afin d’identifier les variables qui participent au
processus et d’en comprendre le fonctionnement [BERGER 2002] mais ne dit pas comment ! On ne retrouve pas
du tout l’idée de génération d’indices chère à SHAININ et qui évite de se baser seulement sur des intuitions.

Analyser
L’objectif de cette étape est pour SIX SIGMA comme pour SHAININ de déterminer et de valider les causes
premières du problème étudié par l’équipe de projet en s’appuyant sur des preuves statistiques et non des
intuitions.
Le grand point fort de SIX SIGMA est la puissance statistique des outils proposés. Mais, devant cette panoplie
d’outils dont certains sont de plus très complexes, les utilisateurs risquent d’être perdus, de ne pas savoir lequel
choisir.
SHAININ, en revanche, guide l’utilisateur à travers des outils simples dans son « entonnoir à X ». Il le conduit
dans sa démarche de détective et l’oriente vers tel ou tel outil en fonction de ses résultats. C’est la grande force
de la méthodologie SHAININ.
SIX SIGMA propose par ailleurs une analyse du processus lui-même, surtout si l’équipe a pour but
l’amélioration de l’efficience, qui commence par une cartographie des sous-processus [ECKES 2001] qu’on ne
retrouve pas dans SHAININ.

Améliorer
L’optimisation des interactions est aussi importante pour SHAININ que pour SIX SIGMA, les outils utilisés sont
d’ailleurs très similaires.
SHAININ marque incontestablement un point en insistant sur l’importance des tolérances qui doivent être
établies avec preuves pour être correctes. [SHAININ P.D. 1993]
En effet, être « à six sigma » n’a de sens que si les tolérances ont été fixées correctement !
SIX SIGMA s’attache en plus au choix des solutions destinées à éliminer, atténuer ou bloquer les causes
premières validées à la fin du volet Analyser. Le principal outil utilisé pour dégager et choisir des solutions est
un diagramme d’affinités. Puis des critères de choix et de décision sont déterminés. L’équipe de projet conduit
ensuite une analyse des parties prenantes pour déterminer le degré d’acceptation des solutions par ceux qui
seront appelés à les mettre en œuvre, ou par ceux qu’elles affecteront. [ECKES 2001]

Contrôler
Les résultats obtenus sont contrôlés et évalués.
SIX SIGMA propose beaucoup plus de cartes afin de s’adapter au mieux à différents cas de figure : par exemple
les cartes EWMA pour détecter les petites dérives. [PIZDEK 2001].

-7-
2.4 Comparaison de l’implémentation et du déploiement
Tout effort d’amélioration de la qualité doit impliquer l’encadrement. Pour cela, l’effort de qualité selon SIX
SIGMA doit être perçu comme un moyen en vue d’atteindre les objectifs opérationnels de l’entreprise. Les
projets d’amélioration de la qualité à sélectionner sont ceux qui exercent l’effet le plus fort sur les objectifs
opérationnels de l’entreprise. [ECKES 2001]
On peut remarquer que sur ces deux principes, l’implication de la direction et le choix des projets à traiter,
SHAININ et SIX SIGMA se rejoignent parfaitement.

En revanche, SIX SIGMA propose une organisation dédiée - pilier de cette méthode – dont aucun équivalent
aussi cadré existe dans SHAININ. Celle-ci s’articulent suivant des rôles parfaitement définis [HARRY and al
2000] :
- Les Champions mènent l'initialisation, le déploiement et l’implémentation de SIX SIGMA à travers des
organisations. Ce sont ceux qui choisissent les projets spécifiques à réaliser. Les théories, principes et
pratiques de SIX SIGMA leur sont familières. Les Champions sont choisis parmi les dirigeants exécutifs.
- Les Masters Black Belts (MBB) sont les « experts maison » de la méthode. Ils consacrent 100% de leur
temps à la démarche. Les MBB sont choisis par les Champions avec lesquels ils travaillent pour coordonner
la sélection des projets et la formation.
- Les Black Belts (BB) pilotent des projets spécifiques. Comme les MBB, ils ont donc de solides
connaissances en techniques statistiques comme en management et travaillent à 100% de leur temps sur ces
projets. Chaque BB travaille sous la responsabilité d’un MBB.
- Les Green Belts (GB) pilotent des projets de plus petite envergure qui ont trait à leur travail quotidien ou
jouent un rôle de support pour un projet d’un BB. Ils aident aussi au déploiement des techniques SIX
SIGMA. Ils consacrent une partie de leur temps à ces projets.

N. HARRY et R. SCHROEDER ont énoncé les principes de réussite de l’implémentation de SIX SIGMA
[HARRY and al 2000] dont deux sont supplémentaires à SHAININ :
- La présentation de « success stories » pour montrer les résultats obtenus
- Des benchmarking internes et externes des organisations, des produits, des process et des services

Ces deux propositions permettent de diffuser les améliorations obtenues sur un processus particulier : toute
l’entreprise bénéficie ainsi du travail réalisé par l’équipe de projet.

2.5 Conclusion
SHAININ et SIX SIGMA sont deux méthodes ayant exactement la même philosophie : il faut se baser sur des
faits, des preuves, des données et étendre ce mode de pensée à toute l’entreprise pour créer ainsi une véritable
culture d’entreprise : la formation doit couvrir tous les niveaux.

Les deux points forts de SIX SIGMA résident avant tout dans son organisation très cadrée et la puissance
statistique de ses outils.

Quant à SHAININ, bien que moins populaire que SIX SIGMA, son avantage majeur reste ses outils originaux,
simples et basés sur le bon sens ainsi que le guide d’enchaînement de ceux-ci.

-8-
BIBLIOGRAPHIE
1 SHAININ
[BOTHE 2000] BOTHE K.R., BHOTE A.K., World Class Quality. Using Design of Experiments to Make it
Happen, Second Edition, Editions AMACOM, 2000

[LEDOLTER and al 1997] LEDOLTER J., SWERSEY A., Dorian Shainin’s Variables Search Procedure : A
Critical Assessement, Journal of Quality Technology, Vol. 29, No. 3, JULY 1997, pp 237-247

[SHAININ D. and al 1990] SHAININ D., SHAININ P.D. Analysis of Experiments, 44th Annual Quality
Congress, May 1990, San Francisco CA, Vol. 0, No. O, MAY 1990, pp 1071-1077

[SHAININ P.D. and al 1997] SHAININ P.D., SHAININ R.D., NELSON M.T., Managing Statistical
Engineering, 51st Annual Quality Congress Proceedings, May 5-7, 1997, Orlando, FL, Vol. 0, No. 0, MAY 1997,
pp 817-832

[SHAININ P.D. 1993] SHAININ P.D., Managing Quality Improvement, 47th Annual Quality Congress, May
1993, Boston MA, Vol. 0, No. O, MAY 1993, pp 554-560

[SHAININ R.D. 1995] SHAININ R.D., A Common Sense Approach to Quality Management, 49th Annual
Quality Congress Transactions, May 1995, Cincinnati OH, Vol. 0, No. O, MAY 1995, pp 1163-1169

[SHAININ R. 1993] SHAININ R., Strategies for Technical Problem Solving, Quality Engineering, Vol. 5, No.
3, JANUARY 1993, pp 433-448

2 SIX SIGMA
[BERGER 2002] BERGER A., Six Sigma : un échelon en plus dans la productivité ?, Journal d'Information
Technologique de Haute-Savoie, No.57, JANVIER 2002

[ECKES 2001] ECKES G., Objectif Six Sigma, Editions Village Mondial, 2001

[HAHN and al 2000] HAHN G. J., DOGANAKSOY N., HOERL R., The evolution of Six Sigma, Quality
Engineering, Vol. 12, No. 3, MARCH 2000, pp 317-326

[HARRY and al 2000] HARRY N., SCHROEDER R., Six Sigma. The breakthrough management strategy
revolutionizing the world’s top corporations, Editions CURRENCY DOUBLEDAY, 2000.

[PIZDEK 2001] PIZDEK T., The Six Sigma Handbook, Editions Quality Publishing

[SANDERS and al 2000] SANDERS D., HILD C., A discussion of strategies for Six Sigma implementation,
Quality Engineering, Vol. 12, No. 3, MARCH 2000, pp 303-309

-9-

Vous aimerez peut-être aussi